Aäron était assis dans l’une des salles de la grande bibliothèque de Basphel. Ses yeux parcouraient un parchemin. Il s’agissait d’une lettre de son frère, Kahel. Les lignes contaient plusieurs anecdotes sur la vie dans l’Antre de la Dame. Leur père avait décidé de reprendre ce qui avait été laissé par Aria Mitsuko Taiji après sa disparition. La banque avait commencé à accueillir des clients de renom. Ce fait, qui aurait dû ravir l’Alfar, provoqua chez lui un soupir de lassitude. On lui avait expliqué mille fois comment marchait le système élaboré par la Démone mais il n’avait jamais compris. La banque possédait toutes les devises et en prêtait à qui demandait, en échange d’intérêts particuliers. Le système marchait pour tout le monde et se voulait honnête. Les Pactes Démoniaques servaient de contrats. Kahel lui précisait aussi que leur père désirait qu’il revînt de temps en temps afin qu’il lui apprît le métier. Il espérait qu’il voudrait bien reprendre les rênes de l’entreprise une fois qu’il sortirait de Basphel et serait prêt. Aäron n’en avait pas envie. En réalité, il n’avait pas envie de grand-chose. Il désirait simplement se rouler en boule dans son lit et oublier qu’il n’avait pas fait son devoir de sciences politiques. Qui s’intéressait à la politique ? Il se le demandait. Il voulait simplement être seul.
Il leva son regard de la lettre lorsqu’il l’eut terminée. Lire la dernière question lui avait instantanément créé une boule au ventre. En bon porte-paroles de leur paternel, Kahel lui demandait aussi s’il avait réussi à trouver leur sœur. Cette histoire allait trop loin et cette énigme ne l’amusait plus. Il avait tout imaginé, même le pire. Un jour, il s’était dit que leur père avait enfermé la petite fille dans une pièce et qu’elle attendait, depuis, qu’il vînt la libérer. Elle était peut-être morte de faim. Il n’avait aucune certitude. Elle n’existait peut-être pas. Soudainement agacé, il froissa la lettre entre ses mains et la lança par terre, sous l’œil courroucé de l’étudiante en face de lui. Il ne la vit même pas. Il se leva simplement, prit ses affaires et quitta la bibliothèque. Peut-être qu’il allait sécher le cours de sciences politiques. S’il n’y allait pas, on ne lui reprocherait pas de ne pas avoir fait son travail. De toute façon, il en avait marre de voir du monde. Les couloirs lui semblaient toujours bondés. Il avait juste envie d’être seul, sans aucun bruit et d’oublier. Il ne retournerait jamais à l’Antre de la Dame. Il ne désirait pas devenir l’héritier d’il ne savait quelle entreprise, ni qu’on le questionnât encore sur cette fameuse jumelle qu’il n’avait jamais vue. Il pensa à Kiara.
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Kitoe ~ Démon ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 1704 ◈ YinYanisé(e) le : 09/11/2016
Faust poussa un long soupir par le nez. Sa bouche était cachée derrière sa paume et il prenait appui sur ses coudes. Des dates, des dates et encore des dates. Ce vieux manuel d’histoire était d’un chiant à couper le souffle. Connaître les ères qui avaient rythmé ce monde ne l’intéressait pas. Il n’y était pas né, c’était il y a longtemps à des époques où les gens étaient aussi bêtes que primitifs. Ressasser le passé était une perte de temps et il ne parvenait pas à se figurer tout cela comme une histoire, comme le faisaient d’autres de ses camarades.
-Mets-y un peu d’entrain.
Il sentait la présence de son Archonte par-dessus son épaule. Son souffle lui donnait les frissons désagréables d’un instituteur regardant avec désespoir le contenu de sa copie.
-Ca me soule… Marmonna l’adolescent à travers sa main.
Il restait discret. Il y avait du monde à la bibliothèque aujourd’hui et c’était évidemment le moment que Peniel avait choisi pour apparaître. Ce prétendu être divin au service d’il ne savait plus qui, était une vraie plaie quand il voulait.
-Comment comptes-tu t’élever un jour si tu ne connais même pas tes classiques ?
Faust ne rétorqua pas. Il ne pouvait pas, sous peine de passer pour un fou. Il y avait un autre garçon à sa table.
-Ces putains de chiffres ne servent à rien…
Le marmonnement décrocha un coup d’œil de la part de son voisin, qui reprit aussitôt sa lecture visiblement très passionnante. Il n’avait pas levé le nez de son bouquin débile depuis au moins une heure. La main de l’Archonte passa devant Faust et son long index se délia sur la page qu’il était en train de lire.
-Tu dois apprendre des succès et des échecs des autres. Regarde-toi. Tu veux être un meneur ou un suiveur ? Un rassembleur ou un diviseur ? Page douze. Indiqua-t-il. Le Démon obtempéra. Le début du manuel était une liste de portraits de souverains et d’autres personnages importants. Aucune de ces personnes ne t’inspire ? Iro, par exemple, c’est plutôt ça ton genre ? Ou tu préfères puer la mort comme Aodh ?
-C’est qui Iro ?
C’était sorti tout seul pour éviter l’entendre le comparer à la fragrance du dirigeant de son peuple.
-C’est le premier souverain des Lyrienns. Répliqua aussitôt l’étudiant en face de lui.
Faust lui lança un regard noir. Ce gamin avait au moins deux ans de moins que lui et il avait une frange moche qui le rendait aussi neuneu qu’il l’était réellement.
-J’t’ai pas causé, morveux.
Ils furent interrompus par un bruit de froissement. Comme un seul homme, Faust et Peniel levèrent les yeux. Plus loin, un élève jetait une boule de papier par terre et quittait la pièce. Faust le connaissait, c’était un Alfar qu’il avait croisé pendant le Fessetival. Un gars vraiment bizarre.
-Qu’est-ce qu’il a jeté ?
Faust serra les dents pour s’empêcher de déclarer qu’il n’irait pas voir. La pression dans son dos le fit basculer légèrement en avant. Il se rattrapa brusquement à la table, faisant sursauter son voisin. Le Démon claqua sa langue contre son palais, faisant comprendre à l’Archonte d’arrêter. Il ne pouvait pas réviser avec ces deux connards qui le déconcentraient. Agacé, Faust quitta sa chaise sans faire attention au grincement qu’elle émit, ni au chuchotement agressif de la documentaliste qui rangeait des livres non loin. Il ferma son manuel et alla à l’accueil pour enregistrer son emprunt.
« Ce n'est pas nécessaire de m'aider, tu sais. » La documentaliste prit autant de livres que ses mains pouvaient en contenir du chariot que poussait Zeryel. « Je suis capable de le faire toute seule. » « Je n'en doute pas. Mais ça ne me dérange pas, et je voulais trouver un moyen de te remercier du service que tu me rends. » « Bah, c'est rien. » Dos à lui, elle haussa les épaules. « Ça ne t'intéresse pas toi d'ailleurs ? » L'étudiante se mit à rire. « Moi ? Au centre des regards ? Non merci, je suis mieux ici, avec les livres. » Zeryel sourit, amusé. « Tu me fais penser à Marie-Jane. » Il pensait souvent à elle, mais rien d'anormal puisqu'il s'agissait de son amie. « Je ne crois pas la connaître. » « Ça me surprend pas, elle est du type discrète. » Les sourcils de la documentaliste se froncèrent soudain alors qu'elle tournait la tête. « Qu'ils sont agaçants. » « Qui ? » « Eux là. » Elle désignait du menton une table plus loin. Leurs voix brisaient la quiétude de la bibliothèque. « C'est pourtant écrit partout qu'il faut se taire ici ! » rouspéta-t-elle en leur décochant un regard assassin. « Chut ! » chuchota-t-elle furieusement. Zeryel repéra celui qui venait de râcler bruyamment sa chaise, troublant la concentration de tous ceux autour. Un Démon, évidemment. Toujours les mêmes. Il ne supportait déjà pas beaucoup ceux résidant à Stenfek, mais ici, ils lui hérissaient d'autant plus les plumes que leur goût pour le chaos impliquait souvent l'irrespect d'un solide tiers du règlement - qu'il avait bien évidemment pris le temps d'apprendre par cœur.
« Non mais je rêve, ils croient peut-être que je vais passer faire le ménage derrière ? » rageait la documentaliste qui venait de repérer la boulette de papier abandonnée au sol. « Je vais la ramasser. » « Non, ce n'est pas... » Trop tard, l'Ange avait lâché le chariot pour aller récupérer le déchet, désireux d'apaiser l'ire croissante de l'adolescente. Espérant en découvrir le propriétaire pour lui tirer les oreilles d'avoir confondu la bibliothèque avec une poubelle, il lissa le papier entre ses mains et fut surpris de découvrir la structure d'une lettre. Sans réfléchir, il commença à la lire avant de sentir la culpabilité l'étreindre. C'était privé, il n'avait pas à lire ça. Et s'il s'agissait d'une confession amoureuse ? Embarrassé, il se força à ignorer le corps du texte pour ne lire que l'en-tête. Aäron Taiji. Ne le connaissant pas, il décida qu'il la donnerait à Alcide. Peut-être se connaissaient-ils puisqu'ils partageaient le même nom de famille ? En outre, sa sociabilité naturelle faisait qu'il connaissait beaucoup d'élèves à Basphel. Le faux blond revint ensuite auprès de la documentaliste. « Je te laisse, il faut que j'y aille ! Merci encore pour les affiches ! » Celles annonçant l'ouverture des auditions pour trouver des mascottes aux équipes de Puffball. Zeryel avait été chargé par leur entraîneur de poster les annonces aux endroits les plus fréquentés de Basphel. « Y a pas de quoi. » fit la fille qui avait retrouvé le sourire.
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Claer ~ Lyrienn ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 126 ◈ YinYanisé(e) le : 10/02/2023
La langue dépassant légèrement, pincée entre ses lèvres pressées, Claer se concentra et rapprocha les deux gommes qu'elle tenait, de sorte à les faire tenir en équilibre l'une contre l'autre pour former une pyramide. Aussi lentement et délicatement qu'elle en fut capable, elle lâcha les objets et patienta quelques secondes pour s'assurer de la stabilité de la structure qu'elle venait de former. Un sourire s'arrima à ses lèvres lorsqu'elle constata que rien ne s'écroulait. Elle chercha autour d'elle puis s'empara d'une plume, qu'elle déposa au sommet de la pointe - cette fois-ci, trouver le point d'équilibre se révéla plus complexe, car la tige métallique était plus lourde mais moins longue que le corps de la plume. « Qu'est ce que tu fabriques ? » Edgar était revenu de sa fouille, les bras chargés de dictionnaires et de manuels. Ensemble, ils devaient réaliser un exposé sur un évènement historique au choix concernant le peuple Lyrienn - le tout en langue élémentale, évidement. « Oh. » Claer fit dégringoler sa tour sur le brouillon qu'ils avaient commencé à rédiger, au même moment que le garçon d'une table voisine raclait sa chaise pour sortir. Le studieux soupira après avoir observé l'adolescent s'éclipser puis prit place.
« Bon alors, je pense qu'on pourra trouver toutes les infos dans ce - » « Oh, Zeze ! » s'exclama à voix basse la blonde. Elle n'écoutait pas du tout son binôme, son attention s'étant tournée vers le garçon qui ramassait le papier abandonné. La distraite se pencha sur son sac et fouilla frénétiquement à l'intérieur. Elle finit par en ressortir un parchemin froissé à force d'avoir été malmené entre les manuels, les gazettes et le basard. Elle lissa le papier et fit mine de se lever pour rejoindre le joueur de Puffball. Une main s'agrippa à son avant bras et la ramena de force sur sa chaise. Étonnée, Claer papillonna des yeux sans comprendre. Elle baissa la tête pour observer cette main autoritaire, puis remonta pour voir à qui elle appartenait. Son voisin la regardait d'un air courroucé. « On travaille, là. » lui reprocha-t-il. Claer pencha légèrement la tête sur le côté, l'air de ne pas comprendre où se trouvait le problème. « Ça ne va pas prendre longtemps, je veux juste lui montrer mon idée pour la mascotte de l'équipe. C'est Maël qui m'en a parler et hier soir, j'ai eu cette idée de - » « D'accord, mais tu pourras lui donner après, j'ai deux autres exposés à terminer pour la semaine prochaine. Donc du coup, pour notre devoir, je pensais qu'on pourrait aussi parler de ça. » La Lyrienne soupira. Déçue de ne pas avoir pu montrer son dessin, elle le déposa sur un coin de la table puis, posant sa joue contre son poing fermé d'un air nonchalant, essaya de se concentrer pour écouter ce que lui racontait son binôme.
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Dernière édition par Claer le Mar 12 Sep 2023, 10:00, édité 1 fois
Kaahl Paiberym ~ Sorcier ~ Niveau VI ~ ◈ Parchemins usagés : 4037 ◈ YinYanisé(e) le : 25/06/2015◈ Activité : Professeur
Rosalie chuchotait à côté de moi. Je l’observais, captivée. Ça m’arrivait souvent ces derniers temps. Il me semblait même que mon amie devenait de plus en plus jolie et intéressante chaque jour. Elle avait des lèvres rosées et ses cheveux noires tombaient, souples, sur ses épaules avant de couvrir sa poitrine. Ma joue appuyée sur la paume de ma main, je l’écoutais sans être capable de restreindre mon sourire. J’en avais même oublié le livre que j’avais emprunté. Quand elle finit par me demander sur quel sujet il portait, je bredouillai d’abord quelque chose d’inintelligible. Ça la fit rire. « Tu es dans la lune, mon preux chevalier ? » La taquinerie provoqua chez moi une myriade d’émotions. Quand nous étions enfants, je jouais toujours le garçon. Lorsque nous dansions, je prenais le rôle du cavalier. Lorsque nous incarnions le papa et la maman, j’étais le papa. Les exemples étaient multiples. « Je t’écoutais. » La défense n’était pas aisée. Elle me sourit et replaça ses cheveux derrière son oreille. « Alors, ça parle de quoi ? » « C’est sur les Anges. Je recherche des Anges célèbres ! » « Pas des Magiciens ? » « Je compte faire des recherches pour tous les peuples. » « Et alors, il y a des figures intéressantes ? » s’enquit-elle, en penchant la tête vers mon épaule. Je me sentis rougir comme un coquelicot. « Oui, quelques-unes. Laëth Belegad en fait partie d'ailleurs. Avant, elle était dans l'armée mais plus maintenant... En tout cas, j’ai pensé à toi quand je l'ai vue ! » Je remarquai comme un trouble dans ses prunelles. Elle changea de sujet. « Et qui d’autres ? » « Euh… Il y a Neah Katzuta par exemple. Et… Isley et Isiode Yüerell. » J’avais commencé ma lecture sur Isiode avant qu’elle ne commençât à me parler. J’avais hâte de continuer. Je me cherchais des modèles autres que mon frère. Il n’avait rien d’un preux chevalier, même si je l’aimais beaucoup. Avec Alcide, nous devions devenir forts et, pour devenir forts, il nous faudrait rencontrer des personnes inspirantes. « Tu es fâchée avec Laëth ? » finis-je par questionner Rosalie à voix basse. « Ce n’est pas ça… Juste que ça ne ressemble pas à mon père de se marier sur un coup de tête. En plus, avec toutes ces histoires de procès à Amestris… On dit qu’elle est l’amante de ton père. » L’information me fit écarquiller les yeux. « Mais… » Elle prit ma main. « Ça ne change rien entre toi et moi tu sais. Je me méfie juste… Toi tu es gentille mais ton père n’est pas quelqu’un de bien alors si Laëth et lui sont amants, mon père sera triste... » Je baissai les yeux, embêtée, et cherchai quoi répondre. Mon regard se porta sur ma gauche et je repérai le dessin qui était posé là. Il eut le mérite de me faire sourire. Ça devait être pour la mascotte de l’équipe de Puffball.
Je passai à l’enregistrement des livres juste après Faust. Je ne lui adressai pas la parole. Je ne lui parlais pas beaucoup d’ordre général et lui disais simplement bonjour le matin et bonne nuit avant d’aller me coucher. Nos discussions s’arrêtaient la plupart du temps à ces échanges de banalités. Quand ce fut mon tour, je déposai les deux ouvrages que je souhaitais emprunter sur le comptoir. La fille devant moi inspecta leurs couvertures, crayon et carnet en main.
-Encore celui-là. Fit-elle en m’indiquant le dictionnaire. Nous connaissions à nous connaître, elle et moi. Tu devrais plutôt l’acheter en librairie, tu sais.
J’haussai les épaules. Elle avait peut-être raison, mais j’aimais bien venir ici. Je jetai un coup d’œil aux alentours tandis qu’elle griffonnait. La bibliothèque était très fréquentée aujourd’hui. Je m’attardai un instant sur la fille blonde et son amie. J’étais passé à côté d’elles un peu plus tôt et avais entendu quelques bribes de conversation à propos des Anges. Ça m’avait intéressé et j’avais eu envie de m’installer avec elles, mais j’imaginais que cela aurait été bizarre. J’avais dès lors décidé que j’emprunterai leur manuel dès lors que j’en aurais l’occasion. Pour l’heure, j’étais suffisamment chargé : le dictionnaire était épais – j’avais pris le plus gros, mon préféré car c’était le plus complet – et l’encyclopédie sur les races maléfiques était à l’inverse très grandet rentrait à peine dans un sac.
Je quittai la bibliothèque pour m’installer sur un banc à l’extérieur du bâtiment principal. J’ouvris le dictionnaire sur une page au hasard.
-Croque-Monsieur…
Dehors, je pouvais lire à haute voix sans déranger personne. J’intégrais mieux, tout comme j’assimilais mieux lorsque je me mettais moi-même à la pratique. Je lus la définition avec grande attention et fus surpris de découvrir qu’un croque-monsieur n’avait rien à voir avec un monstre. En fait, ce plat avait l’air tout à fait délicieux. Je continuais mon exploration vers d’autres pages.
-Mi…
Je suspendis ma prononciation et fronçai les sourcils.
-Mie… feuille ?
J’avais un doute. Je relevai la tête. Une élève passait par là. Ça tombait bien.
-Excusez-moi.
Parfois, par réflexe, je vouvoyais les autres élèves. La majorité d’entre eux n’en remarquaient rien car ils déambulaient régulièrement en duos. Ce n’était pas le cas ici. Je brandis la page à l’étudiante sans m’enquérir davantage de mon erreur.
-Comment on prononce ce mot ?
Elle parut surprise par ma demande, mais finit par se pencher vers la ligne que j’indiquais.
-Mille-feuille.
-Mille-feuille. Répétai-je. D’accord, merci.
Tandis qu’elle s’éloignait, je m’attelais à la définition. En même temps, je modelais le mot à voix basse dans ma bouche pour l’apprivoiser. Le mille-feuille était une pâtisserie. Je percutai alors : mille, c’était comme le chiffre ! Je fis immédiatement le lien avec la pâte feuilletée mentionnée dans la description, car j’en avais déjà mangé à la cantine – c’était comme du Yufka. Face à la résolution de cette énigme, mon visage s’arma d’un sourire satisfait et je poursuivis mon étude.
492 mots Je nous fais sortir de la bibliothèque, ça suffit un peu !
Lana Kælaria ~ Sirène ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 260 ◈ YinYanisé(e) le : 20/01/2021◈ Activité : En études
Pourquoi agir quand tout est soumis au Destin ? Assise sur un banc créé dans le renfoncement d’un mur, les pieds dessus et les genoux ramenés contre son buste appuyé aux pierres pâles, Kiara fixait un coin de ciel bleu. À quoi servait d’essayer quand tout était déjà scellé ? Quoi qu’elle fît, l’issue ne changerait pas. Elle avait scruté l’eau, son miroir, ses pierres, jusqu’au fond métallique de son assiette. Aucune vision colorée ne s’était dessinée. Elle n’avait, en vérité, rien perçu, pas même de représentation grise qui aurait fixé une fois pour toute l’avenir de ce qui grandissait dans son ventre. Toutes les surfaces s’étaient contentées de lui renvoyer son reflet désespéré ; et c’était ce même désespoir qui ne lui faisait voir que le pire de sa situation. Elle était sortie prendre l’air, mais elle aurait mieux fait de rester cloîtrée dans sa chambre, sous des piles de couverture, enroulée dans le Spleen. Lucius n’avait toujours pas répondu à sa lettre. Elle n’avait pas osé parler de la situation à Lana. Sans qu’elle ne sût pourquoi, Adriæn semblait l’éviter. Ou n’était-ce que dans sa tête ? Une projection tortionnaire de ses doutes et de ses secrets ?
Elle renifla et se tourna de sorte à appuyer son épaule contre la pierre, son visage face au mur. Une colonie de fourmis grimpait, en rang serré. La Rehla les suivit des yeux quelques instants, puis soupira. Elle n’avait toujours pas prévenu ses parents non plus. Ils auraient peut-être pu lui dire ce que le Destin avait décidé ; la réponse aurait pu la libérer mais, alors même qu’elle avait tenté de la trouver par elle-même, cette perspective la terrifiait. Elle avait peur d’en parler aux adultes de Basphel. Elle essayait de rester discrète, cependant, elle avait de plus en plus de mal à garder la face. Quand on l’interrogeait, elle prétextait un mal du pays. La vérité, c’était que par moment, elle se souhaitait de disparaître. Elle aurait dû rester à Seaghdha, laisser un Vampire la vider, et mourir là-bas, à mi-chemin entre ce sentiment d’extase procuré par la soirée et celui, plus diffus, de la Mort qui l’attendait.
Finalement, elle se leva. En longeant la rangée de bancs, quelques mots d’une conversation entre deux élèves s’égrenèrent jusqu’à ses oreilles. Mille-feuilles. Les syllabes tournèrent en boucle dans son esprit, roulèrent sur sa langue. Elle était coincée dans un mille-feuille d’incertitudes. Parvenue devant la fontaine, elle s’assit sur son rebord et plongea ses mains dans le bassin. En réponse à sa magie ondine, l’eau s’agita, mais de son ébullition ne surgit aucune vision. Il n’y avait rien. Seulement le silence. Partout, sauf dans sa tête et son cœur. Lucius la détestait-il ? Ne se rappelait-il plus d’elle ? N’avait-elle donc pas compté du tout ? Son cœur se serra et, malgré elle, les larmes affluèrent à nouveau. Elle laissa tomber le rideau nacré de ses cheveux devant sa figure pour mieux les cacher.
Message unique – 493 mots
Bonjour, j'arrive avec notre amie la dépression : Kiara est auréolée du Spleen, qu'elle ne maîtrise pas du tout (si elle continue, je lui fais rejoindre la #TeamEmo d'Aäron). Le Spleen : Le Spleen est une magie puissance et sombre. Le pouvoir permet au Rehla de plonger ceux qui l'entourent dans un état second de dépression pouvant aller jusqu'au suicide. Les êtres qui subissent le Spleen voient leur vie défilée au ralenti, avec l'étrange impression de n'être qu'un pion dans le jeu, impuissant, totalement déconnecté d'une quelconque réalité. L'ennui, les ténèbres, le désespoir, la mort, la souffrance sont les seules pensées clairs des victimes du Spleen. Ce pouvoir étrange peut être associé à une malédiction.
Adriæn Kælaria ~ Sirène ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 417 ◈ YinYanisé(e) le : 20/01/2021
Le corps d’Adriæn était statique. Arrêté devant une fenêtre donnant sur le parc de Basphel, ceux qui passaient derrière lui se demandaient parfois ce qu’il regardait en contrebas. Ses yeux céruléens admiraient une silhouette penchée au-dessus d’une fontaine. Autour de celle-ci, les visages resplendissaient de tristesse. Si l’Ondin ne savait qu’en penser – il trouvait le phénomène des plus étranges – la courbure du dos, des épaules et de la tête de Kiara lui laissait présager qu’elle vivait un moment difficile. Lana savait-elle ? Précédemment, il n’avait pas prêté attention aux rumeurs. Ces dernières avaient tendance à l’exaspérer ; lorsqu’elles ne venaient pas de lui. Néanmoins, les mots de Dastan et de Lucius avaient été sans appel et la nouvelle avait griffé son échine. Son reflet lui renvoya le sourire sombre qui ourlait ses lèvres. Kiara ne payait pas de mine comme ça mais, finalement, c’était une sacrée pute. Il suffisait qu’un garçon musclé passât devant elle pour lui faire écarter les cuisses. Et, maintenant, elle s’en mordait les doigts. Que lui arrivait-il ? Venait-elle de comprendre que le brun se fichait d’elle comme des autres ? Avait-elle des remords ? Pensait-elle à lui ? L’étirement des lèvres du blanc cessa totalement pour ne laisser dans la vitre qu’un visage neutre. « Qu’est-ce que tu fais ? » Depuis quelques temps, les autres étudiants avaient tendance à venir lui parler fréquemment, ou à le regarder d’une autre manière. Ça ne le dérangeait pas, au contraire. « Je regarde Kiara. La pauvre… elle a l’air abattu. C’est à cause de toutes ces rumeurs je pense… » « Ce ne sont pas que des rumeurs d’après ce que je sais. » « Je ne sais pas. Je ne suis pas sûr. Il paraît qu’un étudiant a proposé des pièces d’or à celui qui crierait que c’est une pute par une fenêtre… » « Ah bon, qui ça ? » « Lazare ou Ikar peut-être… ça finissait en ar il me semble. » répondit-il, après avoir fait mine de réfléchir. « Et quelqu’un l’a fait ? » « Non pas que je sache et ce n’est certainement pas moi qui le ferais. » En revanche, quelqu’un s’en chargerait pour lui. L’appât du gain était toujours terrible. « Tu connais Hélène Paiberym ? » demanda-t-il, pour changer de sujet. Il avait plusieurs messages à faire passer. « Oui… c’est l’Humaine ailée là, non ? » « Elle est jolie non ? » « Euh ouais… Pourquoi, elle t’intéresse ? » Adriæn détourna les yeux un moment puis haussa les épaules. « Je ne crois pas être son type. » fournit-il pour toute réponse, en faisant mine d'être embarrassé.
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Adriæn Kælaria ~ Sirène ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 417 ◈ YinYanisé(e) le : 20/01/2021
« On se voit au cours d’Histoire. » « Ouais… » S’il y allait. Il n’y avait rien de plus barbant que l’Histoire et il se sentait maussade. « À tout à l’heure. » insista Adriæn, comme s’il se doutait des pensées qui occupaient l’esprit de Læn. « Ouais, je viendrai. » À ce moment-là, il était réellement de bonne foi. Parfois, il suffisait d’un rien pour le motiver. « Parfait. N’oublie pas que d’autres n’ont pas la chance d’étudier ici… ou d’étudier tout court. » « Je sais. » grommela le faux Magicien. Parfois, son ami était rabat-joie. Sa gentillesse et sa droiture le perdraient. Lui n’était pas comme ça. Il n’était pas fiable ni vraiment bienveillant. Il n’irait pas jusqu’à dire que l’Ondin était son modèle mais disons qu’il était son phare dans l’obscurité parfois, celui qui faisait attention qu’il eût bien son manuel, bien fait ses devoirs ou qu’il allât bien, tout simplement.
Læn reprit son chemin après avoir fait un signe de la main au blanc. Quelques minutes plus tard, il entendit un cri, légèrement étouffé par le cadrant de la fenêtre. « KIARA EST UNE GROSSE PUTE ! » « Qu… ? » Autour du criard, un élève du Charbon, les membres de sa bande d’amis avaient un sourire entendu sur les lèvres. Certains riaient, même. Aux environs, cependant, les réactions étaient diverses, allant du visage pincé au visage scandalisé en passant par une approbation silencieuse. Ils se prenaient pour qui, tous ces connards ? Læn sentit la chaleur s’insinuer dans tout son corps. Les muscles de ses bras se contractèrent jusqu’au bout de ses doigts.
Quelques secondes plus tard, il arracha le coupable à sa fenêtre. Il le plaqua contre le mur. « T’as dit quoi là ? » lui demanda-t-il. L’autre envoya une œillade vers ses amis, comme pour s’assurer qu’ils étaient bien là. Il prit une intonation qu’il voulut détendue mais qui trahissait tout de même sa situation peu avantageuse. « Mec, je ne fais que dire la vérité. Tout le monde sait que c’est une pu… AH PUTAIN ! » Læn venait de décaler le corps longiligne du blond afin qu’il goûtât un peu plus au vide. Il ressentait d’ailleurs une envie de plus en plus prégnante de le balancer par la fenêtre. Sa tronche ne lui revenait pas du tout. « Écoute moi bien, connard… si je t’entends encore une fois dire que c’est une pute, je te balance du toit. C’est clair ? » Il serra un peu plus les doigts, comme pour se convaincre qu’il valait mieux ne pas faire d’esclandre et, après quelques secondes, il finit par le ramener en entier dans le couloir. Il s’éloigna, la frustration d’une demi-justice lui rongeant la conscience. Quand il se retourna pour partir, il entendit un « C’est quoi ton problème ? T’es amoureux d’elle ou quoi ? » La suite, il la maîtrisa bien moins. Son poing rencontra accidentellement la pommette de l’autre et tout ça se transforma en bagarre généralisée dans le couloir.
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Lana Kælaria ~ Sirène ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 260 ◈ YinYanisé(e) le : 20/01/2021◈ Activité : En études
Lana était satisfaite de voir que la rumeur qu’elle avait subtilement répandue enflait dans tout Basphel. Quand, après le bal, elle avait essayé d’en savoir plus sur les sentiments qu’elle prêtait à Kiara, cette dernière lui avait appris que c’était de Lucius Paiberym et non de son frère, qu’elle avait parlé à Lorcán. Au sein de l’école, le spectre du Fessetival planait encore, et il avait suffi de seules quelques allusions hasardeuses, ô combien innocemment prononcées, pour que le feu ne se ravivât. Les dénégations de l’Ondine avaient résonné d’impuissance face aux flots de spéculations. La version la plus courante voulait qu’elle eût couché avec le Magicien durant les festivités. Un coup d’un soir. Comme ça. Quand Lana l’avait entendu de sa bouche, elle avait à peine osé y croire. Elle avait eu l’impression qu’on lui enfonçait un poignard en plein cœur. La trahison était brutale. Les larmes avaient coulé sans qu’elle ne pût les retenir. Leur sincérité lui avait servi. Kiara s’était sentie coupable, sûrement bien plus que si elle s’était mise à tempêter, hurler ou frapper. L’étreinte de son amie lui avait donné envie de vomir et ses pleurs avaient exacerbé la violence qui rongeait son cœur, mais elle était restée de marbre. Elle lui avait simplement dit qu’elle avait besoin de temps. Seule, elle avait décidé de deux choses : qu’elle se montrerait officiellement d’un soutien indéfectible, et qu’officieusement elle se transformerait en son pire cauchemar. Jusqu’ici, tout fonctionnait selon son bon vouloir.
Ses iris bleus s’arrimèrent à l’attroupement. Elle avait entendu les cris et les échanges de coups bien avant de les voir. La Sirène fendit la foule, pour découvrir une mêlée chaotique. « Qu’est-ce qu’il se passe ? » demanda-t-elle à ses voisins. « Cléman a dit que Kiara… » L’adolescente s’interrompit, visiblement gênée de constater qu’elle s’adressait à la Kælaria. « Quoi ? » - « Il a crié par la fenêtre que c’était une grosse pute. Johannês s’est jeté sur lui, et voilà. » Ignorant le reste des propos de la fille, Lana, le visage renfrogné pour plus de crédibilité, ancra son regard sur la silhouette du bleu. Le voir en action décuplait l’effet qu’il lui faisait. On racontait qu’il sortait avec Susannah, et ça l’agaçait un peu. Déjà, elle ne comprenait pas comment cela avait pu arriver – ces derniers temps, elle avait même l’impression que quelqu’un avait ensorcelé la Dæloran. Ensuite, cette idylle risquait de nuire à ses plans. Pour le moment, elle n’en avait pas changé. Elle aviserait.
Un professeur mit fin à la bagarre, et un autre tâcha de disperser la foule. L’Ondine demeura près d’une fenêtre. Dans la cour, elle repéra la silhouette de Kiara, penchée au-dessus d’une fontaine. Elle espérait qu’elle avait entendu l’insulte. Son malheur était amplement mérité, mais elle irait la voir et la réconforter, pour les apparences. Lorsque les deux enseignants s’éclipsèrent, elle se hâta de rejoindre le Magicien. Ses doigts se posèrent délicatement sur son avant-bras, tandis que les battements de son cœur s’accéléraient de façon incontrôlable. Quand il la regarda, elle lui adressa un sourire. « On m’a dit ce que tu as fait. Merci pour elle. » Elle s’était entraînée durement pour que ses traits ne reflétassent que ce qu’elle souhaitait. Actuellement, de la reconnaissance. « Je vais aller la voir. » Et sans un mot de plus, elle se dirigea en direction des jardins.
Message unique – 563 mots
Adriæn Kælaria ~ Sirène ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 417 ◈ YinYanisé(e) le : 20/01/2021
Sympan avait avancé sa tête – tout doucement – vers la bagarre dès qu’elle avait commencé. Le corps encore dans le couloir perpendiculaire à celui de toutes les attentions, seuls la masse de ses cheveux et son visage curieux étaient visibles depuis les lieux du crime. Il ricana en constatant l’agacement de Johannês. À vrai dire, l’imprévisibilité – enfin, les gens disaient ça mais, en réalité, les réactions du bleu étaient on ne peut plus prévisibles – l’amusait toujours beaucoup. Il était le genre d’individu à courir au lieu de marcher : courir vers les heures de colle et les travaux d’intérêt général.
Puisque personne ne faisait attention à l’Ygdraë, il avait tout le loisir d’observer ce qu’il voulait. Être insignifiant avait des avantages que certains ne semblaient pas comprendre. Adriæn, par exemple, devait faire attention à l’image qu’il renvoyait. C’était d’autant plus vrai depuis quelques temps. Un seul faux pas répandrait des rumeurs qui n’en finiraient pas. Lui, en revanche, pouvait aller jusqu'à danser en pantalon rose orné de canaris dans un couloir que personne n’en parlerait jamais plus de trente secondes. En somme, il jouissait d’une liberté qui l’arrangeait bien mais qui n’arrangeait pas du tout les autres.
Il finit par sortir l’un des carnets qu’il avait toujours sur lui. Ce dernier était consacré aux relations de ses colocataires. Bien entendu, il avait omis de noter dans ce dernier certains événements. Il les avait suffisamment en tête pour être sûr de ne pas les oublier. Il écrivit quelques lignes sur l’origine de la bagarre et sur la présence de Lana. Il griffonna ensuite l’interaction entre cette dernière et Johannês, le trouble du garçon qui avait semblé des plus surpris par la situation et le départ de la Sirène. Puis, tranquillement, il nota ses hypothèses comme bagarre à venir avec Susannah ? ou encore tromperie ?. Sympan n’était pas certain que Susannah et Johannês fussent ensemble. Il se disait qu’il avait dû y avoir une méprise quelque part. Cette possibilité lui paraissait légèrement farfelue. À moins qu’il fût contrarié d’avoir perdu son pari contre Pieris ? Le Vampire avait pris le parti de la bleue – parce qu’il l’aimait pour une raison inconnue – alors que lui avait misé sur une relation entre Lana et Johannês. En faisant ce choix, il avait imaginé avec délice les réactions d’Adriæn. En conclusion, peu importât la copine de Johannês, Adriæn ne l’accepterait jamais. Le chose aurait simplement été plus juteuse avec la jumelle de l'Ondin.
« Qu’est-ce que tu fais Panpan ? » Le concerné se retourna sur Drejtësi. Il lui sourit et lui montra son carnet. Il lui disait presque tout car la science méritait d’être partagée. Il avait simplement omis quelques détails sur Adriæn. « Des hypothèses, ma mie. » Ils faisaient actuellement une étude sur les surnoms, afin de savoir jusqu’à combien de répétitions quelque chose de foncièrement ridicule devenait passable puis mignon aux yeux des pratiquants.
457 mots
Orphée Dasgrim ~ Orisha ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 119 ◈ YinYanisé(e) le : 11/03/2023◈ Activité : Voyager avec les Enfants de Yanna
Le flot d’étudiants s’était instinctivement déplacé vers les sons de la bagarre, pareil à une nuée d’abeilles attirées par la douce odeur d’un champ de fleurs. Les rixes leur faisaient à peu près le même effet : leurs yeux butinaient d’un combattant à l’autre, insatiables, désireux de s’imprégner de tous les mouvements, de grimacer aux coups les plus spectaculaires, de pousser des exclamations surprises. Lazare ignorait comment il s’était retrouvé au milieu de la mêlée, mais il aimait sentir sur lui les regards plein d’intérêt de ses petits camarades. Enfant, déjà, il adorait que les lumières des estrades se focalisassent sur lui. Il aimait déclamer de longues tirades sur les planches, et entendre s’élever les rires de l’assistance. Le théâtre était un jeu duquel il ne parvenait pas à se lasser. Il avait d’ailleurs presque envisagé d’intégrer l’association de l’école, mais comme il était toujours décidé à se montrer exécrable et à se rebeller contre l’institution, il n’avait entamé aucune démarche. Les bagarres avaient l’avantage de le placer sur le devant de la scène et de l’ériger au rang de révolté, d’insoumis, de grand justicier opposé à la hiérarchie et au monde des adultes.
Un coup frappa sa pommette, si fort qu’il recula, perdit l’équilibre et tomba sur les fesses. Les larmes lui montèrent aux yeux. Il bloqua sa respiration et plissa les paupières pour les retenir, en se frottant vigoureusement la joue. Hors de question de montrer un signe de faiblesse. Bien que parfaitement conscient de ses chances réduites – il n’avait jamais gagné un seul combat, et comptait généralement sur son groupe de copains pour l’y aider –, il revint à la charge jusqu’à ce que des professeurs n’intervinssent. Amoché, il fixa effrontément celui qui distribuait les heures de colle. Un mince sourire se peignit sur ses lèvres. La fissure sanguinolente qui les découpait lui arracha une grimace, qui toutefois ne gâcha en rien son air résolument insolent.
Quand on les laissa partir, il tourna les talons sans un mot, la tête haute et le regard fier. Avisant Sympan et sa petite amie derrière l’angle d’un mur, il ne put s’empêcher de fanfaronner : « Tu veux un autographe ? » Sans attendre sa réponse, il lui tira son carnet et son crayon des mains et griffonna sa signature sur la page. « C’est cadeau. Bonne journée, les amoureux. » Le Magicien sourit et repartit tranquillement, en chantonnant un air particulièrement entêtant. Lorsqu’il croisa un groupe de filles, il leur fit son plus beau sourire, puis s’éloigna en sifflotant la chanson qui trottait entre ses méninges. Il avait mal absolument partout, mais en digne élève du Charbon, il était heureux d’avoir contribué à l’instauration d’un peu de bordel.
Message unique – 449 mots
Padmë Erushaära ~ Orisha ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 27 ◈ YinYanisé(e) le : 04/03/2023
« Waa ils sont trop… » Padmë envoya une œillade outrée à Poire. Il faut dire que la rousse tentait de cacher tant bien que mal les appels venus d’outre-tombe (l’expression qu’elles avaient inventé pour parler de désirs malvenus) que la vue de la bagarre créait chez elle. Alors entendre son amie s’exclamer sans aucune honte avait de quoi l’agacer au plus haut point. Ressentir, pourquoi pas, mais le faire voir et entendre à tout Basphel ? Que nenni ! « Poire voyons ! Ce n’est pas convenable ! Un homme ne doit se battre que s’il y a un danger ! Ceux qui le font sous le coup de la colère, à cause de leur ego ou sans raison ne sont que des pleutres sans cervelle ! » Elle n’était pas bien sûre de la définition de pleutre mais avait employé le terme parce qu’elle trouvait qu’il sonnait bien. Personne ne releva. Elle ne parlait pas des femmes car ces dernières n’intéressaient personne dans son groupe d’amies. « Je crois que Zeryel est dans la masse ! » répondit Poire, deux neurones s’étant soudainement connectés dans son esprit. « Quoi ? » Padmë rougit comme une écrevisse et parcourut la foule du regard avec plus d’insistance, fébrile. Comme il était difficile de repérer qui que ce fût dans la cohue, elle décida de tirer ses amies ailleurs. « Allons-nous-en. Ce n’est ab-so-lu-ment pas intéressant ! » Si Zeryel se trouvait bel et bien au milieu de tous ces cas sociaux – certains étaient vraiment très beaux cela dit, elle pouvait se l’admettre à elle-même – elle devait coûte que coûte protéger sa réputation auprès de ses amies.
Une fois qu’elles furent hors de portée – dans le couloir perpendiculaire à celui de l’action – l’Orsiha se détendit un peu. « Franchement, je ne crois pas que Zeryel était dans la mêlée. Ce n’est pas du tout son genre ! » Poire, bonne joueuse, haussa les épaules. « J’ai dû me tromper alors. » La fille au nom de fruit ravala son petit sourire satisfait. C’était toujours amusant de voir que Padmë était un « modèle » de moralité mais que dès qu’il s’agissait de Zeryel, toutes les exceptions du monde pouvaient valoir. « Sinon, qu’est-ce que vous allez… » La rouquine s’interrompit lorsque l’un des bagarreurs passa et leur fit un clin d’œil. « Aww ! » émit l’une des filles du groupe. Padmë leva les yeux au ciel. Elle devait décidément changer d’amies. Celles-ci ne seraient jamais vierges jusqu’au mariage.
417 mots
Adriæn Kælaria ~ Sirène ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 417 ◈ YinYanisé(e) le : 20/01/2021
Mar 26 Sep 2023, 05:44
Image par Anastasia Shestak
Portrait de Basphel
« Parfois, ça arrive. » Le professeur qui accompagnait Thésée dans les couloirs de Basphel pour son intégration ne semblait pas préoccupé par la bagarre qui avait éclaté au beau milieu d’un couloir. D’autres que lui étaient déjà sur le coup. « Comme quoi, ça arrive partout… » La remarque lui avait échappé, constat légèrement dépité de la réalité. Chez les Anges, les affrontements de ce type ne devaient pas exister. La Justice régnait forcément, bien plus qu’à Stenfek où la présence des Démons n’aidait pas. Les Réprouvés n’étaient pas stables non plus. Il en avait lui-même fait les frais et le traumatisme, s’il ne ressortait pas encore, était bel et bien ancré. Thésée ne s’attachait jamais aux personnes ambivalentes. Il lui fallait un ami plein et entier, un ami coup de foudre qui ne s’amuserait pas à souffler le chaud puis le froid. Ce genre de comportement le refermait comme une huître. Pire, il détestait ça. Il l’avait vécu tous les jours avec ses parents et, sans qu’il ne le contrôlât réellement, une partie de lui les détestait. À Basphel, il pourrait voir autre chose, trouver des gens responsables et qui sauraient ce qu’ils voudraient. « Viens par-là, on va passer prendre deux autres arrivants en même temps. »
Quand ils furent arrivés au point de ralliement, Thésée ne remarqua qu’un seul garçon. Il devait avoir son âge mais semblait bien plus… plus tout en réalité : plus musclé, plus beau, plus intelligent, plus mature. « Bonjour à toi. Voici Thésée Kogaan’Orel qui partagera ta chambre. C’est un Ange qui a vécu à Stenfek. » commença le professeur. « Enchanté ! » intervint le concerné. « Et voici Ræn Mynceria. C’est un Ondin. » « Oh… » Avec tout ce qu’il se passait chez eux, Thésée ne pouvait être que compatissant. Ræn s’avança et lui tendit la main. « Mes parents ont préféré m’intégrer le temps que la situation se calme chez moi. » Et pour lui éviter le travail forcé, bien que ce dernier n’aurait pas rechigné à le faire. « Je… Oui je comprends. » « Vous allez partager votre chambre avec d’autres garçons. Tu dois peut-être connaître Adriæn Kælaria ? C’est un Ondin lui-aussi. » Ræn sourit. « En effet, ce qui ne veut pas dire que je connais tous les Ondins. » Dans sa voix, il y avait comme un besoin impératif de faire comprendre que, vu l’étendue de son peuple, il lui était impossible de tous les connaître. Thésée pensa que l’Océan n’était certainement pas comme Lumnaar’Yuvon, là où ils se reproduisaient entre eux depuis des siècles. « Bien sûr, bien sûr. On attend le retardataire et on ira visiter. À cette heure-là, il ne doit y avoir personne dans la chambre. »
459 mots
Dernière édition par Adriæn Kælaria le Mer 27 Sep 2023, 05:32, édité 2 fois
Priam et Laëth ~ Ange ~ Niveau III ~ ◈ Parchemins usagés : 3863 ◈ YinYanisé(e) le : 02/02/2018◈ Âme(s) Soeur(s) : La bière et le saucisson | L'adrénaline et les problèmes ◈ Activité : Berger [III], traducteur [II], diplomate [I] | Soldat [III], violoncelliste [I]
Mar 26 Sep 2023, 06:49
Unknown
Portrait de Basphel
En groupe | Alcide
La mêlée avait failli l’engloutir, mais Alcide avait réussi à éviter les coups et à se placer légèrement en retrait. L’œil curieux, il avait observé les garçons se battre. Il avait songé que, peut-être, il devrait s’inscrire au club d’escrime ou au club de boxe. Le Puffball le renforçait musculairement et lui permettait d’améliorer son rythme cardiaque, c’était une certitude. Cependant, il ne lui apprenait pas à combattre. Il repensait régulièrement à la façon dont Dastan avait soulevé Adriæn pour le plaquer au mur, et à la terreur qui l’avait englouti à ce moment-là. S’il avait été entraîné, préparé à affronter ce type de violence, il aurait sans doute su réagir. S’il voulait devenir un chevalier, il fallait impérativement qu’il apprît à se servir de ses poings. Laëth – Freyja ? – lui avait promis de lui enseigner l’art du combat, mais il ignorait quand il la reverrait. Ayant reçu la lettre de l’Ange dans la matinée, il l’avait emmenée avec lui et l’avait lue discrètement au début d’un cours. Il avait été heureux et rassuré de voir son écriture s’étaler sur la feuille, et de lire qu’elle allait bien. Un peu déçu de savoir qu’elle ne pourrait pas se rendre à Boraür avant un moment, mais compréhensif aussi. La situation chez les Réprouvés ne devait pas être évidente. Prendre soin de sa famille était important. Quant aux Anges… Il était au fait de tous les murmures qui circulaient au sujet de l’Aile d’Acier. Bien qu’il refusât d’y croire, d’autres s’en chargeaient pour lui. Elle devrait sans doute rendre des comptes. En éternel optimiste, il était certain qu’elle s’en sortirait. Et si elle avait vraiment des problèmes, son père l’aiderait certainement, comme il l’avait aidée à Amestris.
Alcide ressortit la lettre, la déplia et la relut. Le nez plongé dedans, il ne faisait pas attention à son environnement, si bien qu’au bout de quelques pas, il percuta quelqu’un. « Pardon ! » fit-il en s’écartant. Il releva le nez pour découvrir les traits d’Adri… Il fronça les sourcils. Ce n’était pas lui. Ses iris volèrent jusqu’à l’autre silhouette, et il demeura tout aussi bouche-bée. Johannês ? Il ressemblait à son père, aussi. Il se retourna, parce qu’il avait vu le Magicien au cœur de la bagarre. Ce garçon n’était pas lui non plus. Papillonnant des cils, il dévisagea les deux nouveaux venus, puis le professeur. Il sembla alors se rappeler sa politesse habituelle. « Pardon. Bonjour. Et euh, bienvenue ? » Il leur sourit, avant de s’excuser – encore – et de s’en aller, sans s’apercevoir que, dans sa surprise, la lettre lui avait échappé des mains et gisait sur le sol, quelques mètres plus loin.
Message unique – 441 mots
La lettre, c'est la première dans ce message, si quelqu'un la ramasse et veut la lire.
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Quand je vois une bêtise plus grosse que moi et que je décide de la faire.
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Rosalie chuchotait à côté de moi. Je l’observais, captivée. Ça m’arrivait souvent ces derniers temps. Il me semblait même que mon amie devenait de plus en plus jolie et intéressante chaque jour. Elle avait des lèvres rosées et ses cheveux noires tombaient, souples, sur ses épaules avant de couvrir sa poitrine. Ma joue appuyée sur la paume de ma main, je l’écoutais sans être capable de restreindre mon sourire. J’en avais même oublié le livre que j’avais emprunté. Quand elle finit par me demander sur quel sujet il portait, je bredouillai d’abord quelque chose d’inintelligible. Ça la fit rire. « Tu es dans la lune, mon preux chevalier ? » La taquinerie provoqua chez moi une myriade d’émotions. Quand nous étions enfants, je jouais toujours le garçon. Lorsque nous dansions, je prenais le rôle du cavalier. Lorsque nous incarnions le papa et la maman, j’étais le papa. Les exemples étaient multiples. « Je t’écoutais. » La défense n’était pas aisée. Elle me sourit et replaça ses cheveux derrière son oreille. « Alors, ça parle de quoi ? » « C’est sur les Anges. Je recherche des Anges célèbres ! » « Pas des Magiciens ? » « Je compte faire des recherches pour tous les peuples. » « Et alors, il y a des figures intéressantes ? » s’enquit-elle, en penchant la tête vers mon épaule. Je me sentis rougir comme un coquelicot. « Oui, quelques-unes. Laëth Belegad en fait partie d'ailleurs. Avant, elle était dans l'armée mais plus maintenant... En tout cas, j’ai pensé à toi quand je l'ai vue ! » Je remarquai comme un trouble dans ses prunelles. Elle changea de sujet. « Et qui d’autres ? » « Euh… Il y a Neah Katzuta par exemple. Et… Isley et Isiode Yüerell. » J’avais commencé ma lecture sur Isiode avant qu’elle ne commençât à me parler. J’avais hâte de continuer. Je me cherchais des modèles autres que mon frère. Il n’avait rien d’un preux chevalier, même si je l’aimais beaucoup. Avec Alcide, nous devions devenir forts et, pour devenir forts, il nous faudrait rencontrer des personnes inspirantes. « Tu es fâchée avec Laëth ? » finis-je par questionner Rosalie à voix basse. « Ce n’est pas ça… Juste que ça ne ressemble pas à mon père de se marier sur un coup de tête. En plus, avec toutes ces histoires de procès à Amestris… On dit qu’elle est l’amante de ton père. » L’information me fit écarquiller les yeux. « Mais… » Elle prit ma main. « Ça ne change rien entre toi et moi tu sais. Je me méfie juste… Toi tu es gentille mais ton père n’est pas quelqu’un de bien alors si Laëth et lui sont amants, mon père sera triste... » Je baissai les yeux, embêtée, et cherchai quoi répondre. Mon regard se porta sur ma gauche et je repérai le dessin qui était posé là. Il eut le mérite de me faire sourire. Ça devait être pour la mascotte de l’équipe de Puffball. 
Pourquoi agir quand tout est soumis au Destin ? Assise sur un banc créé dans le renfoncement d’un mur, les pieds dessus et les genoux ramenés contre son buste appuyé aux pierres pâles, Kiara fixait un coin de ciel bleu. À quoi servait d’essayer quand tout était déjà scellé ? Quoi qu’elle fît, l’issue ne changerait pas. Elle avait scruté l’eau, son miroir, ses pierres, jusqu’au fond métallique de son assiette. Aucune vision colorée ne s’était dessinée. Elle n’avait, en vérité, rien perçu, pas même de représentation grise qui aurait fixé une fois pour toute l’avenir de ce qui grandissait dans son ventre. Toutes les surfaces s’étaient contentées de lui renvoyer son reflet désespéré ; et c’était ce même désespoir qui ne lui faisait voir que le pire de sa situation. Elle était sortie prendre l’air, mais elle aurait mieux fait de rester cloîtrée dans sa chambre, sous des piles de couverture, enroulée dans le Spleen. Lucius n’avait toujours pas répondu à sa lettre. Elle n’avait pas osé parler de la situation à Lana. Sans qu’elle ne sût pourquoi, Adriæn semblait l’éviter. Ou n’était-ce que dans sa tête ? Une projection tortionnaire de ses doutes et de ses secrets ?
Le corps d’Adriæn était statique. Arrêté devant une fenêtre donnant sur le parc de Basphel, ceux qui passaient derrière lui se demandaient parfois ce qu’il regardait en contrebas. Ses yeux céruléens admiraient une silhouette penchée au-dessus d’une fontaine. Autour de celle-ci, les visages resplendissaient de tristesse. Si l’Ondin ne savait qu’en penser – il trouvait le phénomène des plus étranges – la courbure du dos, des épaules et de la tête de Kiara lui laissait présager qu’elle vivait un moment difficile. Lana savait-elle ? Précédemment, il n’avait pas prêté attention aux rumeurs. Ces dernières avaient tendance à l’exaspérer ; lorsqu’elles ne venaient pas de lui. Néanmoins, les mots de Dastan et de Lucius avaient été sans appel et la nouvelle avait griffé son échine. Son reflet lui renvoya le sourire sombre qui ourlait ses lèvres. Kiara ne payait pas de mine comme ça mais, finalement, c’était une sacrée pute. Il suffisait qu’un garçon musclé passât devant elle pour lui faire écarter les cuisses. Et, maintenant, elle s’en mordait les doigts. Que lui arrivait-il ? Venait-elle de comprendre que le brun se fichait d’elle comme des autres ? Avait-elle des remords ? Pensait-elle à lui ? L’étirement des lèvres du blanc cessa totalement pour ne laisser dans la vitre qu’un visage neutre. « Qu’est-ce que tu fais ? » Depuis quelques temps, les autres étudiants avaient tendance à venir lui parler fréquemment, ou à le regarder d’une autre manière. Ça ne le dérangeait pas, au contraire. « Je regarde Kiara. La pauvre… elle a l’air abattu. C’est à cause de toutes ces rumeurs je pense… » « Ce ne sont pas que des rumeurs d’après ce que je sais. » « Je ne sais pas. Je ne suis pas sûr. Il paraît qu’un étudiant a proposé des pièces d’or à celui qui crierait que c’est une pute par une fenêtre… » « Ah bon, qui ça ? » « Lazare ou Ikar peut-être… ça finissait en ar il me semble. » répondit-il, après avoir fait mine de réfléchir. « Et quelqu’un l’a fait ? » « Non pas que je sache et ce n’est certainement pas moi qui le ferais. » En revanche, quelqu’un s’en chargerait pour lui. L’appât du gain était toujours terrible. « Tu connais Hélène Paiberym ? » demanda-t-il, pour changer de sujet. Il avait plusieurs messages à faire passer. « Oui… c’est l’Humaine ailée là, non ? » « Elle est jolie non ? » « Euh ouais… Pourquoi, elle t’intéresse ? » Adriæn détourna les yeux un moment puis haussa les épaules. « Je ne crois pas être son type. » fournit-il pour toute réponse, en faisant mine d'être embarrassé. 
Lana était satisfaite de voir que la rumeur qu’elle avait subtilement répandue enflait dans tout Basphel. Quand, après le bal, elle avait essayé d’en savoir plus sur les sentiments qu’elle prêtait à Kiara, cette dernière lui avait appris que c’était de Lucius Paiberym et non de son frère, qu’elle avait parlé à Lorcán. Au sein de l’école, le spectre du Fessetival planait encore, et il avait suffi de seules quelques allusions hasardeuses, ô combien innocemment prononcées, pour que le feu ne se ravivât. Les dénégations de l’Ondine avaient résonné d’impuissance face aux flots de spéculations. La version la plus courante voulait qu’elle eût couché avec le Magicien durant les festivités. Un coup d’un soir. Comme ça. Quand Lana l’avait entendu de sa bouche, elle avait à peine osé y croire. Elle avait eu l’impression qu’on lui enfonçait un poignard en plein cœur. La trahison était brutale. Les larmes avaient coulé sans qu’elle ne pût les retenir. Leur sincérité lui avait servi. Kiara s’était sentie coupable, sûrement bien plus que si elle s’était mise à tempêter, hurler ou frapper. L’étreinte de son amie lui avait donné envie de vomir et ses pleurs avaient exacerbé la violence qui rongeait son cœur, mais elle était restée de marbre. Elle lui avait simplement dit qu’elle avait besoin de temps. Seule, elle avait décidé de deux choses : qu’elle se montrerait officiellement d’un soutien indéfectible, et qu’officieusement elle se transformerait en son pire cauchemar. Jusqu’ici, tout fonctionnait selon son bon vouloir.
Le flot d’étudiants s’était instinctivement déplacé vers les sons de la bagarre, pareil à une nuée d’abeilles attirées par la douce odeur d’un champ de fleurs. Les rixes leur faisaient à peu près le même effet : leurs yeux butinaient d’un combattant à l’autre, insatiables, désireux de s’imprégner de tous les mouvements, de grimacer aux coups les plus spectaculaires, de pousser des exclamations surprises. Lazare ignorait comment il s’était retrouvé au milieu de la mêlée, mais il aimait sentir sur lui les regards plein d’intérêt de ses petits camarades. Enfant, déjà, il adorait que les lumières des estrades se focalisassent sur lui. Il aimait déclamer de longues tirades sur les planches, et entendre s’élever les rires de l’assistance. Le théâtre était un jeu duquel il ne parvenait pas à se lasser. Il avait d’ailleurs presque envisagé d’intégrer l’association de l’école, mais comme il était toujours décidé à se montrer exécrable et à se rebeller contre l’institution, il n’avait entamé aucune démarche. Les bagarres avaient l’avantage de le placer sur le devant de la scène et de l’ériger au rang de révolté, d’insoumis, de grand justicier opposé à la hiérarchie et au monde des adultes.
« Parfois, ça arrive. » Le professeur qui accompagnait Thésée dans les couloirs de Basphel pour son intégration ne semblait pas préoccupé par la bagarre qui avait éclaté au beau milieu d’un couloir. D’autres que lui étaient déjà sur le coup. « Comme quoi, ça arrive partout… » La remarque lui avait échappé, constat légèrement dépité de la réalité. Chez les Anges, les affrontements de ce type ne devaient pas exister. La Justice régnait forcément, bien plus qu’à Stenfek où la présence des Démons n’aidait pas. Les Réprouvés n’étaient pas stables non plus. Il en avait lui-même fait les frais et le traumatisme, s’il ne ressortait pas encore, était bel et bien ancré. Thésée ne s’attachait jamais aux personnes ambivalentes. Il lui fallait un ami plein et entier, un ami coup de foudre qui ne s’amuserait pas à souffler le chaud puis le froid. Ce genre de comportement le refermait comme une huître. Pire, il détestait ça. Il l’avait vécu tous les jours avec ses parents et, sans qu’il ne le contrôlât réellement, une partie de lui les détestait. À Basphel, il pourrait voir autre chose, trouver des gens responsables et qui sauraient ce qu’ils voudraient. « Viens par-là, on va passer prendre deux autres arrivants en même temps. » 
La mêlée avait failli l’engloutir, mais Alcide avait réussi à éviter les coups et à se placer légèrement en retrait. L’œil curieux, il avait observé les garçons se battre. Il avait songé que, peut-être, il devrait s’inscrire au club d’escrime ou au club de boxe. Le Puffball le renforçait musculairement et lui permettait d’améliorer son rythme cardiaque, c’était une certitude. Cependant, il ne lui apprenait pas à combattre. Il repensait régulièrement à la façon dont Dastan avait soulevé Adriæn pour le plaquer au mur, et à la terreur qui l’avait englouti à ce moment-là. S’il avait été entraîné, préparé à affronter ce type de violence, il aurait sans doute su réagir. S’il voulait devenir un chevalier, il fallait impérativement qu’il apprît à se servir de ses poings. Laëth – Freyja ? – lui avait promis de lui enseigner l’art du combat, mais il ignorait quand il la reverrait. Ayant reçu la lettre de l’Ange dans la matinée, il l’avait emmenée avec lui et l’avait lue discrètement au début d’un cours. Il avait été heureux et rassuré de voir son écriture s’étaler sur la feuille, et de lire qu’elle allait bien. Un peu déçu de savoir qu’elle ne pourrait pas se rendre à Boraür avant un moment, mais compréhensif aussi. La situation chez les Réprouvés ne devait pas être évidente. Prendre soin de sa famille était important. Quant aux Anges… Il était au fait de tous les murmures qui circulaient au sujet de l’Aile d’Acier. Bien qu’il refusât d’y croire, d’autres s’en chargeaient pour lui. Elle devrait sans doute rendre des comptes. En éternel optimiste, il était certain qu’elle s’en sortirait. Et si elle avait vraiment des problèmes, son père l’aiderait certainement, comme il l’avait aidée à Amestris.
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