Portrait de Boraür

Musique

« Je me demande comment son kimono fait pour être aussi impeccable. » s’amusa Avril d’Ovipa, tout en regardant l’intéressé qui avançait devant eux, dans la poudreuse. Les pieds de Jun ne semblaient pas s’enfoncer dans la neige. Alaster, s’il avait été moins Paresseux, aurait probablement adopté une mine surprise. « Et je me demande comment est-ce que vous faites pour avoir connaissance de ce détail. » La directrice de Basphel sourit de façon énigmatique. Elle prit une voix mystérieuse et récita tranquillement : « Je sais tout ce qui a été, tout ce qui est et tout ce qui sera. » Alaster sourit. « Ça fait beaucoup de choses. » Plus rien ne l’étonnait. Son meilleur ami était un Dieu et il avait assisté à des conversations qui dépassaient l’entendement. Il se contentait le plus souvent de hausser les épaules. Qu’il entendît ou non ne changerait rien : il n’avait pas les moyens d’agir ; ni même la volonté de le faire. Il aurait fait un parfait Rehla. Il était en paix avec le Destin et la fatalité. Il ne désirait rien changer. Il se contentait d’exister, sans prétention aucune.

Derrière eux, quelques élèves discutaient du fameux nouveau directeur. L’université venait juste d’ouvrir officiellement ses portes mais n’accueillait pas encore le moindre élève. « Il parait qu’il est eunuque… Vous le saviez ? » « C’est ce que j’ai entendu dire, que les Sorciers lui avait couic… » L’étudiante découpa son index droit entre ses index et majeur gauches. « … avant de le bannir. » « Hum. Ça explique pourquoi est-ce qu’il s’est mis à porter des robes… » « Ce n’est pas une robe. C’est un kimono. » « Quand même. Ça fait vraiment efféminé. » Elle jugeait mais ça ne l’empêchait pas d’observer plus que nécessaire celui qui marchait en tête du peloton. « Moi j’aime bien… Puis ce qui compte ce n’est pas le vêtement, mais ce qu’il y a en dessous. » Son torse, ses bras… « Plus rien du coup… » Elles rirent. Elles avaient fait le tour de la question mille fois mais le Directeur revenait toujours dans leurs conversations. Elles voulaient vérifier les rumeurs. Il était certain que Jun Taiji semblait bien plus fin et souple que ses portraits dans les livres d’Histoire. « Et puis avec les tissus amples qu’il porte, c’est difficile de savoir ce qu’il cache en dessous. Il faudrait les lui enlever. » Elle reçut des acquiescements experts pour toute réponse. Puis la conversation continua. « Vous croyez qu’il a une relation avec Avril d’Ovipa ? » « Moi je pense qu’il est plutôt proche d’Alaster… si vous voyez ce que je veux dire. » « Arrête de fantasmer sur les hommes entre eux. C’est dégoûtant. » « Il est amoureux de Laëth Belegad. Sinon pourquoi est-ce qu’il l’aurait achetée puis libérée au prix de son bannissement et de son… machin » « Si c’est ça, il a misé sur le mauvais cheval. » « Ouais. Ça a dû lui briser le cœur qu’elle se maaaaAAHHH ! » L’étudiante venait de se prendre une boule de neige dans le museau. Au loin, Jun prit un air désolé. « Pardon, je visais Alaster ! Quel maladroit je fais ! » La petite blonde bafouilla, rouge comme une tomate. « N… Non non mais moi j’aime bien et puis euh… j’étais dans la trajectoire de votre lancée… » Absolument pas. « Oui… Enfin, oui, pardon Monsieur le Directeur. »

565 mots

---

Pour rappel, l'objectif d'un rp filé est de repartir du dernier message et de continuer l'action =) Comme dans la scène d'ouverture de ce James Bond qui est un plan séquence de plusieurs minutes (il n'y a jamais de coupure caméra pendant toute la scène). L'objectif c'est qu'on poste chacun à la suite de l'autre pour dresser un portrait de Basphel à Boraür comme dans Portrait de Basphel

Portrait de Boraür

Musique

Aäron avançait dans la poudreuse. Il se sentait étrangement léger, tellement qu’il amenait parfois exprès la neige sur le dessus de sa chaussure pour mieux la voir voltiger après un mouvement plus vif que les autres. Il avait envie de sautiller et l’aurait sans doute fait s’il n’y avait pas autant de monde. Il avait hâte de découvrir la musique locale. D’une oreille distraite, il écoutait les conversations autour de lui. Tout le monde semblait dans le même état : heureux d’être ici, avide d'en découvrir plus. Quand il comprit qu’un groupe de filles parlait de Jun Taiji, il tendit l’oreille davantage. Depuis le début du voyage, il fixait souvent le directeur de l’université basphélienne. Ce dernier ne semblait pas l’avoir reconnu mais l’Alfar s’en souvenait parfaitement. Il était venu plusieurs fois discuter avec son père. Parfois, les deux hommes semblaient en mauvais termes ; d’autres fois, ils riaient ensemble. Le brun n’avait jamais rien compris à leur relation et était, de ce fait, curieux de comprendre ce qui les unissait au juste. « Eunuque ? » fit-il, pour lui-même. Il ne savait pas ce que ce mot signifiait. En observant les commères, il crut comprendre. Son regard descendit sur son bassin et il grimaça. Comment est-ce qu’il faisait pour aller au petit coin s’il n’avait plus rien à cet endroit ? Les Sorciers avaient-ils le droit de faire ça ? Était-ce quelque chose de courant ? Ces questions ne restèrent pas longtemps dans son esprit. Boraür ne tolérait pas la négativité.

Il sursauta lorsque la boule de neige atteignit sur Charlestine puis laissa échapper d’entre ses lèvres un rire enjoué à la vue de l’expression de celle-ci. Il fixa le sol, une idée en tête. Il s’accroupit et entreprit de créer une sphère. Visiblement, d’autres que lui eurent la même idée. Un premier projectile atterrit sur un garçon occupé à observer le paysage, puis tout s’accéléra. « Tous aux abriiiiis ! » cria un élève, avant de sauter par-dessus un muret recouvert de neige pour se cacher derrière. « Bonne idée ! » s’esclaffa Aäron. Il contourna un buisson afin de s’en servir de forteresse. Là, il reprit la confection de sa bombe glacée. Il visa une fille et tira, avant de rire encore. Il remonta sa frange. La chaleur l’envahissait. Il s’assit par terre, essoufflé et heureux, et tourna les yeux vers la personne à côté de lui. « Dis-moi, est-ce que tu sais ce que c’est un eunuque ? Il paraît que le directeur en est un. » De la fumée sortait d’entre ses lèvres étirées.

427 mots

Portrait de Boraür

A holly jolly Christmas - Burl Ives

« On peut aller voir les Cerfuils d'Od, maintenant ? » Depuis qu'ils étaient arrivés à Boraür, la Lyrienne n'avait que cette phrase à la bouche. Elle était impatiente d'aller à la rencontre de cette espèce locale. « Claer, t'as pas entendu ce qu'on vient de dire ? » « Si, le proviseur n'a pas de zizi. Mais je n'ai pas l'intention d'aller vérifier, ça ne me regarde pas et ça m'intéresse pas. » Lui, par contre, ferait mieux d'aller faire son enquête. Il était de toute évidence très intéressé par le sujet. « Je ne savais pas que tu étais intéressé par les garçons. » pensa tout haut la blonde en regardant son ami. « Tu devrais cependant faire attention. Tu n'es encore qu'un gamin avec trois poils au menton, et lui, c'est un adulte. Je ne suis pas sûre qu'il soit intéressé de coucher avec toi, même s'il a encore son pénis à sa place. » raisonna platement la future zoomage. Elle avait vu le visage de son camarade se décomposer à l'entente de ses paroles, sans qu'elle ne comprenne exactement pourquoi. Elle n'avait aucun avis préconçu concernant les relations homosexuelles et avait du mal à envisager que cette idée pusse mettre d'autres personnes mal à l'aise, hormis peut-être les mages noirs qui s'opposaient farouchement à ces pratiques.

Les deux membres du club des chasseurs de trolls n'eurent pas plus le loisir de discuter de leurs désirs respectifs de coucher avec le futur directeur de Dævaniel. Les boules de neiges se mirent à voler comme en pleine tempête. Avec un hoquet de surprise, la disciple d'Ajrov se couvrit la tête à l'aide de ses mains et, se penchant en avant, elle se dirigea vers le premier abri qu'elle vit. Cette bataille neigeuse allait encore retarder sa visite de l'enclos. Pourtant, ce contre-temps ne parvint pas à rendre son humeur maussade. Au contraire, elle se joignit de bon cœur au chaos général, lançant au hasard sur les visages qui dépassaient de leurs cachettes. Elle ne visait pas très bien, mais cela ne l'empêchait pas de s'amuser et de rire de bon cœur. « Désolée ! » scanda-t-elle lorsqu'elle toucha accidentellement quelqu'un au visage. Pour éviter toute représaille, la tireuse se réfugia derrière le buisson. La question la tira de son euphorie. « Eunuque ? C'est... Quelqu'un avec une jolie nuque ? » hasarda-t-elle avec un haussement d'épaules. « Oh, salut Aäron, je t'avais pas reconnu. » Son aura changeait drastiquement, lorsqu'il n'avait pas son air maussade au visage.

Un peu plus loin, une silhouette survoltée attira l'attention de la blonde. Elle esquissa un sourire. « Zeryel ! » cria-t-elle pour essayer d'attirer l'attention de son ami. Un joueur de Puffball, ça devait bien savoir viser. « Essaye de pas trop te faire tirer dessus. » encouragea-t-elle le brun avant de changer de cachette en essayant d'éviter les projectiles qui fusaient dans sa direction.

510 mots
Claer essaye de rejoindre Zeze mais vous pouvez l'en empêcher si vous voulez.

Portrait de Boraür
Zeryel

☙ Valley of Wolves - Reckless

Zeryel était heureux. Une moustache de mousse bordait malicieusement sa lèvre supérieure. Le chocolat chaud bu il y a quelques minutes n'avait pas seulement été le meilleur chocolat chaud qu'il eut jamais consommé, mais il ne roulait pas non plus dans son estomac après comme si une tempête y faisait rage. Il avait juste le ventre agréablement chaud et se sentait rassasié, ce qui n'arrivait pas souvent. Depuis qu'il jouait au Puffball, en plus des autres activités, la faim le tenaillait sans cesse. Un peu plus loin, il reconnu le père d'Alcide qui cheminait tranquillement avec l'un des enseignants de Basphel. Empli de curiosité sur celui qui avait été nommé directeur de l'université il y a peu, il les observa à distance avec des yeux écarquillés. Son ami parlait toujours de son père avec chaleur mais Zeryel ne savait pas trop quoi penser de lui, comment faire la part des choses entre tout ce qu'on pouvait entendre à son sujet. En apparence, outre l'aura impressionnante qu'il dégageait, il paraissait inoffensif et sympathique. L'Ange finit par passer son chemin, préférant ne pas être surpris en train de les dévisager.

Quelques mètres après, l'écho d'exclamations de surprise et les éclats de rire l'informèrent d'une bataille de boules de neige en cours avant de la voir. Un sourire béat étira ses lèvres et il pressa le pas. Il s'apprêtait à se baisser pour former lui aussi ses munitions quand un appel lui fit dresser l'oreille. Il agita la main en reconnaissant Claer et prit sa main dès qu'elle fut à proximité. « Tu vas bien ? » C'était une question théorique à Boraür et il n'en attendit pas la réponse pour enchaîner. « On fait équipe ? » Il fit sauter une boule de neige dans sa main. « En échange, je veux que tu viennes au prochain match où je jouerai ! »

Les cheveux ébouriffés de pics humides après avoir perdu son bonnet dans ses acrobaties, Zeryel roula hors du champ de bataille. Il avait perdu de vue Claer et sans trop savoir comment, elle s'était trouvée dans l'équipe inverse. Hululant sa trahison, il l'avait visée sans relâche jusqu'à en avoir le souffle coupé. Comme un chien fou, l'Ange s'ébroua et lui fit signe qu'il s'éloignait. Les mains dans les poches, il longea quelques sentiers bordés de chalets avant d'arriver jusqu'à un promontoire enneigé offrant une jolie vue sur un plateau inférieur de l'île. Curieux, il s'approcha et fut happé par une adulte dès qu'elle croisa son regard. « Parfait ! » Zeryel sourit poliment en se demandant ce qui lui valait ce compliment. « J'ai trouvé quelqu'un ! » fit la femme à l'adresse d'un groupe de personnes plus loin. « De quoi s'agit-il ? » l'interrogea Zeryel alors qu'il se laissait entraîner. « On fait des courses de luge par binôme et on avait un nombre impair ! Tu tombes bien ! Va t'asseoir là ! Vite ! » « D'accord ! » Zeryel haussa les épaules, amusé par l'importance que cela semblait avoir pour la femme. Il se hâta jusqu'à la luge occupée par une personne et se glissa derrière. Il n'eut pas le temps de se pencher pour regarder de qui il s'agissait qu'un coup de sifflet donnait déjà le départ. Les autres compétiteurs poussèrent des cris surexcités qui chauffèrent les sangs de Zeryel. Il enroula ses bras autour de la taille de son binôme et poussa sur ses pieds pour donner à leur luge l'impulsion pour l'envoyer sur la piste verglacée.

608 mots

Rp précédent : Drôles de carpes

Je tendis les mains pour attraper la tasse qu’un garçon venait de me confier. Je me tordis pour la donner à quelqu’un d’autre et répétai ses mots. « Tiens, fais passer ! » Je souris. À chaque fois que je venais à Boraür, la joie crépitait de nouveau au fond de mon cœur. Le Duc Kaahl Paiberym m’avait invitée à rejoindre sa famille pour les fêtes d’Ësse’Aellun et j’avais profité du voyage scolaire pour me rendre sur l’île un peu avant qu’il n’y arrivât. Pauline était déjà arrivée avec quelques-uns des enfants du Magicien et un groupe d’orphelins. Elle m’avait écrit que Lucius, Ilias et Jude ne tarderaient pas à arriver. Je ne connaissais pas encore Jude mais avais hâte de le rencontrer. Et puis, j’espérais secrètement pouvoir passer plus de temps avec Alcide. Depuis que nous étions à Basphel, j’avais l’impression que nos activités respectives nous avaient comme éloignés l’un de l’autre.

Érasme avait enfin daigné répondre à mes lettres, ce qui avait gonflé mon cœur d’un sentiment particulier. J’avais besoin de mon frère. Son approbation m’était presque vitale. Je m’en étais rendue compte durant ces jours de silence : plus le temps s’était étiré sans aucune nouvelle, plus ma joie avait fané. À présent, j’imaginais déjà les moments à venir avec lui. Boraür effacerait les effets de sa magie et adoucirait son humeur. Peut-être voudrait-il bien que nous fissions une course de luge, dans le même genre que celle qui venait de se dérouler ? Je souris encore et, une fois que je fus certaine d’avoir bien passé toutes les tasses, j’en gardai une et allai m’installer autour d’une table. Des élèves parlaient des activités à venir, entre autres commentaires sur une bataille de boules de neige et la nuque de Jun Taiji. Je ne savais que penser de lui. C’était un traître mais ce genre de notions semblait bien lointaine ici.

Je trempai mes lèvres dans mon chocolat et pensai à Susannah. Je ne l’avais pas vue sur place. « Quelqu’un a-t-il vu Susannah ? J’espère qu’elle n’est pas restée à Basphel. J’aurais bien aimé passer du temps avec elle. » Je pensai à Rosalie. Mon amie et moi vacillions entre proximité et éloignement, le tout à cause de nos pères. Boraür serait peut-être aussi l’occasion de me réconcilier avec elle pour de bon. Elle me manquait. « Je la trouve trop courageuse et forte ! » Peut-être qu’un jour, je deviendrais comme elle. Je sortis le dernier tome du Conte de mon sac. Ce n’était pas vraiment une lecture de fêtes mais j’étais trop curieuse d’en découvrir le contenu. Je remarquai, en le feuilletant, qu’une partie des textes semblaient avoir disparu, remplacé par des paragraphes blancs décorés de dessins évoquant la neige et la joie. L’île n’appréciait visiblement pas le contenu originel.

459 mots

Portrait de Boraür

Dirt Pooor Robins - Great Vacation

Il y avait de bonnes odeurs par ici, sucrées, réconfortantes. Tout à Boraür était un véritable enchantement et je me sentais incroyablement bien. Je ne m'en souvenais pas, mais il me semblait que les premiers jours de mon existence, blottis contre mes frères et sœurs, à boire le lait de maman, devaient avoir ressemblé à ça. Mon humeur capricieuse ne souffrait pas ici que j'éprouve la moindre contrariété, je n'étais qu'amour, caresses et câlins, je voulais lécher tout le monde. Malgré la poudreuse, le froid ne venait pas m'incommoder mais j'avais le nez plongé dans une écharpe par habitude. Dénichée dans l'armoire de Claer, elle piquait un peu mais son odeur était imprimée dans chaque maille de laine et rien que pour ça, je voulais ne jamais m'en séparer.

« Susannah ? » Je tendis une main pour prendre le gobelet de chocolat chaud de la blonde et goûter sa boisson. La nourriture des autres était toujours meilleure chez les autres, et c'était vrai ici comme ailleurs. « Claer n'aime pas Susannah. » énonçai-je factuellement, comme si c'était tout ce qu'il y avait à savoir au sujet de la Sirène. « Elle n'est pas venue à Boraür. » intervint un autre élève assis entre la lectrice et moi. Je trouvais que c'était une bonne chose pour la Lyrienne, mais moins pour Rose-Abelle. « Si tu veux, je te prête Claer. Elle est courageuse aussi, et forte. » Je ne savais pas si c'était vrai, mais c'était l'intention qui comptait. Boraür me poussait à être généreux et à consentir à céder mes possessions quand en temps général, j'étais plutôt exclusif. Je lui souris et me levai. « Ils décorent un sapin là-bas. A plus tard, peut-être ! »

Au centre du village, sur la place ovale, plusieurs s'étaient réunis et s'entraidaient dans une ambiance festive. Ce fut l'arbre cependant qui accapara la totalité de mon attention. Y grimper me démangeait et ma queue fouetta l'air avec impatience. Je sentis ma salive se raréfier alors que je levai le nez. Il était vraiment très haut. Un habile système magique de plateformes permettait de se surélever pour ne pas laisser en reste les branches les plus hautes.

Comme on me le proposait, je me saisis d'une guirlande dorée à clochettes. Un sourire béat étira mes lèvres et je perdis quelques minutes à me rouler dans la neige pour jouer avec les clochettes, riant aux éclats quand mes membres s'empêtraient dans la guirlande. Quand je me redressai enfin, tant bien que mal et hilare, les joues et le nez cramoisis, j'interpellai la première personne qui passait. « Dis, tu veux bien m'aider ? Je me suis emmêlé en jouant avec. » Les bras plaqués contre mes flancs par la décoration, je gardai ma tête dans une drôle de position afin que mes oreilles puisses retenir le bonnet qui menaçait de chuter au sol. « On va la mettre dans le sapin ensemble ? Tout là-haut ? On doit avoir une belle vue de Boraür ! » En temps normal, j'avais le vertige, mais j'avais le sentiment que ce ne serait pas le cas aujourd'hui et j'avais hâte de raconter à tout le monde que c'était moi qui avais décoré le sapin. Pour remercier l'élève, je me penchai et le gratifiai d'un coup de langue râpeuse sur la joue.

572 mots

Portrait de Boraür

Peter Murray - All Roads Lead to Hogsmeade

Philomena se retenait de haleter fortement. À la place, de petits champignons de fumée s'échappaient rapidement de ses lèvres entrouvertes. Ses prunelles d'ébène scintillaient comme des gemmes exposées au soleil. Sous sa jupe, sa queue battait férocement l'air. Elle avait envie d'être partout à la fois, de jouer avec absolument tout le monde, de courir après une balle, ou un bâton, de mordiller une branche de ce sapin au lieu de le décorer, mais la bienséance l'interdisait. Elle n'était plus seulement le chien des Hanove, elle était leur fille bien-aimée, et elle ne pouvait pas leur faire honte en se roulant dans la neige comme un chiot né au printemps dernier.

Elle terminait de suspendre un sucre d'orge quand un avertissement, suivi d'un bras sorti de nulle part, l'écarta de la trajectoire d'une décoration tombée du ciel. « Merci. » murmura-t-elle, le souffle court. Elle leva les yeux sur les silhouettes surélevées au niveau de la cime du conifère. « Oui, tout va bien ! Faites attention à vous surtout ! » Une chute de si haut devait être mortelle pour les êtres ne sachant pas voler. L'île savait-elle sauver ce type de situation ? Elle imaginait mal Boraür devenir le théâtre d'un accident meurtrier, et la pensée même en était si absurde qu'elle se mit à rire. Elle avait de ces idées parfois !

Guillerette, Philomena s'empara d'une statuette en forme de cerfeuil pour l'accrocher sur une branche orpheline, et ainsi de suite, jusqu'à ce que sa main rencontre le fond du carton. « Je vais chercher d'autres décorations ! » prévint-elle ses congénères avant de quitter la place d'un pas bondissant. Bientôt, elle se mit à courir. C'était trop tentant, et elle avait toujours adoré courir. Sous sa forme animale, c'était même son activité favorite. Lorsqu'elle partait se promener avec les Hanove, elle multipliait alors les allers et retours, langue pendante, pour se dégourdir ses puissantes pattes. C'était encore mieux quand elle trouvait un bâton et qu'on le lui lançait pour la défier de le trouver et de le ramener. Elle poussa un petit soupir de nostalgie avant de se reprendre. Après tout, n'était-ce pas ridicule de s'interdire de s'amuser ? Quand les Basphéliens jouaient à des jeux avec des ballons, personne ne se moquait d'eux. Qu'est-ce que ça changeait si c'était un bâton ? Rien du tout ! Elle déposa son carton sur un banc, et s'approcha d'un tas de bûches. Elle en sélectionna un qui tenait dans le creux de sa main, au poids idéal, puis arrêta la première personne qui passait. « Excuse-moi, tu veux bien lancer ce bâton pour moi s'il te plaît ? » demanda-t-elle, les joues rougies de plaisir anticipé. Elle lui remit d'office la bûche et recula de quelques pas, prête à détaler dans la direction que prendrait le jouet improvisé.

497 mots

Portrait de Boraür
Lorcán

☙ George Barnett - Lovestruck

Lorcán arborait un flamboyant manteau écarlate bordé de laine moutonneuse aux ourlets. Confortable et chaleureux, il s'y lovait avec un bonheur décuplé. Il se savait beau, hydraté, insouciant, heureux, concentré ; en un mot : épanoui. Toutefois, s'il fallait vraiment trouver une ombre à ce tableau, il était peiné de ne pas trouver sur Boraür tous ceux qu'il appréciait. Comme si quelqu'un avait lu dans ses pensées, une voix enfantine exprima son propre désir, à moitié car le premier nom ne lui disait rien. Il lui jeta un coup d'oeil et se trouva attendri par cette petite bouille blonde à l'air décidé dont le haut de la tête jaillissait d'une grosse écharpe. Il la trouva adorable, bien que ce ne soit jamais ce qualificatif qui lui vienne à l'esprit en voyant des enfants en temps normal. « Moi aussi. » soupira-t-il. « Je croyais qu'il viendrait. Les Magiciens, ça aime Boraür, non ? » Il ne s'en sentait pas vraiment attristé, il y avait trop de quoi s'émerveiller ici pour cela, il aurait juste voulu partager ces moments avec son colocataire. Il y avait Lana, heureusement, se remémora-t-il et il sourit au ciel festoyé de charmants nuages aux formes amusantes. Il allait lui proposer une activité ensemble, tout à l'heure, car il voulait absolument qu'ils créassent des souvenirs tous les deux, et qu'ils n'en oublient rien, pas comme à Seaghdha.

Il se leva, saisit la fillette sous les aisselles et l'embrassa sur le front avant de la serrer contre lui. « Heureusement, nous sommes là nous. Il faut qu'on s'amuse en son nom ! Passe une bonne journée, choupette ! » Et il la reposa et s'éloigna tranquillement, prêt à mettre en pratique sa promesse. Les activités amusantes ne manquaient pas sur Boraür. Une bataille de boules de neige faisait rage plus loin mais il ne voulait pas abîmer son beau manteau. Il passa sous le sapin en cours de décoration sans s'arrêter, jeta un oeil intéressé aux courses de luge mais poursuivit jusqu'au chalet fumant où une délicieuse odeur de cacao et de cannelle régnait. Il y trouva beaucoup de Basphéliens, dont la délicieuse figure de Lana. Il sentit son coeur s'accélérer à sa vision. À côté, Zeryel lui proposait un bocal de chamallows à mettre dans son chocolat chaud. Il fut surpris de les voir côte à côte, et surtout, apparemment ravis de l'être, comme s'ils avaient été amis toute leur vie. Ailleurs que sur l'île, il aurait été dévoré de jalousie de la façon dont ils se souriaient, mais aujourd'hui il était gai pour se préoccuper de ces encombrants sentiments. À la place, il commanda un thé aux épices, n'ayant jamais été très friand de sucre. Il se réchauffa les mains autour de sa tasse avant de s'asseoir à leur table, ou plus précisément, il s'inséra de force entre eux. Obligeant, Zeryel se poussa pour lui faire de la place sans même râler de le voir. « Mon Ange ! » s'extasia le roux en enroulant son bras autour du cou de son colocataire. Il fit de même avec la blanche. « Mon joyau ! » Il leur sourit béatement. « Je ne savais pas que vous vous fréquentiez ! Il faut qu'on sorte ensemble, tous les trois, un de ces jours ! Avec Lazare aussi ! » Il avait vraiment de bonnes idées, se félicita-t-il. Après avoir bavardé avec eux, il se leva. « Ça vous dit d'aller faire des Anges dans la neige ? Zeryel doit en faire de parfaits, tu nous montres ? »

602 mots

Je fermai les yeux, comme si je tentais d’entrer en moi-même. Parfois, ça fonctionnait. Parfois, je repartais légèrement, pour laisser la place à un autre. Cette fois-ci, rien ne se produisit. Boraür avait un effet apaisant. Calmement, mes doigts effleurèrent ma tasse de chocolat chaud. Mes paumes finirent par l’entourer. La chaleur se propagea dans l’ensemble de mon corps. Je me concentrai, non pas pour quitter la surface mais simplement pour sentir les autres. La guerre semblait avoir momentanément cessé. Je ne ressentais plus les présences écrasantes de Persée et de Judas. Si je ne m’étais pas trouvée sur l’île d’Ësse’Aellun, j’aurais probablement cru en une nouvelle évasion du deuxième. J’expirai d’aise. Je n’avais jamais été aussi détendue de ma vie. Tout semblait facile ici. J’avais presque l’impression d’être unique, comme si les autres n’étaient que des constructions de mon esprit sur le point de s’évaporer. Ce n’était pas le cas, parce que je les sentais quand même, mais ils étaient tous inoffensifs. Ma peau quitta la tasse pour se reporter sur le livre que je lisais : le conte en vogue. Ligne après ligne, mon intérêt grandissait. J’avais demandé à l’île de le faire apparaître et elle m’avait exaucée. Tout ce qui y était terrible me semblait particulièrement doux. Rien ne pouvait m’atteindre. Tout n’était que ouate. Les traumatismes n’existaient pas et mes yeux ne parcouraient que ce qui n’était pas violent. Le conte conservait un sens, un sens flou mais qui me plaisait. C’était comme lire de la poésie, ne rien y comprendre mais être touché quand même.

Je levai mes prunelles lorsque j’entendis les bavardages à une table proche de la mienne prendre une nouvelle tournure. « Mon Ange, mon joyau… » répétai-je. Ce garçon était mignon. Il n’était que couleur, là où je n’étais que blanc et noir. Ses vêtements étaient originaux. Persée ne les aurait probablement pas appréciés. Il l’aurait trouvé bien trop efféminé. Cette pensée ne resta pas et je plongeai de nouveau mon nez dans l’ouvrage, écoutant en toile de fond ce qu’il se disait à côté. Ici, l’attention n’était pas diluée. Tout était plus facile. « Faire des Anges… » Je ne savais pas à quoi il faisait référence. Intéressée, j’observai la réaction des autres deux secondes avant de finir mon chocolat chaud, de fermer mon livre et de me diriger vers eux. « Est-ce que je peux venir, moi-aussi ? » leur demandai-je, avec la conviction absolue que la réponse serait oui. C’était comme si le rejet n’existait pas ici.

419 mots

Portrait de Boraür

Devant le stand de chouchous, je réfléchissais. D’après ce que Sympan m’avait dit, on serait quatorze. Tout en regardant les attaches, je pensai au groupe que j’avais vu faire des anges dans la neige. Alcide en faisait partie. J’avais eu du mal à le reconnaître. Il avait poussé… à moins que ce ne soit mon imagination ? Ses cheveux étaient aussi plus longs et épais et c’était ça qui m’avait inspiré et qui justifiait ma présence ici.

« Tu cherches des cadeaux pour tes petits amis ? »

Une vieille dame venait de pointer le bout de son nez. Il n’y avait aucun prix et je savais que tout était gratuit.

« C’est ça… J’espère que ça ira. Ce sont tous des garçons, sauf une fille… Haru, mais la plupart ont assez de cheveux pour que ça puisse leur servir… »

Je n’en étais pas certain puisque je ne les connaissais pas tous, ou de loin. J’avais été étonné lorsque l’Ygdraë m’avait dit qu’il y aurait une fille dans notre groupe de garçons. Je n’avais pas compris de quoi il s’agissait au juste mais il m’avait promis que Dastan serait présent et ça avait amplement suffit à me convaincre.

« Tu peux demander à Boraür de choisir pour toi si tu veux. »

Ce serait peut-être pour le mieux mais je voulais au moins choisir celui de Dastan. Je me penchai un peu plus sur les modèles et en désignai un vert. Dessus, des oursons tenant un marteau et des petits cœurs orange étaient dessinés.

« Je vais prendre lui ! »

J’imaginai un instant le Réprouvé avec ça dans les cheveux et me pinçai la lèvre inférieure de satisfaction. Il devrait peut-être éviter de le mettre chez lui mais s’il le portait au moins une fois, j’en serais très heureux.

« Boraür, est-ce que tu peux me désigner des chouchous pour mes amis ? »

Je les listai tous, même ceux que je ne connaissais pas, et ajoutai Astriid et Iphigénie à la liste, ainsi que Susannah, Kiara et mon père. Une fois mon vœu formulé, plusieurs chouchous se regroupèrent devant moi, avec une petite étiquette portant le nom de chacun.

Celui d’Aäron, blanc, comportait des notes de musique et des lunes noires ; celui d’Adriæn, argenté, était décoré de miroirs et de poulpes dorés ; celui d’Alcide, rose, alternait les épées qui sauvent et les sucreries ; celui d’Érasme, rouge, illustrait des plumes et des têtes de mort ; celui d’Haru, brun, était habillé de marteaux et d’enclumes ; celui de Makoto, noir, comportait des étoiles et des lunes ; celui de Johannês était bleu marine et des bateaux et des poulpes y étaient dessinés ; celui de Lazare, violet, était composé de dés et de cartes à jouer ; celui de Lucius, bleu clair, était parsemé de dragons ; celui de Pieris était rose, dans une matière plus douce que les autres chouchous, et des lapins adorables le recouvraient ; celui de Sympan était vert fluorescent et des fioles le composaient ; celui de Tekoa, ocre, était le seul à comporter de réelles breloques : perles diverses et plumes.

Je regardai les cinq autres. Celui d’Astriid avait la couleur de celui de Dastan et des fleurs étaient dessinées dessus. Celui d’Iphigénie, rose, avait le même genre de lapins que celui de Pieris mais dans un style différent : il s’agissait de lapin aussi tueurs qu’adorables. Des lapins machiavéliques. Celui de Susannah était mauve et des biscuits et des couronnes y étaient dessinés. Celui de Kiara reflétait le ciel mais pas que. La matière était également douce et des petits dessins souriants dansaient avec les étoiles. Celui de mon père était parsemé d’ailes blanches et de couronnes noires.

« Curieux… »

Je fixai le stand encore. J’allais m’en prendre un. Je les regardai tous et hésitai à prendre le même que Dastan.

« Je vais en prendre deux. »

Le même que Dastan et un autre, plus personnel. Je pointai le doigt vers un chouchou bleu sur lequel des livres de contes étaient dessinés.

Je souris. J’étais heureux.

678 mots