Il m’aiderait à devenir Empereur Noir. Je l’aiderais à devenir Seigneur des Deux Rives. Ensemble, nous pourrions tromper le monde. Malgré la magie de Boraür, les pensées qui gravitaient dans ma tête étaient celles d’un Sorcier, saupoudrées d’une couche de sucre qui les rendait moins obscènes. Ensemble, nous serions plus forts que nos cultures respectives. Pour lui, je condamnerais une partie des miens et je songeais qu’il ferait la même chose. Sur l’échiquier de nos élévations mutuelles, nous coordonnerions nos actions, loin d’une vision manichéenne du jeu. Il n’y aurait pas les noirs et les blancs. Il y aurait deux rois en devenir s’alliant pour positionner les autres pièces exactement comme ils le souhaiteraient. C’était, du moins, les espoirs que je nourrissais. Si c’était avec lui, si c’était pour lui, pour nous, alors je n’aurais pas de limites.

Je relevai les yeux vers lui lorsque je compris sa fièvre. La mienne suivit naturellement, mon corps réagissant au sien avec la même vigueur que celle qui l’avait possédé quelques minutes plus tôt. Mon souffle heurta sa peau. J’avais l’impression que ses mains sur moi avaient un pouvoir qu’aucune autres n’auraient jamais. Elles me transportaient, amplifiaient mes sens et faisaient cavaler mon cœur comme s’il était soudainement libre de toutes les folies, libre de partir au galop. J’obéis. Je n’étais docile qu’avec lui. J’appuyai mes mains sur le mur, à côté de la sienne. Sous les à-coups, mes avant-bras prirent ensuite le relai. La paroi me renvoya l’écho de mes gémissements. Ce qu’il avança me fit sourire. Je n’étais pas sûr de pouvoir subir ses assauts toute la journée sans m’écrouler mais la magie de Boraür effaçait la fatigue et équilibrait les forces. L’un de mes bras se baissa et mes doigts agrippèrent ses fesses pour l’inciter à aller plus vite. Mon sens de la réalité me sembla alors de plus en plus altéré. J’eus la sensation de me trouver dans un environnement trop chaud, au bord de l’évanouissement. J’étouffais de plaisir au point de perdre totalement pied, au point de ne plus très bien savoir si les sons sortaient de ma gorge ou venaient d’ailleurs. Quand je vins une seconde fois, je n’étais plus qu’halètements. Les cheveux à la base de ma nuque étaient humides et bouclés, comme si l’amour leur avait donné des envies de rébellion. Je me détachai de son corps quand il eut fini et me tournai pour retrouver ma position initiale, face à lui. Je lui souris. « J’aimerais que tu n’arrêtes jamais, qu’on le fasse tous les jours du reste de nos vies. » dis-je, entre deux souffles. Jusqu’à la mort. Mes lèvres s’étirèrent davantage. « Mais je comprendrai si le rythme est trop éprouvant pour toi. » La taquinerie planait dans le ton de ma voix.  

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Musique

Moon prit la cuillère et sourit à Ikar. Elle le trouvait poupou. « À mon tour ! » s’exclama-t-elle, ravie de se prêter à l’exercice. Elle était toujours partante pour les activités qu’on lui proposait. « Je suis Moon Sun-Hi. Sun-Hi, c’est le nom de mon père. Dans mon cas, c’est lui qui est l’Orine de ma mère. Elle a bien voulu qu’il me donne son nom pour m’éviter des problèmes. Ma mère est de la même famille que l’ancienne Impératrice des Abysses, c’est pour ça. Mon père s’appelle Kamui et ma mère s’appelle Lhyæræ Déliana. Elle enseigne à Basphel de temps en temps. J’ai grandi à Onikareni et, comme ils vous l’ont dit, je connais très bien Haru et Makoto. Depuis que je suis à Basphel, je vois mes parents plus souvent. Ma mère est généralement dans le cabaret de son amie Louise. Cette dernière confectionne des sous-vêtements. Du coup, si vous en avez besoin, on pourra peut-être aller lui rendre visite ! Elle fait du sur-mesure et c’est très joli ! » Pour illustrer ses propos, elle tira sur la bretelle de son soutien-gorge, en dentelle. « Elle pourra vous faire un prix ! » Elle sourit. « Mon père travaille là-bas. Il pratique le shibari. Ma mère fait quelques représentations de temps en temps aussi, même si elle préfère le côté administratif du cabaret. Avant, elle récoltait les impôts pour la royauté ondine. » Et éliminait ceux qui ne payaient pas. « Mais avec le changement de Reine, elle reste la plupart du temps sur terre. Puis avec la sauge, c’est devenu difficile. » C’était une réalité subie par beaucoup d’Ondins. « Sinon j’aime le taï chi. J’aime bien la compagnie des autres aussi. À Basphel j’appartiens à plusieurs clubs pour m’occuper. » Elle tendit la cuillère à son voisin : Aäron. Il regarda l’ustensile quelques secondes avant de le prendre. « Oh et ma mère est vraiment amie avec ton père ! » dit-elle, à l’attention d’Ikar, en faisant fi du fait qu’elle n’eût plus la cuillère de la parole. La Sirène aurait même pu être la mère du blondinet dans d’autres circonstances.

Aäron, lui, se racla la gorge et chercha ses mots. « Hum. Je m’appelle Aäron Taiji. Je suis un Alfar et j’ai été accepté à Basphel il y a quelques temps… » Si pendant un instant, il voulut terminer sa présentation là, le regard de l’Orine lui donna envie de continuer. « Je ne connais pas ma mère et mon père est plutôt spécial. » Il ne lui avait jamais dit son nom. « J’aime la musique et j’en écoute la plupart du temps. J’ai un grand frère. C’est un Orisha. On ne s’entend pas spécialement mais parfois il m’aide. » Sans la magie de Boraür, le brun n’aurait probablement jamais été si bavard. « Qui veut la cuillère ? » demanda-t-il.

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Musique

Sympan tendit ses doigts vers la cuillère. « Donne-la-moi. » dit-il, un sourire avenant – mais un peu fou – sur le visage. Depuis qu’il était sur Boraür, il se sentait plus joyeux mais gardait des idées bien étranges dans la tête. Une fois la tige de métal en main, il la pointa vers Ikar. « Honnêtement, je comprends ton attirance pour Dastan. Je pense que si tu veux coucher avec lui, il dira oui sans problème. Les Réprouvés ne sont pas farouches en la matière. » Ses yeux se levèrent vers le plafond, comme s’ils avaient le pouvoir de percevoir les silhouettes emboîtées du Sorcier et du Réprouvé. « Pour l’amour en revanche, ça risque d’être plus compliqué. Néanmoins, aimer à sens unique est une expérience intéressante… On pourra en parler ensemble si tu veux, lorsqu’on ne sera plus à Boraür. » Et qu’il souffrirait pour de vrai. « J’aimerais bien des sous-vêtements sur-mesure. Drejtësi serait heureuse. » Il sourit. Il parlait toujours de sa copine mais ne l’avait pas présentée aux autres. Parfois, Adriæn doutait qu’il en eût une mais les connaissances de l’Ygdraë allaient au-delà du théorique dans certains domaines. Ça se sentait quand il en parlait. « Je suis Sympan Taiji.ma. C’est une branche dérivée des Taiji… à cause du fait que la famille soit trop étendue. » C’était un vrai fléau. « Je suis né dans un vaisseau des Enfants de Yanna. Mes parents sont des scientifiques et aventuriers. Ma mère s’appelle Ambre Everityl et mon père Hermès Taiji.ma. Ils se sont rencontrés à l’intérieur d’un volcan. Elle étudiait la façon de faire entrer les volcans en éruption en utilisant la technologie et lui étudiait les spécificités de certains démons mineurs. Quand ma mère a réussi, mon père s’est retrouvé dans une fâcheuse position. Elle aussi d’ailleurs… Bref. Ils se sont rejoints et se sont entraidés pour s’en sortir. Je suis né ensuite et ai grandi avec eux. On a fait le tour du monde connu au moins deux fois grâce aux vaisseaux. Basphel me semble néanmoins être un terrain d’expérimentation intéressant, l’école n’ayant pas réellement de limites spatiales. J’essaye de les trouver mais la possibilité de confectionner un plan viable est plus qu’incertaine. Bref. J’aime beaucoup de choses. J’ai une copine qui s’appelle Drejtësi donc. Elle aime les sciences aussi. C’est une fille plutôt sympa qui m’encourage. Je l’encourage en échange. On a de longues discussions assez régulièrement. » Il sourit et tendit la cuillère à Adriæn. « Tiens. » « Merci. » Il se leva avant de parler. « Je m’appelle Adriæn Kælaria. Je suis un Ondin. Mes parents s’appellent Eiphos et Nerys Kælaria. Je suis le frère jumeau de Lana, qui est aussi à Basphel. Contrairement à elle, j’ai surtout vécu sur terre. C’est là-bas que j’ai rencontré Johannês qui est mon meilleur ami. » Il le regarda. « Je l’aime beaucoup. » Il lui sourit. « Je suis dans le même dortoit que lui, Sympan et Pieris à Basphel. Je suis célibataire. » Le reste de sa biographie lui semblait étrangement vide. Il n’aimait pas grand-chose. Sa vie se résumait à une recherche permanente de sensations. Ici, à Boraür, il expérimentait de nouvelles émotions et ne savait qu’en faire. « J’essaye d’être un bon élève alors j’étudie beaucoup. » Ce n’était pas forcément vrai. Il avait des facilités. « Tiens, vas-y. À toi. » dit-il, en tendant l’objet à Johannês.

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Musique

Læn prit la cuillère. Il avait été gêné deux fois : lorsque Moon avait montré la bretelle de son soutien-gorge et lorsqu’Adriæn avait dit qu’il l’aimait beaucoup. « Je veux bien aussi… » dit-il, en regardant l’Orine deux secondes avant de détourner les yeux. Peut-être qu’il pourrait offrir des sous-vêtements à Susannah. Il n’avait qu’à imaginer ses mains sur elle pour se faire une idée approximative de sa taille. Il se racla la gorge et passa ses doigts dans ses cheveux pour arrêter de penser à elle. « Je m’appelle Johannês Taiji. Mon père s’appelle Malcolm et ma mère Flavie. » Malcæ et Flæ mais il n’en savait rien. « Je connais Adriæn depuis que nous sommes petits. » Et Susannah aussi. « Nous sommes arrivés à Basphel ensemble. Il connait ma sœur également. Elle s’appelle Hermelle. Elle est restée chez les Magiciens. Ah oui… je suis un Magicien. » Il n’avait jamais été doué pour les présentations. En classe, il n’arrivait jamais à finir un exposé jusqu’au bout, soit parce qu’il n’avait pas travaillé, soit parce qu’il butait sur un mot, s’énervait, foutait sa capuche sur sa tête lorsqu’il en avait une et claquait la porte en poussant des jurons. « Je sors avec Susannah depuis la soirée pyjama de Basphel. » Il n’en était pas sûr à cent pour cent mais, sur Boraür, ça lui semblait être la version la plus viable. À moins qu’il ne fût que son plan cul ? Il avait parfois du mal à savoir, même s’il était à peu près sûr qu’ils s’étaient mis d’accord quand ils avaient couché ensemble la première fois. « On a euh… Bref. » Il ne pouvait pas dire ça ici, même si ça occupait beaucoup ses pensées, ça et les cadeaux qu’il pourraient éventuellement lui faire. Depuis, il fixait Titouan d’un œil menaçant, des fois que le type tentât de remettre ça avec l’Ondine. « J’ai une pote qui s’appelle Blu. On fait des trucs ensemble. » Il n’en avait pas vraiment parlé jusqu’ici. Boraür déliait sa langue, même s’il ne précisa pas ce qu’il fabriquait avec elle au juste. « Je fais de la boxe. Sinon euh… Franchement je ne sais pas pourquoi j’ai été accepté à Basphel. Ça m’énerve d’être là-bas. Tout ce que j’aime ce sont les travaux pratiques. Je suis plutôt manuel je crois… » Il repassa sa main dans ses cheveux et tendit la cuillère à Pieris qui s’était assis à côté de lui. Le Vampire en profita pour laisser tomber sa tête sur son épaule. « Je m’appelle Pieris et j’aime trop Johannês. » Il leva les yeux vers le faux Magicien, comme s’il cherchait les merveilles de l’océan dans ses yeux. En fait, son sang lui semblait encore plus intriguant à Boraür. « Avant de devenir un Vampire, j’étais une Orine. Ma mère s’appelle Ai Yèwǎn. Je ne connais pas mon père. » Ai Yèwǎn était l’une des nombreuses identités de Rose-Lune Araé. Néanmoins, Pieris n’en avait aucune idée. Il avait très peu côtoyé sa génitrice qui était souvent absente. « J’aime beaucoup de choses comme la mode, chanter, danser et poser. Je suis aussi ami avec Susannah. » Plus ou moins. Il l’aimait bien ; son sang aussi. « Cependant, je n’aime pas trop Sanje, un Démon qui a rejoint notre chambre il n’y a pas longtemps. » Même Boraür ne pouvait gommer sa détestation vis-à-vis de ce personnage. « Je ne crois pas que Johannês soit un Magicien d’ailleurs… » dit-il, comme ça. « Pour le reste, si vous avez la moindre question, n’hésitez pas à me demander. Je serai ravi d’y répondre. » Il se redressa légèrement mais garda un contact avec Læn.

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Je le regardai puis souris. « Il ne vaut mieux pas. Si je commence à m’entraîner sérieusement, je risque de devenir parfait. Beau, musclé, intelligent, cultivé, drôle, riche, noble… Je te ferais de l’ombre. » Je ris avant qu’il ne m’attirât à lui. Entre nous, tout semblait fluide. Aucune écharde ne venait se planter sur la main qui caressait. Il n’y avait qu’une douceur fiévreuse ou amoureuse. Du moins, je le ressentais ainsi. Quand j’étais contre lui, je n’avais plus envie d’être seul. J’aurais tout donné pour vivre à ses côtés, pour satisfaire nos corps et construire un avenir ensemble. J’aurais pu ne m’occuper que de ces tâches et oublier toutes les autres. Le temps se suspendit.

« J’espère que tu ne viens pas de t’en rendre compte. » soufflai-je. Mes yeux descendirent ensuite sur mon accoutrement. « Lâche-moi, sale traître ! » me défendis-je faussement. Il me le paierait. Oser m’affubler de ces vêtements méritait le pire châtiment. Après deux secondes, je décidai de lui pardonner, mais uniquement parce que c’était lui. En boudant, je le regardai à mon tour et me mis à rire vraiment. J’ignorais s’il ne ressemblait à rien, s’il était trop mignon pour que ce fût réaliste ou si une partie de moi le trouvait étonnement séduisant. Dans le doute, il valait mieux ne pas savoir. Tout en le suivant, je pensai vaguement que si nous n’avions pas été deux hommes, nous aurions pu avoir des enfants. Ces enfants auraient adoré se jeter dans ses bras.

Une fois dans la salle avec les autres, je regardai Dastan prendre ses aises. Je m’assis à côté de Makoto et laissai mon regard couler sur Aäron. Je lui souris et regardai les autres protagonistes pour finalement arrêter mon attention sur Alcide. Quand il mentionna son père, je me fis la réflexion qu’il valait mieux qu’il ne le mentionnât pas en territoires sorciers avant quelques années. Le fait qu’il eût libéré une esclave avait terni sa réputation, bien que ce simple fait ne pût jamais effacer le reste de ses actes. L’Histoire parlait pour lui. Néanmoins, la rancœur des Sorciers était tenace. « Rose-Abelle… » murmurai-je. À chaque fois, j’oubliais cet information : le fait qu’il la connût. Ce ne serait peut-être bientôt plus le cas. Son mari l’empêcherait probablement de le côtoyer. Boraür adoucit ma pensée.

Mes yeux se fixèrent sur la cuillère alors que les deux derniers garçons apparaissaient. Je regardai Tekoa. Sa tenue était étrange et si nous n’avions pas été sur une île magique, il aurait probablement pué le bouc. « Boraür, tu sais quoi faire. » affirmai-je. Le brun se retrouva affublé d’un pyjama ours. Je souris et entamai ma présentation. « Je suis Érasme Salvatore. Je suis un enfant adopté et je ne connais pas mes parents. Officiellement, je suis le fils d’Elias Salvatore qui n’a pas jugé utile de me rattacher à l’une de ses femmes en particulier. Ses autres enfants ne sont liés à moi que par la loi. Il y a Réta, Rose-Abelle et Eléas. Il me semble qu’Eléas est son seul véritable enfant depuis la mort de Délilah. » Il lui ressemblait. « Avant, Eméliana était aussi ma sœur mais les choses ont changé dernièrement. Elle est à présent considérée comme la fille de Cyrius Windsor, le nouvel Empereur Noir… Officieusement, mon père gouverne toujours. Il compte reprendre le trône et épouser Eméliana. C’est la raison pour laquelle il a brisé leur lien de filiation. Elle devrait donc devenir ma belle-mère d’ici quelques temps, et l’Impératrice Noire accessoirement. » Je souris. Heureusement que nous étions à Boraür. « Petit, j’étais l’élève de Cyrius. À présent, j’ai changé de mentor. Val’Aimé a été chargé de terminer mon éducation. » C’était une façon enjolivée de dire les choses. « Je suis marié à Sundara Baran, la fille du Monarque Démoniaque. Je suis aussi étudiant à l’université. J’aime passer du temps avec Rose-Abelle lorsque je peux et écrire des poèmes. Dastan est obsédé par moi et ce n’est pas facile tous les jours. » Je ris et lançai la cuillère en direction de Lucius.

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Le paysage neigeux fit place à l’intérieur d’une maison. Mes yeux allèrent d’Érasme à Dastan, puis se posèrent sur Adriæn et tous les autres. Ils finirent sur Tekoa dont je remarquai la plastique avantageuse pour la première fois. « Dis donc, tu viens d’où, de la jungle ou d’un carnaval ? » lui demandai-je, taquin. J’avais beau dire, si j’étais arrivé quelques minutes auparavant, j’aurais été totalement nu. Je m’étais endormi dans mon bain, ce qui m’avait mis en retard. « J’ai pris un bain, je me suis endormi et j’ai rêvé d’Yngvild ! » confiai-je au rouquin, tout en évaluant sa tenue. Sur Érasme, c’était ridicule. Sur Dastan, ça l’était encore plus. Avec ses muscles, il ressemblait à un buffet recouvert de fourrure. En réalité, j’étais simplement agacé de voir que les deux partageaient le même style d’accoutrement. Mon irritation ressortait en critiques acerbes que l’île, heureusement, ne me permit ni de formuler à voix haute ni de garder dans mon esprit trop longtemps. Tout alla mieux lorsque Tekoa se retrouva à son tour affublé d’un pilou-pilou. J’écoutai Érasme, tout en pensant qu’il était dommage que je n’eusse pas été là pour entendre les autres. Je souris, conscient que je connaissais bien sa vie à présent. Nous en avions longuement discuté à Juvaniel et, malgré notre niveau d’alcoolémie, j’avais retenu beaucoup d’éléments. Ce serait nécessaire pour la suite. Je ris à la fin de son discours. « Dastan n’est obsédé que par lui-même et le trône des Réprouvés. » affirmai-je, tout en prenant la cuillère. « Je suis Lucius Paiberym. » commençai-je. « Je ne connais pas non plus mes parents parce que j’ai été adopté par Kaahl Paiberym qui s’est officiellement marié il y a quelques temps avec Freyja Belegad, la sœur de Dastan. Je ne sais pas encore si je dois l’appeler maman. » Cette possibilité me fit rire. Boraür était un endroit parfait à l’intérieur duquel mes dents avaient cessé de grincer. Il restait néanmoins quelques résidus de mes tourments qui ressortaient sous forme de plaisanteries. « Je devrais me marier aussi d’ici quelques temps avec la mère de mon enfant, Kiara Hautvent. Je vous inviterai tous. Vous pourrez rencontrer mes frères et sœurs comme ça. J’en ai beaucoup. D’ailleurs, j’en profite pour dire qu’il me faudra une nounou bientôt. Je compte sur vous. » Je m’assis entre Dastan et une fille aux longs cheveux. Le qualificatif aurait été différent hors de Boraür. Je souris à celle-ci. Nous étions serrés à présent. Je passai un bras autour des épaules de mes voisins. « Sinon, je suis puni. Normalement je passe mes journées à prendre soin des dragons mais mon père a jugé bon de me rapatrier chez lui le temps que je termine mon cursus universitaire. Comme quoi, comme on disait la dernière fois, nos pères devraient vraiment se rencontrer. » fis-je, pour Érasme. « Leur discussion sur l’éducation vaudrait le détour. » Je ris et déposai le creux de la cuillère sur le nez de Dastan, comme si j’espérais qu’elle y tiendrait en équilibre.

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Le haut de mon corps pivota, à l’image de mon regard. C’était la deuxième fois en peu de temps que je me retrouvais ailleurs. D’abord cette île déserte au sein de laquelle j’avais dû survivre seul et ensuite cet endroit où la nourriture coulait à flot et où plusieurs visages m’étaient familiers. Mes vêtements furent remplacés et la propreté m’enroba. C’était même presque trop. Le côté gauche de mes lèvres s’étira au commentaire de Lucius. « Si tu savais… » Je comprenais tout ce qu’il se disait et pouvais parler sans difficulté. Pourtant, mon accent demeurait. L’île devait le trouver mignon. Je m’assis au centre, là où personne ne se trouvait, étendis mes jambes et me penchai en arrière pour mieux me camper sur mes paumes. Puis, ma tête pivota et j’adressai un sourire à l’attention de ceux qui n’avaient pour toute vision que celle de mon dos et de mon crâne, avant de repositionner mon cou correctement. Je haussai les sourcils à la mention de Kiara et de l’enfant qu’elle portait mais laissai la présentation se dérouler sans intervenir. Puis ce fut au tour de Dastan. La cuillère vola ensuite dans ma direction. Je l’attrapai à une main et la plantai dans mes cheveux, comme je l’aurais fait avec un os, un bout de bois ou une plume. « Je suis Tekoa. » commençai-je, en tentant de me caler sur ce qu’avaient fait les trois derniers à avoir pris la parole. « Je ne sais pas non plus qui sont mes parents. Chez moi, ça n’a pas d’importance et je n’ai jamais ressenti l’envie de savoir. » J’avais bien vu la différence entre les autres et moi à Basphel. Les étudiants parlaient de leurs mère et père là où je n’avais rien de particulier à dire. J’appartenais à mon peuple et, surtout, j’étais né par la volonté des Ætheri, en les honorant. « J’ai eu des nourrices alors je pourrai p’têtre garder ton enfant aussi. » précisai-je, en regardant Lucius. « Je lui apprendrai à prier. » Parce que ce n’était pas Dastan qui le ferait, en bon hérétique qu’il était. « Jusqu’ici, je pensais vouloir devenir le plus grand chasseur du monde mais j’ai changé d’avis dernièrement. » La douleur n’existait pas sur Boraür mais y penser ne me procurait aucune joie. Malgré l’existence du cycle de la vie et de la mort, j’étais perturbé. « Je ne sais pas quoi faire à la place. Je verrai. » Les Dieux décideraient. « Sinon j’ai croisé Kiara dernièrement. Si c’est bien elle. » J’en étais convaincu. Mes doigts attrapèrent une chips dans le bol de quelqu’un et s’activèrent ensuite à déboutonner le haut de mon pyjama. Il me donnait trop chaud. « Et maintenant on fait quoi ? » demandai-je, ayant à peine remarqué l’absence des Esprits dans mon champ de vision.  

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