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 [RPPT] - Le Rêve qui aime, le Rêve qui soumet, le Rêve qui excite, le Rêve qui tue

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Mancinia Leenhardt
~ Humain ~ Niveau IV ~

~ Humain ~ Niveau IV ~
◈ Parchemins usagés : 11258
◈ YinYanisé(e) le : 01/05/2015
◈ Âme(s) Soeur(s) : Neah Katzuta | Ange | Compagnon
◈ Activité : Joaillière [Rang IV] | Médecin [Rang III] | Éleveuse de Vaches [Rang I] | Investisseur [Rang II]
Mancinia Leenhardt
Sam 13 Mar 2021, 13:15


Illustration - Natalya Sorokina
Geminae
Neah & Oriane

Neah s'était caché dans le buisson, les deux mains sur son visage en se retenant de rire, il connaissait cette technique imparable et ancestrale pour dissimuler sa respiration, dans cette position qui le rendait imperceptible au regard à l'ouïe d'autrui. Jamais Mancinia n'aurait l'idée de chercher le rouquin au milieu des branchages bleuis, recouvert d'ornements carrés et rouges, au-dessus de ce petit promontoire surplombant une plage de sable violet. Sans doute avait-elle terminé de compter et s'était lancée à sa poursuite, prête à en découdre avec son compagnon. Si elle le retrouvait avant le coucher des étoiles, alors, il devait lui donner un bisou. S'il parvenait à demeurer caché, ce serait l'inverse. Dans tous les cas, l'un et l'autre seront heureux. Ensemble, pour toujours. C'était tout ce que Neah voulait, parce que la vie en compagnie de Mancinia, c'était comme une longue aventure, où les secondes étaient des lignes, les minutes, des pages et vingt-quatre heures, tout un roman. Ils rempliraient une Bibliothèque de leurs pérégrinations, de leurs disputes, de leurs réconciliations, de leur quotidien main dans la main. De tout l'Amour les unissant, à en inonder d'anecdotes l'Aether du Lien pendant des millénaires. Mancinia, tout contre lui, était la chose la plus belle qui soit. Sa chaleur, sa respiration, son coeur qui bat, sa douce chevelure. Tout ce qui fait d'elle l'Humaine qu'elle est. Les mécontents étaient simplement aigris de ne pas connaitre une telle relation, ceux qui disaient que cela le rendait faible ne connaissait pas un tel sentiment. Il avait tellement hâte de recevoir son bisou !

L'Ange ressentait soudainement une sorte de vide, là, au creux de son coeur. Il eut un sursaut en écartant ses mains de sa bouche, avant de ressentir la désagréable sensation d'être épié par un Monstre, ceux qui tapissaient les Cauchemars, prêts à vous bondir dessus, le conduisant à prendre sa main et à la serrer contre sa poitrine, plissant ses vêtements. Tremblant de peur dans son buisson, espérant que les battements de son palpitant ne donneraient pas sa position. Une sensation horrible qui disparut quelques instants après s'être enclenché, comme chassée, comme si rien de tout ceci n'avait existé. Mancinia. Il se redressait, se moquant bien qu'elle puisse désormais le voir, menant à sa défaite dans ce Jeu, laissant une branche bleu tombée au sol après avoir craquée contre ses épaules. Oui, il était fort, tout le monde le lui disait ! Il était un guerrier, le Chevalier de sa Reine, alors il prit la branche, aussi haute que lui, mais terriblement maniable, telle une arme et il partit à l'aventure sur ce vaste plateau. Si ça se trouve, elle s'était perdue, parce qu'il s'était éloigné et quelque chose le lui disait simplement. Parce que son Humaine, à part Juny-Jun, ce n'était pas une peureuse ! Mais ... Comment allait-il la retrouver ? Était-il partie vers la gauche, ou vers la droite ? Devait-il aller à l'instinct, suivre leur Lien ou attendre qu'elle revienne sur ses pas ? Et ... si la Créature revenait, la blessait ou lui faisait peur ? Peut-être ... Peut-être qu'il l'avait prise avec elle ?

Mancy, j'te laisserai pas ...

Jamais il ne la laisserait. Il ne le voulait pas. Continuant sa marche à l'instinct, se disant que le Destin la mettrait sur son chemin, comme à chaque séparation, ses pas le conduisaient de plus en plus loin, vers cette plage aux grains violets et cristallins, cherchant une trace de pas. Combien de temps ? Est-ce que ça avait de l'importance ? Ses pieds devinrent douloureux et l'Ange se permis une pause dans l'eau salée, relativement froide, mais pas glacée, agréable. Le Soleil semblait agresser son visage, les vagues venaient et allaient dans une cadence brisée, complètement illogique. Un sursaut de conscience l'encourageait à revenir vers le bord, mais à quelques mètres à peine, une vague bien plus grande que les autres le fit basculer en arrière, le laissant tomber entièrement dans l'eau. Trempé, il fit une moue, mélange entre l'embarra et l'agacement. Agitant ses petites ailes, Neah ne se relevât pas pour autant, dressant son nez vers le ciel éclatant, des gouttes d'eau coulant sur ses mèches et ses joues. Ce n'était pas l'inquiétude qui l'animait au point de la chercher dans tous les recoins de ce monde onirique, seulement son envie de ne pas être séparer de la personne qu'il aimait. Jamais.

Je veux qu'une Humaine comme elle reste avec moi pour toujours.

Il redressait, avant de lever son bâton vers les cieux, résolu et souriant.

J'dois la retrouver !

Post I - 755 mots


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Sam 13 Mar 2021, 14:43


Neru - Calanthe & Ahdriàan




Les gouttelettes s’assemblèrent entre elles en une unique perle illuminée par les rayons d’un soleil radieux. Elle reflétait des teintes arc-en-ciel qui s’élevaient au-delà de la cime de l’arbre séculaire. Ses couleurs chatoyantes apportaient une beauté légendaire au petit bosquet dont les branchages croulaient sous des bourgeons presque éclos. Les pétales les plus vigilants étaient partis en reconnaissance, découvrant le monde qui s’ouvrait à eux. Dévoués à leur princesse, ils contemplaient les environs à la recherche d’éventuels prédateurs. Mais l’ennemi était absent. Et l’énorme ruche qui pendait non loin de là leur assurait le soutien de leurs alliés naturels. Rassérénés, ils apportèrent la nouvelle à leurs souveraines respectives, dans l’espoir qu’elles précipitassent cette énième l’effloraison.

Le vent se leva, frais et doux à la fois. Il portait dans son sillage les effluves du renouveau, mélange de citronnelle et de jasmin. Il caressa l’écorce blanche, rugueuse, et s’infiltra dans le labyrinthe de feuillages touffus. La brise ébouriffa les cheveux flamboyants de la forêt, tel un parent gratifiant sa fille pour ses actes généreux. Plus bas, entre les racines noueuses qui formaient le sous-bois, des lapins blancs nourrissaient leurs petits. Ils s’allongeaient sur le flanc, maculant leurs poils d’humus et de pétrichor, avant de se nettoyer de leur petite langue rose et râpeuse. La mère de famille, dont les oreilles tombantes allongeaient la figure, se redressa soudain. Un bruit de craquement, inconnu jusqu’ici, se propagea jusqu’à sa tanière. Elle clapit des instructions brèves à ses rejetons, qui la suivirent plus profondément dans le terrier.

De leurs côtés, les écureuils creusaient la terre meuble de leurs petites pattes griffues. Ils se pressaient à enterrer leur butin - une dizaine de glands tout au plus - avant que le cataclysme qu’ils pressentaient ne s’abattissent sur eux. Le travail fini, ils remontèrent le long du tronc massif jusqu’à leur confortable hotte, tapissée de mousse et de d’herbes séchées. Ils observaient les environs, croisant le regard d’une famille de geais, d’une grive musicienne et d’un merle noir. En contrebas, une nouvelle brindille craqua. Et, cette fois-ci, c’est le bois entier qui s’ébranla.

L’unique goutte, suspendue au sommet du plus grand arbre, tressaillit. Le mouvement l’emporta et elle dégringola de feuille en feuille, approchant dangereusement de la surface immobile du lac endormi au coeur de la sylve. L’impact émit un son presque imperceptible, un bruit inaudible pour ceux qui n’avaient pas été bénis par Oni. Un enchaînement de cercles concentriques troublèrent la quiétude de l’eau. Les vibrations se répercutèrent jusqu’à la berge, se propagèrent dans le sol et, finalement, secouèrent le tissus du Destin qui trembla sous mes doigts. Je regardais mon oeuvre avec une soudaine lucidité. Un événement inattendu venait de se produire. La Véritable Ligne du Temps s’était écartée du droit chemin - et les conséquences de cette dangereuse déviation ne faisaient qu’empirer à mesure que les grains de sable filaient dans le Sablier du Temps. L’heure de la contemplation n’était plus, et celle de l’action avait déjà commencée. Je me levai d’un bond, quittant à contrecoeur l’immense tapisserie à laquelle j’avais voué ma vie.

Les deux battants de la double porte tournèrent sur leurs gonds, offrant une vue dégagée sur la petite troupe qui pénétra le coeur du Sanctuaire. Plusieurs apprentis accompagnaient les Tisseurs, ceux qui - comme moi - avaient la capacité de servir les desseins d’Oni en manipulant les liens de ce monde. Ils arboraient tous la toge blanche et or si caractéristique des gens de la profession. Le plus vieux, un homme aux longs cheveux blancs et à l’épaisse barbe d’argent, prit la parole. Sa voix était ponctuée par les accents éraillés de l’inquiétude.

« Grand Maître Tisseur Ahdriàan, vous l’avez ressenti vous aussi, n’est-ce pas ? (La question était purement rhétorique, je le savais, et pourtant je me surpris à hocher lentement la tête.) Que devons-nous faire ?

— Il nous faut retrouver l’élément perturbateur, Disciple Osmond. Ce n’est qu’en découvrant la cause de tout ceci que nous serons capable de défaire ce qui a été fait.

— Mais vous ne pouvez pas partir, Grand Maître ! s'indigna le plus jeune, le crâne dégarni luisant au reflet des torches de la pièce.

— Et pourquoi pas, Disciple Landru, m’enquis-je d’un ton calme et paisible.

—  La Tapisserie, Grand Maître. Regardez là ! »

La peur fit frissonner ses cordes vocales qui migrèrent vers les aiguës. Je me retournai d’un mouvement preste, alarmé par cette crainte communicative. Mes yeux fouillèrent la toile à la recherche des moindres imperfections qui s’y étaient glissées. Les fils d’or se nécrosaient déjà, perdant de leur substance et de leur magie. Les liens sur lesquels se reposaient la destinée commençaient à s’effriter dangereusement. Bientôt, le Chaos renverserait l’ordre établi pour projeter son ombre sur un avenir incertain. Je fis volte-face pour donner mes ordres à l’assemblée.

« Je suis en effet contraint de rester ici pour sauvegarder ce qui peut encore l’être. Landru restera avec moi pour m’assister dans cette lourde tâche. (Le jeune homme hocha la tête et vint se placer à mes côtés). Quant à vous, je vous implore de partir sur le champ en quête de la perturbation. Suivez les étoiles, elles vous guideront sur votre route. »SéparateurLe groupe revint quelques heures plus tard. Nous avions, Landru et moi-même, réussi à conscrire le mal qui altérait la Tapisserie du Destin. Cependant, ce travail nous avait demandé de sectionner un grand nombre de fils, dont certains étaient à la base d’un pan majeur de l’Histoire. Les conséquences qui en résultaient étaient catastrophiques pour l’Humanité dans sa globalité - mais, heureusement, tout espoir n’était pas encore perdu.

« Grand Maître Tisseur, nous avons trouvé la fautrice de trouble. »

Mon regard de glace traversa la demoiselle comme pour l’empaler sur place. Je l’observai d’un oeil sévère, dans le silence le plus total. Elle se tenait face à moi, drapée dans une robe blanche qui ne laissait que peu de place à la suggestion. Sa tenue, simple mais élégante, soulignait la gracilité de sa silhouette. Sa crinière de cendre tombait en cascade sur ses épaules dénudées, ajoutant à son air insolent. Elle me contemplait de ses prunelles ténébreuses qui s’interdisaient de me livrer une quelconque émotion. Malgré les chaînes qui s’enroulaient autour de ses poignets et le bâillon qui lui entravait la bouche, je ne réussis pas à éprouver une quelconque forme de compassion à son égard. En vérité, elle m’énervait.

« Bien, laissez-nous », indiquai-je en m’approchant de la captive, puis - me rappelant de la présence de Landru à mes côtés - j’ajoutai d’un ton plus ferme : « Tous ».

Je la jugeais toujours lorsque les portes se refermèrent sur notre intimité. Mes doigts effleurèrent sa peau lactée, tandis que je suivais les lignes anguleuses de son visage, dans une caresse qui évoquait davantage la curiosité que le désir. Les effluves de savon et de bois de santal qui émanait d’elle avait quelque chose d’apaisant. Je lui offris un sourire franc, sincère.

« Je suis désolé de la façon dont vous avez sans doute été traitée ; j’imagine que vous ne savez même pas ce que vous faites ici, pas vrai ? lançai-je d’un air grave ponctué d’ironie. Mais ne vous inquiétez pas,  nous ne vous voulons pas de mal. Nous souhaitons simplement réparer le Destin et - pour cela - j’ai besoin de comprendre à quel moment vous avez transgressé Ses ordres immuables. »

Ma main s’approcha de l’attache du bâillon, tapotant le mécanisme. Puis, je reviens sur ma décision, et lui présenta de nouvelles excuses.

« Je crains de ne pouvoir vous libérer pour le moment. Oni me souffle que vous êtes une personne plutôt loquace : je ne voudrais pas que vos palabres viennent entacher le rituel. Venez. »  

Je glissai mon bras dans le sien et la traînai jusqu’à la Salle de Tissage. C’était une salle austère et froide, éclairée par le reflet des astres. Sur le mur du fond, un immense miroir renvoyait l’image de la Lune Blanche, pleine et ronde. Je m’approchai de sa pâle nitescence, la jeune fille sur les talons.

« L’opération n’est pas douloureuse - du moins si vous ne vous débattez pas. Ouvrez votre esprit aux Étoiles, elles chanteront pour vous. »

Je plongeai lentement la main dans le psyché, effleurant la Dame Céleste du bout des phalanges. Par ce contact, je lui intimai de me prêter son pouvoir pour réparer l’irréparable. Elle me confia son lien sacré, celui qui - d’entre tous - liait les coeurs et les êtres. Je tirai le fil d’or luisant de la clarté astrale jusqu’à notre réalité. Alors, je libérai la perturbatrice de ses chaînes pour lui en imposer de nouvelles, plus douces, plus chaudes, plus mystiques. Mes mains restaient jointes aux siennes alors que mes yeux se révulsèrent. Je marmonnai une suite de mots insaisissables, berçant les Astres de mon chant suppliant. La cordelette frémit, sinuant sur le corps de la jeune fille, fouillant ses recoins les plus intimes. Le serpent s’enroula autour de ses avant-bras implorants, ceintura ses bras contre sa poitrine généreuse et remonta embrasser son cou. Il poursuivit sa route le long de sa colonne vertébrale, glissa dans l’ouverture de ses fesses, remonta son entrecuisse et entoura sa hanche droite. Mes serres lui agrippèrent les épaules pour l’enjoindre de s’agenouiller. Puis la corde reprit la route le long de son ventre, arpentant le défilé de ses seins, jusqu’à lui enserrer la gorge. Elle se tendit davantage pour rejoindre les chevilles de la demoiselle qui s’arqua malgré elle dans une position peu confortable. Sa tête, basculée en arrière dans le prolongement de son buste, observait la voûte céleste qui nous surplombait. Ses bras, serrés l’un contre l’autre, ouvraient ses mains à la prière. Je m’approchai de la captive pour lui ôter enfin le bâillon qui l’empêchait de parler.

« Et maintenant, parles, Calanthe Firenze. Déleste-toi de ton pêché ! »


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Kaahl Paiberym
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Kaahl Paiberym
Sam 13 Mar 2021, 17:06



Neru

« Cëlwùn… » Le murmure avait franchi mes lèvres desséchées. La rugosité de ma peau avait un côté amusant. Lorsque ma lèvre inférieure rencontrait ma lèvre supérieure, la sensation était celle de terres arides, sur lesquelles la vie n’aurait eu aucune chance de prospérer. Néanmoins, là où les espèces normalement constituées ne peuvent exister, alors se développent d’autres choses : des monstres au corps robuste, fruits d’une sélection naturelle carnassière. Carnassière comme les Sirènes. « Astriid. » répétai-je. J’avais délicatement pris le colis. Personne ne m’écrivait jamais, hormis Elias. C’était la première fois que je recevais quelque chose de semblable. Si j’avais cru en une vaste farce au début, j’avais vite compris que cela n’en était pas une. Pour une fois, j’avais quelque chose à moi, quelque chose qui ne concernait pas la Couronne. C’était à moi que l’on avait pris la peine d’écrire. Le fait de me présenter ce qui était en fait une Ygdraë était, en réalité, parfaitement discutable. Pourtant, dans le silence nocturne de ma chambre de Basphel, ce secret n’appartenait qu’à moi. Comme un jardin intime aux fleurs entretenues par cette fameuse Astriid Cëlwùn, je désirais ardemment que nul être ne foulât notre relation. Savait-elle qu’une personne anonyme m’avait écrit à son sujet ? La Coupe des Nations me faisait toujours frissonner. Mentionner ces jeux me rappelait de mauvais souvenirs. Certains peuples avaient l’art et la manière de faire naître l’horreur sans aucune difficulté. En tant que Sorcière, je ne pouvais que féliciter ces initiatives qui faisaient comprendre la dureté du monde aux races naïves et stupides. En tant que participante aux Jeux de Lubuska, l’effroi était bien trop grand pour que je n’encensasse officiellement le procédé. J’avais honte d’avoir peur du noir et d’avoir été incapable de sortir victorieuse de l’épreuve. Comme pour me rassurer, mes yeux s’accrochèrent à la lumière tamisée qui éclairait faiblement mon bureau. Mes doigts étaient arqués sur les éléments du colis.  

J’avais disposé le gâteau dans le coin supérieur gauche de mon bureau. Parfois, mes prunelles venaient s’échouer sur ses courbes dorées. Une pépite de chocolat essayait même de tenter mon estomac, avec sa couleur si chaude. Non. Manger ne m’apporterait rien. Mon ventre n’avait pas besoin de gonfler. Je ne voulais pas sentir la chaleur de la digestion tromper mes sens et m’enrober d’une paresse qui me conduirait peut-être à faire la sieste. Je n’avais pas envie de sentir le vomi remonter dans ma gorge, ni la sueur qu’il ne manquait jamais de produire. Si je mangeais, je ne pourrais décemment pas garder l’aliment en moi. Il me faudrait le recracher, l’expulser totalement, pour qu’il ne fût plus que de l’histoire ancienne. Puisque j’allais bientôt commencer les cours de danse, ce n’était pas le moment de paraître grosse dans les tenues que je devrais porter. Tout le monde se moquerait de moi en s’apercevant d’ô combien j’étais grasse. Je ne le permettrais pas. Il me fallait être encore plus mince. Mon corps devait incarner le cou d’un cygne : fin et élégant. C’était oublier qu’un cygne, pour exister, avait besoin d’une base solide, d’un corps arrondi et de pattes puissantes. Je ne voyais que ce que je voulais bien voir. Ma maigreur non plus, je ne la constatais pas.

Je pris pour la énième fois le colis et le tournai dans tous les sens comme si, magiquement, une adresse quelconque dont j’avais déjà constaté l’absence pourrait apparaître. Impossible de savoir qui s’était adressé à moi de la sorte, par un tutoiement aussi honteux que le biscuit. Quant à l’ouvrage, je ne l’avais pas encore ouvert. Je haïssais l’exubérance et avais peur de trouver entre les lignes un contenu qui me déplairait. Finalement, en faisant un bilan de la situation, il semblait que la seule chose que cette Astriid Cëlwùn et moi-même avions en commun était la couleur de nos cheveux. J’aurais dû la rejeter en bloc. Ça aurait été normal et facile. Néanmoins, sans doute à cause d’un trop plein de solitude, j’ouvris le tiroir du haut de mon bureau et y rangeai le colis et ses éléments. Je le refermai, le bruit de frottement venant animer l’absence de son de la nuit. Parfois, en provenance d’une autre chambre, j’entendais quelques ronflements étouffés. Depuis que je m’étais enfermée, il avait été décidé de me priver de colocataire et de verrou.

Je soupirai et finis par me lever afin de me diriger vers mon lit. Souvent, je me couchais tard. Une angoisse de plus en plus prégnante avait commencé à me prendre. J’avais peur d’avoir peur. J’avais peur de mourir, comme si mon cœur pourrait lâcher à n’importe quel moment. Je redoutais de ne plus savoir comment respirer, de me tromper dans le rythme de mes inspirations et de mes expirations. Alors, je me mettais à réfléchir et à penser à des choses qui ne me plaisaient pas plus, incapable de me reposer sur mon oreiller. Je devais en prendre un autre pour ne pas connaître la position allongée. Puis, après de longues heures, lorsque l’épuisement était à son comble, je finissais par m’endormir.  





Le monde était à feu et à sang. Perchée en haut d’une montagne ardente, je fixais, plus bas, les anciennes cités qui n’étaient aujourd’hui plus que des ruines fumantes. Mes cheveux étaient longs. Une mèche cachait une partie de mon visage. Je portais une tenue de guerre. Ma cape était une confection comportant d’innombrables plumes appartenant à des ailés, ceux qui avaient été vaincus durant ma troisième campagne militaire. Sur le sommet de mon crâne, la Couronne Noire trônait. À peine nommée, je m’étais appliquée à créer le chaos tant souhaité par le peuple d’Ethelba. La seule tache au tableau n’était autre que mon mari : Solheim Xyulfang. Notre union avait fait couler beaucoup d’encre mais les temps avaient changé. La scission entre Stenfek et Lumnaar’Yuvon avait été prolifique au peuple des Réprouvés. Ils étaient devenus plus forts que jamais, tant physiquement que magiquement. Leur psychisme aussi solide que l’acier et leur motivation infaillible les avait conduits à devenir des conquérants. À l’aube d’une nouvelle Ère, et bien avant nos couronnements respectifs, nous nous étions reconnus comme dignes d’intérêt. Nous avions décidé de nous unir afin que régner sur le monde. « Le Seigneur des Deux Rives ne vous laissera pas continuer. On m’a informée qu’il était prêt au combat et que son armée marcherait bientôt sur les ruines de vos incendies. » Il avait incendié mon cœur et brûlé mon corps. Malgré la bipolarité si caractéristique des Réprouvés, si j’étais certaine d’une chose, c’est que bien des couples devaient envier nos ébats. Notre relation, elle, était orageuse. Des éclaircies venaient parfois l’arroser de ses rayons mais, le plus souvent, nous nous disputions à en perdre haleine. Nos retrouvailles se faisaient dans les cris, qu'ils fussent de rage, de joie ou de jouissance. Seulement, nos ambitions respectives ne cessaient de nous séparer. Je voulais gouverner le monde et ne m’étais pas aperçue, au début, que je voulais régner seule. Tout Souverain qu’il fût, je voulais qu’il s’inclinât devant ma toute puissance. J’avais condamné bien des peuples, sans jamais effleurer le sien. Ce jour était révolu. J’allais anéantir les Réprouvés, pour que leur Roi, enfin, reconnaisse ma supériorité. « Mon époux pense pouvoir faire plier nos soldats. C’est bien mal les connaître. » « Majesté. Je sais que la situation est déjà engagée mais peut-être qu’une discussion avec le Dovahkiin pourrait vous permettre, à tous les deux, de trouver une solution plus pérenne pour l’avenir de vos deux races. J’ai bien peur que cette guerre ne serve qu’à nous entretuer. » Je le savais mais j’étais têtue. Quel plus beau moment dans la vie d’un couple que celui où les amants s’entredéchiraient pour la dernière fois ? S’il essayait de me tuer alors je l’emporterais avec moi dans la tombe. Peu m’importait notre héritage. L’incendie de notre passion et de notre rage ravagerait les terres entières. Cette conclusion m’allait parfaitement. « Nous gagnerons. » dis-je d’une voix assurée. « Et j’éliminerai moi-même ce moins que rien. » Je me préparai au combat, créant le feu dans la paume de mes mains et ouvrant deux grandes ailes d’argent.

De l’autre côté du champ de bataille, un homme s’approcha de Solheim. « Seigneur des Deux Rives. Nous avons repéré l’Impératrice Noire. Elle est accompagnée de cent-mille soldats. Les tacticiens sont tous unanimes : la victoire n’est pas assurée et si l’un des deux camps gagne, ce sera au prix de nombreux sacrifices. » Et même dans cette configuration, qui prendrait la relève royale si l’un des deux Souverains venaient à mourir ? Leurs enfants ? Le monde entier était en train de périr.

1444 mots
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Kaahl Paiberym
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Kaahl Paiberym
Dim 14 Mar 2021, 18:42



Aegeri


Je tenais dans mes mains deux bâtons en bambous. J’avais reconnu ce bois facilement, grâce aux espèces de nœuds qui en séparaient régulièrement la tige. Il était semblable à plein de petits tubes qui auraient été superposés, ce qui le rendait particulier. Je souris, me rappelant d’une légende que m’avait raconté papa un jour sur les marques des bambous, puis continuai mon ouvrage. Accroché à mes bâtons de bambou, il y avait du papier : des dragons de papier pour être précis. Sans les mouvements de mes bras et sans vent, ils ne révélaient pas leur splendeur. Pourtant, dès que je commençais à courir et que l’air s’engouffrait dans l’habile construction, alors leur corps gagnait en prestance et les animaux dansaient dans le ciel en ondulant. Depuis plusieurs heures, ou jours, je m’amusais avec eux. J’adorais admirer les couleurs de ces dragons se fondre dans le ciel. Parfois, ils s’envolaient seuls en un ballet improvisé, sans que je n’eusse besoin de les y aider. Alors, ils s’élevaient dans les cieux et tournoyaient entre les nuages blancs. Lorsque la pluie venait, les couleurs du papier se dépeignaient et tombaient sur l’herbe des plaines, en lui donnant leurs teintes. Les flaques devenaient vertes, bleues ou rouges. Dès que des animaux venaient s’y repaître, ils prenaient la couleur dominante et retournaient gambader vers le lointain. Sans que cela ne me gênât, de la musique retentissait. Ça me paraissait naturel.

Pendant encore quelques minutes, je continuai à danser, partant du sol pour élever mes bras vers le firmament. Les dragons suivaient. Je devenais l’artiste d’un monde de rêves et de couleur, le centre d’un univers d’infinités. Au fond, je n’étais qu’un enfant qui jouait avec des cerfs-volants. Néanmoins, ici, tout semblait bien plus porteur de sens, comme s’il était crucial que je m’amusasse et que cette scène se passât ainsi. Même mes vêtements n’avaient rien à voir avec ceux que je portais habituellement. Ils étaient confortables et amples. Les manches étaient larges et s’envolaient dès que je tournoyais.

Au bout d’un moment, je décidai de quitter l’endroit, emportant avec moi mes cerfs-volants… mes dragons-volants, parce que ce n’étaient pas des cerfs, finalement. Je me mis à courir vers le hasard, ou ma destinée. Le temps passa sans que je ne m’en retrouvasse essoufflé. Au loin, je vis des couleurs et quelqu’un. Je fis un large et généreux signe de main à la personne mais elle ne me vit pas. « Tiens… » J’essayai d’attirer son attention. « Hé ! Toi là-bas ! Tu veux jouer avec moi ? » Pas plus de réaction. Elle devait être concentrée. Qu’à cela ne tienne : j’allais la rejoindre !

Je m’y employai et arrivai près d’elle. Je l’observai un long moment avant qu’elle ne prît acte de ma présence. Elle était drôlement concentrée, oui. Quand elle leva les yeux vers moi, un grand sourire amusé étira ma bouche. « Oh ? » fis-je, en miroir, sans réellement savoir pourquoi. « Un arc-en-ciel ? » demandai-je, avant de comprendre. « Euh… » Lorsqu’elle bondit vers moi, je me reculai d’un pas. « Tu… » Je faillis lui coller la paume de ma main sur la tête pour calmer ses ardeurs mais n’en fis rien. Mes mains étaient occupées avec mes bâtons. « Tu… Mais… » Elle était minuscule. « Je suis Lucius. » dis-je, en reprenant un peu contenance. Je réunis mes deux cerfs-volants en une seule main. « Tu ne devrais pas bondir sur les gens comme ça… » continuai-je, tout en louchant sur l’assiette avec envie. « C’est toi qui l’as fait ? » Je me grattai la nuque. Elle m’intimidait pour une raison inconnue. « Tu… Tu as vu mes cerfs-volants ? » demandai-je soudainement, comme pris d’une pulsion me poussant à parler vite et fort. « Mon… Mon père dit que… Il dit que… » J’étais embarrassé, maintenant. Je fermai les yeux et expirai calmement. Ma gêne disparut totalement. Je devins plus calme et m’installai par terre. Je repris, les yeux fixés sur le pique-nique. « Mon père m’a dit qu’il avait lu une histoire sur les bambous. Chaque personne dans le monde aurait son bambou. Les nœuds que tu y vois… » Je lui montrai l’un des bâtons. « … ce serait le début et la fin des grandes phases de sa vie. » Je fus un peu plus spécifique. « Par exemple, admettons que j’entre au Sanctuaire de Coelya, alors toute la période durant laquelle j’y serai sera une grande phase de ma vie. Et les feuilles, elles, symbolisent les relations avec les autres. Certaines tombent à jamais lorsque la relation s’éteint, mais d’autres repoussent plus haut lorsque la personne change de phase de vie. Si on se rencontre aujourd’hui et que tu es censé rester avec moi toute ma vie, alors tu repousseras toujours plus haut. Tu comprends ? » dis-je, avec le ton d’un professeur, expert dans le domaine des bambous magiques. « Du coup… J’ai vraiment le droit de manger l’arc-en-ciel ? » demandai-je. « Je te dirai ce que ça fait quand une personne retrouve son bambou après si tu veux... »

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Kaahl Paiberym
~ Sorcier ~ Niveau VI ~

~ Sorcier ~ Niveau VI ~
◈ Parchemins usagés : 4025
◈ YinYanisé(e) le : 25/06/2015
◈ Activité : Professeur
Kaahl Paiberym
Lun 15 Mar 2021, 16:37



Le rêve qui tue



« Kaahl. » Mes yeux étaient grands ouverts. La voix résonnait dans mon esprit. Féminine, elle n’appartenait à personne en particulier. Elle était simplement là. « Kaahl. » Comme un murmure, elle semblait provenir d’une fille qui m’aimait véritablement. Cette fille inconnue le prononçait avec une douceur qui s’apparentait étrangement à la tendresse qui teintait la voix de ma mère. Pourtant, ce n’était pas ce souffle répétitif qui attirait mon attention. Devant moi, il y avait des dizaine de cerisiers en fleurs. Mes mains se dirigèrent vers la capuche que je portais. Elles l’ôtèrent de ma tête, comme si ce geste me permettrait de mieux admirer le paysage. Les rangées étaient régulières. Aux pieds des arbres, de l’herbe venait caresser les troncs. Il y avait quelques fleurs sauvages. J’avais le cœur étrangement léger et le regard tellement vif. Ce paysage me donnait l’impression d’un éveil soudain. C’était comme si, durant ma vie entière, je n’avais fait que vivre en noir et blanc. Ici, le moindre souffle de vent se percutait avec une grande précision sur ma peau. Je sentais tout : l’odeur de la terre, l’odeur de la rosée matinale qui n’avait pas fini de disparaître, l’odeur de l’herbe, l’odeur des fleurs, l’odeur du bois, l’odeur des animaux et même l’odeur du vent. Dans mes narines, les fragrances m’indiquaient d’où venait l’air que je respirais. Il y avait un village au loin, dans lequel, j’en étais certain, l’on était actuellement en train de servir une omelette aux fines herbes sur un lit de riz et de légumes. Pas de viande. J’avais d’ailleurs décrété très tôt ne pas vouloir avaler de cadavres. Ma mère avait souri à ma résolution. Mon père avait déploré mon idée, prétextant que je serais un enfant chétif et que mon cerveau, jamais, ne se développerait. Il avait tort et je le savais parfaitement. J’avais, plus d’une fois, observé des cadavres d’animaux. Je trouvais ça répugnant. Ils n’avaient fait que me faire prendre conscience de ma propre finitude. J’étais né il y avait de cela quelques années à peine et j’étais certain d’une chose : j’allais mourir. La vie était moche, à l’instar de Nementa Corum et de sa prison grisâtre. C’était avant que la zone fût rasée par un ras de marée commandé par les Sirènes. Je n’aimais pas mes frères. Je n’aimais pas les autres enfants. Ils ne m’apportaient rien en comparaison du savoir que je pouvais tirer des adultes. De toute façon, j’étais convaincu d’être seul au monde. Cette histoire était la mienne. Les autres gens n’étaient que des fictions inventées par mon esprit pour éviter que je m’ennuyasse. Ils étaient d’ailleurs tellement convaincus d’exister qu’ils remettaient en doute ma grandeur en me parlant comme si j’étais un enfant. Il n’y avait que ma mère qui me considérait comme ce que j’étais vraiment : une sorte d’être suprême. Ce n’était pas parce que j’étais cet être que je ne mourrais pas. Tout devait avoir une fin, même Ethelba. À cet âge-là, je ne connaissais rien. Je me prenais simplement pour le monde lui-même et tiquai parfois sur la laideur de mes propres créations. Puisque j’étais seul, forcément, le mal était de mon fait aussi. Si l’environnement était fait pour moi, qu’il n’attendait que moi, qu’il ne vivait que pour moi, alors comment expliquer l’intérieur des grenades ? N’était-ce pas particulièrement répugnant, toutes ces petites billes étranges ? J’avais de drôles d’idées de créations parfois. « Kaahl. » reprit la voix. Je fis la moue. « Qui es-tu ? » demandai-je. Il n’y eut aucune réponse. C’était contrariant. Je n’aimais pas que l’on m’ignorât.

Finalement, je décidai de ne pas tenir compte de cette voix et de suivre mon instinct. Je me précipitai vers les arbres en fleurs. J’avais appris à marcher tardivement en comparaison à mes frères. Depuis tout petit, je passais ma vie à observer. Je n’avais alors aucune idée que cette activité deviendrait ma favorite durant des décennies. En observant les autres, je les apprenais. Je décelais leurs façons de faire, leurs états d’âme, les signes du chagrin, les signes de la joie, ce qui plaisait et ce qui ne plaisait pas. En regardant mes frères marcher à quatre pattes puis se redresser, j’avais compris la mécanique de la marche. Il m’avait simplement manqué une motivation pour réaliser l’exploit moi-même. J’aimais bien que l’on me portât. Ça m’évitait de faire des efforts. Et puis, un jour, j’avais senti l’odeur de la confiture de fraises. J’avais décidé que j’en voulais. Malheureusement, aucune création de mon imagination n’était là pour me porter jusqu’à la mixture. J’avais dû me débrouiller tout seul. C’est ainsi que l’une des servantes m’avait vu débarquer dans la cuisine et repartir aussitôt avec le pot de confiture, une cuillère et du pain, sous l’œil médusé de mes deux frères qui étaient en train de se disputer une assiette de biscuits précédemment à grands coups de « C’est à moi ! » « Tais-toi ! Je suis le plus grand ! »

Je me mis à courir dans l’allée. Le vent s’engouffra entre les branches des arbres. Il semblait vouloir me dire quelque chose. C’était inéluctable. J’allais rencontrer quelqu’un. Je le vis, ralentis et me stoppai un instant. En provenance de l’autre côté du parc, il y avait un autre garçon. Les pétales se détachèrent et commencèrent à tournoyer. Comme si, moi aussi, j'étais une fleur, je me remis en mouvement. Pour la première fois de ma vie, j’eus l’impression que cet enfant n’était pas une création de mon esprit. Il me semblait avoir la texture des choses que l’on désignait comme vivantes, vivantes pour de vrai. « Je suis là. » lui dis-je tranquillement. « Je m’appelle Elias. » ajoutai-je. J’avais décidé que ce serait mon nom. Parce que Kaahl ne m’allait pas du tout. Je ne comprenais pas pourquoi les grands s’évertuaient à me nommer ainsi, comme mes frères. Il aurait été plus correct de me demander comment ils auraient dû m’appeler, surtout qu'ils n'existaient pas vraiment. Je leur aurais dit : « Elias. » Dans mes réflexions, je m’étais fait plusieurs fois la remarque que ça ressemblait un peu à mélasse. Ça ne me dérangeait pas. Ça ressemblait aussi à alias. C’était un peu ça. Elias, nom que je m’étais choisi, alias Kaahl, nom que d’autres avaient choisi pour moi. Puis si on enlevait la prononciation du s final, ça donnait Alia. J'aimais bien aussi. Si je reprenais Elias et que j’enlevais le e pour rajouter un l, ça faisait lilas. Je trouvais ça beau. Ça attirait les papillons et les abeilles. Ça sentait bon. Vraiment, je voulais m’appeler Elias. Pas Kaahl. Je serais donc Elias pour lui. « Et toi ? » demandai-je, conscient de l'importance de pouvoir le nommer. Je m'étais déjà fait la réflexion concernant les animaux. Je trouvais bête de les nommer sans leur demander leur avis. Faute d'avis, il valait mieux ne rien tenter : ils risquaient de ressentir la même chose que moi vis-à-vis de Kaahl. J'avais donc pris la résolution de les sauver de cette faute de goût Je m'y tiendrais toute la vie.

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Lun 15 Mar 2021, 23:39

Neru - Eméliana & Solheim




« Hum… »

Mon regard d’ambre se perdit dans le lointain, par-delà les silhouettes argentées des soldats. Le paysage de cendre s’étendait jusqu’à l’horizon. La désolation marchait sur les pas de ma chère et tendre ; la terre, desséchée par son feu et sa frénésie, s’abreuvait du sang et de la mort.

« J’imagine qu’il est trop tard pour reculer désormais… »

Ma voix draguait les échos d’une profonde tristesse. Malgré ses actes abominables, je ne pouvais me résoudre à l’abattre. Eméliana était bien trop importante pour moi ; elle n’était pas seulement la mère de mes enfants - c’était l’autre moitié de mon âme. Je regrettais le temps de notre amour naissant, celui des enfantillages et de la séduction. Nous avions dû lutter pour faire valoir notre droit à nous aimer. En tant que Princesse Noire, elle m’était inaccessible tant par son rang que par ses origines. Pourtant, nous nous étions battus et nous avions réussi à construire, ensemble, un semblant de stabilité. Mais son couronnement nous avait séparé à jamais ; la Lune Noire, cette garce fielleuse, l’avait dérobée à ma tendre étreinte. Et désormais, notre idylle n’était plus que le fragment d’un souvenir brisé.

« Je suis désolé »

Mes yeux ternis par le regret croisèrent ceux de mon fidèle allié. La compassion effleura son visage dur. J’avais trop tardé pour agir et - à cause de mes décisions - de nombreuses âmes avaient souffert : des hommes, des femmes, des enfants. Je retardais l’inévitable depuis longtemps - convaincu de pouvoir lutter contre le pouvoir du Chaos. J’espérais que la force qui nous liait l’un à l’autre pourrait défaire l’odieuse influence d’Ethelba. Mais ce n’était qu’un rêve, une chimère que même le Mârid ne pourrait matérialiser.

« J’ai été aveuglé par mes sentiments, mais je vois clair désormais. Je dois oeuvrer pour le plus grand bien - même si cela implique de faire face à ma propre souffrance - aussi douloureuse soit-elle. Pourriez-vous faire mander les chefs d’Etat ? J’ai besoin de leur parler. »

Malgré mon incapacité à prendre les armes, je n’étais pas totalement resté sans rien faire. Conscient de ma position privilégiée auprès de l’Impératrice Noire, j’avais prêté main forte à la rébellion ; leur offrant asile dans la plus grande discrétion. Les résistants s’étaient rassemblés en nombre dans les souterrains aménagés sous Sceptelinôst ; la cité pirate était toute désignée pour protéger un tel secret.

Le Thur Lahvu s’inclina respectueusement et s’éloigna, portant mon message aux hérauts qui le communiqueraient, à leur tour, à qui de droit. Il ne fallut pas plus d’une heure pour que les dirigeants des nations décimées reçussent mon invitation, et guère davantage pour qu’ils me rejoignissent entre les murs du Siège des Thurs. L’ambiance était tendue ; certaines querelles d’antan survivaient malgré les circonstances. Je savais que bon nombre d’entre eux m’accusaient - à juste titre - de les avoir abandonnés à un cruel destin. Je trouvais un peu de réconfort en sachant que cette pensée les ralliait sous une bannière commune. Je carrai les épaules, prêt à répondre de mes actes, et poussai la double porte qui menait à la salle du Conseil. Des regards courroucés et des mines renfrognées accueillirent mon entrée.

« Merci d’avoir répondu à mon invitation. »

Je coupai court aux formalités d’usage ; de toute façon, ils me haïssaient probablement déjà tous.

« Tout d’abord, même si je suis conscient que mes excuses n’effaceront pas des décennies d’inaction, je tenais à vous les présenter. J’aurais dû activement rejoindre votre cause bien plus tôt, cela aurait sans doute permis de préserver de nombreuses vies... Mais ce n’est pas pour que vous m’accordiez le pardon que je vous ai mandé, non. Si vous êtes là aujourd’hui, c’est parce que je voudrais que nous évoquions le futur. »Séparateur« Bien, vous savez quoi faire. Si j’échoue, tout reposera sur vous. »

Je caressai les écailles ténébreuses de mon compagnon. Il m’observa de ses deux grands yeux rouges, étincelants de barbarie. Je me hissai avec agilité entre les épines de son dos et appuyai mes talons sur ses flancs. Il se cambra avant de prendre son envol. La bête majestueuse fendit les airs, accompagnée par cinq de ses congénères - d’autres Dragons qui m’avaient suivi dans les nombreuses batailles que j’avais menées. Nous survolâmes les champs dévastés jusqu’aux armées des Mages Noirs.

« Peuple d’Ethelba, je suis Solheim Xyulfang - Seigneur des Deux Rives, Époux de l’Impératrice Noire, Ascendant de vos Héritiers. Je me présente seul face à vous. Au nom du contrat qui nous lie, je viens réclamer une audience à l’Ultimage des Ténèbres. Par mon rang et par mon sang, je vous ordonne de me laisser passer. Tout refus sera considéré comme une déclaration de guerre en bonne et due forme. »

Ma voix, amplifiée par la magie, porta loin ; probablement jusqu’aux oreilles de mon épouse. Les Sorciers étaient retors, mais je doutais qu’ils osassent prendre les armes sans l’aval de leur dirigeante. Et, quelque part au fond de moi, la flamme du désir savait qu’Eméliana accéderait à ma requête ; tout comme moi, elle ne résisterait pas à l’appel de nos corps. Lorsque son messager me communiqua sa réponse, mes dragons se posèrent à quelques mètres du camp ennemi. Je mis pied à terre et me retournai pour les observer tour à tour.

« Merci de m’avoir suivi jusqu’ici. Votre fidélité me va droit au coeur. »

J’effleurai leur museau d’un tendre geste de la main ; c’était peut-être la dernière fois que nous nous voyions. Après une ultime pensée à mon égard, ils s’en repartirent vers Keizaal, m’abandonnant à l’escorte qui était venu me mener à celle dont le visage illuminait mes nuits. J’étais désormais seul. Seul avec le destin du monde entre les mains. SéparateurLa tente était plongée dans la pénombre. De petits braseros éclairaient le visage malsain de la plus belle des femmes. Ses yeux flamboyants étaient remontés en un chignon compliqué supportant une couronne ouvragée. Elle m’observait de ses yeux verts, une lueur de défi sur le visage.

« Laissez-nous » ordonnai-je d’un ton sans réplique.

Le bataillon hésita un instant, cherchant l’approbation de leur souveraine. Cette dernière ne broncha pas - et ils prirent son silence pour la marque de son assentiment. J’attendis encore quelques instants puis, lorsque je fus certain qu’ils n’étaient plus dans les parages, je rompis le silence.

« Eméliana, y a-t-il une quelconque chance que je réussisse à te faire changer d’avis ? Il ne tient qu’à toi de mettre fin à cette guerre stérile. »

J’accusai un nouveau refus. Enclavé par son armée et sa folie, je n’étais plus en mesure de renoncer. Je soupirai d’un air las.

« Très bien. Dans ce cas, je ne te demanderais qu’une seule chose : une dernière nuit. Et au petit matin, si tu n’as pas changé d’avis, tout sera fini. »SéparateurJe repoussai la mèche rebelle qui lui barrait le visage, dévoilant un regard ravageur. Sa proximité enflammait mon ardeur. Mes lèvres effleurèrent les courbes de son cou tandis que mes doigts jouaient avec les laçages de son corset. Aucun couturier du peuple noir n’avait jamais réussi à m’empêcher de la déshabiller ; cette tenue là ne résista guère plus que les autres. Mes baisers descendirent vers son épaule. Je voulais profiter de ce moment, honorer chaque parcelle de ce corps si parfait avant de le perdre à jamais. Les sens en éveil, je profitais de tout ce qu’elle avait à m’apporter: son odeur, sa douceur, sa beauté, sa grâce. J’empoignai un sein à pleine main, comme pour m’assurer sa propriété, afin de le caresser avec tendresse. Une légère pression sur son téton durci lui arracha un râle familier et pourtant si lointain. Je souris, poursuivant ma route de son épaule à son nombril, dardant longuement ma langue au couronnement de sa poitrine. Je me hâtais lentement, usant de patience pour maîtriser mon excitation grandissante. Des pulsions animales m’ordonnaient de la prendre sur le champ. Je résistai. Ma langue glissa vers son intimité, la gratifiant d’une attention toute particulière. Je souhaitais qu’elle éprouvât un plaisir si intense que le simple souvenir de nos ébats la menât à l’orgasme. Je désirais que la mention de mon nom la transportât au septième ciel. Je voulais que le manque fût si intenable qu’elle rêvât de moi toutes les nuits jusqu’à notre prochaine rencontre. Et quand ses gémissements furent trop pressants, je me glissai dans la chaleur de son corps. Je la chevauchai lentement d’abord, violemment ensuite. La bestialité reprenait peu à peu ses droits sur mon humanité. Ses ongles me lacéraient la peau alors que je ne retenais plus mes coups. Je la retournai face contre terre. Elle ne devait pas oublier qu’elle était mienne. Pour toujours et à jamais. Prenant appui sur sa crinière de feu, je lui tirai la tête vers l’arrière pour l’embrasser. Mon état alterna graduellement entre l’amour et la férocité. Et lorsque l’extase la cueillit pour la troisième fois, je m’autorisais à m’abandonner à elle.SéparateurLes signes précurseurs de l’aube m’incitaient à passer à l’action. L’esprit tourmenté, je n’avais pas réussi à fermer l’oeil. Je quittai la chaleur du lit conjugal en évitant de réveiller la belle endormie. Eméliana paraissait si paisible que mon coeur se serra une nouvelle fois. Je ne pouvais vivre sans elle. Je me rhabillais en silence dans l’attente de son réveil. Elle émergea peu de temps après moi, bien avant que les rayons du soleil ne signassent l’heure de notre déchirement.

« J’imagine que tu n’as pas changé d’avis ? » ma voix trahissait une lueur d’espoir qui luttait pour survivre. Mais elle était inflexible. Je soupirai.

« Bien… Alors, avant de nous quitter, j’ai quelque chose pour toi. »

Je fouillai la poche intérieure de mon manteau pour en extirper un petit coffret de bois. Je m’approchai d’elle pour qu’elle pût l’examiner.

« D’ici peu, le Soleil marquera la fin de notre trêve. Je ne connais pas l’issue de la bataille, mais je veux t’offrir ce présent afin qu’un morceau de moi demeure toujours avec toi. »

J’ouvris la boite pour lui dévoiler un collier d’or incrusté d’émeraudes. Le bijou provenait des profondeurs de la Cité Engloutie, une fabrication ondine comme ma chère et tendre les affectionnait tant. Je lui laissai l’occasion de le juger d’un oeil critique, jusqu’à ce que je décelasse cette lueur d’avidité qui trahissait parfois ses humeurs.

« Tu veux bien que je te le mette ? »

Je me plaçai derrière elle, repoussai ses cheveux de feu et fixai l’ornement à son cou. Elle était splendide.

« Tu es merveilleuse Eméliana. »

Et le Soleil, ce sans-coeur intraitable, nous baigna de ses premières lueurs. Lorsque sa lumière effleura les pierres précieuses du bijou, la magie entra en scène. Le collier se resserra davantage autour du cou de la Sorcière. Chaque bille verte donna naissance à une chaîne d’argent qui s’enroula autour de son corps, l’immobilisant dans une étreinte mortelle. Complètement entravée par les maillons de métal, elle ne valait guère mieux que tous les esclaves qui étaient morts dans sa quête de pouvoir. J’accusais le coup de la haine qui fulminait dans son regard. Malgré la difficulté, je me refusais de détourner les yeux de ce cruel spectacle.

« Je suis désolé. Je n’avais pas d’autres choix. Mais tu ne partiras pas seule, je porte également le poids de tes pêchés. Je serai avec toi… Jusqu’à la fin. »

En deux pas, je fus sur elle. Je l’enveloppai de mes bras protecteurs. En cet instant, elle n’avait probablement pas envie que je la touchasse, mais il était hors de question que je la lâchasse. J’étais aussi coupable qu’elle ; je n’avais pas su la sauver de sa folie. Alors, je m’étais promis de l’accompagner dans la mort. Les liens s’enroulèrent d’instinct autour de mon corps. Je ne luttai pas. Nous étions prisonniers de cette toile funeste, mais nous étions ensemble. L’étau se resserra. Ma respiration était de plus en plus difficile, celle d’Eméliana n’était presque plus qu’un murmure. Des bruits de craquements répétés sonnèrent, nos os cédaient un à un sous la pression. Une douleur insupportable irradiait de ma poitrine. Une larme coula sur ma joue lorsqu’elle rendit son dernier souffle. Alors seulement, je m’abandonnais à l’accalmie du sommeil éternel.


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Voeu pour les Génies (A priori Jasmin):
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Miles Köerta
~ Orisha ~ Niveau III ~

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Miles Köerta
Mar 16 Mar 2021, 05:07



Le silence s’était lentement installé entre lui et moi. Mon regard admirait le relief de ses muscles avec fascination. Je les avais déjà explorés maintes et maintes fois durant les années que nous nous étions partagés, pourtant, je me surprenais à tous les coups d’apprécier ainsi leur chaleur et fermeté. Je me plaisais à le toucher, à le sentir frissonner sous mon doigté. Un sourire évasif, mais non le moins ravi, se faufila jusqu’à la commissure de mes lèvres devant la vue.

« Milesette »

Et finit par flancher à ce surnom des plus incongrus. Je fermais les yeux. Ma réaction fût instantanée, mon pouce et mon index écrasant fermement son téton, sans sommation. Tordant mon faciès, un rictus plus sournois et provocateur remplaça la douceur du précédent rire, et vint aussitôt répondre à sa malice. Je me soulevais légèrement de ma posture afin d’atteindre la hauteur de son visage.

« Prochaine fois, j’attaquerai directement avec les dents », rétorquais-je par le même amusement, continuant la caresse incessante de son torse.

Mes doigts se permirent alors de s’aventurer plus loin encore, s’accrochant à ses épaules pour les lui dénuder, dévoilant la crème café de sa peau, que je goûtais avec ivresse et engouement. Cependant, je me savais loin d’être tendre, assaillant presque aussitôt son cou de cette douleur d’allégresse que marquèrent mes dents sur sa chair. Je me régalais de son contact lorsqu’il m’embrassait, de ses grognements lorsque mes ongles le lacéraient, de sa rudesse lorsqu’il m’entravait sous son poids. Pourtant, dès que je fus renversé au sol, un instinct, une envie, me commandait de ne pas le laisser faire, de reprendre immédiatement les rênes. Par réflexe, je l’envoyais promener, faussement agacée, contorsionnant mon corps de sorte à pouvoir me libérer de son emprise. Je détestais perdre, et il le sentit passer, notre ébat langoureux et charnel se transformant, en un instant, en lutte de pouvoir et de domination. Je voulais le maitriser, lui faire comprendre qu’il n’aurait pas autant de chance que la dernière fois, et même si quelques éclats de rires et des appels puérils à la querelle venaient adoucir le bras de fer, nous étions plus que sérieux durant la mêlée. Toutefois, ni lui ni moi finîmes par vaincre, nos flancs touchant les peaux, nos corps se serrant de nouveau, avides et enhardis par la présence de l’autre. Je ne pus réprimer un rire, allant cueillir de nouveau son visage pour le couvrir de baisers.

« Et les Ætheri, te chuchotent-ils ce qui se passe entre ces deux oreilles? » Lui demandais-je en pointant ma propre tempe, le couvant d’un regard lubrique, mon bas ventre se collant à ses hanches avec plus d’insistance.

Cependant, la suite prit un tournant inattendu.

« T’atta… »

Le mot ne se compléta jamais, un bond puissant au creux de ma poitrine coupant mon sifflet. Transposition physique de ma surprise, mes yeux s’écarquillèrent légèrement sous le poids des siens et ma bouche resta, un instant, entrouverte, le menton pendant. Mes pupilles courraient de son regard jusqu’au fameux tissu, que je considérais brièvement, avant d’inspirer une profonde bouffée d’air. Toutefois, je ne répondis de suite à sa requête, profitant de son inattention pour le prendre en traître et recouvrer mon ascendant sur sa personne. Enroulant mes jambes autour de sa taille, ce ne fût guère un problème de le faire basculer et de l’allonger au-dessus des fourrures. Plaquant solidement son dos au sol, une main à la base de son cou, je me permis de lui adresser un sourire mutin, le triomphe sur les lèvres; le triomphe étant mien.

« Encore gagné! » M’écriais-je en soulevant un bras à hauteur de mes épaules, gonflant le muscle de mon biceps avec une fierté non cachée.

Encore? Y’avait-il seulement eu une précédente victoire? Peu importe, puisqu’à présent, je me tenais au-dessus de lui, mon bassin à la hauteur de son torse, ne lâchant la prise que j’avais sur ses yeux. Ses yeux qui m’avaient regardé comme aucun autre auparavant, ses mêmes yeux pour qui j’étais prête aux plus grandes folies, ses yeux qui, un jour, m’avait souri et avait complètement chamboulé ma vie. J’enserrais mes cuisses le long de sa taille, me rapprochant de son visage, que j’encadrais de mes mains, arquant mon dos pour être certaine de le surplomber et d’englober toute sa vision.

« Pourtant, tu es déjà à moi, lui soufflais-je tendrement, moqueusement, et cette fois-ci, mes yeux le sondèrent vraiment, une avidité refoulée semblant brusquement émerger des éclats vermillons de mes iris pour l’agripper. … Tu veux connaître un secret? Il acquiesça en silence, nos souffles se mélangeant plus je me rapprochais de ses lèvres. La première fois que tu es revenu de l’Île Maudite, j’aurais dû t’enfermer. »

Je me redressais pour le contempler, allant cueillir le tissu qu’il serrait si fort dans le creux de son poing. J’évaluais la fabrique d’un œil averti, le chatoiement qui dansait dans mes prunelles oscillant pourtant entre la taquinerie et la mélancolie.

« Plusieurs fois, j’aurais simplement voulu… »

Je me tus, luttant pour avaler ma salive, une morsure jouant avec la pulpe de mes lèvres. Si mes jointures blanchissaient à la contraction de mes poings, celles-ci finirent par se détendre et se relâcher : plus je reprenais mon sang-froid, en réalité, et plus un plaisir évident s’amusait dans le rouge de mon regard. Une impulsion me prit, ma main attrapant son collet pour le forcer à se relever. Assis désormais sur ses cuisses, il m’était maintenant possible de couler mes doigts le long de ses bras afin de les guider jusque dans son dos.

« Non… À toutes les fois, j’aurais voulu t’attacher pour que tu ne puisses plus jamais partir et t’échapper. »

Mais combien de barreaux m’auraient-ils fallu ériger pour isoler le Souriant? De quelle nature aurait dû être les chaînes et les menottes pour supporter, sans crier et se briser, les assauts du titan? La réponse était évidente, la force de mon homme n’étant plus à prouver. Pourtant, aussi impressionnante pouvait-elle être, en cet instant, il était à ma merci. Ici, il ne s’échapperait pas. Il se laisserait emprisonner dans mes bras pour l’éternité. D’un coup vif, sec, j’attachais ses poignets, la confection du nœud m’hypnotisant.

« Ne bouge surtout pas… » lui glissais-je à l’oreille, remontant mes mains sur la longueur de ses bras.

Je captais brièvement la lueur dans ses yeux, tandis que sous mes effleurements, le tissu qui retenait ses mains s’allongeait, s’étirait. Par une magie créatrice et volatile, suivant l’arabesque dessiné par mes doigts, le ruban se lissait sur la peau du Chaman, épousant cette dernière afin de l’étreindre fermement, solidement. Avec une félicité certaine, une rapacité toujours plus grande et inassouvie, je conquérais bientôt le rose de ses lèvres, les embrassant fougueusement, d’un amour toujours, toujours plus ardent. Je sais qu’il y en a qui se sont permis de te toucher, de t’embrasser, de partager ton lit. Affamées, mes mains s’arrêtèrent à la hauteur de sa nuque, touchant la racine de ses cheveux, s’enfonçant dans l’épaisseur de leur douceur. Les nœuds, toujours en mouvement, se lassaient progressivement autour de sa gorge, suffisamment relâchés pour ne pas l’étrangler, assez serrés pour qu’il perçoive, au moins, leur présence. Je me détachais alors brièvement, le contemplant sans gêne, admirant sa beauté et le convoitant, encore et toujours plus. Je lui échangeais un léger sourire, frottant amoureusement mon nez sur le crochet du sien. Je sais que tu t’es donné à d’autres, par amusement ou curiosité, par tentation ou envie spontanée. Lentement, je descendis mon visage à la hauteur de son cou, plaquant mon corps au sien, toujours, toujours plus près. Sensuelle, je poursuivis ma descente jusqu’à son torse et ses hanches, appréciant leur forme, leur découpe parfaite, les rubans s’entortillant autour de ceux-ci, pris d’une vie propre. Je sais tout ça. Je savais tout cela et ce comportement aurait pu me frustrer, me faire imploser, me briser. J’aurais pu pleurer, crier, me morfondre et m’effondrer. J’aurais pu être jalouse à en crever et vraiment l’enfermer. J’aurais pu l’attacher tant de fois simplement pour que je cesse de le pourchasser. Pourtant, aucun de ces sentiments n’avaient, à ce jour, fait surface jusque dans mon esprit. Jamais, auparavant, une telle cupidité d’amour ne m’avait ainsi retournée. Parce que je n’avais pas à m’en faire. Je connaissais mieux que quiconque les sentiments qui l’habitait et qu’il nourrissait à mon égard. Je savais, aussi loin de mes connaissances, qu’il n’offrait un tel regard, qu’il partageait un tel amour, qu’avec une seule personne.

« Aärk ët juiki (Je t’aime). »

Si, pendant des années, la distance m’avait écorché, ce n’était pas tant en raison de tous ces autres qui lui avaient tourné autour et de ceux qu’il avait pu « aimer », qu’à cause de son absence qui avait créé un vide immense en moi. Il m’avait manqué, comme la boisson manque à l’alcoolique, comme le jeu manque au dépendant : après m’avoir fait goûter à son amour, le voir partir m’avait causé un manque terrible, déchirant. Moi qui avais longtemps cru ne jamais pouvoir être touchée de la sorte par les mains d’un homme; moi qui, en raison de mon physique disgracieux, avais toujours craint de perdre la chance d’apprécier une vie d’amour, être dans ses bras, profiter de ses lèvres et de sa passion, de ses yeux et de son sourire, avaient été autant de sauvetages qui m’avaient permis de remonter la pente que de seringues que l’on m’avait injecté dans les veines. Peut-être était-ce pour cela que, dans cette réalité, une envie – profonde envie – s’éveillait au creux de mon ventre et de mon esprit, lorsque je l’épiais dans cette position. Cette impression empoisonnait et échauffait chaque neurone de mon cerveau, le marquant des mots « avide » et « égoïste. » Parce que oui, je voulais qu’il m’aimât et qu’il restât pour toujours auprès de moi, rien qu’auprès de moi. J’avais besoin qu’il reste auprès de moi.

Lui adressant un sourire amusé, je me permis alors de jouer avec les attaches de son pantalon, défaisant les liens avec une lenteur toute calculée, faisant exprès de marquer sa peau de quelques frôlements involontaires, légers, qu’il ne pourrait attraper. Puis, je pénétrais mes mains à l’intérieur du vêtement, caressant la courbe de ses fesses, les laissant survoler sa peau pour le voir frissonner, pour voir l'amour et le désir scintiller dans le rouge et or de ses yeux. Il était tellement mignon.

« Monsieur Sùlfr, susurrais-je non loin de son oreille en déposant ma joue sur son épaule, remontant mes mains jusqu’à l’objet de mon désir, que j’agrippais, que je caressais dans un mouvement de va-et-vient. Plus jamais, je ne te laisserais partir. Est-ce clair? »

Il serait à moi et à personne d’autre. Il s’agissait d’une promesse, marquée sur sa chair, par mes dents et ces rubans.


1 805 mots (Sans les paroles de Léto) | Post I




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Merci Léto ♪:
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Jämiel Arcesi
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Jämiel Arcesi
Mar 16 Mar 2021, 15:32

Restriction par Stephan Duquesnoy
Neru

Le regard d'Èibhlin se perdit sur une fleur aux couleurs d'un bleu chatoyant, puis elle s'abaissa pour en caresser les pétales du bout des doigts. Fine et fragile, elle avait pourtant réussi à percer l'épaisse couche de poudreuse gelée. Solitaire et fière, elle se balançait au gré des courants d'air comme une danseuse au rythme de l'orchestre. Finalement la Sarethi se redressa. Elle ignorait où elle se trouvait exactement. Perdue dans ce labyrinthe dans lequel la sortie lui paraissait inaccessible, elle s'était accordée une pause à la vue de cette singularité. Ce dédale l'était aussi, singulier. Fait uniquement de verdure, elle avait voulu braver les règles en utilisant la magie de l'Envoutement. Toutefois, elle se confronta à un mur, obligée de traverser les couloirs entremêlés normalement. Abandonnant la fleur, elle fit demi-tour, celle-ci se trouvant dans un cul-de-sac, et boucha le couloir d'une haie épineuse. Une façon d'éviter de retourner sur des chemins déjà empruntés. Gagner du temps pour se sortir d'ici. A un croisement elle s'arrêta brusquement, son regard se promenant dans les différentes directions possibles. Y comprit derrière elle. Elle n'y avait pas prêté jusqu'à maintenant. Jusqu'à ces bourrasques entrainées par l'agencement de l'endroit portant un instant le vent en sa direction et un parfum qui n'avait rien à faire là. Une fragrance se mêlant à celle fraîche de la neige et épicée de la sève des ligneux. Une fraîcheur différente. Une épice différente. Différentes de celles que l'on trouvait au cœur des arbres et des buis. Rapidement, le clone dressa un nouveau mur derrière elle avant de choisir son couloir. Elle ne le garantissait pas. Mais elle parierait ne pas être seule ici. Elle ignorait qui était cette personne. Et elle ne voulait pas le savoir. Par sureté, elle réitéra l'opération pour être certaine de lui bloquer le chemin ou le mener sur une fausse piste. A moins que ce ne soit parce qu'une voix au fond d'elle lui soufflait que, malgré ses tentatives, il était toujours là, sur ses talons. Elle n'aimait pas ça. Elle se sentait une biche aux prises avec un jaguar. Or, il ne faisait jamais bon être la proie. Elle finit par abandonner ses tentatives de le détourner, prenant conscience que c'était inutile et lui faisant perdre plus de temps que nécessaire, au profit de la course. A deux mains, elle se saisit de sa robe, un mot ne résonnant plus que dans son esprit : fuit.

Un instant son esprit se sentit libéré en voyant la clarté d'une plaine face à elle. Elle était enfin sortie et libre. Elle pourrait se défaire des griffes de son traqueur. Le cru-t-elle. Son cœur manqua un battement en constatant tout le contraire et où elle se trouvait, dans le cœur même du labyrinthe, bien loin de ce qu'elle cherchait désespérément depuis trop longtemps. L'évidence la frappa en plein visage. Elle ne trouverait jamais à temps cette sortie. Un nouvel ordre vint alors remplacer le premier : faire face. Elle ne serait plus sa proie. Après une inspiration, elle se tourna, déterminée, vers son assaillant et cacha difficilement sa surprise en découvrant l'identité de ce dernier. Rapidement elle se reprit toutefois, refermant son visage pour empêcher de dévoiler tout sentiments parasites. « Moi. » répliqua-t-elle en écho d'une voix neutre, sans rien ajouter d'autre. Pourquoi lui ? Le destin était moqueur, elle ne voyait que ça. En silence elle suivait ses pas à reculons, le corps du Vampire trop proche du sien pour que ce soit décent. Repousse-le. Ses iris ancrée dans celle de son vis-à-vis, un rictus moqueur étira la commissure des ses lèvres. « Inutile voyons. Le plaisir était pour moi. » répondit-elle d'un même air. Repousse-le te dis-je. Non. Sa volonté était en totale contradiction avec son esprit. C'était d'un ridicule sans nom et elle se serait giflée pour ça.

Une partie d'elle sembla se sentir mieux lorsqu'il finit par enfin s'éloigner et elle reprit un souffle nouveau à cet instant. Une autre partie sembla particulièrement touchée à en nouer son estomac. Cette ambivalence des émotions commençait à agacer fortement l'Alfar. C'était quoi son problème ? Ce type était insupportable au possible !  Alors quoi ? « Hum. Presque ? Ce n'est pas comme si ça m'étonnait que ce ne soit pas si simple. Certains ne font simplement confiance à personne d'autre qu'eux-mêmes. Accorder sa confiance à autrui peut relever de courage... Ou de folie. » conclu-t-elle en levant le regard vers le visage du Vampire. Tout dépendait de la personne. Quelqu'un vous dira qu'il est mauvais de faire confiance à un Alfar. Il n'aura pas tout à fait tort. En d'autres termes, ici, c'était de la folie. Ça ne la dérangeait pourtant pas. Était-elle prête à lui accorder sa confiance, elle ? Peut-être. Quelle ridicule idée. Un frisson glissa le long de l'épiderme de la Sarethi au fil du contact avec la main du Vampire. Un détonnant mélange de surprise et de... délice ? Réveille-toi, tu passes pour une idiote avec tes réactions d'adolescente ! Était-ce réellement ça toutefois ? Elle avait l'impression d'exploser intérieurement à débattre ainsi avec elle-même sur un sujet si futile. Son regard erra sur les mains de son vis-à-vis venant chercher les siennes. Elle plissa des yeux, puis leva son visage vers le sien.  Ses intentions étaient claires et, pourtant, ses gestes se mirent en pause comme lui-même s'ancra dans le regard d'Èibhlin. Une pensée s'insinua à son esprit. Des histoires circulant au sein de la Majestueuse. Alors elle tira légèrement sur les mains tenant les siennes pour l'inviter à s'approcher. Elle eut toutefois le besoin de s'élever légèrement en se mettant sur la pointe des pieds pour atteindre l'oreille du Vampire où elle y glissa sur le ton de l'injonction « Alors tu viendras à Drosera. La confiance est mutuelle et si tu veux réellement que je te confie la mienne, montres que tu ne crains réellement pas ces mignonnes petites ronces. ». Elle resta ainsi quelques secondes, comme pour être certaine que ses paroles se soient gravée dans son esprit, avant de s'écarter à nouveau pour se plonger dans ses yeux. Il y avait quelque chose de beau et de familier dans le carmin de ses iris. Elle mit quelques secondes à savoir quoi. Les amarantes.
:copyright: ASHLING POUR EPICODE



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Priam et Laëth
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Priam et Laëth
Mar 16 Mar 2021, 21:43



by je sais pluuus

Soumission et culpabilité

En duo avec Kaahl



Un rire revêche s’écrasa contre les dents de Priam. Il sonnait comme un refus de ce que Kaahl prédisait, comme une moquerie au sujet de ses paroles prophétiques, et pourtant, il y avait en son creux cette vibration qui appelait le doute et la crainte. Avant qu’aucune de ces émotions ne pût se concrétiser en mots, l’Ange se retrouva sur le dos, enchaîné par les membres de son adversaire. Ses ailes se déployèrent douloureusement. Grâce à elles, il tenta d’inverser leurs positions, mais rien ne vint. Il s’arrêta rapidement. Lutter aurait simplement été la marque de la bêtise. Ses yeux d’or s’ancrèrent à ceux du Magicien. Il aurait voulu les lui arracher et les lui faire avaler. Chacune des syllabes qui sortaient de sa bouche secouait en lui des élans de violence. C’était peut-être pour cela, que Laëth ne lui avait rien dit. Elle craignait peut-être qu’il ne s’en prît à l’homme qu’elle aimait. Elle savait peut-être qu’il n’accepterait jamais ce qu’elle lui cachait, et préférait ne rien dire ? Ou bien elle ne lui faisait pas confiance, à lui, son frère, son sang, sa famille, pour garder ses secrets les plus précieux ? Les mots du brun avivaient son doute. Ils extirpaient des tréfonds de ses pensées une culpabilité détestable. Peut-être qu’elle ne lui avait rien dit parce que, même si elle avait envie de le faire, elle ne l’avait pas jugé à la hauteur. Peut-être qu’il n’était pas à la hauteur. Peut-être qu’il ne l’avait jamais été. Comme assommés par la déception, tous ses muscles se détendirent.

Ce fut le moment que choisit Kaahl pour se laisser tomber près de lui. Priam décrocha son regard du plafond, pour l’observer. Il y avait dans ces traits une mélancolie aiguë. Elle donnait presque envie à l’Immaculé de le prendre dans ses bras. Les relations humaines ont parfois une drôle de façon de jouer avec les antagonismes. Pourtant, à mesure qu’il s’exprimait, le faciès de l’Aile Blanche se transformait. Peu à peu, sa bouche se plissa et ses sourcils se froncèrent. Une lueur aussi attentive que suspicieuse baigna ses iris. Il aurait pu lui demander de s’arrêter là, sur cet aveu d’ascension hiérarchique. Les pièces s’imbriquaient déjà. La chronologie s’orchestrait. Les incohérences se liaient pour dépeindre un tableau d’ensemble. Les silences devenaient des cris et les mystères se dénudaient. Il devinait. Il devinait, néanmoins, le doute persistait, épaulé par le déni. Ce n’était pas possible, parce que Laëth n’aurait pas fait ça. Laëth ne lui aurait pas menti. Pas comme ça, pas là-dessus. Pas après tout ce qu’ils avaient vécu, pas après tous ce que leurs ancêtres avaient subi, pas après tout cet apprentissage de la haine. Non. Il délirait. C’était autre chose. Il avait tendance à toujours vouloir voir le pire. Kaahl devait exagérer. Mais quel était l’intérêt ? Mieux faire passer la suite ?

Un écho. Une révélation soudaine, portée par un éclair de lucidité. C’est un rêve. Les songes ont ceci de spécial que l’esprit peut y vivre ce qu’il y souhaite. Il peut s’effrayer, se rassurer, se conforter, se confronter. Le rêve peut révéler sa nature, juste une seconde, puis retourner se terrer, et depuis son trône masqué, commander. Priam, dans ce rêve, tu n’es pas fait pour dominer. Les émotions t’assaillent, et tu flanches. « Jamais ! » s’exclama-t-il en se redressant vivement et en s’écartant de Kaahl à l’aide de ses mains, les fesses au sol. « N’essaie pas de tourner la situation à ton avantage ! » Dans un souffle, il ajouta : « Je ne savais même pas qui tu étais, moi. » Sa curiosité avait été piquée, certes, et il l’avait cherchée des yeux, au Grand Fessetival de la Charité. Mais de là à vouloir la retrouver à tout prix ?

Le monde bascula. Ses doutes s’évaporèrent. La certitude entraîna la rage. D’un mouvement ample et souple, l’Ange bondit sur le Sorcier. Son poing s’abattit sur sa tempe. Dans sa vie, il y avait essentiellement trois femmes. Laëth, sa sœur ; Za, sa meilleure amie ; Aliénor, sa Magicienne. D’une façon ou d’une autre, cet homme-là les avait sous sa coupe. Et cet homme-là, c’était Elias Salvatore. Comme sa cadette lorsqu’elle l’avait appris, il songea que l’on ne pouvait pas être l’Écorcheur sans disposer d’un fond de cruauté marqué. Qui pouvait incarner si dignement un monstre sans l’être lui-même ? Il y avait aussi tout le reste, tout ce que cela impliquait, que ce fût politique ou personnel. Tous les mensonges, tous les faux-semblants, tous les dangers. Il frappa un deuxième coup. « Libère-les. » ordonna-t-il. Comme si le rêve désirait reprendre le dessus, l’Ange corrigea : « Libère-les et enchaîne-moi à leur place si tu veux, mais libère-les. »



Message III – 788 mots

Et d'une victoire pour les Génies, qui ramènent ce rêve dans le game ! Kaahl-Priam : 1 - 1 : Génies /sbam




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Mar 16 Mar 2021, 23:11


Image réalisée par Anatofinn Stark


L'Aegeri, un rêve mordant
Ivre - Marie Plassard


Les flots de parole que la statue estime important de m’épancher affluent et questionnent son sens du goût. J’acquiesce, tantôt désemparée par les comparaisons impromptues qui animeraient d’effrois les plus vieilles alfars que je connaisse, tantôt émerveillée par sa syntaxe intelligible malgré la trivialité sillonnant son palais. L’oeuvre de Zoya aurait-elle eu en tant que parent, une artiste tout aussi vulgaire ? Ses questions taraudent mon esprit car je me demande à quel point une alfar peut-elle donner ainsi la vie ? Je la vois tenter d’abreuver la conversation en dépit des mots qui lui font défaut, comme si le silence pouvait pâtir à notre échange et qu’il valait mieux avouer la moindre de ses pensées plutôt que d’accepter le mystère qui nous lie jusque dans cette alcôve d’amarantes. Je tourne la tête pour voir les fameux culs nus qu’elle mentionne sans arriver à poser les yeux dessus. Je ne perçois que des fleurs, ce qui me ravie. Nous sommes dans un berceau royal, où les plantes chuchotent à l’oreille de ceux qui écoutent. « Vous ne m’avez pas encore dévoilé le nom que votre créatrice vous a donné, à moins que Zoya ne vous ait appelé Beurre Salé, Pastèque ou bien bien Cul Nu ? Est-ce là le message que vous tentez d’exprimer depuis tout à l’heure ? Hum… J’ignore ce que vous souhaitez mater mais je vous interdis de me frapper.  » Je fronce les sourcils, pointant mon doigt proche de son visage. « Je n’hésiterais pas à en tenir rigueur à votre créatrice et peut-être alors que vous retourneriez à l’état d’une esquisse sur un papier gondolé, vous-même. » Je prends une tige d’amarante en main et je caresse chaque petites fleurs jusqu’à ce que je l’entende accepter mon jeu. Je finis mon verre et le pose n’importe où, échauffant mes doigts. « Je ne connais pas votre jeu, contentons nous du mien. Voici les formes, la Pierre, le Papier, puis les Ciseaux. La Pierre casse les Ciseaux, les Ciseaux coupent la Feuille, la Feuille enrobe la Pierre. C’est ainsi qu’on gagne ; en dominant l’autre élément. A trois, vous devrez présenter l’une de ces trois formes. » Pervertie par une victoire assurée face à la méconnaissance du jeu de mon adversaire, je suis jouasse. C’est excitant, car l’idée que je gagne est d’une évidence honteuse. Une statue n’aurait pas d’autre intérêt que de jouer une Pierre, alors je me contenterais de garder ma main plate comme la Feuille. Je l’observe, impatiente, un énorme sourire aux lèvres. « Un, deux, trois : Pierre, Feuille, Ciseaux. »

L’effroi agrippe mon cœur. Horreur, l’œuvre de Zoya gagne. J’intime que « Ce n’est pas fini, il vous faut gagner trois fois. Une fois n’est pas suffisant, ne pensez-pas me doubler. Quand bien même je ne l’ai pas mentionné plus tôt, c’est mon jeu. J’en définis les règles. » Résolue à gagner, nous continuons et à la fin, j’admets être vaincu. L’adversaire ne peut être que doué d’un esprit qui me dépasse, c’en est certain. Je me redresse et range mes mains dans mon dos. J’ai envie de tout piétiner, d’arracher les fleurs et de casser la statue, elle ne me paraît plus aussi amicale qu’avant. Zoya l’aurait-elle doté d’un esprit plus élevé encore que celui d’un Alfar ? Elle n’avait pas le droit de gagner à mon propre jeu, c’est injuste. La chance n’existe pas. « Vous êtes trop modeste et votre malédiction m’insulte. Accueillez votre victoire comme un honneur et bénissez l’esprit qui vous a conçu. Vous êtes brillante et je ne vois pas là l’ombre d’une infortune. » Je soupire. « Bien, je vous attends ici, petit Beurre-Salé-Nu-sur-une-Pastèque. » La statue disparaît et mon attention se reporte sur le décor qui m’entoure. Un instant plus tard, des petites cascades d’eau longent les parois et je m’abreuve à la source, épanchant ma soif grâce au mur de fleurs. A peine ai-je le temps d’essuyer mes lèvres que la statue me revient. Je prends une boisson et incline la tête, agréablement surprise par l’éloquence dont elle fait soudainement preuve. La voir ainsi agenouillée m’assure que mes mots l’ont touché, sinon je ne puis qu’être émue de sa proposition. Je croise les bras lorsqu’elle soumet son consentement à être châtié à une condition. Je lève la flûte jusqu’à mes lèvres et je m’en délecte. La boisson a, pour étonnante qualité, d’assouvir n’importe quelle faim. « Un massage, dites-vous ?  Comment-… » Alors que je comptais l’assommer de questions et l’obliger de comptabiliser l’unique faveur que je lui dois, j’ai désormais l’envie irrépressible de parcourir ses trapèzes de marbre jusqu’à longer la pointe galbée de ses doigts. « Cela ne m’étonne pas. Bien que vous ayez une peau douce, l’intérieur en pierre doit être poli, à force. Venez vous détendre, je vais m’occuper de vous. » Apparaît au centre de l’alcôve une grande assise dans laquelle l’Oeuvre de Zoya peut se délaisser. « Charmant, je joue en effet, mais mon art n’est pas tourné vers le piano car j’ai un amour du hautbois. Vous savez, un instrument à bec qu’on met en bouche, assez long et pesant en main, dans lequel on souffle. Le son est magnifique. Je vous montrerais un jour à Drosera. »

Je pose une main sur sa nuque car à cet instant, elle me fait dos. « Si vous vous délestiez de vos vêtements, vous seriez plus détendue, je vous assure. Je garde mes ongles à leur place, je vous le promets, pour l’instant. » Une fois à son aise, je glisse ma main le long de sa présumée colonne vertébrale et remonte en retournant la paume. J’ai menti. Mes ongles laissent une trace sur leur passage. Une vengeance qu’elle ne mérite certainement pas, mais cela me contente. Enfin, je dépose ma main sur son épaule gauche et commence à m’aventurer dans le sens de ses muscles, cherchant les jointures. Je peux sentir sa peau être entraîné dans le mouvement que pratique ma main, jusqu’à ce que son élasticité l’oblige à reprendre une position initiale. « Vous êtes décidément… bien en chair, pour une statue. » dis-je tout haut. Je pose ma flûte que j’avais jusqu’à présent gardé et manifeste une pression similaire des deux côtés. La danse sur les vallées de sa chair s’intensifie et se rejoint jusqu’à sa nuque. Je forme des poings et appuie fortement autour des vertèbres puis je redescends le long de son dos. Elle ne peut pas me voir alors je décide de lui faire face. J’imaginais son torse plus… arrondi et plus généreux. Un défaut des manteaux rouges, j’en suis convaincue. « Et bien, l’Oeuvre de Zoya aurait-elle un genre défini, ou sa créatrice a préféré laisser libre cours à son imagination ? » Je me demande si… La question termine dans le méandre de ma pensée, je ne puis la poser. Puisque je lui fais désormais face, je dérobe son verre des mains. Des cris nous parviennent jusque-là. J’ai entendu ma mère et mon père sur le même ton. « On dit que ceux qui s’avisent de crier sont d’excellents comédiens, qu’en pensez-vous ? »  Je capture sa grande main dans la mienne et me mets à la masser, utilisant mes pouces principalement comme outils. J’insiste sur la bosse moelleuse et rejoins son poignet, cherchant la détente. « Cela ne me viendrait pas à l’esprit, car briser le silence qu’on peut passer en écoutant le cœur de son partenaire est un crime. Enfin, c’est comme cela que j’imagine le jour où je m’offrirais à quelqu’un. » Je repasse dans son dos. Sa coupe était tenue jusque-là par une ronce qui me suit. Je me penche, pressant mon torse contre son omoplate et d’un souffle léger je dégage les quelques mèches de cheveux, ce qui me laisse apprécier l’odeur de jambon fumé qui se loge juste derrière son oreille. « Livrez-moi votre nom. Votre vrai nom et je vous ménagerais, peut-être. » J’attrape la flûte et je verse une partie du vin sur son corps laiteux. Mes lèvres se déposent au creux de son cou, avides d’explorer l’œuvre d’art. Je suis gourmande des secrets qui la rendent aussi vivante, enivrée par sa sagacité et son espièglerie, prête à ployer un genou sinon deux afin d'étancher les désirs qui m'animent. Je remonte le nez jusqu'à son oreille. « Consumez-moi. »


Message 4  - 1 370 mots

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Jeu 18 Mar 2021, 00:01

Ægeri







*Faire fi des limites.* Devrais-je être enivré à l’idée de faire tomber les barrières de mon pouvoir onirique ? Car cela m’est impossible. « Va », m’ont-ils dit pour achever leurs innombrables explications. « Accomplis ta Destinée », ont-ils ajouté en faisant un geste généreux de la main pour taire toute réponse. Pensent-ils me faire un cadeau ? Non, c’est un fardeau qu'ils m'ont infligé. La liberté n’est pas seulement un privilège. Elle charge les épaules du porteur de lourdes décisions. Dans ma vie d’immortel, je n’ai jamais choisi. Mes épaules s’affaissent. Je suis inquiet.

Je vaque dans le Monde des Rêves à la recherche d’une chose indéfinie, tel le marcheur qui cherche sa bonne étoile à travers les nuages. Comme la cime des arbres et la mousse humide qui guide le marcheur, les traces laissées par les rêveurs m’attirent. Quelque part dans le monde, des mortels se sont abandonnés au repos de leur corps. Dans un calme semblable à celui de leur mort, ils s’inventent mille et une vies en pensant devenir les explorateurs de leur esprit. Ils ne savent pas que le domaine des rêves est une faille que nous utilisons, nous, les Génies.

Ils sont vulnérables. Je les vois se faire envelopper par leur univers intérieur fait d’ombre et de lumière. Comme cet homme qui vient d’attirer mon attention. Le soleil et la lune s'entremêlent dans ses cheveux et sur son visage. Le ciel se reflète dans ses prunelles où je décèle une vulnérabilité mêlée d’innocence qui m’attire de façon inexplicable. Lentement, je m’approche. Je discerne les contours de son visage. Puis je décèle un désir flamboyant, presque irrésistible. Celui de se lier à autrui.

Il serait prêt à tout : plus qu’un souhait, c’est un besoin vital. Je le sens dans chaque fibre dans son être, lié par une magie impénétrable. Pour la première fois, je découvre l’essence des Orines. Il m’intrigue et je pose ma marque dans son rêve. J’écoute les murmures de son esprit. À qui le lier ? Comment ? La curiosité chasse mes dernières traces d’inquiétude. Je lappe le plaisir de la liberté, hors des murs boisés de mon habitacle. Les possibilités s’ouvrent, immenses et séduisantes. Dans mon état de volute de comète, je voyage à travers les rêves et je cherche l’élu de mon Maître.

Soudain, je décèle une folie destructrice. Des rêves tourmentés. L’innocence et la vulnérabilité ne font pas partie de ce rêve ; elles ont été chassées par une souffrance inextinguible, un feu intérieur qui à la fois détruit et intensifie son existence. Il construit un équilibre aberrant et fragile. C’est une sirène. Ma curiosité est piquée : l’union des contraires me séduit. En traversant sa chevelure froide qui ondule telle une anguille, je m’aperçois qu’il s’agit d’un Ondin. Peu  importe. Dans la réalité, cet homme aurait avalé tout cru la jeune Orine. Dans leur le rêve insufflé de magie bleue, les rôles seront inversés. L’Orine fera le premier pas. Mais où le faire exactement ? Quel monde sera propice à la réalisation de leurs rêves entremêlés ? À défaut de ma propre imagination, je plonge dans celle des deux protagonistes et les fusionne.

Une alliance paisible entre l’eau et le feu. Une vapeur envoûtante, un cadeau d’intimité.
*Les bains chauds.* Alors que je visualise les sensations d’un tel lieu, la magie fait effet, comme commandée sans aucun effort. Cette sensation est grisante : des envies de grandeurs s’emparent violemment de moi. Je commence à créer des bains lovés dans le creux d’une montagne, à l’air libre, mais je me perds dans les détails tel un artiste fou. Des incohérences s’écroulent sur ma création. Elle disparaît dans un éboulement de particules.

Il me faut plusieurs essais pour parvenir à créer un environnement plausible. Mes marionnettes sont patientes : le rêve chasse la temporalité. Le luxe du temps est à moi.
*L’émoi.* Mon premier dessin réussi de la pièce s’accompagne de la chaleur du bain. Les sons lui insufflent une existence paisible. L’odeur de savon et de fleurs chasse toute nuisance du grand extérieur. La sensualité est intimée par une autre fumée, celle de l’encens qui se consume inexorablement, témoin d’un semblant de temporalité. Place au plaisir, celui de la chair, celui de la bouche, celui des yeux. Le plaisir des sens.

D’un côté et de l’autre, les deux protagonistes sont éloignés, mais liés par les tressauts de l’eau fumante. Le regard de l’un se porte sur l’autre. Le Lien du Rêve me somme d’écouter les désirs de l’Orine. Quel prétexte pour faire le premier pas ?
*Le sucre.* C’est un appel qui n’essuiera pas de refus. Inspiré des fêtes de Haxenia à Drosera, je dessine un plateau en cuivre. Ses ornements riches sont cachés par l’abondance des fruits et des autres délices sucrés qui sont prêts à être cueillis. C’est une datte qui est inexplicablement l’élue de l’Orine. Fasciné, je regarde les deux protagonistes écrire leur histoire, tel un voyeur un peu trop curieux. Mais j’ai parfaitement ma place là où je suis, sous la forme discrète des gouttelettes de fumée. Je les observe et je les enveloppe de mon énergie onirique.

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Jun Taiji
✞ Æther de la Mort ✞

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Jun Taiji
Ven 19 Mar 2021, 00:27

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Geminae
Kaahl et Jun



« Ohé ? » redemanda-t-il, avant de se mettre à courir. L’angoisse lui serrait la gorge. Son corps se tournait de tous les côtés, comme s’il était à la recherche d’un point de repère. Ezechyel n’avait jamais été très courageux, ni même particulièrement intelligent pour son âge. Il vivait avec une naïveté qui devait désespérer ses parents. Il essayait de faire de son mieux mais un Rehla chez les Humains partait avec un certain désavantage. Sa magie était faible. Il n’était qu’un gamin. Il n’arrivait même pas à théoriser sur le Temps. Il regardait ses pairs avec un œil perplexe. La chronologie lui semblait être un monstre effrayant. Il mourait d’anxiété à l’idée de ne rien comprendre et plus il avait peur, et moins il réussissait à retenir les grands préceptes. Sa jumelle était bien plus vive d’esprit. Elle captait avec une étonnante facilité des complexités qu’elle n’aurait pas dû pouvoir saisir. Elle n’était pourtant pas de la même race que lui. Elle était différente. Souvent, il se disait que le don de voyance aurait dû lui être donné à elle. Elle aurait pu maîtriser les visions bien mieux que lui, il en était sûr. La magie de la petite fille était bien plus étendue. Son regard émeraude observait le monde avec une étonnante acuité. Il n’était pas jaloux de sa sœur car il l’aimait trop pour ça. Pourtant, par-delà cet amour, elle l’effrayait peut-être légèrement. Ce qu’il pressentait à son sujet, cette impression diffuse et inexplicable, lui hérissait les poils. Du haut de ses quelques années et de son estime de soi approchant du néant, il ne pouvait pas se rendre compte d’à quel point il avait raison sur son compte. Leur histoire ne faisait que débuter mais il était déjà certain qu’elle serait difficile, un parcours long et douloureux.

Ezechyel zigzaguait entre différents paysages. L’enfant était observé par le Divin avec une extrême vigilance. C’était un rêve si ancien qu’il l’avait oublié avant de devenir Æther. C’était un vieux souvenir refoulé, création d’un futur alors inexistant. Mais le Temps n’avait pas sa place dans le Monde des Songes. C’était à mourir de rire. Son futur avait modifié son passé. La boucle avait toujours été là. Rien n’avait changé et rien ne changerait. Ce moment précis était capital. C’était là qu’il avait commencé à comprendre le Temps. Là qu’il avait rencontré son propre fils pour la première fois, à des siècles et des siècles de distance. Il n’en avait pas encore conscience. Ils n’étaient alors que deux enfants. L’avenir ne serait pas plus calme. À travers le Temps, ils ne cesseraient de s’entrecroiser. Seul lui, le Divin, connaissait les tenants et les aboutissants de ce spectacle. Il en riait, de temps en temps, tant leurs goûts étaient semblables. Tout pouvait s’expliquer par le jeu de la paternité, bien sûr, mais il ne l’avait jamais élevé. Ce n’était donc pas ça. Ça n’avait jamais été ça. On ressemble à son père lorsque l’on vit avec. On prend ses habitudes par mimétisme. Aussi, Ârès ne lui ressemblait pas physiquement. C’était facile de le croire mais les choses n’étaient jamais allées dans cet ordre-là. Le fils ne ressemblait pas au père. Le père avait décidé de ressembler au fils.

Entre les cerisiers en fleurs, l’enfant se posta devant son autre. Sur le visage du blond, une moue discrète se dessina. Cette dénomination semblait fausse mais le brun créait chez lui une forte impression, une impression de vérité. Seul son peuple tout particulier le sauvait de la croyance erronée. Devait-il lui mentir, lui-aussi ? Il réfléchit. Dans ses semblants de visions, il avait vu l’avènement d’un peuple entier, se soulevant contre un ennemi qu’il n’avait pas pu identifier. Il n’avait pas tout compris. Il avait simplement retenu une chose. « Moi c’est Dj… » Non, il ne pouvait pas dire Djinn. « Djounn. Je m’appelle Djounn. » Il ne voyait pas la chose comme étant non-vraie. C’était simplement un secret entre eux deux. Pour lui, ce garçon serait Elias. Pour le garçon, il serait Djounn. Et ces identités seraient à eux, rien qu’à eux. C’est ce qu’il croyait dur comme fer, à l’époque. Elias et Jun seraient pourtant des prénoms célèbres et difficilement associables au Bien. Les prénoms de deux Empereurs Noirs.

Ezechyel remarqua qu’un énorme miroir avait remplacé le sol herbeux. Sous leurs pieds, l’objet était l’identique réplique de celui qui lui servait à visionner le futur. Il voyait si peu. Soudainement inspiré, pris dans le rêve, il invita Elias à lier sa main avec la sienne, paume contre paume. Ce serait leur petit secret, un secret tellement secret qu’eux-mêmes ne s’en rappelleraient pas avant longtemps.

775 mots

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Kaahl Paiberym
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Kaahl Paiberym
Sam 20 Mar 2021, 22:48



Le rêve qui soumet



« Comme si je le savais, moi. » Mon murmure s’était échappé de mes lèvres après le deuxième coup, comme un aveu à retardement. Si j’avais su qui il était, sous son masque de Réprouvé, j’aurais tout fait pour le fuir. Du moins, si je l’espérais, je n’en étais pas convaincu. Mes yeux cherchèrent les siens, entre la rage et la hargne qu’il me portait. La haine avait cette consistance d’absolu. Elle était le moteur de bien des actes, parfois fous et totalement désespérés. Là où il se trompait, et malgré ce que j'avais déclaré, c’est que je ne retenais personne. Laëth pouvait faire le choix de me quitter. Za pouvait faire le choix de mettre fin à ses jours en rentrant chez elle. Elle pouvait fuir, également. Aliénor pouvait demander une audience pour exiger que l’on nommât quelqu’un d’autre à sa place. Pourtant, toutes restaient pour une raison ou pour une autre. L’Ange devait m’aimer d’une façon telle qu’elle préférait se brûler les ailes à l’idée de me tourner le dos. Za préférait endosser le rôle de Dame Noire dans l’espoir de revoir son enfant. Aliénor se sacrifiait pour une cause qu’elle devait juger plus grande qu’elle-même. Je tirais, certes, profit de ces raisons mais je n’enchaînais pas leur corps. Avant de devenir le Kamtiel puis l’Empereur Noir, mon seul et unique pouvoir était celui des mots. Ceux que je prononçais avaient eu de plus en plus la faculté d’emporter l’adhésion et l’abandon. Je n’avais jamais soumis par la force. À l’époque, je ne pouvais pas me le permettre. Peut-être voyait-il en moi le monstre. Je ne pouvais pas lui donner tort mais il n’avait pas raison non plus. Quant à cette hypothèse dans laquelle il désirait enfermer notre conversation, ses conclusions me paraissaient folles. Dans quel univers l’aurais-je préféré aux trois femmes ? Que m’apporterait le fait de l’enchaîner à leur place ? Que pouvait-il m’apporter, hormis cette haine indéfectible que je lisais que trop dans ses yeux ? Il ne m’aimait pas, pas comme sa sœur. J’avais déjà la Réprouvée pour me détester et m’injurier. Quant à Aliénor, elle faisait une bien meilleure épouse que lui ne le ferait jamais, du fait de son sexe, totalement incompatible avec ce genre de fonction. Je perdrais donc trois femmes intéressantes au profit d’un semblant de Réprouvé à ailes duveteuses et blanches. N’était-ce pas là un élan d’orgueil, que de penser un seul instant que je serais prêt à un tel sacrifice ? Si orgueil il n’y avait pas, la témérité était, elle, bien présente. Je me mis à rire, devant ce qui sonnait à mes yeux comme une farce. Honnêtement, le moment où j’avais préféré Priam s’était perdu quelque part à Avalon. Je détestais cet homme trop protecteur qu’il était lorsqu’il revêtait son statut angélique. Cependant, je restais quand même en sa compagnie. Pourquoi ? « Désolé de te décevoir, mais je crois que tu n’es pas le héros de cette histoire. »

Soudainement, les murs se mirent à craquer dans un crissement désagréable. La pièce se disloqua, jusqu’à ce qu’elle ne fût plus qu’un lointain souvenir. J’étais debout, sur le sommet d’une montagne. Priam se trouvait sur la montagne voisine. Mon corps était couvert d’un vêtement jaune et rouge rappelant les habits traditionnels des Orines. Par-dessus, une cape de fourrure blanche entourait mes épaules et les couvrait du froid. La neige tombait entre nous, dans une danse lente et monotone. Un collier de perles rouges reposait sur mon torse et un sabre au fourreau précieux était accroché à ma ceinture. À l’extrémité du manche, des liens de tissu décoratifs se trouvaient, comme si l’arme n’avait été destinée qu’à servir d’apparat. En observant ce décor froid, où la glace l’emportait sur le reste, j’avais l’impression étrange d’appartenir au peuple des Lyrienns. Il aurait été un être aux multiples horizons : protecteur comme la terre, fougueux comme le vent, surprenant comme l’eau. Pourtant, face à la glace et au métal implacables qui m’habitaient, il n’y avait pas d’échappatoires. Il était la sueur du travail de ses mains, lorsque mon corps restait sec de tout effort. Il était l’odeur de l’acharnement, lorsque j’étais la senteur du néant. J’étais le stratège dans la solitude de sa tour d’ivoire. Il était le protecteur entouré dans sa demeure accueillante et chaleureuse. Seule la neige faisait le lien entre nous. Malgré les apparences, étions-nous seulement si différents ? Il cachait des mystères, ça se voyait. Je faisais partie de son jardin secret comme il faisait partie du mien.

Un sourire s’invita sur mes traits. Je dégainai la lame et l’amenai devant moi. À la verticale, l’acier coupa mon visage en deux sans que je ne cessasse de fixer l’Ange. Je finis par tendre l’arme vers lui. Il était trop loin, en haut de sa montagne, pour qu’elle ne le touchât, mais c’était un moyen certain d’attirer d’autant plus son attention. Le vent glacé balaya mes cheveux, juste avant que je n’ouvrisse la bouche. « Si tu veux que je t’enchaîne, j’ai besoin de savoir pourquoi est-ce que tu tiens tant à ce que je les libère et ce que tu m’apporteras en échange. »

840 mots

Toujours pas. Kaahl-Priam : 2 - 1 : Génies. Il va falloir faire intervenir un Rehla bientôt  [RPPT] - Le Rêve qui aime, le Rêve qui soumet, le Rêve qui excite, le Rêve qui tue - Page 5 943930617
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Adriæn Kælaria
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Adriæn Kælaria
Dim 21 Mar 2021, 22:58

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Ægeri
Kiara et Adriaen



Un sourire satisfait étira les lèvres d’Adriæn. Les joues empourprées de Kiara le satisfaisaient hautement. Deviner le cours de ses pensées, sa gêne et l’effet qu’il lui faisait avait quelque chose de réjouissant. Il jouissait de ces petites victoires mesquines. Depuis le début de leur conversation, il la manipulait sans l’ombre d’un remord. Il ne la voyait pas comme une personne mais plutôt comme son objet. Elle ne devrait jamais lui échapper. Il se servirait d’elle pour briller davantage. Il en ferait un petit agneau bien docile qu’il pourrait jeter à l’abattoir dès qu’il n’aurait plus besoin d’elle. En attendant, il désirait ardemment profiter d’elle : du temps qu’elle lui accorderait, de son esprit, de son corps, de tout ce qu’il arriverait à en tirer. Il l’utiliserait pour atteindre davantage Lana. Kiara pourrait être un facteur de jalousie. Il adorait imaginer sa sœur se venger sur son amie. Ce serait elle le bourreau, forcément, et l’autre viendrait se consoler dans ses bras. Il la caresserait, la couvrirait de mots doux, et il gagnerait sa confiance pour l’éternité. Il rêvait de percevoir la cruauté dans les yeux de sa jumelle et il se demandait bien qu’elle serait sa réaction s’il officialisait une relation avec celle qui voulait bien faire don de son sang à la Vampire des Mers. Lui aussi voulait s’en repaître, pour le simple plaisir de prendre ce qui n’était pas à lui, ce qui ne lui était pas normalement destiné. Il trouvait Kiara belle. Sa peau était lisse et douce. Elle sentait bon. Surtout, il lui semblait qu’elle cherchait quelqu’un à qui elle aurait pu plaire. Il lui offrirait l’illusion de l’intérêt avec délectation.

Il recueillit ses lèvres sans pudeur. Les hésitations de la jeune femme lui fournissaient de nombreuses informations. Elle n’avait pas dû avoir beaucoup d’expériences. Ce n’était pas grave, il la guiderait. Son crâne rencontra le dossier de la chaise qui se transforma en fauteuil bien plus confortable. Le velours accueillit sa chevelure et lui chatouilla la nuque. Bientôt, il n’y pensa plus, concentré sur sa conquête. Il s’agissait bien de cela : il conquerrait son cœur, son corps et son esprit. Elle serait à lui, il le jurait. Il mettrait tout en œuvre pour ne jamais se parjurer.

Lorsqu’elle amena l’étoile contre ses lèvres, un ordre à la bouche, il se promit de retourner rapidement la situation. Il devait néanmoins se montrer prudent. Kiara avait besoin d’être apprivoisée. Il devait se comporter comme l’amant idéal et céder à ses exigences avec un certain doigté. Plus tard, elle ne vivrait que pour lui. Cependant, c’était trop tôt. Il recula légèrement sa bouche. « C’est étrange. Je n’ai pas lu dans ton journal que tu aimais donner des ordres. » L’une de ses mains remonta le dos de la jeune femme, à présent à califourchon sur ses cuisses. « Est-ce que tu aurais d’autres secrets ? » L’air de rien, il exerça une pression contre elle, pour mieux la caler contre lui et lui faire ressentir ce que le plaisir du contrôle provoquait entre ses jambes. Il était bien question de ça. Bien sûr, il la trouvait belle mais son désir provenait bien plus de son impression de maîtriser la situation. À l’imaginer soumise à lui, n’exister que pour lui, il en ressentait une excitation pleine et entière. « Mais d’accord, je vais avaler ton chocolat, puisque tu y tiens. J’ai envie de te faire plaisir. » Adriæn avança de nouveau son visage et croqua dans l’étoile. Ses lippes caressèrent le chocolat qui fondit sur sa langue. Le goût était parfait. Puis, lorsqu’il l’eut avalé, il regarda la fausse Ondine avec les yeux de l’amour. « Je sais que tu m’en veux d’avoir lu mais… » Il s’interrompit, comme s’il était en train d'hésiter. Il n’hésitait pas, il le prétendait simplement. Il voulait qu’elle pensât qu’il lui avouait l’une de ses failles, pour qu’elle s’attachât davantage. Il avait en tête d’aligner les hasards et les coïncidences dans les prochains jours, afin de lui faire croire qu’ils étaient réellement faits l’un pour l’autre. Il s’alignerait sur ses goûts, la dévorerait des yeux, jouerait les victimes si c’était nécessaire, pour justifier ses faiblesses et ses manquements. Après tout, on l’avait arraché à sa sœur bien aimée dès son plus jeune âge. Il avait toujours ressenti un vide. Cela justifierait bien quelques comportements possessifs et quelques dérives envers Kiara, non ? Elle voudrait forcément l’aider. Elle se donnerait. « La vérité c’est que tu me plaisais depuis longtemps. Je ne pensais pas que c’était réciproque. Comme je te l’ai dit, tu comptes vraiment pour moi. Ta personnalité m’a plu tout de suite. Si je n’avais pas lu, je pense que je n’aurais pas osé… » Ses yeux, qui soutenaient le regard de la prétendue Ondine, se baissèrent légèrement, jusqu’à ses lèvres puis son cou et sa gorge. « Hum… Est-ce que tu veux bien enlever quelques boutons de ton haut ? Pour moi. » Il sourit. « Je comprendrais que tu ne veuilles pas, même si tu me tortures à être sur mes genoux comme ça. Tu es vraiment belle, Kiara. »

852 mots



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Miles Köerta
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Miles Köerta
Lun 22 Mar 2021, 04:48



Cette fois-ci, je me penchais jusqu’à sa hauteur, braquant avec intensité mes iris dans le bleu améthyste des siens. Remarquant qu’elle ne faisait l’effort de me regarder, je me permis de soulever son menton moi-même de sorte qu’elle ne se dérobe pas aussi facilement que la dernière fois.

« Fais-moi confiance », lui répétais-je d’un timbre plus doux, mais toujours aussi autoritaire, cherchant à lui faire comprendre qu’elle n’avait absolument rien à craindre.

L’interrogation, puis la demande, réitérées l’une à la suite de l’autre, étaient finalement devenues un commandement face à l’obstination de la jeune femme. J’avais beau sourire, aligner les mots rassurants, lui montrer que les liens étaient solides entre mes mains, rien à faire pourtant : je voyais encore l’inquiétude altérer l’éclat dans ses prunelles. D’un geste, elle coupa tout contact visuel entre elle et moi, plongeant bientôt son regard jusqu’au vide sous nos pas, sous sa balançoire, un simple et mince bout de bois. Même sans la voir, nous savions qu’une scène s’ouvrait à plusieurs mètres sous nos pieds. Toutefois, nos œillades avaient beau essayer de s’accrocher à une structure – n’importe quoi – elles glissaient plutôt, sans prise, sur la surface des ténèbres insondables. Aussi loin que pouvait porter nos regards, nous ne voyions que ça, l’obscurité, et même les pouvoirs qui étaient miens ne semblaient rien y changer : la noirceur était absolue au cœur du plateau. Pourtant, nos oreilles bourdonnaient au chant et aux clameurs que l’on pouvait entendre au cœur de l’obscurité : nous n'étions pas seuls ci-bas. Certes, nous étions aveugles, mais la surdité ne nous avait pas encore atteint.

Il y avait ce chant qui résonnait non loin, son écho s’expulsant aux quatre coins de la salle, faisant frémir de passion les centaines de spectateurs venus se perdre dans la mélodie. Si, de notre position, le noir nous semblait complet, englobant et angoissant, la voix qui expirait la chanson était ce qu’il y avait de plus clair et franc, puissant et vivifiant. Elle se propulsait jusqu'aux confins de cet espace isolé et parvenait à s’insinuer jusqu’à l’intérieur de notre chair, marquant la surface de celle-ci de mille frissons saisissants. Je le percevais nettement, et elle aussi devait le ressentir au plus profond de ses tripes : le charme de cette Voix était inexplicable mais absolu. À qui appartenait-elle? Cela, je l’ignorais complètement. Même la musique, qui se joignait aux notes de sa chanson, était là, charmante et belle, mais impossible de voir les instruments, ni les musiciens qui la portaient jusqu’à nos oreilles.

Malgré l’ambiance, la mélodie enchanteresse et la voix de velours de la chanteuse invisible, le silence persistait entre nous et je finis par soupirer, éloignant ma main de son visage, m’avançant plus près encore d’elle afin de contempler les ombres qui dansaient à plusieurs mètres en-dessous de notre position. Tout avait brusquement commencé, en réalité, mais n’était-ce pas toujours ainsi avec les rêves? Ils n’avaient point de début et la fin émergeait violemment, tout aussi inattendue. Nous ne faisions que franchir une frontière imperceptible, qui séparait le sommeil à l’Univers des Merveilles. Étrangement, c’était comme se jeter dans le vide, impossible de connaître son point d’atterrissage; c’était comme ouvrir les portes d’une représentation et s’apercevoir que le théâtre était déjà à son troisième acte. Pourtant, nous nous adaptions parfaitement bien à ce nouvel environnement, sans trop nous poser de questions. Nous longions et vivions simplement l’inconnu, captant ici et là quelques souvenirs de la réalité emplis d’incongruités, certes, mais qui nous paraissaient normaux et cohérents malgré tout. C’est ainsi que, par une mélopée qui s’était initiée dès les premiers soupirs du piano; par une respiration qui s’était relâchée nerveusement derrière le lambrequin de la scène immense; par un pincement de guitare qui s’était joint à l’harmonie du clavier et par une voix qui s’était, soudain, mise à vibrer; c’est ainsi que j’avais atterri dans cette configuration insolite auprès d’une Bleue que je connaissais bien.

Je reportais mes mires sur son visage. Si mon pied, lui, était solidement ancré aux planches du plafond, la demoiselle, en revanche, était suspendue au-dessus du vide, attachée aux cordes de la balançoire qui la descendrait sur scène. Elle était vêtue d’une robe légère et aérienne, la couleur de son vêtement exposant avec plus d’intensité encore le noir charbonneux de son maquillage. Je lui adressais un sourire affectueux, glissant deux doigts sur sa joue afin de dégager une mèche rebelle qui s’y balançait, peut-être dans l’espoir de la surprendre pour qu’elle me portât enfin quelque attention.

« De quoi as-tu peur? Lui demandais-je enfin. Du vide? »

De nouveau, mes yeux se cramponnèrent aux griffes des ténèbres, desquelles la voix et la musique n’étaient que plus puissantes.

« De tomber? »

Un sourire s’afficha sur l’arc de mes lèvres alors que je la scrutais. D’un geste familier, je rapprochais mes mains de ses liens, que je défis de ses poignets. J’enroulais alors les rubans à l’intérieur de mes poings, tirant aux extrémités de ces derniers pour revérifier la solidité du matériau.

« Tu vois? Solide comme du roc! Ils ne te lâcheront pas! La taquinais-je avant de me pencher au-dessus de ses poignets et de recommencer la confection des noeuds, les enroulant autour de ses avant-bras, de ses chevilles et de ses poignets : ils faisaient aussi bien office de décoration que de liens de sécurité, en raison des risques de chute. C'était un rêve, c'était logique. Ou crains-tu de ne pas être à la hauteur? »

La goguenardise de mes traits, subitement, trembla, s’effrita, à l’instant où une expression plus sérieuse se modela sur mon faciès. Je la contemplais patiemment, dans l’attente de sa réponse. Cela étant dit, je finis par me redresser, prenant son visage à deux mains pour m’assurer que ses prunelles s’ancrent dans les miennes; pour m’assurer que seul mon regard ne lui soit visible dans cet environnement.

« Pour ça aussi, tu n’as pas à t’inquiéter, parce que tu es superbe comme tu es, Latone. »

L’envie de lui ébouriffer les cheveux me poignarda dès l’instant où je me rappelais que sa coiffure ne devait pas être dérangée. Pas après tous les efforts qui avaient été mis pour dompter ses boucles aux reflets d’azur; pas maintenant, du moins.

« Sa Voix est magnifique, pas vrai? »

Je parlais de la chanteuse invisible, celle qui soulevait la foule par l’envoûtement de sa voix, celle que l’on ne pouvait voir, mais qui parvenait quand même à charmer nos sens en émoi.

« Je sais que tu peux faire mieux, tellement mieux. »

Un sourire faussement prétentieux s’esquissa sur le pan de mes lèvres, tandis que je reculais enfin, libérant ses joues de mon emprise.

« Puis, s’il se passe quoi que ce soit, tu sais que tu peux compter sur moi pour venir t’aider. Je serais toujours auprès de toi si tu en as besoin. Tu n’as qu’à crier mon nom et j’accourrai, tel le preux chevalier sur son blanc destrier! »

Je me mis à rigoler, coulant un regard dans sa direction afin de voir si un peu d’humour la détendait au moins. Toutefois, dès que le rire s’épuisa, nous perçûmes immédiatement le changement d’atmosphère dans la salle et, comme un seul homme, nos regards convergèrent en direction du vide sous sa balançoire. Je souris de plus bel. Le silence était total, tout en bas. On attendait la suite. On l’attendait, elle.

« C’est le moment, murmurais-je dans un souffle discret, admirant le faciès de la jeune femme, ses yeux clairs. N’oublie pas, lui rappelais-je en posant un doigt sous sa poitrine, légèrement au-dessus de son nombril, gonfle bien tes poumons, amuse-toi et… »

Sans bouger, pourtant, deux mains vinrent s’accrocher aux épaules de la chanteuse. Deux mains invisibles. Des Sereëkim.

« Appele-moi si tu en as besoin. »

Le mécanisme de la balançoire fit alors un drôle de bruit, les cordes se déroulant par à-coups, au début, avant de laisser gracieusement tomber la chanteuse sur son trône de fortune. Elle descendait et je suivais le mouvement, collant rapidement mes lèvres sur sa joue avant qu'elle ne soit plus à ma portée.

« Vas-y. C’est ton moment de gloire, l’Éclat. »

Mes Sereëkim maintenaient toujours aussi fermement leur prise sur elle, et ils s'étiraient, s'étiraient, comme à l'infini. J'étais désormais complètement couché sur les planches du plafond, ma tête, seulement, dépassant de l'ouverture par laquelle dévalait l'artiste. Plusieurs secondes s'écoulèrent alors que je la contemplais prendre sa place sous les lumières vives et brillantes de la scène, qui suivaient sa descente. Comparativement au spectacle précédent, celui-ci serait, ma foi, éclatant. Confiant, je retirais mes Sereëkim de ses épaules, laissant courir les doigts invisibles sur la surface de sa robe et de sa peau. Et juste avant qu’elle ne frôle le plancher de la scène de son pied, je détachais ses liens, agrippant les rubans dans mes mains transparentes, les faisant flotter tout autour d’elle. Ils créaient des vagues colorées, dissimulaient sa silhouette en plein cœur d’une houle surexcitée. Nous la perdîmes de vue dans ce déferlement de couleurs et de tissus, et ce, jusqu’à ce qu’elle expire les premiers mots de sa chanson, jusqu’à ce que sa Voix tonne comme l’éclair jusqu’aux confins du salon.

Haut les cœurs, chère amie! Car il était temps de faire battre ton chant le plus puissant.


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