Portrait de Boraür

Musique

Padmë s’approcha de la boutique de chouchous. Elle s’arrêta à côté d’Ikar et le regarda étrangement. Devant lui, l’Ondin avait disposé une dizaine de froufrous multicolores. Est-ce que c’était pour lui ? Elle observait souvent ses camarades et ne l’avait jamais vu arborer quoi que ce fût dans ses cheveux blonds. Elle fit la moue. Parfois, lorsqu’elle notait les garçons avec ses copines, elles parlaient d’Ikar. Souvent, elle s’était dit que si ça ne fonctionnait pas avec Zeryel, elle pourrait jeter son dévolu sur le fils Pendragon. C’était un bon parti et il n’avait pas l’air maléfique pour deux sous. Néanmoins, maintenant qu’elle le voyait avec ces élastiques, elle ne pouvait pas s’empêcher de songer que les rumeurs à son sujet étaient véridiques : c’était un coureur de jupons, comme son père. Les Anges étaient bien supérieurs aux autres, il n’y avait pas à dire. Au moins, leur fidélité était assurée.

Elle compta les chouchous, de manière très approximative. « Quinze ? Tu comptes les offrir à quinze filles ? » demanda-t-elle. Elle préférait ne pas entendre sa réponse. Il semblait ravi. C’était aussi son cas, puisque l’île produisait cet effet chez tout le monde. Cependant, l’Orisha souffrait de ne pas avoir de réels prétendants. Malgré les principes stricts qu’elle arborait et dont elle se vantait tous les jours, elle aurait aimé pouvoir, de temps en temps, laisser un garçon lui voler un baiser. « Tu m’en offriras un plus tard, dis ? » changea-t-elle d’angle d’attaque, avant de poser les yeux sur la marchandise. Elle en trouva un vert qu’elle attrapa. Elle le noua dans ses cheveux par-dessus celui qu’elle avait déjà. « N’oublie pas, hein ! » Elle tourna les talons en le laissant sur ces mots.

Elle n’eut pas longtemps à marcher dans la neige pour tomber sur l’homme de ses rêves, sur le dos dans la neige, les bras et les jambes en mouvement. Elle sourit et se pinça les lèvres. L’envie qui la prit fut fulgurante et elle fit disparaître les mètres qui les séparaient. Là, elle s’agenouilla à côté de lui, se pencha et déposa un baiser sur sa joue. Comme si ce n’était pas assez, elle lui déclara doucement : « Je t’aime. ». Puis, elle se redressa et s’en alla. Peut-être que Boraür, en la faisant fuir, la protégeait d’un refus trop brutal ? Elle n’avait jamais vu Zeryel avec quelqu’un mais elle avait évité de trop se renseigner, surtout depuis les propos de Clémentine, des fois que. Rouge tomate, elle se dirigea vers le parc et s’assit sur une balançoire. Elle commença à balancer ses jambes, en se demandant si elle l’avait réellement embrassé et si, vraiment, elle avait dit qu’elle l’aimait. L’aimait-elle pour de vrai ?

443 mots

Portrait de Boraür

Musique

Son carnet à croquis dans la main, Léopoldine tentait de dessiner le parc. Elle était assise sur un gros rocher qui ne faisait pas mal aux fesses et observait les va-et-vient. Beaucoup d’enfants venaient jouer ici, des plus petits qu’elle mais également des plus âgés. Ces derniers avaient tendance à se poser quelque part pour discuter ensemble. Boraür gardait son crayon de bois parfaitement taillé, ce qui était appréciable. En dehors, elle n’arrivait pas toujours à obtenir la mine adéquate. Le bâton coincé entre ses doigts, elle bougeait le poignet pour griser la balançoire. Son dessin n’était pas très beau, même s’il n’en était qu’à ses débuts. Elle ne se découragea pas pour autant. Après tout, elle avait été acceptée à Basphel. Si l’idée de rendre sa grand-mère – celle qui l’y avait accompagnée, avec son frère – fière d’elle lui traversait parfois l’esprit, elle n’était pas le genre de personne à vivre pour les autres. Elle croyait en ses rêves et ferait tout pour qu’ils se réalisassent, qu’importassent les épreuves qui se présenteraient à elle. Elle voulait devenir une artiste de renom : dessiner, peindre, écrire dans toutes les langues et, pourquoi pas, aider à la conception de bâtiments, de machines ou encore d’objets divers. Elle n’avait jamais eu goût pour les cloches, sauf pour les dessiner. Son frère était celui qui devrait reprendre l’entreprise familiale une fois qu’il serait correctement formé.

Alors qu’elle pensait à son aîné, une nouvelle arrivante fit son entrée. Elle s’assit sur la balançoire. Léopoldine se dit qu’elle devait être à Basphel aussi et commença à la dessiner sur la même feuille que celle du croquis de la balançoire. Elle n’avait pas en tête de faire un réel tableau mais se laissait guider par des objets ou des personnes qu’elle reproduisait sans souci de continuité. Lorsque la fille la vit, elle lui fit un petit signe de main. Elles avaient la même couleur de cheveux mais elle doutait qu’elle fût Humaine. Boraür gommait les différences mais l’inconnue avait un bijou incrusté sur le front. Comme elle n’était pas à Basphel depuis longtemps, la rouquine ne connaissait pas encore très bien les différents peuples. Ses parents n’étaient d’ailleurs pas favorables à son inscription. Sans l’insistance de sa grand-mère, elle serait restée au cœur de son Royaume d’origine et aurait probablement fini par épouser le fils du boucher, du ferrailleur ou du palefrenier. L’école était sa chance de devenir quelqu’un. Elle avait déjà vu plus de choses depuis qu’elle y était que dans toute sa vie durant. Consciencieusement, Léopoldine reposa ses yeux sur son dessin.

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« Peut-être devrions-nous essayer de nous embrasser ? » Mes yeux se déportèrent de la dessinatrice à ma fiancée. Je la fixai un instant. « Pardon ? » « De nous embrasser. » répéta-t-elle, un sourire bien trop innocent aux lèvres. Depuis qu’elle ne puait plus et ne marchait plus comme un pachyderme grâce à la magie de Boraür, sa présence à mes côtés m’était plus supportable. Avait-elle perdu du poids ? Je ne l’avais pas réellement regardée jusqu’ici. Discrètement, je tentai de le déterminer. La robe qu’elle portait était bouffante mais il me semblait bien qu’elle n’était plus en obésité morbide… à moins que le lieu me cachât la vérité sciemment ? Son décolleté, en revanche, était pigeonnant. Ça n’aurait pas été toléré en dehors de l’île d’Ësse’Aellun. « Pourquoi voulez-vous que nous nous embrassions ? » lui demandai-je, sincère. Je n’en voyais pas l’utilité. Je ne l’aimais pas. Elle ne m’aimait pas. Ici, nous ne faisions que nous tolérer. Mes pensées n’étaient simplement pas tournées sur tout le mal que je pourrais lui faire à l’avenir. Nos rapports étaient apaisés. « Pour voir si nous ressentons quelque chose de particulier. » Je la regardai encore. Elle était moins grosse, définitivement. Ses dents étaient blanches et son haleine ne sentait plus le rat crevé. Elle paraissait toujours plus vieille mais ce n’était pas ce qui me dérangeait le plus. Charmer une femme plus âgée n’était pas un mal, au contraire. En épouser une, cependant, était une manœuvre différente. Il valait mieux une fille plus jeune, pour qu’elle conservât toutes ses capacités reproductrices. Avec Muscarine, la question ne se posait pas. Jamais je ne l’engrosserais. Jamais. Ce serait au-dessus de mes forces. À moins… à moins qu’ici ce fût possible ? Non. Il me faudrait ruser. Il était hors de question que nos deux corps se collassent ainsi. L’embrasser ? Pourquoi pas. Sur Boraür, pas ailleurs. Plus ? Certainement pas. « Nous pouvons… Pourquoi pas. Au moins ce sera fait. » La comparaison entre Basphel et Boraür était vite faite. « Ne bougez pas. Je vais m’approcher de vous. » Je lançai une œillade à l’artiste en priant pour qu’elle ne nous vît pas et n’eût pas la bonne idée d’immortaliser le moment. En m’approchant, je notai que Muscarine avait une poitrine énorme. Normalement, elle était fondue dans la graisse de l’ensemble de sa silhouette d’hippopotame. Je ne fermai pas les yeux et posai quelques secondes mes lèvres sur les siennes sans ressentir rien d’autre que la caresse des siennes. Aucune odeur. Aucune horreur. « Alors ? » demandai-je, en m’écartant. « Um. Beaucoup de bruit pour pas grand-chose. » décréta-t-elle. Je m’en sentis blessé une fraction de seconde, le temps pour l’île de réparer mon ego en miettes. « Vous avez raison. Il vaudrait mieux ne pas réitérer l’expérience à l’avenir. »

467 mots

Portrait de Boraür

Joe Hisaishi - Flying Delivery Service

Le bruit des pattes d’Anaïs dans la neige était molletonné, léger. La femme chien courait de toutes ses forces. Ici, elle avait l’impression de ne jamais être essoufflée. Lorsque du ciel tombaient de fins flocons, elle essayait de les attraper en ouvrant grand la bouche. Puis, elle refermait ses dents dessus, comme s’il s’agissait d’un bâton. Rien ne venait pourtant combler l’espace entre ses mâchoires et Boraür la gardait de toute blessure. Le froid ne le restait pas longtemps, le temps à son jouet de fondre et de se mêler à sa salive. Lorsque le ciel était sage, Anaïs se lançait à la découverte des étendues. Elle courait à n’en plus pouvoir, se roulait dans la neige, s’arrêtait parfois pour regarder des bonhommes de neige, avec l’envie instinctive de faire pipi à côté. Bien sûr, elle se retenait. En plus, les petits papis et les petites mamies de la maison de retraite des Tilleuls allaient venir se ressourcer d’ici quelques jours sur l’île. Elle pourrait donc les revoir et passer du temps avec eux. Elle savait que rien de mauvais ne leur arriverait tant qu’ils y resteraient : ni la mort ni la maladie n’avaient le droit de séjourner dans ses frontières. Les Baspheliens avaient étudié les propriétés de l’endroit avant de venir. Sans le connaître, la chienne avait commencé à l’aimer. Maintenant qu’elle y était en vacances, elle l’adorait encore plus : la nourriture y était excellente, il y avait toujours des gens pour jouer et elle était de très bonne humeur.

Du haut d’une petite butte donnant sur un parc, elle aperçut plusieurs monticules de neige et décida de courir vers elles afin de jouer autour. Elle aurait bien foncé dessus pour les écrabouiller sous son poids mais l’architecte était encore présente. La blonde ralentit donc le pas. Même si elle se doutait que Boraür n’admettrait pas la tristesse, elle ne voulait pas faire quoi que ce fût qui aurait pu la provoquer en temps normal. « T’aider ? Oh ouais ! Trop chouette ! » Son enthousiasme se lisait sur son visage. Elle demanda donc des explications sur ce qu’il fallait faire au juste : réunir le plus de neige possible pour faire une bonne femme géante. « D’accord ! C’est partiiiii ! » Elle commença à travailler, s’éloignant un peu pour récupérer ce qu’elle pouvait aux alentours et éviter de vider la zone de toute sa poudreuse. En croisant des individus, elle continua le recrutement, invitant ces derniers à participer à l’élaboration d’une Muscarine géante !

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Portrait de Boraür

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Malgré sa douleur et son pansement sur l’œil qu’il avait gardé pendant bien trois semaines, Sanje avait été secoué de nombreuses quintes de rire en repensant à Phèdrette. Il avait hâte de la revoir. Il lui raconterait de nouveau des horreurs la prochaine fois qu’ils se retrouveraient en tête à tête. Il avait d'ailleurs dressé une liste d’idées, la saupoudrant de dessins en forme de cœur et d’arc-en-ciel. Pieris l’avait trouvée, avait lu et l’avait fixé, un peu gêné. Peut-être était-ce la récurrence du mot « zézette » qui avait perturbé le Vampire. Heureusement, le voyage à Boraür avait momentanément fait oublier au Démon ses envies viciées. Il aimait beaucoup les Sorciers. Ils suffisaient de leur parler de certains sujets pour les faire sortir de leurs gonds. « Oh ! Ce sont des bonhommes de neige ? » interrogea-t-il Aubépine, en la voyant s’afférer. « J’aime trop les bonhommes de neige hi hi hi ! Tu savais d’ailleurs qu’il y avait des concours sur l’île ? » Il lia ses deux mains entre elles et prit une pause exagérée. « J’aimerais vraiment t'aider ! Tu veux bien, diiiis ? » Il n’attendit pas de réponse et passa à une sorte d'inspection préalable des travaux déjà finis. « Oh il est trooooop mignon celui-là ha ha ha ! S’il avait des moufles il serait encore plus tro-gnon ! » Il passa à un autre et, devant sa bouille, plaqua ses paumes sur ses joues. « Kyaa ! On dirait presque Pieris ! » Il ricana, sa véritable nature terrée quelque part. Son comportement n’avait pas trop changé, à l’exception près qu’il n’avait pas de réelles mauvaises intentions. Il montra ses deux index à Aubépine et Anaïs et les posa sur ses lèvres. « Faut juste lui faire des dents aiguisées ha ha ! » Il se dessina pour de faux les dents du Vampire avant de faire la même chose, pour de vrai cette fois, sur le bonhomme de neige. En tant que Démon, il repenserait souvent à l’effet de l’île. C’était un outrage à sa véritable nature. Il aimait faire le mal, pas constituer des boules de neige dans l’objectif d’ériger des formes amusantes. Néanmoins, pour l’heure, il se laissa gagner par les charmes de l’endroit et aida à la fabrication de la Muscarine de neige. « J’espère qu’elle sera super contente de se voir représenter hi hi ! On pourrait faire des cœurs partout autour d’elle ! Comme elle est obèse, tout le monde doit se moquer d’elle et ça… ça c’est trop trop vi-lain ! » Il sourit, dévoilant ses dents petites et blanches.

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Portrait de Boraür

Dvorak - Symphonie n°9 - Mouvement 4 (Allegro con fuoco)

Calypso se tenait debout en haut du tobogan. Elle observait la scène qui se déroulait sous ses yeux avec un air princier qui n’existait que parce qu’elle ne bougeait pas. Sous forme de chat, il lui arrivait d’effrayer les enfants sans le vouloir. Avec son absence de poils, ses grandes oreilles et la forme de sa tête, elle ressemblait à un méchant de conte. Sous forme humaine, seule sa queue, qui rappelait celle des rats, avait ce petit côté horrifique. De son perchoir, elle pouvait tout voir : la rouquine sur la balançoire, celle qui dessinait, les deux tourtereaux qui s’embrassaient – cette dame était-elle en train d’abuser de son autorité sur ce jeune homme en le forçant à joindre ses lèvres aux siennes ? – la petite rondouillette – à moins que ce ne fussent ses vêtements qui lui donnassent une impression d’embonpoint ? – faiseuse de bonhommes de neige, ainsi que ses deux acolytes, une fille aux cheveux blonds qui semblait aussi surexcitée qu’un garçon du même genre qui faisait bien trop de gestes avec ses mains pour la tolérance de Calypso. Elle était mal placée pour parler puisqu’elle se montrait souvent exubérante. Néanmoins, étant donné qu’elle ne se voyait pas agir, ce n’était pas la même chose. Finalement, quittant son poste d’observation, elle se laissa glisser dans l’arrondi du tobogan. Comme elle était menue, Boraür n’eut pas à déformer l’assise pour qu’elle passât. Elle atterrit sur ses pieds et courut se faire de nouveaux amis et se plantant d’abord devant le blondinet. Elle l’avait entendu parler de cœurs. « Je vais t’aider ! » l’assura-t-elle, avant de se mettre à la recherche de quoi fabriquer des formes. Elle ne tarda pas à trouver des petits galets qu’elle assembla en direction du couple. « Ohé ! Les amoureux ! Regardez par ici ! » Elle désigna la bonne femme de neige en construction. « C’est toi ! » annonça-t-elle à Muscarine. Elle n’était pas si sûre mais l’île lui avait donné cette intuition.

Après un certain temps passé à élaborer un tas de neige géant, Calypso pensa qu’il était l'heure de trouver ses fameuses sources d’eau chaude dont on lui avait tant parlé depuis qu’elle était arrivée. « Hé ? Je me dis… On pourrait peut-être laisser notre ouvrage ici et aller se prendre un bain ? J’ai entendu dire qu’il y avait des sources d’eau chaude par là-bas… » Elle désigna un endroit flou. « … on pourrait tester ? J’ai trop envie de me baigner ! » Ce qui était étrange pour une chatte mais qu’importât. Elle était ainsi faite. « Qui veut venir aux bains avec moiii ? » demanda-t-elle à la ronde.

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