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 Les Portes V - La Chute du Roi Sadique

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Aubépine Percefeuille
~ Magicien ~ Niveau I ~

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◈ YinYanisé(e) le : 23/04/2023
◈ Activité : Étudiante à Basphel
Aubépine Percefeuille
Sam 25 Nov 2023, 22:02


Les Portes V - Le Roi sadique
Aubépine dans le rôle d'Olivette

Rôle:
Une secousse particulièrement violente tira brusquement l’adolescente du cauchemar qui faisait rouler des perles de sueur sur sa peau pâle. Le cœur battant à tout rompre, elle se rassit, tâtant les coussins autour d’elle pour reprendre pied avec la réalité. Le sommeil l’avait enveloppée comme un lourd manteau d’hiver peu de temps après que la calèche ait démarrée.
Dans une brume angoissante, elle avait vu sa sœur se débattre sur un lit aux draps défaits, la transpiration collant ses mèches blondes sur son front, pieds et poings maintenus par les bâtards d’Uobmab qui se gaussaient d’un rire sinistre de son impuissance. Olivette flottait au-dessus de la scène, vociférant des insultes et des supplications muettes, aussi intangible qu’un fantôme. Le regard fou de Merlin habitait les yeux de ses cousins, la clouait sur place, lui liait les mains aussi sûrement que celles des bâtards sur les poignets et les chevilles de Stéphanette. Alors l’épervier bleu avait fait trembler la scène dans une tornade de plumes au bord aussi acéré que des lames de rasoir et d’un geste avait pourfendu la blondinette, l’avait planté dans son lit-cercueil, réduisant ses hurlements de terreur à néant.

Olivette se massa les tempes, se forçant à contrôler sa respiration et à dissiper la panique qui pulsait dans tout son corps. Il s’était passé tant de choses en si peu de temps et le manque de sommeil aidant, son cerveau avait décidé de traiter les informations de la pire façon possible, faute d’avoir pu le faire à tête reposée. Rien de tout cela n’était réel, pas encore, pas si elle pouvait l’en empêcher, pas tant qu’elle serait vivante. Il est vrai que la mort du tyranneau ne présageait pas forcément un meilleur avenir pour Lieugro dans l’immédiat, car un autre usurpateur avait d’emblée pris sa place et deux autres attendaient leur chance, un pied dans l’ombre et l’autre dans la tombe. Qui sait combien d’autres sauvages d’Uobmab grouillaient au sein du royaume en ce moment même ? Il n’était pas exclu que Judas aient pondu d’autres rejetons, légitimes ou non, prêts à se disputer la couronne si elle pouvait leur accorder la reconnaissance de leur père. Est-ce que ce dernier viendrait la chercher lui-même si tous les autres échouaient ? Avec un peu de chance, ces barbares sanguinaires s’entre-tueraient dans leur lutte pour le pouvoir ; c’était bien parti pour, après tout.

Malgré tout le mépris que lui inspirait cette lignée maudite, Olivette ne pouvait s’empêcher d’éprouver une certaine satisfaction à l’idée que Merlin ait connu sa fin aux mains de sa propre sœur – et ancienne fiancée. Elle le revoyait encore lors de cette funeste réception pérorer comme un jeune coq, fier et flamboyant dans sa bêtise brute, certain que les courbettes et la soumission de leur peuple lui étaient dues et acquises, prêt à faire abattre le couperet sur les nuques qui ne descendraient pas assez bas pour son plaisir.
Dire que sa propre mère avait rêvé de faire de sa propre fille un de ses jouets personnels ; oh, comme elle sera dévastée lorsqu’elle apprendra la nouvelle !
Un sourire franc et un peu dément déformait le jeune visage de la d'Ecirava. Comment était mort cet avorton ? Avait-il pu discerner les traits de sa traîtresse de sœur avant de pousser son dernier soupir ? L’avait-il imploré, avait-il pleurniché ? Milles morts et milles souffrances ne seraient pas suffisantes pour expier ses péchés et purifier sa lignée, mais l’imaginer mouiller ses culottes à la vue de la vengeresse était délicieusement risible. Peut-être avait-il abusé d’elle, comme il avait abusé de tant de femmes et de filles. Si Olivette avait été choquée comme tout le monde par la façon qu’avait eue Zébella d'exécuter son violeur, elle n’avait jamais mis ses paroles ni ses intentions en doute, et une infime partie d’elle avait joui de cette violence assumée.

La voix du cocher retentit soudain, interrompant ses tergiversations. À la fenêtre, les allées familières qui menaient à la résidence des d’Ecirava défilaient lentement.
La jeune fille se mit immédiatement en quête de la matriarche. On lui fit savoir qu’elle n’était pas dans son bureau, comme elle s’y attendait, mais dans les jardins.
Elle n’était en réalité pas au bout de ses surprises, elle qui pensait en avoir eu sa dose pour l’année : sa mère était encore en tenue de nuit et buvait avec Doléas. C’était parfaitement absurde, et Olivette cligna des yeux à plusieurs reprises, se demandant si la scène qui s’offrait à elle se dissiperait dans l’air comme l’avait fait son mauvais rêve un peu plus tôt. Mais non ; les deux silhouettes restèrent ancrées dans la réalité, au même titre que les arbres, les buissons et les massifs de fleurs qui ornaient le jardin. Penchés au-dessus de la table, sa mère et le jardinier se tenaient les mains et s’échangeaient des regards et des paroles qu’elle ne pouvait encore intercepter. L’ambiance était intime, feutrée. Un peintre s’en serait donné à cœur joie.
Olivette ravala l’exaspération qui montait en elle et haussa les épaules ; elle savait que leurs parents ne filaient pas le parfait amour dont pouvait rêver les jouvencelles comme son aînée, mais elle ne se serait jamais doutée que sa mère, si soucieuse des apparences, fauterait de façon si flagrante avec un de leurs propres domestiques. Enfin, c’était leurs affaires. C’était fâcheux qu’aujourd’hui soit le jour où elle les prenne ainsi en flagrant délit ; elle n’avait pas besoin d’entendre sa mère se confondre en excuses ni qu’elle se braque alors qu’elle avait besoin de s'entretenir avec elle au sujet de choses bien plus importantes qu'une idylle adultère.

Sans plus de cérémonies, la petite brune traversa le jardin et se planta près de la table. « Mère… Maman. Ressaisissez-vous. » D’un geste autoritaire, elle confisqua le verre et la bouteille, dont l’odeur la fit grimacer. Elle ne lui laissa pas le temps de réagir et enchaîna impitoyablement : « Merlin est mort… mais vous le saviez, n’est-ce pas ? » ajouta-t-elle, avisant soudain le papier froissé sur la table. C’était un soulagement et sans doute la raison pour laquelle sa mère buvait si tôt dans la journée. « Je suppose que vous réalisez maintenant que si vous aviez mené vos plans à bien, c’est peut-être la perte de Stéphanette ou la mienne que auriez eu à déplorer, ce matin. » Elle aurait voulu croiser les bras sur sa poitrine ou plaquer ses mains sur la table pour appuyer son discours, au lieu de quoi elle se retrouvait bêtement les mains prises. Son regard, d’un vert d’acier, prit le relais. « Maman, ce que je vais vous dire aujourd’hui... je suppose que je peux vous le confier sans avoir à me museler ? » Pour la première fois, l’adolescente jeta un coup d’œil à Doléas. Au diable la prudence ; elle était fatiguée de chuchoter. « Vous le savez maintenant, non… vous l’avez toujours su. Les d’Uobmab sont des monstres qui ne s’arrêtent à rien pour accroître leur pouvoir. Il n’y a pas à marchander avec eux, personne n’est à l’abri, pas même notre famille, quoi que vous fassiez pour la protéger. Notre Royaume… ils l’aviliront et le mettront à feu et à sang, il n’en restera plus rien, plus que des cendres et des cadavres, les survivants rien de plus que leurs prisonniers et leurs esclaves. » La colère faisait trembler sa voix ; les mots jaillissaient comme des gerbes de rage, brûlantes et acides, éclaboussant tout autour d’elle. « Merlin est tombé, mais sa sœur a pris sa place, et rien ne changera. Le peuple préfère fermer les yeux en prétendant somnoler, mais c’est la peur qui leur cloue les paupières, quand les nobles se taisent par convoitise et rapacité. Quelle que soit la raison, c’est tout le Royaume qui finit engourdi, sourd et aveugle ; et cette indolence causera notre perte à tous. » Olivette, qui avait baissé les yeux sur ses poings serrés, les releva soudainement vers sa mère. L’espoir y brillait, mêlé à la douleur et l’appréhension. « Mais vous, Maman, vous pouvez contribuer à changer ça. Avec votre journal et vos connexions, vous pouvez instiller le doute chez les Lieugrois, les réveiller à force de sous-entendus habilement glissés ça et là, nourrir petit à petit le feu de la révolte. Ce ne serait qu’un début, évidemment. Une action parmi tant d’autres. Pour préparer le Royaume de Lieugro au retour des véritables détenteurs de la couronne. » La fin de sa tirade s’était faite implorante. Il fallait qu’aujourd’hui au moins, sa mère lui fasse confiance, qu’elle la considère comme son égale et non plus comme une petite fille à contrôler et à mettre en sûreté.

Message IX - 1447 mots


Les Portes V - La Chute du Roi Sadique - Page 12 Ziy3

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Lyz'Sahale'Erz
Dim 26 Nov 2023, 00:11



Le Roi sadique



À peine ma question hors de mes lèvres, je testai la pression qu’elle exerçait sur mes doigts. Mes yeux plongèrent dans les siens, au plus profond de ses ténèbres. J’avais la sensation de la percevoir comme elle était réellement : un monstre, de la même espèce que moi. Dans ses iris bleus, un océan nourri de la souffrance d’autrui semblait contenir les cris de ceux qu’elle avait un jour exécutés ou fait exécuter. Cette femme était dangereuse. Je lui souris cependant et allai même jusqu’à la quitter un instant du regard pour évaluer la situation du côté de la Reine. Je rencontrai ses prunelles. Elle semblait déterminée mais ça ne suffirait probablement pas. Les doigts d’Ange-Lyne sur les miens étaient positionnés d’une façon stratégique et ce fut ainsi que je compris les choses : elle ordonnait et Arcange obéissait. Elle dominait, d’une manière ou d’une autre, qu’il la respectât, lui dût quelque chose ou l’aimât. Il y avait mille manières de soumettre un être à ses volontés, de façon plus ou moins conscientisée par l’autre. Dans ma réflexion, la situation me paraissait plus claire que jamais : Ange-Lyne demanderait à Arcange de tuer Zébella et m’empêcherait de la défendre à temps d’une pression sur mon arme. Les secondes s’écoulèrent lentement dans mon esprit. Je n’avais pas le temps de demander une quelconque permission. « Je le crois oui. » me répondit-elle, toujours charmante, juste avant que les mots de la Souveraine ne retentissent. Je fis glisser la lame présente dans la manche de mon vêtement et, d’un mouvement discret, en posai la pointe sur le ventre de la blonde de façon qu’elle la sentît bien. Mon expression demeura neutre, seuls mes yeux lui donnèrent un semblant de réponse. Je savais et elle sut que je savais. Si elle restait sur son idée, Arcange toucherait probablement Zébella mais elle mourrait très certainement. Son faciès changea. Sans doute envisagea-t-elle un instant que nous eussions pu prévoir une attaque et n’être pas venus aussi démunis que nous le parussions. Je vis le doute se frayer un chemin en elle. Plus que le voir, je le sentis. Une nouvelle fois, je me demandai en combien de temps elle succomberait à la drogue. « Réfléchissez à mon offre. » murmura-t-elle, en tentant de dissimuler ce qu’il se passait entre nous. Je sentis le danger se dissiper et eus la certitude que nous en resterions là. Je retirai mon arme et la fis glisser de nouveau dans les lanières qui entouraient mon avant-bras silencieusement. « Au plaisir, Majesté. » répondit la blonde alors que je suivais Zébella. Je m’interrompis et arrêtai un moment mon regard sur elle avant de lui sourire. « Au plaisir de vous voir manier vos pinceaux. Je vous apprendrai peut-être à manier ma lame. » lui dis-je.  Puis, j’attardai mon regard sur son frère avant de m’éloigner. Était-il attaché à elle au-delà du raisonnable ou le tenait-elle autrement ?

______

Je jetai une œillade à Zébella lorsqu’elle parla enfin. La réalité était effectivement tout autre. Je restai muet, le temps de l’écouter. Il me semblait clair que nous dussions les tuer l’un et l’autre. « Je crains qu’ils soient difficiles à séparer. » C’était d’ailleurs ce qui semblait avoir éveillé la tension. « Il me faudra du temps pour étudier la question mais leur relation va au-delà de ce qui est normalement attendu entre un frère et une sœur. Ce qui est sûr c’est qu’ils sont dangereux et n’ont pas l’intention de coopérer. Soit il faudra les convaincre, soit il faudra les éliminer. » Les convaincre me semblait périlleux. Arcange n’aurait eu aucune renommée et une carrure normale, le problème aurait été moins épineux. Je songeai aux yeux d’Ange-Lyne, aux ténèbres qui y régnaient. Peut-être avait-elle elle-même allumé l’incendie qui avait propulsé son frère vers la gloire. Ce n’était qu’une hypothèse mais elle me semblait probable. J’avais beaucoup travaillé pour obtenir mon poste de Chef des Armées mais certains de mes hauts-faits n’étaient que des orchestrations ou des opportunités que j’avais saisies. Garance m’avait aussi largement aidé, parce que j’avais couché avec elle et m’étais attiré ses faveurs. Que cherchaient-ils ? Le pouvoir, ça ne faisait aucun doute. Voulait-il le trône ? Ou elle ? Pourquoi ? Venger leur lignée bâtarde ? Acquérir de quoi tenter une invasion d’Uobmab ? Obtenir de la reconnaissance ? « Elle m’a proposé de peindre mon portrait. Je pourrais en profiter pour l’assassiner. Les artistes qui succombent sous l’effet de la drogue ne sont pas si rares. Néanmoins, je pense que si nous voulons régler définitivement le problème, il faudrait plutôt faire en sorte de les retourner l’un contre l’autre. » Comment ? Je n’en savais rien mais moins nous interviendrons, mieux ce serait. Le danger restait relatif puisqu’ils n’étaient que deux mais je ne doutais pas de leur capacité à tirer leur épingle du jeu rapidement. À peine arrivés, Arcange était déjà devenu un héros aux yeux du peuple.

______

À la suite de la Reine, j’entrai dans la pièce où se trouvaient Ezidor et Nicodème. Mon regard passa sur le trésorier sans y prêter attention. Mes prunelles se plantèrent sur le médecin. Mon corps se figea, à l’image de mon expression. Puis, le trouble s’en empara. L’impression d’avoir devant les yeux un cadavre me saisit à la gorge. Je déglutis et serrai les dents. Un silence douloureux compressa ma poitrine. Les sons à l’extérieur me semblèrent disparaître, comme si de la ouate venait de me boucher les oreilles. Je n’entendis pas les bruits de mes pas sur le sol. Devant lui, mes lèvres bougèrent en une question à laquelle il ne pourrait probablement pas répondre de manière simple. « Que t’est-il arrivé ? » Pas de vouvoiement. Pas de formules de politesse. Juste l’essentiel. Une vague de haine viscérale s’invita dans mes tripes. Qui était responsable ? Merlin ? Irène ? Quelqu’un d’autre ? « Qui t’a fait ça ? » demandai-je, la voix vibrante d’une colère et d’une inquiétude mal contenues.

978 mots

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Kaahl Paiberym
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Kaahl Paiberym
Dim 26 Nov 2023, 11:56



Le Roi Sadique


J’avais toujours ressenti la tension dans le corps de mon frère avec facilité. À force de l’admirer, d’en retracer les lignes sur la toile ou directement sur sa peau, chaque centimètre de son anatomie m’était plus familier que mes propres formes. Je voyais les indices qui transformaient son être, du fait d’un événement particulier ou du temps. Chaque blessure était une excuse parfaite pour l’observer encore, mieux, plus profondément. J’étais certaine de pouvoir estimer le nombre de poils présent sous ses mollets. Je connaissais par cœur les couleurs de son être, les différentes teintes de ses joues, celles de son bassin lorsqu’il désirait, lorsqu’il jouissait et lorsqu’il s’avouait vaincu. En observant son corps, les émotions présentes à l’intérieur de celui-ci transparaissaient. Actuellement, il était en colère. Je ne pouvais pas prétendre connaître la réponse à la cause de cette ire mais, au moins, j’en mesurais l’existence et pouvais agir en conséquence. L’amertume s’infiltra dans sa voix. La tentation de répondre effrontément piqua ma poitrine mais je n’en fis rien. « Avec Childéric ? » le questionnai-je, comme si je cherchais à être sûre d’avoir bien compris de qui il parlait. La question était rhétorique. J’enchaînai donc. « Pourquoi coucherais-je avec lui ? » Je fixai Arcange, tout en rapprochant ma monture de la sienne. La paume de ma main se posa sur sa cuisse et je levai les yeux vers les siens. Il ne répondrait probablement pas. Je m’humectai les lèvres avant de reprendre une conversation plus raisonnable, basée sur nos projets. Je ne lui avais rien expliqué jusqu’ici mais mon interaction avec le Chef des Armées méritait qu’il fût au courant et, plus tard, que j’y réfléchisse. « Childéric a deviné nos intentions et pointé une arme cachée sur mon ventre. C’était trop risqué. Il n’est pas assez âgé pour que j’eusse pu prendre l’avantage sur lui. Son anatomie est bien moins impressionnante que la tienne et au jeu de la force, il ne fait aucun doute que tu gagnerais. Néanmoins, il me semble plus vif qu’il n’en a l’air et, surtout, son esprit n’est pas à sous-estimer. » En d’autres termes, il ne serait pas facile à tuer. Zébella ne le serait probablement pas non plus mais elle était bien plus jeune. Chacun de ses défauts pouvait s’avérer mortel pour elle. L’imprudence et la fougue qui caractérisaient son âge n’allaient pas dans le sens d’une vie longue et épanouie en tant que Reine. « Il valait mieux temporiser. » Surtout, j’avais eu une idée. Il fallait simplement la mettre à exécution intelligemment. « Tu as raison. Je n’avais pas l’intention de la laisser nous séparer mais il vaut mieux parfois acquiescer. Elle m’a demandé d’organiser un tournoi. Nous profiterons de ce dernier pour en finir. Jusque-là, il faudra nous montrer prudents. Elle risque de vouloir nous éliminer, surtout si Childéric parle. » Je me penchai vers lui. « Nous allons réitérer ce qu’il s’est passé sur le domaine des De Tuorp mais à plus grande échelle. Et lorsque les villages crameront et que la panique s’installera, nous assassinerons la Reine et ses chiens. Nous prendrons le pouvoir. » Il nous faudrait néanmoins des soutiens. Une question demeurait dans mon esprit : Childéric était-il encore corruptible ou faudrait-il l’éliminer lui-aussi ? Je ne voyais que deux solutions : arriver à le convaincre ou le tuer.

_________

Le marché battait son plein, comme le cœur des jouvencelles pour Arcange. « Tu devrais sourire davantage. » intimai-je à mon frère, en contemplant les regards admiratifs. « Toutes ces femmes se touchent le soir en pensant à toi. » Je ressentais une réelle satisfaction devant la popularité du blond. Il avait émis le souhait de devenir Roi et j’allais le conduire à son objectif pas à pas. La popularité de mes tableaux avait déjà grimpé en flèche depuis l’incendie. Qu’importassent les éléments macabres sur la plupart d’entre eux, le corps du héros se vendait à merveille. Plus il était dénudé, plus les prix s’emballaient.

Au détour d’un chemin, mon attention se focalisa sur une tête aux cheveux dorés. « Tiens ? Ne serait-ce pas Stéphanette d’Ecirava ? » Je lui indiquai la frêle créature. À côté de lui, elle paraissait encore plus fragile. « Accompagnée visiblement. » ajoutai-je. Ce brun ne me disait rien. Un ami plus âgé peut-être ? Dans tous les cas, il était bien imprudent de laisser l’adolescente se promener ainsi, bien que des gardes semblassent l’accompagner. Étaient-ils là pour elle ou pour lui ? Qui était-il ? « Allons à sa rencontre. » Je souris. « Peut-être que les d’Ecirava voudront que tu l’épouses ? J’ai toujours rêvé de peindre les déboires sanglants d’une femme ravagée et assassinée par son mari. » Les idées fusèrent mais je ne les laissai pas m’emporter avec elles trop profondément. Avec un air avenant, j’initiai l’échange. « Demoiselle d’Ecirava ? » l’interpellai-je, comme si je n’étais pas certaine qu’il s’agît bien d’elle. « Oh ! » Je tournai les yeux vers Arcange. « Tu avais donc raison ! Je n’aurais pas dû douter de ta capacité à la reconnaître. » Je ramenai mon attention sur la blonde. « C’est amusant, nous parlions justement de vous et de votre aide durant l’incendie. Ce mouchoir est devenu si précieux à mon frère qu’il a été difficile de le convaincre de le rendre. » Je ris et me tournai vers l’accompagnateur. « Excusez-moi, je ne crois pas m’être présentée. Je suis Ange-Lyne Recknofed et voici Arcange, mon frère, que votre accompagnatrice a aidé durant l’incendie. »

898 mots
Rose-Abelle (Ange-Lyne):

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Jil
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Jil
Dim 26 Nov 2023, 17:28


Les Portes V - La Chute du Roi Sadique - Page 12 Uj94GWA
Les Portes V - Le Roi sadique
Jil, dans le rôle de Noée





Rôle:

L’insoutenable tension qui règne dégénère plus rapidement que prévu. Si Noée s’attendait jusqu’ici à les voir s’entredéchirer autour de petits fours, elle réalise soudainement en voyant partir Elzibert qu’elle a surestimé la capacité de cette famille dysfonctionnelle à avoir une discussion à cœur ouvert sans fuir à la première contrariété. Curieux, se dit-elle, d’avoir le courage d’épouser sa propre sœur, mais pas assez de tripes pour affronter les remarques acerbes d’une gigolette usée et vieillissante. Preuve, s’il en fallait, qu’il n’y a qu’un pas de la vaillance à l’impétuosité. Doléas n’a jamais fait ce genre de scène : il est peut-être un plus vieux, mais elle ne lui aurait jamais laissé l’occasion de se montrer aussi pleutre face à la contrariété. En y repensant, c’est peut-être ce qu’il serait devenu s’il avait grandi auprès de sa véritable mère, Ezémone d’Ecirava. Encore une victime du charme étrange qu’exerce Gustave, et qui semble faire graviter autour de lui toutes les femmes à la volonté fatiguée et à l’amour-propre vacillant. Peut-être, réfléchit la servante, qu’une fois ce queutard en dehors du tableau, elle trouvera le chemin de la dignité – comme Adénaïs. En posant son regard sur la chaise vide que laisse le fils De Tuorp, elle se surprends à songer à son fils adoptif, qui mérite certainement bien plus de s’y asseoir et de profiter d’un repas fastueux. Elle lorgne sur l’assiette, à peine entamée, et à cette nourriture qui sera plus tard récurée par les serviteurs.

Il suffit de ce bref moment d’inattention pour qu’Hermilius et Yvonelle ne se lèvent à leur tour. Sans réfléchir, Noée serre le poing, et fronce les sourcils. Ils sont en train de tout gâcher. C’est à leur tour d’être écrasés par la honte et l’accablement, et les voilà qui s’enfuient comme de véritables adolescents ! L’écervelée incestueuse, passe encore, mais l’autre bellâtre à la langue agile, n’est-il pas capable de rester en place jusqu’au dessert ? Ils s’enfuient avant que ni Gustave, ni son invitée agitée n’aient le temps de tenter de les retenir. Elle glisse un coup d’œil agacé en direction d’Adénaïs. Aurais-ce été si compliqué de tenir sa langue pendant encore quelques minutes, le temps que l’élixir ne fasse effet ? On entend déjà, à la voix du maitre des lieux par intérimaire, qu’il commence à craquer et à se laisser aller, et pourtant voilà plus de la moitié de la tablée qui s’en va. L’espionne inspire silencieusement pour se reprendre. Tant pis. Au moins, il crachera peut-être quelque chose d’intéressant avant que l’on n’amène le digestif. À ce stade, les serviteurs se font rares ; après ce lavage de linge sale en public, tout le monde semble avoir bien compris qu’il vaut mieux laisser les bourgeois s’écharper en paix.

Droite et tendue, Noée fixe un point dans le vide, à l’écoute de tout ce que pourrait avouer Gustave. Heureusement pour elle, il semble particulièrement loquace : n’importe qui de versé dans le sujet comprendrait rapidement qu’il est sous l’emprise d’un stimulant. Il lui parle et semble ne jamais vouloir s’arrêter. Quelque unes de ses phrases couvent effectivement un aveu en demi-ton, mais rien qui n’admette réellement de quel bois pourri il est fait. Entre deux rires nerveux, il en profite pour déballer toute une série de compliments à la veuve, et de couronner ça par une déclaration d’amour. Est-ce qu’il n’est pas sensible à l’élixir ? On dirait qu’il se moque d’elle. La servante est maintenant prête à bondir au moindre signe d’accusation. Est-ce qu’il s’est prémuni des effets de la potion, en sachant qu’il risquait d’y être soumis ? Impossible : elle n’en a parlé à personne, elle a même laissé son armée de serviteurs ralliés à sa cause dans l’ombre. Pourtant il ne semble pas s’arrêter, tout sourire : on dirait vraiment qu’il est sous l’effet d’un sérum de vérité, mais rien de ce qu’il dit n’a de sens. Il devrait avouer sa perversité, la hâte avec laquelle il pourrait la violer et la frapper s’ils se retrouvaient un instant seul dans la pièce ; il devrait raconter les orgies impies et contre-nature qu’il organise avec Hermilius, l’état maladif des prostituées qu’il laisse dans sa chambre, désarticulées sur le lit, comme des marionnettes brisées ! Une sueur froide dégouline dans le dos de la servante.

Il continue un instant de parler avec Adénaïs, avant d’évoquer le verre d’alcool : pendant un quart de seconde, Noée s’apprête à lui sauter dessus pour le maitriser. Il reste assis là, les yeux fermés. D’un geste discret, elle ordonne aux serviteurs encore présents de sortir. À leurs œillades inquiètes et interrogatrices, elle répond avec un regard noir intransigeant. Soudain, il se lève. « J’ai l’impression d’être drogué », dit-il, comme s’il avait besoin d’un coup de marteau supplémentaire pour enfoncer le clou de son accusation. Il n’en faut pas plus ; Noée comprends très bien. Après toutes ces années, après toutes ces conspirations, il lève enfin le voile sur cette mascarade. Glaciale, elle répond d’un ton monotone :

— « Bien, monsieur. »

Quoi qui se déroulera à présent, cela se déroulera dans l’intimité. Il n’est peut-être qu’un serpent visqueux et trompeur, mais on dirait qu’il souhaite réellement épargner un affrontement brusque et violent à la veuve éprouvée. Il lui adresse encore quelques mots, avant de prendre congé. Dans l’esprit de l’espionne, tout se passe désormais au ralenti. Il va surement aller jusqu’à son salon privé. Elle doit le prendre par surprise. Il ne sera pas dur à maitriser. Il imagine surement qu’elle n’a que le poison à sa disposition, sans savoir qu’elle est capable de le faire hurler avec deux doigts. Même au bord de son inévitable chute, il se montre encore bien trop orgueilleux. On verra. On verra bien quand elle… Non, quand je lui aurais fait subir la même chose que cet idiot d’Ezidor. Je l’obligerai à contempler ses parties génitales, flottant dans un bocal à côté de celui où se trouvent celles du médecin. Il y sera bientôt rejoint par Hermilius, et ce chancre de Merlin. Dieux, que j’espère qu’ils n’ont pas encore brûlé son corps. Nous y sommes presque. Encore un peu, et Garance reprendra le trône. Encore un peu, et je récupèrerai mon Childéric des griffes de toutes ces catins affamées. Tiens. En parlant de catin, j’entends la voix criarde de celle qui a ruiné mon plan m’appeler. Est-ce qu’il y a une once de vérité dans ces propos ? Définitivement aucune.

— « Je ne sais pas, madame. Je vous apporte ça, madame. »

J’ai quelque chose de tout indiqué pour son mal de tête. En quelques pas, je passe dans son dos, et je me saisis d’un lourd plateau de service en argent ; de toutes mes forces, je l’abats sur le sommet du crâne de l’affreuse empêcheuse de tourner en rond. Un bruit sourd retenti, et elle s’affale à terre. Je dépose le plateau tordu sur la table, avant de me pencher sur elle.

— « Plus jamais tu ne poseras un doigt sur Childéric. »

Je siffle deux servantes qui doivent attendre dans une petite pièce à côté, et d’un regard, je leur intime de garder la bouche close. Qu’on m’épargne leur air choqué : tout le monde devait s’attendre à ce qu’inévitablement, la justice soit faite chez les De Tuorp.

— « Emmenez madame dans une des chambres d’amis à l’étage. Il semblerait qu’elle ait fait un malaise. Pensez à fermer la porte à clef, afin que personne ne la dérange pendant qu’elle se remet. »

Et maintenant, l’autre. La perfide vermine m’a lancé une invitation, et j’ai bien l’intention d’y répondre. Dans mon dos, quelques murmures paniqués, alors que je m’élance vers les appartements en faisant claquer mes talons. Ce soir, je mets un point final aux horreurs de Gustave De Tuorp. Si tu ne veux pas laisser l’élixir faire son travail, je te ferais cracher moi-même la vérité, même si je dois l’extirper de tes entrailles.


1320 mots
Petit résumé important :



Les Portes V - La Chute du Roi Sadique - Page 12 3TFZNQ
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Lana Kælaria
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Lana Kælaria
Dim 26 Nov 2023, 22:51




Le Roi sadique

En groupe | Lana


Rôle - Yvonelle d'Etamot (mariée de Tuorp) :


Yvonelle regardait le paysage défiler par la fenêtre, rythmé par la musique étouffée des sabots sur la terre battue. Le menton appuyé dans une paume, le coude reposant sur le rebord de la portière, elle écoutait d’une oreille distraite ce que disait Elzibert. Bien qu’elle n’eût jamais eu l’audace de nier leur importance, l’avenir du royaume et la géopolitique régionale apparaissaient à l’arrière-plan de la toile de ses préoccupations. Sa main libre pianotait un air sur sa cuisse, signe de nervosité qui l’accompagnait depuis des années. Le futur l’angoissait. Le souvenir des doigts d’Elzibert sur sa cuisse, sous la table, diluait à peine l’écho des propos d’Hermilius. Soudainement, elle regrettait d’être enceinte. Elle avait cru pouvoir s’en servir d’un levier contre le brun, d’un ciment pour réassembler ce qu’il avait brisé entre eux, ce qui était brisé en lui, mais le conseiller avait raison. Tant que l’enfant serait dans son ventre, elle maîtriserait plus ou moins la situation. Son accouchement altérerait le rapport de force. Mais lui voulait-il vraiment du mal ? Ne souhaitait-il pas arranger les choses ? Au moins un peu ? Il l’aimait, non ? Quand des pics d’anxiété grimpaient dans sa poitrine, elle en venait pourtant à se dire qu’ils n'auraient jamais dû se marier. Elle avait cru accéder à un bonheur capable de chasser toutes leurs souffrances et jouir enfin d’une liberté si souvent fantasmée, aux côtés d’Elzibert et face au monde, une liberté au sein de laquelle ils pouvaient dévoiler leur amour. En vérité, elle s’était bercée d’illusions et l’union l’avait enferrée. Elle se sentait coincée. Son frère la battrait-il comme Gustave frappait parfois Eléontine ? Cette simple pensée la révoltait ; d’une part parce qu’elle ne voulait pas l’en croire capable, et d’autre part parce qu’elle refusait de souffrir une telle humiliation. Ses tromperies et sa volonté de gérer un bordel sadomasochiste outrepassaient déjà ses limites. Elle rêvait de faire carrière dans le domaine musical. Pour quoi passerait-elle ? L’épouse d’un proxénète brutal, qui la menaçait avec leur enfant et la trompait avec la moindre paire de hanches qui se glissaient entre ses mains, ces mains qui estampillaient son corps de marques bleutées ? Elle serra les dents et déglutit. Ils allaient discuter. Peut-être accepterait-il de revoir ses ambitions et de modifier son comportement, pour ne pas la perdre ? Pour qu’ils pussent élever leur enfant dans des conditions décentes ? Ou peut-être qu’Hermilius lui avait menti ? Pourtant, jusqu’ici, ce qu’il lui avait dit s’était révélé vrai, et il n’avait jamais cherché à le mettre en difficulté. Là où ses doigts avaient dessiné sa mâchoire, sa peau la brûla. Elle passa sa main dessus, avant de lui jeter un bref coup d’œil quand son rire s’éleva. Ses iris cisaillèrent son visage à la manière d’un artiste face à sa statue. Cet homme constituait une énigme. Une partition sibylline, dont le décryptage éprouvait la finesse de son doigté de musicienne. Il semblait capable de s’amuser de tout ; tout le sérieux qu’il pouvait convoquer s’évaporait souvent derrière un sourire taquin ou une étincelle espiègle accrochée à son regard noisette. Le sien s’embrasa soudain, piqué de trouble par sa dernière phrase. « Vous avez des pratiques douteuses. » Les mots étaient sortis d’eux-mêmes. Gênée, elle se détourna, plantant ses prunelles sur la verdure des champs écrasée par le soleil.

Sa contemplation dévote ne dura que quelques secondes, interrompue par l’exclamation d’Elzibert. Elle le regarda, plusieurs plis marquant son front, entre l’étonnement et l’appréhension. « Me dire quoi ? » Son regard alla de l’un à l’autre des hommes, avant de se fixer sur son mari. Elle cligna des yeux. Des deux filles d’Ecirava, Stéphanette était connue pour sa frivolité – et Yvonelle l’avait déjà soupçonnée d’entretenir une forme de convoitise à l’égard de son époux –, mais lorsque le nom d’Olivette tomba, elle haussa un sourcil surpris. « Irène ? » La stupéfaction s’évanouit aussitôt. La blonde ne put se retenir de rouler des yeux. Dans d’autres circonstances, elle aurait pu rire des quiproquos provoqués par la jeune femme mais, depuis le bal, son indifférence avait été chassée par la blessure tenace que son rapprochement avec Elzibert avait ouverte en elle. On insultait souvent leur mère, mais la d’Errazib ne valait guère mieux. C’était à croire que sa folie la protégeait de bien des médisances. Écrivait-elle en son nom à elle ? De toutes les lettres qu’elle avait décachetées, jamais elle n’était tombée sur un faux paraphé de son patronyme. « Hum. Je t’assure qu’elle aime les hommes. » La jeune femme croisa les bras et se redressa dans son siège. Il n’y avait qu’à voir comment elle l’avait dévisagé, lui, comment elle lui avait tourné autour lors de la réception chez Gustave. Depuis l’estrade, il lui avait été impossible de ne pas les voir. À l’instant où Irène était apparue, Elzibert avait cessé de la regarder. Le souvenir de cet instant perfora sa poitrine. Elle se demanda si, devant la folle et l’autre femme, il avait hésité à les rejoindre. S’il l’avait fait. Ses phalanges se crispèrent autour de ses côtes. Si Ezidor pouvait avoir la brillante idée de découper son épouse, elle ne manquerait pas de le remercier chaleureusement. Comment son frère pouvait-il entamer un semblant de repentir et, quelques minutes après, évoquer une femme qu’il avait espéré mettre dans son lit et s’extasier sur les lettres enflammées qu’elle écrivait, en sa présence et devant une tierce personne ? Arrivait-il à bander durablement quand il pensait aux mots crus d’Irène d’Errazib ou son épée se transformait-elle aussi en vulgaire vers de terre avant que quiconque eût pu en jouir ? Il lui donnait envie de le frapper, de se mettre à crier à nouveau, de l’insulter jusqu’à ce que son imagination eût épuisé toutes ses ressources en la matière.

Elle releva les yeux vers Hermilius. La colère faisait briller ses prunelles et projetait sur ses joues de vives touches de couleur. Une autre forme de chaleur s’y adjoignit, et sa langue se délia une nouvelle fois avant qu’elle ne lui en eût donné l’ordre. « C’est une bonne idée. » Elle décroisa les bras et lissa sa jupe. Une flamme flamboya dans son regard, éclairant ses sombres pupilles. « Quand on est un jeune homme apparemment bien sous tous rapports, comme Elzibert, par exemple, il est aisé de séduire et d’être cru quand on fait vœu de sincérité. Mais il est vrai qu’à cause de votre réputation volage, si j’étais à la place de cette femme, je me méfierais aussi. Sans vouloir vous offenser, bien sûr. Je pense simplement que vous devriez mettre toutes les chances de votre côté. Montrer patte blanche et vous dévoiler un peu. » Elle lui sourit, souhaitant se donner un air encourageant. L’impression qu’Elzibert se moquait d’elle la rendait subitement joueuse à son tour. Puisqu’il passait son temps à s’amuser, elle pouvait bien s’y adonner un peu. Peut-être que cela l’arracherait à son attitude déplaisante et lui rappellerait l’époque où il avait besoin de lui courir derrière – s’il comprenait de quelle femme Hermilius parlait. Elle aimait bien cette ambiguïté qu’il laissait planer. À la fois effrayante et plaisante, elle lançait son cœur au rythme de l’adrénaline. Elle avait envie de jouer avec elle, de faire chanter ses cordes et résonner ses touches. Les jeux, de toute façon, n’engageait à rien. C’était pour cette raison qu’Hermilius s’y vouait corps et âme. Il était libre et sans attache et, à cet instant, elle l’enviait plus que jamais.

La calèche ralentit, jusqu’à s’immobiliser. Les bottes du cocher claquèrent contre les pavés alors qu’il sautait au sol pour ouvrir les portières. Quand Elzibert fut descendu, elle plaça sa main dans la sienne pour le rejoindre. En croisant son regard, elle se demanda si, au plus profond d’elle-même, elle avait envie d’essayer de continuer avec lui. De prendre le risque. À chaque fois qu’il lui donnait un peu d’espoir, il le piétinait allègrement. Elle l’aimait et souhaitait que les choses fonctionnassent, mais ce n’était sans doute pas suffisant. Il fallait qu’il le voulût aussi, sincèrement, et qu’ils parvinssent à trouver un accord. Elle regretta presque sa véhémence envers Adénaïs, avant de chasser son visage de ses pensées. Elle ne voulait pas songer à sa mère ; ni à elle, ni à Déodatus, ni à Natanaël, ni à Rosette, ni à tous ces fantômes qui peuplaient sa vie et menaçaient de troubler la paix que son déni avait savamment érigée. Devant les portes du palais, elle s’arrêta face aux gardes. Après quelques explications, ils les laissèrent passer. La blonde s’engouffra dans les corridors, en chemin vers la salle qu’on leur avait indiquée. « Si la discussion s’y prête, j’essaierai sans doute de voir ce qu’il est possible de faire pour ma musique. » dit-elle tout haut, surtout à l’intention d’Elzibert. S’ils discutaient, ils devraient parler de cela, de son désir de s’émanciper financièrement – autant de Gustave que de lui. Sa participation au concert, chez les de Tuorp, lui avait permis de séduire un premier public. Depuis leur dispute de la veille, elle était d’autant plus déterminée à persévérer dans cette voie. « Messire d’Ecirava est le mécène de plusieurs artistes. » Rencontrer sa femme pouvait aussi être une bonne idée. Elle devait connaître du monde et pouvait éventuellement accepter de faire sa promotion dans son journal. « Et peut-être que sa Majesté est plus à l’écoute des arts que son frère. » Elle coula un regard vers l’ex-conseiller. Elle espérait que Zébella était tout simplement plus compréhensive – quoi que la réputation des Uobmab n’allât pas en ce sens. Elle tourna la tête vers Elzibert. Était-il possible que voir une femme au pouvoir ébranlât quelque peu les convictions que son père avait ancrées en lui ? Elle baissa les yeux et s’humecta les lèvres. Il était possible qu’elle se fût trompée, plus tôt, en parlant avec Hermilius : même si elle portait un enfant, les choses auraient sans doute été plus simples si elle ne l’avait pas aimé. Elle exécrait l’oscillation permanente de son cœur, ce métronome qui battait une insoutenable mesure.



Message X – 1675 mots


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Mitsu
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Mitsu
Dim 26 Nov 2023, 22:54


Image par Dominik Mayer

Explications


Bonsoir !

C'est partie pour le tour n°11 ! Les Portes V - La Chute du Roi Sadique - Page 12 1515

Rps importants
----- Jeux de mains, jeux de vilains - Merlin, Zébella et Judas
- Le Royaume de Lieugro - Le vieux Roi
----- Le retour du légendaire pipou - Irène et Gustave
- Le Royaume de Lieugro - La chute du vieux Roi
- Le Royaume de Lieugro - L'avènement du Roi sadique
----- La fuite - Adolestine
- Le Royaume de Narfas - La révolte de Narfas
----- Les fuyards - Zébella et Childéric
----- On annonce une tempête - Judas et Coline
----- Le Maître de la forêt - Merlin et Adénaïs

Longueur des messages ? - 720 mots minimum.

Objectif secret : N'hésitez pas à le relire et à mettre tout en œuvre pour le réaliser.

Secret : Pareil, n'hésitez pas à vous en servir lâchement.

Voilà !  

Si vous avez des questions, n'hésitez pas ! Amusez-vous bien  

Participants


En jeu :
- Faust (Gustave) : XV
- Laen (Hermilius) : XI
- Eibhlin (Adénaïs) : XIV
- Lucius (Elzibert) : XI
- Lana (Yvonelle) : XIV
- Thessalia (Irène) : XV
- Dorian (Ezidor) : XV
- Wao (Merlin) : XXII - Mort
- Perséphone (Ezémone) : X
- Alcide (Nicodème) : X
- Lenore (Stéphanette) : IX
- Aubépine (Olivette) : IX
- Rose-Abelle (Ange-Lyne) : X
- Cal (Arcange) : X
- Jil (Noée) : VIII
- Nefraïm (Doléas) : IX
- Tekoa (Childéric) : VIII
- Susannah (Zébella) : XVII
- Stanislav (Alembert) : XIV

Deadline Tour n°11


Dimanche 3 décembre à "18H"

Il reste 2 tours et après ce seront les VA-CAN-CES !

Gain Tour n°11


- 1 point de spécialité au choix
ET
- Exemplaires du conte : Lorsqu'un personnage du conte les lit, il se peut qu'un autre personnage ayant joué un rôle dans ce dernier soit téléporté soudainement vers le lecteur depuis le livre. Choc garanti. Les exemplaires peuvent se prêter.

Exemple (tout à fait au hasard. Il n'y a aucune volonté de ma part de créer le maxi bordel) : Ikar lit le conte et Dastan en sort, téléporté malgré lui depuis sa position initiale.

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Kitoe
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Kitoe
Lun 27 Nov 2023, 20:43

Gustave
Le roi sadique
Jake Daniels - A Little Bit


-Faites préparer un cheval.

Le domestique qui passait par là quitta sa tâche première pour effectuer les gestes de convenance puis disparut. Gustave marchait d'un pas rapide. C'était la deuxième ou troisième fois qu'il passait une main sur son visage. L'effet de ce geste sur son trouble ne durait que le temps du contact, avant que la drogue, quelle qu'elle fût, ne reprit le dessus. Il ne comprenait pas ce qui lui avait pris. Au fond il se sentait léger, sans pour autant vouloir y repenser. Dans quelques heures, la honte viendrait peut-être l'éteindre et il n'y aurait pas de quoi être fier. Il se demandait aussi pourquoi il n'était pas allé aux cuisines. Il devait y aller, contrôler les domestiques et trouver qui avait encore cherché à lui porter préjudice. Gustave s'apprêtait à faire demi-tour, mais manqua de se heurter à une silhouette, qui s'était postée derrière lui. Il fit quelques pas en arrière.

-Noée ? Il y eut un flottement. Je vous avais demandé de vous occuper d'Adénaïs. Il y a un problème ?

Il lut son expression tendue. Hostile. Ses sourcils se froncèrent, ce qu'ils auraient dû faire depuis déjà longtemps. Le fait était que malgré la situation, il ressentait toujours cette excitation positive et indécente. Quelque chose n’allait pas et il en était physiquement enchanté.

-Qu'est-ce que vous avez fait ?

Noée avait été durant toutes ces années son employée la plus digne de confiance. Dévouée et intransigeante sur la qualité de son travail, elle menait les équipes de domestiques avec brio. Et voilà qu'aujourd'hui, le de Tuorp était pris d'un doute qui ne l'avait jamais saisi auparavant. Un doute où, peut-être, il devait admettre s'être trompé sur son compte. Un simple sentiment, ou l'agitation qu'il pressentait dans les couloirs, le pas plus vif et le ton de voix différent des autres servants, il n'aurait su dire.

-Vous…

D'un geste sec qui le surprit lui-même, il attrapa la main qui avait fondu sur sa gorge. Il repoussa violemment Noée, mais n'empêcha pas un coup de pied bien placé d'aller se loger dans ses parties. Gustave se plia en deux sous l'effet de la douleur. Cette garce avait perdu l'esprit. Il se redressa in extremis alors qu’elle s'était armée d'un chandelier pour le frapper à la nuque. Il ne vit cependant pas le second arc de cercle du socle en métal qui trouva son salut contre l'os de sa pommette. Une gerbe de sang colora sa joue au même titre que le meuble à ses côtés. Gustave poussa un grognement, mêlé à un rire. Euphorie et adrénaline faisaient un drôle de ménage. Présentant son épaule, il chargea la domestique jusqu'à la rencontre avec un mur, où il la plaqua violemment.

-Espèce de folle !

Il bloqua la deuxième tentative de le rendre stérile, mais pas le coup de poing dans son ventre. Noée était plus forte que ce qu'il avait suspecté et lui n'était pas suffisamment rapide pour tout contrer. Le souffle court, il essaya de lui arracher le chandelier des mains avant qu'elle ne tente encore une folie. Le front de Noée rencontra le sien avec une violence inouïe. Sonné, il perdit l’équilibre et s’effondra sur une commode. Les bibelots qu’elle contenaient glissèrent et se fracassèrent contre le sol. Gustave attendit sur Noée revînt à la charge pour la saisir par l’épaule et la faire tomber par terre. Il l’immobilisa en usant de tout son poids, puis s’enquit à bloquer ses poignets en les maintenant au sol, ce qui lui valut des coups et des griffures.

-Jean ! Aboya-t-il. Puis il s'approcha de l'oreille de la servante. Tenez-vous tranquille ou je vais être dans l’obligation de vous tuer.

Il en était capable. Il l'avait déjà fait et cette femme le décevait suffisamment pour qu'il n'en ressentit aucun remord. Le domestique accourut. Après Noée, Jean était un bon employé qui l’avait servi des années durant. Ensemble, ils ligotèrent la folle solidement. Gustave ordonna qu'elle fût enfermée dans une chambre.

-Je ne sais pas ce qui lui prend et je n'ai pas le temps de m'en occuper maintenant. Nous en rediscuterons plus tard. En attendant, tenez la tranquille. J’espère que vous êtes l’une des rares personnes à qui je peux faire confiance, Jean. Dans le cas contraire, il y aura des conséquences.

Sur son arcade sourcilière pulsaient des piques douloureuses tandis que sa joue le brûlait affreusement. Gustave retira un mouchoir de sa poche pour essuyer ses mains puis nettoyer sa balafre sanguinolente.

-Adénaïs… Haleta-t-il, comme s'il se rappelait soudain de l'existence de la femme. Où est Adénaïs ?

-Elle s'est… évanouie. Nous l'avons portée dans une chambre.

-Emmenez-moi la voir.

Ce n'était qu'une convenance. Gustave boitait, mais il allait plus vite que le domestique, qui étaient supposé lui montrer le chemin. En même temps, ils expliquaient ce dont ils avaient été témoin avec Noée. Il en déduisait que cette dernière était responsable de son état proche de l’ivresse.

Dans la petite chambre d’amis, la d'Etamot était allongée sur le lit. Gustave se précipita à son chevet.

-Bon sang…

Il caressa ses cheveux, ne put retenir un ricanement stupide et maudit encore une fois Noée. Le de Tuorp resta un long moment, à genoux à ses côtés à l’observer. Il songea un court instant au fait qu’Adénaïs était tout à lui. Ses doigts sur ses joues et descendirent jusqu’à son menton.

-Vous allez rester ici. Fit-il à l’attention de Jean. Veillez sur elle. Faites en sorte qu’elle n’ait besoin de rien au réveil.

Gustave déposa un baiser sur le front de l’endormie et se leva. Il devait y aller.






Le diplomate tendit la bride de son cheval au palefrenier qui accourait, sans même lui accorder un regard. Il ne marchait pas tout à fait correctement, mais son pas était rapide et ferme. Après le coup magistral qu'il avait reçu dans les couilles, le trajet avait été une véritable torture, mais en serrant les dents et en se concentrant sur sa respiration, il avait réussi à maintenir l'allure. En traversant la cour, l'homme arracha ses gants qu'il confia à un écuyer.

-Je viens voir Zebella d'Uobmab.

On ouvrit les portes du palais tandis qu'un garçon courait pour annoncer son arrivée. D'autres serviteurs le conduisirent jusqu’à un salon. Zébella était accompagnée et visiblement, lui n'était pas en avance. Après s'être incliné afin de saluer la nouvelle reine, il posa ses yeux sur Childéric, Nicodème, puis enfin Ezidor.

-Votre Majesté, messieurs, milles excuses. J'ai été retenu par un problème d'ordre… domestique.

Il s’était paré d'un sourire cordial. Il était encore sous l'influence du quelconque mal dont il était épris : ce genre de chose ne passait pas en l’espace de si peu de temps. Heureusement, l’hilarité l’avait quitté. Gustave avait donc bon espoir que les effets se dissipassent totalement d’ici peu.

-Votre Altesse, c'est un plaisir de vous revoir parmi nous. Childéric également. Vous n'êtes donc plus aux côtés de Garance de Lieugro ?

Il se demandait si son ancienne amante était morte. Il avait du mal à imaginer cela possible. Garance était intelligente et savait se montrer inventive. C’était une sorte de tique dont il était difficile de se débarrasser lorsqu’on se la mettait à dos.

-Nicodème, vous avez l'air en bonne forme. Avez-vous bien reçu le paquet de ma part ? Il se tourna enfin vers Ezidor, les mains derrière le dos. Et vous, je vous croyais mort.

Il était déçu d'apprendre que ce n'était pas le cas, mais il était ravi de le voir dans un état aussi lamentable. Il s'amusait à imaginer Noée le tabasser comme elle avait tenté de le faire avec lui. Le médecin n'aurait pas fait long feu. Il s’éclaircit la voix et en revînt à la principale intéressée.

-Pardonnez-moi. Quoi qu'il en soit, je tiens à vous présenter mes félicitations. La mort de Merlin est une bonne nouvelle et je suppose que si Childéric s'est rangé de votre côté, ce sont pour les bonnes raisons. Ce royaume a besoin de stabilité.

Même si elle était une femme, celle-ci se présentait à l’heure actuelle comme la moins pire des options. Fort heureusement, elle ne serait encadrée que par des hommes, ce qui atténuerait les dégâts de sa prise de pouvoir.

-J'ose espérer pouvoir contribuer à ce travail avec vous.

1379 mots
Il est un peu amoché :D



Bijin
nastae:
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Kaahl Paiberym
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Lun 27 Nov 2023, 21:48



Le Roi Sadique


« C’est sûr… » Je me remémorai la silhouette de Zébella. Elle n’était pas affreuse mais, pour une raison inconnue, elle me mettait mal à l’aise. Je me demandai pourquoi. Était-ce à cause des circonstances de notre rencontre ? Je n’eus pas le temps d’y songer. Les dernières paroles d’Hermilius m’interrogèrent davantage, me piquèrent même, à tel point que parler d’Irène me sembla préférable au fait d’approfondir la question de cette femme qu’il cherchait à enlever à son mari. Ça ne pouvait pas être Yvonelle. Elle passait sa vie à jouer de la musique. Ses activités n’avaient rien d’intéressant… rien qui pourrait l’intéresser lui en tout cas. Il devait préférer les femmes sûres d’elles, qui le sortaient de la routine sans une once d’hésitation, aventureuses et joueuses, osées aussi. Je regardai un instant ma femme. Si elle avait peut-être eu quelques-unes de ces caractéristiques, ce temps-là me semblait appartenir à un passé révolu. Je détournai les yeux pour fixer l’extérieur quelques secondes avant d’enchaîner sur la d’Errazib. « Je ne suis vraiment pas sûr, même si elle aime provoquer. » répondis-je au commentaire de la blonde. « Cependant, je ne suis pas assez proche d’elle pour le savoir. Elle est juste… étrange. Et elle savait pour le tableau. » ajoutai-je, en tentant de ne pas m’imaginer le corps de la femme d’Ezidor dénudé. Elle m’excitait affreusement. Elle me rebutait aussi en bien des aspects. Ce sentiment était paradoxalement grisant. Sa folie la rendait d’autant plus désirable. « Découper des corps ? » demandai-je, étonné. Puis ma surprise fit place à une émotion plus sombre. Je n’aimais pas du tout la façon dont il avait de parler de cette femme anonyme. Mon instinct parlait plus vite que mon esprit. Une nouvelle fois, je regardai Yvonelle, la couleur de ses joues, la profondeur de ses yeux. L’agacement me fit inspirer l’intérieur de mes joues que je coinçai entre mes dents, juste assez pour les retenir, pas assez pour me blesser. Ma langue claqua sur mon palais lorsque je relâchai le tout en entendant ses paroles. Je souris, mauvais, et regardai l’homme en face de moi. « Difficile de montrer patte blanche quand on veut enlever une épouse à son mari. Cela dit, il semble que ma femme approuve l’infidélité. » Mes yeux verts percutèrent ses prunelles quelques secondes puis rhabillèrent Hermilius, sous couvert d'amusement. « C’est son côté fantasque j’imagine. Cependant, ce genre de situations ne se terminent jamais comme dans les romans. Les lettres seront peut-être moins enflammées que l’expéditeur quand le mari en question aura découvert l’entourloupe. » Je ris. « Enfin, comme beaucoup de femmes, je sais que vous avez un doigté extraordinaire alors j’imagine que vous ne vous ferez pas prendre la main dans le sac. » J’appuyai mon menton dans la paume de ma main, faussement détendu. J’espérais me tromper. Sinon je serais obligé de les tuer. « D’ailleurs, je me disais… j’ai toujours souhaité avoir des notions en médecine. Ça pourrait être pratique pour un futur diplomate. Je devrais peut-être demandé à Ezidor de me donner quelques cours. » Pour apprendre à découper des corps.

________________

« Pour ta musique ? » fis-je dans les couloirs du palais, pensif. Je n'y étais pas retourné depuis la mort de Déodatus. « Oui, si ça peut te faire plaisir. Peut-être plus Nicodème que la Reine. Je ne sais pas si elle est très portée sur la chose… » Ce sujet ne m’intéressait pas. Je voyais son art comme un loisir et il le serait d’autant plus lorsqu’elle deviendrait mère. Nous devrons parler d’Hermilius en plus du reste ensuite. Il fallait que je susse. Mes yeux se posèrent sur les murs peints. J’avais déjà dû passer par ici lors d’une réception donnée par Montarville. Mon esprit dériva vers un bal en particulier. J’y pensais parfois. « Tu te souviens de cette soirée où on avait tous dû porter des tenues comportant au moins une plume de paon ? » Je me rapprochai d’elle, essayant de créer un semblant de complicité. C’était peut-être le meilleur moyen de renouer après notre dispute de la vieille. Le déjeuner désastreux avait radouci mon humeur. Je m’étais dit que, peut-être, mon père avait tort. J’avais culpabilisé par rapport à mon comportement de la veille. Néanmoins, le voyage jusqu'au château avait inversé la tendance. Je tentais d’y mettre du mien mais, au fond, j’avais de plus en plus envie de lui asséner que la suite de notre mariage serait tel que je l’aurais décidé et qu’elle n’aurait pas son mot à dire. « J’aimerais qu’on puisse redevenir comme avant, tu sais. » Je me rapprochai d’elle et lui murmurai quelques mots. « C’était bien ce soir-là, non ? On aurait pu se faire prendre à n’importe quel moment mais c’était excitant. Plus que de le faire dans notre chambre maritale. » Je lui souris et attendis que le conseiller royal entrât dans la pièce pour la prendre à part. « On pourrait le faire maintenant… pendant que tout le monde discute ? » Je n’avais pas l’intention de la laisser m’échapper, ni maintenant, ni plus tard. Si elle me préférait Hermilius, j’allais devenir fou. Elle avait intérêt à dire oui. Si elle m’obéissait, je serais gentil avec elle. C'était une promesse.

843 mots
Lucius (Elzibert):

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Susannah
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Mer 29 Nov 2023, 09:41

Les Portes V - La Chute du Roi Sadique - Page 12 3ev7
Les Portes V - Le Roi sadique
Susannah, dans le rôle de Zébella



Rôle - Zébella d'Uobmab:

La porte s'ouvrit sur Zébella. Son allure vive se modéra en apercevant le trésorier dans le chemin. Elle profita qu'il s'inclinait pour l'étudier comme elle l'avait fait avec ses cousins. Là où ils avaient conquis l'espace par leur simple présence, s'arrachant l'attention avec une désinvolture insolente comme s'ils étaient autre chose que des bâtards encore en vie par la clémence d'un Roi dément, Nicodème avait une aura singulièrement plus... plate. D'un bref mouvement de tête, elle le salua en retour. « Messire d'Ecirava. Vous vous apprêtiez à partir ? Quelque chose de plus urgent à faire peut-être ? » lâcha-t-elle en guise d'introduction sans laisser entendre dans le ton de sa voix si sa pique était taquine ou sérieuse.

En s'avançant dans la pièce, elle aperçut l'épouvantail assis sur une chaise. Sans sourciller, elle le dévisagea. Sans avoir été informée de qui il s'agissait avant de pénétrer dans le salon, sans doute aurait-elle mis du temps à reconnaître le médecin dans un état aussi délabré. « Messire de Xyno. Ou ce qu'il en reste. Est-ce là l'œuvre de mon frère ? L'auriez-vous mécontenté par hasard ? J'ai cru comprendre qu'il requérait souvent votre présence, vous aurez donc tout le loisir de me relater tout de ses agissements durant mon absence et des raisons pour lesquelles il était sous l'emprise de plusieurs substances à mon arrivée. Je suis curieuse de connaître le détail du diagnostic qui a justifié cela. » Ezidor avait-il pu participer à la faiblesse croissante de Merlin ? Et si oui, avait-il agi pour son propre compte ou sur instruction d'autrui ? Droguer un monarque pour lentement mais sûrement saper son autorité était une pratique assez courante. Elle jeta un coup d'oeil à Childéric dont l'expression avait changé du tout au tout en entrant. Ezidor avait été l'unique chose que l'homme avait exigé. Elle avait cru qu'il s'agissait d'une vengeance à assouvir, mais le trouble visible de son allié la fit se raviser.

Zébella échangea un regard avec Nicodème et lui fit signe du menton de s'éloigner un instant des deux hommes. Elle s'approcha de la baie vitrée qui donnait sur les jardins royaux mais c'est dans les yeux du trésorier qu'elle planta les siens, indifférente à la beauté de l'architecture végétale s'offrant aux rayons ardents du soleil. « Avant que nous parlions de l'objet de votre présence, je souhaite que vous informiez votre épouse que je veux la voir dès demain. Elle est bien à la tête d'un journal populaire ? Son influence me sera utile. Les communiqués royaux officiels ont leurs limites, ils forcent une distance avec le peuple. Par le biais de son point de vue, je leur offrirai une autre vision de moi-même. » La bleue croisa les bras et son dos s'appuya contre l'embrasure de la fenêtre. « Maintenant, dites-moi ce que j'ai besoin de savoir. Allez à l'essentiel. Si j'ai besoin de détails, je vous le dirais. J'ai l'espoir que Merlin n'a pas dilapidé tous les fonds ou je jure de le ressusciter pour le tuer à nouveau. » Elle savait pourtant que le défunt n'avait pas le profil d'un homme qui connaît la mesure, mais elle espérait tout de même qu'il avait eu la présence d'esprit d'utiliser les leçons inculquées à Uobmab à bon escient.

La porte s'ouvrit soudainement sur un autre homme qu'elle reconnut comme étant Gustave de Tuorp, par élimination puisqu'elle se souvenait bien de l'apparence d'Hermilius. Sans bouger de sa position, Zébella le scruta de la tête aux pieds, prit note des contusions fraîches sur son visage et de sa démarche raide. Elle en déduisit que la réunion entre les deux familles dont Adénaïs lui avait fait part ne s'était pas déroulée dans la paix et la sérénité. Elle reçut ses excuses le visage fermé, sans répondre à son sourire accroché au milieu de sa figure tuméfiée. « Contentez-vous de tâcher de ne plus être en retard les prochaines fois, ou ce ne sera pas nécessaire de venir tout court. » l'informa-t-elle sans rebondir sur son prétendu engouement à la voir ceindre la couronne. Les réticences de Childéric à son égard restaient dans un coin de sa tête. Elle se ferait sa propre opinion du diplomate sur le tas. S'il ne donnait pas satisfaction, elle s'en séparerait. « Un diplomate qui n'observe pas la politesse la plus élémentaire ne donnerait pas une bonne image du Royaume. Rassurez-vous, vous aurez plusieurs occasions de prouver vos autres qualités. » S'il en avait, ce qui restait à voir. Elle le jaugea. Physiquement, il n'était pas trop plat. Pas du tout même. Elle devinait sa musculature en filigrane de ses vêtements, et il possédait la prestance de ses fonctions. Son regard se fixa sur le sien. Sans davantage mettre de formes, elle enchaîna au cœur du sujet. « Je veux un rapport sur nos relations avec les Royaumes voisins. Je veux savoir ce qu'ils pensent de la fin de Lieugro. S'ils nous sont hostiles, veuillez faire en sorte que cela change. Je me tiendrai à l'écoute de vos propositions. Gardez en tête que c'est la guerre qui se profilera si vous échouez, ce que le pays n'a pas connu depuis longtemps. Il n'est pas prêt pour cela, actuellement. Comme vous l'avez dit, il est trop instable. Nous profiterons de cette instabilité pour réorganiser le système et l'axer sur l'armée. » Elle regarda Nicodème. « Cela concerne également votre domaine. Je veux une estimation rapide du budget que vous pourrez allouer à la formation et à l'armement de la population. C'est la priorité actuelle. Childéric vous donnera le détail de ce projet pour affiner vos calculs. » Elle revint sur Gustave. « En parallèle, veuillez vous rapprocher d'Ange-Lyne Reknofed. Qui de mieux qu'une artiste pour vous familiariser avec la culture de mon Royaume d'origine ? En retour, montrez-lui les charmes du vôtre et voyez ce qui ressort de ce mélange. » Et s'il pouvait la faire tomber amoureuse dans le même temps pour lui donner moins envie d'aller retrouver son frère et plus envie de l'accueillir entre ses cuisses, encore mieux. « Je lui ai proposé plus tôt dans la journée d'organiser un tournoi qui serait l'occasion de réunir nos deux peuples en même temps que cela changera les idées de la population. Maintenant que j'y pense, vous pourrez en profiter pour inviter des ressortissants des pays voisins pour créer ou renforcer des alliances. Je vous laisse réfléchir à tout cela avec elle. Des quest- » La fin de sa phrase se perdit dans la porte du salon qui s'ouvrait de nouveau sur le dernier participant attendu. À l'instar de Nicodème d'Ecirava, Hermilius de Tuorp n'avait pas changé, en apparence. Certaines personnes avaient une résilience d'acier. Comme les cafards par exemple. « Ah, vous voilà enfin. » fit-elle en guise de salutation. Son ton avait adopté une coloration acide. « Vous étiez conseiller royal de Merlin, m'a-t-on dit. Qu'avez-vous à dire pour votre échec ? De quels conseils a-t-il bénéficié ? Ou peut-être vous sera-t-il plus facile de m'expliquer en premier pour quelles raisons l'abortif que vous m'aviez porté au bal n'a pas fonctionné ? Il m'est difficile de cerner vos intentions. Et pour cette raison, il m'est encore plus difficile de vous envisager comme conseiller royal à mes côtés. »

Message VII | 1294 mots


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Mer 29 Nov 2023, 17:23

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Les Portes V - Le Roi sadique
Dorian, dans le rôle d'Ezidor




Rôle:

Un sourire un peu rêveur flottait sur les lèvres d'Ezidor. Les sens anesthésiés en même temps que la douleur, il se sentait enveloppé dans une camisole de coton, à flancher comme un équilibriste au bord d'un gouffre qui désespérait de l'avaler. Il sentait, au fond, que c'était mauvais signe, qu'il avait certainement abusé sur les quantités et qu'il allait le payer plus tard.

« Allez savoir. » murmura-t-il. Savait-on que l'on délirait au moment où cela survenait ? Un fou savait-il lorsqu'il l'était ? S'en préoccupait-il seulement ? Les drogues prises floutaient son jugement. Visuellement, tout lui apparaissait avec une netteté surréaliste. Il pouvait compter les rides de perplexité se plissant sur le front de Nicodème, discerner les rares cheveux blancs qui se fondaient dans la masse dorée de ses cheveux ramenés en arrière, l'étincelle d'intelligence dans ses prunelles océanes. Réfléchir était plus délicat. L'amas de ses pensées formait une mélasse informe et il ne se sentait pas la force de s'en dépêtrer. « Je me souviens de votre femme. » Il souffla par le nez et observa le début de repousse de ses ongles, le dessin trop marqué des os de ses mains décharnées. « Je n'aime pas beaucoup les journalistes. Ils se mêlent trop de ce qui ne les regarde pas. » fit-il à voix basse sur le ton de la confidence. « Et j'ai en horreur qu'on vienne fureter dans mes affaires. » Il ne serait pas bon que cette femme se penche de trop près sur son cas, il se verrait dans l'obligation de l'envoyer en petits morceaux aux cochons, ce qui l'ennuierait car il appréciait assez son époux et que cela ternirait potentiellement leur relation cordiale.

Avec un certain temps de retard, le médecin remarqua que le trésorier n'était plus assis face à lui. Il cilla, légèrement surpris d'avoir à nouveau été happé par une absence, mais pas alarmé. Ce fut vrai jusqu'à entendre les mots Majesté et Ukok dans sa bouche. Il redressa la tête et son sang ne fit qu'un tour en voyant l'ombre se découpant derrière la silhouette de leur nouvelle Reine, qui était décidément plus petite que dans ses souvenirs. Tel un pantin tiré par un fil, il se leva machinalement de sa chaise et garda une main sur le dossier pour s'y appuyer. Un curieux sentiment de détachement l'envahit comme s'il les voyait du point de vue d'un autre. Il s'entendit à peine saluer Zébella d'Uobmab, son attention entièrement retenue sur l'avancée de Childéric sur lui. Ses phalanges se roidirent sur le dossier. Fouetté par le produit injecté, son cœur cavalait dans sa poitrine, tonnait trop fort à ses oreilles. Il entendit ses questions et fut secoué d'un rire aride. « Qui ? » La voix autoritaire de Noée résonna dans sa mémoire. Le nom de Childéric, tellement répété par la domestique qu'il en était venu à le haïr car il était toujours suivi d'une nouvelle mutilation, l'écorchait de l'intérieur comme une plaie qui refusait de cicatriser, gravée à vif dans son être. « Qui ? » répéta-t-il sans réussir à maîtriser son irrépressible envie de rire, car s'il ne riait pas, il allait hurler. Son regard plongea dans le sien et s'y brûla. « Mais c'est toi qui a fait ça. » Lentement, sa main se leva entre eux pour se poser à plat sur son torse. Il frémit et la laissa retomber comme morte le long de son flanc. « J'avais besoin de vérifier si tu étais réel. Mon esprit m'a joué des tours dernièrement. » avoua-t-il avec un ton amusé qui semblait tout aussi déplacé que son hilarité entre ses lèvres parcheminées et ternes.

La voix de Zébella l'arracha à la contemplation de celui dont il avait cherché à gommer l'existence dans sa mémoire. Il la regarda, cette enfant qui jouait à la Reine, comme son frère avant elle. Ce serait ainsi qu'on la verrait, c'était inéluctable. Il prit garde de ne pas la sous-estimer cependant. Au même âge, Childéric était déjà dangereux. Le goût addictif de l'interdit mêlé aux quelques connaissances qu'il lui avait enseigné avaient forgé un jeune garçon un peu trop habile dans des pratiques inavouables. Très tôt, trop tôt, il avait connu le meurtre, le viol, la drogue, avait vendu son corps pour elle. Merlin et Zébella avaient aussi prouvé qu'ils écrasaient quiconque se dressait face à eux. L'assassinat soudain de Déodatus n'était qu'un exemple parmi d'autres. Durant son court règne, Merlin avait multiplié les actes cruels, souvent gratuits et avait ainsi gagné de la part de ses sujets une certaine prudence. Ce n'était pas encore du respect, mais cela aurait pu le devenir. Pour Zébella, il ignorait encore jusqu'où les racines du mal plongeaient en elle, mais elle n'avait jamais donné l'impression d'être faible et soumise. Childéric ne se serait jamais tenu à ses côtés dans le cas contraire, sauf s'il souhaitait ainsi proposer son allégeance à Judas d'Uobmab en se montrant utile auprès de sa fille ? L'âge de la Reine demeurait un problème. Qui la prendrait au sérieux ? Comment réussirait-elle à s'imposer ? Y arriverait-elle ?

« Non. Il ne s'agissait pas de lui, votre Majesté. Merlin d'Uobmab était tourmenté, par divers sujets, comme vous-même par exemple. Pour le reste, je vous ferai un compte-rendu précis de son état de santé, et de tout ce que vous voudrez savoir. »

Il inclina la tête de nouveau et la suivit du regard alors qu'elle prenait Nicodème à part. Il avait bien noté la menace sous-jacente à son propos mais avait préféré ne pas relever. Si elle devenait hostile à son égard, de l'arsenic tomberait dans son verre ou sa nourriture. Peut-être même que Childéric s'en chargerait lui-même. En dépit des apparences, son disciple était bien plus imprévisible qu'il n'y paraissait, bien plus instable aussi. Même lui qui pensait le connaître mieux que personne n'avait su prédire son retour. Il le fixa et ne reconnu son disciple que dans le fond de ses pupilles peuplées d'ombres et de tourments. Tout le reste avait trop changé. Adulte, il était différent, inaccessible. Il était plus grand, plus fort, plus affirmé, dans la fleur de l'âge. Un parfait et subtil mélange d'agilité, de force et d'intelligence. Il était ce qu'Ezidor aurait voulu être. Tous les défauts qu'il déplorait à son compte, Childéric en avait fait ses atouts. Il se râcla la gorge. « Tu as l'air d'aller bien. Je ne pensais pas te revoir. Je croyais que tu t'étais totalement détourné de moi quand, malgré mes conseils, tu as choisi de partir avec Garance. Qu'est-ce qui t'a décidé à changer d'avis ? Pourquoi es-tu revenu ? » Il avait du mal à croire que ce ne soit que pour la fille de Judas. Il savait quelle femme faisait chavirer son cœur, celle qu'il avait laissé derrière lui. Il détourna le regard au moment où Gustave faisait une entrée remarquée dans le salon. Il se figea en même temps que la réalisation le frappait. Il n'avait pas eu l'occasion d'y songer avant de le voir.

« Oh. » lâcha-t-il à voix basse avant de se fendre d'un sourire. Le de Tuorp avait-il seulement compris qu'Ezidor s'était moqué de lui tout ce temps ou était-il si convaincu de sa propre vigueur qu'elle aurait vaincu les effets du faux poison ? « Je me disais justement la même chose à votre propos. » répondit-il, sa remarque englobant à la fois le faciès abîmé du noble et sa survie sans antidote. « Vous avez un don certain pour rester en vie. Vous pourriez peut-être partager votre secret avec notre souveraine, ça lui sera certainement utile. » Laquelle enchaîna promptement sur ses exigences envers le diplomate. Il tendit une oreille attentive, tout en surveillant les réactions de Gustave. Connaissant l'individu, il doutait qu'il soit friand de prendre ses ordres d'une fille qui commençait à sortir de la puberté, surtout délivrés sur un ton si impérieux. Il ne serait pas le seul. Lui-même n'appréciait pas particulièrement d'être adressé de la sorte mais il avait atteint un stade où rien ne semblait véritablement pouvoir le toucher. Qui plus est, il n'avait pas particulièrement envie de se mettre à dos leur nouvelle Reine en protestant. Ce n'était de toute façon pas ainsi qu'il fonctionnait.

Impavide, il vit Hermilius entrer et se faire à son tour accueillir avec une fraîcheur mordante. Ses paroles éveillèrent l'écho d'un souvenir. Il lui semblait qu'on lui avait demandé de préparer un abortif dans la soirée, avant d'être entraîné à l'écart par Childéric. Drogué, il avait passé le reste de la nuit inconscient et n'avait pu exécuter cet ordre, mais quelqu'un d'autre s'en était chargé. C'était à croire qu'Hermilius aimait jouer sur ses plates bandes. Il le fixa, toujours incapable de deviner s'il avait eu un rôle à jouer dans les sévices subis auprès de Noée. Il se tourna vers Childéric. « Est-ce que le nom de Noée te parle ? » l'interrogea-t-il à voix basse. Ses yeux cherchèrent les siens, à la recherche du moindre indice, du moindre muscle qui trahirait un mensonge ou la surprise à l'évocation de ce nom. Il plaqua le dos de sa main sur son front et ne fut pas surpris de constater que sa fièvre ne baissait pas. Au contraire. Il devait aller la retrouver.

Message XI | 1645 mots


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Les Portes V - Le Roi sadique
Ezémone



TW : recadrage d'adolescente qui ne se sent plus pisser (et non, je ne parle pas de Zébella).

Ezémone d'Ecirava:

« Évidemment. C'est grâce à vous. » Ezémone lui sourit affectueusement. Pétri de prévenance et de bienveillance à son état le plus pur, il aurait fallu être de pierre pour ne pas voir son humeur décoller en la présence auréolée de soleil du jardinier. Elle comprenait mieux l'épanouissement de ses fleurs sous ses soins. « Ah vraiment ? » fit-elle, surprise de cette vocation chez son domestique. Une petite moue déforma sa bouche. « Je suis partagée. J'aimerais soutenir votre projet, mais je veux aussi vous garder avec nous. Je ne crois pas pouvoir trouver meilleur jardinier que vous, et je me suis attachée à votre présence. Ce serait comme perdre un membre de notre famille. Cependant, j'éprouverais de la culpabilité à vous freiner dans vos ambitions. J'en ai souffert moi-même, je ne le vous souhaite pas. » Elle ne tergiversa pas davantage, ne chercha pas à en discuter en premier avec Nicodème. Elle savait qu'il approuverait et de toute façon, elle ne le consultait jamais pour ces choses-là. « Je vais modifier votre emploi du temps pour vous libérer un peu plus de temps libre et je vais augmenter votre rémunération. Attendez avant de protester. Considérez cela comme un juste et mérité ajustement en ligne avec l'évolution de vos compétences. Vous donnez satisfaction, et cela devrait être reflété comme il se doit. Acceptez, ou je risque de me mettre véritablement en colère. En échange, promettez-moi de ne jamais abandonner votre rêve. Je veux que d'ici quelques années, je puisse faire appel à vous lorsque j'ai la gorge prise ou si mes filles tombent malades. Je serais extrêmement déçue si vous échouiez. En fait, je vous l'interdis. De plus, j'ai quelques connaissances dans le domaine médical, je pourrais vous - » La violette s'interrompit en captant un mouvement. Voyant sa plus jeune fille avancer sur eux à grands pas, sa crinière de boucles flottant en halo sombre autour de son visage, Ezémone récupéra vivement ses mains bien que cela fut déjà trop tard. Elle se mordit l'intérieur des joues mais s'interdit d'échanger un regard avec Doléas. Son sentiment de culpabilité n'avait pas à être et elle le congédia d'une pichenette mentale.

Ses sourcils se froncèrent en lisant l'expression féroce sur le visage d'Olivette. Quelle mouche l'avait donc piquée ? Qu'avait pu lui dire Irène d'Errazib ? Ou son ire provenait du malentendu de la trouver ici avec le jardinier ? « Que se passe-t-il ? » l'interrogea-t-elle avant de rester coite sur la prise de parole sèche de l'adolescente. De choc, elle cru mal entendre. « Pardon ? » fit-elle, glaciale. De plus en plus éprise d'étonnement, Ezémone la laissa dérouler sa verve comme un alcoolique répandrait ses vomissures sur le pavé. Ses traits se figèrent, puis se durcirent, comme emprisonnés sous les coups de marteau d'un sculpteur de marbre. Ses pommettes, elles, se colorèrent d'un vilain cramoisi et de vifs éclairs traversèrent son regard qu'elle gardait fixé droit sur Olivette. Doléas avait été annihilé de la scène, elle avait oublié tout de sa présence. Sa propre ire trouvait son foyer dans celui de sa fille et s'y alimentait, bouillonnait, flambait un peu plus haut à chaque élan insolent fiché à son encontre. Puis la peur donna à ses émotions une teinte plus sombre et dérangeante, la peur que ces propos puissent remonter aux mauvaises oreilles.

Ses ongles se mirent à pianoter rapidement sur la table et des plaques rouges apparurent lentement sur la gorge d'Ezémone. La danse de ses doigts s'interrompit quand la brunette reprit son souffle. « Tu as fini ? » demanda sa mère d'une voix atone, qui semblait presque chuchotée après l'éclat passionné de l'adolescente. Des fourmis parcoururent ses mains. Elle se leva et envoya sa main claquer sur la joue d'Olivette sans chercher à mesurer sa force. Son poing se referma et elle en appela au mince fil de patience qui lui restait pour ne pas ajouter un retour à l'aller qui venait de décaler le visage de sa fille sur le côté. Une rage froide l'habitait, la rendait presque fébrile. Son pouls s'agitait follement, elle pouvait presque sentir l'alcool prendre feu à l'intérieur d'elle-même. « À l'intérieur. Tout de suite. » articula-t-elle d'une voix à peine contrôlée. Elle pivota pour regarder Doléas. « Vous me disiez vouloir aller en ville, il me semble. » Ses sourcils se haussèrent pour terminer de lui envoyer le message d'aller voir ailleurs si elles y étaient.

D'un pas vif, la maîtresse de maison marcha jusqu'à la maison sans oser regarder sa fille de peur de lever une nouvelle fois la main sur elle. Comment osait-elle ? Le jugement qu'elle avait lu dans ses yeux la brûlait encore comme un fer rouge appliqué à même la peau. Et il y avait pire. Elle avait cru y discerner du mépris, et beaucoup d'autres ingrédients qui lui déplaisaient beaucoup. Sans articuler un mot, elle se dirigea jusqu'à son bureau. « Assieds-toi. » dit-elle en désignant le fauteuil où Stéphanette s'était assise la veille après avoir été convoquée. Le sujet de discussion serait bien moins engageant que recevoir les attentions d'un prétendant dans les règles de la bienséance. Elle-même pris place de l'autre côté du bureau.

Machinalement, elle prit des affaires qu'elle remit ensuite à exactement la même place car il était impensable que quoi que ce soit ne soit pas à sa place. Mais ranger la détendait, même lorsqu'il n'y avait rien à ranger. Enfin, elle s'accouda sur le plateau et soupira. « Qui t'a mis toutes ces idées en tête ? Et je te le dis tout de suite, tu as intérêt à dire la vérité, et immédiatement ou je jure que tu ne verras que les murs de ta chambre pendant les prochains mois si tu refuses. Qui ? Olivette, il faut que tu comprennes. Tu ne peux pas dire des choses pareilles, pas n'importe où, et pas avec n'importe qui. Tu crois comprendre mais tu ne comprends rien. » Elle se retint d'ajouter que c'était normal, à son âge, ayant remarqué que cette remarque ne faisait qu'aiguillonner la colère de ses filles. « Même si je dois avouer que tu comprends plus de choses que je ne le pensais. Mais tu ne peux pas parler aussi librement. Que feras-tu si Doléas est en fait à la solde d'Uobmab et qu'il court raconter ce qu'il vient d'entendre au château ? Est-ce que tu réalises que tu viens de mettre toute notre famille en danger ? Si tu as une opinion à exprimer, fais-le discrètement, viens m'en parler lorsque tu es sûre que nous sommes seules pour l'amour du ciel ! Ou mieux encore, demande-moi avant si je suis sûre que nous sommes seules. Je connais tous nos domestiques, mais ma confiance en eux a ses limites. Nous avons tous nos secrets et je ne risquerai pas ta tête ou celle de ta soeur sur des critiques follement énoncées en l'air pour que tout le monde puisse les entendre ! »

Excédée, Ezémone soupira de nouveau et se cala dans son fauteuil. « Uobmab est dangereux. Tu penses que je ne le sais pas ? » Elle avait déjà eu cette conversation la veille avec Nicodème et la moutarde commençait à lui monter au nez. Depuis quand était-elle prise pour une ignorante inconsciente dans sa propre maison qui ne fonctionnait que parce qu'elle se démenait d'arrache pied ? « Outre ta propension au tragique tout à fait exagérée, sache que tout va très bien. À ce que je sache, les territoires annexés par Uobmab ne sont pas des mines de sel. Ils n'ont aucun intérêt à exterminer les populations. Merlin d'Uobmab l'aurait déjà fait, tu ne crois pas ? Et des esclaves ? » Elle gloussa nerveusement. Mais où allait-elle chercher pareilles coquecigrues ? Elle prit mentalement note d'informer les chaperons qui accompagnaient Olivette lors de ses sorties de ne plus la quitter des yeux et de renforcer leur surveillance avant que pire graine ne germe dans sa cervelle de papillon. Et dire qu'elle la croyait plus maligne que Stéphanette. C'était oublier à quel point les adolescents pouvaient être influençables. Ils étaient prêts à gober n'importe quoi du moment que c'était suffisamment accrocheur, comme les lecteurs assidus de ses rubriques. Il ne lui restait plus qu'à traquer qui osait semer tout cela dans la tête de sa fille et exterminer le ou les coupables. Elle se montrerait sans pitié.

« Quant au journal, réfléchis un peu. Où est ton père actuellement ? Où est-il tous les jours ? Tu veux le sacrifier pour ta révolte irréfléchie ? Je te pensais moins égoïste. Tu me déçois. » Elle se pencha de nouveau en avant. « Crois-tu que nous opposer frontalement à eux soit la chose la plus maligne à faire ? Cite-moi combien de révoltes comme celles-ci ont déjà fonctionné. Parfaitement, parce qu'elles sont éradiquées avant même qu'elles émergent. Ce n'est pas ainsi que le pouvoir est renversé, ou n'as-tu retenu aucune leçon des deux coups d'état que vient de subir notre pays ? L'ère de Lieugro est terminée. » À ces mots, un sourire tordit les lèvres de la matriarche. « Montarville n'est plus. C'était un bon Roi, mais qui nous dit que les membres de sa famille l'auraient été aussi ? Rien du tout. Je ne parierai pas vos vies sur eux. En revanche, Olivette. Est-ce que tu sais ce qui aurait réellement eu un impact ? Si Merlin était resté en vie et que tu l'aurais épousé. Imagine l'influence que tu aurais pu avoir. Et alors seulement, tes idées seraient devenues actes, des actes qui auraient eu des conséquences. Tu as rencontré Merlin comme moi, je suis certaine que tu as vu ce que j'ai vu. Je sais ce qu'il se disait à son sujet, j'ai écrit moi-même certains articles. Je sais aussi qu'il était jeune et que tu aurais été capable de le manipuler. Le garçon était désespéré, il suffisait de voir comme il traînait Adénaïs partout avec lui. Est-ce que tu comprends ce que je veux te dire ? Si tu veux changer les choses, fais-le intelligemment. Si tu te lances contre Uobmab comme tu l'as fait tout à l'heure, je t'arracherai personnellement la langue. Ce serait un châtiment peu cher payé pour prix de tant de stupidité. »

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Jeu 30 Nov 2023, 09:10



Unknown

Le Roi sadique

En groupe | Cal


Rôle - Arcange Reknofed :


« Parce qu’il est vieux. » répliqua-t-il, barricadé derrière les remparts sa jalousie. Il n’aimait pas ce sentiment. Il le faisait se sentir faible, à la merci d’Ange-Lyne, soumis plus encore à ses agissements qu’à ses directives qu’il acceptait sans animosité – il la savait intelligente et il avait conscience de pouvoir la compter parmi ses alliés les plus indéfectibles. Il l’avait déjà vue coucher avec un autre homme, pourtant. Il avait admiré la descente de son bassin sur le sien, et la danse qu’elle avait menée comme aucune femme n’avait le loisir de le faire avec lui. À la dérobée, il avait observé ses seins pétris de plaisir, et imaginé ses lèvres gonflées de désir. Ses soupirs avaient enchanté ses oreilles. Il s’était délecté de la regarder s’enivrer. Avec un autre. Mais c’était différent. Tout se déroulait comme s’il n’existait pas véritablement, là où Childéric d’Ukok avait occupé tout l’espace. Il avait été acteur. Trop présent. Comme s’il avait cru pouvoir faire quelque chose de sa sœur – quand Arcange était le seul à posséder cette prérogative. Les autres devaient la subir. Ils n’avaient pas le droit de la posséder. Elle lui appartenait.

Il regarda la main sur sa cuisse. Il voulait plus. Cette évidence le rongeait aussi lentement que l’océan s’attaque aux falaises et le vent à la cime des montagnes. L’issue était inéluctable. « Quoi ? » aboya-t-il quand elle évoqua son ventre piqué d’une lame. La colère avala les prunelles du guerrier. Il le tuerait. « Il n’y aura plus d’esprit qui tienne quand sa tête roulera par terre. » Il enroula ses doigts autour de ceux de sa sœur et les pressa aussi doucement qu’il en était capable. « Nous n’aurions pas eu besoin de le faire si nous étions venus préparés à les tuer. » Il soupira et, de sa main libre, chassa ses mots. C’était trop tard. Tout ce qu’il pouvait encore faire, c’était écouter Ange-Lyne et appliquer ses idées. « S’il parle, je lui arracherai la langue à mains nues. » grogna-t-il. L’ancien chef des armées de Lieugro ne lui faisait pas peur. S’il était à l’image de tous les autres soldats – de tous les autres hommes – qu’il avait croisés ici, il n’avait absolument aucune raison de s’inquiéter. Ils constituaient un vulgaire tas d’allumettes qui ne demandaient qu’à flamber. Les Reknofed n’auraient qu’à jeter Zébella dessus pour qu’elle s’y embrasât telle une vulgaire brindille. « Pendant le tournoi ? » Dans une tentative d’imaginer la scène, il plissa les yeux, le regard porté sur le lointain. « Je veux que la mort de Zébella soit mémorable. Je veux qu’elle hurle, qu’elle pisse et qu’elle pleure. Qu’on ne puisse reconnaître que son affreux visage de porcin quand j’empalerai son corps sur une lance plantée devant le palais. On l’emmènera et je la finirai. » Il talonna son cheval pour le faire accélérer et, ainsi, couper court à la discussion. Zébella souhaitait l’amputer de sa moitié ? Il la déchirerait jusqu’à ce qu’elle comprît au plus profond d’elle-même la souffrance que pouvait engendrer une séparation.




Arcange semblait scruter un point droit devant lui. Quand il était de mauvaise humeur, son regard s’arrogeait une fixité dure, qui reflétait l’état d’enfermement de son esprit, asservi à la négativité de ses émotions. Il ressassait l’entrevue avec Zébella et son chien, et passait en revue toutes les façons dont il pourrait les torturer et les tuer, à peine conscient des yeux pétillants et des soupirs suspendus dans son sillage. Il tourna la tête vers Ange-Lyne, avec l’envie de lui rétorquer qu’il n’avait cure de toutes ces sottes et qu’il préférait qu’elle se touchât en pensant à lui. Il n’en fit rien. Le colosse inspira, se redressa, les yeux fermés, puis tenta de se composer une expression plus amène. Des années auparavant, il en aurait été incapable. Il avait encore plus tendance à foncer tête baissée et à laisser éclater tout ce qui bouillonnait en lui. Son aînée lui avait appris à tempérer ses élans et à contrôler ses émotions. Avec le temps, il avait su se créer une façade, un vernis brillant pour éblouir les ignorants. Il savait être charmant, et s’il avait été meilleur tacticien, cette aptitude l’aurait sans doute rendu redoutable. Les muscles de sa mâchoire se détendirent, et il sourit. Ses iris quittèrent ses sombres pensées et se promenèrent sur les figures admiratives. Des jeunes femmes le détaillaient en gloussant, main devant la bouche et pupilles dilatées d’admiration. Des hommes scrutaient sa haute stature et sa large carrure, impressionnés. Quelques habitants lui adressaient des signes de tête reconnaissants, qu’il leur rendait avec une humilité feinte. Quand il entendait un commentaire flatteur, il se tournait vers la personne qui venait de l’énoncer, et en guise de remerciement, son sourire avenant s’élargissait.

La question de sa sœur lui fit hausser un sourcil. Il pivota dans la même direction qu’elle. C’était bien la frêle silhouette de la demoiselle d’Ecirava qui se découpait dans la foule chamarrée des passants. Elle ne pouvait pas mieux tomber. Arcange avait hâte d’évaluer l’effet que sa lettre avait laissée sur sa personne. Il observa le gamin qui se tenait à ses côtés, et retint de justesse une moue agacée. « Je ne suis pas certain que l’on puisse qualifier ça de « compagnie ». » jugea-t-il en décortiquant la silhouette malingre du garçon. Le blond n’avait jamais eu de mal à se débarrasser des prétendants de ses conquêtes. Si elles ne les oubliaient pas à l’instant où elles posaient les yeux sur lui, il se faisait un plaisir de les éliminer. Il jeta un coup d’œil aux gardes, avant d’emboîter le pas à sa sœur. « On pourrait inviter toute la famille. » La mère lui avait paru particulièrement couvrante à l’égard de ses deux filles, lorsqu’elle était venue les présenter à Merlin. L’idée que, contre toute attente, ce ne fût pas le d’Uobmab mais le Reknofed qui semblât prêt à s’enfoncer le premier entre les cuisses de l’une d’entre elles le fit sourire. S’il n’avait pas eu la chance d’exécuter la vermine, il avait au moins le plaisir de lui ravir ce qu’il aurait pu posséder – ou ce qu’il avait pu posséder. Il faudrait qu’il s’occupât d’Adénaïs, ensuite. Puis de sa fille, Yvonelle. Le concert qu’elle avait donné à la réception de Tuorp l’avait fait connaître également. Tous deux figures jaillies des flammes de l’incendie, il pourrait probablement se débrouiller pour organiser une rencontre qui fît sens. Une rencontre dont elle ne se remettrait jamais.

Au moment où Ange-Lyne interpellait Stéphanette et que celle-ci se tournait vers eux, Arcange lui adressa un signe de tête respectueux. Sa sœur jouait bien. Il n’avait pas besoin d’ajouter quoi que ce fût. Il aurait pris le risque d’avoir l’air d’en faire trop. « Demoiselle d’Ecirava. » dit-il sobrement, en exécutant une révérence. Il laissa ses iris s’attarder sur sa main, comme si l’idée d’y déposer un baiser le traversait mais que, tenu par les convenances d’une rencontre en pleine rue, il n’en ferait rien. Il avait répété ce numéro des centaines de fois. Il salua poliment l’adolescent qui l’accompagnait, avant de ramener son regard sur sa proie. « J’espère au moins que votre mouchoir a su rapidement vous retrouver. On m’a dit que les services postaux pouvaient être un peu capricieux, ici. » Il lui sourit. « Si j’avais su que nous nous rencontrerions aujourd’hui, je vous l’aurais rendu en mains propres, et vous aurais directement remercié pour votre aide durant l’incendie. S’il m’est un jour possible de vous rendre la pareille, j’en serai heureux. » Il leva brièvement les yeux vers les gardes, avant de ramener ses prunelles dans les siennes.



Message XI – 1275 mots



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Adriæn Kælaria
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Jeu 30 Nov 2023, 22:54

Les Portes V - La Chute du Roi Sadique - Page 12 4yi9
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Les Portes - Le Roi sadique



Rôle:

Hermilius s’accouda sur le rebord de la fenêtre. Dans une position similaire à celle d’Elzibert – joue dans la main, menton posé à la base de la paume – il dévisagea l’adolescent. Le de Tuorp ne savait pas ce qu’il avait mais la situation n’arrivait pas à entacher son humeur. Pourtant, il devinait sans problème les menaces sous-jacentes dans la voix du brun. Il jouait les indifférents – ou les idiots – mais les mots étaient clairs. « Si le mari surprend mon formidable doigté, je pense que ce ne sera pas un problème. » articula-t-il. Avait-il peur du fils de Gustave ? Non. Leur différence d’âge allait en sa faveur ; en tout cas pour le moment. Fatalement, son interlocuteur finirait par prendre en maturité alors que lui vieillirait. Le rapport de force irait forcément à son désavantage. Néanmoins, il avait couché avec Eléontine un nombre incalculable de fois. Gustave était au courant. Il n’avait cependant pas terminé dans la fosse aux cochons comme son ancienne amante. « Mais prendre des cours avec Ezidor est une très bonne idée. C’est important de pouvoir combler certaines défaillances. » Lorsqu’il avait repoussé Yvonelle, la veille, elle avait fait un commentaire voilé qui lui avait laissé penser qu’Elzibert n’arrivait pas à la satisfaire au lit. Dans le doute, il attaqua sur ce terrain-là. S’il avait tort, l’adolescent prendrait ses mots pour un conseil. S’il avait raison, ça le piquerait. « Un doigté expérimenté est une aubaine dans ce genre de cas. » Il sourit et regarda le paysage quelques secondes. « Je devrais en prendre aussi. Pas pour faire jouir les femmes mais pour mieux découper les corps. Selon la conjoncture, ça peut être utile. » Il ramena son regard sur l’adolescent et laissa tomber sa tête en arrière. « Difficile d’être conseiller royal… » commenta-t-il, l’air de rien, avant de regarder Yvonelle. « Quoi qu’il en soit, je vous remercie tous les deux pour vos conseils. Je préfère néanmoins que la femme que je tente de séduire me connaisse parfaitement. Ça lui évitera de découvrir que je me tape des prostituées derrière son dos au détour d’une conversation. Après tout, le mariage n’est-il pas basé sur une relation de confiance ? » Il parlait trop mais, étrangement, ça lui plaisait assez. Il était souvent franc avec lui-même mais la vie emportait son lot de déni inconscient. À présent, tout était clair : il devait se débarrasser d’Elzibert d’une manière ou d’une autre.

Une fois les gardes passés, il suivit le couple les mains dans les poches. Ils étaient parfaitement dysfonctionnels. Ça crevait les yeux. Malgré leurs mains liées, les paroles de l’une se perdait dans le désintérêt de l’autre. Elzibert n’entendait plus sa femme, ne cherchait pas à la comprendre. Ils étaient trop différents, comme si le monde de la nuit et ses plaisirs avaient transformé à jamais l’adolescent et l’empêchait d’entrer en empathie. Hermilius pensa vaguement qu’il fuyait la réalité. Yvonelle n’était probablement pas en reste. « Je pense que vous avez toutes vos chances. Votre musique est magnifique et, même si la Reine semble brute de décoffrage, en plus d’avoir une sacrée poigne… » Ses parties s’en souvenaient fort bien. « … je crois qu’elle ne sera pas insensible. Ceux qui n’ont pas la musique dans le cœur sont déjà morts intérieurement. » Le conseiller royal les doubla, s’excusa et entra dans la pièce où devait déjà avoir commencé la réunion.

À l’intérieur, il retrouva plusieurs figures familières qu’il salua discrètement. « Je m’excuse pour mon retard, Votre Majesté. » dit-il, en regardant la propriétaire de la remarque. Puis, il s’attarda sur le médecin royal et murmura quelques mots pour lui-même. « Visiblement, les cochons n’étaient pas friands de leur nourriture… leur vengeance a été terrible. » Il rit à sa propre blague, avant de froncer les sourcils. Il parlait trop depuis le déjeuner. Il se sentait étrangement bien depuis ce même déjeuner. Ce n’était pas normal. Il n’avait pas beaucoup bu, pas assez pour être dans cet état. Il revint sur Zébella, comme tiré d’un autre monde. Avait-elle toujours parlé autant ? « Eh bien… » commença-t-il. « Ce soir-là, je ne vous ai pas donné un abortif… mais, pour ma défense, je ne vous ai jamais dit que c’en était un. Par contre, c’est vrai que c’est ce que j’ai dit aux gardes, parce que je voulais arriver jusqu’à vous afin d’impressionner Clémentine d’Ukok que vous m’avez surpris en train d’admirer dans les bois avant de me traiter de pervers. Je pensais qu’Ezidor de Xyno viendrait vous voir ensuite mais, visiblement, ça n’a pas été le cas. Je me demande encore où est-ce qu'il a disparu ce soir-là... » fit-il, songeur sans s'adresser au principal concerné qui semblait faire des messes basses avec le Chef des Armées. Il marqua une pause. « Enfin, pour être exact, au début j’étais intéressé. Ensuite, lorsque je vous ai vue, j’ai réellement voulu vous aider. C’est là que vous avez réduit mes testicules en bouillie. » Il humecta ses lèvres et esquissa un sourire. Tout lui paraissait léger et grave à la fois. C’était très étrange. Sa langue se déliait bien plus facilement que d’habitude. Il fit quelques pas dans la pièce, passa son doigt sur le dessus d’un meuble pour en vérifier la propreté et continua. « Pour le reste, un conseiller n’est utile que s’il est écouté. Votre frère passait le plus clair de son temps à la chasse et dans sa chambre à traumatiser des femmes. Lorsque je lui ai conseillé de renommer le Royaume, il s’est empressé de le nommer Uobmab sans m’entretenir de son choix, désastreux au demeurant, au préalable. » Son expression montrait clairement son exaspération. « Je lui ai parlé mille fois de la situation à consolider, de certaines personnalités venues d’Uobmab à surveiller – et notamment vos cousins Reknofed, des enjeux diplomatiques et économiques, mais il semblait plus important à votre frère de décorer le palais à sa gloire… comme en atteste la plupart des œuvres d’art qui ont été rajoutées depuis et qui sont d’un goût plus que douteux. » Un jour, il était tombé sur une statuette de Merlin nu, avec un pénis de la taille d’une cuisse. « Mais je pense que tout le monde ici sera d’accord avec moi sur ce point : Merlin était aussi fait pour être Roi que Nicodème pour se déshabiller lascivement dans un bordel. » Il croisa les bras sur son torse. « Quant à mes intentions… » Il se sonda. « Avant tout, il me semble important de signaler que je pense avoir été drogué. » Il sourit. C’était la seule explication. « Mais je vais tout de même vous répondre. J’ai souvent agi par pur opportunisme. Je ne suis pas le seul. J’ai surpris votre frère dans les buissons avec Garance de Lieugro après tout… » S’en souvenir lui arracha un rire bref qui fit écho à la suite de ses paroles : « Bref. Vous connaissez mon histoire et je vous ai dit que les hommes étaient bien souvent décevants. Néanmoins, je tiens à ce Royaume contre toute attente et ma priorité actuellement est de construire un endroit sûr pour qu’une jeune musicienne talentueuse puisse s’y épanouir. Si je dois tuer des gens à coups de tisonnier et découper leurs corps pour ça, ça ne me dérangera pas. Et vous ? Quelles sont vos intentions ? »

1204 mots



Les Portes V - La Chute du Roi Sadique - Page 12 4p2e
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Seiji Nao
Ven 01 Déc 2023, 22:01





Rôle:

À traîner son camarade du jour à travers la ville, Stéphanette ne vit pas l’heure passer. Pendant son tour des ragots, le brun ne pipa mot, vraisemblablement ébaubi d’entendre tant d’histoires croustillantes. Comme un enfant dans le sillage d’Essë’Aëllun, il se contentait d’ouvrir de grands yeux, communiquant son enthousiasme et son intérêt par de petits hochements de tête. Encouragée par son mutisme dévoré de curiosité, elle progressait à vive allure entre les édifices, ravie d’avoir enfin rencontré un homme capable de l’écouter. Il lui semblait même qu’au détour de certains commentaires, une étincelle de complicité chatouillait son regard. Peut-être deviendraient-ils bons amis, s’ils avaient l’occasion de se revoir. À l’aise en sa compagnie, elle regrettait presque qu’il ne fût pas d’une lignée plus prestigieuse, sans quoi elle aurait envisagé une alliance plus intime. Cependant, à force de gambader en tous sens, ses pieds commençaient à la meurtrir. Une fine couche de sueur collait des mètres de taffetas à sa peau satinée : elle avait suffisamment d’éducation pour ne pas couler sur son visage. Par chance, son nez, plus sensible que la moyenne, la prémunissait du désastre affectant bien des demoiselles, l’association malfaisante entre parfum et odeur corporelle. Heureusement, pour des renifleurs moins bien pourvus par Dame Nature, le savon couvrait largement les dégâts.

En proie à ces considérations odorifères de première importance, la blondinette ne remarqua pas tout de suite qu’ils s’étaient arrêtés aux abords d’une place pavée. Déblatérant un nouveau potin aux oreilles de son infortuné compagnon, elle s’interrompit soudain, ne trouvant pas de fraise sous ses doigts. Quelques fruits, tentateurs, se rassemblaient de l’autre côté de la barquette, celui artificiellement attribué au jeune homme. Les joues rouges d’avoir mangé avec si peu de retenue, elle releva la tête. Sur la droite se trouvait l’hôtel des Quatre Vents, un établissement fameux pour les liaisons scandaleuses qui y fleurissaient. Une amie lui avait raconté qu’Hermilius de Tuorp comptait parmi les habitués _ ou peut-être l’avait-elle confondu avec son cousin, elle ne savait plus trop. D’après son bref échange avec le concerné, elle ne l’imaginait guère se rendre dans un lieu si débauché : la sotte avait dû lui se tromper, ou lui mentir. Quoi qu’il en fût, avisant le bosquet non loin de l’entrée, elle réalisa qu’elle était suffisamment menue pour s’y dissimuler. Quel plaisir ce serait, d’être le témoin invisible de ces relations illicites ! S’apprêtant à partager son idée à Alembert, elle se ravisa en entendant une voix s’élever derrière elle, et se tourna dans cette direction.

À sa grande surprise, les Reknofed se dirigèrent à leur rencontre. Tâchant vainement de camoufler son trouble, elle rajusta son jupon, prêtant une oreille attentive aux mots des nouveaux venus.

« Vous… Vous m’aviez reconnue ? »

Fidèle au poste, le cœur de Stéphanette se gonfla de sang. L’orgueil et la joie rejoignirent d’eux-mêmes la partition. Touchée par la gentillesse d’Ange-Lyne, elle baissa doucement la tête, battant des cils. En chemin, elle croisa le regard d’Arcange, qui tardait sur le haut de sa main. Ses joues capitulèrent, se teintant d’un rose printanier.

« Oh, c’est très gentil à vous. Je n’ai pas fait grand-chose, vous savez. Tout le mérite revient à votre frère. »

Il eût été criminel d’oublier le véritable héros de l’histoire. S’efforçant de ne pas regarder l’individu en question _ au risque de perdre toute contenance _, elle se remémora une conversation avec son paternel, qu’ils avaient eu peu après l’incendie, et dont le contenu aurait fait bondir sa mère. Pour une raison inconnue, les sempiternels monologues sur l’art lui avaient hérissé le poil pendant des jours. Une période qui n'avait pas déplu à la frivole, pour l'attention qu'elle avait reçue.

« Oh, oui, bien sûr. Il est arrivé en parfait état. Je le garde précieusement. Si je leur en parlais, toutes mes amies seraient folles de jalousie. »

Malencontreusement, elle oublia de confier qu’il reposait sous son oreiller, et qu’elle enfouissait son visage dedans toutes les nuits, avant le coucher, s’enivrant du même parfum de lessive qui flottait certainement sur les vêtements du blond.

« Allez-vous faire un tableau de la soirée, ou de l’incendie, peut-être ? Mon père m’a dit que vous peignez des merveilles, mais qu’elles ne sont pas pour les enfants. »

L’amusement s’invita sur les lèvres de l’adolescente : elle soupçonnait le trésorier d’avoir formulé la chose ainsi pour attiser sa curiosité. Personne ne tenait de tels propos pour une mise en garde digne de ce nom, et elle ne pouvait croire que ce fait ait échappé à son esprit d’acier.

« Entre nous, je crois qu’il me prend encore pour une petite fille, et qu’il s’imagine que je ne sais rien du monde. »

Sous sa tête blonde, elle avait vite tiré les conclusions qui s’imposaient ; il s’agissait de toiles d’amour, sans doute d’un genre plus réaliste que celles qui peuplaient le couloir de la demeure familiale. Un instant, elle songea à l’émoi qu’elles provoquaient au creux de ses reins, et qu’en contempler de plus explicites ne ferait qu’aggraver le phénomène. En somme, une très mauvaise idée.

« Si jamais vous exposiez un de ces jours, je serais honorée d’être invitée. »

En attendant sa chance, la blondinette eut une pensée pour les affabulations récemment parvenues à ses oreilles, et se fit un devoir de les partager aux principaux concernés.

« Depuis quelque temps, un racontar circule parmi les petites gens. Des allégations honteuses, sur vous, votre sœur et l’incendie. Je ne peux tolérer que de tels mensonges soient proférés, alors je m’assure autant que faire se peut que votre bravoure soit reconnue. Je suis trop jeune pour tenir un journal, mais je sais démêler le vrai du faux, et j’exerce une certaine influence sur les rumeurs. »

Comme une araignée matriarche, Stéphanette avait tissé sa toile autour de ses connaissances qui, en insectes babillards, faisaient le travail à sa place. Il lui suffisait de glisser les bons mots pour encourager un potin, ou éteindre un ragot. D’ailleurs, elle prenait parfois quelques libertés avec la vérité.

« À l’heure qu’il est, votre sauvetage d’un vieillard jardinier, au péril de votre vie, est sur toutes les lèvres, jusque dans les villages de campagne. »

La bouche ornée d’un sourire timide, l’adolescente s’autorisa un clin d’œil léger, qu’Arcange ne remarquerait sans doute pas ; il devait savoir qu’il pouvait compter sur son aide, aussi modeste fût-elle. Lancer l’information ne garantissait pas que les poissons mordent à l’hameçon. Les gens se désintéressaient des affaires les plus intéressantes à une vitesse folle. Il fallait entretenir la flamme pour qu'elle continuât à brûler : livrer des détails au compte-goutte, dévoiler un rebondissement insensé, embellir l’histoire par une révélation plus impressionnante que l’idée d’origine. Il y a quelques jours, elle s’était donc permis une petite fantaisie. L’image du héros qui, ayant déjà sauvé le Roi, et tant d’autres dont tous avaient oublié le nom, plongeait dans le feu, les poumons noircis de cendres, pour y arracher un homme aux jours déjà comptés, et le porter triomphalement sur ses épaules jusqu’à sa fille unique éplorée, refusant la broche en diamant qu’elle lui offrait en remerciement, n’avait pas manqué de faire son petit effet.
 
« Je suis désolée de ne pas encore avoir répondu à votre lettre. C’est que ma mère ne me laisse pas écrire librement, et… Je dois l’avouer, vous m’intimidez un peu. »

Insensibles au bon sens, les mots sortirent sans qu’elle n’y prêtât attention. En catastrophe, elle porta la main à sa bouche, la cervelle remuée par un commentaire si inconvenant. Comment avait-elle pu ? Honteuse de sa maladresse, elle se mordit la lèvre inférieure si fort qu’elle perdit de son rouge.

« C’est-à-dire que… Ce n’est pas ce que je voulais dire… »

Alors que l’explication tardait, un nom dans la bouche d’une marchande de fleurs chassa la question. Pourquoi diable parlait-elle de Merlin ? Tendant l’oreille, elle perçut une nouvelle qui lui serra la poitrine. Sans réfléchir, elle s’approcha de cette dernière, le visage fermé : elle se trompait forcément.

« Je vous demande pardon ? »

L'insolente répéta, et la vérité déferla sur la frivole. L’air se retira brutalement de ses poumons. Avec un hoquet de surprise, elle resta immobile un instant, la bouche grande ouverte et les yeux écarquillés, telle une carpe ayant reçu une décharge. Se pouvait-il que le soleil se fut éteint ? Qui pouvait avoir commis une telle barbarie ? Des larmes lui montèrent aux yeux. Sonnée, elle se réfugia dans le mensonge, s’enveloppant dans une réalité plus douce. La perspective que le souverain eût péri sans lui confier son amour était trop cruelle.

« Il m’avait écrit, vous savez… Sa Majesté… Il disait que… Mon dieu, comme c’est affreux… Et dire qu’il est de votre famille ! Je suis navrée… »

À mesure que la mort de Merlin s’imposait à son esprit, la panique et le chagrin s’entrelaçaient. Sa raison lui dictait de rester forte, et de présenter ses condoléances aux cousins du défunt, en bonne et due forme ; hélas, la raison n’avait jamais été l’atout de Stéphanette.

« Je ne peux pas croire que… Je… Je ne me sens pas très bien. »

Saturée par les émotions, la tête lui tournait. Maladroitement, elle chercha le bras d’Alembert, certaine qu’il saurait la soutenir ; elle redoutait de paraître si fragile devant son potentiel mari. Plus que le choc de la mort de Merlin, cette pensée souffla pour de bon son énergie.

« S’il vous plaît, A… »

Le prénom ne franchit jamais ses lèvres ; la blondinette s’évanouit le plus naturellement du monde, comme une jonquille cueillie par un promeneur.

1 553 mots | Post X

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Priam et Laëth
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Priam et Laëth
Sam 02 Déc 2023, 10:36



Unknown

Le Roi sadique

En groupe | Alcide


Rôle - Nicodème d'Ecirava :


Le regard de Nicodème s’ancra dans celui de Zébella. Il la savait jeune, mais la voir de si près lui permettait de réaliser pleinement à quel point son âge devait être proche de celui de ses filles. Quand elle ouvrit la bouche, ce fut son sang uobmabien qui lui jaillit au visage. « Oui. J’allais chercher un médecin pour Messire de Xyno. » répondit-il sobrement, avant qu’elle ne constatât par ses propres moyens l’état du praticien. Il le regarda à son tour ; il les regarda, lui et le chef des armées. La dynamique qui se tissait entre eux, les gestes terminés et ceux qu’ils n’initiaient pas. Il jeta un coup d’œil au garde et lui glissa discrètement de faire quérir un docteur, au cas où. Il pourrait attendre dans l’un des petits vestibules adjacents.

Tranquillement, le trésorier regagna sa place et posa ses mains de part et d’autre de son livre de comptes. Avant d’y perdre son regard, il croisa celui de la souveraine. Se redressant, il la suivit jusqu’à la baie vitrée. Ses iris plongèrent quelques instants en contrebas, là où s’étalaient des parterres de fleurs et des arbustes, séparés par de longues allées ombragées d’arbres centenaires. Puis, ses prunelles remontèrent jusqu’à la nouvelle Reine. Il acquiesça brièvement. Dans son esprit, il visualisait déjà l’enthousiasme d’Ezémone – Merlin était mort, certes, et avec lui ses espoirs de marier ses filles à la couronne, mais il lui semblait que jamais il ne l’avait conviée pour un tel entretien. « Votre frère a principalement dépensé l’argent royal dans des parties de chasse, des fêtes, la décoration du palais, et des prostituées. Plusieurs traitements médicamenteux, aussi. » déclara-t-il succinctement. « Rien qui n’ait trop entamé les réserves – son règne n’a pas été suffisamment long. Les comptes ont connu de meilleurs jours mais leur état n’est pas alarmant. Les impôts seront levés, comme de coutume, à la fin de l’été, puis à nouveau à l’automne. Je crois que vous pouvez vous épargner la peine de le ressusciter. » Une fine pointe de malice perça ses rétines.

La porte s’ouvrit sur Gustave de Tuorp. Nicodème pivota la tête de trois quarts pour le détailler. Tandis qu’il s’attendait à trouver son habituelle silhouette, étoffée d’une virilité orgueilleuse, il se surprit à scruter un homme amoché, dont le visage tuméfié se parait de couleurs vives. Son sourire le troubla. Il fronça les sourcils avec subtilité, encore plus perturbé par sa question. Il y avait des manières de formuler les choses. Le diplomate, en sa qualité, maîtrisait généralement ces tournures alambiquées. Le blond jeta un coup d’œil au guerrier, toujours posté près d’Ezidor de Xyno. Il l’observa brièvement, à la recherche de signe dont il aurait fallu s’inquiéter. Ses iris clairs retournèrent vers le de Tuorp. « Oui, et je vous en remercie grandement. Pardonnez-moi de n’avoir pas répondu à votre lettre : j’espérais que nous nous croiserions plus tôt. » Quand il avait reçu le colis contenant la statuette, son cœur avait bondi de joie. Il avait caressé du bout des doigts les contours du loup aux yeux rubis presqu’à la manière d’un homme effleurant le corps de son amante. Il avait passé de longues minutes à la décortiquer du regard pour en arracher le moindre détail, et s’était longuement demandé où il pourrait l’exposer. Plus le temps passait, plus il songeait à faire construire une nouvelle aile à sa demeure afin d’y entreposer ses prochaines œuvres. Il n’en avait pas encore parlé à son épouse : le projet la ferait sans doute bondir, tout comme la réapparition de cette sculpture qu’elle accusait de les avoir presque fait tuer. Il l’avait donc soigneusement cachée, attendant le bon moment pour lui annoncer son retour.

Comme Zébella reprenait la parole, il fixa son attention sur elle. Ses requêtes ne l’étonnèrent pas. Uobmab avait fondé sa réputation sur la conquête d’autres territoires. Sa population comptait de nombreux guerriers aguerris. La Reine elle-même avait reçu une formation militaire, qui transparaissait nettement dans son physique. Il ne se faisait aucune illusion : si elle avait souhaité le mettre à terre, elle aurait probablement réussi. Imaginer cette configuration étira ses lèvres d’un discret sourire tant elle lui semblait saugrenue. Il regarda Childéric. « Nous pouvons nous retrouver après cette réunion pour en discuter, si vous le souhaitez. Cet après-midi, sinon. » Cette fois, il prit le temps de l’examiner. De chercher dans son regard ou sa stature quelques indices sur ce qui avait pu se passer à Narfas – il était mauvais à ce jeu-là. Des questions valsaient dans son esprit, mais la configuration présente n’invitait pas à faire preuve de curiosité au sujet de la fuite de la famille de Lieugro et du retour inattendu de Zébella. « Cela me permettra de vous le rendre ce soir ou demain matin. » ajouta-t-il à l’intention de cette dernière. Pour une adolescente de son âge, elle paraissait excessivement sûre d’elle – en cela, elle lui rappelait son frère. Leurs priorités semblaient néanmoins diverger en tous points.

À nouveau, la porte s’écarta pour laisser passer une silhouette connue : celle d’Hermilius de Tuorp. L’image d’un tableau frappa son esprit, et il regretta de n’avoir pas encore pris le temps de s’entretenir avec lui, Gustave, Elzibert ou encore Doléas pour tenter de les convaincre d’offrir leurs corps aux yeux d’un artiste. Concernant Merlin, il avait trop attendu, et désormais, il était trop tard. Ses pensées n’eurent cependant pas le temps de s’étirer dans cette direction : Zébella frappa à nouveau de ses mots comme elle l’aurait fait de ses poings. Une lueur étonnée dansa dans ses prunelles. Il lui paraissait évident, à la façon dont elle abordait le sujet, qu’elle n’était pas – ou plus ? – enceinte : l’enfant qu’elle avait ou aurait porté aurait-il été celui de Déodatus ? Il ne put s’empêcher de se demander si cet improbable rejeton aurait eu le talent de son père pour le dessin. Quoi qu’elle eût clamé avoir subi un viol de la part du d’Etamot, Nicodème ne pouvait s’empêcher de penser à lui avec une pointe de nostalgie. Son meurtre n’était qu’un vaste gâchis. Si sa sœur partageait a priori son appétence et son don pour les arts, le trésorier se révélait toutefois moins sensible à la musique qu’à la peinture.

Le d’Ecirava passa une main dans ses cheveux, qu’il laissa glisser sur sa mâchoire, avant de retourner vers la table où il avait déposé le livre de finances. Il tira la chaise et s’assit. Les règlements de compte personnels l’intéressaient assez peu : il jugeait plus pertinent de se remettre à travailler. Il prit donc sa plume et poursuivit ses calculs, n’écoutant la défense d’Hermilius que d’une oreille distraite. Ce qu’il racontait lui rappelait sa prime jeunesse, lorsqu’il se retrouvait malgré lui enfermé dans des salles de réception où le partage des dernières rumeurs était tout ce qui faisait frémir les invités : qui avait couché avec qui, qui tentait de séduire qui, qui s’était battu avec qui, pourquoi, comment… L’excitation de l’assemblée atteignait son comble lorsqu’une femme se mettait à crier sur son amant qui venait, repentant, s’excuser de ses infidélités, ou lorsque deux prétendants s’affrontaient aussi vaillamment que des coqs sur un tas de fumier. Nicodème choisissait généralement ce moment pour s’éclipser en toute discrétion. Ezémone lui était plusieurs fois tombée dessus à cette occasion. Il se demanda comment il fallait lui annoncer la mort de son futur gendre, et conclut que cette journée serait loin d’être reposante.

Il releva fugacement la tête quand Hermilius le mentionna, mais ne se formalisa pas de la comparaison. Il avait d’autant plus raison que le blond n’avait jamais mis les pieds dans un bordel. On avait essayé de l’y traîner, une fois, mais il avait réussi à s’enfuir avant le début de la tragédie. Son attention retombée sur les finances remonta vers le visage du conseiller sur la sellette. Drogué ? Il le scruta, les sourcils froncés, avant de hausser l’un d’entre eux à mesure que le brun déroulait le fil de ses intentions. Quand le silence se fit après ses questions, il glissa poliment : « J’ai fait venir un médecin, si besoin. Il attend à côté. » Il balaya la salle du regard, interrogateur. « Peut-être devrions-nous nous retrouver plus tard, si plusieurs d’entre vous ne se sentent pas très bien ? J’imagine que nous ne voulons pas ajouter plus d’instabilité à notre château de cartes. » Il jeta un coup d’œil en direction de Zébella, puis reposa sa plume et se redressa dans son siège pour se caler contre le dossier. S’il avait appris une chose en vivant sous le même toit que deux adolescentes, c’était qu’imposer et ordonner n’amenait qu’à plus de chaos. Cela n’entrait, de toute manière, ni dans son tempérament, ni dans ses fonctions de trésorier royal. La Reine serait seule à décider.



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