« Héhé... » fit Næmo avec une fierté incommensurable qui gonfla son petit torse de poulet. Il venait de nouer sur son front une corne de Narval à l'aide d'un cordon épais solidement fixé derrière sa tête. « Je suis invincible ! » Et pour le prouver à la rangée de peluches alignées contre le mur, l'enfant se précipita vers la montagne de jouets la plus haute de la salle. Immense, celle-ci s'étendait à perte de vue. Son sol était invisible, jonché de divers objets hauts en couleur, de livres garnis de dessins, de grands tableaux sur lesquels dessiner, de petites figurines en cire, de balles de toutes les tailles. Il y avait là de quoi s'amuser pour l'éternité. Il avait déjà passé un certain temps sur le trampoline à faire des sauts de plus en plus hauts jusqu'à réussir à faire un salto.
Tant bien que mal, Næmo était parvenu au sommet du monticule. En chemin, il avait été distrait par une paire de maracas qu'il avait agité furieusement sur une mélodie qui trottait dans sa tête. Dressé de tout son haut, il fit un salut solennel à son audience en s'inclinant bien bas comme Nahoko le faisait parfois. « Chef Næmo va présenter, sous vos yeux ébahis, le plongeon le plus iiiiiincroyable qui ai jamais existé ! Ouvrez grand vos oreilles et vos bouches, c'eeeest parti ! » Il se trémoussa du derrière pour prendre de l'élan et s'élança dans le vide en glapissant de peur et d'excitation. Une piscine de boules de laine colorées amorti son atterrissage.
Occupé à les trier par couleur, Næmo s'interrompit en entendant un bruit qui sortait de l'ordinaire. Un soupir, profond, comme s'il sortait de poumons beaucoup trop gros. La chair de poule se leva sur la nuque du garçon, accompagné d'un sombre pressentiment. Un nouveau soupir et il tressaillit. Il sentait qu'il devait se retourner, mais il n'osait pas. S'il ne voyait pas ce qui respirait derrière lui, alors rien de grave ne se produirait, en tout cas, c'était ce qu'il voulait croire. Sur sa droite, il perçut un mouvement du coin de l'œil. Au moment où il osa tourner un peu la tête, une énorme gueule bordée d'un nombre impitoyable de dents goba tout rond une poignée de ses peluches. La mâchoire de Næmo se décrocha en même temps que son cœur. La tête du dragon ne bougea pas. Ses yeux en revanche, d'énormes boutons noirs cousus au milieu d'un maillage tricoté dans des gammes orangées et vertes, se fixèrent droit sur lui malgré l'absence de pupille. Une grosse langue rouge vif jaillit et la bête émit un grondement sourd qui fit trembler toute la salle. Les cheveux de Næmo se dressèrent sur sa tête. Il hurla, aussi fort qu'il put et, sans savoir comment, se retrouva à courir. Il essayait d'aller vite mais ne cessait de trébucher, ses pieds s'empêtrant maladroitement dans le capharnaüm encombrant le sol. Pleurant à chaudes larmes, il sentait l'haleine chaude du dragon dans son dos. Il avisa soudain une tignasse blonde. « Au secours ! À l'aide ! » Il sauta en avant et s'étala de tout son long aux pieds de la fillette.
Message I | 558 mots
Merci Jil :
Claer ~ Lyrienn ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 121 ◈ YinYanisé(e) le : 10/02/2023
Dim 24 Mar 2024, 11:53
Image par Giannyfili & Inconnu.
Le temps des dragons Claer et Blu
Message précédent : # « Voudrez-vous du calcaire avec votre chocolat ? » demanda Claer en tendant la salière, dont le minéral avait été remplacé par un autre. Elle s’était adressée au Troll biscornu qu’elle était partie chasser plus tôt le matin. Mais sa nourrice lui avait plutôt conseiller de l’inviter pour un goûter, alors plutôt que de lui tendre un piège, elle était allée donner trois coups au pont sous lequel il vivait, et avait exécuté une petite danse pour montrer sa bonne foi. Puis elle l’avait invité à se joindre à la petite table de son jardin où les attendaient des délices. « Mmh, non merci, mais je prendrais bien un peu de graines de moutarde. Et toi, veux-tu du sirop à mettre sur tes cailloux ? » La blonde baissa la tête sur son assiette : des galets de formes, tailles et couleurs variées lui avait été servie. « Mmh, ça rendra peut-être tout ça plus doux… » songea-t-elle elle acceptant le petit pot rempli du liquide doré qu’elle badigeonna sur les pierres. « Oh, ca croustille. » consta-t-elle alors qu’elle prenait précautionneusement sa première bouchée. « Zut. » Elle venait de faire tomber sa cuillère : elle se baissa pour la ramasser.
Lorsqu’elle se redressa, la Lyrienne ne se trouvait plus attablée dans le jardin de sa maison d’enfance. Elle était installée à son bureau, dans la chambre qu’elle partageait à Basphel. « Equation trigonométrique et les flux géopolitiques : quel impacte sur les courants telluriques ? » lut-elle le devoir qu’elle devait rendre dans une heure. C’était un vrai casse-tête : malgré les deux piles de livres – qui penchaient dangereusement de chaque côté de sa feuille blanche- qu’elle avait lu, elle n’avait toujours aucune idée de comment commencer sa dissertation.
L’entrée de Blu dans le dortoir la détourna de l’angoisse qui l’avait gagné progressivement. « Qu’est ce que c’est ? » interrogea-t-elle en louchant sur le prospectus que la brune lui avait flanqué sous le nez. Les arguments finirent de convaincre la cancre, qui abandonna sans aucun son regret son devoir. Elle attrapa un sac qu’elle se mit à remplir d’un équipement qui lui serait absolument nécessaire sur le parcours de l’aventure : des lunettes, des épingles, une boite à musique, une corde, une équerre, un cure-dent, une pierre lumineuse, et tout ce qui lui tombait sous la main et pouvait, ou non, se révéler utile durant leur périple. Son sac était énorme, mais elle n’éprouva aucune difficulté à le mettre sur ses épaules.
« Allez, c’est parti, à l’aventuuuuuuuuuure ! » s’écria-t-elle en ouvrant la fenêtre : un tobogan avait été installé, et elle se jeta dessus sans hésiter. Elle apprécia la glissade, mais haussa la surprise en réalisant la surprise qui l’attendait à l’arrivée : elle avait atterri dans des sables mouvants qui l’avaient engloutie jusqu’à la taille. Elle mit plusieurs longues minutes, qui lui parurent être des heures, à parvenir à s’en extirper. Une fois sur le sol ferme, elle se tourna vers sa colocataire, qui ne semblait pas avoir subi les mêmes déboires. « Bien, nous y allons ? » demanda-t-elle en l’attrapant par la main. « Regarde, ne serait-ce pas un Pikathalion, là-bas ? » demanda-t-elle, des étoiles dans les yeux, tout en s’engouffrant dans la jungle. « On va faire un sacré bingo des animaux ! » scanda-t-elle avec enthousiasme.
543 mots
Wakiya ~ Orine ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 101 ◈ YinYanisé(e) le : 29/08/2020◈ Âme(s) Soeur(s) : Monsieur Hibou ♥
Shôji coulissant, l'armada des arômes se déchaîna à l'instar d'une meute enhardie sur la moindre corde sensible sur son passage, la moindre faiblesse pour les estomacs les plus tiraillés par le péché. À l'intérieur, la floraison des sakura ne revêtait aucune magie aussi fantastique, l'émotion écrasante des biwas s'inclinait si basse qu'elle en réveillerait les morts. Le dynamisme diurnal s'effondrait au profit de la consommation. Aux confins du sacrilège, un achèvement dont la récompense – si alléchante, si primordiale – invitait les démunis à s'assoir, et simplement apprécier ce simple plaisir, unique, inimitable. Puisqu'ici, le maître de cérémonie ne possédait aucune limite ; ni l'avidité, ni la détresse de ses obligés.
Comme toute âme tourmentée, brisée, aucune once d'hésitation tempéra l'entrée de Wakiya, l'acceptation en bonne et due forme d'une sérénité mêlée à une complaisance tant admirée. Tout oublier, tout consumer. La Sunano était chez elle et quiconque entrant dans son cercle intime possédait le droit de la rejoindre. Elle était encore seule, mais elle entendît de temps en temps la joie hilare de Muramasa à travers les remparts de bambous, les commérages si peu modérés de sa mère, ou encore les miaulements intempestifs de Pepito, en chasse le long du ruisseau jonché de carpes ornementales. Leur présence ou non n'avait pas la moindre importance lorsque la promesse du festin la happait. En seiza, comme provoquée par l'abondance sous ses yeux, Wakiya ne s'offrait plus qu'à une dévotion sans faille pour l'amalgame. Car la fragrance – qui précédera la saveur – promettait une croissance exponentielle. L'effort ne se résumait qu'à sa capacité à maintenir son emprise sur ses couverts, rien de plus. Si simple, si tentateur. Et une fois la bouchée dévorée, une fois la gorgée acceptée, il ne lui restait plus qu'à laisser des forces ancestrales et chaotiques s'imprégner en elle. À ne faire qu'une avec elles.
À cette table, on mangeait des dragons.
La relativité du temps s'étirait sans cesse, lui faisant perdre sa notion propre, sans regret, sans intérêt. Pour cause, le privilège du moment s'avérait bien plus idéal. Elle ne vieillissait pas, elle ne faiblissait pas ; elle apprenait, assimilait d'antiques connaissances et expériences. Cependant, avec tout le respect rationnel pour ce présent, l'Orine ne s'empêtrait pas dans une gourmandise vorace et dégradante. Aucunement ! Elle s'accordait avec l'harmonie du lieu, telle une danse divine. Elle consommait avec humilité et prenait le temps d'apprécier chaque bouchée, sans célérité, sans anticipation. Les bols se vidaient et se remplissaient aussitôt dans un ordre fin, orchestré avec finesse et cohérence. C’était d'une douceur à son image, si prégnante. La Nawashi s'y accommodait avec bien trop de facilité que c'en fût terrifiant, seulement aux prémices de ce repas. Depuis, était-elle encore la Hanatsu que l'on connaissait de l'autre côté du voile ? En fin de compte, son ombre devenue dragon, elle prenait tout autant la place de cheffe. Ces fourneaux – ce feu – étaient siens.
" Tu es venu. "
Son sourire était radieux, autant que le soleil bénissant ce modeste salon. Depuis le jardin avoisinant, l'âme amicale cédait à son tour à l'appel de la sapidité. À son plan de travail, imbibée d'une chaleur d'ordinaire accablante, Wakiya entretenait encore le fumet de cette chair raffiné, afin de pouvoir l'incorporer avec dignité à un bouillon de miso, lui-même garni de multiples conjoints tels que du tofu et des shiitakes.
" Je t'en prie. Elle lui désigna son zabuton pour prendre place. Permets-moi de te préparer un festin. "
Peu à peu, la carpe tatouée sur sa nuque se tapissait d'écailles acérées.
627 mots ~
Razhul Khan ~ Réprouvé ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 22 ◈ YinYanisé(e) le : 22/04/2022
« Yngvild ? » Razhul trimbalait son épée en bois dans d’étranges couloirs. « Lazare ? » Dans sa vie, les personnes importantes pour elle n’avaient été que des Réprouvés. Néanmoins, depuis qu’elle avait rencontré le Magicien – et mangé les foutus bonbons de la Sirène Lana-le-troll-rose-dégage – elle ne cessait de penser à lui. Dès qu’elle avait faim, son visage s’imposait devant ses yeux et elle partait à sa recherche pour qu’il l’aidât à dégoter des biscuits. « Ohé ? » Elle n’aimait pas être seule. Même si elle n’avait peur de rien ni de personne, ce n’était pas une raison. Un Bipolaire de Lumnaar’Yuvon devait vivre en groupe. Tel était le fondement de leur société. Razhul, malgré son jeune âge et le rêve en cours, ne faisait pas exception. Alors, lorsqu’une voix parvint à son canal auditif, elle se stoppa et écouta. Elle plissa les yeux et fronça les sourcils, soudainement inspirée par une réflexion qu’elle oublia aussitôt qu’elle décida d’aller voir. Elle espérait ne pas découvrir une chochotte. Si tel était le cas, elle lui trancherait la tête avec son épée en chêne. Bim bam boum les mous du genou !
Razhul trottina jusqu’à la chambre et s’approcha d’un drôle d’énergumène. Elle l’observa, lui et son environnement rempli de peluches. Qu’est-ce que c’était que ce truc ? Prise entre la curiosité et l’envie de se moquer de lui et de ses jouets pour bébé, elle ne dit pourtant rien. Si elle attendait le bon moment, peut-être qu’elle pourrait le surprendre et lui sauter dessus pour le plaquer au sol. À bas les glands ! La Réprouvée vit le dragon avant lui. Elle ne le trouva pas terrifiant – les Génies n’étaient pas tenus à une quelconque équité entre les Rêveurs après tout. Il ressemblait aux objets confectionnés par les Magiciens. Elle était d’ailleurs entrée par inadvertance dans la salle occupée par le club de tricot et avait trouvé les créations bien moches. En plus, ça ne devait pas être pratique de porter ce genre de choses pour combattre.
Perdue dans ses pensées, elle ne revint à elle que lorsque le bidule à zizi s’étala devant ses pieds. Elle ouvrit de grands yeux ronds et se mit à rigoler. « J’aide pas les GROS BÉBÉ, moi ! » Cela étant, il lui rappelait Lazare. Elle l’examina un peu. Ce n’était pas physique mais plus mental. Le Mage Blanc aussi était un gros bébé. Elle s’accroupit. « Tu vas pleurer si je ne t’aide pas ? » demanda-t-elle, avant de planter son épée dans le sol. « Moi je m’appelle Razhul Khan et je vais devenir la plus grande guerrière de tous les temps ! Les Sorciers et les Ondins trembleront devant moi rien qu’en entendant le son de mes pas ! » Elle relava les yeux vers le dragon. « Et les dragons aussi ! » L’animal flottait autour d’eux sans avancer. Avec le bout de son épée, la petite fille releva une mèche du garçon. « Tu serais pas le frère de Lazare par hasard ? Je suis sûre qu’il aime les peluches de bébé lui aussi ! »
518 mots LA GUUUEEEEEEEERRRRRRRRREEE
Shashake ~ Chaman ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 24 ◈ YinYanisé(e) le : 21/09/2022
Circë sortit de sa cabine afin de marcher sur le pont. Elle n’arrivait pas à trouver le sommeil. Depuis plusieurs jours, ses pensées s’envolaient vers Ezechyel. Elle rêvait souvent de lui, si bien qu’elle se levait parfois le matin en pensant qu’il avait effectivement embarqué avec elle pour l’aider dans son voyage. La réalité était tout autre. Elle en ressentait souvent une pointe de déception mais se reprenait afin de traiter les affaires courantes. Néanmoins, le soir, elle peinait à dormir. Alors, elle allait marcher sous la lueur de la lune et des étoiles. Les membres de l’équipage avaient tracé les constellations du nouveau ciel et essayaient d’en comprendre le sens profond ou les secrets. Parfois, lors de ses traversées nocturnes, elle croisait des scientifiques ou des artistes, les yeux tournés vers la voûte. Elle, se contentait d’observer en spectatrice. Elle ne cherchait aucun réconfort. L’étendue nourrissait sa mélancolie mais attisait aussi ses espoirs.
En passant, elle vit trois enfants, occupés près d’une grosse caisse. Elle les regarda quelques secondes avant de se diriger vers l’avant du navire. Là, elle posa ses mains sur le bastingage et contempla l’immensité. Elle se sentait toujours seule. Le désir d’avoir quelqu’un à ses côtés la tiraillait. Elle avait besoin d’une épaule sur laquelle se reposer. Elle ne pouvait pas tout porter seule. Être placée sur le devant de la scène ne la dérangeait plus tant. Elle pouvait discourir, motiver les foules, faire son devoir. Pourtant, une fois qu’elle était seule, elle se sentait à bout de souffle. Circë désirait pouvoir être tendre avec quelqu’un et avoir le loisir de se confier à cette personne. Marcher dans les pas de ses ancêtres sans aucune cellule familiale stable la tourmentait. Ses filles étaient grandes et vivaient loin d’elle. Leur lien existait encore mais s’était distendu. Peut-être rêvait-elle d’Ezechyel parce qu’il avait réussi à construire ce qu’elle n’avait jamais eu ? Elle devait l’envier.
Alors que son regard sondait l’océan, elle perçut un mouvement fluide. Plus loin, une voix s’éleva, formulant l’interrogation qu’elle n’avait formulée que dans son esprit. Qu’était-ce ? Les enfants qui jouaient plus tôt se pressèrent dans sa direction. Deux d’entre eux se ressemblaient, à la différence de leur couleur de cheveux. Fermant la marche, un garçon aux cheveux bleus semblait moins enjoué que les deux autres à découvrir le mystère qui flottait dans le ciel. Il avait l’air timide… à moins qu’il ne fût indifférent ou désabusé. Vu son âge, cette idée parut étrange à l’Ygdraë. Néanmoins, elle-même avait grandi vite du fait de sa condition. Être élevée dans un bordel l’avait marquée. « C’est quoi ? » « Je l’ignore. » avoua-t-elle.
438 mots
Ssyi'hæ ~ Eversha ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 61 ◈ YinYanisé(e) le : 21/08/2023
Il m'arrivait de me demander à qui incombait la tâche de peindre le ciel. À qui l'artiste destinait-il ses toiles ? Quels messages s'y dissimulaient ? Et qu'y pouvais-je moi, s'il était triste, ou heureux ? Quand les gouttes s'écrasaient sur mon visage, baignant mes joues de ces larmes sans sel et offrant aux végétaux et au vivant une chance de croître, que fallait-il faire en retour ? Je sentais, intrinsèquement, que j'avais un devoir pour cet être invisible et pourtant si expressif, comme si ses émotions débordaient sans filtre. Ses hurlements étaient les craquements des éclairs, ses sourires se dessinaient sur les vols migratoires des oiseaux, sa mélancolie sertie dans la lourdeur d'une épaisse mousse grisâtre. Et moi, dans tout ça ? Ma vie était-elle plus que cette routine ? Aller chercher, apporter, suivre docilement, tel un chien bien éduqué. Mais je n'étais pas un chien. Je n'étais pas obéissante, j'étais terrifiée. L'inquiétude persistante dans laquelle je vivais transformait mes aliments en cendres, fanait les plus belles journées ensoleillées. Le peintre, avec ses camaïeux les plus chaleureux, n'arrivait plus à m'atteindre. Son bonheur devrait rester sans réponse car il n'y avait plus rien à ressusciter en moi. Ce n'était pas en moi que se développait la vie.
La voix de celle qui avait ce don en elle s'éleva, plus douce que le réveil ne l'avait trouvée. « Avant... » Une douleur fugace me comprima la poitrine. Avant, quand Alma n'était qu'une inconnue, quand j'errais des heures durant dans les bosquets en solitaire, quand la vie rimait avec simplicité. Je lui contais cette fillette qui avait grandi dans un foyer sans affection mais sans douleur non plus. Notre mère n'avait rien de tendre, mais elle nous nourrissait, et nous apprenait à devenir indépendants, pour qu'un jour, le fardeau que nous étions se détache de ses épaules. J'avais grandi sans amour ni besoin de ce dernier. Il n'y avait pas de vide en moi à combler.
Nous étions seules, désormais. La bouche constellées de plaies gonflées de larmes de sang et de cloques, la Démone ressemblait à ce avec quoi elle s'était accouplée. Ici, tout le monde savait qu'elle avait choisi le contact chitineux du monstre. On disait que les chances étaient plus favorables ainsi, si la femme survivait à l'acte. « Non merci, je... » commençai-je à protester, dégoûtée par avance du moindre contact avec qui que ce soit, y compris avec ce qui dormait derrière la membrane distendue de chair et de veines. Mon refus s'étouffa sur la sensation des écailles émergeant sur l'abdomen déformé. Comme en réponse, les miennes apparurent sur le dos de ma main et coururent le long de mon poignet, noires comme de l'encre. Mes phalanges palpèrent un pan plus dur du ventre, que je devinai comme étant un os. Peut-être une jambe ou la colonne vertébrale du bébé. Je le sentis frémir à mon contact, comme si lui aussi était mal à l'aise de ce contact non consenti.
« Je n'ai rien fait. » J'observai, fascinée, ses mollets et ses pieds noircis de sang. Son odeur me pénétra tout d'un coup, étourdissante et c'est la bourrade de Lenore qui me ramena à sa situation. Sa panique ne m'atteignit pas. L'odeur du sang qui s'évadait d'elle saturait l'air, supprimait l'odeur entêtante des bourgeons de lavande. Mes yeux se rivèrent sur le ventre qui se gondolait de collines de chair au point de rendre la peau translucide et de laisser voir ce qui la torturait. « Il arrive. » murmurai-je, sourde aux plaintes de Lenore. La bête se débattait, je percevais son désespoir, à la fois similaire à celui de sa mère, et opposé aussi dans l'intention. Les deux luttaient, et le perdant allait mourir. Le Temple ne faisait pas de mystère sur qui ils souhaitaient voir vivre. Ma mission me revint à moi comme une gifle. « Il faut l'aider à sortir. » dis-je alors même que le bruit effroyable d'os qui se brisent m'égratigna les oreilles. « Chut. » fis-je, tant pour apaiser la mère que son bébé. Il fallait faire quelque chose, avant qu'il ne s'étouffe et ne meurt en elle. « Chut. » répétai-je. Je m'étais agenouillée. Mes doigts passèrent dans le dos de la femme. Il était en miettes. Une bosse germa sur le ventre, plus marquée que les précédentes. À travers la peau, je vis une patte griffue labourer sa prison de chair. Il fallait faire quelque chose. Une entaille boursoufla le ventre, laissant entrapercevoir l'éclat d'une griffe couverte de mucus visqueux. Sans réfléchir, je plongeai mes mains sur les lèvres de la plaie pratiquée pour l'agrandir. Comme si elle sentait que la libération était proche, la créature s'agita encore plus, secouant le corps de sa génitrice sans le moindre état d'âme. J'étais horrifiée, pour les deux. Le monde n'était plus que souffrance. Ce n'était pas la mienne mais je voulais les en libérer, surtout lui, car si je le laissais mourir, j'allais mourir aussi. Je regardai Lenore. J'aurais voulu la sauver aussi. Mes mains disparurent dans son ventre et avec mon aide, la bête finit par jaillir et nous éclaboussa d'une pluie de sang et d'humeurs en s'ébrouant, ses ailes se dépliant en grand sous le soleil.
Message III | 920 mots
Susannah ~ Sirène ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 430 ◈ YinYanisé(e) le : 04/04/2021
Næmo renifla et leva le nez après l'avoir essuyé avec sa manche. Sa lèvre inférieure trembla. « Je ne suis PAS un gros bébé ! » lui opposa-t-il avec de l'eau plein les yeux. Il fit un énorme effort pour les ravaler et mieux la regarder. Elle se tenait solidement sur ses jambes et ne daignait pas accorder un gramme de peur à l'attention du dragon tricoté qui les surveillait comme s'ils étaient deux petits gâteaux presque cuits. Impressionné, il décida de rester collé à elle tant que le dragon rôdait autour d'eux.
Il sursauta comme un poisson échoué sur le sable quand son épée se planta à un cheveu de son visage. Louchant sur le fil de la lame, il déglutit et perdit quelques couleurs. « Euh... Non, je ne pleure pas. » mentit-il en se remettant à pleurer, silencieusement cependant. Il devait forcément gagner des points s'il ne geignait pas. Sa mère tolérait qu'il pleure tant qu'il ne venait pas lui casser les oreilles.
« Est-ce que tu vas me tuer ? » s'enquit-il, la voix chevrotante. Il avait très envie de faire pipi soudainement. Il la croyait volontiers. Elle avait l'air si assurée qu'elle devait être très forte. Il avait l'habitude de côtoyer des filles comme elle. Par expérience, s'écraser fonctionnait toujours, et les écouter aussi, faire tout ce qu'elles disaient sans moufter. Il fit donc de son mieux pour effacer les dernières traces de ses larmes. « Lazare ? Je connais un Lazare, à Basphel ! C'est mon meilleur ami ! On se donne des conseils pour avoir une copine et leur faire des bisous. Il veut en faire à ma grande sœur mais elle, elle veut pas car c'est un Gælyan. Nous, on traîne pas avec les terriens comme vous. » Il se souvint de l'existence de son épée dont la pointe était dirigée sur son front quand la dent de Narval sur son front cogna dessus et son envie d'uriner revint brusquement. « Mais toi, je trouve que tu es différente ! T'as l'air aussi forte qu'une Sirène ! » s'empressa-t-il d'ajouter parce qu'il tenait à la vie. Il se releva en essayant de ne pas s'embrocher sur l'épée de la blonde. Il ne sut si c'est son mouvement qui fit réagir le dragon mais ce dernier rugit et Næmo couina de terreur. D'un bond, il se jeta sur Rahzul et se suspendit à son cou.
Son cri le réveilla d'un coup et il se débattit contre ses draps collés à lui. Il comprit pourquoi en découvrant l'ovale mouillé sur son matelas au niveau de ses fesses. Honteux et encore sous le choc de son rêve, il glissa hors de son lit souillé et couru dans l'appartement jusqu'à cogner à la porte de Nahoko, non sans avoir vérifié au préalable qu'aucun dragon ne se cachait dans le couloir rempli d'ombres.
Message II | 504 mots
Merci Jil :
Orphée Dasgrim ~ Orisha ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 113 ◈ YinYanisé(e) le : 11/03/2023◈ Activité : Voyager avec les Enfants de Yanna
Juste avant le réveil, il existait un fragment de temps qui jetait sur le songe un voile révélateur. Rêve après rêve, Cal avait passé du temps à tenter de le ressentir, et il en avait conclu la chose suivante : dans le cas d’une chimère agréable, il s’auréolait de douceur ; en revanche, s’il s’agissait d’un cauchemar, la brutalité et la violence coupaient l’onirisme. Dans ce dernier cas, le Génie se trouvait en général virulemment éjecté du songe. Ce désagrément ne rivalisait cependant pas avec le plaisir qu’il éprouvait à imaginer la peur de ses victimes, leur souffle haletant, la sueur perlant dans leur dos, leurs cheveux plaqués sur leur front. L’esprit de Rose-Abelle l’avait expulsé avec force ; et en se sentant dériver vers d’autres rêves, il s’était délecté de la terreur qu’elle avait dû ressentir. Il l’avait imaginée, tremblante et secouée entre ses draps.
Il s’était laissé porté jusqu’aux abords du royaume onirique de Circë, puis il y avait plongé. Il avait retrouvé le songe qu’il avait laissé en suspens lorsqu’il était accompagné de Cerbère, quelques secondes avant d’être confrontés à la puissance de Cyrius Windsor. La facilité avec laquelle il les avait chassés de son territoire révoltait Cal. Un jour, il le lui ferait payer.
Il se glissa sous l’eau, s’enroula autour du dragon, s’accrocha à lui, caressa ses écailles, fit courir ses doigts dans la crinière qui hérissait sa longue encolure. Puis il se détacha et l’animal émergea des flots, bondissant en piqué vers le ciel.
« Ouah ! » Accroché au bastingage, Orphée fixait le reptile, les yeux écarquillés. « Un dragon ! C’est un dragon ! » s’exclama-t-il comme si personne n’avait pu s’en apercevoir en même temps que lui. Ulysse lui en avait déjà parlé, mais jamais il n’en avait vu en vrai. Dans un jet d’éclaboussures, il retomba dans l’océan. La crête des vagues fut troublée par sa course, droit vers le navire. Le garçon se pencha par-dessus bord, émerveillé. Le dragon disparut sous la coque et les eaux retrouvèrent leur calme. « Vous croyez qu’il va revenir ? » demanda-t-il en levant les yeux vers Circë, puis en regardant tour à tour les deux Sha. Il terminait à peine sa phrase qu’une secousse agita le bateau. Il cligna des yeux. Une autre, plus puissante, le fit tomber à la renverse, fesses sur le pont. La porte de la cabine du capitaine s’ouvrit à la volée et un grand homme aux cheveux blonds en sortit à vive allure. « Il faut partir. » ordonna-t-il en plantant son regard dans celui de la femme. Il fit un pas vers elle. Un fracas retentit ; puis le bois de la coque vola en éclat, et du cœur des cales émergea la gueule piquée de crocs du dragon. Muet, Orphée observa son long corps se faufiler dans le trou percé entre eux et l’homme. Il monta jusqu’au ciel, puis fondit vers l’océan, dans lequel il chuta en s’entortillant autour de lui-même. Un calme assourdissant revint. Ezechyel bondit par-dessus la béance et saisit Circë par les épaules. « Mets la chaloupe à l’eau et descends avec les enfants. » Orphée avait attrapé la main de chacun des jumeaux et il fixait, tétanisé, les deux adultes. Où était Ulysse ?
Message I – 543 mots
Isiode et Isley ~ Ange ~ Niveau III ~ ◈ Parchemins usagés : 1066 ◈ YinYanisé(e) le : 04/01/2016◈ Activité : Soldats
Aussi sûr que le Soleil sonne l’éveil du matin, elle n’avait pas menti sur ses intentions. Plus je voyais les couverts s’aligner en amalgame sous mes yeux, et plus la réflexion se renforçait dans mon cerveau. La présentation était digne des plus grands chefs de la gastronomie et que dire de ces couleurs! De ces agencements qui jumelaient art culinaire et tradition orine! De cette odeur! De ce fumet si fragrant qui embaumait jusqu’au plus petit recoin de mon esprit! Nez pointé vers le ciel, je me permis une bruyante inspiration afin de cueillir à plein poumons ce parfum de la tentation. Toutefois, le plaisir de la patience et de l’expectation ne put être pleinement apprécié, quand un ronronnement soudain vint briser ma concentration; et pas seulement, puisque la grâce solennelle de son expression se décomposa également un bref instant.
« Ç-Ça à l’air absolument exquis. Tu t’es véritablement surpassée pour ce repas », toussotais-je maladroitement à l’intérieur de mon poing.
Bien inutilement, puisque l’espoir d’étouffer à tout jamais le bruit du gargouillement se perdit au fil du temps. Maintenant qu’il avait eu contact visuel et olfactif avec la nourriture promise, tout mon corps ne répondait plus que par une seule réaction, et celle-ci se traduisait par les complaintes inconvenantes d’un estomac turbulent.
« Je peux? »
Retournant mon regard dans le verdoyant sous ses cils, je tendis mes bras une fois son accord obtenu. Puis, en déposant le premier bol devant moi, je plaquais mes paumes l’une contre l’autre à hauteur de mon menton. Il m’arrivait parfois de répéter ce geste qu’elles m’avaient peu à peu inculqué, et pour les avoir imitées à quelques reprises à l’heure des échanges et des repas, cet usage me semblait d’autant plus nécessaire au milieu de cette ambiance qui tranchait si nettement avec mon décor habituel. Et comme le voulait la coutume, une prière silencieuse fût envoyée au cœur du vent avant que je portasse de nouveau toute mon attention sur les assiettes.
« Bon appétit! »
Malgré la faim qui criait au plus profond de mon ventre, je mangeais avec modération pour déguster chaque morceau de nourriture que je déposais sur mon palais. De la viande était alors mâchée avec attention pour extraire la myriade de saveurs qu’elle renfermait. Sa texture, parfois amollie par celle des nouilles, se déchirait entre mes canines, et dans de minuscules explosions, libérait la chaleur et le goûteux du gingembre, du miso, du sésame et de la coriandre que m’avait assuré la lourdeur de son parfum. Mixés aux légumes, à la soupe et au soyeux des morceaux de tofus, tous ces ingrédients se joignaient dans cette harmonie pour consolider la sapidité du met et le ravissement incommensurable de mes papilles. Je me sentais comblé, mais toujours aussi affamé. Par chance, une assiette de tempura et une seconde soupe miso patientaient non loin de ma portée.
« Par les Dieux, que c’est bon! Soupirais-je en reposant le bol et les baguettes, que j’avais – étonnamment – manié avec une dextérité et une aisance insoupçonnées. Et tu suis ce régime à tous les jours? Mon regard appelait aux réponses qu’elle seule pouvait me partager. Qu’est-ce que l’on ressent exactement? Fatalement, mon visage se baissa pour contempler le fameux festin, alors que l’une de mes mains s’agrippait à ma poitrine. Est-ce que je pourrais bientôt percevoir, moi aussi, cette sensation? »
L’Ange laissa échapper un hoquet de surprise au contact de sa paire. C’était la première fois qu’on l’enlaçait comme ça. Mais… elle aimait bien… La surprise se transforma progressivement en rire. C’était de petits gloussements, relatifs à l’absurdité de la situation : c’était maintenant, au milieu de nulle part, collée contre sa monitrice, qu’elle avait se familiariser avec le vol. Lorsque leurs pieds décollèrent du sol, les gloussements devinrent de francs éclats de rire. Helsinki sentait le vent entre ses chevilles et sous ses pieds, l’air galvanisant qui s’engouffrait un peu plus dans ses vêtements. Il faisait frais, mais elle adorait cette atmosphère pure, qui semblait nettoyer tout son corps et toute son âme. Durant l’ascension, Helsinki en avait perdu son sac et son chapeau d’aventurière. Ça n'était pas grave, car elle n’en avait plus besoin.
Le duo se rapprochait du dragon. Les ailes bien tendues, Helsinki cherchait son équilibre. Sa partenaire rompit progressivement le contact. La blonde battit plusieurs fois des ailes pour se mettre à son niveau et attraper sa main.
-Merci.
Toute seule, elle ne se serait jamais lancée. Elle aurait eu trop peur de tomber dans un ravin et de ne jamais pouvoir terminer son voyage. C’était toujours plus simple, accompagné d’une amie. Maintenant qu’elle était suspendue dans le ciel, elle retrouvait des mécaniques évidentes et se sentait à même de maîtriser totalement sa trajectoire. Ensemble, elles accélérèrent et rattrapèrent le dragon. Celui-ci poussa un rugissement puissant. Il n’était pas menaçant ; il semblait heureux d’être accompagné lui aussi. Soudain, la bête rétracta ses immenses ailes blanches et d’un mouvement de torsion, elle se laissa basculer. Le dragon tomba à pic, dans une chute vertigineuse. Il se redéploya soudain, plusieurs centaines de mètres plus bas, puis se ménagea pour reprendre de l’altitude et recommencer. Helsinki échangea un regard malicieux avec son amie.
-Je crois qu’il veut jouer. Elle poursuivit avec un air de défi. Tu es prête ?
L’Ange lâcha sa main et se laissa tomber de la même façon que son prédécesseur. Elle poussa un cri tandis qu’une sensation terriblement grisante s’emparait de tout son corps. Sa chute fut moins ambitieuse que celle du gros reptile. Elle se réceptionna maladroitement dans les airs et reprit de la hauteur. Elle rigolait. Quand elles furent de nouveau côte-à-côte, Helsinki s’empara des mains de sa partenaire.
-Je suis désolée, j’ai oublié ton nom. Avoua-t-elle finalement.
Elle se rendait compte qu’elle en avait un peu honte en l’énonçant, mais elle lui promettait que c’était la dernière fois qu’elle l’oublierait. Elle voulait s’en souvenir pour toujours car de tout son voyage, c’était sa plus belle aventure.
-Moi c’est Helsinki.
L’Ange effectua une pirouette. L’instant d’après, elle s’était métamorphosée en dragon. Elle invita son amie à faire de même et s’élança à l’horizon. De joie, elle cracha un jet de flammes dorées qui firent briller le ciel de mille éclats.
A toute vitesse, Blu referma son sac et le mit sur ses épaules. Il était énorme mais ne pesait pas un gramme, et c’était la chose la plus normale du monde. Elle s’élança à la suite de sa camarade par la fenêtre ouverte. Elle glissa à toute allure jusqu’à la terre ferme, où elle sauta sur ses pieds. Par elle ne savait quelle maladresse, Claer avait réussi à tomber là où il ne fallait pas, mais heureusement, la Lyrienne finit par se tirer de cette mauvaise passe.
Leur aventure pouvait dès lors commencer. Elles n’eurent qu’à marcher qu’une dizaine de mètres à peine pour découvrir une première créature. Blu suivit l’index que Claer tendait pour lui montrer le Pikathalion et elle ouvrit des yeux énormes.
-Waouh !
C’était la première fois qu’elle voyait un tel animal de toute sa vie. Galvanisée, elle sortit un carnet et un crayon de la poche de son sac à dos. Le début du carnet était justement destiné à servir de bingo. La grille s’étendait sur une double page et répertoriait une quarantaine d’espèces. Les pages suivantes permettaient de prendre des notes sur leurs observations. Blu cocha donc la case du Pikathalion avec une assiduité exacerbée. Elle nota la particularité de ses attributs, notamment sa couleur et la taille de ses oreilles, dont elle s’empressa de faire un croquis. Évidemment, le rêve lui conférait des talents d’artiste insoupçonnés et ses croquis ressemblaient donc à de véritables œuvres d’art. Les deux étudiantes poursuivirent leur parcours. A mesure qu’elles avançaient, elles entraient davantage dans la jungle, dont la végétation se densifiait. La Magicienne prenait également des notes sur ces êtres vivants-là. Dans leur périple, elles croisèrent des centaines d'espèces d’oiseaux de toutes les couleurs, et même un qui parvint à imiter leurs deux voix, et avec lequel elles s’amusèrent de longues minutes. Il y avait aussi bon nombre de félins, d’amphibiens ou encore d’insectes, tous plus étonnants les uns que les autres.
Claer et Blu traversèrent différentes régions. La forêt tropicale occupa la majorité de leur temps, mais elle se retrouvèrent également à traverser des marais grâce à des pontons en bois, puis un large fleuve en canoë. Leur bingo avait bien avancé et arrivé de l’autre côté de la rive, il ne leur restait qu’une seule espèce à trouver. Elles retrouvèrent de ce côté la forêt luxuriante, devenue familière. Ce fut là qu’elles arrivèrent devant une grotte, qui semblait s’enfoncer dans la terre. Elle était particulièrement intrigante, car il en provenait un drôle de ronflement. Une ombre bougea à l’intérieur de l’antre. Blu força son amie à reculer, alors que la chose se mouvait pour sortir de l’obscurité.
Ce fut d’abord un museau aux deux narines fumantes qui soufflèrent un filet de fumée las. Un peu plus bas, on devinait le début d’une gueule immense qui cachait des rangées de crocs acérés. La créature s’avança encore. Elle était verte et sa peau était recouverte d’écailles. Une fois totalement sortie, elle s’installa fièrement sur ses quatre pattes. Ainsi, elle surplombait encore largement les deux adolescentes.
-Par Suris… Murmura Blu, statufiée, le crayon suspendu au-dessus du bingo.
Pulsar Verhoeven ~ Magicien ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 745 ◈ YinYanisé(e) le : 17/08/2018◈ Âme(s) Soeur(s) : June Hautbourg | Magicienne | PNJ ◈ Activité : Organisateur de Soirées [Rang II]
Jeu 04 Avr 2024, 21:30
Illustration - Olga Khariton
Le Temps des Dragons Pulsar & Alþjófr
Inclinant la tête sur le côté, avec un hochement de tête soutenu pour signifier qu'il était d'accord avec les propos de son compagnon d'infortune, Pulsar se voulait prudent. Intelligent ou non, les Dragons demeuraient des créatures dangereuses. Il ne craignait pas de le combattre, ce qui ne voulait pas dire qu'une nouvelle ruse désireuse de le pulvériser contre un mur n'allait pas surgir. Ces animaux carnassiers qui ne servaient que leurs seuls instincts et leur logique différaient des leurs. Ses mains étaient légèrement relevées pour éviter toute impression d'agression, mais pour quelqu'un qui usait de magie comme il respirait, cela ne pouvait rien signifier. Autant son adversaire que lui-même étaient prêts pour se donner la réplique. Il avait beau avoir du mal à respirer ou à bouger à cause de la chaleur suffocante, Pulsar n'avait pas l'intention de se laisser tomber. La conversation s'éternisait, mais cela lui permettait de scruter des failles, quasiment inexistantes, sur les écailles du Dragon. Les Prophéties, ces machins annonciateurs de choses apocalyptiques et que les peurs communes engendraient seules. Tout le monde savait que le meilleur moyen de les provoquer était de vouloir les éviter. La preuve se trouvait devant eux.
— Mais ici, on la baise la Mort, vois-tu.
Cela pouvait être insultant pour les Aetheri, mais il n'avait cure de son Blasphème. Aucun d'entre eux n'avait répondu à leurs suppliques ou leurs appels à l'aide. Ce que le Magicien savait, par contre, c'était que sans Vie, l'Ombre ne pouvait prospérer et sans Ordre, le Chaos lui-même s'effondrait. Il n'existait alors que le Néant. Peut-être était-ce ce qu'ils devaient éviter ? Sa tête tournait. Moins de réflexion et plus d'action serait le bienvenu. Cela ne lui prit qu'un instant pour vouloir les pulvériser d'une seule âme ; c'est bien ce qu'il pensait, tous des fourbes ! Ses assauts étaient d'une violence inouïe, prêt à engloutir tout ce qui se trouvait dans son sillage. Était-il nécessaire de parlementer avec lui ? Il n'écoutait rien. Il n'en avait pas envie et s'amusait de leur situation. Pour autant, un Dragon prenait leur défense dans la mesure de ses capacités. Heureusement, ils n'étaient pas seulement trois, mais Tous prêts à se lever contre la Tyrannie.
— Aucun problème ! dit le Magicien en enroulant ses doigts les uns aux autres. J'en fais mon affaire !
S'il n'y avait plus d'eau dans cette terre défraichie, la terre était abondante et mourante, prête à un dernier soubresaut de résistance pour sa survie. Dans une maîtrise qu'il n'avait rien à envier à un Lyrienn défraichi, Pulsar parvint à ériger un bouclier pour protéger ses compagnons d'infortune, soulevant le sol pour repousser l'ailé, tandis qu'on le protégeait des retombées rocheuses des tréfonds de l'antre qui se soustrayait sous leurs pas. Puis, débarrasser des détails, il put créer des morceaux de glace pointus qui conduisaient un courant électrique foudroyant qui balayait les ailes du Dragon, dont le cri de rage fit trembler leurs os. Poussant sa magie au maximum de ses capacités, le Magicien parvint à le faire choir. Il n'était pas mort, mais grandement affaibli par cette attaque saugrenue et qui lui fit relâcher ce qu'ils étaient venus chercher.
Et d'un même geste, le Nain et le Magicien l'enfoncèrent dans le sol, avant que des lianes d'or ne viennent le récupérer et ne remettent ainsi à sa place, en sûreté, au centre de ce monde.
Dos contre le mur, l'Enfant des Cieux se voulait aussi droite que sa mère le lui avait appris, à défaut d'avoir un bureau adéquat pour retranscrire ce qu'elle imaginait au travers de son crayon. Ses ailes semblaient remuer selon les réflexions de son esprit, elles qui étaient aussi immobiles que ces jambes dans la vie diurne. Sa maman l'encourageait à travailler ses traits, même si elle ne comprenait pas un traître mot de ce que ça voulait dire. Qu'allait-elle dessiner aujourd'hui ? Elle essayait de reproduire le nombre exact de plumes présentes sur le dos de son père, mettant dans une couleur jaune foncée le bout de ses plumes pour reproduire leur teinte particulière. Cela lui semblait terne en comparaison, même si le papier essayait de s'adapter à ses pensées, oubliant les ailes pour dessiner l'Oiseau Doré directement. Dans un élan de pure création, Shasha parvint à animer le sien. C'était un lézard comme ils pouvaient en voir plein sur le mur des maisons, mais elle lui avait donné des ailes, comme eux.
Seulement, l'enfant fût jalouse, parce qu'il pouvait les bouger et voler ! Il filait d'ailleurs loin d'eux après ses propres exclamations d'admiration. Idril eu une moue boudeuse. En voulant reproduire sa magie, son amie vint à sa rencontre pour tenter de donner vie à son dessin. Cela la fit rire de fierté. Comment pourrait-elle le sortir de là ? Soit il travaillait, soit il faisait des bisous à maman - même si ça, fallait pas l'dire ! - et il était trop grand pour ça.
— Mon papa est trop fort !
C'est à ce moment qu'un monsieur apparu devant eux, l'Enfant des Cieux était un petit peu nerveuse ; sa maman lui avait toujours dit de ne pas parler aux inconnus. Et de crier. Shasha semblait mieux maîtriser le sujet, alors elle se taisait, observant la situation, prête à mordre si nécessaire. Pendant quelques minutes seulement. Idril semblait indignée qu'on l'accuse éhontément son amie. Si elle avait pu, elle se serait levée pour gronder le chevalier de plus près, mais elle ne le pouvait pas, comme engluée dans le sol, alors, ses yeux se fronçaient.
— C'est toi qui a laissé la porte ouverte, c'est pour ça qu'il est parti !
Et toc ! Si on faisait attention, rien de mal ne pouvait se produire !
— Papa me dit souvent de bien faire attention aux animaux, donc on a bien regardé où il était parti !
Il le disait certainement parce que les enfants pouvaient rapidement les blesser sans en avoir conscience et les mécanismes de défense de certains d'entre eux pouvaient être fatals. D'un autre côté, cela leur permettait d'inculqué assez tôt que ces êtres doués de conscience était leurs égaux.
— Mais ... ton dwaaron, il parle comme le copain de maman ?
Ça question restait sans réponse un court instant.
— C'est un corbeau qui parle ! précisa-t-elle.
Parce que si c'était le cas, alors il pouvait comprendre et revenir si on l'appelait.
« Te tuer ? » Razhul renifla par le nez, comme si elle s’apprêtait à cracher par terre en pensant à ceux qu’elle devait impérativement tuer. « Ça dépend ! Si t’es un Sorcier qui pue des pieds, et même si tu ne pues pas des pieds, je serai obligée de te tuer. SUS AUX SORCIERS ! » Razhul n’avait jamais compris comment le prononcer – elle disait « suce », même si elle avait appris ce mot très tôt. Alors, quand elle était encore plus jeune et ne maîtrisait pas très bien les pronoms, il lui arrivait de prononcer des phrases qui faisaient rire gras ses parents et leur entourage [Oui j’ai décidé unanimement qu’en Zul’Dov, ces deux mots étaient très proches aussi]. « Sinon, ça devrait aller… sauf si tu m’énerves. » Heureusement pour lui, elle n’était pas très au fait de ce qu’il s’était passé entre les Sirènes et les Réprouvés. Sinon, elle aurait été obligée de le tuer pour de vrai.
« Tu connais Lazare ? » Razhul se radoucit légèrement. Son torse fut moins bombé, comme si elle était en train de penser qu’elle ferait mieux d’aller boire une pinte avec ce gros bébé plutôt que de le menacer. Après tout, Lazare était son domestique à cookies – même si elle pensait beaucoup à lui pour un larbin. « C’est vrai que vous avez besoin de conseils… » commenta Razhul. « Déjà, vous ressemblez à des tiges de blé une mauvaise année de récolte et c'est pas très vendeur. » Elle ne prit pas ombrage de son refus de trainer avec elle. De toute façon, il n’était pas en mesure de décider. En plus, elle non plus n’avait pas envie de trainer avec lui. Elle lui parlait UNIQUEMENT parce qu’elle n’avait rien d’autre à faire et qu’il lui était rentré dedans. Néanmoins, les compliments marchèrent. Elle bomba de nouveau le torse. Avant le rugissement du dragon, elle crut bon de lui donner son meilleur conseil avec les filles. « Si tu veux embrasser une fille, t’as qu’à la plaquer contre un mur et l’embrasser direct. Facile. Mais faut avoir de la force pour ça. Pas ressembler à un vieux mollusque. » Ce qui était son cas. « Après tu lui fous la main dans la culotte et voilà ! Si elle en a une. » Dans sa tête, l’inverse était tout aussi vrai. Les femmes, à Lumnaar’Yuvon, plaquaient aussi les hommes contre les murs et leur mettaient la main dans la culotte. Et puis, à côté, il y avait les vieux nuls comme Rozo qui préféraient péter sur tout le monde.
Au rugissement, Razhul frémit et se mit en position de combat. Næmo lui, après lui avoir agrippé le cou comme un Magicien en émois, disparut. Elle se dit que ça devait être un lâche de Sorcier dissimulé. Puis, en plus, si c’était une Sirène, ses pieds devaient puer la sardine pas fraîche. Bien entendu, elle ne gagna pas le duel face au dragon en tricot ; un échec qui serait gravé dans sa mémoire à jamais !
499 mots
Shashake ~ Chaman ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 24 ◈ YinYanisé(e) le : 21/09/2022
Les yeux de Circë fondirent sur la silhouette du dragon. Entre émerveillement et crainte, l’Ygdraë resta immobile. Son visage ressemblait probablement à ceux des deux enfants qui l’entouraient. Le dernier se contentait de regarder la bête comme si elle n’éveillait chez lui aucun émoi et que son trajet était inéluctable. Il semblait presque prêt à mourir sans même tenter de sauver sa vie ou hausser les épaules en signe de renoncement. Lorsqu’il disparut, ne laissant comme unique signe de sa présence qu’un tracé inhabituel sur les vagues, la jeune femme comprit que le navire était sur sa trajectoire et risquait de subir d’importants dégâts. Le petite brun, lui, se tortilla pour tenter de chercher la bête. Il regarda son copain. « Il est où ? Il est où ? » L’excitation et la peur de la perte rendait sa voix fébrile. Il ne semblait pas comprendre le danger. Les enfants étaient ainsi : la mort n’était pas leur préoccupation première. Ils ne la visualisaient pas. Ils vivaient dans l’instant présent. L’Élue de Raanu baissa les yeux sur le bleu. Il la regarda aussi et s’apprêta à dire quelques mots qui furent coupés par l’intervention du troisième enfant. Circë hocha la tête sans prononcer quoi que ce fût. En faisant le tour de ses possibilités, il lui sembla couler au fond des abysses. Le navire était loin des côtes. Elle ne pourrait pas sauver tout le monde. Pourrait-elle au moins se sauver elle-même ? Comme pour répondre à sa question, une secousse faillit la propulser violemment par terre. Elle se rattrapa grâce à sa magie. Son corps était plus frêle que la majorité des adultes qui l’entouraient. Les trois enfants, eux, s’étaient étalés comme des quilles fauchées par une boule. Le brun avait l’exact position du blond. Le bleu, lui, avait atterri sur le ventre. Alors qu’elle réfléchissait à la meilleure solution, la silhouette d’Ezechyel la tira de ses pensées. Elle releva les yeux vers lui et acquiesça. Il savait toujours quoi faire et elle était prête, à chaque fois, à s’en remettre à lui. Un fracas coupa son élan. Elle laissa échapper un cri de surprise d’entre ses lèvres. Son cœur se mit à battre plus vite. Elle inspira, pourtant figée. Les mains de l’Ygdraë sur elle la réveillèrent. « Oui. » s’entendit-elle murmurer. La chaloupe. « Les enfants, venez, il faut qu’on… » Elle poussa le blond – qui tenait les deux autres – vers l’endroit indiqué, avant de se retourner vers Ezechyel. « Et toi ? » lui demanda-t-elle, alors que sa magie s’activait pour pousser Orphée, Shashake et Shashaka vers l’échelle qui leur permettrait de rejoindre le bateau de sauvetage. Elle s’avança vers l’Ygdraë. « Je peux t’aider pour les autres… » Elle avait surtout envie qu’il vînt avec eux.
![[Event février-avril] - Le temps des dragons - Page 4 6hdk](https://zupimages.net/up/24/12/6hdk.jpg)
« Héhé... » fit Næmo avec une fierté incommensurable qui gonfla son petit torse de poulet. Il venait de nouer sur son front une corne de Narval à l'aide d'un cordon épais solidement fixé derrière sa tête. « Je suis invincible ! » Et pour le prouver à la rangée de peluches alignées contre le mur, l'enfant se précipita vers la montagne de jouets la plus haute de la salle. Immense, celle-ci s'étendait à perte de vue. Son sol était invisible, jonché de divers objets hauts en couleur, de livres garnis de dessins, de grands tableaux sur lesquels dessiner, de petites figurines en cire, de balles de toutes les tailles. Il y avait là de quoi s'amuser pour l'éternité. Il avait déjà passé un certain temps sur le trampoline à faire des sauts de plus en plus hauts jusqu'à réussir à faire un salto. 
![[Event février-avril] - Le temps des dragons - Page 4 7qoc](https://zupimages.net/up/22/45/7qoc.jpg)
![[Event février-avril] - Le temps des dragons - Page 4 009](/users/3014/30/04/80/smiles/009.gif)
:![[Event février-avril] - Le temps des dragons - Page 4 Epuo](https://zupimages.net/up/22/46/epuo.png)
« Voudrez-vous du calcaire avec votre chocolat ? » demanda Claer en tendant la salière, dont le minéral avait été remplacé par un autre. Elle s’était adressée au Troll biscornu qu’elle était partie chasser plus tôt le matin. Mais sa nourrice lui avait plutôt conseiller de l’inviter pour un goûter, alors plutôt que de lui tendre un piège, elle était allée donner trois coups au pont sous lequel il vivait, et avait exécuté une petite danse pour montrer sa bonne foi. Puis elle l’avait invité à se joindre à la petite table de son jardin où les attendaient des délices. « Mmh, non merci, mais je prendrais bien un peu de graines de moutarde. Et toi, veux-tu du sirop à mettre sur tes cailloux ? » La blonde baissa la tête sur son assiette : des galets de formes, tailles et couleurs variées lui avait été servie. « Mmh, ça rendra peut-être tout ça plus doux… » songea-t-elle elle acceptant le petit pot rempli du liquide doré qu’elle badigeonna sur les pierres. « Oh, ca croustille. » consta-t-elle alors qu’elle prenait précautionneusement sa première bouchée. « Zut. » Elle venait de faire tomber sa cuillère : elle se baissa pour la ramasser. 
![[Event février-avril] - Le temps des dragons - Page 4 002](/users/3014/30/04/80/smiles/002.gif)
![[Event février-avril] - Le temps des dragons - Page 4 Clih](https://zupimages.net/up/22/39/clih.bmp)
Circë sortit de sa cabine afin de marcher sur le pont. Elle n’arrivait pas à trouver le sommeil. Depuis plusieurs jours, ses pensées s’envolaient vers Ezechyel. Elle rêvait souvent de lui, si bien qu’elle se levait parfois le matin en pensant qu’il avait effectivement embarqué avec elle pour l’aider dans son voyage. La réalité était tout autre. Elle en ressentait souvent une pointe de déception mais se reprenait afin de traiter les affaires courantes. Néanmoins, le soir, elle peinait à dormir. Alors, elle allait marcher sous la lueur de la lune et des étoiles. Les membres de l’équipage avaient tracé les constellations du nouveau ciel et essayaient d’en comprendre le sens profond ou les secrets. Parfois, lors de ses traversées nocturnes, elle croisait des scientifiques ou des artistes, les yeux tournés vers la voûte. Elle, se contentait d’observer en spectatrice. Elle ne cherchait aucun réconfort. L’étendue nourrissait sa mélancolie mais attisait aussi ses espoirs. 
![[Event février-avril] - Le temps des dragons - Page 4 Xy9r](https://zupimages.net/up/23/34/xy9r.jpg)
Il m'arrivait de me demander à qui incombait la tâche de peindre le ciel. À qui l'artiste destinait-il ses toiles ? Quels messages s'y dissimulaient ? Et qu'y pouvais-je moi, s'il était triste, ou heureux ? Quand les gouttes s'écrasaient sur mon visage, baignant mes joues de ces larmes sans sel et offrant aux végétaux et au vivant une chance de croître, que fallait-il faire en retour ? Je sentais, intrinsèquement, que j'avais un devoir pour cet être invisible et pourtant si expressif, comme si ses émotions débordaient sans filtre. Ses hurlements étaient les craquements des éclairs, ses sourires se dessinaient sur les vols migratoires des oiseaux, sa mélancolie sertie dans la lourdeur d'une épaisse mousse grisâtre. Et moi, dans tout ça ? Ma vie était-elle plus que cette routine ? Aller chercher, apporter, suivre docilement, tel un chien bien éduqué. Mais je n'étais pas un chien. Je n'étais pas obéissante, j'étais terrifiée. L'inquiétude persistante dans laquelle je vivais transformait mes aliments en cendres, fanait les plus belles journées ensoleillées. Le peintre, avec ses camaïeux les plus chaleureux, n'arrivait plus à m'atteindre. Son bonheur devrait rester sans réponse car il n'y avait plus rien à ressusciter en moi. Ce n'était pas en moi que se développait la vie. ![[Event février-avril] - Le temps des dragons - Page 4 90xy](https://zupimages.net/up/23/34/90xy.jpg)
![[Event février-avril] - Le temps des dragons - Page 4 Signat20](https://i.servimg.com/u/f73/19/39/14/72/signat20.png)
![[Event février-avril] - Le temps des dragons - Page 4 5uok](https://www.zupimages.net/up/20/30/5uok.bmp)
![[Event février-avril] - Le temps des dragons - Page 4 Signat16](https://i.servimg.com/u/f73/19/39/14/72/signat16.png)
![[Event février-avril] - Le temps des dragons - Page 4 Signa_10](https://i.servimg.com/u/f73/19/39/14/72/signa_10.png)
![[Event février-avril] - Le temps des dragons - Page 4 Wu1g](https://www.zupimages.net/up/20/30/wu1g.bmp)
:![[Event février-avril] - Le temps des dragons - Page 4 He1i](https://www.zupimages.net/up/20/30/he1i.bmp)
![[Event février-avril] - Le temps des dragons - Page 4 Eymh](https://www.zupimages.net/up/20/30/eymh.bmp)
![[Event février-avril] - Le temps des dragons - Page 4 Img_2010](https://i.servimg.com/u/f71/19/57/04/49/img_2010.png)
Inclinant la tête sur le côté, avec un hochement de tête soutenu pour signifier qu'il était d'accord avec les propos de son compagnon d'infortune, Pulsar se voulait prudent. Intelligent ou non, les Dragons demeuraient des créatures dangereuses. Il ne craignait pas de le combattre, ce qui ne voulait pas dire qu'une nouvelle ruse désireuse de le pulvériser contre un mur n'allait pas surgir. Ces animaux carnassiers qui ne servaient que leurs seuls instincts et leur logique différaient des leurs. Ses mains étaient légèrement relevées pour éviter toute impression d'agression, mais pour quelqu'un qui usait de magie comme il respirait, cela ne pouvait rien signifier. Autant son adversaire que lui-même étaient prêts pour se donner la réplique. Il avait beau avoir du mal à respirer ou à bouger à cause de la chaleur suffocante, Pulsar n'avait pas l'intention de se laisser tomber. La conversation s'éternisait, mais cela lui permettait de scruter des failles, quasiment inexistantes, sur les écailles du Dragon. Les Prophéties, ces machins annonciateurs de choses apocalyptiques et que les peurs communes engendraient seules. Tout le monde savait que le meilleur moyen de les provoquer était de vouloir les éviter. La preuve se trouvait devant eux.
Dos contre le mur, l'Enfant des Cieux se voulait aussi droite que sa mère le lui avait appris, à défaut d'avoir un bureau adéquat pour retranscrire ce qu'elle imaginait au travers de son crayon. Ses ailes semblaient remuer selon les réflexions de son esprit, elles qui étaient aussi immobiles que ces jambes dans la vie diurne. Sa maman l'encourageait à travailler ses traits, même si elle ne comprenait pas un traître mot de ce que ça voulait dire. Qu'allait-elle dessiner aujourd'hui ? Elle essayait de reproduire le nombre exact de plumes présentes sur le dos de son père, mettant dans une couleur jaune foncée le bout de ses plumes pour reproduire leur teinte particulière. Cela lui semblait terne en comparaison, même si le papier essayait de s'adapter à ses pensées, oubliant les ailes pour dessiner l'Oiseau Doré directement. Dans un élan de pure création, Shasha parvint à animer le sien. C'était un lézard comme ils pouvaient en voir plein sur le mur des maisons, mais elle lui avait donné des ailes, comme eux.![[Event février-avril] - Le temps des dragons - Page 4 Chriss10](https://i.servimg.com/u/f83/11/47/94/71/chriss10.jpg)
![[Event février-avril] - Le temps des dragons - Page 4 Signat12](https://i.servimg.com/u/f83/11/47/94/71/signat12.jpg)
![[Event février-avril] - Le temps des dragons - Page 4 Signat13](https://i.servimg.com/u/f83/11/47/94/71/signat13.jpg)