« Jasmin ! » L'adolescent tourna la tête vers Hyacinthe. Le visage totalement neutre, il commença à pousser toutes ses fioles vers l'extérieur du bureau. « Jasmin, non ! » mit en garde la magicienne. Le félin s'immobilisa un instant puis, d'un dernier coup de main, fit choir toute la parfumerie dans un tintement de cristal brisé. « JASMIN ! » Sans chercher son reste, le roux sauta de son perchoir et fila vers la fenêtre ouverte qu'il escalada. Il était moins adroit sous sa forme humaine, aussi s'emmêla-t-il les pattes en voulant passer au travers : heureusement, leur mère avait positionné un petit buisson qui amortit sa chute. Le casse-cou avait déjà péri quelques fois en négligeant ce paramètre. C'était toujours effrayant, jamais agréable, mais cela ne semblait pas l'empêcher de continuer ses cabrioles, peu importa sous quelle forme il se trouvait - quoi que tomber du toit sur la tête la dernière fois avait quelque peu calmé ses ardeurs, surtout car Rose avait passé des heures à pleurer en le retrouvant étalé, inconscient, entouré de sang. Elle lui en avait beaucoup voulu et il détestait qu'on soit rancunier avec lui - c'était un trait qu'il s'octroyait exclusivement. « Reviens ici sale bête ! C'est pas moi qui vais nettoyer ton basard ! » Trop tard cependant : le matou s'était déjà relevé et, des feuilles coincées dans son imposante tignasse de feu, courait à vive allure pour fuir la scène du crime. Il était toujours ainsi. Libre comme l'air aimait-il dire - feignant et irresponsable, lui reprochaient ses frères et sœurs. Ce joyeux mélange donnait souvent un résultat explosif. Mais ce n'était pas pour cela qu'on arrêtait d'aimer le chat de la famille.

« Tu as encore embêté ta sœur ? » demanda la mère. Elle était accroupie, occupée à tailler un rosier - celui qu'elle avait planté à la naissance de sa fille, comme elle le faisait pour chaque enfant qu'elle nommait. Pour toute réponse, l'adolescent se mit à quatre pattes et vint se frotter au dos de la magicienne, tout en ronronnant. Sa réaction arracha un rire à la femme. « Attention, tu vas me faire tomber. » Cela ne l'empêcha pas de continuer à frotter sa tête contre elle. Il aimait son odeur. « Tu devrais aller t'excuser. » « Mmh. » L'air de n'avoir rien entendu, le garçon se redressa et fit mine de continuer sa balade. « Jasmin ? » L'interpelé tourna la tête. « Que dirais-tu de rejoindre Lazare ? » « Lazare ? A Basphel ? » « Oui. Il doit se sentir seul. Tu sais qu'il ne vit pas très bien d'avoir été séparé de tous ses amis alors... Avec votre père, on a pensé que ça pourrait lui faire du bien d'avoir une présence familière. » L'Eversha s'accroupit, le regard en l'air. Il sembla réfléchir. « Mais attention. Je ne veux pas que ça re commence comme ici. » Le rouquin avait un comportement belliqueux. C'était aussi un vrai trouillard alors, après avoir semé la zizanie, il allait souvent chercher son frère pour quémander de l'aide. « Et il faudra travailler dur. » Il n'avait jamais été très studieux, malgré les efforts du couple Halloy. « D'accord. » conclut simplement le chat. Il était plutôt avare en mot, hormis pour les insultes - mais il n'en formulait jamais devant ses parents. Ils auraient été trop offusqués que seul ce vocabulaire s'ancre facilement dans sa cervelle. Pour le reste, il démontrait son affection par des marques tactiles, ou des offrandes parfois jugées douteuses. « Parfait. » se réjouit la femme. Elle s'approcha de son fils adoptif et caressa ses cheveux, juste derrière son oreille redressée. « Tu partiras dans une semaine. »

César traînait dans sa gueule un bâton beaucoup trop grand pour lui. Il mesurait au moins trois fois sa taille - ce qui n'était pas compliqué puisque, sous forme humaine ou canine, il n'était pas bien grand. Cela ne l'empêchait pas de porter fièrement la branche dans sa gueule, la queue s'agitant dans tous les sens tandis qu'il trottinait vers sa maîtresse. Il était déterminé et, lorsqu'il avait quelque chose en tête, il en devenait même buté. Il avait beau être petit, aucun objectif n'était inatteignable, aucun défi n'était trop difficile. Certains disaient qu'il essayait de compenser, mais ce n'était pas ça. Il avait juste des idées et des principes auxquels il s'accrochait - abandonner n'étant clairement pas l'un de ceux-là. « Viens ma chouquette ! » Sous l'encouragement de l'Orine, le chihuahua redoubla d'engouement et trottina plus hardiment jusqu'à elle. Il aimait par dessus tout la Hanatsu qui l'avait recueillit. Ils avaient grandit ensemble et cela lui avait donné le sentiment d'être son frère. Il se devait de prendre soin d'elle. Très protecteur et chaleureux avec elle. Jaloux et grognon avec ceux qui osaient l'approcher sans son approbation. « Oui, c'est bien ! » En guise de félicitation, l'humaine tendit sa main, doigts ouverts, délivrant la récompense tant convoitée. Avec gourmandise, le petit chien s'empara de la croquette - il ne se jeta pas dessus mais la pris délicatement, il n'aurait pas voulu mordre la paume de son humaine par mégarde. Ce n'était pas seulement la nourriture qui l'avait motivé. Son but, dans la vie, c'était de rendre Haru heureuse. Alors il se montrait obéissant, pour lui faire plaisir. Lorsqu'elle n'avait pas le moral, il venait se blottir contre elle et lapait ses joues, en guise de bisous. Que ce soit parce que sa maman lui manquait, ou parce qu'elle avait du mal à travailler sur un projet de forge, peu importait : César était 'd'un soutien inconditionnel et faisait de son mieux pour apaiser la brune.

« Assis. » Le Chihuahua obtempéra, ravi de voir le sourire s'élargir sur le faciès de la brune. Celle-ci passa la main dans son long pelage soyeux et sombre. Il en prenait grand soin. César avait pris de la coquetterie de sa race d'adoption. Lorsqu'il était sous forme humaine, il aimait se maquiller, brosser ses cheveux pendant de longues minutes pour ne plus rencontrer aucun nœud en passant la main dedans, et surtout, se parer des plus jolis kimono. Si les premiers temps en tant qu'humain avaient été difficiles, il s'était vite trouvé une passion sur la mode et la couture. Il avait toujours bon goût, et il refusait de mettre quelque chose qu'il n'approuvait pas. La diversité culturelle qui baignait au sein du peuple lui avait d'ailleurs permis de se renseigner sur l'esthétique de plusieurs races. Le canin affirmait sans gêne que les Alfars étaient trop similaires et manquaient d'originalité. Les Sorciers étaient toujours trop guindés et uniformes. Les Démons, eux, n'avaient simplement aucun style. « Bonjour Haru. » Chouquette tourna le museau vers le nouvel arrivant. En voyant Makoto, son regard s'assombrit, et il regagna aussitôt le côté de sa maîtresse. « Et bonjour Chouchou. » Partagé entre son désir de retenir l'attention de la forgeronne, et content d'avoir reçu les caresses de l'adolescent, il ne sut comment se comporter. Il passa sa langue sur sa truffe. Il aimait être le centre de l'attention, mais lorsqu'ils étaient en présence de l'astronome, l'Araé devait partager son intérêt. Et ceci était intolérable. « C'est déjà l'heure ? » César gémit. Tandis que les humains se mettaient en route, il trottina derrière eux pour ne pas se faire distancer.