« Peut-être. » Il avait vraiment une tête de con. Son air espiègle me fit sourire. À Boraür, il me semblait vain de me méfier. L’île elle-même désirait m’en empêcher. Il n’y aurait pas de souffrance. Il ne changerait pas d’avis brutalement. Et s’il le faisait, aucune plaie béante ne s’ouvrirait en moi. Et ensuite ? En dehors ? En dehors, nous allions mourir. L’idée, pourtant, ne me semblait pas si grave. Peut-être était-ce simplement parce que je désirais souvent en finir avec la vie ? « Si tu continues tu n’en auras pas. » plaisantai-je, avant d’écouter sa démonstration. Je sus où il voulait en venir avant la fin. Les Réprouvés étaient vraiment les pires. Néanmoins, lorsqu’il formula totalement la conclusion, y joignant un schéma explicatif, mon regard coula vers l’eau. Je pouvais aussi avoir un comportement contraire aux bonnes mœurs. J’étais l’architecte d’actes horribles. Pourtant, dès que ça le concernait, nous concernait, j’avais tendance à être trop sensible. Comme Boraür supprimait mes penchants maléfiques et ma magie, je me retrouvais démuni. « Très drôle. » répondis-je à son rire, avant de constater sa proximité soudaine. « Pfff… Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire de toi ? » Ma plainte était partiellement fausse. Fausse dans le temps présent. Vraie lorsque Boraür serait loin. Je le fixai, lui et sa moue stupide. « Bon… comme je suis un Roi magnanime, je consens à te faire un câlin. » Je ramenai mes bras vers moi et quittai le bord pour coller mon corps au sien. Je posai mes mains à plat au niveau de ses grands dorsaux et plaçai ma joue sur son épaule, mon visage contre son cou. Je fermai les yeux, une sensation presque douloureuse plantée dans le ventre. Son odeur aurait dû être plus prononcée mais l’île gommait la puanteur pour ne laisser que ce qui était agréable. Qu’il puât le bicorne ou non, ça m’était égal de toute façon. Le bout de mon nez caressa sa peau et remonta jusqu’à sa mâchoire et son oreille, bloqué de fait par son lobe. Je soufflai, amusé par cette obstacle invisible que je devinais pourtant parfaitement. L’eau qui gorgeait mon pull se frayait un chemin vers le bas. Je n’avais pas remarqué m'être redressé. Mes lèvres embrassèrent son cou et je souris contre lui. « Tu as beau avoir une épée et moi une couronne, il n’empêche que je suis toujours plus grand que toi. » Je trouvais ça vraiment drôle. « Mais si tu me prêtes ton épée de temps en temps, je te prêterai ma couronne. Si tu la portes, personne ne verra que je te dépasse et ton honneur sera sauf. » Je lui fis un autre bisou. « Tu vois, ça sert d’avoir une couronne. Puis une épée sans couronne, ça n’a vraiment aucune utilité. » conclus-je sur le sujet, en me remémorant le mouvement de ses doigts.

Je me décollai doucement de lui et plongeai mes yeux dans les siens. « On devrait rejoindre les autres, non ? Avant que tu ne tombes totalement sous mon charme. » Je souris. Je ne l’avais probablement jamais regardé avec autant de tendresse. L’une de mes mains remonta pour caresser son cou. Mes phalanges se perdirent ensuite dans ses cheveux. J’avais envie qu’il restât avec moi pour toujours. Le désir me sciait l’estomac mais l’amour était plus fort encore.

562 mots
C'est une accusation qui se paiera cher ça  

Bienvenue chez vous !

Musique

« T’es sûr que vous n’êtes pas amoureux ? » Sympan aimait semer le trouble dans l’esprit des autres, même si Boraür n’aimait pas qu’il pensât à le faire. « Maintenant que tu te rapproches plus d’un homme que d’un enfant, je te déconseille de continuer à tenir naïvement la main d’une fille dans la tienne. Elle pourrait se faire des idées et en ressentir de la peine. » Il avait levé son index en l’air, les traits d’un professeur de morale remplaçant sa mine habituelle. Il finit cependant par rire.

L’Ygdraë hocha la tête aux explications d’Alcide. Le Magicien retenait bien les informations, contrairement à d’autres. Cela en faisait le parfait promoteur de leur groupe. En plus, avec sa tête d’Ange, l’enfant de Boraür arriverait à convaincre tous ceux que le scientifique visait ; sauf les maléfiques. Pour ceux-là, il devrait utiliser quelqu’un d’autre ou des moyens détournés. Il n’était pas assez charismatique pour convaincre qui que ce fût. « Exactement. Néanmoins, je préférerais que tu restes en tant que garçon. Nous avons besoin d’une recrue Orine. » Il tenait à jour ses comptes. Si les hommes qu’il avait sélectionnés cette fois-ci restaient, il ne leur manquerait plus qu’à trouver un Ange, un Déchu, un Eversha, un Fae, un Humain, un Lyrienn, un Orisha et un Démon. Il avait déjà quelques idées pour ces derniers. Les seuls soucis, selon lui, c’est qu’il ne connaissait toujours pas la race de Tekoa et que les Ondins et les Magiciens étaient sur-représentés. Néanmoins, ce dernier point n’était pas si grave. Le Roi qu’ils élieraient auraient davantage de soutien ainsi ou, dans un tout autre schéma : il valait mieux partir avec plusieurs poulains pour tenter d’atteindre la ligne d’arrivée.

« Je propose qu’on commence à préparer la salle principale. Nous allons avoir plein de choses à nous dire et autant débuter par le plus formel pour pouvoir découvrir et s’amuser ensuite. » L’Ygdraë regarda Adriæn, pour lui faire comprendre que c’était le moment de le soutenir. Il voulait bien lui fournir divers produits et l’aider dans ses petites affaires mais ce n’était pas gratuit. L’éloquence de l’Ondin était une monnaie d’échange. « Je suis d’accord. Les autres ne devraient plus tarder en plus. Johannês, tu peux aller chercher Érasme et Dastan s’il te plaît ? » « Ouais, d’accord… » Il n’avait pas l’air très emballé par le fait de séparer les deux sangsues.  

Une fois qu’il fut parti, Sympan suivit Alcide vers la pièce élue. Il sortit de son sac un parchemin, le déroula et le posa sur la table. Il le maintint droit à l’aide de grosses pierres. Il y avait plusieurs points dessus. Accueil des nouveaux membres, Recrutement des peuples restants, Mariage de Lucius avec Kiara, Relation entre Johannês et Susannah, Objectifs à court terme, Prochaine réunion. « Si vous avez des idées, je vous invite à les écrire. » Il posa le nécessaire sur la table. « Je veux aussi mettre en place un système de vote à la majorité pour certaines questions. » « Comme ? » « Comme, par exemple : Êtes-vous pour ou contre le mariage entre Lucius et Kiara ? Si les pour l’emportent, ceux qui seront contre devront l’accepter et ne pas chercher à aller à l’encontre de l’événement. » Sympan avait beaucoup lu depuis leur dernière réunion sur les sociétés secrètes. « Bien sûr, l’exemple est inopérant puisque nous n’allons pas voter là-dessus. Ce serait plus pour les actions collectives ou la mise en place de nouvelles façons de procéder. Et je dois aussi faire le tour du capital économique de chacun. Nous allons avoir besoin de fonds à terme. » Il avait également amené les statuts de leur groupe à qui il avait conféré une véritable existence juridique en passant par son amie Démone – bien plus au fait que lui – afin qu’il demeurât secret. Ils avaient constitué, ensemble, une opacité telle qu’il faudrait réellement se pencher dessus pour faire le lien entre le groupe et ses membres. Quoi qu’il en fût, à présent qu’il possédait la personnalité morale, il était capable d’être propriétaire de biens immobiliers et mobiliers, entre autres. Sympan hésitait encore à en parler. Il verrait. Faire lire la documentation à Érasme dans un premier temps pourrait être plus sage. Le Sorcier comprendrait tous les enjeux, même ceux qu’il n’avait probablement pas perçus.

724 mots

« C’est vrai. Aucun risque. » répétai-je, lorsque son regard rejoignit le mien, comme si le dire aurait suffi à masquer les émotions qui dansaient au fond de ses prunelles et que je n’aurais jamais cru percevoir un jour. Je pensai quelques secondes à la tromperie probable de Boraür. C’était normalement à cet instant que les choses déraillaient, que Lucius arrivait ou que les contradictions des Bipolaires reprenaient le dessus et brisaient l’instant. Néanmoins, le Magicien n’était pas là et le Réprouvé ne changeait pas d’expression. J’eus la sensation d’être suspendu à un fil tendu entre deux montagnes. L’inspiration que je pris gonfla mes poumons d’adrénaline. Je sus que rejoindre les autres n’était plus une option. Je l’avais placée là pour m’éviter la noyade mais les possibilités de fuite se réduisaient. J’en étais certain, tellement que je soutins son regard sans que l’intensité du mien ne diminuât. Et lorsque la caresse de ses lèvres advint, je fermai les yeux et me laissai emporter par le courant. Pour l’attirer avec moi dans les abysses, je liai mes bras autour de sa nuque. Mes doigts se frayèrent de nouveau un chemin entre ses cheveux et, malgré moi, parce que je subissais déjà de plein fouet les effets de notre proximité, j’approfondis le baiser. L’île brisait toutes mes réticences. À peine formées, elles étaient anéanties sans pitié. Ne restaient que mes désirs, nus, dépouillés du déni, libérés du poids de la politique et de mes obligations, déliés de nos différences fondamentales.

Pourtant, comme si l'endroit souhaitait préserver la pudeur, je réussis à m'arracher à la tempête. À bout de souffle, je le regardai encore. Je souris, étonnement joueur. « Aucun risque, hein ? » Je me reculai tranquillement, sans le quitter des yeux. Puis, mon sourire s’élargit et je me hissai hors de l’eau. Là, je le jaugeai. « Attrape-moi si tu peux. » le défiai-je soudainement. Je me mis à rire en même temps que je m’élançai vers la maison, complètement trempé. Je croisai Johannês mais ne pris pas le temps de m’arrêter pour le saluer. Je passai par la porte et pris le premier couloir que je trouvai avant d’agripper la rambarde d’un escalier dont je gravis les marches deux par deux. J’ouvris plusieurs portes et parcourus différentes chambres. Si Boraür me gardait dans un bon état physique, je finis tout de même par sentir la fatigue. Mon cœur battait la chamade contre ma cage thoracique et m’en amuser n’arrangeait rien. Comme je frôlais mes limites, je me résolus à me cacher dans un placard quelconque. J’ouvris la porte d’une penderie et me glissai à l’intérieur, en priant l’île de bien vouloir effacer les gouttes d’eau laissées derrière moi. Là, je plaçai ma main devant ma bouche pour réduire le son de ma respiration. Mon index se perdit cependant sur mes lèvres, là où le crime avait eu lieu. Aucune fuite n’était plus possible, je le savais. En réalité, je ne fuyais pas vraiment puisque je voulais qu’il me trouvât.

499 mots

Bienvenue chez vous !

Musique

Pieris avançait sur un chemin. Il avait demandé à l’île d’écarter la neige sur son passage pour plus de stabilité. Il avait aussi profité de Boraür pour ressortir ses geta. Il était habillé d’un kimono rouge et blanc, aux broderies roses. Son ombrelle était assortie à sa tenue et il marchait, d’un pas lent, ses longs cheveux relevés dans une coiffure élaborée à l’intérieur de laquelle il avait accroché plusieurs barrettes serties de pierres précieuses et de fleurs. Ses ongles étaient peints en rouge et des strasses les recouvraient par endroit. Il s’était fait beau pour la réunion et avait entouré ses yeux de khôl et décoré ses lèvres. Il arriva vers Johannês plusieurs secondes après le passage du Réprouvé et du Sorcier. L’île avait préservé le faux Magicien en cachant les attributs de Dastan derrière une grappe de raisins. Si le phénomène avait paru étrange au concerné, il ne s’en était pas plaint, bien content de ne pas être obligé d’admirer une trompe de Bipolaire. « Johannês. » Pieris lui sourit et fit tourner son ombrelle. « Je suis beau ? » lui demanda-t-il, en bougeant de façon à lui montrer ses vêtements. L’autre grommela une affirmation. Il commençait à être habitué au fait que le Vampire ressemblât à une fille mais ce n’était franchement pas toujours évident de se le rappeler, surtout quand il ne mettait pas du sien pour passer pour un garçon. « Le soleil ne te dérange pas ? » « Hum ? Oh non. C’est l’avantage ici. » Il sourit et se remit en route, en attrapant le bras du soi-disant Ondin au passage. « Tu sens le grand large. » lui fit-il savoir. « J’aime bien. » ajouta-t-il.

« C’est sûr. » Sympan n’aimait pas spécialement Boraür en temps normal. Il trouvait l’île bien trop gentillette et leur groupe n’était pas fait pour l’être. Néanmoins, Alcide avait raison : pour la cohésion, l’endroit était parfait. Surtout, il permettait de convoquer les autres en cas de refus de venir. Par-là, il pensait à Dastan mais pas uniquement. Il n’était pas dupe : ils allaient tous évoluer et il y aurait des moments où les impossibilités ou les conflits pointeraient le bout de leur nez. Adriæn et lui tournèrent la tête vers le raffut. « Oui. Je pensais bien que Boraür leur permettrait de se retrouver pour le mieux. » L’Ondin semblait, lui, n’avoir aucun avis sur la question. Il ne parlait pas beaucoup depuis qu’ils étaient ici. En réalité, il détestait ce qu'il ressentait, tout en l'appréciant, bien forcé. C'était très étrange.

« Bonne idée. » « Ah non, pas de tatouage ! D’ailleurs, il vaudrait mieux que celui qui m’a fait une pâquerette sur la cuisse se dénonce ! » La voix de Johannês avait percé l’air. Il n’était pas de mauvaise humeur, malgré ses dires. Il semblait plutôt taquin. Pieris s’avança. « Bonjour. » Il compta les présents. « Je pensais être en retard mais pas du tout. Comment est-ce que vous trouvez ma tenue ? » demanda-t-il, sans se décoller de son colocataire favori.

513 mots

« Rien, espèce de Feu Bouffon tricheur. » Je ris, tout en tournant la tête vers lui pour le regarder. Le son se tut. Ne resta plus qu’un sourire. Je songeai un instant à ce que je ressentais. La félicité apparaissait parfois dans le tourbillon des autres émotions. L’avoir à mes côtés, sur ce lit, m’apaisait. Ce calme était instable parce que sa proximité éveillait d’autres choses. Si j’avais dû être parfaitement honnête, j’aurais avoué le vouloir pour toujours avec moi. J’y avais pensé plusieurs fois avant Boraür. De temps en temps, je rêvais d’un autre monde, un monde dans lequel nous aurions pu nous tenir côte à côte sans risque, sans être considérés comme des traîtres. Parfois, j’entrevoyais la possibilité d’une paix durable entre les Sorciers et les Réprouvés. Je l’imaginais, en pariant sur l’exacerbation du côté démoniaque des Bipolaires. En réalité, je savais que cela n’adviendrait jamais. Je n’en avais même pas vraiment envie. Tout ce qui m’importait se trouvait présent maintenant, sur ce lit, avec moi. Je ne voulais pas convaincre son peuple. Je voulais le convaincre lui. Cependant, tout en dehors de l’île m’indiquait que je n’étais qu’une passade, qu’une carte parmi tant d’autres. Ici, j’avais la sensation d’être plus que ça. C’était grisant.

Lorsque mon pull disparut, mes idées s’échappèrent. Ne resta plus que sa main sur moi. Je souris. Son rire résonnait beaucoup depuis que nous étions là. Il était facile à amuser, comme mon cœur était facile à déstabiliser. Je le regardai et me plaçai sur le côté pour me retrouver face à lui. Mes phalanges s’avancèrent jusqu’à sa joue puis descendirent dans son cou, jusqu’à rejoindre les muscles de ses bras. Mes doigts remontèrent sur ses épaules lentement et s’égarèrent sur son torse. Gona’Halv continuait de lui forger une carrure que je ne posséderai jamais. Ici, je n’étais pas envieux. J’étais simplement subjugué et attiré par ce que je touchais. Je me rapprochai de façon à ne plus le dépasser et l’enlaçai. Ma joue se posa contre la peau de ses pectoraux. Là, je fermai les yeux. Les sources d’eau chaude avaient balayé le parfum de la sueur. C’en était presque étrange. Malgré moi, l’odeur qu’il dégageait habituellement, forte, contribuait à mon envie de lui. C’était un tout indissociable. « Je n’ai plus envie de bouger d’ici. » lui confiai-je à demi-mots. Je désirais qu’il me serrât dans ses bras, tellement que les souvenirs de l’intensité de mes émotions à la sortie de Boraür seraient douloureux. Mes ongles caressèrent son épiderme et mes lèvres embrassèrent sa peau. Je dus fournir un effort pour relever la tête. « Je devrais considérer que la disparition de mon pull est un gain suffisant vu les circonstances mais... » Je ne trouvai pas d’argument à proposer. J’avais simplement envie qu’il m’en demandât plus. « Dis-moi ce que tu veux, c’est tout. » Je souris, lui volai un baiser à mon tour et replongeai mon visage contre lui. La chaleur de son corps me fit me questionner sur le futur. Pourrions-nous un jour nous endormir l’un contre l’autre en toute confiance ? « Je t’aime. » murmurai-je tout bas.

519 mots

Bienvenue chez vous !

Musique

Aäron tourna les yeux vers Moon et lui sourit. « Merci. Ça me fait plaisir. » Il baissa le regard sur les chocolats qu’elle lui avait offerts. L’Orine lui attrapa sa main libre. « Si tu es heureux alors moi aussi ! » lui répondit-elle. Depuis qu’ils étaient à Boraür, la joie les inondait. Ils s’étaient croisés par hasard et avaient décidé de passer du temps ensemble. Ils s’étaient promenés et avaient beaucoup discuté. « Haru ? » demanda Moon, après avoir réceptionné son amie dans ses bras. « Oui ! Moi aussi je suis contente de te voir ! » Elle ponctua ensuite le discours de la brune de hochements de tête et examina Aäron avec attention. « On me l’a déjà dit. » dit-il simplement. « C’est pas faux mais je ne crois pas qu’Erasme Salvatore ait des cheveux bouclés. Je trouve ça trop mignon ! » L’exclamation fut suivie d’un geste inattendu. L’Orine passa ses doigts dans les boucles noires de l’Alfar. Elle rit. « Oh j’ai vu Zeryel aussi ! » Le souvenir la fit sourire de plus belle. La liqueur de cerise lui était montée à la tête ce jour-là. « Et deux Anges qui sont sur ma liste aussi ! Ils étaient trop beaux ! » Elle ne s’attarda pas, concentrée sur les mots qui sortaient de la bouche de sa copine. « Une réunion secrète ? Je suis invitée ? Vraiment ? » Elle envoya son coude doucement dans le bras d’Aäron, comme pour lui partager son bonheur. « C’est que… je vais aussi à une réunion… » Il avait hâte. L’idée lui avait semblé saugrenue lorsqu’on l’avait invité à Juvaniel mais depuis qu’il était sur l’île d’Ësse’Aellun, il n’attendait que ça. « C’est vrai ? On va peut-être à la même réunion secrète alors ? J’espère ! » ajouta-t-elle, en attrapant le bras du garçon avec ses deux mains. Et pouf, ils furent arrivés à destination. Moon rigola en même temps que Haru. Aäron regarda autour de lui. « Enchantée ! Lui c’est Aäron ! Aäron Taiji ! Mais on s’est déjà rencontrés à Juvaniel ! » Elle se tourna vers son amie d’enfance. « Ah Haru ! Je suis trop contente de pouvoir passer du temps avec toi ! » Elle la serra dans ses bras, avant d’apercevoir Pieris. « Oh ! Une autre Orine ! » dit-elle, sans réfléchir. Elle l’enlaça à son tour puis termina sa tournée par Makoto. Elle se sentait vraiment enjouée. « Si quelqu’un d’autre veut un câlin, c’est gratuit ! » s'exclama-t-elle, sans lâcher le garçon.

426 mots

J’en avais rêvé aussi à de nombreuses reprises. Lorsque nous n’étions pas physiquement ensemble, le Réprouvé hantait mes nuits. Les histoires se suivaient parfois. D’autres fois, elles se ressemblaient sans pour autant parcourir la même trame. De temps en temps, les rêves étaient uniques, un simple récit qui ne trouvait plus aucun écho autre que celui qui se propageait dans mes souvenirs. Quand je me réveillais, le manque venait dévorer mon cœur. La colère finissait par l’emporter. Je cherchais alors une échappatoire dans diverses substances. Je ne supportais pas de constater qu’il ne s’agissait là que d’illusions, même si Lucius se plaçait souvent entre nous là-bas aussi. Dans les songes comme dans la réalité, je n’étais jamais le bon chemin. J’étais simplement la voie dans laquelle Dastan se jetait sans réfléchir. Je le ressentais ainsi. Le Magicien incarnait toujours la raison, le mieux. Moi je n’étais que l’autre. Cette impression s’ancrait au quotidien. Pourtant, actuellement, elle ne hantait pas mon cœur. C’était comme s’il n’y avait plus que nous deux. « C’est peut-être parce que tu l’as déjà fait mille fois. » Le murmure avait quitté mes lèvres à la manière de l’aveu de mes sentiments. Ce dernier s’était heurté à une affirmation. Je sais. Ce je sais me poursuivrait probablement longtemps. « Tout comme ça. » constatai-je, en sentant mes mains prisonnières des siennes. Être à sa merci me semblait presque naturel dans ce contexte-là. Il s’agissait d’un jeu entre nos deux corps : celui de nos peaux, celui de nos lèvres, celui de nos respirations. À chaque fois qu’il me touchait, des frissons naissaient à l’endroit précis du contact pour se répercuter dans l’ensemble de mes membres. Le fait qu’il fût assis sur moi compromettait mes secrets. Je levai les yeux vers lui lorsqu’il se redressa. Les images de Seaghdha s’imposèrent dans ma tête. Bien sûr que j’en avais envie. J’aurais nié, ailleurs. Ici, la fuite me semblait impensable et mes peurs disparaissaient avant même que je ne réussisse à les analyser. « Moi aussi. » lui avouai-je. Je l’avais déjà fait tout seul mais jamais avec quelqu’un d’autre. Il y avait des questions à poser normalement sur les préférences de chacun mais mes lèvres restèrent liées. J’avais l’intime conviction que cela ne servirait à rien. Les rêves y répondaient parfaitement. Je me redressai et enroulai mes bras autour de son cou. Je repensai à Juvaniel, à nos adieux presque silencieux. Y aurait-il un après Boraür ? Je préférai noyer les réponses possibles contre ses lèvres dans un élan presque vital. Une fois qu'elles furent mortes, sacrifiées au profit d'un désir brûlant, je m’écartai, le regard fourbe. Dans ma tête, je demandai à l’île de lui retirer ses vêtements et baissai les yeux sur son bassin. Je les remontai après avoir constaté la réalisation de mon souhait et l'état de son entrejambe, au milieu d'une touffe de poils de la même couleur que ses cheveux. Je lui offris le sourire du parfait coupable. Le trouble que mon crime avait provoqué chez moi devait être visible lui-aussi, si bien que je ne cherchai plus à constater de nouveau sa nudité et maintins mes prunelles dans les siennes, même lorsque l’une de mes mains descendit le long de son torse, parcourut son ventre et se referma sur lui, plus bas. « T’es sûr que c’est ce que tu veux ? » Je n’avais pas attendu sa réponse pour le caresser. Je voulais juste entendre le son de sa voix teinté de plaisir.

537 mots
Je vois ça