Le visage légèrement penché en avant, un sourire étira mes lèvres. Entendre ce nain m’appeler Maître était étrangement jouissif. Amestris comportait un nombre incalculable d’esclaves qui m’appelaient ainsi du matin au soir. Des Humains, des Réprouvés, toute sorte de peuples inférieurs qui s’étaient retrouvés enchaînés par la malédiction des Mayfair. Je n’y avais jamais fait attention, car cela me semblait être dans l’ordre des choses. J’étais le Prince Noir. Tous ceux qui m’entouraient et me servaient étaient ma propriété. Je pouvais en disposer comme je le souhaitais ou, du moins, des esclaves. Les domestiques étaient un autre sujet mais lorsque je serais plus fort, lorsque je pourrais tenir tête à mon père, je ne manquerais pas de changer certaines règles. Les domestiques deviendraient, eux-aussi, des esclaves à mon égard. Ce que j’ignorais c’est qu’il suffisait d’un mot de l’Empereur Noir pour que les domestiques lui obéissent pleinement et répondissent à toutes ses lubies. Ce comportement m’était interdit et j’avais, à chaque fois que j’outrepassais les règles, le droit à un sermon voire à une sanction. Moi, je les voulais tous à genoux. Et lui aussi, Dastan. Lui plus que les autres, avec son regard insolent et son essence de vermine. Lui et le brun. Le blond, pour l'instant, ça allait. « Un Réprouvé ne peut être plus grand qu’un Sorcier. » dis-je, en le fixant, faisant fi de la réalité. « Un paysan ne peut être plus grand qu’un Prince. » Je souris. « Je pourrais même te maudire pour que tu restes un nain mais ça ne sera pas nécessaire. » Un rictus de jubilation malsaine se dessina sur mon visage. Je n’en savais rien mais je voulais le torturer, comme quand je menaçais les domestiques de dormir les cuisses bien fermées. Je voulais qu’elles eussent peur. Je voulais qu’elles se torturassent elles-mêmes, en imaginant le pire. Et le pire, ce serait moi.

Néanmoins, mon sourire disparut lorsque Tekoa revint et annonça la suite. Je croisai les bras sur mon torse. Je n’étais pas d’accord avec sa déclaration. Je préférais mourir plutôt que le Réprouvé me lavât. J’étais habitué à ce que les domestiques me toilettassent mais imaginer ce gamin roux, Réprouvé et insupportable toucher ma peau avait de quoi provoquer chez moi des nausées. Le fait qu’il acceptât me fit grimacer mais je ne dis rien pour le moment. Je n’avais pas envie de passer pour un lâche alors que les choses lui semblaient si simples à lui. « Les six pleines Lune Blanche ? » De mieux en mieux. Qui voulait se réunir sous la Lune Blanche ? Pas moi. « … Bon. D’accord. » Surtout parce que je n’y connaissais rien en astronomie et que le cycle de la Lune Noire m’apparaissait comme quelque chose d’incertain. Il valait mieux que je ne disse rien, avant d’offenser Ethelba et de passer pour un idiot. « Le Conseil du Jeu… » Je n’allais pas l’admettre mais l’idée me plaisait. Petit à petit, dans mon esprit, quelque chose se traçait, une chose encore inconsciente qui finirait par sortir.

« Chacun son tour. » dis-je, de retour dans le bassin, avant de poser les yeux de nouveau sur le rouquin. « Oh… » L’idée venait de germer. Je levai les yeux vers les autres. « Je me dis… Pour l’instant nous nous battons comme ça mais… » Ma pensée pouvait paraître tordue mais elle ne l’était pas tant que ça. Elle était surtout dangereuse. Chaotique. Parfaite. « On pourrait se promettre de devenir Rois et faire promettre la même chose à tous ceux qui entreront dans le jeu ? Comme ça, il serait encore plus intéressant et les Conseils du Jeu deviendraient aussi des conseils des Chefs. » Et nous pourrions nous faire de vraies guerres, par le biais de nos gages. J’étais un Mage Noir, je me foutais de sacrifier le peuple pour mon simple amusement, même si le respect des règles de base empêcherait les véritables affrontements sanglants. Je reportai mon attention sur le rouquin, pour régler cette affaire de toilette. « Tu sais quoi ? Chez moi, non seulement on crame les roux, les homosexuels et les Réprouvés insolents mais, en plus, ce sont les domestiques et les esclaves qui s’occupent de laver les enfants royaux. Tu préfères être quoi pour moi ? Un domestique ou un esclave ? » Je lui souris. Avec un peu de chance, il refuserait de me laver après ça. Parce que je n’en avais pas envie et l’imaginer poser ses mains sur moi me hérissait le poil. Je préférais encore étudier pendant dix heures les prières ennuyeuses du Chancelier Masskinn.

Zayde Wolf - Holy Water (live acoustic)

« J’aime poser les yeux sur tout ce qui fait le monde. » dis-je, avec un sourire amusé sur les lèvres. « Il y a bien des curiosités. » La dernière phrase était simplement là pour l’enquiquiner. Ma plaisanterie se termina dans un rire, lorsqu’il m’avoua qu’il aimerait que je me déshabille. Pour toutes les fois où il m’avait vu nu, cela ne me dérangeait pas. Néanmoins, je craignais davantage pour la pudeur des autres participants. Si Adam n’avait aucun mal à se promener le sexe à l’air, j’étais plus regardant, bien que non pudique à l’extrême. C’était simplement les autres qui m’inquiétaient, surtout qu’il y avait des enfants. Le corps en lui-même n’était pas sale mais les mœurs de certains peuples le rendaient impropre. « Huuumm… Peut-être. » Non. Il avait faux mais, comme nos règles l’avaient précisé, je ne devais pas le lui révéler. Nous compterions à la fin. « Tu es vraiment impatient alors que tu devrais savoir que c’est mieux de se dévêtir lentement pour plus d’effet. » Un sourire en coin germa sur mon faciès, légèrement perturbé par l’arrivée d’Ezechyel. Je le regardai avec intérêt. Je l’avais déjà noté plus tôt mais sa présence provoquait chez moi un sentiment indéfinissable. C’était comme si le reste se mettait à disparaître autour de nous, comme si je regardais dans un miroir qui, au lieu de me renvoyer mon reflet, faisait apparaître le portrait d’un autre. Un autre ? C’était le deuxième mot qui coinçait. Il ne me paraissait pas être un autre. Pourtant, il n’était pas moi non plus. Qui était-il ? Les concepts liés à l’amour s’insinuèrent dans mon esprit. Mon cœur battait en sa présence. L’envie de le capturer et de le garder avec moi pour toujours effleurait chacun de mes muscles. Ils se tendaient, comme prêts à l’action. Sa déclaration me fit sourire et mon sourire fut relayé par le rire d’Adam qui s’adressa directement à lui.

Une fois que nous fûmes seuls, je me mis à le contempler d’une manière pleine et entière. Je passai au crible chaque centimètre de sa peau, comme pour y découvrir un indice. Nous n’avions pas la même corpulence mais nous possédions des traits similaires. Il ne sautait pas aux yeux que nous nous ressemblions à cause de nos couleurs de cheveux mais… Je finis par sourire. « Nous jouons au jeu des anecdotes. Chacun de nous en dit deux et l’autre doit deviner laquelle est la vraie. » Je n’avais pas eu spécialement envie de lui expliquer ces règles mais je l’avais fait pour gagner du temps. Je voulais tout connaître de lui, tout en ayant l’impression de le connaître déjà. Le sentiment était étrange. Je craignais qu’en posant des mots sur ses goûts, sur ce qu’il était, sur qui il était, la magie disparût. Je me sentais fou, de vouloir le garder pour moi. Je voulais que nous vivions tous les deux loin de tout. Ensemble pour toujours. Je savais pourtant que c’était impossible et j’essayais d’effacer la mysticité de notre rencontre en me rattachant à des éléments matériels. Je ne faisais jamais ça en temps normal. Je me laissais habituellement entraîner. « Allons nous baigner, vous m’expliquerez pourquoi vous pensez m’aimer dans le bassin. » Je pensais comprendre ce qu’il avait voulu dire par là. Il ne m’aimait pas comme on aime son amant ou sa maîtresse. C’était différent. Il m’aimait comme une partie de lui-même et je lui aurais retourné sa déclaration si ce n’était pas si… « En fait, moi aussi, je crois que je vous aime. » me ravisai-je, en enlevant mon bas. Je plaçai mes mains sur mon sexe et m’avançai vers le bassin. « Venez. » lui proposai-je. Je me sentais fébrile, parce que je n’avais aucune idée de comment lui démontrer mon amour. Mon corps réclamait le sien mais d’une façon qui n’était pas sexuelle. D’un autre côté, si je l’enlaçais et perdais mon nez dans son cou, cela apparaîtrait comme tel.

Une fois devant Adam, je lui souris « La première anecdote est vraie. » déclarai-je, en prenant de quoi le laver. « Tourne-toi. Je ne veux pas voir ton érection si t’en as une, espèce de gros dégueulasse. » Je ris, absolument pas gêné par ça. J’attrapai un savon et une sorte de grosse éponge douce. J’inspectai son dos, m’éclaircis la gorge et repris le fil de la conversation, avant de penser à autre chose. « Première proposition : Un jour, je suis arrivé à l’improviste chez Mancinia. Comme j’en ai toujours eu l’habitude, je me suis fait discret pour éviter d’être arrêté par un domestique mais comme son domaine est super grand, je me suis perdu. En ouvrant une porte, je suis tombé sur Neah en train de dormir dans son bain. Il ne m’a pas vu et je suis sorti discrètement. » Je souris, avant de passer à la suite. « Deuxième anecdote. Un jour, on se baignait dans un bain comme celui-ci, à peu près dans la même configuration, et je me suis senti extrêmement attiré par toi. Pour sauvegarder notre amitié et aussi parce que je devais être très malade, j’ai préféré ne rien dire. »

1620 mots
Je vais finir par les scinder en deux  
Erasme est avec Dastan, Sympan et Tekoa.
Aimé est avec Adam et Ezechyel.
N'hésitez pas à venir si vous voulez qu'ils vous passent un le savon  

« Pour le lieu de rendez-vous… » Je réfléchis. « On n’a qu’à… le dessiner et se l’envoyer. Il y aura bien un moyen… » Le problème c’est qu’Awaku No Hi n’existait pas vraiment pour les étrangers. « Ou on économise et on s’achète un endroit rien qu’à nous dans lequel on pourrait se retrouver ou juste aller tout seul. C’est pas très courant chez moi mais en voyageant j’ai cru comprendre que y avait des gens qui achetaient des maisons. Faudrait juste se débrouiller pour pouvoir y aller fréquemment pour prendre connaissance du lieu de rendez-vous. » Je pouvais sortir de l’Île Maudite de temps en temps, plus que sous le règne de Devaraj. Surtout, à force d’être appelé par les Ætheri pour participer à des épreuves, je commençais à acquérir le droit de me déplacer, même si je n’étais pas encore adulte et que je n’avais pas encore procédé à ma première fusion. C’est que les Esprits qui me parlaient étaient souvent ceux de mes nourrices et ils venaient à moi uniquement pour me faire obéir aux règles établies par elles. Mais moi je voulais être libre comme l’air et ne répondre qu’aux Lois des Dieux ! « Peut-être que l’un de nous a un endroit qui pourrait servir à tout le monde non ? Un endroit qui ne l’avantage pas. » Parce que le Sorcier ne m’inspirait pas confiance. Il pourrait très bien choisir de nous cramer si nous pénétrions à Amestris. Le Réprouvé pareil. La tension entre le roux et le brun était d’ailleurs assez palpable, bien que le brun ne me plût pas non plus. Cependant, Léto m’avait demandé de veiller sur le groupe. C’est ce que j’allais faire, parce que la Reine était plus importante que mes ressentiments. Pour elle, je me sacrifierais sans aucune hésitation parce que ses actes étaient guidés par ceux que je vénérais, ceux qui étaient plus grands que moi, plus grands que nous tous. Peut-être même qu’à force de côtoyer les hérétiques, je pourrais les remettre dans le droit chemin et leur imposer les cultes. De mon point de vue, ceux qui ne les respectaient pas méritaient la mort. Je ne savais pas si je préférais la violence ou la discussion. Comme ça, sans me pencher davantage sur la question, la violence me paraissait plus efficace, parce que tout le monde ne parlait pas la même langue et que c’était chiant de chercher à se faire comprendre.

« C’est moi qui vais donner le gage. » décidai-je, en me tournant vers Sympan. « Tu vas prier avec moi pour que ma toilette soit bénie des Ætheri. » Ils n’étaient pas au bout de leur peine parce que tout ce que j’avais en tête, dans la vie en général, reposait sur deux piliers : les Dieux et la chasse. « Et c’est quoi, homosexuel ? » demandai-je. Je n’avais pas les termes en tête, pour la bonne et simple raison que les orgies se passaient de termes. Pour honorer les Dieux, les corps se mêlaient sans distinction et personne n’avait d’étiquettes. Les préférences existaient sans doute mais je ne m’en étais jamais occupé. Tout ce que je savais, c’est que je ne voulais pas faire de bisous aux filles. Pour le reste, j’étais trop jeune ou, plutôt, je n’y pensais pas vraiment encore. Mon corps changeait mais ça ne me préoccupait pas au-delà de l’utilité que je pourrais en tirer pour la chasse. Si je devenais plus fort, je pourrais chasser mieux et tenir plus longtemps lors des danses rituelles. Mon regard se posa sur la fille débile de tout à l’heure qui entrait dans l’eau d’une façon comique. « Y en a qui sont bizarres quand même… » laissai-je échapper devant l’étrange parade, avant de reporter mon attention sur les autres. « Et pour devenir Roi… Je ne sais pas. C’est pas moi qui décide. Ce sont les Ætheri. » déclarai-je, en ne sachant pas si j’avais le droit de promettre ce genre de choses. « Mais si les Dieux le veulent alors je deviendrai Roi. » Et si je devenais Roi, les enfants Mior ne seraient plus obligés de tanner les peaux pendant des années. Je les laisserais tous seuls dans la forêt au milieu des bêtes sauvages et seuls ceux qui reviendraient au camp mériteraient de faire partie de la tribu. Ils pourraient alors chasser directement. Et j’interdirais les nourrices et les Esprits moralisateurs. Je souris, content de mes idées.

Je m’avançai vers Sympan après avoir pris de quoi me laver. Je frictionnai le savon entre mes mains et posai la paume de celles-ci sur mon torse, en entamant un chant sans parole, juste l’air. « Fais comme moi et lave-moi. » dis-je, en reprenant après lui avoir tendu le savon.

790 mots
Tekoa est avec le groupe de garçons et chante des prières pour sa toilette.

Dixième pièce

Sympan possédait une pudeur inexistante. Nu, pas nu, ça ne lui importait pas. Il ne voyait que des morceaux de chair plus ou moins attrayants. Il avait lu dans un livre que la beauté était surtout une question de symétrie et de position des traits prédominants du visage. Il avait tenté de mesurer l’écart entre ses yeux, son nez et ses lèvres, mais ça l’avait rapidement fatigué. Il avait donc rangé l’ouvrage, ses instruments de mesure et était parti faire la sieste, se découvrant, après ses vingt minutes de rêve, une passion nouvelle pour les bambous et les cactus. C’est donc tout naturellement qu’il retira ses vêtements lorsque Tekoa revint et leur expliqua ce qu’il en était. À vrai dire, il ne le faisait pas pour les Ætheri. Il le faisait pour l’expérience, même si Yanna et Raanu devaient être satisfaits de son dévouement plein et entier à la cause. Il n’en fallait guère beaucoup pour le convaincre ; il ne fallait rien en fait, juste une proposition. Comme un drogué, il s’empressait toujours d’accepter, ce qui inquiétait légèrement ses parents. Ils avaient réussi à le sauvegarder jusqu’ici, à le garder Ygdraë, mais ils redoutaient – à raison – que leur fils s’empressât d’accepter la morsure d’un Vampire, le pacte d’un Démon ou encore se fît berner par un Génie. Ils discutaient également souvent de construire une protection efficace à leur casse-cou de fils, avant qu’il ne mourût en tombant dans un ravin après avoir souhaité en mesurer le fond.

Une fois nu, Sympan se prit d’une nouvelle passion : regarder le corps des autres et comparer. Tout était une question de peau, de chair, de masses graisseuse et musculaire. Certains avaient des grains de beauté – et il s’était toujours demandé pourquoi on appelait ça ainsi, d’autres des cicatrices. Certains étaient poilus et d’autres non. C’était très amusant. Lui n’était pas très gros. Il était même plutôt maigre et blanc. Sa peau n’était pas dépourvue de marques, parce qu’ils s’en faisaient toujours au cours de ses expériences. Son regard, légèrement fou, passait d’un groupe à l’autre. Certains étaient plus charismatiques que d’autres et l’attiraient naturellement. Il regrettait de ne pas voir certaines parties parfois. Qui avait idée de cacher ses attributs avec ses mains ? Avait-il honte ? Il sourit, se promettant de découvrir ce qui était caché, bien que sa promesse fût sans doute vouée à rejoindre celles qu’il ne réaliserait jamais.

Dans l’eau, il réalisa quelque chose. « Alors… Techniquement, si l’on en croit le grand livre des espèces, les Réprouvés sont plus grands que les Sorciers. Mais toi… » Le fait est qu’il était grand pour un Sorcier. Les standards s’étalaient plutôt entre soixante-dix et quatre-vingts centimètres au-dessus du mètre. « T’es assez grand. » compléta-t-il, en se passant une main sur le menton, dans un geste réflexif. Était-il un Sorcier ou avait-il menti ? Ce serait très sorcier de mentir sur son peuple. Sympan déduisit que non. Parce que si c’était sorcier de mentir sur sa race, il aurait donc plutôt indiqué être un Ygdraë ou un Démon, et pas un Mage Noir. Élémentaire. À moins que son mensonge ne fût une vérité du simple fait qu’il ne se souvînt pas être Sorcier ? Même lui trouva que sa théorie était perchée. « Chacun son tour me semble bien également. Sauf si nous ne sommes que deux. Il faut que le Jeu continue. » Il sourit, voyant presque le Jeu comme une nouvelle religion. « Et je n’ai pas de propriété à l’exception de ma chambre mais… » Il n’avait pas envie de partager sa chambre. Elle était trop petite pour quatre, bien que cela pût être une expérience intéressante, de vivre enfermés quelque part. Il pariait que le Sorcier et le Réprouvé s’entretueraient. « Trouvons autre chose que ma chambre. » Il sourit, parce que l’idée d’avoir un repaire lui plaisait, un nid au sein duquel ils pourraient retourner.

« D’accord, je chante. » Est-ce que Sympan savait chanter ? Disons simplement qu’il lui arrivait de fredonner en travaillant. « Et je promets de devenir Roi. » Il l’avait dit avec un ton particulièrement banal. Ça lui allait parce que, une fois qu’il serait à la tête d’un peuple, il pourrait faire toutes les expériences grandeur nature qu’il désirerait. Et s’ils devenaient tous Souverains, alors… Il émit un petit rire satisfait. Les perspectives étaient trop belles, même s’il n’avait pas conscience de la totalité d’entre elles à cause de ses propres limites intellectuelles. « Homosexuel c’est… » Le problème avec les définitions c’est qu’il fallait être précis. Il tourna le regard vers Érasme et Dastan, tout en prenant le savon. « C’est si les deux-là commençaient à s’aimer pour de vrai ou à coucher ensemble. Enfin… Ce serait de la pédophilie je crois bien. » dit-il, en réfléchissant. Sa définition était peut-être un peu bancale. À vrai dire, il n’en était pas certain. « Je crois bien que si tu es homosexuel, tu n’es pas attiré par les filles. Sinon c’est autre chose. » Il mit du savon sur ses mains et les posa sur Tekoa, sans prendre la peine d’attraper de quoi le laver et sans même y penser. « Mais bon, tu sais ce qu’on dit. C’est la malédiction d’Abraham : quand on commence à se chamailler en début de relation, c’est surtout parce qu’on est dans le déni de l’amour. Ou un truc comme ça. » Il venait de l’inventer pour faire son intéressant. Il aimait bien dire quelques faussetés invérifiables parfois. D’autres fois, il ne faisait simplement pas exprès. Sympan n’était donc pas extrêmement fiable, qu’il le voulût ou non. Il arrêta de parler pour se mettre à chanter, faisant de son mieux pour suivre Tekoa dans le rythme, avant qu’une question ne le démangeât. « Comment tu connais la femme qui est venue te voir tout à l’heure ? » Il se remit à fredonner. « Et pourquoi vous ne vous aimez pas tous les deux ? » demanda-t-il à Dastan et Érasme, avant d’expliquer. « Franchement, ça m’est égal. Si tout le monde s’aimait dans notre groupe, ce serait moins drôle. » Même si lui ne ressentait pas vraiment les choses en termes d’amitié, d’amour, de haine. Il était plutôt porté sur les faits et tolérait tout le monde puisque tout le monde était un sujet d’expérience pour lui.

1058 mots

Résumé:

Un léger frémissement souleva ma lèvre supérieure. J’avais envie d’attraper Bouclette par les cheveux et de tirer dessus jusqu’à ce qu’ils s’arrachassent. Combien de domestiques se seraient-ils suicidés si le hasard nous avait fait appartenir au même peuple ? Lui et moi dans les couloirs du palais royal aurait été le cauchemar d’un certain nombre d’esclaves. Plein de mauvaise foi, je pensai néanmoins qu’il n’était qu’un pouilleux de Réprouvé. Il ne pouvait pas rivaliser avec moi, sinon il n’aurait pas mis en place des limites aussi grossières à notre jeu. Sous l’eau, mes poings étaient serrés. Les Mages Noirs n’étaient pas les plus hardies physiquement. Nous préférions attaquer par derrière. J’allais le tuer lorsqu’il ne s’y attendrait pas, couper ses joues pour lui faire ravaler son sourire insolent. Je désirais effacer ce dernier de son visage à jamais, pour n’y laisser qu’une large cicatrice révélatrice de ma supériorité. Je serais son maître pour de vrai, qu’il le voulût ou non. La pensée de le voir à quatre pattes devant moi m’arracha un sourire mesquin. Mes yeux se plantèrent dans les siens, une lueur à la fois moqueuse et supérieure figée à l’intérieur. « Dois-je t’appeler maman ? » lui demandai-je. « Parce que c’est vrai que tu ressembles à une femmelette, Bouclette. » Je croisai les bras sur mon torse. Je n’avais pas envie qu’il me touchât avec ses mains puantes. Il me dégoûtait. Il devait travailler aux champs, comme tous ces incultes de Bipolaires qui ne savaient rien faire d’autres que manier des armes grossières et aboyer comme des chiens galleux. « J’aurais pu dire gros muscles, petit cerveau, mais contrairement aux tiens, chez toi, tout est petit. » Je ne voulais pas lui sauter dessus à cause des autres, et aussi parce que je ne savais pas nager, mais l’envie ne manquait pas. Lui faire fermer sa petite gueule de pouilleux était l’un de mes plus grands fantasmes. En rêve, pourtant, je préférerais peut-être qu’il l’ouvrît, sa bouche.

Heureusement, l’autre sauvage se remit à parler. « Je n’ai rien qui ne m’arrangerait pas. » D'arrangeant, je pouvais avoir ce que je désirais. « Quoi que… » J’hésitai mais me ravisai. « Non. » Boraür était un endroit particulièrement agaçant. « Lui et moi ? » relevai-je, piqué à vif. Ce que j’aimais, c’était forcer les domestiques et les esclaves à m’embrasser. Les femmes, jamais les hommes. Je trouvais ça répugnant. Même hypothétiquement… Mon regard contempla Dastan et je mimai un haut le cœur qui faillit bel et bien me faire vomir. Qu’il fût un enfant ou un adulte ne m’importait pas. J’avais un corps évolué mais, à l’intérieur, j’étais entre deux eaux. En revanche, tout le reste était abject. « Je préférerais mourir plutôt que de toucher un Réprouvé autrement que pour le tuer ou lui donner des ordres. » Le problème, et j’en avais pleinement conscience, c’est que l’Immonde Abruti me touchait déjà et que je devrais le toucher en retour. Je priais pour que la torture finît rapidement. Je prenais sur moi, parce que je ne voulais lui donner aucune satisfaction. Je me vengerais. « Les Sorciers ne haïssent pas les Réprouvés. Pour haïr, il faudrait déjà leur accorder de l’importance. » fis-je savoir. « D’ailleurs, les Réprouvés que je connais obéissent comme des petits chiens bien dressés. Ils savent qui est leur maître, eux. » Je souris. Il apprendrait, lui aussi, qui était son maître. « Oui c’est vrai qu’il a cramé votre village. C’est votre faute. Si vous étiez si forts, vous auriez pu le protéger. Mais ne t'inquiètes pas, quand tu seras Dovahkiin, je viendrai te rappeler pourquoi les Sorciers sont supérieurs. » murmurai-je. Nous parlions presque en même temps. Dès qu’il disait quelque chose, j’objectais.

Je serrai les dents lorsqu’il parla de nouveau de l’endroit, en me visant directement. Je désirais ardemment voir sa face d’écureuil stupide écrasé entre le sol et ma chaussure. Je ne dis rien, sauf lorsqu’il parla de mon sexe. Comme je savais qu’il ne le ferait pas et que je ne risquais rien, je répétai : « Femmelette. Même pas capable de faire les choses correctement. » Je ne me fis pourtant pas prier pour me baisser dans l’eau afin que celle-ci vînt me rincer, des fois qu'il changeât d'avis. Berk. J’avais hâte de terminer, ce qui fit que je lavai Sympan rapidement, sans m’attarder, rempli de ressentiments. Ce n’était pas une tâche pour un Prince que de laver qui que ce fût, surtout par un Ygdraë. « Voilà. » lâchai-je mollement. Lorsque Dastan ouvrit de nouveau la bouche, je fis mine de ne pas l’entendre. Je ne laissais rien paraître mais le fait qu'il évoquât ma mère ne me plaisait pas. Je ne la connaissais pas. J'étais orphelin. Néanmoins, quand il ressortirait du bain plein de pustules, il ferait moins le malin, pensai-je. Le problème c’est que le contrôle que j’exerçais sur ma magie n’était pas effectif et que toute la zone autour de moi fut infectée sans que je ne le susse au préalable, du moins, pas avant de sentir mon propre épiderme me gratter. Là, je me figeai. « … » Une seconde, deux secondes. Je me précipitai hors de l’eau et m’assis par terre, pour inspecter ma peau. Sur tout un pan de mon mollet droit et sur mon pied gauche, il y avait des boutons. Un air mécontent apparut sur mon visage.

849 mots
Je vais donc les scinder en deux  
Erasme déteste Dastan et veut le punir en utilisant Lux in Tenebris. Comme il ne contrôle pas sa magie, il étend quelque chose qui ressemble à la varicelle autour de lui. Ca devrait toucher Dastan, Sympan et Tekoa et éventuellement les personnages qui se rapprocheraient entre temps.

Dixième pièce

Sympan était heureux : non seulement il apprenait beaucoup de choses mais, en plus, cette aventure, loin de ses parents – surprotecteurs d’après lui – était une véritable expérience sociale. Le Sorcier et le Réprouvé auraient pu monter un spectacle à eux seuls, tant ils étaient divertissants. L’air de rien, il prit quelques notes mentales pour plus tard. Elles disaient : ne jamais hésiter à titiller l’un vis-à-vis de l’autre. Se frapperaient-ils ? Casseraient-ils des choses ? Il l'espérait. Ce serait bien plus rigolo ainsi. Il jeta une œillade à Tekoa, avec un air amusé. Il se pencha vers lui, tout en continuant sa toilette. L’Ygdraë n’avait aucune notion de pudeur. Il lavait tout ce qui lui passait sous la main. Il notait même que le corps du Chaman était intéressant. Il n’était pas dénué de cicatrices. Il se dit que ça devait être un sacré filou – c’était ce que disaient de lui ses parents lorsqu’il ne rentrait pas à l’heure ou qu’il sautait un repas. Il devait trouver un moyen de les éloigner de lui, avant qu’ils ne l’étouffassent. « J’aime bien Bouclette. » dit-il d’un air enjoué, en avortant ce qu’il voulait expliquer au garçon qu’il nettoyait. Ce n’était que partie remise. D’ailleurs, il s’y employa de nouveau après quelques longues secondes. Il s'inclina encore vers le Chaman, pour lui chuchoter quelques mots qui, dans les faits, s’avérèrent bien plus inspirés que prévu. « Tu ne trouves pas qu’il y a quelque chose d’intéressant entre ces deux-là ? Je ne sais pas… Je songe à ces espèces de comédies à la fois romantiques et dramatiques, quand les héros meurent parce qu’ils s’aiment trop ou n’ont pas compris comment s’aimer correctement. Un jour, peut-être que toutes les Terres de Sympan liront les aventures de Bouclette et de son Maître. » Un petit rire lui échappa. Il eut une idée. « On devrait leur faire de l’ombre, tu ne crois pas ? Pour de faux. Parce que je ne compte pas rester en reste par rapport à cette expérience sociale. On pourrait, nous aussi, faire comme eux. Mais ce ne serait pas pour de vrai. On jouerait la comédie. Le but serait de savoir qui de nos deux duos les gens extérieurs penseraient sincères. »

Lorsqu’il se détacha du Chaman pour être lavé par Érasme, Sym tira la tronche. « C’est quoi cette toilette nulle ? » demanda-t-il. « Pourtant, les Sorciers ne sont pas réputés pour être crades. Ce n’est pas comme les Réprouvés. » Un large sourire se dessina sur son visage. Il était heureux. Il pouvait faire tout plein d’expériences. Il allait tenter de les pousser tous les deux à bout, juste pour voir ce qu’il se passerait. L’objectif était d’éviter de se prendre le retour de bâton dans la tête.

Son regard se posa sur le Sorcier lorsqu'il bougea et il le suivit à l’extérieur du bassin, pour s’asseoir à côté de lui. « Après… C’est vrai que, tout à l’heure, pendant que tu te baignais seul dans le bassin, Dastan m’a dit que tu puais plus que le Monarque Démoniaque lui-même et qu’il voulait te pisser dessus pour que tu sentes moins mauvais. » Sur ces paroles, il baissa enfin les yeux, pour constater lui-même ce que le Sorcier regardait. Il vit d’abord les boutons sur sa jambe à lui, avant de constater qu’il en avait aussi. « Ne me dis pas que c’est toi qui as fait ça ? » demanda Sym, soudainement sérieux. Le même sourire un peu fou que précédemment barra son visage. « C’est trop génial ! » s’exclama-t-il, en se penchant un peu pour mieux observer le phénomène, totalement inconscient du fait qu’il aurait pu potentiellement se chopper quelque chose de particulièrement mortel. « Ça mérite d’être étudié. C’est dommage que je n’aie pas de carnet… » dit-il, en grattant un peu pour voir ce que ça ferait. Puis, il eut une idée. C’était à lui de donner le gage, non ? « Bon… Prince Érasme, tu m’en dois une pour ce que je vais faire. N’oublie pas de payer ta dette. » Il lui tapota l’épaule avant de se diriger vers le bord du bassin. « Hé Dastan ! J’ai ton gage. » annonça-t-il. « Tu vas faire le tour des personnes présentes pour dire que tu t’appelles Dastan, que tu adores les Sorciers et plus particulièrement Érasme, qui est ton Maître. » Il marqua une pause. Il n'avait vraiment pas le sens des priorités. « Et sortez de là, c’est infesté. » Comme preuve, il montra son propre corps. Il était couvert de boutons sur toutes les parties de sa silhouette qui avaient été immergées et ne ressemblait plus à grand-chose. Ses articulations craquèrent lorsqu’il se redressa. Il avait la souplesse d’une moule et c’était l’heure du massage, même si ça risquait d’être particulièrement étrange avec les rougeurs qu’il avait partout.

Il posa les yeux sur le groupe d’adultes et les détourna aussitôt. Ils dégageaient quelque chose de vraiment intimidant. Ça le fascinait un peu mais, d’un autre côté, il préférait passer inaperçu – et ce n’était pas très dur. Quant aux filles, il ne savait qu'en penser. Il attrapa un flacon rempli d’huile.

846 mots
Sym = Troublemaker  

Les Portes III

Le fait qu’il connaisse Mancinia Leenhardt m’étonnait. Peut-être était-il juste fou, ce qui justifierait tout le reste. J’avais déjà décidé de ne pas en tenir compte. Tant qu’il n’essayait pas de me faire du mal, qu’il délire ne m’importait pas. Je trouvais même ça très amusant. Ce qui était plus étonnant était sa capacité à répondre correctement à chacune de mes propositions. Possédait-il un pouvoir lui permettant de détecter les mensonges ? Il aurait alors détecté les siens. Non, ce devait être autre chose.

Son regard sur moi changea soudainement. Même de dos, je le sentis. J’étais un Luxurieux, toutes les tensions dans l’air rebondissaient sur moi comme des évidences. Je savais quand quelqu’un était attiré par moi. C’était limpide parce que j’avais expérimenté le désir un nombre incalculable de fois. Même le son de sa voix était différent. Chez tout le monde. Il y avait des notes plus graves, plus sensuels, plus impatientes. L’odeur changeait aussi. La dilatation des pupilles également. Il y avait des indices qui ne trompaient pas.

J’allais lui répondre mais fut devancé par le blondinet. Je me retournai et souris.

« Je suis d’accord avec lui. »

Je descendis mes yeux vers l’eau du bassin. Je ne pouvais rien distinguer mais je devinais aisément. Je me tournai néanmoins de nouveau, ne jugeant pas nécessaire de vérifier mes suppositions avec mes doigts. Ce n’était pas le moment et il n’y aurait probablement aucun instant propice à ça dans cet endroit. Si nous sortions vivants d’ici, je me montrerais peut-être plus entreprenant que dans ce bain, aux yeux de tous. Il y avait des enfants en plus, même si ces derniers avaient l’air de s’occuper entre eux.

Mes yeux allèrent caresser le corps de Léto. Je grimaçai. Si on me tentait trop aussi… Je voulais bien respecter les gamins et les deux femmes, plus loin, qui semblaient aussi à l’aise qu’un banc de piranhas dans un volcan, mais il ne fallait pas pousser.

« Moi aussi j’ai très envie de jouer avec vous. »

Je l’avais dit juste après l’acceptation d’Ezechyel. Je ne pensais pas vraiment au jeu des anecdotes, surtout que je commençais à avoir plus que chaud, entre les deux hommes. Ma main vint se placer devant mon nez et ma bouche. J’essayais de retrouver un peu de contrôle sur cette situation.

« C’est bon, je suis propre. Je vais te laver et tu n’auras qu’à laver Aimé. »

Je me plaçai derrière le blond et observai son dos, en baissant les yeux jusqu’à l’eau. Nous aurions pu être entre adultes consentants mais ce n’était pas le cas. J’expirai et le lavai. Heureusement que j’avais déjà calmé mes pulsions plus tôt.

Je me concentrai sur Léto ou, plutôt, sur sa voix. L’homme qui l’accompagnait n’était pas pour me déplaire non plus, même s’il semblait moins porté sur la chose. Son corps était beau. Il ressemblait à un roi. J’avais envie de le toucher, de verser de l’huile sur son corps et de l’étaler lentement.

Je suivis Ezechyel et me couchai à côté de lui. Je n’avais pas l’ombre d’un doute. Peut-être que j’allais trop vite mais, pour moi, Léto était une femme. C’était une question d’hormones. Je la sentais femme comme un chien sentait qu’une femelle ovulait. Je devais être un sorte d’animal, ce qui, en soi, ne me dérangeait pas du tout.

« La première pour moi. »

Je tournai les yeux vers le blond.

« Tu viens d’où pour ne pas savoir qui c’est ? »

Ce n’était pas comme si elle régnait déjà le jour de ma naissance. Je lui souris, en me disant qu’entre lui et le bleu, j’étais bien entouré. Néanmoins, cet endroit était magique et je commençais à prendre conscience de deux choses : Ezechyel ne venait peut-être pas du même endroit que moi et je connaissais peut-être bel et bien Aimé. Seulement, je n’avais pas la force de faire une enquête poussée pour le moment. Je voulais juste que le bleu me touche.

« Aimé ! Viens nous masser ! »

Je ris, en fixant le plafond, en attendant que le Magicien arrive. Cette fois, il n’y aurait pas d’eau pour cacher certains détails fâcheux. Enfin, ils étaient fâcheux pour les autres. Moi, je me fichais complètement de bander publiquement. C’était une chose naturelle, surtout chez un Luxurieux.

Je posai les mains sur mon ventre et cherchai des anecdotes à raconter. J’aurais pu placer que je couchais avec l’Empereur Noir face à une histoire plus probable pour faire faillir Aimé mais le risque me semblait trop grand. J’étais joueur avec ma propre vie mais pas vraiment avec celle des autres.

« Un jour, j’ai couché avec une Sirène et elle est tombée enceinte. Quelques mois plus tard, elle est venue frapper à la porte de chez moi avec le gamin, en me menaçant de le tuer si je ne m’en occupais pas. J’ai donc décidé de le prendre avec moi. »

Ce qui s’était avéré être le plus gros échec de ma vie. J’avais tout de suite aimé mon fils, ce qui ne m’avait pas empêché d’être totalement incapable de m’en occuper.

« Une fois, je suis allé en excursion sur les Côtes de Maübee et je suis tombé sur un centaure. Il était vraiment très attirant et je n’ai pas pu retenir mes pulsions. Lui et moi avons eu une relation charnelle qui m’a empêché de marcher pendant quinze jours. »

894 mots:

Mes yeux s’écarquillèrent à l’annonce d’Ezechyel. Je tournai le regard vers lui. Une bouffée de chaleur monta jusqu’à mes joues, à cause de sa présence mais également du regard du Déchu et de la véracité des propos du blond aux yeux verts. Sa subtilité frôlait le néant. Pourtant, mon attirance pour Adam était préoccupante. Jamais je n’avais ressenti une tension semblable à son égard, même lorsque nous nous amusions à nous embrasser devant des filles pour qu’il pût en profiter par la suite. Il était mon meilleur ami pour la bonne et simple raison que notre relation n’avait jamais été ambiguë. Si je me mettais à le désirer sans raison, les choses se complexifieraient peut-être. Peut-être, parce qu’il était facile à vivre. Il me proposerait sans doute de tester le sexe avec lui et de réitérer autant qu’il me plairait à l’avenir. Le problème était ailleurs. Que devenait, au juste, un meilleur ami avec lequel on avait des relations sexuelles ? Je n’en avais aucune idée et, surtout, j’étais avec Esther. Lorsqu’il marqua son accord, je me pinçai les lèvres. Quelle idée de construire cette anecdote sur ce que je ressentais actuellement, aussi. Heureusement, nous n’avions pas le droit de déclarer si ceux qui devinaient avaient raison ou bien tort. Je repris donc la toilette d’Adam, l’éponge glissant sous la pression de mes doigts. J’avais envie de le caresser et de tester la dureté de ses muscles, leurs failles, de tracer chaque courbe pour mieux les connaître. Intérieurement, pourtant, j’avais l’impression de pouvoir dessiner son corps les yeux fermés.

Léto me sauva de ma contemplation. Je posai les yeux sur elle et souris sans répondre, puisque deux d’entre nous l’avaient déjà fait. « Je ne crois pas que ce soit… » commençai-je, pour rejeter l’idée d’Adam. Néanmoins, puisque c’était acté, je laissai mon corps à la disposition d’Ezechyel. Mon regard se posa sur les deux femmes qui étaient en train de se baigner plus loin. Leur gêne se sentait d’ici. Elles étaient hésitantes et l’intervention précédente de Léto n’avait pas dû les rassurer, ou peut-être que si. La jeune femme était particulièrement imposante. Si un monstre se cachait sous mon lit, je n’aurais pas demandé à une autre qu’elle de m’en débarrasser. Je ris à cette idée, pour oublier le reste. Je n’avais aucune idée de la relation qui était en train de s’établir entre les adolescents. Je la qualifiai de « Je t’aime, moi non plus. » après quelques secondes de réflexion. Les meilleurs ennemis pouvaient devenir les meilleurs amis et vice versa

Je restai dans le bassin bien après que les deux autres fussent partis, le temps pour mon corps de retrouver son calme. Ma magie aidait. Elle m’apaisait sans que je ne lui demandasse. Comme un nuage bleu, elle tournait toujours autour de moi, douce et difficilement dissimulable. Je me perdis ainsi dans mes réflexions, en fixant l’eau et en m’amusant à la faire bouger avec ma main. En la passant rapidement, le liquide se soulevait, phénomène que je trouvais joli.

« Oui, j’arrive. » dis-je, lorsqu’Adam m’appela, avant de m’exécuter. Je ramassai une bouteille d’huile sur le passage et tentai de me remémorer ce que Léto avait dit. Même si j’avais été distrait, sa voix était telle que ses paroles avaient marqué mon esprit. Je fronçai les sourcils. « Je ne crois pas que vous ayez concouru à la main de ma sœur… » D’un autre côté… Non. Impossible. Cette histoire de main ne m’était curieusement pas étrangère. Je secouai la tête et me concentrai sur ma tâche. Par lequel devais-je commencer ? Je m’accroupis entre les deux. Si je massais, je ne pouvais plus cacher mon sexe. Tant pis. Léto et l’homme qui s’occupait d’elle dissimulaient mon corps aux yeux des enfants et des deux femmes. J’étalai de l’huile sur le torse d’Adam puis sur celui d’Ezechyel, de nouveau dans une sorte d’engrenage fiévreux. J’étais tendu de devoir m’occuper d’eux. J’écoutai les deux anecdotes et répondis du tac au tac. « La première est la vraie d’après moi. » Plus mes doigts glissaient, plus j’avais l’impression de m’enfoncer dans une autre dimension. L’envie devenait plus forte et je me demandai si les Ætheri n’avaient pas construit cette épreuve avant tout pour tester notre force morale. Si tel était le cas, le supplice était à la hauteur.

Une fois que j’eus finis, je m’effondrai presque sur le ventre. Ce n’était pas la position la plus pratique, compte tenu de la situation, mais c’était la plus à même de cacher ce qu’il y avait à cacher. Je réfléchis à deux anecdotes, en ramenant mes bras sous mon menton. « En parlant d’Edwina. Un jour, on se promenait tous les deux et un chien que je trouvais monstrueux s’est approché. Il n’avait presque plus de poils et semblait avoir muté. J’ai eu peur mais ce ne fut pas son cas. Elle a décidé de l’adopter et, à force de s’occuper de lui, il a retrouvé son apparence d’origine et est devenu très affectueux. Je ressens toujours une grande honte de m’être comporté comme un lâche en voulant le laisser là. » Je pensai à la suite, en essayant d’oublier le fait qu’Edwina et moi ne nous parlions plus. « Ensuite... Hum... Quand j’étais petit, j’ai cassé la carafe de ma mère et j’ai accusé mon autre sœur, Aliénor, de l’avoir fait. Elle s’est fait gronder à ma place mais n’a jamais objecté que ce n’était pas elle. Je n’ai jamais su pourquoi. »

907 mots
Aimé masse Adam et Ezechyel avant de se mettre sur le ventre.

Je songeai qu’en les transformant tous en Chamans, peut-être que nous pourrions nous installer sur Awaku No Hi. L’opération demanderait pourtant leur consentement, ce qui me semblait compliqué à obtenir, surtout concernant le Prince Noir et le rouquin-Réprouvé-hérétique. Les deux semblaient attachés à leurs valeurs. Ça se sentait dans leur discours. Quant aux explications sur l’homosexualité, je décrochai vite, jugeant que tout ce charabia était des paroles d’hérétiques. L’existence était dictée par les Ætheri et, lors des orgies, tout se mélangeait. Je n’avais jamais cherché à m’intéresser plus en détails à ce que faisaient les adultes. Ma sexualité s’éveillait lentement mais je préférais me plonger dans le déni la concernant, en prétextant que j’avais d’autres choses à faire bien plus importantes, ce qui était vrai. J’honorerais la Vie lorsque je serais vieux, vers trente ans ou quelque chose comme ça. En attendant, j’allais chasser. « Abraham, je ne le connais pas. » dis-je, en croisant les bras sur mon torse. Si je ne connaissais pas, c’est que sa philosophie était forcément douteuse et ne descendait d’aucun Dieu. Pourtant, ses mots résonnaient en moi. Il me semblait avoir déjà entendu l’une de mes nourrices me dire quelque chose dans le même style concernant les filles. Elles avaient tort et j’avais hâte d’être grand pour pouvoir me détacher d’elles. Ce jour-là, je mangerais quand je voudrais, partirais quand je voudrais et ferais, plus globalement, ce que je désirerais. « Je la connais parce que c’est la… » Je m’interrompis. J’avais laissé ma fierté parler. J’étais heureux de connaître la Reine. Nos chemins ne cessaient de se croiser et je voyais cela comme un signe des Divins. Je l’admirais tellement que pouvoir entendre le son de sa voix se diriger vers moi me rendait tout chose. Mon courage se multipliait par mille et je me sentais comme un élu. Elle me faisait trembler des pieds à la tête mais ce n’était pas forcément négatif. Je la craignais autant que je la voulais à mes côtés. « C’est la euh… En fait… » Que pouvais-je dire ? Pas la vérité. D'un autre côté, mentir serait mal. Je l’avais déjà fait mais mentir sur la Hǫfðingi ne plairait probablement pas aux Ætheri. « C’est un secret. » finis-je pas conclure.

« La taille n’a aucune importance. » dis-je calmement, si bien que je ne fus pas certain qu’ils m’entendissent dans le brouhaha qu’ils faisaient. « Ce qui compte, c’est la grandeur des actes ! » Et je serais le plus grand dans les deux cas de toute façon, parce que les Dieux me guideraient et pas eux. Après mes dires, je reportai mon attention sur Sympan, avant de regarder Dastan et Érasme. « Moui… » Je n’étais pas convaincu. Ils avaient l’air aussi abruti l’un que l’autre. Il fallait qu’ils s’en remissent aux Dieux. En réalité, je donnais des leçons mais j’avais tendance à me trouver des objectifs de vie hors d’atteinte, en étant convaincu d’y parvenir un jour. Peut-être était-ce de l’orgueil ou bien simplement l’emprise de l’enfance, qui ne s’encombre pas de considérations réalistes ni de limites. « Faire semblant ? De quoi ? De se disputer ? De s’aimer ? » J’allais refuser, parce que le mensonge était puni. Néanmoins, j’eus une idée. « D’accord, je ferai semblant de ce que tu veux si tu acceptes de prier mes Dieux et de pratiques la prière. Je t’apprendrais. » Je faisais un sacrifice mais certains sacrifices étaient nécessaires pour transformer les esprits faibles et incultes. À la fin, peut-être qu’il voudrait se faire transformer en Chaman et venir chasser avec moi. J’étudiai son corps et grimaçai. Lui, avait plus l’étoffe d’un planteur de graines qu’autre chose. J’étais plus jeune que lui et mon corps, bien que plus petit, était beaucoup plus taillé pour la chasse et le combat que le sien.

Je m’avançai vers Dastan. Je n’étais pas ravi d’avoir à laver un hérétique. « Je vais chanter en te lavant, ne fais pas attention. » dis-je. J’allais surtout entamer une prière de purification afin d’essayer d’enlever les fausses idées de son crâne. J’étais allé chez les Réprouvés. Je savais qu’ils croyaient en de faux Dieux. S’il en était un, alors lui aussi se fourvoyait. Il était de mon devoir de le remettre dans le droit chemin. Il était encore temps. « Je suis sûr que tu te bats chez toi, non ? » Son corps était semblable au mien. En réalité, dans le groupe, nous étions les deux qui nous ressemblions le plus. Nous avions à peu près le même âge et peut-être même les mêmes centres d’intérêt. Il y avait cependant ce gouffre immense entre nous concernant la religion. « Tu penses quoi de la scission entre Stenfek et le reste ? » demandai-je, entre deux prières.

Lorsque Sympan revint nous voir, je le fixai avec des yeux ronds. Dastan allait sans aucun doute le tuer. Je n’aurais jamais osé formuler ce genre de gage. Néanmoins, maintenant que le ton était donné, je comprenais un peu mieux ce qui était attendu. J’allais pouvoir les forcer à prier ouvertement avec moi et à faire des sacrifices aux Ætheri. Nous irions chasser des animaux, nous les tuerions et procéderions à des cérémonies plus longues. « Quoi ? C’est infe… !! » Infesté de quoi ? Je sortis de l’eau précipitamment, en oubliant tout orgueil et fierté, après un petit cri aigu. Une fois debout, hors du bassin, je baissai les yeux sur mon corps. Il n’y avait rien de semblable à ce qui se trouvait sur la silhouette de l’Ygdraë. « Les Ætheri m’ont protégé ! » clamai-je haut et fort. J’en étais convaincu, aussi parce que je n’avais pas la possibilité de constater les boutons présents sur mes fesses et dans mon dos. Je me dirigeai vers Érasme et m’allongeai à côté de lui. C’était à Dastan de me masser ou à moi de masser Tekoa. Érasme devait masser Dastan et Sympan Érasme. Je jubilais de ne pas avoir été touché par l’infection.

999 mots
Tekoa lave Dastan et sort du bassin.