Au pied d'un arbre, Melissandre s'amusait à faire apparaître et disparaître une pièce entre ses doigts. La prestidigitation était la ruse la plus proche de ce qui pouvait être une forme de magie entre les mains d'un Humain. Certains étaient même devenus maîtres en la manière à force d'entraînement. Si elle avait d'abord appris quelques tours par curiosité enfantine, aujourd'hui elle avait décidé de mieux les travailler. Au sein d'un monde usant de véritable magie pour avoir l'avantage, elle considérait avoir le droit de piper un peu ses propres dés. D'un mouvement des doigts, la pièce s'évapora du centre de sa main. Elle répéta le geste, puis la pièce reparue. Elle leva alors les yeux vers le couloir à l'étage, puis sur l'imposante horloge qui ornait un mur de la cour. « C'est l'heure. » - « Bouges-toi. ». L'adolescente obéit, récupéra son sac au sol, et se mit en marche. Elle traversa le couloir, grimpa quelques marches. Les étudiants quittant leurs cours commençaient à emplir les couloirs de l'école. Ceux qui allaient en rejoindre un également. Melissandre eut une grimace en se mêlant à cet afflux de monde. Elle n'aimait pas être oppressée comme ça et déjà elle sentait la tension dans ses muscles, si forte qu'elle n'avait plus que pour idée de rester là, immobile, en attendant de pouvoir reprendre son souffle. L'albinos prit tout de même une inspiration pour se motiver. Elle était là, à portée de regard. Ensuite elle pourrait retrouver un peu d'air et de liberté. Elle se fraya difficilement un passage pour se rapprocher du mur et glissa la main dans sa poche pour y ranger sa pièce magique. « Meeeeel ! ». Elle se figea à la mention de son nom. « Pas elle... » - « La putain de Basphel. » - « Un jour faudra se débarrasser de sa présence envahissante. ». Melissandre se tourna vers Nel qui lui faisait de grands signes, abandonnant sa bande pour la rejoindre. « Faut que t'arrêtes de me fuir, ça commence à manquer nos réunions. » fit la Déchue avec trop de sensualité en se collant, dégoulinante de Luxure, à l'Humaine, sa bouche cherchant déjà les attaches à défaire. « Qu'elle aille se faire fourrer la chatte ailleurs c'te pute. » - « Presque tout le monde te fuis Nel. » déclara Melissandre avec une neutralité proportionnelle au désir de la Corvus. « Mais t'es pas tout le monde. » répliqua celle-ci avant de l'embrasser. Elle ne savait trop pourquoi, mais il y avait chez l'Humaine un truc qui l'enflammait avec une facilité déconcertante, potion ou non. Dans le cas des anciens professeurs Payberim et Pendragon, elle se l'était facilement expliqué. Concernant Melissandre par contre, elle n'avait aucune justification rationnelle. L'albinos, elle, profita du fait que Nel avait toute l'attention du monde — ou au contraire faisait fuir le regard des plus gênés par son effusion de passion — pour sortir de sa poche une petite enveloppe, pas plus grande que sa main, et la glisser dans la boîte aux lettres de l'AAAP à portée. « Dégage, je dois aller en cours là. » - « C'est pas parce que tu le dois que tu le peux, ou même le veut. » contredit la brune en cherchant à tirer après elle Melissandre. « Ton pote Démon a l'air d'être bien plus motivé à se rouler dans le foin avec toi, pourquoi tu vas pas le voir lui ? » rétorqua Melissandre en repoussant brusquement l'Aile Noire. « Laisse-moi maintenant. » conclut-elle l'échange avant s'éloigner à grandes enjambées. Passant à côté de lui et sa troupe, son regard croisa un court instant celui du Démon, et elle lui renvoya le mépris que son expression affichait.

Enfin éloignée du monde, elle s'arrêta devant une fenêtre. Un sourire mesquin crocheta alors ses lèvres. Elle n'avait plus qu'une hâte maintenant : retrouver le contenu de la lettre, clairement destinée à Muscarine mais sans signature dans le formidable journal de l'AAAP, et les quelques mots délicatement posés dessus.