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 [Event] A l'aube d'une ville nouvelle

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Jeu 01 Juil 2021, 21:20


Image par Tiago Sousa

À l'aube d'une ville nouvelle


Je serpentai entre les décombres de la cité en ruine. Le temps et l’oubli avait rongé les bâtisses jadis luxuriantes pour n’en laisser que des restes décadents. Le chiendent envahissait les rues autrefois pavées, fissurant les jointures du sol. Je marchais parfois sur l’une de ces dalles instables, que la nature avait depuis longtemps déracinée. Les murs et les arches qui avaient résistés à la chute de la cité étaient désormais couverts de mousses et de plantes grimpantes et épineuses. Une certaine nostalgie m’affligeai alors que je remontai la rue principale. La déliquescence de Somnium était de plus en plus palpable - et la magie qui en dissimulait les ravages n’était plus en mesure de sauver les apparences. Les illusions qui animaient la cité n’existaient plus que dans les souvenirs de ceux qui les avaient aperçues. La Capitale des Rêves n’était plus que l’ombre d’elle-même. La fin du règne de Naram-Sin semblait l’avoir condamnée à disparaître et, par là même, avait imposé aux Génies, le retour à une vie de nomade.

Je m’arrêtai un instant face à l’imposante fontaine qui trônait au centre de la place principale. Une eau croupie stagnait au fond du bassin. A sa surface, des lentilles vertes flottaient et libéraient une odeur nauséabonde et écoeurante. Les statues de marbre d’où jaillissaient autrefois une eau pure et colorée étaient couvertes d’une vase peu ragoûtante.

« Bonjour Ma Dame, je suis surpris de vous croiser si loin de votre château. En auriez-vous finalement assez de tout ce luxe ? »

Je fis volte-face pour croiser le regard rubis du nouvel arrivant. C’était un jeune homme aux traits fins et à l’allure provocante. Il avait changé d’apparence depuis la dernière fois que nous nous étions croisés, mais son attitude ne laissait peser aucun doute sur son identité.

« Tiens tiens, mais ne serait-ce pas Dastan ? Tu as fini par passer à l’âge adulte ?

— C’est qu’il s’est bien passé un siècle ou deux avant que tu ne daignes quitter ton cher Empereur…

— Serait-ce de la jalousie dans ta voix ironisai-je, et un sourire malicieux naquit sur ses lèvres.

— De la déception, plutôt. »

Il me toisait de ce petit air supérieur qui avait le don de m’irriter. Malgré sa nouvelle apparence, son comportement était toujours le même : celui d’un personnage insolent et capricieux.

« Bon, trêve de plaisanterie, qu’est-ce qui t’amène par ici ?

— Rien de particulier, répondis-je. La nostalgie, j’imagine ? Mais je ne pensais pas que la cité s’était à ce point dégradée.

— Cela empire de jour en jour, malheureusement.

— Mais pourquoi le Mârid ne fait-il rien ?

— Il a d’autres préoccupations en ce moment.

— Peut-être mais je trouve cela terriblement consternant de laisser cet endroit s’éteindre à petits feux… Aucun de nous n’a véritablement d’endroit où aller. Comment notre peuple pourrait-il prospérer en étant disséminer par delà le monde ? »

Je soupirai. Nous avions déjà eu cette discussion plus d’une fois. Je savais qu’il me comprenait - tout comme j’étais consciente de ne pas être la seule à ressentir ces émotions face au désastre qui planait sur le berceau de notre civilisation.

« Tu n’avais pas dit que tu essayerais d’en toucher deux mots à Pégase ? Elle pourrait sans doute aider à résoudre cette situation.

— Elle n’est pas joignable pour l’instant.

— Tu parles d’un chef des renseignements ! Tu devrais peut-être prendre exemple sur le Chancelier Kamtiel, il paraît que son réseau d’espionnage est tel qu’il est en mesure d’avoir accès et de transmettre toutes les informations qu’il souhaite en temps réel.

— Ne parles pas de ce que tu ne connais pas, Léandra ! Tu compares ce qui est rigoureusement incomparable. Ton Chancelier dispose d’un réseau et de moyens que je ne possède pas. Je te rappelle que notre population est largement dispersée - et que certains Génies mettent des années avant de rencontrer leurs confrères et leurs consoeurs. Notre gouvernement et nos instances de décision ne sont pas aussi structurés que chez les Sorciers. Et puis, je doute que ce Chancelier Kamtiel - comme tu dis - ait des yeux et des oreilles dans des endroits aussi vastes que le Monde des Rêves. Tu imagines l’immensité de notre domaine ?

— Oh c’est bon, j’ai compris ! Je dis juste qu’il y a certaines personnes que tu ne devrais pas lâcher. Il ne me semble pas qu’il y ait tant d’Iblis que cela. Tu pourrais au moins t’assurer de pouvoir les appeler en cas de problème. »

Je n’étais pas raisonnable - et je n’avais pas envie de l’être. Je lui reprochai de ne pas être plus efficace que moi pour gérer cette situation. Je savais que si nous étions plusieurs à agir de concert, nous pourrions sans doute temporiser les événements - au moins jusqu’à ce que le Mârid ou Pégase puissent prendre les choses en main. Cette réflexion me donna soudain une idée.

« Je pensais… Le Mârid et Pégase ont la capacité d’appeler les Génies à eux, ils l’ont déjà fait par le passé. Tu en es capable toi aussi ?

— Dans une certaine mesure, pourquoi donc ?

— Nous pourrions peut-être nous rassembler pour discuter de l’avenir de la Cité. Je suis sûr que d’autres Génies auront à coeur de nous aider à la reconstruire. »

L’Iblis plissa le front et commença à faire les cent pas. Mes paroles semblaient avoir réveillé un semblant d’espoir. Il resta perdu dans ses pensées durant quelques instants, jusqu’à ce qu’un grand sourire illuminât son visage.

« C’est une idée. Nous pourrions leur demander de manipuler les Rêves. En réveillant le souvenir enfoui de Somnium dans le coeur des Rêveurs, peut-être souhaiteront-ils s’y rendre. Il ne tiendra plus qu’à nous de les inciter à reconstruire la ville. Bien évidemment, cela ne suffira pas pour sauver la capitale - mais ça pourrait inciter les autres Iblis - ou le Mârid - à agir. »

J’arborai à mon tour une expression béate. Si nous étions plusieurs à nous y mettre, j’étais convaincu que nous pourrions retarder la dégénérescence de la ville. J’envisageai déjà de pénétrer les Rêves des esclaves du Château - je savais pouvoir les contraindre à travailler pour nous.  

« Alors, comment faut-il s’y prendre ?

— Toi, tu n’auras rien à faire. Je vais m’occuper de tout. Nous nous retrouverons le jour de l’appel, pour l’instant, j’ai quelques préparatifs à réaliser. A plus tard ! »

Il disparut avant de me laisser le temps de réagir. SéparateurDeux jours avait passé depuis notre rencontre. Je déambulais dans les rues d’Amestris au bras de Lucian. Je lui avais demandé de m’escorter jusqu’au Temple d’Ethelba pour assister à la Messe Noire. J’avais à coeur de faire bonne figure auprès des Sorciers et assister à leurs cérémonies religieuses était, à mon sens, l’un des meilleurs moyens pour m’attirer leur grâce. C’était également une manière d’exposer ma condition de Dame Noire et de mère des futurs héritiers - tout en me différenciant de mes comparses.

Mon rang me valait une place de choix, sur la rangée la plus proche de l’autel. J’étais aux premières loges pour observer les rites en hommage à la Lune Noire. Il s’en dégageait une sensation malsaine et déplaisante. Je n’étais jamais réellement à mon aise dans les lieux baignés de la magie de la Déesse, mais je luttais pour ne laisser transparaître aucune trace de mon émoi.

Ce jour là, cependant, une autre sensation vint troubler mes sens. J’étais appelée au sein du Monde des Rêves. Je ressentais la pression de l’urgence. Je devais partir. Les chaînes de mon esclavage m’attirait vers les Songes auxquels j’appartenais. Je savais ne pouvoir lutter contre cette invocation. Je me penchai discrètement à l’oreille de mon garde du corps.

« Je ne me sens pas très bien, murmurai-je.

— Vous devriez attendre la fin de la cérémonie, Ma Dame. Partir dès maintenant pourrait être mal interprété, répondit-il sur le même ton.

— Je sais. Mais, par la Grâce d’Ethelba, je prie que cette cérémonie s’achève rapidement. J’ai l’impression que le bébé me dévore les entrailles. »

Je me redressai contre mon siège, l’air visiblement meurtrie. Je posai une main sur mon ventre arrondi. Le tiraillement devint bientôt une crispation, puis une douleur lancinante. Je blêmissais sous l’effet de cette magie qui réclamait ma présence. Je sentais mes forces m’abandonnait peu à peu. Lorsque Lucian tourna à nouveau son regard vers moi, il déglutit.

« Nous devrions partir, Ma Dame. Vous n’avez vraiment pas l’air bien. Nous demanderons au Château d’envoyer une lettre pour excuser votre départ précipité. Je suis sûr que la Prêtresse comprendra. »

Je ne le contredis pas - je n’en étais plus capable. Il fit un signe discret à l’un des officiers du Temple qui lui répondit par un hochement de tête. Lucian se leva et me donna le bras pour que je puisse m’appuyer sur lui. Je faiblissais à vue d’oeil.

« Nous sommes bientôt arrivé, Ma Dame. Souhaitez-vous que j’appelle une accoucheuse afin qu’elle vous examine ?

— Non merci, Lucian. J’ai juste besoin de repos. Je vous assure. »

Il avait l’air hésitant.

« Vraiment, tout ira bien après une bonne nuit de sommeil. »

Une fois dans ma chambre, je verrouillai la porte derrière moi. Il n’était pas envisageable que quelqu’un se rendit compte de mon absence. Et, cédant à l’appel, je disparus dans le Monde des Rêves.

« Génies ! c'était la voix de Dastan qui sonnait dans le vide. Notre Cité se meurt, elle dépérit jour après jour. Il s’agit de notre Passé, de notre Histoire. Je réclame votre aide afin de la sauver, je vous réquisitionne pour la reconstruire. Que jamais plus, les Génies ne soient privés d’un lieu pour se rassembler. Que jamais plus, ils ne soient dispersés aux quatre coins des Terres de Sympan. Parce que Somnium est et restera notre demeure. Infiltrez-vous dans les Songes, montrez à nos Rêveurs la beauté de notre Capitale et encouragez-les à recréer ce qui a disparu. C’est de nos actes que dépendra notre futur. Je compte sur vous ! »

1 636 mots

Explications


Hello !  nastae

Cet Event - bien qu'axé sur l'intrigue des Génies - est ouvert à tou.te.s.x

Pour les Génies : Vous êtes appelés par Dastan afin d'aider à la reconstruction de Somnium. Votre but : infiltrer les Rêves et encouragez les Rêveurs à souhaiter la reconstruction de la Cité. Vous pouvez aussi les amener dans Somnium pour qu'ils œuvrent à la reconstruction.

Pour les Autres : Dans vos rêves, vous côtoyez Somnium à l'heure de son apogée. Cependant, vous vous rendez bien vite compte qu'elle n'est plus que l'ombre d'elle-même. Vous pouvez ensuite souhaitez ou œuvrer directement à sa reconstruction.

Gains


Pour 900 mots  :
- Une parcelle constructible à Somnium ou aux alentours afin d'y bâtir une maison, d'établir un commerce, un élevage ou une plantation (au choix du joueur).

Pour 450 mots de plus (soit 1350 mots) :
- 1 point de spé supplémentaire

Fin de l'Event


Le 31 Août 2021 à 23h59

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Sam 17 Juil 2021, 21:35

Dormir, ou l’acte le plus naturel au monde, en tous les cas, de ce qu’il lui semblait, du haut de sa petite expérience. S’allonger, vêtu de sa tenue la plus confortable, et parfois la moins présentable, chercher la position la plus confortable possible, surtout, c’était important, et enfin, enfin, fermer les yeux. C’était bien là que commençait le vrai travail, la partie la plus compliquée, se détendre. En tant que distrait invétéré, Eiji avait bien souvent du mal à laisser filer toutes les pensées qui lui traversaient l’esprit, calmer ses muscles tendus qui se souvenaient encore trop bien des activités de la journée, relaxer, un à un, chaque membre, éviter les crampes, les tensions, les crispations. Et enfin se vider la tête.

Ne penser à rien n’avait jamais fonctionné pour lui, donc au lieu de cela il vivait d’autres histoires. Il s’inventait une place dans les grands événements contés par sa mère ou par les autres Orines, s’imaginait une vie dans ces villes si longtemps vidées de toute vie ou de toute âme. Ou peut-être pas. C’était bien là tout la magie du rêve, non ? C’était ainsi que, petit à petit, sa conscience lui échappait, et qu’enfin, il trouvait le repos…

Les sensations. C’est ce qui le trouble toujours lorsqu’il met les pieds, figurativement, dans un rêve. Là, et en même temps absentes. Juste à la pointe d’être trop intenses, et s’effondrant comme une brume sous un souffle de vent. Toujours réconfortantes, et en même temps frustrantes, inquiétantes, illogiques. Eiji aime cette absence de sens, lui qui ne cherche encore que la connaissance, avant de l’organiser dans ce qui doit et ce qui peut, mais aussi ce qui ne peut pas être. Dans le rêve, et parfois dans la vie, il refuse de croire à l’impossible. Après tout, la Beauté et la Nature sont en toute chose, mais il faut parfois les chercher, y croire. La foi a un sens, et il veut qu’elle ait un sens donc, ici, dans ce monde où tout est possible, elle en a un, et il est, non pas un héros combattant, mais un agent du Beau. Quelqu’un de vu, d’observé, et parfois, peut-être d’admiré, voire d’inspirant.

C’est donc à cela qu’il s’attend en foulant pour la première fois le sol de cette cité qui est celle, ce soir, de ses rêves. Il ignore où il est, bien entendu. Son imagination est débordante, sa connaissance, beaucoup moins. Il s’attend à ce flottement alors que son pied nu effleure les pavés. Il s’attend à cette inconstance alors que le vent qui s’engouffre entre les bâtiments bat son hanfu fait d’un tissu tellement usé qu’il en est aussi souple que la soie. Il s’attend à cette incohérence entre ce qu’il perçoit et ce qu’il ressent, ce que son nez, ses yeux, ses mains, ses oreilles veulent lui apprendre et lui faire croire sur l’endroit où il se trouve. Il s’y attend, et pourtant il n’en est rien. Le sol sous ses pas est aussi dur que celui de son village natal. Le vent est aussi doux et murmurant que celui qui effleure les Plaines Rouges et vient chanter à son oreille. Les bâtiments sont aussi durs, aussi réels, que s’il ne rêvait pas. Alors Eiji en conclut qu’il ne rêve, et qu’il a un monde à découvrir. Une opportunité, offerte à lui dans sa soif de connaissance. Il remercie les Divinités de cette opportunité. Il ne sait pas trop laquelle, donc il les remercie toutes. Il les remercie, et il explore.

Il découvre, admire, de bâtiment en bâtiment, absorbant la Beauté éthérée de ce lieu. Dans cette ville, qu’il ignore être Destati, capitale de Somnus, il déambule, tremblant presque de la sérénité et du bonheur émanant ds lieux. Il visite, voit des jardins, des bassins. Leur nature l’appelle, et il s’approche, insouciant, relevant son bas pour y plonger les pieds. Il sait, quelque part, au fond de lui, que ce n’est pas très poli, mais il se sent si bien que tout cela n’a qu’une importance secondaire pour lui. Il glisse délicatement un pied, puis l’autre, dans l’eau, et s’attend à la fraîcheur, à la caresse délicate, au bien-être et à cette piqûre qui lui rappelle que même si le temps est beau, les liquides restent parfois bien froids. Il s’attend à tout cela, et une fois encore, ses attentes se confrontent en une guerre incompréhensible et impitoyable à une réalité qu’il peine à comprendre et percevoir. Ce liquide laisse une étrange sensation sur sa peau. Pas malsaine, mais huileuse, collante, poisseuse, comme une flaque stagnante laissée à la merci de la nature, couverte de vase et d’insecte. Pas corrompue, car il ne s’agit que de l’œuvre du temps, mais inconfortable, dérangeante, quand il souhaitait éprouver sa pureté.

Alors il rouvre les yeux, retirant rapidement ses pieds de la fontaine, les retrouvant verdis. Il regarde l’eau, toujours aussi cristalline. Il ne comprend pas. Il relève la tête, observe les bâtiments sublimes qui s’érigent vers un ciel d’un céruléen parfait, figures nobles se dressant comme la plus belle des Geishas, parée de ses atours les plus délicats. Du coin de l’œil, il aperçoit un mouvement, entend, comme un écho, la chute d’une pierre. Puis d’une autre, et d’une autre. Sous son regard ébahi, la majesté des lieux perd se sa superbe. Tout, autour de lui, se ternit, s’écroule, s’effondre. La Beauté perd de son éclat, et dans un cri de douleur et de déchirement, il comprend enfin que tout n’était qu’une illusion, un rêve, qui petit-à-petit se délite. Sa vision est baignée de larmes, et il ne se rend même plus compte qu’il crie au monde, au temps, de s’arrêter pour préserver cette perfection. Il crie, et pleure et, à son tour, s’effondre au sol.

Il ignore combien de temps il reste prostré ainsi, avant de finalement rouvrir les yeux, et sécher ses joues. Il est encore jeune, et il souffre de cette destruction pour laquelle il n’a pas de contexte. Il lui manque le recul pour accepter la lente déliquescence qui a mené la ville à devenir ce qu’elle est aujourd’hui. Il souffre et son cœur saigne, mais il se relève, déterminé. Dans ses rêves, il est une Orine qui inspire. Il est une Orine qui ne baisse pas les bras. Il est une Orine qui peut changer les choses. Alors il inspire, profondément, s’étouffant dans la poussière des pierres livrées au temps, et court vers la fontaine. Il use d’outils qu’il ignore avoir pour la nettoyer, la purifier, pour séduire les plantes avec un art qu’il ne possède que dans ses rêves, pour rendre, à son échelle, la splendeur à cet endroit qui a, le cours d’un instant, ou peut-être plus, brisé son cœur d’enfant. Il s’assied gracieusement par terre, et sculpte de ses mains, dans les métaux les plus précieux, et les pierres les plus resplendissantes, de nouvelles décorations, un nouvel écrin pour ce bijou reconstitué. En cet instant, il n’a aucun doute, la Beauté peut être retrouvée, recréée. Il a à peine conscience qu’une autre forme de beauté existe dans ce désespoir et dans cette fin entamée. Mais il n’a pas de colère en lui. Le sentiment d’injustice n’est pas une lutte contre le temps, pas un cri de haine contre ce qui est, juste un cri d’angoisse et de désespoir pour ce qui aurait pu être. Même perdu dans son rêve, et même dans son tourment, il sait qu’il ne peut vaincre le temps. Mais un Artiste peut inspirer des peuples à trouver le renouveau dans le cycle de la vie. Il peut, à son échelle, planter un germe de renaissance. Alors il sculpte, grave, nettoie, range, jusqu’à l’épuisement de son corps et de son âme, jusqu’à, enfin, le repos, pour cet enfant qui a vécu une mort pour laquelle il n’était pas prêt.


En un sursaut, Eiji ouvrit les yeux, surpris sans l’être de se retrouver dans sa chambre, dans son propre espace, à Onikareni. Il ferma les yeux un instant, écoutant le souffle paisible de sa mère dans la pièce adjacente, à peine audible sous le battement frénétique de son cœur. Inconsciemment, il passa les mains sur ses joues, les retrouvant humides et brûlantes. Il peinait à avaler sa salive, la sensation d’avoir hurlé jusqu’à en perdre la voix le suivant jusqu’à ce qu’il se lève, enfin, et aille étancher sa soif. La tête comme embrumée d’avoir vécu des jours en quelques heures, il ouvrit la porte pour s’installer dehors, inspirant profondément l’air frais et pur de son village, les yeux portés sur l’horizon et peut-être, sans le savoir, vers le songe d’une nuit qui lui apprit que la réalité n’était pas toujours un rêve. Ou était-ce l’inverse.. ?

1456 mots
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Ezechyel
~ Ygdraë ~ Niveau IV ~

~ Ygdraë ~ Niveau IV ~
◈ Parchemins usagés : 838
◈ YinYanisé(e) le : 27/08/2014
◈ Âme(s) Soeur(s) : Mircella Rumblee
◈ Activité : Stratège
Ezechyel
Lun 19 Juil 2021, 04:54

[Event] A l'aube d'une ville nouvelle Sylvai12
Image : The seagulls orchestra by Sylvain Sarrailh
À l'aube d'une ville nouvelle



Elyot flottait au-dessus du néant, les vagues déferlantes de l'Océan suivant ses pas de danse alors qu'il valsait aux bras d'un Génie : Naram-Sin. L'homme qui se tenait devant lui n'était pas encore le Mârid. Il le deviendrait bientôt, mais pour l'heure, il n'était que son partenaire de danse, celui avec qui il construisait Somnium en déchaînant la force des éléments, en façonnant un ciel fragmenté afin qu'il pleuve des millards d'étincelles. Le monde semblait avoir pris feu, s'être embrasé de lumières, mais en son for intérieur, il connaissait la vérité. Il savait que cet incendie n'avait guère pour vocation de brûler, mais pour faire renaître un lieu stérile de ses cendres, pour que la beauté germe de ce royaume de rêves et de merveilles. Oui, il le savait... il le savait parfaitement... Lui, eux... elle... Regagnant un brin de lucidité, l'esprit de l'Ygdraë fut subitement éjecté du corps qu'il avait fait sien dans ce songe idyllique. Tel un spectateur égaré, il se retrouva à observer de loin la valse entre le Génie et Edelwyn, son peu de subconscient fourmillant de questions sans véritable rapport entre elles.

C'était quand la dernière fois qu'il avait rêvé ainsi? Était-ce depuis qu'il avait effleuré des doigts cette obole aux lueurs nacrées, inconscient des conséquences que ce simple toucher occasionnerait dès qu'il rouvrirait les yeux? Combien de temps avait-il défilé depuis la dernière fois où son esprit s'était ainsi égaré en faisant ressurgir des réminiscences du passé ; celles qui ne lui appartenaient guère, qu'il ne réussissait pas tout à fait à saisir, malgré toutes les connaissances que ses souvenirs lui avaient fait acquérir? Depuis quand sa vision s'était-elle à nouveau plongée dans la sienne, le forçant à revivre ses tranches de vie les plus intimes, comme s'il était lui-même l'auteur et la victime des actes qu'elle avait commis? Comme s'il avait lui-même assisté – non, participé – au déroulement de ces événements marquants, qui avaient révolutionné le monde qu'il connaissait à maintes reprises, inconscient, pourtant, de l'identité et de l'influence des protagonistes à l'origine de ces changements. Comment aurait-il pu, lui qui ne se doutait de rien jusqu'à ce qu'il fasse ce rêve étrange quelques lunes plus tôt? « Étrange » n'était probablement pas le terme le plus approprié pour rendre compte de toute l'ampleur du phénomène qu'il avait subi – à l'opposé de vécu –, mais alors qu'il sombrait dans un état à mi-chemin entre le rêve et la conscience, entre le sommeil et l'éveil, aucun autre mot ne semblait avoir plus de sens que ce dernier. Étrange... Oui, il s'agissait bel et bien de l'adjectif qu'il désirait employer afin de décrire l'ancrage qui le maintenait dans le Monde des Rêves. Étrange... ou peut-être même familier – mais familier pour lui ou pour elle? Il entendit un rire lui caresser les tympans. Pourtant, il fut incapable de déterminer si ce son railleur avait fui de ses propres lèvres ou de celles d'un autre. D'une autre. Mais au fond, quelle différence cela faisait-il d'identifier la véritable source du rire? Après tout, il nageait au beau milieu d'un songe formé à partir des souvenirs d'une femme qui le fascinait autant qui le terrifiait, d'une femme avec qui il avait partagé tout son vécu en accomplissant un rituel étranger dans un univers composé que de chimères. Mais pouvait-il toujours qualifier le Monde des Rêves de « chimères » après tout ce qu'il avait expérimenté, même dans la réalité? Non, bien sûr que non. C'était beaucoup plus complexe que cela. Il le savait, parce qu'elle le savait. Et dans un vortex de Magie Bleue, il fut de nouveau projeté dans la peau de l'Impératrice.

Mon partenaire et moi avions cessé de danser. C'était moi qui avait mis fin à notre valse, à nos mouvements que nous avions esquissé entre Ciel et Terre. Nous nous contemplions à présent, yeux dans les yeux, enfreignant les conventions, passant outre les codes de la danse. Son visage reposait entre mes deux mains. Je pouvais palper la texture de ses joues, de son nez et de son menton. Cependant, c'était sur son regard que je me concentrais, le même regard que j'avais appris à aimer, mais que je me divertissais à détester. Je lui dévorais les yeux, appréciant leur couleur, leur vivacité, comme si j'avais peur qu'il s'échappe, qu'il me file entre les doigts. Ou peut-être que je désirais secrètement qu'il rompe le contact, qu'il se libère de mon emprise avant que nous nous consumions tout entier. J'ignore combien de temps dura notre confrontation visuelle tant l'intimité que nous nous partagions était précieuse et virulente. Puis, du bout des lèvres, je lui formulai un ordre : « Je t'interdis de venir t'y perdre. » Ce à quoi mon partenaire de danse me rétorqua : « Je t’interdis de me l’interdire. » Le décor bascula abruptement. Nous nous tenions désormais à l'épicentre d'un amalgame de feuilles bleues. Il devait y en avoir des centaines tout autour de nous, à virevolter comme des flocons de neige. Lentement, je desserrai la prise que j'exerçais sur son visage, abaissant les doigts presque au ralenti. Mes traits affichaient toujours un air de mélancolie. Le désir de l'étreindre dans mes bras prit d'assaut mon cœur, mais au lieu de répondre à l'appel de mes émotions, je déviai mon attention vers les merveilles que nous avions façonné, ensemble. Des questions surgirent alors dans mon esprit. Serais-je en mesure de retourner ici, dans ce Monde que j'avais créé, après mon ascension divine? « Et si je revenais, serait-ce pour me perdre dans le lac interdit? » Le vol plané d'une feuille interrompit brièvement le fil de mes pensées. Posée dans le creux de ma paume, cette feuille semblait vouloir reprendre son envol, s'enfuir de sa prison pour endosser sa nature insaisissable. Portant ma main à mes lèvres, je lui soufflai dessus, la laissant partir à l'horizon. La feuille se métamorphosa en un splendide papillon, battant des ailes pour s'élever encore plus haut dans le ciel.

Puis, il eut une coupure. Celle-ci fut si rapide que l'Elfe qui rêvait n'en prit même pas conscience. L'instant d'après, il discerna une voix – sa voix – chuchoter faiblement : « Fais ton premier vœu. » Et la vision s'arrêta.



Le sylvestre se trouvait à présent seul devant les décombres d'une ville qu'il reconnut instinctivement. Somnium. Néanmoins, la Cité n'avait plus rien à voir avec la monumentalité des désirs, des ambitions et des passions qui l'avaient jadis faite naître de ses cendres. La désolation et la ruine s'étaient faits maître du Rêve et de la Magie, laissant planer une ombre fade sur les édifices en déclin. Partout, la nature s'était fanée, emportant avec elle les derniers pigments de couleur sur une toile aussi sinistre qu'un cimetière. Les dernières reliques de végétation s'étaient amassées autour des arches et des tours qui tenaient encore sur leurs piliers de fondation, enserrant désespérément la pierre dans une ultime étreinte. En contemplant ce ravage, le jeune homme dut réprimer un sanglot au fond de sa gorge. Non, ce n'était pas ainsi qu'il avait conçu le Monde des Rêves. Cet endroit devait être merveilleux, incarnant une beauté incomparable à tout ce qui existait dans le Monde Réel. Pourquoi, dans ce cas, la ville ressemblait-elle désormais à un tas de ruines? Son faciès se rembrunit de tristesse et de mécontentement. C'était inacceptable. La Capitale des Rêves méritait beaucoup mieux que la déchéance. Elle méritait l'abondance, la beauté et la splendeur. Il ferma les yeux brièvement. Il devait faire quelque chose, mais quoi exactement? Un cri de ralliement? Un effort de construction? Un souhait? « Fais ton premier vœu. » Ses paupières s'ouvrirent brusquement. Oui, c'était ça : un souhait, un vœu. Il devait faire un vœu. Et c'est ce qu'il fit. Il souhaita que Somnium retrouve sa gloire d'antan.



Elyot ne se rappela pas s'être réveillé en pleurant. Pourtant, lorsqu'il ouvrit les yeux, un visage était penché au-dessus du sien, déformé par la présence de plis soucieux qui distordaient la ligne de son front. Aralee. Relevant le torse afin de s'asseoir plus confortablement sur son lit, l'Elfe exhala subitement un long souffle de ses poumons. L'instant d'après, un constat s'abattit violemment sur lui, comme une gifle qu'on lui aurait asséné au visage : depuis qu'il s'était libéré de l'emprise du sommeil, il avait cessé de respirer, l'air ne pénétrant plus à l'intérieur de sa poitrine pour assurer l'oxygénation de ses vaisseaux sanguins. Le cœur en plein chavirement, le sylvestre serra les bras autour de sa taille, la comprimant dans une étreinte insécure afin de réprimer les secousses qui parcouraient son corps frémissant. Se plaçant doucement à ses côtés, la garde du corps lui glissa une œillade inquiète, préoccupée, avant d'abaisser le regard lorsqu'il tenta d'établir un contact visuel. De toute évidence, la situation la mettait dans l'embarras, comme si elle était incapable de déterminer si le silence ou les paroles était le meilleur remède contre la détresse émotionnelle. Jeu d'acteur ou impuissance des plus sincères? Elyot ne pouvait pas le dire. Il n'était pas d'humeur à essayer de voir à travers la mascarade de la jeune femme, de distinguer ce qui était réel de ce qui ne l'était pas. Cette activité l'épuisait, et pas seulement à cause du rêve duquel il s'était extirpé, même si ce dernier avait indéniablement eu un rôle à jouer dans l'éclosion de sa lassitude. Enfouissant son visage à l'intérieur de ses mains, l'Ygdraë profita de la présence de ce couvert pour atténuer le son du soupir qu'il relâcha bruyamment. Malgré toutes les heures durant lesquelles il était resté profondément endormi, il ressentait toujours le poids de la fatigue peser sur sa conscience. Aussi immobile qu'une statue, il garda la même posture pendant quelques secondes – ou plutôt quelques minutes – avant de redresser la tête, retirant les doigts qui dissimulaient son faciès. Ces derniers étaient humides, comme s'ils avaient récemment servi à essuyer des larmes. Ce détail n'échappa pas au regard vigilant d'Aralee, dont le malaise se dissipa instantanément au profit de la compassion.

« Est-ce que ça va? », lui posa-t-elle doucement, rompant ainsi le silence qu'ils avaient instauré. Le sylvestre ne souffla pas un mot. Il fallut attendre une minute supplémentaire avant qu'il se décide enfin à prendre la parole. « Je ne sais pas. », lui avoua-t-il dans un faible murmure. « Je n'en sais absolument rien. » La jeune femme rit nerveusement. « Tu dois bien en avoir une idée, rien qu'un tout petit peu. » Elle marqua une pause. « Un cauchemar? » Ce fut au tour de l'Elfe de sourire, mais son expression ne contenait aucune trace de jovialité. « Oui et non. » Les plis sur le front de la sylvestre se creusèrent davantage. « Ça veut dire quoi exactement? » - « Je... ne sais pas comment le décrire. », lui confessa-t-il après un moment d'hésitation. « Ce n'était ni un rêve, ni un cauchemar. Enfin, si, ça en était un, mais il s'agissait d'un souvenir à elle... » - « Elle? » Aralee leva un sourcil. « C'est qui elle? », lui demanda-t-elle en insistant sur le dernier mot. Elyot se pinça les lèvres, jurant intérieurement contre sa propre bêtise. Il en avait déjà trop dit, mais c'était trop tard : la curiosité de la femme avait été piquée. Malheureusement pour elle, les informations que le jeune Ygdraë pouvait révéler étaient sévèrement limitées. Pour autant, même en sachant que l'acharnement de sa congénère serait inutile face à la puissance magique qui scellait ses lèvres, le Helevòrn la laissa poser ses questions. « C'est ta copine? Celle qui a demandé de te voir l'autre jour, au port. » Hébété, il cligna rapidement des paupières. « Q... Quoi? De quoi parles-tu? » Un vague sourire naquit sur les dents de la Targen. « Mic' ne t'a rien dit? » En voyant que sa confusion persistait, elle devina aisément que la réponse était négative. Ce constat la fit éclater de rire. « Laisse tomber, ce n'est pas important. » - « Mais... » Le regard que lui lança la femme mit fin à son début de protestation. « Ça ne te concerne pas. », répliqua-t-elle gravement, sans conteste pour clore la discussion. L'Elfe faillit s'en indigner, mais après une brève réflexion, fit le choix de pas insister. Ce qui « ne le concernait pas » était simplement une autre façon de dire que cela ne concernait pas Alvys. Le problème appartenait à Elyot – et seulement à Elyot. Pour autant, avec la poignée d'informations contenues dans cette unique phrase, le jeune homme avait déjà pu se faire une idée de l'identité de cette « copine ». La réalisation lui explosa le cœur.

✠ 2 214 mots (sans les paroles d'Edelwyn et de Naram-Sin)

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Mar 20 Juil 2021, 15:25



Apparition à Somnium



La lune sombre reflétait sa sinistre lueur dans la rue d'une ville abandonnée. Les ténèbres semblaient avoir envahis la ruelle d’où l’ on pouvait ouïr les sinistres bruissements qu'on pouvait seulement entendre quand la lune était haute dans le ciel nocturne. Une porte claquait, le vent froid de minuit donnait des frissons à entendre seul son tohu-bohu, les bruits de la vapeur de la marmite d'une vieille s'échappant d'une fenêtre, dont mêmes les plus grands voyageurs fous ne pourraient vous décrire ce qui a été mis la-dedans, des ombres sinistres qui dansent dans les angles des rues et enfin les cris bestiaux d'êtres alcoolisés venant d'une taverne dont souvent le son de l'acier résonner. La porte d'une taverne obscure claquait et un être sombre, presque squelettique sort presque titubant, tenant une choppe d'alcool dans la main. L'être se déplaçait comme l'ombre d'une personne sur qui la mort planait, impatiente de la posséder. Après un moment qui paraissait une éternité, l'être trébuche et s'écrase contre la porte en bois d'une maison que même l'ombre de la nuit n'osait s'y perdre.



Le démon avait trop bu. Ses paupières lourdes pouvaient à peine apercevoir l'apparence brumeuse des personnes et objets l'entourant. A ce moment précis, il ne se rappelait même plus quelles aventures l'ont amenées ici et où il était.


L'homme derrière la table du bar, portait un tablier court, un chapeau mou qui barrait son front et avait les yeux perçants des chasseurs de la nuit. Il lui adressa la parole comme s'il s'agissait d'un fantôme parmi d'autres:
"Trois sous pour une choppe d'Elixir de notre fabuleuse contrée, deux pour une miche de pain et un pour le chalutier.. qui prend le risque à chaque fois de nous apporter cet frais élixir venant de très loin…" Derrière, un homme barbu assis par terre me regardait d'un regard mauvais, avec un énorme sabre à côté de lui. "Je vais prendre..cette boisson de votre fabuleuse contrée.." réplique je en balbutiant,oubliant de payer un sou de plus. L'être grimaça avec un sourire espiègle et mauvais. Je prends alors le verre qu'il m'offre, pas assez lucide pour voir que l'homme glissa une mystérieuse substance dans la boisson. Je pris le verre puis m'effondra sur une table dans un coin. La pièce était plongée dans l'obscurité, inaugurant rien de bon. La boisson avait un goût acre et l'alcool se sentait à peine. Je me rends alors compte qu'il ne s'agissait pas de ce que j'avais commandé mais un simple verre d'eau auquel le barman a caché le goût avec quelque chose d'autre.  Après quelques instants, la pièce s'obscurcit, ma vue se brouilla et je m'écroule sur la table.


**********************************************************************

Un vide noir occupait tout l'espace qui m'entourait. Puis j' avais l'impression de m'enfonçer dans des sables mouvants. Des ombres squelettiques sortent alors du néant et s'accrochent à mes jambes, voulant ainsi m'emporter dans les ténèbres insondables du vide.
Tout à coup, mon esprit s'éveille. "Il s'agit d'une attaque magique." pensais-je avant de me questionner dans quel endroit étais-je. Les ombres s'empilèrent et étaient sur le point de m'engloutir.



Tendu, je ne pouvais utiliser ma capacité d'ombre car il s'agissait d'un monde éthérique. Je fouille alors mes vêtements et ne trouve aucune arme sur moi. Soudainement, une main en os agrippe le cou et enfonce ses doigts  dans ma chair. Je m’écriai de douleur, avec la moitié de mon corps qui avait disparu. Je me concentre un instant puis avant que mon corps entier se fasse envahir, deux ombres disparaissent comme de la brume. Une rage démoniaque ,emplie de peur de mourir et aussi misérablement, avait envahi son esprit. J'avais ,pour la première fois et miraculeusement, réussi à utiliser ma capacité "reflet de l'autre". Ma puissance s'était décuplée par deux. Les ombres qui m'attaquent, étaient en faites tout simplement constitué d'ether. J'avais donc réussi à utiliser l'ether environnant pour me donner une fausse apparence. Ce n'était qu'une illusion. Pendant que les ombres semblaient toujours s'attacher sur le colosse, je m'enfuis. "Ça devait être un sort mineur de protection" me dis-je, sur le doute.
Le démon n'avait pas encore compris qu'il était dans le monde des Reves. Car à ce moment-là, une gigantesque île scintillante, par delà la réflexion de milliers de couleurs et dont celles d'une forêt foisonnante et luxuriante auxquelles les formes exotiques semblaient donner vie à l'île et d'où une lumière dorée illuminait une ville dont les bâtiments semblaient monter dans le ciel, avait fait son apparition. L'âme du dieu Sympan semblait transparaître dans l'aura qu'émanait l'île.


Plus il se rapprochait et plus il avait l'impression que même son âme maudite ne pouvait détourner le regard d'une telle beauté. Il ressentait le désir de s'agenouiller comme si une puissance bénite et surnaturelle le dominait, car cette dernière semblait luire de toutes les couleurs, et dans la façon dont ses illustres compartiments se dressaient, décorées des sculptures de personnages aux regards remplis de gloire et de fierté, dont les multiples formes intriguaient mon regard et dans la manière qu' elles racontaient son histoire et ses multiples victoires.


Des milliers et je ne pouvais compter de génies parcouraient les lieux comme des statues rayonnantes d'un âge ancien qui flottaient dans les airs et chantaient avec une voix forte et unie, la puissance de leur contrée. Les érudits quant à eux, chantaient les épîtres des livres de la Gloire tels les Illuminés qui prônent la sagesse et le savoir de leur pays. D'autres utilisaient des artefacts mystérieux qui captaient l'attention de Méphisto.
La magie emplissait l'air et rendait les lieux plus merveilleux que jamais et me partageait elle-même son euphorie. Le bonheur emplissait les lieux et à chaque endroit de l'île, il y avait toujours l'impression que la vie s'épanouissait. J'étais si émerveillé que je ne pouvais m'arrêter de contempler ses sculptures d’or qui racontaient leurs histoires.


Puis, c'est alors, que la ville n'est plus que l'ombre d'elle-même. La lumière qui l'illuminait tant disparut et laissa place aux ténèbres.  Un vent glacial s'éleva et emporta avec elle ses impressionnantes sculptures, le palais royal, ses magnifiques librairies du savoir, ne laissant plus qu'à la place les ruines d'une civilisation non disparue mais dont l'histoire est parsemée d’embûches et dont les premières pages s'adossent des froissements d'un passé lointain et les dernières pages se lisent dans un cryptogramme dont les prophètes l'ont écrit d'une main douteuse et incertaine. Il ne restait alors plus que les ruines d'une histoire enfouissant dans le néant ses secrets, laissant ainsi les lierres du destin s'enlaçaient autours et emprisonnant ce que tout le monde oublie pour laisser entendre une symphonie réconfortait les lieux dont les échos mélancoliques se perdent dans les méandres et les murs creux de la cité endormie. Des larmes de sang coulèrent même sur le visage du démon, à cause de cette cité qui lui faisait rappeler sa propre innocence disparue et des souvenirs enfouis émergent alors. La Lune d'une pâleur blanchâtre, jeta enfin son regard lumineux et fantomatique sur Somnium, la ville de cette mystérieuse civilisation, les Génies.

**********************************************************************


"Je suis donc sur Somnium" pense Méphisto en ayant demander à une mystérieuse personne rencontrée en chemin. Il n'avait qu'une idée en tête, retrouvait cette mystérieuse librairie enfouie afin de retrouver des savoirs perdus où des objets magiques d'une ère d'antan s'y trouvaient.
Il parcourt ainsi les ruines tandis que les échos émis par le vent résonnaient de plus en plus fort d'un timbre sinistre, comme s'il s'enfonçait dans le palais royal démoniaque. Soudain, il trébuche et atterrit dans un espace clos. Un livre poussiéreux semblait paraître dans l'obscurité.
Il l'ouvrit et une calligraphie inconnue parcourait ses pages. Grace à son dictionnaire de Zul'Dov(qui permet de traduire une autre langue en Zul'Dov), il put lire et comprendre cette langue ancienne.
Après un moment, le démon commença les mots magiques qui figuraient vers la fin du livre et disparut dans les ténèbres.

Le Madiga atterrit  alors dans un mystérieux bâtiment qui ressemble à une librairie, dont les étagères sont remplies de livres anciens. Une pensée lui traversa « Il allait s’emparer de quelques chef d’œuvres et puis il établirait un commerce ici pour vendre des objets rares, puis il préviendra les Génies pour sa reconstruction. ».


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Jeu 22 Juil 2021, 10:53


Image par Feng Zhu Design
Y songeras tu ?


Fermer les yeux, laisser le monde autour disparaître pour gagner les réjouissances des rêves. Voilà à quoi j'aspirais. Faut dire que le voyage avec l'autre gros lard avait été long et éprouvant aussi. J'espérais pouvoir dormir et voyager un peu. Drôle d'idée pas vrai ? Mais les rêves avaient quelque chose d'attirant, comme si subitement, j'avais la force de réaliser tout ce que je désirais, le moindre fantasme, la moindre ambition ... Comme si le meurtre que j'envisageais devenait possible. Mieux, aisés. S'imaginer servir noblement l'Œil et pourquoi pas même, le remplacer un jour. Mais les songes restent généralement des songes... Et j'étais loin de savoir à quoi m'attendre dans ce rêve ci. Mais je n'en avais que faire, perdue que j'étais déjà à croire que tout ceci était vrai. Ça l'est, n'est-ce pas ? Je flottais, figurativement parlant, mes ailes déployées dans mon dos tel deux voiles immenses me portant aux dessus d'une mer de nuage infini. C'était le petit plaisir du sommeil que d'oublier qu'en vérité, vous dormiez à point fermer dans ce pauvre lit de paille crasseux dans une auberge toute aussi miteuse ...

Une île plus loin, phare guidant mon vol. Je n'avais jamais si bien volé, je n'avais pas souvenir d'avoir su réellement voler tout simplement, oh j'avais bien une fois où deux décollées mais j'étais loin d'avoir la force nécessaire de maintenir mes ailes avant alors pourquoi ... Je n'avais guère envie d'y réfléchir, je préférais amplement filer droit sur cette île qui flottait aux grès des vents, bien décider à la visiter. Bien décider à m'y poser et ce fut chose faites avec une aisance satisfaisante au possible. Je me surpris à penser que l'endroit était sympa.

- Vous voilà enfin chère demoiselle.
- Je ne pensais pas être attendue.

J'étais méfiante où plutôt, j'aurais dû l'être. Au lieu de ça, j'avais simplement souri à cet inconnu blond, le suivant sans réellement me poser de question. Il ne fallait pourtant pas que ça devienne une habitude ... Mais voilà, j'errais aux côtés de cet étranger avec aisance, marchant presque à sa hauteur jusqu'à la voir. La ville. Grande et sublime.

- Bienvenue à Somnium. Puissiez-vous vous y plaire.

Et aussi vite qu'apparu, je le regardais disparaître, fronçant un instant les sourcils sans voir en réponse la malheureuse petite fleur fanant à mes pieds. Mais la cité devant moi s'étalait, merveilleuse, prometteuse. Et j'avais grand hâte de la découvrir, de me promener dans ces ruelles et même si la route pavée y menant me sembla un instant comme laisser à l'abandon, de la mousse apparaissant ça et là en plus de lierre grimpant, le reste lui s'offrait, majestueux. Comme dans un rêve. Mais le sol sous mes pieds étaient bien tangible et le pavé légèrement déchausser aussi. Et ma chute fut tout autant réel, autant que la douleur qui irradia aussitôt au niveau de mon genou.

Génial !

Je me relevais en pestant, secouant ma tunique verte et frottant énergiquement mon pantalon gris, soufflant en découvrant que le tissu n'avait guère plus que moi aimé le traitement. Et comme si cela ne suffisait pas, les bâtiments devant moi m'apparurent alors plus terne que l'instant d'avant, comme si lors de cette chute, le temps avait accéléré. Stupide, mais je n'avais pas envie d'y penser. Les maux de tête à réfléchir, très peu pour moi. Restais que je venais de franchir une sorte d'arche et que j'avais bel et bien pénétrée dans Somnium. Et si de loin, les bâtisses m'étais apparu resplendissante, de près en revanche y planait comme un parfum d'oubli, de passé. Un brin angoissant, car ça et là, je découvrais des fissures, des plantes envahissant les lieux comme pour en faire leur domaine. Je me glissais pourtant le long des murs, tel une ombre, presque invisible. Ce n'était là qu'impression pourtant, renforcer par le silence des lieux, comme si nulles âmes ne vivaient en ces lieux. Jusqu'aux rires. Je me figeais, tendant l'oreille avant de m'y diriger. Et si j'aperçus bel et bien quelques silhouettes, elles s'évaporèrent dans les ruelles adjacentes avant que je n'ai temps de m'en approcher.
C'était désolant de voir cette cité à la fois si belle et en même temps, abandonné. Et si une part de moi était désireuse de rendre ces lieux plus désolés encore, s'opposait un désir de la voir à nouveau resplendir, vivre. Réparer pour mieux détruire dans le futur peut-être ? Je n'étais même pas certaine de mes propres sentiments, restait un fait. Je m'étais accroupis au milieu de la rue et voilà que je désherbais ...

- Il faudrait que plus de gens fassent comme vous.
- Possible. C'est triste, toute cette végétation sauvage, comme si la ville était une ruine.
- Nous nous comprenons ...

Je n'avais même pas cherché à regarder mon interlocuteur. Au lieu de ça, j'avais continuées à arracher de petites pousses, les plus imposantes étant trop bien enracinées pour moi. Je ne savais pas vraiment ce que je faisais là, mais quelque part, je me plaisais à imaginer cet endroit comme un refuge potentiel. J'ignorais juste pourquoi. Mon chez moi s'était ... Je secouais la tête, mes idées me semblaient lointaines, brumeuses. Mais il n'était pas déplaisant d'être ici, de sublimer un peu l'endroit en rendant à la rue un peu de sa splendeur d'antan. J'avais soif de découvrir les lieux et c'est bien ce que je comptais faire. L'autre avait raison pourtant, il y avait beaucoup de travail pour que cette ville ait l'attrait qu'elle méritait. Pour qu'elle retrouve cet éclat qu'elle avait dû avoir. Et je ne comptais pas rester les bras croisées.
Un endroit à la fois cependant. Je me rapprochais donc d'une maison moins grande, résolue à la débarrasser de sa végétation folle. À découvrir en dessous la peinture qui jadis avait colorée les murs. Et petit à petit, la fenêtre recouverte revit la lumière. Ce n'était pas grand-chose mais c'était satisfaisant. Et l'intérieur, poussiéreux, me paraissais pourtant plein de promesse. J'avais envie d'en découvrir davantage, pousser par la curiosité, mais mon corps se rappela à moi et subitement, je me sentais toute engourdie...

~¤~

J'ouvrais les yeux, péniblement, avec l'odeur de la paille plein le nez et une autre, vague qui tendait déjà à disparaître. J'avais pourtant bien dormi, mais étrangement, mon corps entier me paraissait de plomb, comme si j'avais passée la nuit à travailler. Et du travail, je devais en trouver justement. Rester que mes bras et mon dos était tout engourdi et un instant, je me surpris à penser que Kao avait dû m'écraser dans notre sommeil. Mais la boule de poil était à l'autre bout de la minuscule chambre, couché juste derrière la porte, gardien hirsute et maigre. J'avais dû rêver. Je secouais la tête m'étirant. Gardant un vague nom à l'esprit, Somnium. J'oublierai vite, j'avais mieux à penser qu'à chercher cette ville, à supposer qu'elle existe. Et pourtant ... Rester comme un goût à la fois doux-amer. Mais je n'avais pas droit de ne penser qu'à cela. Kao et moi devions trouver un brin de boulot. N'importe quoi, car clairement, je ne pouvais me permettre de loger ici, aussi miteux soit les lieux, sans rien pour payer. Oh j'aurai aimée avoir mon petit chez moi, mais mon chez moi justement, je l'avais fuit avec la boule de poil. Et pas de la façon la plus brillante qui soit. Et j'étais loin d'avoir ce petit quelque chose qui fait qu'on vous offre tout sur un plateau. Frustrant non ? J'étais donc de mauvais poil, décidée à laisser ce rêve stupide derrière moi - tout en aspirant étrangement à y retourner, au moins dans les rêves, c'était plus facile. J'avais pour autant plus important à faire.

- Aller Kao, fini de faire la carpette, faut qu'on se bouge.

Un grognement pour réponse, de bonne humeur aussi tiens. C'était sans importance, l'aube se pointait seulement certes, mais je le savais, je ne pouvais me permettre de rester les bras croisés. Gros lard avait au moins raison là-dessus. Si je voulais avoir la moindre chance de survie, il me fallait m'en saisir. Je pouvais tenter ma chance du côté des quartiers résidentiels, avec un peu de chance, je pourrai faire du baby-sitting. Ca au moins, je connaissais ... Je n'avais pas vraiment le choix que de me dégoter un petit boulot de toute façon, s'était ça où passer la prochaine nuit à la belle étoile et clairement, sur ça, j'avais assez donner pour l'heure pour savoir que tant qu'à mourir, autant provoquer le premier venu et le laisser me détruire. Et ma propre mort n'était pas au programme.

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Mar 27 Juil 2021, 08:43


Crédit : Fallen Beauty - David Edwards


A l'aube d'une ville nouvelle




« Précieuse étoile. » Nausicaä délaissa son parchemin pour admirer la belle Næphina qui était assise dans l’herbe à ses côtés. « Pardon ? » – « En Valærian c’est ce que tes deux prénoms signifies. » – « Tiens, c’est curieux. Pourquoi mon père aurait volontairement choisi des noms issus du peuple des mers ? » – « Peut-être avait-il prédit notre lien futur ? » L’Elfe sombre sourit. « C’est une jolie supposions. » Elle la contempla, entrelacer délicatement et soigneusement les tiges de fleurs entre elles. Étrangement et habituellement, c’était Jézabel qui était plongée dans des ouvrages, tandis qu’elle de son côté s’amusait à faire des compositions florales ou à griffonner ce que le monde de l’imaginaire lui permettait de reproduire. Mais pas en ce jour. « À moins bien sûr qu’il souhaitât simplement contrarier ta mère. » Si cette perspective put faire pouffer la fille de l’océan, ce ne fut certainement pas le cas pour l’enfant des ronces qui préféra reporter son intention sur son parchemin. « Hum. J’ai comme l’intuition qu’il n’a pas eu entièrement gain de cause. » Svana. Comme elle pouvait haïr ce nom. « Je préfère amplement ta première hypothèse. » Conscience de sa maladresse, l'Ondine effleura le bras de sa cousine avec douceur et lui confia : « Moi aussi. » Elle replaça les mèches violacées des cheveux de l’adolescente derrière son oreille, pour attirer à nouveau son attention. « Mais plus encore, je souhaite que nous soyons ensemble à jamais. » Les joues de la plus jeune, pourtant teintées naturellement de mauve, prirent une teinte plus rosie. Dans leur famille une supposition avait été déclarée et parfois, murmurée entre les ainées : L’Alfar et la Sirène étaient proches, comme des âmes qui seraient sœurs. « Et toi, quel serait ton souhait ? » – « Mon souhait ? Répéta-t-elle, songeuse, À quoi bon rêver de souhait, ce ne seront pas eux qui écrieront notre histoire. » Son interlocutrice sourit malicieusement, le regard bienveillant. « Où est donc passée ton âme d’artiste ? L’aurais-tu laissé au côté de tes pinceaux ? » Nausicaä releva son minois d’une mine faussement boudeuse. « Très drôle. » – « Pourtant, tu n’as pas répondu. » – « Hum. » Elle se leva sans prononcer un mot de plus, s’approchant vers le contrebas de la frêle colline d’où elles se prélassaient. De leur perchoir, elles pouvaient admirer une infime partie de cette splendide ville sans fin – qui lui coupa le souffle, tant elle était majestueuse. Cette œuvre architectural était inconnue à sa mémoire, jamais elle n’aurait pu imaginer se trouver à Somnium, néanmoins, malgré ce manque d'information, elle pouvait affirmer que cet endroit était d’une incroyable beauté. Digne d’une Reine, ou plus précisément, digne d’une Æther et plus tard, il serait digne pour elle. Malgré son jeune âge, elle était déjà dévorée par une rage de conquête et d’une soif de pouvoir inapaisable. Sa mère avait parfaitement su faire germer la graine de la domination dans son cœur : Le monde serait à ses pieds. Plus qu’une conviction, ce fut son chemin de croix.

Jézabel apparut dans son dos pour déposer la couronne de fleurs sur le sommet de son crâne, telle une Reine que l’on couronnerait, puis, ses mains douces et blanches se déposèrent sur les frêles épaules de l’Elf, se collant à elle pour l’enlacer brièvement. « Nausicaä ? » Lui souffla-t-elle dans la nuque, avant de murmurer à l’une de ses longues oreilles : « Ys läa yul maldan. » Elle sourit en retour. Je le sais. Lorsque Nausicaä voulu déposait sa main contre la sienne, elle ne rencontra que sa propre épaule. Étonnée, elle tourna légèrement la tête en direction de sa cousine, mais aucune boucle brune ne fit son apparition dans son champ de vision. L’interrogation de la surprise l’abandonna pour laisser place à l’angoisse. Son corps pivota instinctivement, cherchant désespérément des yeux sa convoitise. « Jézabel ? » Hélas, un bruit sourd retentissant derrière elle la fit une seconde fois virevoltée, la laissant retrouver sa position initiale, face à l’horizon.
Son cœur ce compressa.

Une tonalité lourde, sonnant le glas de son déclin. Une mélodie tragique, qu’émaner l’effondrement de la ville. Le Temps sembla se hâter, brusqué par le désir brûlant de mettre un terme à cette illusion idyllique. Nausicaä voulut intervenir mais n'eu pas la possibilité de se mouvoir, son corps ne répondant pas à sa détresse. Elle ne pouvait le comprendre, mais cette hécatombe ne fut que la représentation d’un trait historique, qu’à cet instant, elle ne pouvait considérer que comme étant un passage de folie. Tous ceux-ci ne furent qu’une terrible dérision et pourtant… Pourtant, autour d’elle, ce monde s’écroulait et elle ne pouvait que le contempler. Ce fut à ce moment précis où elle se sentit agonisée. Elle souffrait, seule, perdue dans cette immense décomposition.  À ses pieds et à l’horizon, la nature se mourait, emportant avec elle cette illusion de paradis, ne laissant sur son sillage que des plantes qui lui furent si familières et chérissables dans un autre temps. De simples carcasses en marbre décoraient ce champ de morts si blême, tandis que des fractions de rêves et d’utopie planaient dans l’oxygène. Tout ce bel ornement avait fini par être dévoré par le Silence, un calme âcre, qui n'avait pour compagnon que le désespoir des cœurs, ne restant plus qu’un semblant d’esprits mutilés, faisant de cet instant un havre de quiétude aléatoire. Victime de cauchemars. Martyr des rêves. Ce monde n’était plus qu’une vulgaire ruine d’un passé mémorable pour les contes et les fables, vidée de toute énergie créative et féerique.

La Sarethi plia sous le poids de la douleur tenace, qui sembla broyer son âme sans merci. Signé par les phantasmes et mélangés à l'encre noire de l'existence, cette cité ébranlée sembla faire intégralement partie d’elle. Elle ne fut que son reflet, l’image d’un mirage, possédée, par un esprit équivalant à un vaste pillage. Une pourriture envahissant son âme. Un poison détruisant ses émois. Tout son être encensé du passé s’effritait, comme les arches, pour se métamorphoser en cette créature pathétique et morose qu’elle était devenue à ce jour. Un être dépourvu de glorification ayant une mémoire altérée, effacé par les déchets de la société. Là où l'anormal emporte le normal anormalement invoqué. Elle n’était plus que l’ombre d’elle-même, un vestige d'une Ere écoulait qui sembla vouée à disparaître. Non. La vérité fut toute autre. Somnium ne constituait pas l’éclat de son âme, car si tout deux souffraient par l’abandon, leurs causes était opposer. « Et toi, quel serait ton souhait ? » L’écho de sa voix fut comme une morsure vorace qui dévorait son esprit à l’infini. Un souhait, un vœu, une promesse. Il fut pourtant d’une évidence navrante, mais aucun son ne parvenu à sortir de sa gorge éperdument condamnée pour pouvoir le formuler. Au lieu de ça, elle suffoqua, recreviez sur elle-même, les larmes et le désespoir défigurant son visage. Pourquoi cet effort lui sembla si irréalisable ? Un souhait ne pouvait tout résoudre. Un rêve ne pouvait devenir une réalité. Son pessimiste martela ces idées dans son crâne, déchiquetant la moindre parcelle de rêverie et d’espoir qui subsistait en elle. « Quel est ton souhait ? » Répéta la résonance, mais cette fois-ci, elle eut la sensation de ressentir la présence de Jézabel à ses côtés, l’enlaçant brièvement, comme à son habitude. Un souffle alors encore inconnu raisonna en elle, tel un voile de douceur anesthésiant. Ses jambes purent à nouveau la porter, ses tremblements n'étant plus qu'un vague souvenir. Elle prit alors une grande inspiration, comme si pour la première fois elle découvrait la sensation que cela faisait de respirer.  « Mon souhait ? » C'était évident. Elle voulait tout. Sans modération ou concession. « Que ce lieu retrouve sa splendeur. » Quelle belle métaphore. Si ce monde était son reflet et qu'il pouvait guérir, alors elle en serait également capable, mais à l’instar de ce dernier, ce serait sans aide, sans magie et quand ce jour se proclamera, elle reviendrait en ce lieu, pour prendre ce qui lui revient de droit.

▲▼▲

La nuit, le vide et l’absence. Nausicaä se réveilla paisiblement. Malgré son rêve chaotique, elle ne ressentit pas une quelconque perturbation dans son esprit – tout du moins, pas plus qu’accoutume. Comme toujours, la morosité était présente. Elle jeta un bref coup d’œil aux rideaux, d’où perçait la lumière vive et chaleureuse du matin. Dans un soupir, elle se leva avec lassitude, dénouant paresseusement les pans de sa robe de chambre en soie, la laissant tomber à ses pieds pour enfiler l'une de ses fameuses robes de tulles et de voiles. Cependant, ce matin son regard s’attarda sur le reflet de sa coiffeuse. L’Alfar tourna la tête, observant assidûment chacun des traits de son visage et de son corps nue, puis, dans une rage sans nature,  son poing percuta la glace. Bien évidemment, après coup, elle prononça des gémissements plaintifs, la main ensanglanté, regrettant sans doute quelque peu son geste irrationnel. Les larmes naissantes, perlant déjà sur ses joues, elle regarda à nouveau attentivement son reflet dans les brides survivantes du miroir.
Elle sourit, d’un sourire sincère.


1516 mots
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Dyfan Shiofra
~ Lyrienn ~ Niveau I ~

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Dyfan Shiofra
Mer 11 Aoû 2021, 23:13


The Crow (Bloodborne) by Anato Finnstark
À l’aube d’une ville nouvelle


« En quelle Ère a débuté le règne de Takias? » Derrière sa frange ébouriffée, les joues du garçon se colorèrent de pigments vermeil. Remuant sur le coussin de sa chaise, il abandonna sa posture initiale afin d'en prendre une nouvelle. Le dos légèrement voûté, il avait soulevé ses pieds du sol pour les déposer sur l'appui logé entre les deux pattes avant de son siège. Fuyant, son regard écarlate s'était abaissé pour contempler la pointe de ses pieds, observant leur mouvement régulier comme s'il s'agissait d'un spectacle captivant. Ses doigts s'étaient enroulés autour des accoudoirs de son assise, exerçant une telle force sur le bois que ses jointures avaient viré au blanc. Après quelques secondes à maintenir une prise aussi ferme, les paumes du Lyrienn se mirent à chauffer, avivant une douleur qui lui soutira involontairement une grimace. Pour autant, il refusa de relâcher son emprise, décontractant simplement la tension de ses mains. Puis, il se mura dans le silence, agissant comme si son institutrice ne lui avait jamais adressé une question. Dans sa logique d'enfant, il était convaincu qu'en évitant le regard d'une personne quelconque, il deviendrait forcément invisible à ses yeux. Pendant un moment, il crut réellement que sa manœuvre fonctionnait, alors que son enseignante ne pipait toujours pas un mot. Malheureusement, ses espoirs éclatèrent en mille morceaux lorsque Madame Qiralee, visiblement à bout de patience, reprit subitement la parole. « Je vous ai posé une question, Dyfan. Répondez-moi à l'instant ! » Le son de sa voix le fit sursauter, tant la puissance qu'elle contenait s'avérait virulente. Enfonçant sa tête entre ses deux épaules, le Shiofra n'osa pas lever le regard dans sa direction. Au lieu de quoi, il libéra plutôt ses appui-bras afin de jouer avec ses doigts, les entortillant nerveusement les uns avec les autres. Hissant ses mains tout près de son visage, l'enfant fit mine de réfléchir en tapotant ses deux index ensemble, tandis que la rougeur de ses joues se prononçait davantage. « Euh... », débuta-t-il de manière anxieuse, avant de se taire brusquement. Agacée, la femme fit claquer sa langue contre son palais, le pressant de continuer. « Alors? J'attends toujours votre réponse, jeune homme. » Prenant conscience que le silence ne le sauverait pas, Dyfan tenta une réponse à tout hasard : « À l'Ère de la Renaissance du Dieu-Roi! » Il avait formulé ses mots en faisant preuve d'une telle assurance qu'il s'en étonna lui-même, à tel point où il se laissa convaincre d'avoir obtenu la bonne réponse.

Fier comme un paon, il redressa la tête pour admirer le sourire de satisfaction de son institutrice. Néanmoins, lorsque ses yeux s'enracinèrent dans les siens, il reçut de plein fouet la déception qui ombrait son expression faciale. Contractant la mâchoire afin de refouler un soupir, Madame Qiralee croisa les bras au-dessus de sa poitrine. Son regard était plus acéré que la lame d'une épée. « Prenez-vous vos études au sérieux, Dyfan? » Pétrifié par la froideur contenue dans son intonation, le jeune garçon acquiesça vivement en hochant de la tête, n'osant pas se risquer à parler au cas où sa voix resterait bloquée au fond de sa gorge. « Pourtant, cela fait bien une semaine que nous travaillons sur ce chapitre. Dois-je assumer que vous n'avez rien retenu de mes leçons? » Malgré l'intonation qu'elle employa, sa question sonnait davantage comme une menace. Affolé, le jeune Lyrienn s'empressa de démentir son affirmation, retrouvant instinctivement l'usage de la parole. « N-non! » Gêné par son propre bégaiement, il essaya de se reprendre plus dignement. « Non. », répéta-t-il plus bas, feignant une attitude impassible qu'il échoua lamentablement à reproduire. « C'est juste que... » S'interrompant brièvement, il profita de cette pause imprévue pour avaler la salive qui s'était accumulée à l'intérieur de sa bouche. « C'est juste qu'avec mes leçons de piano et mes cours de calligraphie, je n'ai pas beaucoup de temps pour faire tous mes devoirs. » - « Êtes-vous entrain de me dire qu'il vous reste encore des devoirs à finir? » L'accusation était palpable dans sa voix : sifflante, venimeuse, méprisante. Au bord des larmes, l'enfant serra les dents pour s'abstenir de pleurer. « J'ai trop de choses à faire. », geignit-il en haussant le ton. « C'est impossible que je les termine toutes! » - « Vos parents y sont pourtant arrivés lorsqu'ils avaient le même âge que vous. Si vous manquez de temps pour compléter vos devoirs, c'est parce que vous êtes mal organisé. » - « Ce n'est pas vrai! », protesta-t-il avec indignation, alors que sa vision s'embuait de larmes. Frappant la surface de son bureau du plat de sa main, Madame Qiralee imposa son silence. « Cessez de vous plaindre sur-le-champ. », lui ordonna-t-elle sèchement. « Si vous n'améliorez pas vos résultats maintenant, je serais obligée d'en avertir vos parents. » En lisant la panique dans ses yeux, la professeure sourit, visiblement fière de sa victoire. « Reprenons du tout début. » Le cauchemar ne faisait que commencer.




Le décor bascula subitement, projetant l’enfant au cœur d’une autre scène. Celui-ci errait désormais à l’intérieur d’un jardin, zigzaguant entre les haies sans savoir où ses pas le guidaient. En réalité, il se contrefichait de sa destination, se promenant là où bon lui semblait sans égard à l’endroit où il aboutirait. En-dessous de ses yeux, des sillons crasseux s’étaient étalés jusqu’à ses joues, révélant la trajectoire des larmes qui avaient récemment coulé sur son visage. Rageusement, il essuya les dernières traces d’eau qui maculaient ses pommettes à l’aide de sa manche, avant de bifurquer à un tournant au hasard, la colère résonnant à travers chacun de ses pas. « Je la déteste! Elle n’est qu’une sale Sorcière! », s’entendit-il murmurer entre ses dents. Aveuglé par la rage, Dyfan cessa prestement de compter les minutes qui défilaient, renonçant à garder un œil sur le temps. C'est pourquoi il ne réalisa pas que le soleil s’apprêtait déjà à se coucher. S’arrêtant près des racines d’un arbre, il s’assit par terre avant de croiser les bras. Il demeura à l’ombre du végétal pendant de nombreuses minutes, broyant du noir sans se préoccuper de la pénombre qui engloutissait progressivement le ciel. Puis, lentement, la tension qui crispait son corps se mit à se détendre, apaisée par la Nature dont la présence l'aidait à se vider l'esprit.

Alors que l’ire laissait place à la sérénité dans son cœur, alourdissant peu à peu ses paupières, un bruit le tira brusquement de son sommeil – pas celui du Monde Réel, mais bien celui de son rêve. Il lui fallut un moment avant de se rendre compte que le son qu’il avait entendu était, en réalité, un cri, et que ce cri était sorti des lèvres du garçon étendu à côté de lui. Sautant sur ses pieds, le jeune Lyrienn réprima au dernier instant une exclamation de surprise. Tel un aimant, son regard écarlate se laissa attirer par l’ambre du sien, s'enracinant sur son faciès avec un mélange d’inquiétude et de méfiance. « Hé, est-ce que ça va? », demanda-t-il à l’inconnu en se penchant au-dessus de lui. En l’examinant de plus près, Dyfan estima que ce dernier devait avoir le même âge que lui. Pivotant la tête dans sa direction, l’enfant aux cheveux blonds le considéra pendant quelques secondes, avant d’expulser un rire entre ses lèvres. « Ouais, je me porte à merveilles ! », affirma-t-il sans se départir de son hilarité. Pour autant, au bout d’un moment, il cessa subitement de rire, observant son interlocuteur d’un air à la fois gêné et suppliant. « J’aurais sûrement besoin d’aide pour me relever, par contre. Si ça ne te dérange pas. », rajouta-t-il vivement.

Refoulant un sourire derrière ses dents, Dyfan oublia d’emblée toutes ses suspicions, franchissant la distance qui le séparait de l’autre Lyrienn, avant de lui tendre sa main. Celui-ci l’empoigna fermement, se remettant debout avec l’aide de son sauveur inopiné. « Merci! », lui dit-il après s'être stabilisé sur ses pieds. Le Shiofra ne lui répondit pas immédiatement, le jaugeant plutôt de la tête aux pieds avant de rétablir le contact visuel. « Je ne pense pas t’avoir déjà vu avant. », l’informa-t-il. « C’est quoi ton nom? » - « Helios. », lui dévoila-t-il en délogeant les broussailles coincées dans ses vêtements. « Et toi? » - « Dyfan. » Il eut un silence durant lequel ils s’examinèrent mutuellement, par curiosité à l’égard de l’autre. Puis, devançant son congénère à la peau basanée, l'Enfant d'Hekur reprit la parole en premier. « Dis, tu faisais quoi dans cet arbre? » Visiblement embarrassé par sa question, Helios se gratta l’arrière du crâne. « Euh… Je jouais à cache-cache avec ma mère, mais… » Il scruta la pointe de ses bottes. « J’ai glissé sur une branche et je suis tombé. Je ne savais pas qu’il y avait quelqu’un en-dessous de moi! », clarifia-t-il pour s’excuser. Contre toute attente, Dyfan sourit. « C’est bon, ce n’est pas comme si tu m’étais tombé dessus. Mais fais attention la prochaine fois, d’accord? » - « Oui! » S’effleurant la pointe du menton, le jeune Lyrienn fit mine de réfléchir en observant ses alentours. « En tout cas, tu dois être vraiment doué si ta mère ne t’a pas encore trouvé. » Le blond bomba fièrement le torse. « Je suis le meilleur à cache-cache! » Il se tut brièvement. « Dis, ça te tente de devenir mon ami? » Surpris, les yeux du Lyrienn s’arrondirent comme des soucoupes. « Euh… » - « S’il te plaît, dis oui! », l’implora-t-il. « Parce que si tu ne m’aides pas à trouver une autre cachette, ma mère va finir par me trouver! » Devant cet argument, Dyfan n’eut pas le cœur à lui refuser sa demande.



« Helios? » Marchant à travers les haies du jardin qui semblait s’étirer à l’infini, l’Enfant d’Hekur héla le nom de son ami. Quelques minutes plus tôt, Helios avait repéré une nouvelle cachette dans les environs, fonçant tête baissée afin de l’atteindre le plus vite possible. Peinant à suivre sa cadence, Dyfan l’avait rapidement perdu de vue à une intersection. Pour autant, il n’avait pas abandonné la poursuite, déterminé à rattraper le Lyrienn coûte que coûte. Malheureusement, sa traque n’avait jamais abouti au succès qu’il avait tant espéré : Helios semblait s’être volatilisé dans l’air, comme s’il n’avait jamais existé. Les rayons du jour s'étaient éclipsés, cédant le ciel à une noirceur plus sombre que des ténèbres. Privée de sa source de lumière, la Nature s’était mise à dépérir tout autour de lui. Les fleurs se fanaient à une vitesse aberrante, les feuilles se réduisaient en cendres dès qu’elles se décrochaient de leur branche, et même les épines chutaient des conifères dans une pluie d’aiguilles émoussées. À chaque fois qu’il tournait la tête pour examiner ses environs, le jeune garçon était forcé d’assister à la désolation de son paradis, confus, égaré, impuissant. « Helios! », cria-t-il à une deuxième reprise. Son cœur palpitait sous l’effet de la détresse, mais en dépit de sa peur, il ne se détournait pas de son chemin, refusant de partir sans son ami. « Helios! »

À l’horizon, un orbe lumineux apparut dans le néant, irradiant d’une vive lueur azurée, avant de s’éteindre doucement. À la plus grande stupéfaction de l’enfant, une femme se tenait désormais là où la lumière s'était dissipée. L’inconnue arborait un teint de peau sombre qui rappelait sans conteste celui du garçon disparu. Clignant des paupières, Dyfan la regarda se rapprocher de lui sans bouger. Lorsqu'elle atteignit sa hauteur, l’étrangère s’accroupit pour le contempler droit dans les yeux. « Tu le cherches toi aussi, hein? », murmura-t-elle sur un ton dépité. Même son expression faciale s’était altérée pour afficher son abattement. Le Lyrienn la dévisagea longuement. « Qui êtes-vous? », lui demanda-t-il sans dissimuler sa méfiance. « Je suis la mère d’Helios. Mon fils et moi jouions à cache-cache, mais ça fait des heures que je le cherche sans parvenir à le trouver. » - « C’est parce qu’il est le meilleur joueur de cache-cache au monde! C’est lui qui me l’a dit. » Son regard s’abaissa en direction du sol. « Mais il est trop bon pour moi. Je ne sais pas où il est parti se cacher. » Une moue s’inséra sur ses traits. « Mais il faut que je le retrouve avant que… avant que tout disparaisse. », dit-il en désignant le paysage. Contre toute attente, un rire s’enfuit des lèvres de son interlocutrice. « Tu t’inquiètes pour mon fils? » L’enfant acquiesça. « C’est mon ami. », avoua-t-il, comme si ce fait expliquait tout. « Si tu tiens vraiment à le retrouver, tu n’as qu’à le souhaiter. » - « Vraiment? » - « Oui. Mais avant de le faire revenir, il faut tout d'abord sauver cet endroit. Tu ne voudrais pas mettre ton ami en danger en le faisant réapparaître dans un lieu en ruines, n'est-ce pas? » Il secoua la tête. « Bien. Quel sera donc ton premier souhait? » Le garçon songea brièvement à cette question. Lorsqu'il finit par déterminer la formulation exacte de son vœu, il en fit aussitôt part à la jeune femme. « Je souhaite que cet endroit redevienne comme avant. » La Lyrienne sourit, à la manière d’une mère qui était particulièrement fière de son enfant. « Ton souhait a été entendu. » Heureux, l'Enfant d'Hekur s'empressa d'en formuler un autre.

✠ 2 265 mots | Post Unique

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Jämiel Arcesi
~ Alfar ~ Niveau II ~

~ Alfar ~ Niveau II ~
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◈ YinYanisé(e) le : 01/03/2019
◈ Activité : Étudiant à plein temps ; Luthier en parallèle
Jämiel Arcesi
Ven 13 Aoû 2021, 03:15

Fragile Flowers par Pawel Kozera
À l'aube d'une ville nouvelle

La lune s'était déjà levée lorsque Jämiel fit claquer en silence la porte derrière lui. Les chandeliers, encore allumés, le guidait à travers la maisonnée jusqu'à sa chambre vers laquelle il se dirigeait à pas de loup. Même dans les ténèbres il aurait été capable de retrouver son chemin de toute manière. Ça aurait peut-être été mieux d'ailleurs, cela lui aurait évité une conversation qu'il aurait préféré ne pas avoir. En effet, à mi-chemin il fut interpellé par son père qui aperçut enfin sa l'ombre de sa silhouette sur le sol. « Jämiel ? ». Le nommé exhala un souffle ennuyé. Ce n'était jamais une bonne chose quand Líadan prenait le temps d'un tête à tête avec lui. Probablement encore moins quand il venait à attendre son retour jusqu'après la nuit tombée. « Oui ? » répondit Jämiel sans bouger de sa position néanmoins. « Approche, j'ai à te parler. ». Le Sarethi fit claquer la langue sur son palais. « Maintenant ? » tenta-t-il d'esquiver. « Maintenant. ». La voix s'était faite sans appel ni possibilité de réponse. Aussi Jämiel obéit et rejoint son paternel installé dans le salon. « Qu'est-ce qu'il y a ? » l'interrogea-t-il en s'asseyant à son tour sur un fauteuil, délaissant son sac à ses pieds. « Je m'interrogeais. Que s'est-il passé sur Djomir pour que tu laisses une Humaine prendre la première place ? ». Ah. Évidemment. En voyant les résultats tomber, aujourd'hui, il s'était préparé à recevoir quelques remarques ici ou là. Il ne s'attendait néanmoins pas à ce que son père l'attende de cette façon. « Je ne sais pas. Ce n'était pas mon jour je dirais. Je n'y étais pas. Elle a attisé leur curiosité avec des propositions que je ne me suis pas permis de faire. S'ils aiment les propositions dans le vent, tant mieux pour eux. ». En fait, cette femme était juste restée vraie et sans filtres, à l'inverse de lui. Car il aurait pu parler de son Royaume dont il est seul décisionnaire de qui y met les pieds ou non. Mais tant qu'il n'en maîtrisait pas tout les mécanismes, il préférait en conserver le secret, et ça il se garda de le dire. « Tu n'y étais pas. » répéta son père lentement, les mains croisées devant lui. « Ton esprit était occupé par autre chose donc. ». Le Sarethi haussa les épaules. « Possible. » - « Dis-moi Jämiel. Où se trouve Bellone ? ». L'Aisuru se crispa à la mention de son Orine. Pour quelles raisons la mentionnait-il ? « Pourquoi ? » - « Et bien, étant donné le temps passé depuis sa disparition, je me prends à songer qu'elle ne reviendra plus. ». La colère envahi l'être du jeune Alfar qui bondit de son assise et s'exclama sans se soucier de la maisonnée endormie « Comment tu peux imaginer cela ?! Jamais je ne ferai de mal à Bellone ! ». D'un geste de la main, Líadan tempéra l'humeur de son fils. « Les Orines font les plus grandes Muses. C'est pour cela que j'y ai pensé. » expliqua-t-il. Il y eut un court silence. « Oublie-là, Jämiel. ». Le conseil claqua comme un fouet aux oreilles de ce dernier et il lui fallu plusieurs secondes pour assimiler ce qui venait de lui être dit. « De quoi ? » - « Il t'est néfaste de la savoir en vie mais dans le mal. Alors oublie-là, tout simplement. » - « Impossible. ». Ce n'était pas tant une histoire de volonté, quoi qu'elle joue un rôle également, mais il ne pouvait renier aussi facilement ce lien créé. « Pourtant c'est ce que tu peux faire de mieux. Laisse-moi t'apprendre quelque chose que je ne pensais plus devoir t'expliquer un jour. ». Il marqua un temps, ajustant sa position sur la chaise, puis reprit. « Il y a deux sortes de douleur. L'une nous rends plus fort, l'autre est inutile. Elle n'apporte que de la souffrance. L'on ne s'embarrasse pas de choses inutiles. ». Si Jämiel comprenait ce que son père cherchait à lui dire derrière ces dures paroles, il ne put s'empêcher d'être révolté qu'il le lui fasse remarquer dans un tel contexte. « Sauf que Bellone n'est pas une chose. » conclut-il agressivement avant de quitter la pièce pour rejoindre sa chambre dont il fit claquer la porte. Ce soir là, il mit longtemps à s'endormir, la conversation tournant en boucle dans son esprit.



L'endroit avait un semblant de formidable. Jämiel ne se rendait pas compte de ce dans quoi il se trouvait. Mais il le voyait, le sentait. La magie suintait par tout les pores des pierres de ces bâtiments. Qu'il se trouvait en plein cœur de ses rêves ? Ça, il n'en avait aucune conscience comme il n'avait aucune conscience que les lignes de ce rêve étaient finement manipulés par des entités dont il ignorait tout, également, et requéraient sa présence alors même qu'ils étaient la cause d'une partie de sa souffrance.

L'Alfar observa de longues minutes l'imposante fontaine d'où surgissaient, des sculptures en son centre, de nombreux jets d'eaux formant un nuage de bruine à la surface de l'onde. Il s'assit finalement sur le rebord de pierre blanche, faisant fi des gouttelettes venant se nicher dans ses cheveux, puis observa les alentours. Personne. Personne à part lui. Lui sembla-t-il du moins, car nombreux étaient les rêveurs, comme lui, présent au sein de Somnium. Pourtant le silence du peuple et de leurs invités résonnait à travers l'immense cité. C'était curieux. Il faisait pourtant grand jour. Alors il sauta de son perchoir et commença à arpenter rues et ruelles, à la recherche de quelques âmes qui vivent. Il avança, tourna, fit détours contre détours, appela, alla jusqu'à jeter un œil à travers les fenêtres des habitations ou des commerces. Mais rien. Uniquement l'écho de sa voix et de ses pas. Ainsi, au fur et à mesure de ce constat, un second commença à se dessiner à son esprit. Les murs devant lesquels il passait s'effritaient. Les fontaines s'éteignaient. Les pavés s'arrachaient. La nature se faisaient sauvage. La ville, brillante à l'arrivée du Sarethi, perdait peu à peu de son éclat fantasmagorique. Il lui fallut plusieurs minutes pour percevoir réellement la transformation qui s'opérait autour de lui. Ce fut lorsque même ses pas ne lui répondirent plus en écho, tant la matière manquait pour permettre la résonnance du son, qu'il s'arrêta pour observer autour de lui ce qui restait des lieux. La chute d'une civilisation, c'est ce qu'il vit. La nature indomptée et primitive qui rongeait les murs et envahissait les terres n'était plus que la seule entité vivante résidant ici. À Drosera aussi la nature sévissait au cœur même de la cité. Toutefois, quand la Majestueuse s'élevait en symbiose avec la flore, elle était parasite en cette cité. L'Arcesi fixa une grande maison pas trop endommagée mais dont la verdure y était prédominante. Un souffle à son oreille qu'il perçut comme un pressentiment et, d'un vœu silencieux qu'il formula, l'étriquant lierre se rétracta sur la bâtisse qu'il avait envahit. Ses racines ancrées dans la pierre se murent pour guider la plante dans le sens de sa nouvelle pousse et, au fil de cette métamorphose, un bâtiment neuf se dessina sous les feuilles envahissantes. En pierre sombre, on y retrouvait le trait de l'architecture de Mornhîngardh. Son œil se porta ensuite sur le jardin de la petite cour dans laquelle il se tenait. Les ronces s'organisèrent et se limitèrent à la forme de haies. Les plantes qui perçaient à travers le pavé revinrent à la terre et disparurent. Il continua à arranger le jardin jusqu'à transformer l'équivalent d'une reproduction miniature de forêt à quelque chose de propre tandis que derrière et autour de lui, les murets se reformaient et le grand portail sombre en fer forgé se redressa dans ses gonds, débarrassé de sa rouille. Un sourire satisfait se dessina sur le visage du Sarethi avant qu'un mouvement ne lui parvienne dans le coin de l'œil, précédé par le bruit sourd des sabots sur les dalles. Un bicorne au galop, portant une femme aux traits inconnus. Pourtant il l'aurait reconnu entre mille, qu'importait le visage qu'elle pouvait arborer. Suzume ! Elle était là, pleinement consciente et totalement terrifiée. Il ne l'avait pas vu. Mais c'était viscéral. Il devint alors totalement hermétique aux murmures. Ne comptait plus que son Orine, disparue depuis si longtemps, enfin retrouvée.

L'Alfar se détourna de son œuvre pour partir retrouver la source de ses inspirations. À grand pas il se dirigea en la direction qu'eut prise Suzume jusqu'à devoir s'arrêter net, interrompu par un mur qui s'éleva brusquement devant lui. Une boule de nerf s'immisça en son sein alors qu'il exprima son agacement d'un claquement de la langue. Personne ne l'empêcherait de retrouver sa Rose Noire, et d'une volonté se forma un souhait. La pierre vola alors en éclats pour repaver la rue. L'Arcesi accéléra sa course avant qu'on ne l'empêche une nouvelle fois d'aller plus loin. La mâchoire crispée, il tourna les talons, irrité. C'était un duel qui s'offrait sous ses yeux sans qu'il ne s'en rende compte, entre ceux qui favorisaient la reconstruction de leur cité et se moquant de l'effet qu'aurait la rencontre de l'Alfar avec son Orine, et ceux déformant les souhaits des rêveurs appelés afin d'éviter ce contact et les conséquences qu'il pourrait avoir. Après tout, la prisonnière était une source intarissable de vœux, et il serait dommage de la perdre. Quant à Jämiel, il prit par cette dualité réellement conscience de sa capacité à agir sur son environnement. Pourtant il avait l'étrange sensation de n'être que décideur dans cette histoire, et que ce n'était pas sa simple volonté qui avait le pouvoir de tout changer autour de lui. Un peu comme dans le Monde des Contes où les Faes transformaient le paysage comme lui le désirait. Ainsi il pénétra une maison en ruine dont même la porte à l'entrée était à moitié rongée par les mites. En passant le palier, celle-ci se referma sur lui, comme neuve. Alors il avisa les escaliers piqués par la mousse. Son pied sur la première marche, le plancher craqua d'un son effrayant. Rapidement elle se restaura, suivie du reste de l'ouvrage. À chaque marche qu'il franchissait, le rez-de-chaussée regagnait en splendeur et, une fois à l'étage, l'escalier s'allongea vers un nouveau inexistant qui se forma au fil de sa montée, comme celui dans lequel il se trouvait reprenait des couleurs lorsqu'il le quitta. Il ne s'arrêta de grimper qu'une fois sur le toit restauré. Alors il y déploya ses ailes. Toutes. Celles du hibou, les premières qu'il avait acquit de sa volonté propre. Celles grises rachitiques qui l'avaient encombrés à Omi'Ake. Celles des Réprouvés avec lesquelles il revint à lui suite de l'Odon do Dur. C'était la première fois qu'il réalisait telle chose. Il était incapable de voler avec seulement une paire d'ailes normalement. Mais tout lui paraissait possible en ces lieux. Ainsi il s'élança dans le vide et, comme si ça avait été inné, s'envola dans les airs à la recherche de Suzume, loin du sol et des obstacles bloquant son chemin.

Lorsqu'enfin il la trouva, au centre d'une place en ruine, c'est la stupeur qui marqua son visage avant d'être éprit par la colère. Il se posa à plusieurs mètres du duo pour finir le chemin qui les séparait à pieds, son regard ancré sur la silhouette qui tenait compagnie à l'Orine. Lui. Comme un reflet, il se voyait aux côtés de Suzume à la rassurer. Les poings serrés, il sentait sa magie gronder en lui de l'ire qui l'envahit. Qui était cette personne pour oser usurper son identité de cette façon dans l'optique d'approcher son Orine ? « Bellone ! ». Il se saisit de la main de la brune et l'écarta de l'imposteur pour se placer entre elle et lui. « Tiens-toi loin de lui. » siffla l'Alfar en formant une barricade de ses ailes. « Est-ce que tu vas bien ? » lui demanda-t-il d'un ton plus doux sans détacher son regard de lui-même malgré tout. Ce plagiaire lui ressemblait traits pour traits, c'était d'autant plus visible à présent qu'il était si proche de lui. Ce n'était pas la première fois qu'il faisait face à lui-même. Lors de la création du Conte des Trois Royaumes également il s'était retrouvé dans une situation plus ou moins équivalente. Mais il n'avait s'agit que d'un usurpateur. Cette fois également, quelqu'un s'était amusé à lui voler son visage et il ne se laisserait pas faire. Encore moins alors que Suzume était impliquée. Pourtant il ne pourrait pas gagner. Il l'ignorait alors que ses tripes lui disaient de tout faire pour faire disparaitre cette personne. Mais ici, c'était lui l'intru. Ici, ils pouvaient le priver de ses pouvoirs ou y effacer son existence d'un simple claquement de doigts. C'est pourquoi si le double était agacé de l'intervention de l'originel, il n'était pas inquiété. D'ailleurs, sans même qu'il n'ait à intervenir, il se retrouva débarrassé de l'envahisseur, à nouveau à pouvoir jouer son rôle auprès de la Fille des Arts.



Jämiel se réveilla en sursaut. Il s'écoula quelques secondes où il fixa le vide avant de se souvenir de son rêve. Alors il enfouie son visage dans ses mains, cachant la rage et la tristesse. Longtemps il resta ainsi, dans le silence de la nuit, et les ronronnement de Patoune n'y changèrent rien.
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Dyfan Shiofra
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Dyfan Shiofra
Sam 14 Aoû 2021, 01:46


The Crow (Bloodborne) by Anato Finnstark
À l’aube d’une ville nouvelle


À pas de loup, Helios se faufila entre l’interstice de deux arbustes, se frayant le plus discrètement possible un chemin à l’intérieur des broussailles. Au même instant, deux gardes bifurquèrent à l’intersection du passage par lequel il s’était infiltré, alors que son corps disparaissait dans la végétation. Freinant brusquement ses pas, le jeune Lyrienn s’immobilisa sur place, retenant son souffle par anticipation. Le cœur palpitant dans un battement nerveux, il tendit l’oreille pour écouter les échos des bottes qui claquaient contre le pavé. Telles des notes montant en crescendo, le bruit des pas résonnait de plus en plus fort, indiquant à quelle vitesse les deux hommes se rapprochaient de son emplacement : ce n’était qu’une question de secondes avant qu’ils n’atteignent sa position. S’arrêteraient-ils devant sa cachette pour l’appréhender ou, au contraire, poursuivraient-ils leur chemin comme si de rien n’était? Tétanisé par la peur et l’incertitude, la bouche de l’enfant s’était subitement asséchée, drainant le peu de salive qu’il lui était nécessaire pour déglutir. Par réflexe, il avait clos ses paupières, adressant une prière silencieuse aux Ætheri afin de lui porter chance à un moment décisif. Il ne pouvait se permettre de se faire repérer, au risque d’encourir de graves conséquences, d’autant plus qu’il touchait presque à son but, ce dernier l’attendant à moins de quelques mètres derrière la haie du jardin.

Plus tendu qu’une flèche, il entendit le claquement se répercuter tout près de lui : la distance qui le séparait des gardes était désormais si minime qu’il pouvait apercevoir l’ombre de leurs silhouettes se projeter contre les branches d’arbres. Le bruit de leur souffle parvenait également jusqu’à ses oreilles, transportant avec eux les paroles qu’ils s’échangeaient mutuellement. « Il n’y a rien ici. », murmura le premier homme à son collègue, sans dissimuler le mécontentement contenu dans sa voix. « Je suis pourtant sûr d’avoir vu quelqu’un dans le coin! », se défendit le second en haussant légèrement le ton. Coincé entre les deux arbrisseaux, l’Enfant de Shaana n’osait ni bouger ni respirer, paralysé par une terreur qui ne faisait que s’accroître de manière exponentielle. « Vous ne me voyez pas, vous ne voyez rien du tout. », répéta-t-il mentalement, comme si ce geste pouvait conjurer le mauvais sort. « C’était probablement un animal, comme un raton-laveur ou un chat errant. », argumenta le garde. Son partenaire grogna, mais le son qu’il produisit sonnait davantage comme un grincement. « Non, ce que j’ai vu était bien plus gros qu’un chat. » Il eut un silence durant lequel seul le bruissement du vent se faisait entendre, sifflant, menaçant, tendu. Helios avait l’impression de suffoquer, tant la pression de l’air était écrasante, insoutenable. Il aurait souhaité disparaître sous terre, hors du radar des gardes dont la persistance le mettait en danger. Combien de temps devait-il patienter avant que ceux-ci abandonnent leur chasse à l’homme? Ou, pire encore, qu’ils le retrouvent? « Dans quelle direction est-il parti? », demanda le second homme en rompant le silence. Son collègue de travail ne lui répondit pas immédiatement, sans conteste pour réfléchir à sa question. « Je ne sais pas, lui avoua-t-il après une seconde, mais s’il ne se trouve plus ici, c'est probablement parce qu'il doit avoir pris le tournant là-bas. » - « Ou il est parti se cacher dans les broussailles. » Pendant une fraction de seconde, Helios crut que le garde allait inspecter la haie pour vérifier qu’aucun intrus ne s’y dissimulait. En y réfléchissant bien, il l’aurait probablement fait si ce n’était pas du miaulement qui retentit à proximité, résonnant dans la noirceur tel un augure de mauvais présage. Surpris, le cœur du Lyrienn bondit spontanément à l’intérieur de sa poitrine, tandis que le garde suspendait son geste, redressant le cou pour observer ses alentours. « Un miaulement. », dit-il en s’éloignant des buissons. Sa voix laissait transparaître sa contrariété. « Il s’agissait bien d’un animal, finalement. » Se pinçant les lèvres, l’enfant refoula au dernier instant un soupir de soulagement pour ne pas alerter les deux hommes de sa présence. « Hum… » Celui qui avait donné l’alerte ne semblait pas entièrement convaincu. Pour autant, il ne reprocha pas à son collègue d’avoir renoncé à examiner la haie. « Continuons à inspecter les environs, juste au cas où. Nous ne pouvons pas écarter la possibilité que l’intrus, s’il y en a bien un, se soit transformé en chat pour passer inaperçu. » Ne trouvant aucun argument à opposer à la logique de son partenaire, l’autre garde ne put que lui donner raison. Pivotant en direction de l’allée, les deux hommes s’empressèrent de se remettre en marche pour rattraper le félin, manquant de peu l’intrus qui se cachait sous leur nez.

Ce dernier se permit d’exhaler un souffle afin de soulager ses poumons qui avaient cessé de filtrer l’oxygène à travers ses vaisseaux sanguins depuis un bon moment. Cependant, au lieu de poursuivre sa route à l’intérieur des buissons, il opta plutôt pour demeurer sur place, attendant que les échos des pas se soient suffisamment éloignés avant de bouger. Après s’être assuré que la voie était libre, l’Enfant de Shaana se remit instantanément en mouvement, forçant son chemin entre les épines des arbustes. Réprimant tant bien que mal les grognements de douleur qui menaçaient de quitter ses lèvres, il persévéra jusqu’au bout de son périple, en dépit des aiguilles qui lui entaillaient la peau. Dans un dernier élan vigoureux, il réussit à franchir la barrière de conifères, débouchant près de la façade sud du domaine des Shiofra, en-dessous d’une fenêtre dont les rideaux étaient légèrement entrouverts. Passant outre le fait qu’aucune lumière n’était allumée dans la chambre, le jeune garçon se pencha au sol pour ramasser une pierre qu’il jeta adroitement sur l’encadrement de la vitre, trahissant l’accoutumance de son geste. Au contact du bois, le caillou émit un bruit sourd – BONG! – avant de retomber par terre. Puis, il eut un silence. En constatant que l’occupant de la chambre ne réagissait pas, le Lyrienn réitéra sa manœuvre, propulsant une autre pierre contre les battants. Toujours rien. Alors qu’il se préparait à jeter un troisième projectile, une silhouette apparut de l’autre côté de la vitre, ouvrant la fenêtre en grand pour localiser la source du vacarme. Dans une cascade de boucles vermeil, un enfant s’inclina au-dessus du vide, braquant son regard tout aussi enflammé dans celui de son visiteur. À sa vue, les yeux du rouquin s’agrandirent. Visiblement, ce dernier était surpris de le voir ici. « Helios? Qu’est-ce que tu fais ici? », chuchota Dyfan pour éviter que sa voix ne se porte trop loin. « Je t’expliquerai plus tard. », lui répondit le blond sur le même ton. « Rejoins-moi près du boisé. Je t’y attendrais, mais dépêche-toi : c’est vraiment urgent! »



Coupure. L’instant suivant, les deux Lyrienns étaient assis l'un en face de l'autre dans le boisé, chacun tenant des cahiers de notes entre les mains. « Ça ne pouvait pas attendre à demain? », se plaignit le Shiofra en déposant ses papiers par terre. « Non. », affirma Helios en secouant la tête. « Mon test, je l’ai demain en matinée justement, et je n’ai toujours rien étudié. » Son ami leva les yeux au ciel. « Il faut vraiment que tu prennes tes études plus au sérieux. » - « J’essaie, sauf que l’histoire, ça ne m’intéresse pas. » - « Tu dis la même chose des mathématiques, de la calligraphie, de la géographie et de la politique! » - « Parce que toutes ces matières sont ennuyeuses. », geignit-il en se laissant tomber au sol. Pour autant, sa tactique ne suffit pas à attendrir le cœur de son congénère. « Peut-être, mais tu n’as pas le choix de passer ces cours si tu veux graduer de l'école primaire. » Boudeur, le Myrha croisa les bras. « Je déteste l’école. », souffla-t-il en gonflant ses joues. « Ne dis pas ça. C’est là-bas où se jouera tout ton avenir. » Grommelant entre ses dents, le garçon aux cheveux blonds se redressa. « Tu vas m’aider, oui ou non? » Dyfan soupira. « Fais-moi voir ça. » Il s’empara du papier que son ami enserrait entre ses doigts, survolant brièvement les notes qui étaient inscrites dessus. « Sur quoi portera ton test? », lui demanda-t-il au milieu de sa lecture. Souriant d’un air béat, Helios s’empressa de lui répondre, visiblement soulagé que l’Enfant d’Hekur ait accepté de lui prêter son aide, malgré sa requête de dernière minute. Il savait à quel point son ami détestait les imprévus. Pour autant, ce dernier avait accepté de contrevenir à ses propres principes afin de lui apporter le soutien dont il avait besoin : et rien que pour cela, il lui serait éternellement reconnaissant. « Sur le Conseil d’Aeden! » Le Lyrienn ne souffla pas un mot, mais le hochement de tête qu’il effectua vaguement suffit à indiquer son écoute attentive. C’est pourquoi Helios se permit de poursuivre ses explications. « Le problème, c’est que je n’arrive pas à retenir le nom des Esprits Élémentaires. » - « Sérieusement? » En voyant la lueur de détresse danser dans les prunelles de son ami, le Shiofra adoucit légèrement le ton. « Je vais te dire leur nom, mais t’as intérêt à bien les retenir! Je ne serais pas toujours là pour t’aider. » - « Je le sais bien, ça! » Le garçon sourit. « Mais n’empêche, t’es vraiment le meilleur, Dyfan! » Gêné, le Lyrienn plongea le nez dans son cahier afin de masquer sa rougeur.



Une seconde plus tard, et le décor changea à nouveau. Dyfan était désormais posté sur un balcon, les mains en appui sur la balustrade. Son visage n’arborait plus les traits d’un enfant, mais plutôt ceux d’un jeune adolescent. Devant lui s’étendait une ville qu’il surplombait de la hauteur de son perchoir, tel un Roi contemplant son royaume. À ses côtés, Helios profitait également de la belle vue, admirant les tours d’or et d’argent qui se hissaient à travers l’horizon. Lui non plus n’avait pas gardé son air juvénile : physiquement, il avait le même âge que son ami aux cheveux écarlate. Pendant de longues minutes, aucun d’entre deux n’osa prendre la parole, laissant au silence ses pleins droits afin d’observer tranquillement la Cité. Puis, dans un murmure qui faillit se faire emporter par la brise, le Shiofra brisa la sérénité dans laquelle ils étaient plongés. « Demain, je vais quitter Djomir. », annonça-t-il sans tergiverser sur des salutations. Stupéfait, le jeune homme se retourna en direction du Lyrienn, ancrant l’or de ses iris dans le feu des siens. « Quoi?! », s’exclama-t-il, un peu bêtement. Indifférent à l’égard de sa confusion, Dyfan soutint le poids de son regard sans ciller, l'expression plus dure que le marbre. « J’ai été accepté à Basphel. », lui expliqua-t-il. « C’est donc là-bas où je vais passer les sept prochaines années. » - « Mais… », tenta-t-il de protester, mais son ami ne lui en laissa jamais l’occasion, le coupant brusquement avant qu’il n’ait le temps d’approfondir sa pensée. « La décision est définitive. Tu ne peux rien y changer. » Helios n’émit aucun commentaire. Il avait bien constaté la façon dont Dyfan avait formulé sa phrase : il avait dit la décision, comme si cette dernière ne lui appartenait pas. Il devait donc s’agir d’un choix que ses parents avaient pris pour lui, sans nécessairement le consulter. Aussi déplorable que soit ce constat, le Myrha ne s'en étonnait malheureusement pas. Pour autant, le désespoir qui s'abattit brusquement sur lui fut plus poignant que tout ce qu'il avait ressenti au cours de sa vie.

Au-dessus de leur tête, le ciel s'était subitement assombri, étouffant la lumière qui baignait auparavant la Cité. Des ombres macabres se dispersaient à travers les rues, faisant chuter les bâtiments et les édifices qu'elles noyaient au cœur des ténèbres sans provoquer le moindre bruit. Même la Nature dépérissait à leur contact, virant au gris poudreux avant de se désagréger en nuage de cendres. Les deux Asgjës assistaient au déclin d'une civilisation, alors que leur propre rêve s'effondrait. « Laisse-moi venir avec toi. » Plus qu'une demande, il s'agissait d'une supplication. Attendri par la souffrance contenue dans sa voix, Dyfan lui sourit vaguement. « C'est impossible. », lui dit-il. « Tu le sais aussi bien que moi. » Les lèvres frémissantes, Helios inspira profondément. « Me rendras-tu visite? », s'enquit-il dans un murmure. Le Lyrienn ne lui répondit pas, mais son silence fut amplement révélateur. L'anéantissement s'écrasa sur lui comme une ancre jetée dans la mer. « Je suis désolé. » C'en était trop. Son cœur ne résisterait jamais à cette rupture douloureuse. « Contrairement à toi, je n'ai pas la possibilité d'exaucer mes propres vœux. », lui chuchota-t-il à l'oreille. Puis, lentement, son être se mit à s'estomper à la manière d'un nuage de fumée, devenant intangible à son toucher. Cette fois, l'Enfant de Shaana ne put maintenir son sang-froid, libérant un torrent de larmes qui inonda son visage. « Non, non, non! » Douleur, affliction, folie. Son univers s'était subitement astreint à ses trois émotions, infestant son esprit comme la peste. Épris de folie, ses doigts s'agitèrent frénétiquement dans les airs pour agripper les derniers fragments de son ami qu'il désirait garder près de lui. « Ne t'en va pas. Ne t'en vas pas, je t'en supplie! » Autour de lui, il ne restait que des ruines. Somnium était tombée au même moment où son confident s'était volatilisé. Tombant à genoux, Helios se mit à crier. Il cria jusqu'à ce que sa voix se brise en un souffle éreinté. Contrairement à toi, je n'ai pas la possibilité d'exaucer mes propres vœux. Ces mots tournaient en boucle dans sa tête, comme une musique dont les notes, anormalement claires, résonnaient sans fin dans son esprit torturé par la tristesse. Pourquoi? Contrairement à toi. Le jeune homme ferma les yeux, réfléchissant au sens contenu dans ces paroles. À toi. Contre toute attente, un rire s'enfuit subitement de ses lèvres, aussi amer que fou. Comment avait-il pu passer à côté de cette évidence? Si Dyfan était incapable d'exaucer ses propres souhaits, alors il n'avait qu'à le faire à sa place. C'était la moindre des choses. « Je souhaite que tout redevienne comme avant. »

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Kaahl Paiberym
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Kaahl Paiberym
Lun 23 Aoû 2021, 12:38



À l'aube d'une ville nouvelle


« Sculpteur de Rêves… » Le souffle me parvint comme une irréalité. J’ouvris les yeux dans un espace fait de lumière. Il n’était pas vide ou, du moins, je ne le ressentais pas ainsi. Cela faisait longtemps que je n’avais plus ressenti cette sensation. La dernière fois… Le rêve me revint avec violence. J’écarquillai les yeux. Érasme. « Érasme… » répétai-je, à voix haute. Le murmure me revint en écho et j’eus l’impression d’avoir commis une erreur, comme si prononcer son prénom allait suffire à l’invoquer. Tout me paraissait bien plus clair ici et je n’eus plus aucun doute sur notre réalité. Il était mon frère. Je le ressentais comme l’étant. Nous appartenions aux songes. Pourtant, là où je pouvais m’apparenter à l’Enfant des Rêves, lui était plutôt l’Enfant des Cauchemars. Je fronçai les sourcils, alternant entre des phases de clairvoyance et d’aveuglement. Nos Destins étaient-ils à ce point liés, où que nous nous trouvâmes ? J’étais loin de me douter de l’étendue des croisements de nos fils de vie. Ils s’emmêlaient, s’entremêlaient et se fondaient l’un à l’autre pour mieux se scinder par la suite. Personne n’aurait pu nous séparer. L’un et l’autre représentions des idées contraires. Nous avions besoin l’un de l’autre et, paradoxalement, l’un de nous devrait courber l’échine devant son frère. La finalité serait celle-ci. Du moins, c’est ce que le chemin tracé par les Oracles nous promettait. Mais, parfois, les vieilles croyances tombaient en désuétude, surtout que notre père gardait ce secret caché et ne nous en avait jamais parlé. Malgré ses volontés de nous faire exister dans deux mondes distincts, le labyrinthe de nos vies n’en restait pas moins un seul et unique dédale. Enfermés à l’intérieur, nous ne cesserions jamais de nous apercevoir, de nous croiser et de nous confronter.

« Sculpteur de Rêves… » Je me tournai précipitamment, pour essayer d’apercevoir le détenteur de la voix qui m’appelait. Je n’y parvins pas mais remarquai que je n’étais plus dans cet espace lumineux que j’avais précédemment foulé, ce même lieu qui m’avait plongé dans une réflexion étrange. Je me trouvais au beau milieu d’un champ d’opium et de pavot à présent. Les fleurs rosées m’entouraient et semblaient s’étendre à l’infini. « Lucius. » Je crus d’abord, par un étrange processus, qu’il s’agissait de la même voix que précédemment. Pourtant, elle n’avait rien à voir. Elle était différente, plus chaude. « Qui êtes-vous ? » demandai-je, à présent en face d’une jeune femme que je ne connaissais pas. Elle était rousse aux yeux verts. Inconsciemment, elle me rappela Astriid et Eméliana mais elle possédait une aura bien plus similaire à celle de la première qu’à celle détenue par la seconde. Je la contemplai, mon regard caressant les formes que sa robe ne cherchait pas à cacher. Son visage laissait percevoir son trouble. « Je m’appelle Odile. » articula-t-elle. À la frontière entre le rêve et la réalité, j’arrivais à la voir. Étrangement, en la regardant avec attention, elle me semblait familière. Comment aurais-je pu me rendre compte que la Fae vivait avec moi depuis le jour de ma naissance ? Comment aurais-je pu me souvenir qu’elle se penchait déjà sur mon berceau alors que je ne savais pas encore parler ? Je la détaillai. Elle était plutôt petite et sa tenue était de la même couleur que le champ dans lequel nous nous trouvions. « Où sommes-nous ? » demandai-je. Elle sembla hésiter. « Les fleurs disent que nous sommes à la frontière entre le rêve et la réalité, à la frontière entre le Monde des Rêves et Somnium. » « Somnium… » « Elles disent que tu es connu chez les Génies. » Elle arrêta de parler un temps. « Que tu es le Sculpteur de Rêves. » Aucun de nous deux ne savaient que ces fleurs n’étaient pas des réalités et qu’elles appartenaient au passé. La Fae leva les yeux vers moi. J’étais la seconde personne qui la voyait. « Je ne sais pas si nous devrions discuter… » murmura-t-elle. Je m’avançai. « Pourquoi ? J’aime bien discuter avec toi. » Je la connaissais et la familiarité venait de ressortir seule. Comment traiter comme une étrangère une entité qui veille sur nous depuis le commencement ? « Oh. » fit-elle, en baissant doucement la tête, ses joues prenant une couleur rosée. « Les fleurs disent que, avant, ce monde était beau mais qu’il est tombé en ruines avec la disparition de ceux qui l’ont créé. » Je regardai autour de moi. Ce qui s’imposait à ma vue était magnifique. Comment aurait-ce pu l’être davantage ?

Après un silence, elle me posa une question étrange. « Tu n’aurais pas croisé le Protecteur des Étoiles par hasard ? » « Le Protecteur des Étoiles ? Qui est-ce ? » « C’est quelqu’un qui veille sur moi. » Je fis un tour d’horizon, comme si le fameux individu aurait pu s’y trouver. « Non. Je n’ai croisé personne. » « Je vois… » fit-elle, déçue, avant que son expression ne changeât. Elle me fixa et un sourire apparut sur ses lèvres. « Mais ce n’est pas grave parce que, aujourd’hui, enfin, nous pouvons nous rencontrer. » « Alors c’est vrai ? Nous nous connaissons. » « Oui. Je vis avec vous tous depuis longtemps. » J’eus soudain une sorte de révélation. Tout semblait bien plus facile en rêve. « Mais ! C’est toi la petite créature à qui Gustine, Pauline et Cendre donnent à manger ? » Elle sembla légèrement embarrassée mais répondit tout de même. « Oui. Je vis avec Cendre maintenant. Elle est tellement belle. Elle ressemble à un bleuet. » « Cendre ? » Elle se mit à rougir. « Oui. C’est dommage qu’elle vive avec un homme. Ce n’est pas très beau, les hommes. » « Hé ! » m’insurgeai-je. Ça la fit rire. Je ne lui en tins pas rigueur. « Toi, tu ressembles à une rose. » « Oh non ! Les roses sont tellement hautaines. Je trouve cela dommage qu’elles soient toujours mises en valeur dans les romances alors qu’elles ont un sale caractère. » « Tu aimerais être quoi comme fleur ? » « Hum… Un Cœur-Saignant ou un Lotus. » Je n’y connaissais rien en fleurs. « Et moi ? » « Toi ? Tu serais une fleur de cerisier. » « Et mon papa ? » « Ton papa… Une Lily de la Vallée ou, mieux, une Aconit ou une Trompette d’Ange. » dit-elle. Je haussai les épaules, ignorant les propriétés toxiques voire mortelles de ces plantes. Odile savait des choses que beaucoup ignoraient. Elle n’avait pas encore conscience de toutes les conséquences que ses connaissances pouvaient avoir. Surtout, elle jouissait pour le moment d’une protection qui la rendait invisible. Ce ne serait plus le cas dès que sa magie augmenterait encore. L’aura qu’elle dégagerait alors pourrait emporter son anonymat pour les regards expérimentés.

La Fae baissa les yeux vers le champs. « Les fleurs souhaitent que nous désirerions la renaissance de Somnium. » murmura-t-elle. « Comment pouvons-nous faire ? » « Il suffit de le vouloir apparemment… » Elle prit soudainement un air triste. « Ce champ n’existe pas d’après elles. Il n’est qu’un souvenir lointain. Elles disent que les Djinns cultivaient l’opium par le passé pour apaiser leurs propres maux. Elles murmurent que la condition de Génie est difficile et que fumer les aide, qu’ici, ils peuvent se reposer. Pouvaient. » Je ne savais pas que l’opium était de la drogue. Le champ n’avait pas été cultivé depuis longtemps. Partout, les fleurs avaient éclos ou presque. Quelques pavots restaient fermés mais ils étaient rares. « Il faut que nous le souhaitions de toutes nos forces. » précisa-t-elle, comme si elle avait eu davantage d’informations. « Je vais le faire. » dis-je, avant de lui attraper les mains. « Je souhaite que ce champ soit le plus beau champ d’opium de tout l’univers ! Je le cultiverai s’il le faut ! » Je n’avais aucune idée de comment il fallait s’y prendre mais j’étais simplement déterminé à aider Odile et les Génies.

Quelques minutes plus tard, je questionnai la Fae. « Est-ce que les fleurs pourraient me dire si Érasme est ici ? » « Érasme ? » « C’est un Sorcier. » précisai-je. Il y eut un silence et elle releva les yeux vers moi. « Oui. Il a été appelé également. »

1397 mots
Lucius et Odile souhaitent que les champs d'opium et de pavot retrouvent leur splendeur  [Event] A l'aube d'une ville nouvelle 943930617
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Maximilien Eraël
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Maximilien Eraël
Sam 28 Aoû 2021, 18:31


À l'aube d'une ville nouvelle

Maximilien ignorait où il se trouvait. Le fait étant que les lieux étaient délabrés et semblaient absent de toute vie. Il y visualisa alors Utopia. Ce n'était pas l'ancienne capitale, il n'aurait pas ce sentiment d'inconnu sinon. Toutefois il avait ce même sentiment que lorsqu'il avait redécouvert la ville après l'Eveil. Triste. Abîmée. Perdue. Abandonnée, tout simplement. En fait, il avait l'impression d'avoir une réalité alternative devant lui. Celle où la totalité du peuple Humain aurait déserté Utopia, ne laissant que les fantômes des souvenirs. Avec le temps, ses murs et ses maisons se seraient trouvés ensevelis sous le sable, balayé par les tempêtes du Désert, alors serait née une deuxième Qaixopia. Cette ville semblait avoir vécu ce destin tragique, sans l'ensevelissement. Le Kaaiji se demanda dans quelles mesures la guerre des dieux avait réellement frappée le monde, bien qu'il ne soit pas tout à fait certain que le délabrement de cette cité soit une conséquence de cette guerre. « Somnium. ». Maximilien s'écarta d'un pas, surprit, en entendant la voix à ses côtés. Il ne l'avait pas entendu arriver. Méfiant, il dévisagea en silence l'inconnu. « C'est comme ça que cette ville s'appelle. » précisa ce dernier, imperturbable. « C'est désolant, n'est-ce pas ? » - « Qui êtes-vous ? » interrogea enfin l'Obstiné. Il s'écoula quelques secondes où l'inconnu se plongea dans le regard de l'Humain qui fût parcouru d'un frisson désagréable tant ses iris claires semblaient percer son âme. Puis l'homme se détourna du rouquin pour repartir dans la contemplation de ce monde déchu. « Rêve, Cauchemar, Nomade, Visiteur, Faiseur de miracles, Fauteur de troubles... Guide pour toi, pourquoi pas. Je te laisse décider. » - « C'est bien abstrait tout ça et ça répond pas vraiment à ma question surtout. ». Un rictus pointa la commissure des lèvres de l'anonyme face à l'agacement visible de son vis-à-vis qui n'obtiendrait pourtant jamais satisfaction, ni aujourd'hui, ni demain. « Est-ce si important ? Qu'y a-t-il dans un nom ? Ce que nous appelons rose, Par n'importe quel autre nom sentirait aussi bon. ». Maximilien dévisagea l'intru, dubitatif et se demandant si celui-ci n'était pas atteint par la folie. « Mais puisque tu tiens tant à me nommer, appelle moi Isham. ».

De longues secondes s'écoulèrent avant que celui-ci ne reprenne la parole. « Sais-tu ce qu'il se trouvait là ? » - «  C'est la première fois que je viens ici alors non je ne sais pas. » répliqua Maximilien qui ne bougea pas. « J'aurai espéré que tu te tente à deviner. » répliqua Isham, déçu de la réaction de son interlocuteur. Alors, Maximilien prit une longue inspiration et détailla la scène devant lui. Des rochers éparses ponctuaient un grand terrain vide duquel s'échappaient d'entre les pavés des touffes d'herbes sauvages. « Un terrain pour que les Zihaags puisse faire le jeu du caillou sans défoncer les structures de la ville ? » railla l'Obstiné en croisant les bras, décochant un rire de la part de son vis-à-vis. « Ça aurait pu si les Zihaags existaient à l'époque, en effet. ». Cette remarque interpella le Kaaiji. Depuis quand cette ville était en ruine ? « Mais ce n'est qu'une place, tout simplement. La plus grande de ce Royaume ceci dit. Splendide avec ses fondations surélevées, ses immenses marches de pierres blanches et sa fontaine surplombant l'entièreté de la place et s'écoulant dans le canal en contrebas. ». Ne subsistait que les marches à moitié détruites par les racines des arbres et le dessin du canal, vide, colonisé par la mousse et les lentilles d'eau. Même la place, envahie de décombres et de nature, n'avait plus rien de ce qu'elle était sensée être, soit, un lieu de rassemblement. Il avait raison. C'était désolant. « C'est pour ça que tu es là, toi, un bâtisseur. ». Maximilien fixa l'homme, intrigué par ses paroles. « Dis-le moi de suite si tu cherches juste à me dire de reconstruire ça. ». Son vis-à-vis effectua une moue qui lui fit comprendre que là était clairement son rôle. « Alors il va falloir te mettre sur liste d'attente, je suis déjà demandé ailleurs. » ria l'Obstiné tandis que les plans pour Volatys s'entassaient chez lui et que les travaux ne faisaient que prendre du retard. Pourtant, ce fut le rire bref d'Isham qui coupa court à son hilarité. « Quoi ? » - « Inutile. Tout va se régler ici et maintenant. » - « Quoi ? » se répéta Maximilien. « Viens avec moi. » fit seulement son interlocuteur en tournant les talons. « Viens. » insista-t-il en voyant que le Kaaiji ne bougeait pas.

Ils traversèrent une large rue marchande, distinguable à la taille de celle-ci plus que par les devantures piquées, rongées et, pour certaines, absentes. On pourrait se croire dans une ville fantôme tant le silence des chaumières était pesant. « Il n'y a pas que la grande place qui est à refaire. Absolument tout ici mérite un coup de neuf. » - « C'est une entreprise de ravalement vous auriez dû demander alors. ». Un sourire en coin se dessina sur le visage d'Isham. « N'importe qui peut apporter sa pierre ici. À condition de le souhaiter. » - « N'importe qui, tu en es sûr ? » railla Maximilien. Il pouvait admettre qu'une race quelconque pouvait, avec une parole, construire une ville entière. Mais ce n'était sûrement pas le cas de son peuple. « Le pouvoir des mots est bien trop négligé, d'autant que nous ne sommes pas dans votre Royaume exempt de Magie. ». Le visage du rouquin se défit. En effet, il n'y avait pas prit attention plus tôt, mais cet homme ne semblait souffrir d'aucune répulsion à son égard. Ce pourrait se comprendre si l'endroit était peuplé. Mais en l'occurrence ils n'étaient que tout les deux, en apparence du moins. Alors il recula d'un pas, soudain suspicieux. À quel point cette personne était-elle assez puissante pour qu'ils puissent se promener côte à côte sans qu'il ne pâtisse de son Ma'Ahid ? « Ce n'est pas parce qu'un lieu est imbibé de magie que je serai capable d'en faire usage. » répondit le Kaaiji plus sèchement que précédemment. « Non en effet et pourtant ça ne t'engage à rien d'essayer. Au mieux tu seras étonné, au pire tu seras tombé dans un panneau que tu aurais vu. » répliqua le guide sur un air de défi. Maximilien exhala un souffle agacé et s'arrêta au milieu de la rue. S'il était certain de ses dires, elles ne valaient que sur les Terres de Sympan. Hors il ignorait ne pas y être tout à fait. « Très bien. Je souhaite que cet endroit redevienne ce qu'il était avant sa chute. » clama-t-il sans détacher son regard des iris opalescentes de son vis-à-vis. Il y eu quelques secondes de latence où les deux protagonistes se tenaient comme deux chiens de faïence sans que rien ne se passe. Et, alors que l'ébauche d'un sourire victorieux esquissa les lèvres du rouquin, les bâtisses tout autour commencèrent à afficher des façades neuves, des toitures intactes, et des fenêtres sans le moindre bris. L'herbe sauvage s'évapora entre les dalles de la rue. Et Maximilien observait ça d'un œil ébahi sous celui rieur d'Isham. Un détail interpella néanmoins ce dernier et son visage reprit plus de sérieux. Devant eux venait apparaître une créature au pelage des ténèbres, sortie d'une rue perpendiculaire. L'animal, qui s'était assis au milieu de la grande allée, semblait avoir un poil fait de fumée noire et fixait de ses deux billes céruléennes Maximilien et son guide. « Qu'est-ce...? ». Une question plus posée à lui même qu'au rouquin, car il avait connaissance de la faune des rêves — il n'était d'ailleurs pas si étrange d'en croiser dans les rues de la ville depuis son effondrement — et celle-ci n'en faisait pas partie. Il pouvait même voir dans le regard de la bête une lueur différente en fonction de si son attention était posée sur lui ou sur l'Humain. « Un loup. » répondit sobrement ce dernier. Mais pas que, songea le duo. Pour Isham, la simple présence de cette créature était anormale. Ils étaient sur son domaine ici, celui des Rêves. Il pouvait décider si l'Humain verrai ou non un loup ou n'importe quel autre animal de cet acabit, hors il n'avait aucune prise sur cette créature. D'autant plus avec le souhait que le Kaaiji venait de faire, aucune bête sauvage n'aurait dû être présente. C'était donc quelque chose d'autre qu'il n'avait jamais eu l'occasion de voir. Mais pour Maximilien c'était encore différent. Ce n'était pas une simple déduction ou supposition. Il savait ce que c'était. Le fait étant qu'il n'avait jamais réussi à leur donner une image positive. Était trop ancrée dans son esprit ce à quoi ils étaient associés par le passé. D'autant que, la première fois qu'il eut l'occasion de le voir, c'était peu de temps avant le décès de Mehreen, ce qui avait eu pour effet de lui faire confirmer cette croyance. L'animal se mit à aboyer comme s'il avait ressenti les réticences du duo. Isham particulièrement. Il n'aimait pas cet animal inconnu. Aussi s'évada-t-il sans un mot, laissant l'Humain en face à face avec et observant la scène d'un point de vu inaccessible aux rêveurs.

C'est à peine si Maximilien remarqua le départ d'Isham. Sa présence s'était déjà évanouie dans les souvenirs brumeux de son rêve. Par contre, c'était une autre histoire pour le loup. « Je te connais. » lâcha-t-il dans un souffle. Il ne parlait pas seulement du fait d'avoir déjà eu l'occasion de le voir à plusieurs reprises. Là, alors qu'il prenait le temps de détailler la bête immobile, il avait le sentiment de réellement la connaître comme on connaît un frère, ou une sœur. Alors il ne fit rien pour la chasser cette fois. Il attendit que le loup approche, à pas feutré puis s'accroupit et tendit sa main, paume ouverte vers le ciel, sans dire un mot. Il dut attendre plusieurs secondes avant que l'animal ne s'approche assez pour trouver sa paume. Alors, doucement, le rouquin fit glisser sa main sur le museau, puis la tête avant de trouver l'encolure de l'animal, une expression surprise au visage. C'était doux, mais pas de la douceur de la fourrure. Ça ressemblait plus à.... Des plumes. C'est également lors de ce contact qu'il fut frappé par l'évidence. « J'ai été carrément con, hein ? ». Il ne s'attendait pas à une réponse, bien sûr. Pourtant il cru lire un "carrément" dans l'œil du canidé.
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Sam 28 Aoû 2021, 22:53



La graine du changement


Une tour noire glisse sur des carreaux de verre. « Echec. » Je me téléporte de l’autre côté de la table et, pensif, commence à réfléchir à ma prochaine action. Je poursuis la 842e partie d’échecs contre moi-même, ou plutôt entre des personnages de mon invention. Le tableau des scores, derrière moi, s’étend sur plusieurs mètres. Tout en bas, on y trouve le nom de Jade griffonné : c’est loin d’être la meilleure, mais elle a gagné 23 fois contre Hector, son adversaire dans cette partie. Elle est très proche de sa 24e victoire contre lui, mais ce n’est pas encore gagné : son plus grand défaut est sa tendance à se saboter à la fin, trop contente de faire durer le plaisir quand elle est en contrôle. Cela pourrait lui porter préjudice, Mais Hector, d’un autre côté, est sensible à la provocation : il est trop susceptible. Je déplace mon roi après avoir réévalué les possibilités d’Hector.

Soudain, une voix interrompt mes pensées et résonne dans tous les recoins de mon habitacle. Je suis tellement surpris que ma projection se craquelle, faisant tomber tous les membres de mon corps au sol. « Génies ! Notre Cité se meurt… » C’est une voix impérieuse que je me sens contraint d’écouter avec toute mon attention. « Elle dépérit jour après jour. Il s’agit de notre Passé, de notre Histoire. Je réclame votre aide afin de la sauver, je vous réquisitionne pour la reconstruire. Que jamais plus, les Génies ne soient privés d’un lieu pour se rassembler. » Les Génies ont un lieu pour se rassembler ? Première nouvelle. « Que jamais plus, ils ne soient dispersés aux quatre coins des Terres de Sympan. Parce que Somnium est et restera notre demeure.  » Somnium… ce nom m’est inconnu. Mais je me sens désormais obligé de respecter ces paroles : je dois absolument connaître cet endroit. Encore faut-il que je puisse déplacer ce fichu habitacle. « Infiltrez-vous dans les Songes, montrez à nos Rêveurs la beauté de notre Capitale et encouragez-les à recréer ce qui a disparu. C’est de nos actes que dépendra notre futur. Je compte sur vous ! » Alors que je me ressaisis tant bien que mal de mon choc et que mon corps se reconstitue, une arche apparaît soudain devant moi : la Porte des Songes. Voilà qui répond déjà à l’une de mes questions.

« On va considérer que j’avais perdu », dis-je tout haut. J’empoigne mon roi et le lance derrière moi en me levant. La pièce retombe sur les pavés immatériels et rebondit sans faire de bruit. En réalité, je serais parti pour n’importe quelle raison, trop réjoui d’être libéré de mon habitacle si ennuyeux. Depuis mon premier voyage dans le Monde des Rêves, il m’apparaît terriblement étriqué. Alors je saisis cette occasion. Je m’approche de la Porte des Songes puis, après un semblant d’hésitation histoire de marquer un moment de drame, la traverse. Je n’ai jamais vu la Capitale des Génies, ni rencontré un autre être de mon espèce. Je me sens nu en traversant cette porte vers l’inconnu, nu devant l’étendue de cet univers que je connais si peu.
*

Les deux Rêveurs s’avancent sur une avenue encadrée par des maisons à l’architecture imposante. Ils découvrent la ville, avec ses étals débordant de victuailles et ses jardins paisibles. Ils s’avancent, puis s’immobilisent quelques secondes devant une statue de la Déesse de la Justice, qui veille sur sa place principale. Ses traits n’évoquent nulle miséricorde, mais une autorité impartiale qui les intimide. Cette architecture ne reflète pas l’atmosphère du lieu : il s’y cache un certain mystère. Les bâtiments de pierre suintent de magie bleue. Elle est presque indicible, mais pourtant omniprésente, comme un visage familier que l’on s’attend à rencontrer à chaque croisement de rues.

Ce Génie inconnu qui m’aide à créer toutes ces illusions me montre, à moi aussi, l’âge d’or passé de notre bastion. Et, fait de ma propre création, des feux follets vaquent, à peine visibles et silencieux, avec pour seule contenance des couleurs chatoyantes. Ce sont les fantômes de la gloire passée de Destati : là se cache tout mon stratagème. Les deux mortels se perdent dans la contemplation des alentours, tellement qu’ils ne remarquent pas tout de suite la présence de l’autre. Ils ont l’impression de marcher, mais leurs pieds ne touchent pas le sol… pas vraiment. Des poussières brillantes accompagnent leurs mouvements, comme s’ils venaient de chuter entre les pages d’un livre oublié.

Soudain, l’un remarque la présence de l’autre. Il ne montre aucun signe de surprise, comme si tout était prévu. C’est la magie des rêves. « J’ai faim. Et si on allait prendre une glace pilée, là-bas ? » Il montre du doigt un étal de glaces teintées d’un sirop rouge. Elles trônent sur l’établi, prêtes à être consommées. Il n’y a personne de l’autre côté : juste un feu follet gris qui flotte derrière. Mais ça n’a pas l’air de les déranger, puisqu’ils vont se saisir des deux glaces comme si elles leur étaient promises. « Je suis au régime… mais bon, pourquoi ne pas faire juste une exception… » blague-t-il en le rejoignant.

Ils prennent une première bouchée de leur glace et font un signe au feu follet. Je me demande ce que ça fait, de goûter quelque chose. Je l’ai oublié. Les mortels me rappellent sans cesse ce monde qui se refuse désormais à moi. « Qui que vous soyez, merci ! » s’exclame un Rêveur en s’approchant de la créature semi-évanescente, qui ne réagit pas. Curieux, l’un d’eux décide de s’approcher. « Vous ne répondez pas ? » Toujours aucun signe de vie.  « Je pense que ce n’est qu’une illusion », suggère l’autre. Il a raison, mais il semble aussi sous-entendre qu’une illusion est inoffensive. Il a tort.

« Il n’y a qu’un seul moyen de le savoir. » Le Rêveur impatient tend la main et tente de toucher le feu follet, mais il se rend compte que sa main ne fait que la traverser. En outre, la créature réagit instantanément et se met soudain à voler partout dans la rue avec frénésie, comme un animal pris au piège. Au même moment, tout le paysage commence à changer. Ma création prend forme : les feux follets autour d’eux commencent à s’évaporer. Certains fuient en lâchant des râles ou des sanglots discrets, les autres murmurent tous le même mot : « Somnium ». Je n’ai pas trouvé d’indice plus subtil pour leur indiquer où ils se trouvent. Le jeune homme s’aperçoit avec étonnement que sa cuiller vient de disparaître, elle aussi. Sa glace se réduit en poussières, ne lui laissant plus qu’un goût pâteux en bouche. « Mais…! »

La ville se métamorphose : elle perd ses couleurs, sa propreté, sa superbe. Les jardins se fânent et la pierre se fait étreindre par les plantes grimpantes, nouvelles reines des lieux. Peu après, la statue de la Déesse de la Justice émet un craquement. Alertés, les mortels se retournent vers elle. Sa main, tenant symboliquement une balance, se craquelle et s’effondre au sol ; mais au lieu de se briser en morceaux, elle se transforme aussi en poussière, que la brise éparpille : plus rien ne témoigne de son existence. Des craquelures apparaissent sur son buste et s’étendent jusqu’à son œil gauche, comme pour former une longue larme.

Destati n’est plus que l’ombre d’elle-même. Et, comme pour marquer un grand final, le feu follet aux glaces termine sa course devant les jeunes hommes et s’évapore petit à petit, pour qu’il ne reste plus qu’une graine à sa place, tombée sur le pavé brisé. L’un des Rêveurs se penche et empoigne la graine, encore ébahi. « Qu’est-ce que tu as fait ? Tu as tout détruit ! » crie l’autre à son compagnon de rêve. « Moi ? C’est toi qui as voulu prendre une glace ! Tu as activé la malédiction ! »  

Après quelques vains reproches, ces derniers se calment et l’un d’eux émet la proposition que nous attendions tant. « Nous devrions au moins replanter la graine. Ce serait le minimum. » L’autre émet un soupir et jette un regard vers le semblant de jardin. « Oui, oui, ce serait le minimum… quel dommage, une si belle ville. C’était un havre de paix. » « J’aurais bien terminé ma glace », répond l’autre, visiblement concerné par d’autres priorités. Sans le savoir, les deux Rêveurs amorçent leur œuvre de reconstruction. Nous n’avons maintenant plus qu’à espérer que ce rêve subsiste à l’aube. Quoi qu'il en soit, mon compagnon Génie m’a moi-même convaincu : il faut que Somnium redevienne une terre digne d’accueil pour nous.
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Kaahl Paiberym
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Kaahl Paiberym
Lun 30 Aoû 2021, 16:11



À l'aube d'une ville nouvelle


J’ouvris les yeux dans un espace qui me sembla tout de suite familier. Je n’y avais pourtant jamais mis les pieds. Le rêve, semblable à un serpent, était en train de s’enrouler doucement autour de l’une de mes jambes. Il se hissait de plus en plus haut et resserrait son emprise sans en éprouver la moindre lassitude, jusqu’à empoisonner tous mes sens pour rendre ce qui était fictif aussi réel que possible. J’inspirai et plissai les yeux. J’étais sur la scène de l’une des plus grandes salles de spectacle de Somnium, un joyau au cœur de la cité des Génies. Le plafond, d’abord empli de peintures toutes plus vertigineuses les unes que les autres, se métamorphosa en un ciel nocturne ombragé, empli de nuages qui se plaisaient à cacher la Lune Blanche. La Lune Bleue n’existait pas mais la Lune Noire, elle, survivait toujours à l’assaut des cumulus. De la poussière d’or représentait les étoiles. Parfois, elles apparaissaient dans les ténèbres, comme autant d’espoirs voués à disparaître. La transition se fit sans que je m’en rendisse compte. J’étais acteur du spectacle mais je n’étais pas le seul à avoir été entraîné ici.

« Prince Érasme. » La voix d’Eméliana résonna depuis l’autre bout de la scène. Ce n’était déjà plus une scène dans mon esprit mais une large salle du palais impérial, celle où le trône dominait le reste. La rousse était vêtue d’une robe noire qui remontait jusqu’à son menton. Une pulsion à l’intérieur de mon être la voulait nue. Je désirais lui arracher ses habits et la prendre. Je n’aurais pas l’autorisation mais ça m’était égal. Pourtant, quelque chose me retînt : ma propre voix, qui s’éleva, comme un automate. Je devais réciter mon texte. « Reine Éméliana. » Son visage, qui jusqu’ici était caché dans la pénombre de la pièce, s’imposa à moi. Sur le sommet de son crâne, la Couronne se trouvait, rappelant à tous que de tous les héritiers royaux, elle avait été la plus maline. Pourtant, je le sentais, l’heure n’était pas aux jalousies intestines, ni aux désirs déplacés. Je pris alors conscience d’être le chef des armées, son bras droit, l’Elzagan. Lorsqu’elle s’approcha, ma silhouette la dominait largement en hauteur et en largeur. Je me rappelais, à présent, ce que la plèbe disait de nous, ce qu’elle susurrait discrètement. La Reine et sa Bête. La Reine et le Monstre. La Reine et son Chaos. Deux amants maudits et particulièrement appréciés des conteurs. Elle n’était pas ma femme. Elle était celle d’un autre. Et j’avais beau la dépasser de deux têtes, la vivacité qui dansait dans son regard était telle que mes failles ne lui étaient pas étrangères. Si je montrais les crocs, elle me les arracherait. Ce qu’elle possédait était l’arme de l’esprit, une cruelle efficacité, cinq coups d’avance. « Lucius arrive. » me murmura-t-elle, comme un secret qui ne reflétait pas que sa haine à son égard. Elle l’avait aimé et de leur union était né un garçon. Ce constat, douloureux, fut appuyé par un air d’opéra qui s’éleva dans la salle. Dehors, le vent balayait les champs d’opium. « Il arrive, accompagné de Dastan et de Tekoa. » Dastan. Ma mâchoire se serra malgré moi. Le silence s’installa, brisé par les talons de Réta qui résonnèrent sur le carrelage en damier. Comme l’ombre du fou, le dessin de sa silhouette nous rejoignit. Un sourire amusé trônait sur son visage. Dans ses yeux valsait la folie. « Ils devront se battre contre des enfants s’ils désirent passer la frontière de notre territoire. » Car elle n’avait jamais eu aucune pitié à sacrifier les plus jeunes. Je la regardai. Combien de fois avais-je pénétré son corps ? Je le connaissais par cœur et, pourtant, elle me paraissait toujours nouvelle. Eméliana la haïssait et la tension était toujours vivace, malgré l’écoulement des années. Réta avait charmé Lucius. Elle l’avait hypnotisé jusqu’à l’amener au creux de ses reins et lui faire briser tous ses engagements envers la rousse. Et pourtant, l’enfant de la brune était toujours en compagnie de l’enfant de la rouquine, si bien que le peuple ne cessait de les appeler « Les Jumeaux ».

Je détournai le regard. « Nous devrions peut-être signaler l’état de siège. » « Non. Sympan a déversé sa mixture sur les campagnes alentours. » me reprit Eméliana. Je l’ignorais. Elle avait bien fait de l’engager. La grandeur des sciences ne pouvait côtoyer les limites que les bénéfiques s’imposaient. « Il me suffira d’un rien pour qu’ils flambent, tous. » Je serrai de nouveau la mâchoire. « Érasme ? » « Oui ? » « Ne me trahis pas cette fois. » « Je ne t’ai jamais trahie. » articulai-je lentement, en la fusillant du regard. N’était-ce pas elle qui était tombée enceinte d’un Magicien ? Elle, qui avait volé le trône qui m'était destiné ? Elle qui avait attisé les flammes entre Dastan et moi ? Elle qui avait fait inscrire dans les Lois que nul Sorcier ne devrait plus parler à un Réprouvé, sous peine d’avoir la langue coupée ? L’avait-elle fait à cause d’une quelconque insurrection du peuple ? D’une quelconque fusion entre les Mages Noirs et les Bipolaires ? Non. Elle l’avait fait parce que j’avais côtoyé le rouquin au-delà de ce qui était normalement acceptable entre nos deux peuples. Peut-être aurais-je dû le décapiter lors de notre première rencontre ? Peut-être, oui, et l’empêcher d’approfondir sa relation avec Tekoa. Le public, dans la salle, était suspendu à nos lèvres et nos actions. La tension était à son comble. Pourtant, petit à petit, je sentais quelque chose s’effriter en moi. Le décor changea.

Je haïssais mon frère, je le haïssais jusqu’au plus profond de mon être et, pourtant, je ne pouvais m’empêcher de l’aimer, comme si une malédiction infernale nous liait. J’aimais le détruire. J’aimais le voir souffrir. Je le haïssais pour s’être lié au Réprouvé, pour l’avoir rallié à sa cause. La scène n’était plus qu’un souterrain obscur. Je réfléchissais, en me tenant les cheveux entre les mains. Je faisais les cent pas. Devais-je intervenir ? Devais-je trahir Eméliana, avant qu’il ne fût trop tard ? D’ici quelques heures, la campagne exploserait et eux avec. Qui était le plus important pour moi ? Vers quel camp devais-je pencher ? Mes sentiments se déchiraient à l’intérieur de mes entrailles, comme autant de lames aiguisées me tailladant le ventre. Devais-je laisser ceux que j’aimais disparaître, en répondant à ma haine seule ? Devais-je trahir l’Impératrice Noire ? Elle avait eu raison de me dire ces mots. Je ne cessais de la trahir, parce que ma haine était elle-même tordue. Je voulais être le seul à faire souffrir ceux que j’aimais. Ma possessivité excluait les autres. Si Dastan souffrait, je voulais que ce fût de mon fait. Si mon frère mourait, je voulais qu’il mourût de mes mains. Alors, lorsque Réta ouvrit une porte dérobée qui menait vers l’extérieur, je m’y engouffrai. J’étais un traître mais j’étais un Sorcier. Ma nature elle-même avait dessiné mon comportement le jour de ma naissance. Personne ne s’en étonnerait. Personne n’aurait rien à y redire. Parce que j’étais ainsi. Nous étions tous ainsi.

Lorsque je passai la porte, je ressortis sur la scène même que je venais de quitter sauf qu’il n’y avait plus de spectateurs. Il n’y avait qu’une salle en ruines, aux sièges rongés par les mites. Rien n’existait. Il n'y avait plus que l’ombre de l’oubli et la marque de la déchéance due au temps. L’air d’opéra tinta à mes oreilles comme le cri d’une Ombre enfermée là depuis des millénaires. Rien n’existait plus et j’étais seul. Une grimace déforma mes traits. Je voulais voir Lucius. Je voulais qu’il ne fût pas qu’une statue tombée sous le joug de l’âge. Il me manquait. Il me manquait tellement que ça m’en déchira le cœur. Je le haïssais tellement que ma haine allait au-delà du spectre négatif. Le fond n’existait pas. À force de tomber trop bas, c’était du plafond que l’on continuait sa chute. Et Dastan… Dastan. Je m’accroupis sur le sol, posant mes doigts dans la poussière de ce monde du passé. À mes oreilles, des murmures me commandaient de souhaiter, entêtants, prégnants. Les Génies me connaissaient. J’avais été présent lors de leur Coupe des Nations. Tout comme Lucius. Que nous le voulûmes ou non, nous étions liés dans le Monde des Rêves.  Je relevai les yeux vers la porte principale de la salle de spectacle. En bois, elle se situait sous une arche majestueuse. « Je souhaite que cet endroit renaisse. » murmurai-je, d’un ton haineux. « Je souhaite que mes doigts se referment sur sa gorge. » La gorge de Dastan.

Le décor changea légèrement. La porte s’ouvrit. Je me redressai. Dans l’embrasure, se tenait Lucius, accompagné d’une femme à la chevelure cuivrée. Nous nous fixâmes, tous les deux.

1465 mots
Erasme fait un souhait général de renaissance mais il s'applique tout particulièrement à la salle de spectacle dans laquelle il se trouve.
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Lun 30 Aoû 2021, 17:50



À l'aube d'une ville nouvelle


J’expirai une bouffée de tabac. L’odeur n’avait rien de désagréable. Elle était, au contraire, envoûtante. Appuyé contre un mur aussi chimérique que l’endroit dans lequel je me trouvais, j’écoutais la voix d’un Génie supérieur résonner. Reconstruire Somnium. Faire vœu d’unité. Un petit sourire apparut sur mes lèvres. En y réfléchissant, je n’avais aucune idée des événements récents. Que faisais-je ici ? Comment avais-je été aspiré dans le Monde des Rêves ? Que me valait une telle considération ? Je n’étais pas le seul à qui le message était adressé, bien entendu, mais je n’étais pas un Génie à part entière. J’en subissais pourtant actuellement les tourments. Je tirai de nouveau sur le fume-cigarette. La magie de l’Iblis avait dû me tirer de mon habitacle. Je n’arrivais pas à m’en extirper seul, pas encore. Par son acte, le Monde des Rêves s’ouvrait de nouveau à moi, empli de promesses. Ma magie, ici, retrouvait sa splendeur. Elle renaissait même avec un naturel déconcertant, peut-être parce que j’étais conscient au sein des songes en temps normal. Je les modelais à ma guise. Je me servais même d’eux pour me punir parfois. Pourtant, l’ombre d’Ârès m’effrayait. Que se passerait-il si je le cherchais maintenant ? Serait-il toujours plus puissant ? Contrôlerait-il ? Mon sourire disparut, au profit d’une expression presque entièrement neutre. Seul mon regard était expressif. Dedans, la vengeance se réveillait. J’allais le trouver.

Le bruit de la cigarette sur sa peau s’éleva. Le Sorcier était suspendu sur les bordures de l’île, là où des cascades de feu brûlant s’écoulaient en direction de l’océan et, parfois même, des terres. Plus rien n’était incandescent en arrivant au sol. J’étais accroupi à côté de lui. Il tentait vainement de tenir, de s’accrocher, pour ne pas tomber. Sa magie me semblait étonnement faible, sans que je pusse en comprendre le fondement. La chose m’intriguait. Je plongeai ma main dans le vide afin de l’attraper par sa chemise. Je le hissai vers moi avec une force bien supérieure à celle que je possédais normalement. Il s’étala sur le sol et se mit à tousser, avant de me fusiller d’un regard plein de rage et d’incompréhension. « Qui es-tu ? » vociféra-t-il. Je tirai sur ma cigarette, tournai le visage vers lui et soufflai la fumée dans sa direction. Je changeai brièvement d’apparence, pour qu’il comprît. Il se calma instantanément. « Où étais-tu ? » me demanda-t-il, comme s’il était soudainement soulagé de me voir. Curieux. Je ne me rappelais pas m’être égaré. « Tu m’as l’air faible. » dis-je, sans répondre à sa question. « Pourquoi ? » Il me fixa en silence avant de commencer à rire. « Tu te fous de moi ? » « Non. » L’incompréhension dans son regard me rendit perplexe. Avais-je disparu ? Réellement ? Mes yeux se posèrent sur la rivière de lave. La chaleur qu’elle dégageait m’était agréable mais je me sentais comme perdu. Avais-je oublié une partie de mon existence ? J’avais beau réfléchir, je ne me rappelais de rien après mon excursion au sein du Cœur Bleu.

Ârès finit par s’asseoir à côté de moi. Je n’avais plus envie de me venger et il avait dû noter le changement. Il regarda l’horizon, les nuages et les flots, bien en dessous de Somnium. « J’ai été arrêté lors du bal qui a été organisé sur Lagherta. Je suis actuellement dans la prison du Cœur-Bleu. » Le bal. Je me rappelais avoir croisé Priam sur les Terres du Lac Bleu. L’organisation du bal succédant la galette avait été dévolue aux Sorciers. « Le bal a eu lieu… » soufflai-je. Le rictus sur le visage de mon double m’indiqua que oui. « Tu y étais. » « Moi ? » « Oui. » « Je ne crois pas… » articulai-je lentement. Il soupira devant ma réaction, sans comprendre. Il ne s'attarda cependant pas. Peut-être pourrait-il tirer un quelconque avantage de mon état plus tard ? « Je compte sur toi pour venir me délivrer de ma prison. » dit-il, d'une voix sérieuse. Je tournai les yeux vers lui et, cette fois, ce fut moi qui me mis à rire. « Jamais je ne ferais ça. » « Tu vas le faire. » « Pourquoi ? » « Parce que j’ai arrangé tes affaires sans le vouloir. Le Nylmord pense que c’est moi qui ai voulu et failli le tuer. Je vais t’aider à te réhabiliter chez les Magiciens et, en échange, tu vas me faire libérer. J’ai bien peur que si tu refuses, ton illusion ne disparaisse pour de bon. Pense à tes enfants. Pense à Laëth. » Je déglutis, conscient qu’il avait probablement raison. J’avais failli. Comme lorsque j’avais essayé d’empoisonner l’Imprétrice Blanche lors d’un banquet, j’avais, une nouvelle fois, perdu le contrôle de la situation. Je ne voulais pas penser à Laëth. « Quel est ton plan ? » Il me coûtait de lui poser la question. « Je vais avouer être un jumeau maléfique. De toute façon, l’absence de magie de la prison a suffi à confirmer que je n’étais pas qu’un obsédé qui cherchait à te faire du mal tout en copiant ton apparence. Je dirai que je t’ai enlevé et enfermé quelque part. Tu devras y aller et prendre les mesures nécessaires pour que ma version soit crédible. » À savoir, être dans un état pitoyable. « Tu joueras la comédie et le reste reposera sur toi. » « Et comment ferai-je pour te faire sortir du Cœur-Bleu ? » « L’Impératrice Blanche. C’est elle qui m’a libéré au préalable. Je sais que vous vous parlez. Une version officielle ne sera pas difficile à créer. » Je souris, pour cacher mon agacement. Les façons de me sortir de la situation dans laquelle je m’étais mis seul n’étaient pas nombreuses. Si Ârès ne m’aidait pas, il m’enfoncerait et rien ne l’empêcherait de parler, maintenant qu’il était en cage. Il pouvait me détruire. Je savais qu’il reprendrait son œuvre dès qu’il sortirait de prison. Pourtant, accepter maintenant me ferait gagner du temps, en plus d’arranger le chaos que j’avais semé. « Ça me prendra un certain temps. » « Le temps n’est pas ce qui m’importe. » dit-il. Forcément, eu égard à sa magie. Notre confrontation était néanmoins bel et bien une course contre la montre. « Cependant… Je n’ai pas l’intention de rester moisir en prison deux siècles. Nous allons donc décider d’un terme. Une fois le terme passé, j’avouerai tout ce que je sais sur toi au Nylmord. » « D’accord. » « Disons donc que je devrai être libre avant que tu deviennes Chancelier d’Ivoire. » Autrement dit, il conditionnait mon ascension vers le trône des Mages Blancs à sa libération. « Et si je renonce ? » Il ricana. « Tu ne renonceras pas au projet d’une vie. Depuis que tu as quinze ans, tu es formé dans cette optique. Renoncer, ce serait rendre chacun de tes sacrifices vains. » Il avait raison, là encore. Je le regardai. « Tu sais que je finirai par te tuer, n’est-ce pas ? » « Peut-être. Mais avant ce jour, je t’aurai pris tout ce à quoi tu tiens. » Il se pencha légèrement vers moi. « Mon rêve c’est que tu finisses par me remercier de t’avoir libéré de tes entraves. » Je le haïssais mais je n’avais pas le choix. Il était trop dangereux. Me tenir à ses côtés me rappelait les tortures qu’il m’avait fait subir. Ses viols, ses agressions, ses paroles. La violence le caractérisait. Pourtant, sur cette Somnium du passé, nous étions assis l’un à côté de l’autre, à fixer un horizon incertain. Nos phrases sonnaient calmement, comme irréelles. Pour le moment, mon destin était lié au sien. Si nous nous aidions, nous survivrions, tous les deux. Si je choisissais de renoncer, je le rejoindrais au cœur de la prison ou devrais me retrancher à Amestris. Je le pouvais mais la perte que le mouvement engendrerait serait importante. Mes enfants, Laëth, ceux qui étaient proches de moi, je perdrais tout. Je ris. C’était idiot. En tant qu’Empereur Noir, j’aurais dû ne pas m’en soucier. Ils n’auraient dû être que des dommages collatéraux. Ils étaient une couverture, pour cacher ma noirceur. Alors pourquoi ? Me mentais-je à moi-même ?

« Pourquoi m’as-tu amené ici ? » demanda-t-il. J’avais oublié au fil de la conversation. « Somnium doit renaître. » dis-je, pour toute réponse. « Somnium était belle jadis, c’est vrai. » murmura-t-il, en se remémorant l’endroit. « J’aimerais que tu souhaites sa renaissance. » « Alors même que tu m’as entrainé ici pour me torturer ? » Pourquoi posait-il la question, s’il connaissait la réponse ? « Mais soit. Notre alliance éphémère vaut bien un souhait de ma part. Je souhaite donc que Somnium renaisse, aussi majestueuse et terrible que par le passé. » Car beaucoup de Rêveurs s’y étaient perdus à jamais. La beauté était parfois empoisonnée.

1460 mots
Ârès souhaite la renaissance de Somnium, belle et dangereuse. Il y a une cascade de flammes.
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Mar 31 Aoû 2021, 23:44



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À l’aube d’une ville nouvelle

Cal & Dastan



« Tu as trouvé un rêveur ? » - « Non. » - « Tu en cherches un en particulier ? » Cal se tourna vers elle. Un sourire amusé ourlait ses lèvres. Il se retint de lever les yeux au ciel et se contenta de serrer les dents. Parfois, il avait l’impression qu’elle pouvait lire dans ses pensées. Cela l’insupportait. De plus en plus de choses lui devenaient intolérables ; à mesure qu’il saisissait l’ampleur de sa perte et le chemin qu’il devrait parcourir. La frustration le gangrénait. « Je cherche le Dompteur de Rêves. » - « Oh. On a de l’ambition. » - « C’est comme ça qu’on progresse. » Elle sourit et lui tira l’oreille. « C’est ce que certains prétendent. » Il se dégagea d’une tape sur sa main, ce qui la fit rire. « D’autres disent que c’est en cherchant à aller trop haut que l’on se brûle les ailes. Tu ne connais pas l’histoire de cet Ange ? » Le Génie la regarda, à mi-chemin entre la curiosité et l’agacement. « Il rêvait d’atteindre le Soleil. Il y a laissé ses ailes. Elles ont brûlé comme des feuilles de parchemin jetées dans un âtre. » Elle s’interrompit et s’approcha. « Certains assurent que le Soleil l’a brûlé tout entier. D’autres jurent qu’il en a réchappé, mais qu’il a dû abandonner sa pureté. » Un sourire énigmatique peignit son visage. « Je n’essaie pas d’atteindre le soleil. » répondit l’ancien Alfar, si bêtement qu’il en eut aussitôt honte. Il grogna. « Peu importe. Je vais le trouver, je vais lui montrer ce qu’était la cité, et il va souhaiter la renaissance de Somnium. » Dastan avait parlé du Passé, de l’Histoire – deux notions au cœur de ses prérogatives. Cela l’avait encouragé, à l’instar de l’idée que chaque action qu’il commettait pour l’onirisme le renforçait. Parfois, il prenait peur, fuyait et se terrait. On ne le voyait pas pendant des jours ou des siècles. Il se laissait tomber dans un oubli au goût réconfortant. Lorsqu’il revenait, il était plus assuré. Le chaos qui l’étreignait subsistait, mais sa volonté parvenait, pour quelques temps, à le brider. « C’est amusant, qu’il ait le même prénom, non ? » Cal haussa les épaules. Il s’en moquait. Il ne voulait pas réfléchir. Il voulait savoir. Il disparut. Il l’avait trouvé.



Dastan ferma les yeux et inspira. Les vapeurs de la source chaude détendaient ses muscles. Des gouttes de sueur perlaient à son front, entre ses mèches rousses. « Tu te rappelles ? » Il rouvrit les paupières et posa ses iris bruns sur son compagnon de bain. « Ça a commencé dans un endroit comme ça. Un bain. C’est même toi qui m’as lavé, et après, j’ai dû te masser. Qui est-ce qui t’a lavé ? Sym ou Érasme ? Sym, ouais… » Il s’interrompit. Sa tête bascula sur le rebord du bassin et ses prunelles se perdirent sur les mosaïques. « On avait quel âge ? Une douzaine d’années ? » Pour lui, tout était relatif. Sa croissance avait été particulièrement chaotique, parfois en total décalage avec son développement mental. Comme l’enfant de la Lune Noire. Il soupira. « Les choses ont bien changé. » Ils étaient devenus des adultes. Leurs corps s’étaient étoffés et ornés de poils, leurs voix avaient mué, leurs traits s’étaient durcis et leur esprit s’était aiguisé. Le Jeu avait perdu de son essence enfantine. C’était devenu quelque chose de plus sérieux et de plus dangereux. Et puis, tout avait volé en éclats. Dans un tintement désagréable, un carreau de faïence se décrocha du mur et tomba sur le carrelage. Le Réprouvé tourna la tête vers les décombres, les sourcils froncés. Sans dire un mot, il se hissa hors du bassin de la source et se dirigea vers ceux-ci. Il s’accroupit et prit un bout du mur entre son index et son majeur. « Quelque chose ne va pas. » murmura-t-il, plus pour lui-même que pour Tekoa. C’était quelque chose qu’il ne pouvait pas comprendre. C’était quelque chose qui le liait à Érasme. Il plongea sa main dans la poussière des vestiges puis la laissa couler entre ses doigts. Quelque chose d’interdit. « On devrait y aller. » Il se releva et sans plus s’exprimer, se dirigea vers la sortie.

Le Manichéen détaillait la silhouette de Lucius et de la femme à ses côtés. Il la connaissait bien. Il le connaissait encore mieux. Avoir connu son frère comme il l’avait fait apportait un éclairage tout particulier sur le Magicien. Il ne pourrait jamais le percevoir comme les autres le faisaient ; tout comme il voyait le Sorcier d’une manière que personne n’expérimenterait jamais. Le voyait-il encore ainsi ? Il l’ignorait. Les années avaient filé, et avec elles, les souvenirs du Prince Noir et de l’Inventeur. Ils lui manquaient, souvent. Entre ses jambes, le loup géant gronda. Le Dovahkiin passa ses doigts dans son épaisse fourrure. « Ouais. » Ils auraient peut-être dû leur arracher la tête tant qu’ils le pouvaient encore. Désormais, la tâche se révélait plus ardue. Éméliana les protégeait, et cette femme disposait à la fois de l’intelligence et des moyens. S’il n’avait pas tant cru en Lucius, en Tekoa et en lui-même, il aurait craint qu’ils ne perdissent. Il détourna le regard du couple pour le poser sur le Chaman. Peut-être qu’ils mourraient, ce soir. Ce serait acceptable, s’il tombait avant le brun. Non, après. Un Réprouvé devait être le dernier debout. Un sourire narquois barra sa figure.

Pourtant, lorsqu’ils parvinrent aux abords de la cité, personne ne les attendait. Ni soldats, ni piège, ni peuple. Seules des ruines s’étendaient, à perte de vue. La tension qui gainait le roux se dissipa totalement et il observa le spectacle désolant, béat. La haute silhouette du château s’était écroulée sur elle-même. Ses tours avaient abattu les remparts. Des habitations, il ne demeurait que des miettes emportées par le vent. Toute l’armée bleue s’était arrêtée de stupéfaction. Dastan secoua la tête. C’était impossible. C’était forcément de la magie – et pourtant, il savait que ce n’était pas le cas. Il avait eu l’un des meilleurs professeurs en la matière – le Prince Noir lui-même. Il pouvait flairer les sorts noirs à des kilomètres. Ici, il n’y avait plus rien. Sans consulter personne, il intima à sa monture d’avancer. Le canidé commença à gravir la pente, guidée par l’instinct du Réprouvé. Celui-ci entendit vaguement une voix l’appeler, mais il n’écouta pas. Quelques secondes plus tard, Lucius, Tekoa et la femme rousse le rattrapaient.



« Alors ? » Demeria était apparue derrière lui. Il se retourna, quittant des yeux la scène qui s’étalait devant lui. « Il va souhaiter. » Elle sourit, de ce sourire dont elle avait le secret. « C’était toi, la faïence ? » - « Oui. » - « Bien pensé. » La femme s’avança jusqu’à sa hauteur et regarda en contrebas. « D’autres Génies sont à l’œuvre. » - « Oui, j’en ai croisé. » - « C’est amusant. Ce ne sont que des enfants, dans leur réalité. Enfin, plus ou moins. Ils se connaissent à peine. » Cal croisa les bras, signe qu’il évaluait la situation. « Ils n’arrêtent pas de se croiser en rêve. » - « Parfois, c’est comme ça que ça commence. »



Tekoa, Lucius et la rousse se tenaient à l’entrée de la pièce. De l’autre côté de celle-ci, Sym venait de pousser une porte de bois et d’apparaître. « N’intervenez pas. » Dastan, acculé contre le reste d’un pilier, faisait face à Érasme. Les doigts du brun se crispaient sur son cou, ce qui rendait sa voix légèrement enrouée. S’il l’avait voulu, il aurait pu le tuer. Un fragment de sa magie aurait certainement suffi. À cette idée, le Réprouvé sourit. « Je n’ai pas peur de mourir. Tu peux serrer. » Ses iris ne quittaient pas le Mage Noir. « Je savais que quelque chose n’allait pas. » Ils le sondaient, comme ils l’avaient si souvent fait, autrefois. C’était systématiquement dans le regard du brun que siégeaient ses failles. Et à cet instant, le Manichéen était certain qu’il hésitait. « La faïence s’est cassée. » dit-il, plus bas, de sorte à ce que seul son interlocuteur pût entendre. « Peut-être qu’à l’heure actuelle, la source ressemble à ce lieu. » Éméliana gisait-elle sous les décombres ou attendait-elle le moment propice pour attaquer ? Il espérait sincèrement que cette salope était morte après avoir souffert les pires atrocités. Si ce n’était pas le cas, il s’en chargerait lui-même. En matière de torture, son inventivité rivalisait parfois avec celle d’Érasme. Il était simplement plus bestial. Cela la changerait de ses Magots. « Tu sais quoi ? » Une lueur vive venait d’illuminer ses yeux. Un sourire provocateur – celui que le Mage Noir détestait tant – étirait ses lèvres. « Je crois que c’était à moi de te donner un gage. Considère-le comme la dernière volonté d’un condamné. » Il plongea son regard dans le sien. Il n’avait pas le droit de refuser. Le Jeu avait été perverti, mais ils n’y avaient jamais mis un terme. « J’aimerais que tout redevienne comme avant. » énonça-t-il. Autour de sa gorge, les phalanges du Sorcier se desserrèrent.



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Résumé : Cal intervient sur le rêve de Dastan. Celui-ci fait un souhait général de renaissance.
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