Le conducteur de la montgolfière présenta une main délicate à sa passagère. Même en altitude, il faisait un temps radieux. Le soleil avait réchauffé leur peau et le vent n'était pas trop fort, ce qui avait permis d'effectuer le voyage sans encombre. La femme lança au pilote un regard noir.
-Je sais encore me débrouiller toute seule, merci.
Le conducteur ne se le fit pas dire deux fois. Mira descendit de la montgolfière, cette foutue montgolfière qui avait transporté son fils des dizaines de fois vers une école qui aurait dû le rendre meilleur. Force était de constater qu’elle avait eu tort.
La Déchue passa une main sur son ventre et sur les plis de ses vêtements afin de s'assurer que le vol n'avait rien fait d'inconvenant. On la guida sur le campus. Elle ne laissait que brièvement son attention vagabonder sur l'architecture de l'établissement et de ses extérieurs, avec laquelle elle n’était pas familière. Elle était en rogne et quand elle était comme ça, rien n'avait d'importance sinon la source de son ire. En l'occurrence, il s'agissait de Faust et des circonstances qui l'avaient obligée à se déplacer jusqu'ici.
Faust appuyait son dos contre le mur, dans le couloir. Peniel était à côté de lui, dans une position similaire. Après s'être rendu au lieu de la convocation, à savoir une salle de classe lambda, on l'avait sommé d'attendre ici le temps que tout le monde arrivât. Le Démon se gratta la joue. Il y résidait une croûte qui le démangeait constamment ces derniers jours. Susannah l'avait griffé jusqu'au sang et il en gardait encore quelques stigmates. Ça n'était pas complètement un mal. L'anecdote de leur dispute avait fait le tour de son département et il avait fièrement annoncé avoir foutu une rouste à cette morue.
Le Démon se serait bien épargné ce conseil de discipline en compagnie de la poissonnière et surtout, de sa mère. Il se répétait que ce n'était qu'un mauvais moment à passer et qu'après ça tout reviendrait à peu près à la normale. Il craignait néanmoins les foudres humiliantes dont Mira avait le secret. Il préférait mourir que de se prendre ses remarques devant l'autre peste, cette grosse conne qui n'avait même pas de parents à faire convoquer… L’avoir dans son champ de vision suffisait à l’énerver. Le souvenir de leur bagarre faisait blanchir ses phalanges.
Faust comprit au claquement régulier de plusieurs paires de talons que sa mère avait trouvé les professeurs qui devaient l’accompagner. Il leva les yeux furtivement, puis revint à sa position initiale. Quand elle fut à sa hauteur, il se contenta de la saluer d'un hochement de tête. Elle fit à peu près pareil.
-J'espère que c'est la première et la dernière fois que tu me fais traîner jusqu'ici.
Mira attrapa la mâchoire de son fils d'une main et le força à la regarder. Elle considéra ses blessures avec froideur.
-Ils t'ont pas soigné mieux que ça à l'infirmerie ?
-Ça va guérir. Se contenta d'articuler le Démon.
Il n'avait pas voulu. Mira le lâcha en soupirant d'agacement. Elle ne payait pas ce bahut pour qu'ils laissassent son gamin amoché comme ça. Elle tourna la tête. De l'autre côté de l'encadrement de porte se tenait Susannah. Cette dernière aussi gardait quelques marques du passage à tabac. La mère la dévisagea de haut en bas. Faust lui, dévisageait plutôt celle-ci. Mira n'avait pas fait éclater un scandale dès la première minute. Elle avait changé. Mentalement, peut-être qu'il l'avait tellement épuisée qu’elle n’avait plus la force de hausser le ton, ce qui était une excellente chose. En revanche, il émettait quelques interrogations sur sa transformation physique. Il fronça les sourcils. Au même moment, la professeure en charge du conseil ouvrit la porte de la salle et les invita à entrer. Faust continua son examen. Mira ne portait pas les mêmes vêtements que d'habitude. Ils étaient plus amples et elle… Elle avait changé de forme.
-T'as grossi.
Sa mère pivota vers lui. Si elle avait pu, elle l'aurait tué par la seule force de ses pupilles.
-Tais-toi.
-Quoi ?
-On en parlera après.
Le regard de Faust retomba sur l'abdomen bombé de sa mère, sans comprendre.
Cette fois-ci, une simple réprimande dans un bureau qui sentait la poussière et la fiente de pigeon ne résoudrait pas l'altercation qui avait eu lieu quelques jours auparavant. Susannah avait ouvert avec surprise la convocation l'invitant solennellement à se tenir face au conseil de discipline qui se tiendrait pour tirer au clair ce qu'il s'était passé. Oh, c'était très clair pour tout le monde bien sûr, mais le formalisme de l'évènement donnait un cachet tout nouveau à l'évènement et le rendait très difficile à avaler. Compte tenu de la situation à laquelle le peuple Ondin fait face, le conseil vous autorise exceptionnellement à vous présenter sans l'accompagnement d'un parent, avaient-ils eu la gentillesse d'écrire. Nahoko aurait pu faire office de tutrice, mais elle n'avait pas légalement ce titre et Susannah était seule lorsqu'elle se présenta au lieu défini sur la convocation.
Tout le monde s'était déjà réuni dans le couloir, professeurs et, juste à côté, une inconnue dont l'ombre surplombait la silhouette de Faust d'une façon telle que son identité ne faisait aucun doute. Le regard de l'Ondine passa sur l'adolescent comme s'il n'existait pas pour se reporter sur sa génitrice avec intérêt pour voir qui avait bien pu avoir l'audace d'engendrer une telle tâche sans avoir la décence de l'éliminer avant qu'elle ne grossisse. Ses yeux gris descendirent brièvement sur la déformation au niveau de l'abdomen, pour remonter sur la femme. Incapable de deviner s'il s'agissait d'une Démone ou d'autre chose d'à peine plus reluisant, elle soutint son regard le temps de déchiffrer son expression puis fixa le mur avec une moue ennuyée peinte sur ses traits. Elle n'espérait qu'une chose, que cette mascarade soit vite terminée et de n'en entendre plus jamais parler. Pour ce qui était de Faust, il lui fallait encore réfléchir à la façon la plus optimale de lui faire payer cette situation et ses blessures qu'elle s'était dépêché de faire soigner à l'infirmerie.
Chacun commença à entrer dans la salle de classe dédiée à accueillir leur sermon et Susannah surprit le commentaire à la fois vexant et frappant de candeur de Faust à l'égard de sa mère. Elle ricana et toussa pour étouffer son rire et se focaliser sur le mobilier de la pièce à la place pour garder son expression de marbre. Sa mère était excellente à ce jeu-là, Susannah, un peu moins. Elle le comprit en croisant le regard furibond du professeur qui présidait le conseil. Rien n'avait encore été dit, mais il semblait déjà prêt à sortir les armes pour l'éliminer sans plus tarder. Les sourcils de la bleue se froncèrent légèrement. « Ce conseil vous amuse peut-être ? Ou vous réjouissez-vous du temps que vous faites perdre à chacun ? » aboya-t-il d'une traite sans respirer. Il lui rappelait Nagra quand il s'en prenait aux pieds de son lit avec une agressivité démesurée. « Non, monsieur. » articula Susannah avec une politesse et une absence d'insolence qui lui coûta tout. Elle s'était assise sur la chaise désignée, le dos droit, concentrée sur un point imaginaire devant elle, déterminée à sortir d'ici sans éclats.
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Bien sûr qu’il avait compris de quoi il s’agissait. Le problème, c’était qu’il n’avait pas envie de comprendre, encore moins maintenant.
-T’es sérieuse là ? S’indigna Faust.
-Tais-toi. Plus tard.
Sa mère n’avait pas pu choisir un pire moment pour tomber en cloque. Et puis comment ça, elle était enceinte ? De qui ? Pourquoi ? Pourquoi ne lui en avait-elle pas parlé plus tôt ? Il ne suffisait pas, lui ? Faust pensait pourtant l’avoir fait assez suer pendant toutes ces années pour être à lui seul un moyen de contraception efficace. C’était forcément un accident. Mais si c’était un accident, pourquoi n’avait-elle pas avorté ? C’était courant chez les Déchus, ça se faisait sans problème. Les instituts qui le pratiquaient couraient les rues à Avalon. Tout un tas d’interrogations brûlaient les lèvres de l’adolescent, mais les conneries de Susannah lui rappelèrent que le lieu était mal choisi pour débuter une dispute, alors qu’on était sur le point d’en discuter une autre.
-Bien. Commença le professeur sur le ton acide avec lequel il avait commencé. Il récita : Merci à tous de vous être présentés à l’heure à ce conseil. Il y a quelques jours, une dispute a éclaté dans la cour de l’établissement entre les deux élèves ici présents. Nous sommes ici rassemblés pour échanger sur les circonstances de l’altercation et mettre au courant les… en l’occurrence, le parent, de l’incident et des mesures qui seront prises aujourd’hui.
Mira croisa les bras en s’appuyant sur son dossier. La journée promettait d’être longue et elle se préparait psychologiquement à avoir mal au cul incessamment sous peu. Au vu de sa condition, elle envisageait de prétexter des pauses pipi.
-Les détails nous ont notamment été donnés par Blu Dantilleul, qui était sur place au moment des faits et ont été recueillis après l’altercation.
-Pourquoi cette Blu n’a pas été convoquée comme nous ? L’interrompit la Déchue.
Le professeur la considéra par-dessus ses lunettes en demi-lune. Mira soutenait son regard. Faust essayait de rester immobile, comme si un mouvement de sa part allait faire s’abattre toutes les foudres sur lui.
-Mademoiselle Dantilleul n’a pas pris part à la dispute et semblait au contraire vouloir séparer mademoiselle Daeloran et monsieur Slyther. Ce n’est pas une élève connue pour sa malhonnêteté, aussi un témoignage écrit nous a paru suffisant.
Mira aurait préféré en attester d’elle-même. Elle se tut pour autant : mieux valait éviter que la réunion ne s’éternisât. Ce n’était pas comme si Faust allait échapper à une sanction de toute façon.
-La dispute a été enclenchée par mademoiselle Daeloran… Il poursuivit la description de la bagarre telle que détaillée par la Magicienne. Madame Slyther, si votre fils n’a pas directement été celui qui a déclenché un tel élan de violence, il y a des circonstances aggravantes. Il a utilisé sa forme démoniaque et son Autre pour venir à bout de mademoiselle Daeloran.
Faust eut un rictus. Ouais, il l’avait démontée. Il y repensait parfois en se délectant de l’issue et en redemandait encore. S’il avait pu, il aurait défiguré cette truite jusqu’à ce que les infirmiers de l’école ne pussent plus rien pour elle. Elle aurait été la risée de Basphel et tout le monde se serait incliné devant lui.
-Monsieur Slyther, épargnez-moi la contrainte de vous rappeler à l’ordre.
Le Démon se calma. Mira ne bronchait pas.
-Et il ressemble à quoi, son Autre, par curiosité ?
L’enseignant parût hésiter, surpris par la question. Il réajusta ses lunettes.
-Mademoiselle Dantilleul précise que c’est confus, mais qu’il s’agissait, je cite “d’une sorte de main. Un avant-bras et une main, noirs. Sa force semblait décuplée.” Votre fils aurait également tenté de l’agresser, avant de reprendre forme humaine.
Mira roula des yeux exaspérés vers Faust. Il n’avait rien fait pour arranger son cas.
-Mademoiselle Daeloran a frappé et griffé à plusieurs reprises le visage de votre fils, mais celui-ci a violemment cogné le crâne de mademoiselle sur le sol, lui causant aussi des blessures conséquentes. L’Autre est une forme démoniaque extrêmement puissante. L’incident aurait pu mener à une conclusion bien plus grave.
Le professeur imposa un silence, probablement pour donner du poids à ses mots. Mira bougea sur son siège. Ces chaises étaient particulièrement inconfortables.
-Quant à vous, mademoiselle Daeloran, vous avez conscience, j’espère, que votre agressivité n’était en aucun cas justifiée.
À la mention de Blu, Susannah sentit sa détermination faiblir. Peut-être allait-elle finalement perdre patience plus tôt que prévu. Outrée par ce traitement de faveur aussi visible, elle se redressa sur sa chaise comme un serpent prêt à frapper. Cette injustice était aberrante. Était-ce parce que la brune était le produit d'une race bénéfique ? Elle se sentait bouillir et n'épargna personne de son regard noir. Rien n'allait sur l'exposé de la situation, rien n'allait sur ce conseil de discipline et si l'Ondine n'avait pas déjà été sur la corde raide, ses affaires, sa dignité et elle auraient pris la porte pour les laisser à cette mascarade.
« C'est confus car son Autre ne ressemblait pas à grand chose, voilà tout. » se permit d'intervenir Susannah en appuyant sa remarque d'un sourire en coin moqueur. Qu'il ait eu besoin de sa magie pour arriver à lui tenir tête la transcendait de satisfaction. Sans ses gènes, elle lui aurait éclaté la figure sur le sol, et elle saurait le lui rappeler un jour, peut-être en traînant un de ces rebuts d'élève Humain pour annihiler cette détestable forme de monstre.
D'un regard acéré, le professeur doucha l'intervention de la bleue qui se renfrogna et croisa les bras, le menton dressé et fier. Il renifla, et le parallèle avec Nagra la frappa à nouveau, avant de poursuivre sa description des faits jusqu'à la première question officielle. Susannah promena son regard sur le groupuscule réuni pour ces sottises. Personne n'était mort, alors pourquoi générer tout ce bruit ? Ses lèvres pincées se desserrèrent.
« J'ai surtout conscience que vous avez écarté de ce conseil une actrice directement responsable de cette situation. » décréta-t-elle avec une sévérité rivalisant avec celle du professeur. « Cette empotée a oublié de préciser dans son rapport qu'elle était à l'origine de cette dispute. Le premier acte de violence vient directement d'elle, puisque c'est elle qui m'a visée avec son ballon. J'étais à ce moment-là avec mon petit frère, déjà fragilisé par une rencontre avec deux autres élèves, les jumelles blondes qui l'ont empoisonné. Mais ceci est un autre sujet, que je suis sûre que vous traiterez aussi. » Susannah croisa ses jambes et lissa sa jupe en même temps qu'elle réorganisait la suite de sa défense. « Pour la suite, je n'ai fait que réagir aux agressions verbales de Faustine. Je veux dire, Faust. Ou bien aurais-je dû le laisser continuer de m'insulter sans rien dire ? Et qu'en est-il du fait qu'il s'en est pris à mon frère, un petit garçon de seulement six ans, qui était malade et affaibli ? Ou est-ce aussi quelque chose que Mademoiselle Dantilleul a malencontreusement oublié dans sa version des faits ? Comment auriez-vous réagi vous-mêmes si quelqu'un avait violemment envoyé son pied dans une personne sans défense que vous aimez ? Alors non, je ne crois pas que cette agressivité était injustifiée. Monsieur. » ajouta-t-elle avec retard. Il la regarda longuement, comme pour la sonder. Elle se demanda s'il était en train de lire dans ses pensées pour vérifier ses dires. Il se tourna finalement vers Faust. « Eh bien ? »
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Le regard du Démon croisa celui de la grosse truite qui lui servait de camarade, puis se reposa dans les globes angoissants et inquisiteurs du professeur qui dirigeait ce tribunal un peu absurde.
-C’est Blu qui a lancé la balle. Confirma-t-il.
La première fois qu’ils avaient dû s’expliquer, il avait aussi soutenu le fait que la Magicienne n’avait pas fait exprès. Mais pas ici. Sur le coup, il n’avait pas trop réagi, mais peut-être que Susannah avait raison et que Blu avait dû avoir sa place parmi eux, avec la punition qui allait bien.
-Et j’ai pas insulté Susannah, c’est elle qui m’a agressé en premier. J’étais au mauvais endroit au mauvais moment, et elle a décidé que c’était suffisant pour me balancer la balle à la g… figure.
-Et qu’avez-vous à dire concernant son frère ? Rétorqua immédiatement le croulant, qui n’avait apparemment pas grand-chose à faire de ses arguments.
-Susannah était en train de me frapper et lui il m’a mordu la jambe. C’était confus, je me suis défendu comme je pouvais.
Le professeur s’en remit à ses notes sans émettre un commentaire. Pendant ce temps, Mira se penchait vers son fils et chuchota à son oreille :
-Tu te fais appeler Faustine ?
-C’est juste elle. Grommela Faust.
Non, c’était une bonne partie de l’école, mais si sa mère l’apprenait, il aurait la honte. Mira grogna.
-T’as bien fait de la frapper.
Il haussa les épaules, mais un rictus sournois apparut malgré tout au coin de ses lèvres. Le professeur reprit la parole, plutôt à l’adresse de la Sirène.
-Dans un premier temps, soyez assuré que Mademoiselle Dantilleul a signalé qu'il s'agissait d'un accident et qu'elle s'est excusée plusieurs fois. Seulement, aucun de vous deux n'a écouté. Vous avez immédiatement adopté un comportement violent.
Faust hocha la tête. Il n’avait pas envie de renchérir pour défendre un peu plus son bout de gras. Il préférait en finir. De toute manière, l’autre morue ferait tout pour avoir le dernier mot, alors il ne servait à rien de vouloir mettre les deux pieds dans le plat.
-Vous noterez par ailleurs que votre petit frère n'avait rien à faire dans l'enceinte du campus sans accompagnement. Mais passons. Comme vous l’avez si bien dit, Mademoiselle Daeloran, c’est un autre sujet que l’on ne traitera pas aujourd’hui.
Il réajusta ses lunettes. Il consulta sa collègue qui était restée silencieuse à côté de lui, puis en revînt à son auditoire.
-Vous avez tous deux commis un acte grave au sein de l’établissement. La décision prise aujourd’hui ne sera pas l’expulsion. Un renvoi sera cependant envisagé en cas de récidive.
Il lui fallut encore une bonne vingtaine de secondes pour tourner la page sur laquelle il avait pris ses notes, les consulter et reprendre une inspiration.
-Mademoiselle Daeloran, comme vous le savez peut-être déjà, le club de Puffball a décidé de vous radier de son équipe. En complément de cette sanction, vous serez chargée de nettoyer les parties communes de l’internat des filles au cours du prochain mois. Quant à vous monsieur Slyther, je vous propose de vous charger du côté des garçons, mais pour deux mois supplémentaires.
Il releva la tête pour sonder l’avis de chacun. Mira acquiesça. Faust croisa les bras. Trois mois de ménage dans les chiottes, ça allait être interminable. Il ne manquerait pas de prélever de l’eau dans les cuvettes tous les jours pour remplir le verre de la Sirène à la cantine.
« Certes. » convint Susannah, sans insister davantage, parce qu'à l'instar de Faust, cette retranscription de l'incident l'ennuyait au plus haut point. Son souhait avait juste été de rétablir la responsabilité que Blu devait endosser dans cette histoire. Elle n'avait pas participé à ce qui avait suivi, et avait même récupéré Næmo lorsque ce dernier avait été mis hors-jeu par Faust, mais tout ça ne se serait jamais produit sans sa maladresse.
Vint le moment pour lequel ils étaient tous venus. Il semblait à l'Ondine que le verdict avait été dicté d'avance et que l'objectif de cette discussion était uniquement de leur faire prendre conscience de la "gravité" de leurs actes. Sans doute allait-elle écoper d'une nouvelle punition à l'instar de celle où elle avait dû curer les écuries avec Lazare. Elle retint un soupir de frustration. Elle avait simplement hâte de quitter cette salle.
Son teint pâlit soudainement et ses yeux s'écarquillèrent. « Comment ? » Que voulaient-ils dire, radiée ? Ils n'étaient pas sérieux ? Sa gorge se couvrit progressivement de plaques rouges. C'est à peine si elle avait prêté attention à la suite de la sanction, sa cervelle bloquée sur le début. « Ils ne peuvent pas. » articula-t-elle d'une voix blanche. Ses performances s'étaient grandement améliorées dernièrement et elle caressait enfin plus concrètement l'espoir de passer capitaine de son équipe. Et qu'allaient dire les autres ? D'un mouvement brusque qui renversa sa chaise, Susannah se leva. Elle pointa un index furibond sur Faust. « Tout ça, c'est ta faute, et celle de cette crétine de Magicienne. Vous allez me le payer. » « Mademoiselle Dæloran ! N'aggravez pas votre cas ! » Elle fit volte-face et son regard d'acier portait l'intention de découper le professeur en lamelles. « J'en ai assez entendu. Je crois que la séance est terminée. » décida-t-elle. « Renvoyez-moi si ça vous chante, je m'en moque. Je déteste cette école, je vous déteste vous, et tous ces imbéciles de Gælyan qui y pullulent. » cracha-t-elle, venimeuse. Elle attrapa ses affaires d'un mouvement rageur et envoya son sac sur son épaule avant de quitter la pièce sans oublier de claquer furieusement la porte. Le professeur poussa un long soupir et s'employa à rassembler ses feuilles afin qu'aucune ne dépasse comme si remettre ainsi de l'ordre dans ses notes pouvait arranger la situation. « Je vous remercie de vous êtres déplacée, Madame Slyther. » Surtout dans sa condition, mais cette réflexion demeura dans le domaine du non-dit. « Je peux peut-être vous proposer une boisson avant que vous ne repartiez ? »
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