Un petit sourire apparut sur les lèvres de Mitsuko qui avançait au bras d'Eerah tout en l'écoutant énoncer un discours qu'elle avait pensé mainte et mainte fois. Un simple geste de sa main leur permit de rejoindre le territoire du temple, une vaste étendue malléable à souhait pour les Ætheri. Bien sûr, les créateurs du monde gardaient la main mise sur n'importe quel changement mais elle avait rejoint les esprits durant la précédente ère. Elle connaissait les rouages de l'endroit, ses secrets, en quelque sorte. Aussi, son regard resta fixé un instant sur le déchu. « Je comprend. Les événements vous laissent un arrière goût dans la bouche, telle une partie d'échec arrêtée en son milieu pour faire place à une nouvelle qui semble bien plus fade. ». Elle rit. « Néanmoins, peut-être faut-il voir cela comme un nouveau défi. Aya aurait été raisonnable sans aucun doute. Quand sera-t-il de celle qui prendra sa place ? A vous de faire en sorte de la rendre raisonnable à son tour. Il me semble, en plus de cela, que vous savez y faire avec les femmes, n'est-ce pas ? ». Elle arrêta son pas. « Il n'y a pas si longtemps, un homme aux noirs desseins charma la reine des sorciers. Celle-ci, amoureuse, ne vit en rien ses entreprises pour prendre le pouvoir, entreprises qui la plongèrent dans les abysses. Peut-être se trouve-t-elle encore au sein de la prison aujourd'hui. Seulement, à sa place, j'aurai sans doute prié pour que la mort vienne me chercher car ce qui fut sa sentence jadis est très peu désirable. ». Sentence orchestrée par son ancêtre. « Si je puis me permettre, faites attention à vos fréquentations, Eerah. Certaines fleurs sont bien plus empoisonnées que d'autres. Je n'aimerai pas vous voir finir dans un harem en tant qu'esclave de vos propres envies. ». Elle sourit. « Et puis, de vous à moi, j'ai d'autres projets à votre égard. Bien plus nobles que vos derniers actes. ». Mitsuko marqua une pause, retirant le bras qu'elle avait offert au déchu afin de couper entre eux tout contact. « Je vous informerai de ces derniers en temps voulu, il me faut encore réfléchir à vos réelles capacités à remplir le rôle que vous aurez à jouer. Mais... en attendant... ».

La terre trembla sous leurs pieds, un cylindre de terre s'élevant dans les airs, les portant avec lui vers des sommets insoupçonnés. Se fondant presque avec les nuages, les deux protagonistes pouvaient alors observer le continent mystérieux dans son entier, entouré de l'océan et, au loin, d'autres terres. « Du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours souhaité savoir. La connaissance absolue, voilà ce que je souhaitais, bien plus qu'une couronne ou la richesse. Pourtant, il semble que les vœux ne soient, parfois, pas faits pour être réalisés. Que faire une fois les sommets atteints ? Ma divinité m'offre bien des avantages mais je me refuse de m'élever trop vite. Peut-être est-ce pour cela que ma décision fut prise de devenir cette femme que vous avez croisé sur la plage de sable fin il y a peu. Je veux être faible ou, du moins, avoir le choix. ». Elle rit. « Comprenez-moi, c'est en étant rien que l'on peut devenir quelqu'un, c'est en rampant au sol que l'on peut un jour le contempler de haut. Mais à trop voguer dans les cieux, l'on en finit par oublier les choses les plus fondamentales, l'on en finit par s'oublier soi-même. Je ne peux vivre sans le danger, sans le risque. Je ne peux vivre en pensant que quoi que je fasse, je gagnerai. Je veux douter, ressentir la peur et chercher à contrôler les variables qui ne dépendent guère de moi. Et, croyez-moi, il y a toujours un moyen de commencer une nouvelle partie. ». La colonne s'affaissa petit à petit. « Si jamais vous ne trouvez pas d'adversaire à votre taille et que l'ennui se distille peu à peu dans vos veines, défiez moi. Je vous le garantie, vous ne serez pas déçu. ». Elle finit par se rapprocher de lui. « Nous nous reverrons très prochainement mon cher. D'ici là, vous n'avez qu'à réfléchir à la proposition que je ne vous ai pas encore formulé. ». Elle espérait qu'il le ferait. Après tout, n'était-elle pas digne de sa réflexion ? Elle rit, de ce rire qu'elle prenait presque toujours avec lui, un rire malicieux et empli de mystère. « Bonne journée. ». Elle ne lui laissait pas réellement le choix du départ, la sortie du temple s'imposant alors à eux.

Spoiler:

Cocoon n'était pas fier d'être venu ici. Il se demandait même pourquoi la Prophétesse ne l'avait pas Déchu à lui aussi. Combien de temps cela faisait qu'il était sur le trône ? Combien de temps cela faisait qu'il s'était conforté dans cette situation médiocre, de luxe et de débauche, pour mener un peuple. Qu'était-ce finalement 'un bon roi' ? Quelqu'un de fort ? D'intelligent ? D'intègre ? De patriote ? Tout ça à la fois ?
L'Orishala était un défenseur. Quelqu'un qui était là pour défendre un peuple et ses valeurs. Seulement, au sein d'une confrérie de puissants, comme ici, beaucoup se voyaient bien plus intelligents que lui. A bien des égards. Rien que l'ignorance était une forme d'intelligence. Ignorer, répondre à bon escient, quelque chose qu'il ne savait pas faire. Il réfléchissait, mais jamais assez, il n'allait jamais assez en profondeur des choses. Le tout n'était que des... Aléas. Il tombait sur des réflexions, plus par chance qu'autre chose, plus par déboires personnels qu'autre chose. Il aurait voulu être une tête, de ceux qui se prenait le cerveau, pour se le masturber jusqu'à ce qu'il ne reste plus de matière grise. Mais non, il était un homme de terrain et, visiblement, il passa un peu trop de temps sur celui-ci. Jun lui avait publiquement dis que son passe-temps était l'érotisme. Les femmes et leur chair. Ouais. Ouais c'était sa faiblesse, et ? Il n'y avait rien sous ce genre d'accusation. Que des pics personnels, pour toucher l'égo des mâles, seulement Cocoon, après réflexion, y voyait autre chose.

Il était un roi qui renvoyait cette image. Jun n'était pas trop débile, mais il ne le connaissait pas, et ne faisait pas partit de son peuple, s'il eu la décence de lui sortir pareilles inepties, il ne pouvait lui en vouloir, car c'était juste la façon dont il le voyait. Et si lui le voyait comme cela, alors combien, en bas et autour, se forgeaient la même idée de lui ?
Cocoon n'était riche de rien.
Il était un homme, assit sur cette chaise par défaut, car l'ancienne régente était morte.
Cela s'est fait de manière logique et pragmatique.
Bien sur, il s'est adapté, il s'est soucié de son rôles, de son devoir, de son peuple. Il a fait beaucoup pour lui, ne serait-ce qu'à Mégido, en en faisant une vraie ville, bien plus sure. Un havre de paix où certains pouvaient aller avec quiétude. Il a mené des guerres, aidé des alliés, mais aurait-il du s'arrêter à rester Eshu ? Ici, avec ce conseil qui partait dans tous les sens... Qu'avait-il à apporter ? Pas à gagner, non, lui savait qu'il n'aurait rien gagné, mais il ne pu rien apporter. Chacun trouva de bon ton de s'invectiver les uns les autres, lui le premier. Il fallait un pot-aux-roses. Mettant ses sentiments de côté, il savait qu'il était, par ailleurs, traité de débile. Un type qui ne peut réfléchir correctement. Seulement, il avait l'avantage qu'une fois en face du mal, il ne se voilait pas la face, et il lui rentrait dedans pour le déchirer. Mais là aussi, combien avait cette qualité, et en plus la stratégie ?

Il finit par hausser les épaules, comme pour lui même. Se massant les tempes, il n'entendit plus rien autour de lui, voyant les gens partir, et le conseil s'égrener. Même la Déesse avait préféré se tourner vers d'autres personnes, reconnaissant ainsi surement ceux qui en valait la peine. La peine de leur parler. Lui partit avec des idées, ses idées. Il devait protéger les siens, et sa ville. Il ne pourrait résoudre cela tout seul, et personne n'était d'accord pour s'allier, ainsi, il ne voyait pas d'autre option que celle de partir, et de mettre en place des plans de soutiens. De faire valoir cette non-intelligence, pour au moins tenir, le temps que tout cela se passe, et que tout cela cesse. Ensuite, il descendrait surement de ce piédestal.

Cocoon l'avait dit dès le départ : pourquoi monterait-il ? Il restait un homme. Et seul un roi a l'étoffe d'un roi, et non un simple homme.

L'aura noire qui tournait autour de lui commença à doucement s'estomper. Revenant à des pensées plus claires, il fut interrompu par Nydelia, qui lui somma de la voir dans les plus brefs délais. Encore un problème ? Quelque chose comme ça... ?
« Je viendrai. » Répondit-il seulement.
Le départ s'annonçait, il fallait que tous partent.
Cocoon ne se fit pas prier. Levant mollement sa grande carcasse, il s'étonna lui même d'avoir un coup de complexe d'infériorité, une baisse de confiance de lui-même. Il se sentait perdu, et ne voyait plus personnes. Il fallait qu'il se recentre.
Une fois en dehors du Temple, il longea le chemin, d'un pas lent, avant de doucement disparaitre, comme de la brume, se téléportant directement à l'Eorishaze.

Les Conseils, ce n'était définitivement pas pour lui.

Resumé:

« Tu joues avec le feu. ». William fixait Mitsuko qui venait juste de revenir de sa petite escapade. Elle haussa un sourcil. Et c'était lui qui disait cela ? L'Æther reprit sa véritable apparence, fixant la table désertée de ses occupants. Elle sourit. « J'aimais beaucoup les affres de la royauté, tu le sais. La côtoyer, l'incarner, peut-être n'y a-t-il rien de plus plaisant au final. Du moment que l'on reste bien sagement chez soi. ». Elle rit, doucement, moqueuse quant aux souverains qui avaient défilé dans cette pièce. Ce n'était pas méchant, juste une simple constatation qu'elle avait constaté avec délice. « Chacun d'eux doit penser être dans son droit, avoir raison et détenir le fil de ce qui se rapprocherait le plus de la vérité et du bon comportement à adopter. Seulement, les cultures étant différentes, le point de vue de chacun s'en trouve déjà formaté. Parfois, les choses sont surprenantes, mais, généralement, le libre arbitre n'existe pas. L'environnement façonne le comportement inconsciemment. L'histoire, les mœurs acquises et répétées depuis fort longtemps... ». « Hé oui, que veux-tu ? Le monde est prévisible. Mais certains individus se plaisent à sortir des sentiers battus... ». « Ceux là sont les plus intéressants. ». Elle créa une fenêtre, donnant sur un petit jardin dans lequel coulait une rivière surmontée par endroit de petits ponts en bois. « C'est étrange. Les rumeurs sur Volen sont des plus mauvaises. Pourtant, je le trouve plutôt réfléchi. Certes, les Réprouvés sont barbares et il est sans doute le vilain petit canard du lot, mais j'ai lu en lui et je pense qu'il pourrait être bon... ». « Dommage qu'un autre convoite sa place. ». Mitsuko soupira. « Vois-tu, c'est cela que je n'aime pas au statut qui est le notre. L'omniscience. Oh bien sûr, je ne me targue pas d'avoir une puissance similaire à la tienne, mais... ». « Tu t'es déjà lassée. ». « Oui et non. ». C'était bien plus compliqué que cela après tout. Mitsuko aimait son statut de divin, les possibilités qu'il lui offrait, la création, celle d'un monde, celle de dieux, mais la quête de la connaissance qu'elle avait entamé si longtemps auparavant n'aurait jamais dû avoir de fin.

« C'est amusant. D'un point de vue extérieur, l'on pourrait croire que ce conseil n'a été qu'une perte de temps pour tout le monde. ». Elle marqua une pause. « Alors qu'il n'en est rien. ». Chaque chose avait son importance. Peut-être qu'en ce jour, des souverains s'étaient remis en question, peut-être que certains avaient pris des décisions, vu un élément qui avait éveillé leur curiosité. Comment savoir ce qui pouvait changer le futur ? Il suffisait d'un rien, d'une pensée, d'une phrase.

« Je sais que cela n'a rien à voir mais peut-être serait-il temps de ramener Violette au temple ? Je n'aimerai pas que la plus jeune de mes disciples m'échappe. ». La petite Violette. C'était une idée. Seulement, Mitsuko avait dans l'idée d'essayer de faire disparaître l'Æther. Chose sans doute impossible pour le moment mais, d'ici quelques temps, la vie sur les terres du Yin et du Yang allait changer. Les souverains avaient été laissés dans le flou exprès, car le monde ne pouvait être sauvé sans passer par l'étape des guerres, l'étape du sang. Chacun prendrait des dispositions. Il fallait que les puissants payent pour plusieurs affronts commis ; par leurs pairs, par leurs prédécesseurs. La catastrophe du conseil serait connue de tous et les peuples se révolteraient, c'était une certitude, une fatalité qui s’abattrait et qui avait déjà commencé sa route comme les dires de la Prophétesse l'avaient révélé.

« A l'aube où la révolution sonnera, le monde tremblera. Mais il ne sera guère le seul à connaître cet état, car la Mort véritable accompagnera, tous ceux qui croiseront le regard des créatures qu'il créa, à l'heure où nul être encore ne foulait les Terres et l'Au Delà. Et quand le moment sera venu, il reviendra. ». Mitsuko rit, doucement. William, lui, ne semblait pas des plus ravis. Un bien ou un mal, comment savoir ?

FIN