Bienvenue chez vous !

Une fois que j’eus fini la lettre que j’écrivais à Astriid, je la laissai partir vers sa destinataire et me redressai. Je devais me préparer pour la réunion avec les autres garçons. J’enlevai mes vêtements, me lavai et revins me planter devant mon sac de voyage. J’attrapai un sous-vêtement et filai devant la glace. J’inspectai ma peau puis mon corps. Je n’étais ni très grand, ni costaud.

« Franchement… »

Je soupirai mais pivotai quand même pour regarder mon dos et mes jambes. Je baissai les yeux vers mon ventre pour constater la présence de quelques poils plus bas. Je les avais déjà vus mais ils me paraissaient bien plus visibles maintenant. Je me serais probablement morfondu de façon plus sérieuse si l’île n’était pas enchantée.

Je me remis de face et me souris. Je n’étais pas si mal en vrai. Avec du sport et une bonne alimentation, j’allais devenir grand et fort. En plus, il n’y avait pas que le physique dans la vie. Néanmoins…

« Boraür ? Est-ce que tu pourrais me fournir des vêtements qui plairaient à Dastan s’il te plaît ? Et me coiffer comme il aimerait aussi ? »

Je ne savais pas s’il serait là mais autant ne prendre aucun risque.

Le résultat me plongea quelques secondes dans la perplexité mais je l’acceptai ensuite sans problème. Boraür ne se trompait jamais d’après ce que j’avais entendu dire. Je passai tout de même mes mains dans mes cheveux pour m’inspecter avant d’attraper le sac dans lequel j’avais mis les chouchous que j’avais achetés.

« Boraür ? Est-ce que tu peux m’amener au lieu de rendez-vous s’il te plaît ? »

Dès que je fus sur place, je remerciai l’île. Je ne savais pas si elle était vivante mais je préférais le faire (il m’arrivait aussi de le faire avec les objets, des fois qu’ils soient vivants sans que je ne le sache et cherchent à se venger à cause de mon manque de politesse).

J’observai la maison quelques secondes, intrigué par son allure, avant de terminer à pied les quelques mètres qui me restaient à parcourir. Je me sentais heureux. J’étais sûr que Dastan serait là et j’avais l’impression que rien ne pourrait ternir mon bonheur. Aujourd’hui, j’allais dire au rouquin que je l’aimais depuis notre rencontre. Ma fascination pour Ludoric s’était totalement transposée à celle que j’éprouvais maintenant pour le Réprouvé. Astriid avait raison à propos de la chantilly : c’était dur de résister quand on en avait sous le nez.

Lorsque j’entrai dans la salle, Alcide était en train de faire un discours. Je saluai les personnes qui se tournèrent vers moi discrètement. Mes yeux cherchèrent la silhouette de Dastan. Il ne semblait pas être ici. Il n’était peut-être pas encore arrivé.

443 mots

Je serai toujours avec toi. Je fermai les yeux. Derrière mes paupières closes, plusieurs scènes fusionnèrent, comme des évidences. Combien de fois avais-je rêvé de ses lèvres autour de moi ? Combien de fois avais-je soupiré de plaisir, avec cette impression d’être vivant et mort à la fois ? Alors que la réalité rattrapait les songes, Boraür me sauvait du doute et de l’horreur de ce que nous étions en train de faire. Au fond, j’avais l’impression que cette union aurait eu lieu, aujourd’hui ou dans le futur, qu’elle aurait trouvé un chemin viable pour exister, qu’importassent les subterfuges à employer. J’avais la sensation que l’île d’Ësse’Aellun me soufflait que là était la seule voie possible. Je rouvris les yeux pour fixer mes prunelles sur la tignasse rousse du Réprouvé. Le voir ainsi ne fit que gonfler mon plaisir davantage. Je me gorgeai du spectacle sans m’en cacher. En temps normal, je ne le regardais vraiment que lorsqu’il ne me voyait pas. Je parcourais son corps avec minutie, détaillais ses courbes avec l’envie de les toucher et celle de les détruire en même temps. Pourtant, j’avais compris à Amestris, tout comme dans les rêves qui me hantaient, que le tuer reviendrait à me tuer moi-même. Je n’y pensai que le temps d’un gémissement, le temps pour mes doigts de venir se perdre dans ses cheveux. Ma main soutint ses mouvements jusqu’à ce que je décidasse de me reculer pour lui échapper avant qu'il ne fût trop tard. Je ne voulais pas que ça s'arrêtât. Plus haut sur le lit, je ramenai une jambe vers mon torse. Mon avant-bras se posa sur mon genou et je me perdis dans ses yeux. Je serai toujours avec toi. Ses promesses ne l’avaient jamais obligé. Je lui souris. « Je t’aimerai toujours. » lui dis-je. Je l’aimerai, même lorsque j’aurai envie de le tuer, même lorsqu’il me faudrait tenter de l’assassiner, même lorsque je devrais dévorer la Lumière. Néanmoins, actuellement, aucune de nos guerres ne valait la peine que je me battisse pour elle. Je lui fis signe de me rejoindre. Si nous étions arrivés au même point en dehors de Boraür, je n’aurais probablement pas été aussi calme. Je serai toujours avec toi. Une pensée me traversa et me fit rire doucement. Et si tu commençais par venir en moi ? Je tentai d’étouffer l’effet de cette idée en me pinçant les lèvres. Mon regard était anormalement espiègle, espiègle et désireux. Je redevins pourtant rapidement sérieux. Son corps nu faisait battre mon cœur anormalement vite. Je me déplaçai pour caresser ses lèvres avec les miennes. « Je veux plus. » murmurai-je, tout en embrassant son cou. L’aimer plus, jusqu’à m'en détruire.

436 mots

Bienvenue chez vous !

Musique

Pieris regarda Alcide avec une mine heureuse. S’il n’avait pas été un Vampire, il aurait assurément désiré avoir Johannês comme Aisuru. Le fait que le blond soulevât le sujet le ravit, même si le lien ne pourrait jamais se créer. Il se plongea dans ses pensées, à imaginer ce qu’aurait été sa vie s’il avait été l’Orine du faux Magicien et ne sortit de son petit nuage que lorsque la distribution de câlins fut proposée. « Moi aussi. » demanda-t-il, tout en regardant Moon qui semblait ravie. « D’accord ! Câlin pour tout le monde alors ! » s’exclama la jeune fille. Elle commença par Lazare qu’elle serra dans ses bras, continua avec Alcide tout en déposant un baiser sur sa joue, s’approcha de Pieris qu’elle complimenta à propos de sa tenue et fit de même avec les autres garçons et filles du groupe. Le Vampire nota que l’Orine sentait bon et semblait être aussi moelleuse que le lit de Johannês après son passage.

Lorsqu’Alcide fit apparaître les tables, l’attention du brun se focalisa sur la nourriture et les boissons présentes. Il s’en approcha alors que Moon accueillait Ikar avec engouement. « Bonjour ! J’ai fait un câlin aux autres alors je t’en offre un ! » s’exclama-t-elle avant d’enrouler ses bras autour du blond. Pieris attrapa une sorte de gelée qui avait l’odeur du sang entre ses doigts et croqua dedans. C’était délicieux. Derrière lui, Sympan était en train de compter les présents. Alcide l’avait fait plus tôt mais l’Ygdraë prenait très à cœur tout ce qui touchait au groupe. Il leva les yeux vers les étages. « Si Lucius et Tekoa n’arrivent pas avant qu’ils aient fini de batifoler, je demanderai à Boraür de les faire venir ici. » Comme il l’avait fait avec Dastan quelques minutes auparavant. Ainsi, ils seraient au complet et pourraient commencer.

Moon se dirigea vers Haru et Makoto. « On fait le service ? » proposa-t-elle, en jetant un coup d’œil aux tables. Elle se dirigea ensuite vers Pieris et lui attrapa le bras. « Toi aussi tu veux bien aider ? » Il acquiesça. La jeune fille lui sourit puis caressa la partie douce de sa tenue avec ses doigts. « J’aimerais beaucoup avoir le même ! » lui dit-elle. « Boraür t’en fera peut-être un semblable si tu le lui demandes. » Sympan, plus loin, murmura quelques mots à l’oreille d’Adriæn. Celui-ci hocha la tête et prit la parole. « Si personne n’a d’idée pour l’ordre du jour pour le moment, Sympan aimerait qu’on mange en se présentant plus amplement : qui sont nos parents, où a-t-on vécu, ce qu’on aime, les personnes qui nous sont proches, etc. Qui commence ? » Il sourit, avec une sincérité qu’il trouverait répugnante mais qui lui manquerait quand même une fois sortie de l’île. Pour la première fois de sa vie, l’Ondin était réellement intéressé par celle d’autrui.

472 mots

Tu ne réponds jamais. Je souris contre sa peau. Ça n’avait aucune importance. Ça n’en aurait que plus tard, lorsque nous sortirions d’ici, lorsqu’il serait trop tard. Actuellement, tout ce que je voulais c’est qu’il insufflât autant de rapprochements que possible. Je désirais que nos deux peaux se rejoignissent et se caressassent. Tout ce qu’il y avait entre lui et moi devait être détruit pour que rien n’osât plus nous séparer, pour que les courbes de son corps se fondissent dans les miennes, pour que les creux épousassent les bosses. Je lui obéis lorsqu’il demanda et me laissai tomber doucement sur le matelas. Les rêves se rappelèrent à moi pour me rassurer sur cette situation. Je n’avais jamais été placé dans une telle configuration. Lorsque je violais des femmes, je m’enfonçais en elles brutalement. J’entrais dans leur corps sans jamais les laisser entrer dans le mien. Les Sorciers honnissaient les relations homosexuelles. Elles étaient stériles. Chez les hommes, bien que la condamnation concernât les deux partenaires, elle était encore plus accentuée envers celui des deux qui ouvrait son corps à l’autre. C’était une particularité exclusivement féminine. En côtoyant Dastan, j’étais coupable à bien des égards : coupable de trahison, coupable de déviance, coupable de faiblesse. Cependant, toutes ces considérations étaient lointaines et, sans Boraür, j’aurais été tout aussi capable de me perdre de la même manière. L’île effaçait simplement l’ombre des conséquences et tout ce qui, dans le comportement de Dastan ou le mien, aurait pu retarder encore l’échéance. Ce moment serait-il si important le jour où ma condamnation tomberait ? Je ne le pensais pas. Cela faisait longtemps que ma culpabilité existait : toutes les fois où je lui avais parlé sans chercher à le détruite, toutes les fois où j’avais rêvé de lui, toutes les fois où ma peau avait effleuré la sienne, toutes les fois où mon cœur s’était gonflé d’amour et de désir pour lui. Il y avait également les lignes que j’avais écrites et qui le concernaient. Il me hantait chaque jour et, à cause de cet amour, je devais nourrir le mal en moi comme un forcené. Pour chaque baiser, Lux in Tenebris me murmurait d’étrangler autrui. Pour chaque caresse, elle me soufflait de violer des innocentes. Le Réprouvé ne faisait que renforcer mes ténèbres. Je n’avais pas le choix.

De longs frissons se propagèrent dans l’ensemble de mon corps lorsqu’il entra en moi. Mon cœur s’envola de plus en plus, ma respiration avec. « Oui. » Mes prunelles cherchèrent les siennes. Mes mains remontèrent sur lui. Bientôt, ce qui passa dans mon esprit fut trop prégnant pour que je le gardasse pour moi. « Est-ce que toi aussi tu penses aux rêves ? » À toutes les fois où nous l’avions fait, jeunes et moins jeunes, aux positions que nous avions tentées et retentées, à ses doigts qui glissaient sur moi alors que lui glissait en moi. J'avais l'impression que mes joues étaient brûlantes. Mes mains se posèrent sur ses épaules. « Redresse-toi. » lui dis-je, tout en me hissant contre lui. Mes bras s’enroulèrent autour de sa nuque. Mes lèvres retrouvèrent les siennes tandis que je commençai à guider nos ébats. Je gémis. Si nous n’avions pas été à Boraür, j’aurais aimé qu’il me prît jusqu’à l’évanouissement, jusqu’à ce que je sombrasse dans le néant, jusqu'à ce que j'eusse l'impression qu'il ne s'agissait que d'un énième rêve.

539 mots

J’étouffai mes plaintes contre la peau de mon bras. L’avoir en moi et autour de moi me conviait à l’extase. Je n’avais jamais rien connu d’aussi bon. Je jouais à ce jeu-là, parfois, lorsque j’étais seul. Si je l’imaginais toujours, mes bras ne pouvaient se refermer que sur du vide et ma bouche ne pouvait caresser aucune peau. Dans ces moments-là, j’étais désespérément seul, pris dans un fantasme qui ne devait pas se réaliser. En finissant, je m’en voulais toujours. À présent que nos souffles se mêlaient, que ses mains sur mes fesses me faisaient perdre le contrôle de la cadence, je me consumais. Dans ses bras, j’avais l’impression de ne plus être ni un Empereur Noir en devenir, ni même un Sorcier. J’avais l’impression d’être simplement un homme au bord de l’effondrement. Chacun de ses mots, chacune de ses respirations, chacune de ses caresses et chacun de ses regards provoquaient des réactions en chaîne sur mon épiderme. Les frissons n’en finissaient plus de s’alimenter les uns les autres. J’espérai voler encore plusieurs secondes d’ivresse, plusieurs secondes durant lesquelles mon cœur battrait une symphonie enivrante. Je l’embrassai. Le brasier s’intensifia et je pensai que la mort ne me tenterait plus après ça. Il était le Soleil qui éclaircissait l’obscurité et, pour lui, je me sentais capable de toutes les folies. Je voulais qu’il m’aimât et, à cet instant, à cause de la puissance de ce qu’il éveillait chez moi, à cause de l’intensité de notre baiser, je décidai de le croire. Il me l’avait murmuré, une fois. Mais c’est vrai. Je t’aime. Il l’avait susurré, avant de déclarer cette même phrase qu’il avait prononcé plus tôt. Laisse-moi te montrer à quel point ça me consume. Tout était imbriqué, comme si le hasard n’existait pas, comme si tous ces rêves nous avaient préparés à cet instant précis. Mes doigts jouèrent dans ses cheveux tandis que mon autre main s'appuya davantage sur son corps pour m’aider dans mes mouvements. Je plongeai autour de lui pour mieux me retirer et plonger encore, et encore, et encore. Ma prise se resserra sur sa peau. Je voulais qu’il s’abandonnât en même temps que moi. Je le guidai loin de ma clavicule. Je souhaitais le voir perdre pied. Je désirais ancrer son visage empli de plaisir dans ma mémoire à jamais. Sa beauté me frappa d’autant plus, tellement que je me sentis maudit d’aimer un homme tel que lui, un homme capable d’éclairer et d’embraser tout ce qu’il touchait. J’accélérai encore le rythme et mes râles s’intensifièrent jusqu’à l’apogée du plaisir.

425 mots

Bienvenue chez vous !

Si j’écoutais les Orines avec attention, mes doigts en mouvement entre mon bol de bonbons et ma bouche, je relevai les yeux vers Haru lorsque mon père fut mentionné. Lorsqu’elle me confia la cuillère, je la pris, sans détacher mon regard d’elle.

« Merci. »

Je lui souris et décidai de commenter les interventions des deux autres avant de me présenter.

« Je serai heureux que tu me montres ce que tu connais en astronomie. Avant d’arriver à Basphel, je vivais sur une île et on passait beaucoup de temps à observer les étoiles le soir avant le couvre-feu. »

De Makoto, je passai à Haru.

« Je crois qu’il y a de tout à Basphel…. S’il n’y a pas de cours de forge, on pourra peut-être faire une demande à la directrice ensemble ? »

Je me tus quelques secondes, sans savoir comment formuler ma question. Il valait mieux ne pas désigner Adam directement.

« Tu as dit que ta mère était une Orine. Ton père, à quel peuple appartient-il ? »

J’ignorais jusqu’ici que le Déchu était lié à une Orine. Le connaissant, il était plus que probable qu’elle et lui aient fait le truc ensemble. À partir de là, Haru était peut-être sa fille, comme beaucoup d’autres enfants qu’il n’avait jamais reconnus. Néanmoins, peut-être avait-elle simplement omis de mentionner son père.

« Je suis Ikar Pendragon. Mon père c’est Adam Pendragon justement. Ma mère, je ne la connais pas. C’est une Sirène qui m’a rejeté quand j’étais enfant. Mon père a donc été obligé de me garder. Je suis le seul qu’il a reconnu je crois… »

Habituellement, lorsque j’en parlais, je devais toujours cacher le fait que ça m’affectait. Ici, je le disais sans en ressentir la moindre tristesse.

« Lorsque j’étais bébé, je vivais avec lui. Puis il m’a inscrit dans une école pensionnat. C’est là-bas que j’ai passé la majorité de ma vie avant d’être reçu à Basphel. Il n’est presque jamais venu mais je crois que depuis quelques temps, on passe plus de temps ensemble. »

Maintenant que j’y réfléchissais, j’avais l’impression que mon père m’ignorait moins que par le passé.

« Je n’ai jamais recroisé ma mère mais je crois que les Sirènes n’aiment ni les garçons, ni les habitants de la surface. »

Mes yeux se posèrent sur Adriæn. Je notai une certaine ressemblance entre lui et moi, sans doute parce que nous étions de la même race. Il avait l’air de bien s’en sortir. Au moins, il n’était pas à Port Dirælla avec la plupart des hommes.

« J’aime bien lire et écrire des histoires. Je suis vraiment fan du conte en vogue en ce moment, vous devez connaître, surtout du couple que forment Ludoric et Placide ! Je corresponds aussi avec une fille qui s’appelle Astriid. Ah et je suis Roi d’une île qui s’appelle Malyë avec Susannah Dæloran. Et… »

Je regardai les autres un instant, avant de lâcher le morceau.

« Je crois que je suis amoureux de Dastan Belegad. »

C’était étrange à dire.

« Voilà, vous savez tout. »

Je passai le bâton à Moon.

517 mots

Je fermai les yeux quelques secondes. Mon corps semblait coincé entre rêve et réalité. Les sensations du plaisir ne voulaient plus le quitter. La couette sur ma peau m’arracha des frissons, tout comme les caresses du Réprouvé. Petit à petit, tout redescendit. Ne resta plus que la chaleur de ce qui nous couvrait et l’irrésistible envie de m’endormir près de lui. Un sourire flottait sur mes lèvres. Avec lui, je me sentais bien. Je finis par tourner la tête dans sa direction. Mes paupières s’ouvrirent pour tomber sur son visage détendu et immobile. Je sentis mon cœur s’enrober de douceur. J’eus envie d’effleurer sa joue mais me retins, comme si le moindre mouvement de ma part aurait eu le pouvoir de briser cet instant. La suspension cessa lorsqu’il se rapprocha. Nous n’étions plus des enfants mais, sur Boraür, il y avait une lueur espiègle dans ses yeux, une lueur naïve aussi. Je me perdis dans ses prunelles, puis sur ses lèvres, et souris. Je n’en aurais jamais marre de lui, même lorsqu’il se placerait sur mon chemin pour tenter de me détourner de ma destination. Il me rendait fou. « Je pensais à l’éternité aussi. » répondis-je, sérieusement. Je l’aimerais pour l’éternité, j’en étais certain. Il n’y avait eu aucun rêve dans lequel je ne l’aimais pas et la réalité n’avait fait que se rapprocher des songes petit à petit. J’avais la sensation que ma place était là, perdu dans cet amour, que cela fût près de lui ou contre lui. Je ne voyais aucune issue. Je ne voulais pas qu’il y en eût. Sans lui, je n’existais pas.

Ma main se déplaça sous la couette pour toucher encore sa peau. Mes doigts caressèrent son flanc, ses bras puis son torse, jusqu’à se poser sur son cœur. « Je t’aimerai pour l’éternité. Je te le promets. » Je souris. Mes pensées construisaient déjà l’avenir, portées par cette promesse. « On pourra se voir sur Charmyë. » Parce que ce ne serait probablement plus possible ailleurs sans prendre tous les risques. Même si je ne le conscientisais pas encore, mon instinct ressentait déjà ce que notre union signifiait, sans que la magie de Boraür ne lui permît de l’exprimer clairement. « Et ici, et… » J'arrêtai de parler, mes iris sur lui. Sous ma paume, je sentis son cœur battre le même rythme que le mien. Je me décalai, afin d’abaisser mon corps, et posai mon oreille sur sa cage thoracique. Le rythme régulier me semblait former les fondations de toute chose. Parce qu’il était en vie, tout était possible. Le jour où ce son s’arrêterait, le sens de l’existence m’échapperait. Je souris puis, soudainement, sortis de sous la couette. Je me levai, nu, et marchai jusqu’au mur. Là, je me retournai pour lui faire face, comme si je désirais qu'il me vît dans mon ensemble. Je m’y appuyai et laissai mon regard filer sur la décoration. Le thème de la chambre ne laissait aucun doute sur l’identité de son propriétaire. Lucius. Je baissai les yeux sur le Bipolaire. J’avais envie qu’il me rejoignît et m’embrassât encore, avant de rejoindre les autres.

511 mots

Je souris. « Peut-être. » Je l’observai se rapprocher. Son corps était bien plus massif que le mien. Il semblait capable de soulever des montagnes. Sur Boraür, nos différences morphologiques ressortaient bien plus. Ici, ma magie n’existait pas. Ce qui me protégeait en temps normal avait été réduit au silence. Ne restait plus que ma silhouette et mon esprit, dénués du reste, dénués de ce qui n’aurait pas désiré nous voir réunis. Lux in Tenebris ne m’aurait probablement jamais laissé l’aimer ainsi, gratuitement, sans qu’il ne dût en payer le prix. Ses Ténèbres auraient couru sur la peau du roux et l’auraient mordu. Ici, je pouvais avouer tout ce que je désirais. J’aimais qu’il s’approchât, qu’il agît. J’aimais son audace. J’aimais sentir le mur dans mon dos lorsque c’était son corps qui m’y poussait. Contre lui, tout me semblait acceptable. Devant lui, je pourrais m’agenouiller. Ici. Peut-être ailleurs. Je souris encore, ma main libre posée sur ses fesses. « Oui. » Ces paroles m’avaient interrogé. Bien des théories avaient inondé mes pensées. J’avais envisagé les mots qu’il prononça sans pour autant y croire. Ainsi, lorsqu’il les murmura, ma cage thoracique se gonfla d’un désir brûlant de voir son crâne serti de la couronne des Manichéens. « D’accord. » dis-je, sérieux. Mes doigts entourèrent son cou. « D’accord. » répétai-je, alors que les idées fusaient dans mon crâne. Si nous voulions être ensemble sans tout perdre, il nous faudrait arriver à un niveau tel que personne n’oserait plus nous séparer. L’optimisme parcourut mes veines, quand bien même les sociétés sorcière et réprouvée n’étaient pas semblables. Les manigances des Mages Noirs étaient nombreuses. Les Mayfair avaient le pouvoir de renverser l’Empereur Noir grâce à des pions bien placés. Les stratégies visant la chute du Roi étaient nombreuses. Chaque rumeur à son sujet pouvait servir les intérêts de ses détracteurs. Pourtant, beaucoup pliaient genoux face à la véritable puissance et à l’intelligence. Mon père avait anéanti ceux qui avaient osé ordonner sa crucifixion et j’étais certain de ne pas tout savoir. Bafouer un Élu d’Ethelba était une manœuvre dangereuse. La Lune Noire s’était écrasée la dernière fois que cela s’était produit. Une lueur déterminée passa dans mes prunelles. J’approchai mon front du sien jusqu’à ce qu’ils se touchassent. « Je vais t’aider. » lui dis-je. « Je t’aiderai à devenir Seigneur des Deux Rives. » S’il tuait suffisamment de Sorciers, les Réprouvés le respecteraient. La vision du massacre de ceux qui m’empêcheraient de le voir se dilua dans la magie de Boraür. Ne resta plus sur mon visage qu’un sourire confiant. Je me collai à lui davantage. « Et je deviendrai Empereur Noir. » Peut-être qu’à nous deux, nous pourrions instaurer une paix forcée entre nos deux peuples, transformer la haine en indifférence. Il nous fallait simplement un ennemi commun à anéantir. « C’est une promesse. » dis-je, pour faire écho à la sienne. J’enroulai mes bras autour de sa nuque et l’embrassai.

490 mots