« Hey. » marmotta Susannah pour manifester sa présence. Elle avait voulu parler à voix basse pour cacher le grain éraillé de sa gorge mais sa tentative se solda par une quinte de toux. La femme à côté de Lazare fit volte-face. Elle faisait partie du personnel des écuries et l'Ondine n'avait pas pris la peine de retenir son nom. « Ah quand même. Ça fait bien une vingtaine de minutes qu'on t'attend. » La bleue lui lança un regard venimeux. Cette bipède qui ressemblait aux bestioles dont elle s'occupait aurait dû s'estimer heureuse qu'elle ait prit la peine de sortir de son lit dans cet état.
Frissonnante, elle s'était fait violence pour enfiler son uniforme et avait fait le chemin en claquant des dents et en toussant. La veille, l'aube avait trouvé l'Ondine dans un état vaseux et elle avait jugé plus sage de rester au lit. Elle avait passé la journée à somnoler, fixant d'un air morne son dortoir vidé par le voyage scolaire à Boraür. Johannês aurait au moins pu avoir la présence d'esprit de rester à Basphel, avec elle. Ils auraient eu l'école pour eux tout seuls, à profiter d'être tranquilles dans les dortoirs. Contrariée, elle avait dépensé le peu d'énergie qu'elle possédait à se jurer de lui en faire baver à son retour. Dans la nuit, une toux vicieuse était arrivée, secouant douloureusement sa poitrine et l'empêchant de dormir aussi profondément qu'elle aurait voulu.
La femme lui tendit la fourche qu'elle tenait et Susannah la prit du bout de ses gants. « Lazare a déjà commencé, tu finiras après lui sinon ce sera injuste. Tu vas bien ? Tu es toute blanche. » Susannah eut envie de lui cracher au visage. Évidemment, puisqu'elle n'avait rien mangé ni dormi convenablement depuis plus de vingt-quatre heures. « Ça va. » répliqua-t-elle d'une voix rocailleuse, incapable d'admettre la moindre faiblesse, encore moins à devant les deux Gælyan. « Rien de plus qu'un rhume. » La fille recula d'un pas par précaution. « Ah. Et ça va aller ? » La bleue leva les yeux au ciel et raffermit sa prise sur la fourche avec un air de défi. « Bon, d'accord. Je suis pas loin si vous avez besoin de moi. »
Dès qu'elle se fut éloignée, l'Ondine s'appuya fébrilement sur le manche. Elle se sentait déjà essoufflée. Il lui semblait que ses os s'étaient changés en glace et qu'ils allaient se briser au moindre coup de vent. Elle aurait tout donné pour s'allonger sur la paille. « J'ai bien reçu les gâteaux. » l'informa-t-elle. Plus de la moitié avait fini sur la tête d'autres élèves, mais elle ne vit pas l'utilité de préciser ce détail. « Pourquoi t'es pas à Boraür avec les autres ? » Avait-il été puni comme elle ? Il avait eu l'air d'un fauteur de trouble au labyrinthe, quels autres méfaits avait-il pu commettre ? Elle toussa et reprit. « De toute façon, je suis sûre que c'est nul et que ça aurait été décevant. Il n'en faut vraiment pas beaucoup pour satisfaire un Gælyan. » Ils n'étaient pas beaucoup mieux à ramasser le fumier odorant mais la mauvaise foi lui fit tenir sa langue. S'accordant une inspiration brève pour se donner une illusion de force, Susannah planta sa fourche dans la paillasse souillée et grimaça, dégoûtée de s'abaisser à une telle tâche.
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Orphée Dasgrim ~ Orisha ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 113 ◈ YinYanisé(e) le : 11/03/2023◈ Activité : Voyager avec les Enfants de Yanna
Lazare avait tenu bon. Il n’était pas question de subir seul cette punition. Certes, il avait été à l’initiative du départ de feu, mais nul ne le savait et Susannah avait largement alimenté le reste du plan pour qu’on pût la désigner aussi coupable que lui. Dans le bureau du professeur qui les avait sanctionnés, tiré là parce qu’il avait refusé d’effectuer la retenue obligatoire sous prétexte que l’Ondine n’était pas présente, il avait failli céder. Mais il n’avait pas eu besoin d’argumenter avec effort : mettre en exergue l’injustice dont il était victime avait suffi à convaincre son geôlier. Les premiers jours, il avait été très satisfait de ce résultat, persuadé qu’il avait fait preuve d’un talent oratoire exceptionnel. Puis, la pensée que l’attitude de son colleur n’eût rien à voir avec ses récriminations l’avait effleuré : le Magicien s’était demandé s’il n’avait pas pris cette décision parce que la Sirène était connue pour son caractère abominable et ses comportements désagréables vis-à-vis des autres élèves. Peut-être estimait-il qu’elle méritait cette punition ou, tout du moins, qu’il ne fallait pas accepter son absence ? Son diplomate de père répétait souvent que, si l’on ouvrait une faille, laissait une porte ouverte, offrait une brèche, il fallait se préparer à ce que quiconque se trouvant en face s’y engouffrât aussitôt – et, potentiellement, s’y logeât indéfiniment. Lazare, qui avait finalement été obligé de se mettre au travail, craignait que Susannah n’eût perçu une occasion de se défiler et ne vînt jamais. La palefrenière et lui l’attendaient depuis longtemps.
Quand elle apparut enfin, il haussa les sourcils. Il s’était attendu à voir la belle fille du labyrinthe, et s’était mentalement préparé à ne pas avoir l’air troublé par son attitude passée – ou son attitude tout court –, tandis qu’il découvrait avec surprise un torchon humide de morve et froissé de fatigue. « Salut. » Elle avait instantanément perdu en prestance et en crédibilité ; cependant, considérant le regard et les mots qu’elle jeta à leur accompagnatrice, elle semblait avoir conservé son caractère de cochon. À la bonne heure ! « Ça va aller. » assura Lazare. « Elle est tout le temps comme ça. » Il ne put retenir un sourire. La voir malade comme un chien, diminuée et contrainte de réaliser les travaux qu’elle avait cherché à éviter avait quelque chose de particulièrement jouissif. « Ah, ouais. Ils traînaient sur un banc. T’oublies souvent tes affaires comme ça ? » Il planta sa fourche dans le tas de paille souillé. Jamais il n’avait participé à de telles corvées. Il s’en serait plaint s’il avait été seul. La sueur perlait à son front. Il n’était pas taillé pour ce type d’efforts. La question de la bleue tailla un pli entre ses sourcils. « Parce que mes parents sont des gros débiles. Et toi ? » Il fronça le nez. « Je m’en fous que ce soit nul. Ce qui compte… » Il s’interrompit, jeta un œil vers la direction empruntée par la palefrenière. Il ne l’entendait ni ne la voyait. « Ce qui compte, c’est juste de pouvoir se barrer d’ici. » Sa fourche s’enfonça dans le fumier. Il s’appuya dessus. « Et puis, on serait toujours mieux là-bas qu’à récurer les écuries ici. À moins qu’il en faille aussi peu pour satisfaire une Sirène ? » Il lui adressa un sourire goguenard, le souffle toujours court. Il essaya de réguler sa respiration, puis recommença à enchaîner les mouvements répétitifs. Il n’avait pas envie de passer pour un faible. « T’as finalement embrassé un canasson, pour être aussi malade ? T’étais peut-être occupée à ça, quand on était censés avoir notre heure de colle ? »
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Dernière édition par Orphée Dasgrim le Mar 13 Fév 2024, 13:24, édité 1 fois
Susannah ~ Sirène ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 430 ◈ YinYanisé(e) le : 04/04/2021
Susannah n'aimait pas la légèreté avec laquelle Lazare accueillait son arrivée, ni qu'il parlât d'elle à la troisième personne comme si elle était dépourvue d'audition, telle une poupée trop bête pour comprendre ce qu'il disait. Tout cela frisait une insolence qui lui donnait envie de lui tartiner la figure de crottin. L'imaginer couinant alors qu'elle lui enfonçait la matière brunâtre odorante dans le nez et la bouche suffit à l'apaiser momentanément. C'était de toute façon au dessus de ses capacités de donner vie à ses rêves en cet instant. Mais il était fou s'il croyait qu'elle ne lui ferait pas payer plus tard pour chaque liberté qu'il prenait.
« Ils n'étaient pas à moi. » répliqua-t-elle avant de s'immobiliser. Alors ce n'était pas un cadeau ? Ses joues déjà colorées par les pigments rouge de la fièvre s'empourprèrent davantage sous la honte. Elle n'était pas passée loin d'avoir l'air d'une gourde. Mais pourquoi avait-il pensé qu'ils lui appartenaient ? Peut-être avait-il simplement cherché un prétexte pour lui reparler, ou peut-être pensait-il qu'elle le remercierait ? Dans tous les cas, elle le jugea stupide. La gratitude était un ingrédient rare dans la bouche de l'Ondine, il faudrait plus que lui caresser les écailles pour obtenir quoi que ce soit dans ce goût là de sa part.
« ... » Elle ne répondit rien. Au début, elle aussi avait détesté Basphel. Elle avait détesté devoir partager sa chambre, détesté ce château truffé de Gælyan, détesté vivre au milieu des nuages au lieu des coraux, détesté les classes et l'éducation des autres qui laissait à désirer. Par la force des choses, elle s'y était faite. La présence de Lana l'aidait à tolérer l'intolérable. La blanche s'était intégrée gracieusement et évoluait au milieu de ces bipèdes comme si elle avait fait ça toute sa vie. Susannah n'attendait qu'une chose, décrocher son diplôme et quitter ce repaire de dégénérés.
« Pardon ? » releva-t-elle avec une ardeur qui lui coûta presque toute son énergie. En le regardant, elle comprit qu'il plaisantait. Elle ne sourit pas. On ne riait pas de son peuple, pour qui se prenait cette belette mal léchée ? À trop vouloir jouer, il allait se retrouver le museau dans une flaque pour s'y noyer. « N'importe quoi. » lâcha-t-elle avec toute la morgue qu'elle était capable de rassembler. Une quinte de toux gâcha son effort et elle se détourna pour continuer leur dégradante punition.
« Un canasson ? Non. » Cette fois, elle sourit, un peu bêtement. Plutôt un cochon, mais elle n'allait pas dire ça. Il était capable de la prendre au mot, ou de comprendre. Elle se fichait bien qu'il comprenne, ceci dit. Qu'irait-il faire de cette information ? Son opinion ou ce qu'il pouvait faire revenaient au même selon Susannah : ça ne valait pas un clou. « Cette soirée pyjama n'avait aucun intérêt. J'ai trouvé mieux à faire. Notre punition m'est sortie de la tête. » C'était faux, elle y avait repensé, très brièvement. Même si un feu s'était déclaré à Basphel, elle ne se serait pas arrêtée. Constatant qu'elle rêvassait, replongée dans le passé, appuyée sur le manche de sa fourche, elle se secoua en se demandant quelle expression elle était en train d'afficher, et se maudissant de se perdre trop souvent dans ses pensées dès lors que cette soirée lui revenait en mémoire. « De toute façon, ça ne te regarde pas, mêles-toi de tes affaires, ça vaudra mieux. » Sa menace devait avoir l'effet d'un pétard mouillé, mais elle ne manquerait pas de lui en faire voir de toutes les couleurs dès qu'elle retrouverait sa santé. Un énième frisson réprimé éteignit la dernière étincelle de volonté qui subsistait chez la grincheuse qui lâcha sa fourche avec une grimace dégoûtée. Tout ce purin lui donnait envie de vomir et son estomac vide tanguait douloureusement. « Tu sais quoi ? Tu n'as qu'à continuer tout seul. Ça te fera les muscles un peu. »
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Orphée Dasgrim ~ Orisha ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 113 ◈ YinYanisé(e) le : 11/03/2023◈ Activité : Voyager avec les Enfants de Yanna
Le rictus goguenard de Lazare s’évanouit au profit d’un haussement de sourcils intrigué. Qu’est-ce que c’était que ce sourire niais ? Oh, il n’avait pas besoin d’un dessin. Il avait côtoyé suffisamment de Magiciennes pour le reconnaître entre mille. Mais venant de Susannah, il avait quelque chose de surprenant. Elle avait le béguin. Sa première réaction fut d’être un peu vexé, parce qu’elle ne l’éprouvait évidemment pas pour lui. Repenser à sa façon d’agir dans le labyrinthe ne pouvait que piquer sa jalousie. Pourquoi est-ce qu’elle… Il inspira pour retenir un soupir. De toute manière, à bien y réfléchir, mieux valait être à sa place actuelle. Si elle avait ressenti une véritable attirance pour lui – si elle avait été amoureuse ? – et qu’elle s’était permis d’aguicher des garçons comme elle l’avait fait avec lui lors de la soirée pyjama, il aurait été plus que vexé. Blessé. Il fronça le nez. Et puis, il avait bien entendu toutes ces rumeurs à son sujet et à celui de Johannês… Il était plus petit que le Magicien, moins musclé et donc, fatalement, moins séduisant. Ses iris tombèrent sur les bras de Susannah. Même si elle était malade, on devinait la force qui s’y cachait. Il avait déjà senti sa poigne et il était évident que s’ils avaient dû faire un bras de fer, elle l’aurait ratatiné en moins de deux secondes. Il fronça le nez. Il faisait du sport régulièrement. Ça viendrait. À terme, il pourrait même escalader les murs de l’école avec une aisance déconcertante, et celui qui chercherait à le rattraper se retrouverait bien vite semé. Et puis peut-être que la Sirène le regarderait un peu différemment ? La plupart des filles, en fait.
Il haussa les épaules et planta sa fourche dans le fumier. « Si tu le dis. » Il souleva la petite quantité de crottin et pivota pour la faire tomber dans une brouette. Qu’avaient-ils fait, tous les deux ? Les images qui s’imposèrent à lui firent rougir jusqu’aux oreilles sa pudeur magicienne. Ça l’agaça immédiatement. Il ne voulait pas avoir l’air d’un puceau intimidé. Il avait déjà fait des trucs. Une fille lui avait montré sa poitrine et il avait eu le droit de la toucher. « Sinon quoi ? » répliqua-t-il aussitôt. Il lui jeta une œillade empoisonnée. En constatant à nouveau son état de faiblesse, et surtout la brèche que créait ce béguin, il sourit. C’était certes vexant, mais c’était aussi très amusant. Il s’apprêtait à lui lancer une première répartie quand elle jeta sa fourche. « Quoi ? » Son visage se crispa immédiatement. « Sûrement pas ! On a été punis tous les deux. T’avais qu’à venir quand t’étais pas encore malade. » Il attrapa l’outil qu’elle avait laissé tomber et le lui recolla entre les mains. « Au lieu de faire des trucs avec Johannês… » Il essaya de chasser les images que lui inspirait cette idée et lui servit le sourire le plus narquois qu’il avait en réserve. « Si t’es sympa et que tu restes jusqu’au bout, je dirai pas à tout le monde que t’as le béguin pour lui. Promis. »
Message II – 522 mots
Susannah ~ Sirène ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 430 ◈ YinYanisé(e) le : 04/04/2021
« Sinon je te mets la tête dans les toilettes, abruti de Gælyan. » rétorqua Susannah du tac au tac, pour la forme plus que par réelle menace. Elle n'en avait ni l'envie, ni les moyens actuellement. Plus tard peut-être, s'il persistait à croire qu'il pouvait lui répondre avec cette insolence impunément. Pour le moment, l'Ondine ignora royalement l'exclamation de protestation de son camarade pour lorgner sur le rectangle épais de paille propre qui attendait d'être défait. Elle n'avait qu'une envie, s'y étendre et attendre là d'aller mieux. Au lieu de quoi, elle baissa les yeux sur le manche en bois qui venait de retrouver sa place dans sa main. « Pardon ? Je n'ai pas... » Les lèvres pincées, ses yeux se mirent à lancer des éclairs. Elle n'avait pas le béguin, il se trompait. Il n'était vraiment pas malin ce Magicien à la provoquer tout en lui remettant une arme dans les mains. Avec les dents de la fourche pointées sur son ventre, il perdrait ce petit sourire entendu. Elle se renfrogna. Les rumeurs sur son compte, tant vraies que fausses, voyageaient toutes beaucoup trop vite. « Qu'est-ce qu'il y a ? Tu es jaloux ? » Elle fut prise d'une quinte de toux qui brisa l'effet de son ton moqueur. La tête lui tourna à la fin et elle alla s'asseoir sur la paille, décidée à ne pas soulever un crottin de plus. Si sa mère l'avait vue... Elle-même n'aurait probablement même pas mis un pied dans ces lieux. Imaginer son regard sévère posé sur elle lui redonna un semblant d'énergie. « Dis-moi Lazare, je suis curieuse. C'est comme ça dans vos petites écoles magiciennes ? Vous vous faites du chantage sur ces choses-là ? » Un sourire sardonique étira ses lèvres décolorées. « Adorable. » lâcha-t-elle sur un ton qui laissait entendre tout le contraire. Elle détacha un brin de paille et se mit à le tordre entre ses doigts. « Tu sais ce qui est arrivé au dernier que j'ai surpris en train de raconter des histoires sur mon compte ? Il y avait du sang partout dans les vestiaires quand j'en ai fini avec lui. Je crois bien qu'il a également perdu tout respect auprès de ses coéquipiers. Tu lui demanderas, il s'appelle Titouan. Lui aussi était jaloux, d'ailleurs, vous aurez beaucoup de choses à vous dire. » Elle releva les yeux sur son partenaire de punition. « J'ai envie de jouer à ton jeu, moi aussi. Si j'entends une seule fois autour de moi quelqu'un me parler de ce qu'il s'est passé avec Johannês, j'en conclurai que ça viendra de toi et je t'enverrai à l'infirmerie avec des dents en moins, comme Titouan. Promis. » Elle réajusta son écharpe et enfonça ses mains dans ses poches en réprimant un frisson. « Au fait, tu étais plus drôle dans le labyrinthe. Je te préférais quand tu me proposais de faire des bêtises. »
Message III | 511 mots
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Orphée Dasgrim ~ Orisha ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 113 ◈ YinYanisé(e) le : 11/03/2023◈ Activité : Voyager avec les Enfants de Yanna
« Moi ? Jaloux ? N’importe quoi ! » s’offusqua le Magicien, les pommettes rouge vif et le regard crispé de hargne. Il secoua la tête. « Pourquoi je serais jaloux ? Tu t’es vue ? » Il émit un ricanement qu’il aurait voulu plus sec et mesquin. Il ressemblait étrangement plus à une espèce de couinement étranglé. Il espéra que ce bruit douteux s’était noyé dans la véhémence de sa quinte de toux. Il l’avait bien vue, dans le labyrinthe, et puis plus habillée aussi, et même malade, et le verdict était globalement sans appel. Et oui, la jalousie s’amusait à piquer son cœur mais non, il n’allait certainement pas le montrer. Il ne voulait ni avoir l’air ridicule ni lui faire le plaisir de se sentir désirée. C’était une question d’honneur. « Quoi ? » Il fronça les sourcils. « C’est pas adorable. » Tout son visage se plissa de mécontentement. S’il avait été plus malin, il aurait pu lui répliquer que ce n’était pas aussi adorable que sa tête quand elle pensait à Johannês, mais il n’aurait l’idée de cette répartie que bien plus tard, lorsqu’il ruminerait cette interaction. « Je suis pas jaloux. » affirma-t-il avec autant d’aplomb que possible, sans envisager un instant que le fait de ne répondre qu’à cette partie de la diatribe de l’Ondine indiquait tout le contraire. « J’ai pas peur de toi, j’en ai vu des plus solides. » C’était vrai, et ça s’était très mal terminé. L’argent de ses parents et la magie avaient sauvé sa plastique plus d’une fois. Il aurait dû avoir le nez de travers et plusieurs cicatrices sur la figure et le corps. Il aimait trop faire le malin pour son propre bien. « Les seules dents que tu m’arracheras, ce sera celles que je t’aurais plantées dans la cuisse. Puis t’as qu’à dire un peu la vérité. C’est quoi ton problème ? T’as peur ? » Peut-être pas, mais lui percevait nettement les battements affolés de son propre cœur. Il n’avait même pas relevé qu’elle avait admis ce qu’il s’était passé avec Johannês, preuve de son trouble. Il croisa les bras, le manche de la fourche appuyé sur sa clavicule. « Sans blague, toi aussi t’étais plus drôle dans le labyrinthe. Pfff. » Il tourna la tête pour fixer une poutre en bois qui séparait des ballots de paille. Bien qu’il fît tout pour garder la face, les menaces de la Sirène l’avaient sensiblement ébranlé. Il avait conscience qu’elle le surpassait dans bien des domaines et qu’elle pourrait faire de sa vie un parfait enfer. Le calcul, quoique désagréable, était rapide. Mieux valait s’en faire une alliée, même si elle était détestable, se comportait n’importe comment et sortait avec Johannês. Il esquissa une moue. « T’as qu’à en proposer une, de bêtise, au lieu de faire semblant de me menacer et de répandre ta morve sur la paille. » Il lui glissa une œillade, à la croisée de la provocation, de l’espièglerie et du doute. À tout moment, elle se levait et lui refaisait le portrait. Il n’avait pas peur, mais quand même.
Message III – 519 mots
Susannah ~ Sirène ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 430 ◈ YinYanisé(e) le : 04/04/2021
« Trois fois. » releva Susannah sans chercher à masquer son sourire moqueur. Elle développa son propos. « Tu as insisté par trois fois que tu n'étais pas jaloux. C'est que ce doit être vrai. » Son ton laissait plutôt sous-entendre l'inverse ; et même s'il ne l'admettait pas, son égo s'en trouvait flatté. Il était aussi jaloux qu'il était adorable, autant qu'un Gælyan puisse l'être en tout cas. Quelque part, il lui rappelait Nagra. Lui aussi était teigneux, bruyant et chaotique et malgré tout, mignon.
« Peur ? » Cette fois, toute trace d'amusement déserta ses iris qui se firent de pierre. Qu'est-ce qu'il cherchait exactement ? Chaque fois qu'il ouvrait la bouche, il se rapprochait dangereusement d'une situation où son poing finirait collé sur son nez. Elle fourra les mains dans ses poches pour les garder au chaud mais le froid paraissait venir de l'intérieur d'elle-même. Être malade était vraiment la pire des choses, surtout quand on était seule à Basphel à devoir essuyer des corvées avec des gamins. « Peur de quoi ? De toi ? Oh, par pitié. » Elle leva les yeux au ciel comme pour le supplier d'accorder à l'énergumène un peu plus de bon sens. Être un Gælyan mâle était un handicap déjà sévère, alors si en plus il était bête comme ses pieds.
« Je ne fais pas semblant, tu ne mérites juste pas l'effort que ça me demanderait de me lever pour t'en coller une, idiot. » Les sourcils froncés, elle lui envoya son regard le plus noir mais même elle sentit que ce n'était pas très crédible avec ses yeux larmoyants de maladie. Le mieux qu'elle pouvait faire, c'est lui coller le même virus qu'elle se traînait. Elle détourna le regard. Cette petite joute verbale n'avait pas lieu d'être, c'était lui accorder trop d'importance. « Quelle plaie, cette punition. Il faudrait la rendre drôle, mais sans qu'on se fasse prendre. » Étant les seuls sur place et avec l'étiquette de culpabilité déjà agrafée sur le dos, ils étaient certains d'être visés si quoi que ce soit de louche se produisait. « En plus, au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, je ne suis pas en état de mettre le feu aux écuries, ou autre idée qui nous passerait par la tête. » grommela-t-elle, agacée de sa propre faiblesse. « Et au lieu de chouiner, t'avais qu'à toi aussi te trouver un truc à faire après la soirée. Ou alors t'as trouvé aucune fille qui voulait de toi ? Faut dire que t'avais pas un pyjama qui donnait envie, ça n'aidait pas ton cas. T'aurais peut-être eu plus de chances en l'enlevant. Quoi que... » Elle le détailla de haut en bas. Comme bon nombre d'adolescents, il était taillé comme une branche maigrichonne. « Tout compte fait, c'est mieux que tu restes habillé pour l'instant, ce sera moins humiliant pour toi. T'as bien raison d'être jaloux. Si tu veux avoir tes chances, il faudrait penser à faire des efforts. Tu ne fais pas de sport ? Et puis c'est quoi ces cheveux teintés, on dirait Zeryel, c'est stupide. »
Message IV | 548 mots
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Orphée Dasgrim ~ Orisha ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 113 ◈ YinYanisé(e) le : 11/03/2023◈ Activité : Voyager avec les Enfants de Yanna
Le jeune Magicien inspira, les dents serrées. « Si t’avais pas peur de moi, tu prendrais pas la peine de me menacer. » rétorqua-t-il, fort de cette conviction. Elle l’impressionnait, mais il ne comptait pas se démonter. En plus, sa question concernait davantage sa relation avec Johannês, et il était à peu près certain qu’elle l’avait bien compris. Elle avait simplement préféré esquiver, et contre-attaquer. Sa bouche déversait tellement de fiel qu’elle aurait pu appartenir à une Sorcière. Cette pensée lui décrocha un demi-sourire narquois. Quelle tête elle ferait s’il lui balançait ça ! Il devrait peut-être essayer. « T’es juste complètement ratatinée par la maladie. » Il haussa les épaules et serra un peu plus sa fourche contre lui. L’appui du manche sur sa clavicule le blessa légèrement, mais pas autant que le regard assassin que lui lança l’Ondine. Il bloqua sa respiration et pinça les lèvres. Malgré tous les efforts de ses parents en ce sens, il n’avait jamais vraiment appris à se taire.
En même temps que la bleue, il tourna la tête. Du bout de sa chaussure, il broya quelques brins de paille qui traînaient devant lui. Il jeta un coup d’œil au tas de fumier. Avec la morue assise et aussi pleine de morve que de hargne, ils n’avançaient pas beaucoup. « T’as l’air de crever de froid, alors foutre le feu, au moins, ça te réchaufferait… » Il ramena son regard dans le sien, pour immédiatement froncer les sourcils. « Je chouine pas. Et j’ai pas… Non mais… Hein ? T’es sérieuse, là ? » bafouilla-t-il, entre la colère et l’embarras. Il cligna des yeux, hébété. Durant quelques secondes, il demeura parfaitement silencieux, sous le choc de ces attaques injustifiées. Certains se seraient aplatis, recroquevillés sur eux-mêmes, excusés d’exister ; mais Lazare avait en lui un tel feu que tout assaut, au lieu de le défaire, l’alimentait. Il eut à peine le temps de se sentir bouillir : il explosa. « Tu te prends pour qui, au juste ? » Il décroisa ses bras et planta sa fourche dans le tas de fumier. « Sous prétexte que t’es malade comme un chien, t’as le droit de te comporter comme une connasse ? » L’outil pencha progressivement, ridiculement, puis tomba. Il n’y prêta aucune attention. « Tu me fais des réflexions mais t’as vu les bourrelets que tu te trimballes ? Question standards de beauté je crois pas que t’aies grand-chose à dire. » Elle savait très bien qu’il faisait de l’équitation. Il faisait aussi de la boxe, mais ça, elle l’ignorait peut-être. Il s’en foutait. « Et t’en fais pas pour moi, j’ai pas attendu que t’existes pour passer du temps avec des filles ! Et franchement, par Suris et Yavëath, merci ! » Elle l’aurait sans doute traumatisé à vie. « Tu sais quoi ? Quand tu seras de meilleure humeur, on pourra trouver une idée pour rendre cette punition marrante, mais pour l’instant, va te faire foutre, Susannah. » Sans attendre de réaction de sa part, il tourna les talons et la planta là. Il quitta les écuries, et ce ne fut qu’après plusieurs minutes de marche qu’il se rendit compte que ses jambes peinaient presque à le porter. Il regarda ses mains : tout son corps tremblait de colère. On ne frappait pas les femmes, mais celle-là aurait bien mérité un ou deux cocards.
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Lazare avait tenu bon. Il n’était pas question de subir seul cette punition. Certes, il avait été à l’initiative du départ de feu, mais nul ne le savait et Susannah avait largement alimenté le reste du plan pour qu’on pût la désigner aussi coupable que lui. Dans le bureau du professeur qui les avait sanctionnés, tiré là parce qu’il avait refusé d’effectuer la retenue obligatoire sous prétexte que l’Ondine n’était pas présente, il avait failli céder. Mais il n’avait pas eu besoin d’argumenter avec effort : mettre en exergue l’injustice dont il était victime avait suffi à convaincre son geôlier. Les premiers jours, il avait été très satisfait de ce résultat, persuadé qu’il avait fait preuve d’un talent oratoire exceptionnel. Puis, la pensée que l’attitude de son colleur n’eût rien à voir avec ses récriminations l’avait effleuré : le Magicien s’était demandé s’il n’avait pas pris cette décision parce que la Sirène était connue pour son caractère abominable et ses comportements désagréables vis-à-vis des autres élèves. Peut-être estimait-il qu’elle méritait cette punition ou, tout du moins, qu’il ne fallait pas accepter son absence ? Son diplomate de père répétait souvent que, si l’on ouvrait une faille, laissait une porte ouverte, offrait une brèche, il fallait se préparer à ce que quiconque se trouvant en face s’y engouffrât aussitôt – et, potentiellement, s’y logeât indéfiniment. Lazare, qui avait finalement été obligé de se mettre au travail, craignait que Susannah n’eût perçu une occasion de se défiler et ne vînt jamais. La palefrenière et lui l’attendaient depuis longtemps.