Ils étaient à présent tous les trois installés dans le bureau de la Directrice, loin du brouhaha et des festivités, en tout cas, en terme de bruit et de sensations ressenties. Pendant le trajet, Raeden avait ressassé les quelques mots d'Olwë à propos d'Elisha. Il avait pris sa place. C'était ce que le Fae avait dit. Le Bélua aurait bien aimé qu'il soit un peu plus explicite en expliquant pourquoi, par exemple, la jeune magicienne n'était plus à la tête des Protecteurs du Bonheur ou même, apprendre ce qui lui était arrivé et où elle était passé. Mais tout cela requèrerait d'autres questions et d'autres interrogations à un autre moment, car pour l'instant, c'était Basphel et de possible volontariat qui étaient au cœur de la conversation. L'Enfant de Phoebe avait exposé les plans et les projets qu'il avait fait, était en train de faire et ferait pour la Forge et l'Ecole au Domaine Liddell. Il attendait à présent l'avis d'April, car après tout, c'était à elle de donner le mot final, à savoir si oui ou non, elle jugeait un tel partenariat nécessaire et intéressant, aussi bien pour Basphel que pour la Forge.

L'homme jeta un coup d'oeil au contenu de la boîte que la Déchue avait poussé en direction de l'être des Jardins. Il reconnut la pâte, la Gomme de Rez, mais il n'y toucha pas, se réinstallant plutôt plus confortablement dans le fauteuil dans lequel il était installé. Il laissa se servir les autres, gardant le silence, patient. Puis Avril prit la parole et les choses se précisèrent, pour le mieux, en tout cas de l'avis du Forgeron. Le Conseil de l'école avait déjà apparemment donné son assentiment, certainement suite au courrier qu'il leur avait envoyé pour leur exposer son projet. Au final, sa venue ici n'était qu'une formalité, pour régler quelques derniers détails et sceller par sa présence, ou par un coup, la partenariat entre les deux établissements. Un fin sourire étira les lèvres de l'homme tandis qu'il acquiesçait d'un léger mouvement de tête. Il savait bien que la femme en face de lui était aveugle et qu'elle ne pouvait donc pas voir le geste qu'il venait de faire, mais quelque chose lui disait qu'elle le percevrait quand même.

La Déchue spécifia donc les points qui lui tenaient à cœur et qu'elle voulait absolument voir respecté au sein de tout organisme qui travaillerait avec l'école de Basphel. Ainsi donc, pas de mention de divinités particulières. Les Forgerons et gens d'arme vénérés généralement Taleorn, la Déesse des armes, mais Raeden pensait que cela ne poserait pas de problème d'exercer son enseignement sans en faire référence. Bien sur, il ne pourrait pas supprimer tous les livres parlant de l'art de modeler les métaux où les auteurs auront à un moment ou à un autre, consacrés quelques lignes à la Déesse. Ca servirait juste de culture générale et non de culte. Il ne connaissait pas non plus toutes les us et coutumes, ni même les passage important de l'histoire de chaque peuple dédiés à la Forge et aux armes, mais cela n'était pas un problème. Ca serait l'occasion pour lui de se renseigner auprès de chaque nation. Ce n'était pas un mal non plus pour ses propres connaissances. Après tout, ça serait lui l'enseignant principal.

Ah tiens ! Si ! Finalement, la Déchue était capable de sourire. Certainement aidée par la Gomme, mais au moins, même avec ce coup de pouce, son sourire paraissait vrai et sincère, alors que pour les gens qui ne souriaient ou ne riaient jamais, quand ils essayaient de le faire, cela faisait plus peur qu'autre chose. Ici, ce n'était pas le cas. Tant mieux. Comme dans bien des contrats, la signature ne se faisait ni plus ni moins que par un verre, voire même plusieurs. Raeden ne put déterminer le contenu de la bouteille, l'étiquette étant effacé, mais quelque chose lui disait que c'était à coup sûr un breuvage corsé, où quelques gorgées suffisaient à quelqu'un n'ayant pas l'habitude pour se retrouver à ronfler sous la table.

Trinquons donc!

L'homme ne savait pas comment allait finir la soirée, mais il était sur d'une chose, il risquait fort de ne pas être totalement sobre. Heureusement que Yulenka ne se trouvait pas dans les parages.

résumé:

Les premières gorgées d'alcool avaient donné l'impression d'ingurgiter du feu liquide ravageant tout sur son passage. Au bout du deuxième et du troisième, c'était déjà beaucoup mieux. En fait … il ne sentait quasiment plus rien. Tout était insensibilisé, anesthésié par le premier passage. Une chaleur bienheureuse habitait à présent l'oesophage et l'estomac de l'homme ours. Assuréement, il n'avait plus l'esprit clair. Il était peut être mieux qu'il s'arrête maintenant. Déjà, il n'était pas certain de pouvoir marcher sans tanguer légèrement. Tant pis. Il avait conclu une bonne affaire et il pouvait maintenant rentrer chez lui. C'est ainsi qu'il prit donc congé d'Avril et d'Olwë, leur souhaitant une bonne fin de soirée et qu'il entreprit de regagner l'extérieur des lieux. Il n'était cependant pas aisé de se retrouver dans les dédales des couloirs quand on avait l'esprit embrumé et que l'on ne connaissait pas les lieux. Pour un peu, s'il ne faisait pas attention, il était certain qu'il réussirait à se perdre. Cependant, et heureusement pour lui, il n'en était pas encore au point de devoir s'aider du mur pour avancer.

Une silhouette se profila soudain devant lui, au bout du couloir. Une jeune femme à la longue chevelure couleur de feu, attachée en une haute queue de cheval. Plantée au milieu du couloir, elle attendait vraisemblablement que Raeden vienne à elle. Au vu de sa tignasse, l'homme-ours se demandait s'il ne s'agissait pas là de la personne qui l'avait suivit et apparemment observé depuis son arrivée ici. Il s'était plus attendu à ce que ce soit de jeunes enfants, mais après tout, Basphel acceuillait aussi des adolescents et des presques adultes. La Rousse faisait peut être partie de ceux-là. Ce qui n'expliquait pas par contre, le comportement qu'elle avait eu jusque là. L'Enfant de Phoebe haussa les épaules pour lui même et continua d'avancer. Si elle lui voulait quelque chose, il le saurait bien assez tôt après tout. Autant donc la rejoindre. De toute façon, c'était le chemin qu'il pensait se souvenir avoir emprunté pour rejoindre le bureau de la Directrice.

Le Bélua vint donc se planter devant la jeune femme, sans un mot. Celle-ci ne dit rien non plus sur le moment, se contentant de l'observer de la tête aux pieds, comme si elle le jaugeait. Cela fit d'ailleurs froncer quelque peu les sourcils de l'homme. Comme si elle s'en rendait enfin compte, la Rousse fixa enfin le fils de la Lune dans les yeux.

Vous êtes Raeden Liddell ? Le Forgeron?

L'Immortel garda le silence quelques secondes, se demandant vraiment de plus en plus ce que pouvait bien vouloir de lui la personne devant lui. Il finit par répondre.

Oui, en effet. Et vous êtes?

Je souhaite que vous parrainiez et financiez mes études ici. Je suis une oréade … une nymphe des Montagnes si vous préférez … Je sais me battre et manier une arme. Vous êtes forgeron et votre Domaine se situe en plein milieu des Montagnes de l'Edelweiss enneigée. Vous êtes la personne toute attitrée pour m'aider ici.

Ses paroles étaient franches, directes et sans une once d'hésitation. Elle savait ce qu'elle voulait, il n'y avait pas douté de cela. En plus de cela, elle n'avait pas daigné donner de réponse à la question de Raeden concernant son identité. Une forte tête à n'en pas douter.

Je vois.

Il la contourna légèrement et reprit sa marche vers la sortie.

Allons-donc déclarer ce parrainage!

résumé et gain:

Kaahl fixait l'inconnu avec un sourire charmant sur le visage. La vérité c'est qu'il se demandait d'où cet homme le tutoyait. Avaient-ils gardé les cochons ensembles ? Le Sorcier ne pensait pas. Cependant, il n'était pas du genre à s'énerver pour un rien. Il était même plus de ceux à entrer dans le jeu des mécréants et des sans-gênes. C'était normal après tout, son interlocuteur ne pouvait savoir que depuis sa prime enfance, ceux qui l'entouraient l'avaient toujours vouvoyé. Que cet homme tutoie la vieille, c'était une chose car, visiblement, ils se connaissaient. Lui-même, s'il le faisait avec elle, c'était simplement pour lui rendre la pareille, ce qu'il décida de faire avec l'étrange type.

« Je vois, tu es une sorte de professeur particulier, au dessus des enseignants de Basphel donc. ».

C'était ce que l'adolescent comprenait du discours qui lui était tenu en tout cas. Il n'avait pas connaissance du système éducatif dans son ensemble. Son père l'avait placé là car il s'agissait de l'apprentissage qu'il décrivait comme étant le meilleur et, surtout, élitiste comme il le souhaitait dans certains départements. Il devait sans doute exister d'autres écoles probablement tout aussi biens mais peut-être moins renommées ou plus petites. Kaahl n'avait aucune certitude. Peut-être que ce que cet homme essayait de dire c'est qu'il souhaitait parfaire son apprentissage dans un domaine particulier qui n'était peut-être pas enseigné à Basphel, ou pas assez profondément à son goût ? Tant de questions et si peu de réponses. En tout cas, il continuait à sourire, comme s'il était en train de discuter avec un ami de longue date.

« C'est dommage de ne limiter ton savoir qu'à un seul peuple. ».

Il n'avait pas l'intention de faire tomber sa couverture aussi facilement. Faible comme il était, il n'y avait rien qui pouvait le distinguer d'une autre race. Il avait décidé d'en profiter pendant qu'il en était encore temps. Plus tard, il aurait plus de mal à cacher son alignement.

« Mais je comprend le fait de souhaiter n'enseigner qu'à certains. C'est une lourde charge que d'avoir une centaine d'élèves, j'imagine. ».

Kaahl n'aurait jamais la patience de gérer plusieurs individus. Il avait beau souhaiter se montrer agréable, bénéfique, pour comploter par derrière, être professeur demandait une certaine forme de dévotion et un amour pour l'autre qu'il était incapable de ressentir. Les seules personnes sur ces terres pour qui il ressentait de l'amour étaient ses frères. Il ne pouvait faire autrement, simplement parce qu'ils étaient liés. L'on savait ce qui arrivait aux jumeaux ou aux triplés quand l'un d'eux mourrait. Personne ne savait pourquoi, mais les faits étaient là. Il se devait de protéger les siens et c'était pour cela qui ne leur ferait jamais de coup tordu. Tout le reste du monde, ceux des autres races, ceux de sa propre race, il n'en avait que faire. Ils étaient là pour servir ses intérêts et s'ils s'avéraient inutiles ou dérangeants, il se fichait bien de les éliminer.

« Non, pas du tout. Je ne sais pas, une impression sans doute. Je trouvais ça étrange qu'un inconnu me regarde de loin sans raison, simplement. ».

Il sourit de nouveau. Il ne savait pas où était Constantine mais il avait un mauvais pressentiment sur ce qu'elle faisait avec la Fae. Ça ne lui disait rien de bon et, sans le savoir, il avait raison. Normalement, il ne surveillait pas l'Ange mais comme la journée était spéciale, il se méfiait de tout et de n'importe qui.

« Je vais vous laisser. Grand mère, au plaisir de se recroiser. Quant à toi... je suppose qu'on ne se reverra pas tout de suite si tu n'es pas professeur ici. Mais on ne sait jamais, peut-être que le destin fera que nos chemins se croiseront de nouveau bientôt ? ».

Il n'avait pas oublié le gage, pas du tout. Seulement, il ne fallait jamais croire ce qu'il disait ou promettait. Si elle le retrouvait plus tard et lui faisait remarquer, il se défendrait d'une façon ou d'une autre, trouvant une excuse quelconque. Avec un beau sourire, tout passait bien mieux. Il s'éloigna pour aller chercher son « amie ».

Spoiler:

« Ultimage, je ne crois pas que votre discours soit digne de vous. ». L'Archimage Nylmord se tenait là, regardant la Souveraine d'un regard qu'il voulait sévère. L'homme d'âge mûr n'avait aucune envie d'empêcher la Reine de faire quoi que ce fut mais il trouvait son attirance pour les oreilles pointues quelque peu perturbante. Quand elle était en présence d'un individu les possédant, elle en perdait toute forme de rationalité. Elle aurait pu se vendre à un Alfar juste pour pouvoir le suivre, telle une enfant courant après un papillon. « Venez avec moi, nous allons prendre en charge la scolarité de quelques enfants. Avez-vous vu Ashi ? Vous lui aviez promis de le rencontrer aujourd'hui. ». Il essayait de la ramener doucement à la réalité, sachant que brusquer Edwina revenait à faire acte de suicide. Il lui attrapa doucement la main pour la détourner de cet homme inconnu. Il le fixa un moment avant de murmurer : « Veuillez nous excuser. ». La jeune femme le laissa faire, se rendant compte à quel point elle pouvait être niaise parfois. Pourtant, elle en était presque certaine : le mariage avait eu lieu. Ou n'était-ce qu'une illusion ? Elle l'ignorait, tout comme elle ignorait les conséquences qu'aurait ce dernier si elle ne rêvait pas. Elle fit un bref sourire en direction de l'homme avant de tourner les talons, attrapant le bras que lui tendait Nylmord.

« Vous êtes réellement infernale. Je vous ai déjà prévenu que la situation avec les Alfars est très tendue. Vous avez vu vous-même ce qu'il s'est passé au Rocher au Clair de Lune. Épouser un Alfar serait une insulte envers les Béluas, même s'il ne s'agit que d'une union devant la nature. Il n'y a aucune portée juridique mais symboliquement, ça reste un problème... ». Il soupira un moment avant de lui avouer. « Parfois, j'aimerai tellement que vous soyez une jeune femme tout à fait normale. Cela me tue de vous empêcher de faire ce qu'il vous plaît. Je veux que vous soyez heureuse, Edwina. ». « Je le sais... ». Il était son plus fidèle conseiller et son bras droit. Il avait toujours été là pour elle et elle savait mieux que quiconque à quel point elle pouvait s'égarer du droit chemin. « Je trouve cela tellement injuste, tout comme ce sentiment de malaise que nous éprouvons à l'égard des Elémentals... ». Elle se gardait bien de le dire mais elle avait été la compagne d'un ancien Seigneur du Tout. Nylmord lui avait demandé d'éviter d'ébruiter la chose, surtout qu'à cette époque, elle se pensait encore Ondine. « Votre parcours est différent de celui du peuple, ma Reine. Vous n'avez pas grandi avec cette valeur mais je puis vous garantir que nos relations avec les Elémentals sont aussi bonnes qu'elles peuvent l'être. ». « Oui, sans doute. ». L'homme préféra changer de sujet. « Et dire que cela faisait des lunes que les Archimages souhaitaient que vous preniez époux. Voilà que vous décidez de dire oui au premier inconnu venu. Si les traîtres étaient encore au conseil, ils en seraient abasourdis ! ». Il rit, pensant à la résistance farouche que la Reine avait eu durant la période précédente. « Sans doute. Cependant, je ne voudrais pas vous décevoir mais je pense ne jamais prendre de mari. ». « Pourquoi cela ? ». « Je ne sais pas vraiment... » avança-t-elle. C'était la pure vérité. « Peut-être que Lord a raison, peut-être que l'amour ne devrait rien décider. Il semble si éphémère et instable. Peut-être que si je prend époux, je déciderai de façon rationnelle. Ou peut-être laisserai-je jouer le hasard ? Ce serait amusant non ? ». Nylmord ne savait que répondre à un tel discours et, heureusement, ils étaient arrivés à destination. « Peut-être qu'après notre bonne action à l'égard de quelques orphelins, pourriez-vous danser avec les Faes. Elles donnent un spectacle féerique un peu plus loin et je pense que cela pourrait vous faire oublier vos noires pensées. Vous savez, je ne connais pas Lord si bien que cela, mais je pense qu'il ne peut qu'avoir tord. Bien sûr, un mariage arrangé est souvent profitable à deux nations, mais il ne vous rendra sans doute pas heureuse. Si vous épousez un homme parce que vous l'aimez, vous le serez. ». « Encore faudrait-il qu'il m'aime à son tour. ».

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