Perséphone gardait les yeux ouverts avec difficulté. Sa langue pâteuse lui faisait l'effet d'un lourd morceau de cuir trop épais pour sa bouche. Le teint légèrement grisâtre, elle déposa son verre vide sur la table et réprima un frisson nauséeux. Quelqu'un lui flanqua une claque sur l'épaule qui la projeta en avant mais elle ne put discerner ses traits. Il faisait sombre dans la salle de classe où plusieurs élèves du Charbon s'étaient réunis en secret la nuit tombée. Le couvre-feu était depuis longtemps passé et la Sorcière sentait la fatigue de la journée peser sur ses épaules plus lourdement encore avec ces heures supplémentaires. De la poussière maculait sa figure et son uniforme. Ses ongles étaient sales d'avoir sondé le placard abandonné. Pour la féliciter d'avoir réussi à passer l'épreuve - rapporter le crâne maudit - on lui avait donné un remontant, qui n'était pas le premier de la soirée. C'était en revanche la première fois qu'elle consommait de l'alcool et les sensations lui rappelaient le Fessetival après avoir été piquée, à la différence qu'elle avait légèrement envie de vomir cette fois.
Distraitement, elle entendait des voix chuchoter à ses côtés. Regroupés autour du crâne posé sur une table, ils avaient rapproché une bougie pour étudier les runes incrustées sur l'os. « On dit qu'il parlait lors de la Nocturne ! » « On t'a sûrement raconté n'importe quoi. Tu n'y étais même pas. » « Quelqu'un arrive à déchiffrer ce qu'il y a écrit ? » « Pas moi, je déteste le cours de runes, y a que des Sorciers, l'ambiance est pesante. J'ai vite abandonné. » « Persée' en est une, hé Persée' tu sais lire les runes ? » « Non. » Répondit-elle d'une voix distante.
Il y eut un moment de silence durant lequel ils fixèrent sottement l'artefact, imperturbable et définitivement muet. « C'est pas drôle. » Finit par lâcher dédaigneusement une fille. Ils jetèrent un regard sur les première années qui esquissèrent un mouvement de recul instinctif. On leur avait vendu une soirée destinée à les intégrer au sein de leur département mais n'avaient pas anticipé que cela nécessiterait d'accepter les défis lancés par leurs aînés. Certains étaient plus cruels que d'autres. Perséphone, après plusieurs verres d'alcool, avait à leur demande pénétré dans le placard plongé dans l'obscurité sans broncher. On l'avait avertie qu'il était probablement hanté mais elle n'y avait trouvé que beaucoup d'araignées, des fournitures anciennes d'élèves, du matériel de nettoyage, et le fameux crâne.
Pris d'une idée, un des adolescents eut un sourire mauvais. Il s'approcha d'un garçon aux cheveux bleutés et le prit par l'épaule familièrement. « Comment tu t'appelles ? Tu veux nous aider à réveiller ce pauvre vieux ? Pour cela, il faut que tu l'embrasses, c'est comme ça dans les contes, non ? Avec la langue. » Précisa-t-il, goguenard. Une fille intervint, hilare elle aussi. « Si tu ne veux pas, alors tu dois embrasser... » Elle les parcourut du regard et son sourire s'élargit en voyant la figure crasseuse de la violette. « Persée ! » La concernée fronça les sourcils, peu enchantée par l'idée. Elle regarda le bleu. Elle savait juste qu'il était récemment arrivé. Lui ou un autre, elle ne voulait pas que quiconque l'embrasse. Un brusque hoquet la saisit et prit de court une araignée qui tomba de ses cheveux. « Je préfère embrasser le crâne à ta place plutôt. » Les autres éclatèrent de rire sans que Perséphone ne comprenne pourquoi.
598 mots
Merci Jil :
Orphée Dasgrim ~ Orisha ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 111 ◈ YinYanisé(e) le : 11/03/2023◈ Activité : Voyager avec les Enfants de Yanna
S’il ne pouvait pas aller au bal, alors le bal viendrait à lui. C’était la décision qu’il avait prise, et jusque-là, il s’y tenait très bien. Du moins, il avait largement signifié son mécontentement. Il avait essayé de sécher une bonne partie de ses cours – malheureusement, ses absences avaient été remarquées, et le contrôle était devenu plus assidu –, passait ses soirées à trier ses cartes ou à inventorier ses jeux de société, ne donnait aucune nouvelle à ses parents ou à ses frères et sœurs, ignorait les lettres de ses grands-parents, passait son temps à ruminer et à fomenter sa prochaine bêtise – jusque-là, il n’était pas encore passé à l’action. Dès que l’occasion s’était présentée, il avait accepté de faire la fête avec d’autres élèves. Il n’avait pas spécialement envie de s’intégrer, parce qu’il ne comptait pas rester. Néanmoins, puisqu’on l’avait assigné à l’école comme on l’aurait fait d’un prisonnier au cachot, il avait décidé de créer autour de lui un chaos tel que même Basphel ne voudrait plus de lui. Il caressait avec délice la perspective de l’exclusion. Les yeux posés sur le crâne, il écoutait les autres théoriser sans vraiment s’y intéresser. Il cherchait plutôt ce qu’ils allaient pouvoir faire de cette tête qui pût leur valoir quelques réprimandes. Les verres d’alcool ingérés n’aidaient définitivement pas son cerveau à être fonctionnel.
« Lazare. » répondit-il, en glissant un regard en coin vers celui qui lui tenait l’épaule. Les bras croisés sur son torse, il ne bougea pas. Sa proposition lui fit plisser les paupières et froncer les sourcils. « T’as qu’à l’embrasser toi-même. » grommela-t-il dans sa barbe inexistante, sans oser le dire de façon réellement audible et intelligible. Il ne voulait pas passer pour un lâche. Ses iris céruléens bondirent sur la fille qu’ils désignaient. C’était celle qui était rentrée dans le placard pour chercher le crâne. Elle n’était pas déplaisante à regarder, mais elle avait l’air franchement étrange. Ses cheveux étaient recouverts d’une fine couche de poussière et constellés de quelques toiles d’araignée. Sur son nez et sa pommette, des traces noires tranchaient la blancheur de sa peau, cependant atténuée par une pellicule de saleté qu’elle avait récupérée dans le placard. Sa remarque lui fit hausser les sourcils et lui arracha un début de sourire. « Encore un délire bizarre des Sorciers, ça. C’est un crâne de Réprouvé ? » Sa blague fit rire ; il s’en sentit flatté. Pourtant, il ne l’avait pas vraiment inventée. Il avait entendu une plaisanterie similaire de la bouche d’un ami, quelques semaines plus tôt. Comme il l’avait trouvée drôle, il l’avait gardée en mémoire. Il ne voulait pas s’intégrer, mais il voulait que les autres le trouvassent amusant. Quand il n’était pas d’humeur exécrable, il était un véritable boute-en-train. Il s’approcha du crâne et l’attrapa, sans montrer aucun signe de dégoût – il avait joué avec des trucs au moins aussi bizarres juste pour épater la galerie. En deux pas, il fut planté devant Perséphone, et tendit la tête vers elle. « Allez, vas-y. T’as plus une tête de princesse que moi, même si t’es coiffée comme une souillon. Et t’oublie pas : avec la langue, ils ont dit. » Il sourit, avec l’espoir que les autres étudiants eussent oublié que le destinataire premier de la plaisanterie, c’était lui.
Message I – 550 mots
Je jure que c'est un Magicien.
Persée ~ Génie ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 177 ◈ YinYanisé(e) le : 04/11/2022
Les pupilles de Perséphone se croisèrent sur le crâne présenté face à elle. De près, il apparaissait aussi repoussant que de loin. Les années avait teint l'os d'une couche cendrée et les runes gravées aux endroits spécifiques refusaient de délivrer leur obscure signification. Le regard mort lui renvoyait un regard égal, à peine plus expressif du côté de la vivante. Elle pencha la tête sur le côté. « Les Réprouvés ont des crânes qui les distinguent des autres races ? Pourquoi vous riez ? » « C'est bien connu que les Réprouvés ont la tête creuse. » Et l'un deux cogna un coup bref sur l'artefact pour donner de la profondeur à son raisonnement. « Tous les crânes sont creux, non ? Ça ne veut rien dire. » S'obstina la violette. La majorité des plaisanteries à l'école lui échappait. Elle savait que son peuple avait récemment affronté celui des Réprouvés, mais son père ne lui avait jamais inculqué cette haine viscérale pour les manichéens. Ces derniers n'étant présents qu'en nombre très réduit à Basphel, Perséphone n'en avait jamais rencontré un pour se forger sa propre opinion.
« Bon peu importe. Tu me le tiens ? » Demanda-t-elle à Lazare. Son buste se rapprocha alors pour réduire la distance entre son visage et celui du crâne. Elle étudia la bouche, ou plutôt les deux rangées de dents noircies à quelques centimètres d'elle. « Je n'ai pas d'expérience pour embrasser. » Déclara-t-elle soudainement, jetant l'information sans vraiment attendre de réponse. Elle avait vu la chose se faire suffisamment autour d'elle pour avoir une idée du protocole à suivre. Les paupières crispées, elle déposa légèrement ses lèvres sur les dents. Une fois habituée au contact froid et à l'odeur de poussière attachée à l'artefact, elle entrouvrit ses lèvres et sortit un bout de langue sans être trop sûre de quoi en faire. Elle se décida pour la passer délicatement contre les dents. Autour d'elle, les élèves étouffaient des exclamations dégoûtées et d'autres étaient secoués de rire. La tête penchée sur le côté, elle rouvrit les yeux pour croiser le regard de celui qui avait refusé d'embrasser le crâne. Soudain, la mâchoire se referma sur un claquement sec, faisant bondir tout le monde, Perséphone la première qui recula aussitôt, une main plaquée sur la bouche. Une douleur atroce engourdissait complètement sa langue et sa bouche se remplissait de sang. Réprimant un haut-le-cœur, Perséphone cracha le sang qui jaillit sur le crâne et celui qui le portait. Une fille poussa un hurlement strident, aussitôt rabrouée par une autre fille qui lui intima de se taire avant qu'un professeur ne rapplique.
Une voix caverneuse s'éleva alors du crâne, faisant taire efficacement les murmures. « Qui a étalé sa sale salive sur mon visage ? » Blême, Perséphone ne bougea pas d'un cil, sa respiration bloquée quelque part où elle n'arrivait plus à la retrouver. Du sang maculait ses lèvres et son menton mais elle n'osait faire un geste pour l'essuyer. « Qu'est-ce que vous attendez pour me nettoyer de ces horribles germes ? Allez, vite, avant que je ne vous maudisse tous à rester à jamais bloqués dans cette pièce jusqu'à ce que vous soyez condamnés à vous dévorer entre vous pour survivre ! » Perséphone sursauta à nouveau à la menace et s'empressa de l'essuyer avec sa manche du mieux qu'elle put. Elle préférait embrasser cette horreur encore une fois plutôt qu'être de nouveau emprisonnée dans une pièce. Quinze années avaient suffit. Alors qu'elle repassait sa manche sur le pourtour de l'orifice qui lui servait de bouche, le crâne s'agita à nouveau et la mordit sauvagement au bras. Le choc lui fit ouvrir les lèvres sur un cri silencieux et l'adolescente tomba à la renverse, se cognant durement les fesses sur le sol en pierre. Le crâne ricana. « Ça t'apprendra à croire que tu peux embrasser un bel homme comme moi ! 'Spèce de morveuse ! Et toi là ! Pose-moi sur une table, tu me donnes la nausée à pas avoir les mains fixes ! »
691 mots
Merci Jil :
Orphée Dasgrim ~ Orisha ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 111 ◈ YinYanisé(e) le : 11/03/2023◈ Activité : Voyager avec les Enfants de Yanna
« Euh, ouais. » fit-il, un peu surpris. Allait-elle vraiment l’embrasser ? Poser ses lèvres sur sa bouche et introduire sa langue entre ses dents poussiéreuses ? Il y croyait à peine, mais ce fut pourtant ce qu’elle fit. On avait raconté à Lazare bien des choses sur les Sorciers. Malgré la paix entretenue par les Mages Blancs et les Mages Noirs, les premiers aimaient bien se moquer gentiment des seconds. Les esprits les plus prolifiques ne manquaient pas d’inventer des histoires plus farfelues les unes que les autres. L’action qui se déroulait sous ses yeux aurait tout aussi bien pu claquer contre l’un de leurs palais rieurs. Les paupières écarquillées, les pupilles dilatées, les doigts serrés autour du crâne, il ne put réprimer une expression de dégoût : ses sourcils se froncèrent, son nez se plissa et sa bouche se crispa, faisant remonter ses joues jusqu’au bord de ses cils. Pourtant, son écœurement se parait d’un émerveillement dubitatif, d’une contemplation incrédule qui ancrait dans ses prunelles la lueur d’un étonnement presque admiratif. Était-elle complètement folle, dénuée de toute répulsion ou armée d’un aplomb sidérant ?
Claquement brutal. Lazare manqua de lâcher la tête osseuse, avant de resserrer vivement sa prise dessus, ses propres dents jointes les unes aux autres dans un hurlement silencieux. Sous ses doigts, il sentit le crâne vibrer tandis que résonnait sa voix d’outre-tombe. Comme paralysé, il fut incapable de s’en défaire et garda son regard fixé sur sa surface polie par les siècles, le cœur battant et la respiration effilée. Il n’osait plus bouger ; pourtant, ses bras, de ses épaules au bout de ses ongles, tremblaient. Ses jambes flageolaient tant qu’il aurait sans doute pu être balayé par la première brise. Quand la fille se mit à essuyer la gueule de la créature, ses prunelles descendirent sur elle. Du sang qui ruisselait sur son menton. Le degré de malaise du Magicien augmenta. Hors de question de montrer qu’il avait peur et était à deux doigts de tourner de l’œil. Il allait… Il allait… La chute de la Sorcière, à nouveau mordue, coupa net ses pensées. « Ou-oui. » bafouilla-t-il, en se dépêchant de se délester de son fardeau. En voulant le poser sur la table où se délitaient les cadavres de bouteilles, il le renversa maladroitement et, dans la tentative de le rattraper, plaqua violemment sa main sur sa face. La réaction fut immédiate : le crâne mordit jusqu’au sang les doigts passés à sa portée. Avec un cri qui n’avait rien de glorieux, Lazare bondit en arrière, sa main ensanglantée serrée par la valide. Il regarda le vermeil s’échapper, livide. Les effets de l’alcool semblaient à la fois avoir disparu et s’être amplifiés. « Quel incompétent ! Que quelqu’un me redresse ! Je préfère encore voir vos affreux visages plutôt que ce maudit plafond ! » L’une des filles du groupe obtempéra, replaçant les orbites vides face aux deux coupables, Perséphone et Lazare. « Bande de sacripants ! On vous a jamais appris à traiter vos aînés correctement, à ce que j’vois ! Vous sortez d’où ? Du fin fond d’un marais ? » Les autres savaient-ils qu’un baiser suffirait vraiment à le réveiller ? Lazare avait cru à une plaisanterie. « Bon alors, qu’est-ce qui vous a amené à réveiller le plus vieux professeur de Basphel ? Je vous préviens, tous mes services sont payants. Vous deux, là, vous me devrez une offrande à chaque pleine lune pour m’avoir sali avec vos sales pattes et votre bave. » menaça-t-il. « V-vous êtes professeur ? » - « Oui, de nécromancie. » Le Halloy cligna des paupières, troublé. S’il avait eu plus de culture générale, il aurait su que Jérémiah Vaughan, professeur de nécromancie et d’arts occultes, sûr de ses dons et de sa valeur, avait un jour tenté une expérience qui avait mal tourné : depuis, il était coincé à l’état de crâne vivant. S’il avait été réduit à ce statut, ou si sa conscience s’était transposée dans le premier objet venu, nul ne le savait, mais le résultat demeurait. Jusque-là, personne n’avait réussi à l’en libérer – ou essayé ? – et il n’était pas certain qu’il eût lui-même envie de s’en défaire. Les légendes racontaient que depuis sa « transformation », entrer en communication avec les morts était pour lui plus qu’un jeu d’enfants. « J’espère pour vous que vous ne m’avez pas réveillé pour parler à votre chat mort : je ne fais pas les consultations animalières. » Comme le silence s’éternisait, il relança : « Alors ? » Le bleu parcourut l’assemblée du regard, avant de couler une œillade à Perséphone. « Demande-lui un truc. » grommela-t-il entre ses dents. Il craignait que, s’ils n’obtempéraient pas, la mâchoire du professeur se refermât de nouveau sur leur chair.
Message II – 797 mots
Persée ~ Génie ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 177 ◈ YinYanisé(e) le : 04/11/2022
Perséphone se remit lentement sur ses pieds, pressant son bras blessé contre son buste. Le choc avait métamorphosé son visage en un faciès de marbre tâché de sang, mangé de grands yeux élargis comme des lacs bleus. Autour d'elle, les étudiants affichaient tout un camaïeu d'expressions allant de la peur à un amusement circonspect. Perséphone, elle, ne trouvait la situation absolument pas drôle. Se faire mordre avait ravalé les effets de l'alcool au fond de sa tête et elle commençait à trouver cette fête vraiment nulle. Seuls leurs aînés s'amusaient, mais elle voyait bien que les nouveaux comme elle faisaient semblant. Chacun leur tour, ils avaient dû exécuter les ordres grotesques des plus âgés.
Des murmures agitèrent les rangs quand le crâne leur apprit être un enseignant. Certains commençaient à faire le lien. Perséphone ne cilla pas. Ce crâne lui était juste désagréable depuis qu'il l'avait mordue, deux fois. Pour un premier baiser, elle s'était vraiment faite arnaquer. « On fait quoi ? » murmura un élève. « Chut ! » Sa voisine lui envoya un coup de coude dans les côtes pour le faire taire.
Calmement, munie de son éternel air détaché, la violette s'avança sur l'injonction de Lazare. « Encore toi ?! » grommela aussitôt le crâne en levant son regard d'abîmes sur elle. « Ne t'avise pas de m'embrasser à nouveau ! » « Ça ne risque pas. » le rassura-t-elle très sérieusement. « Il y a quelqu'un à qui tu veux parler ? » « ... » Elle réfléchit. Il y avait son père, mais était-il réellement mort ? Elle l'espérait et le craignait tout à la fois. Elle voulait le revoir, lui poser des questions, comprendre. Une part incompréhensible d'elle-même l'aimait, même. « Tu te magnes ? C'est pas possible ça, j'ai horreur des élèves lents d'esprit comme ça. J'avais l'habitude de leur enseigner la réactivité en invoquant des morts dans leur dos pour leur chatouiller les côtés par le passé. » ricana le crâne. Presque aussitôt, des effluves nauséabondes, terreuses, empuentirent l'atmosphère. Le sol se troublait et des respirations surnaturelles flottèrent. Bientôt, des hommes et des femmes se tinrent à divers endroits de la pièce, le corps à différents stades de décomposition. Une femme posa une main à moitié dévorée par les vers sur l'épaule de Perséphone qui retint son souffle, craignant de vomir tant l'odeur de mort était prégnante. Trop choqués pour paniquer, les élèves restaient tétanisés. Certains reculèrent jusqu'au mur. Une fille éclata en sanglots silencieux. Une autre se plia en deux et rendit son repas. Un garçon leva les poings avec défi. « Alors ? » susurra l'ancien professeur, apparemment très satisfait de son tour. « ... » Perséphone n'avait jamais été loquace. De toute façon, elle n'en avait pas besoin pour faire appel à sa magie. Sans bouger un muscle, elle sonda à l'intérieur d'elle-même cette sensation incomparable, s'en saisit et la nourrit de sa volonté. Des flammes naquirent juste sous le crâne, léchant les méplats osseux. Les runes se mirent à luire au contact du feu. « Hé ! » protesta le crâne, outré de l'insolence de l'élève. Le visage fermé, Perséphone serra le poing et les flammes gagnèrent en intensité. « Arrêtes ! » Tous les regards s'étaient tournés sur le crâne en feu. Un autre eut la présence d'esprit de joindre ses efforts aux siens et l'imita. La table prit feu presque aussitôt et les crépitements noyèrent les imprécations du professeur. Les illusions disparurent. « Il faut arrêter le feu ! » s'inquiéta soudain un élève alors que les flammes atteignaient le plafond. Perséphone l'ignora et fixa son regard sans ciller dans celui de Lazare. « On s'en va ? » proposa-t-elle. Elle en avait assez de cette soirée.
626 mots
Merci Jil :
Orphée Dasgrim ~ Orisha ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 111 ◈ YinYanisé(e) le : 11/03/2023◈ Activité : Voyager avec les Enfants de Yanna
Pris à la gorge, Lazare plaqua une main devant sa bouche, comme si ce geste pouvait l’empêcher de vomir. Il n’en était évidemment rien mais, fort heureusement pour lui, la nausée resta coincée dans son estomac. Ce qui apparut le glaça tant d’effroi qu’il ne fut plus capable d’éprouver la moindre sensation corporelle. Seul son regard se mouvait, attirer par les silhouettes des trépassés, certaines encore fraîches et d’autres dans des états de déliquescence proprement effrayants. Il eut envie de hurler à Persée de répondre au crâne pour qu’il arrêtât tout ça, mais n’en trouva pas la force. Incapable de reculer, il resta figé sur place. Sa respiration s’entendait à peine tant il n’osait plus émettre le moindre son. Seul son cœur battait comme un fou à ses tempes. Un vertige fit tanguer son esprit. Durant quelques secondes, il crut qu’il allait s’évanouir. Par miracle, il demeura debout, et atrocement lucide. Quand les flammes jaillirent sous le crâne, il écarquilla les yeux. Il ne savait plus si ses pensées défilaient à une vitesse trop élevée pour qu’il les perçût ou si elles avaient tout bonnement disparu de son cerveau. L’agitation qui gagna les autres élèves l’épargna, tant il était stupéfait par le spectacle qui se déroulait devant lui. Lui qui se targuait de pouvoir se sortir de n’importe quelle situation se retrouvait confrontée à une configuration qu’il n’avait jamais envisagée, et qui le laissait tout simplement coi.
Quand les iris de Persée s’ancrèrent aux siens, il cligna des paupières, comme s’il s’éveillait d’un long rêve. « Ouais. » lâcha-t-il d’une voix blanche, avant de lui attraper la main et de la tirer vers la sortie. Ses jambes paralysées retrouvèrent la vie et, comme pour célébrer cette petite victoire sur la peur, elles se mirent à courir dans les couloirs de l’école. Il avança tout droit, sans se soucier du chemin emprunté – il connaissait encore mal les lieux. La dernière porte qu’il poussa les fit déboucher dans les jardins, et le Magicien s’arrêta, essoufflé. Réalisant qu’il tenait toujours la fille, il la lâcha brutalement, embarrassé, et posa ses deux mains sur ses genoux, le regard rivé sur le sol. « Putain. » Il déglutit et passa une paume sur son front, avant de se redresser. La lune rendait plus pâle encore le visage de l’adolescente. « Franchement, si j’avais su, je t’aurais embrassée. » Un rire fila entre ses lèvres, signe d’un soulagement mal maîtrisé. Ses nerfs tressautaient. « Et c’est toi qui as fait ça ? Cramer le crâne ? Trop bonne idée ! » Il lui colla une tape amicale sur l’épaule, avant de s’écarter un peu, gêné. Elle n’avait pas l’air du genre à recevoir des accolades. Il jeta un coup d’œil à ses pieds, avant de regarder le ciel nocturne. « Ça arrive souvent, les trucs comme ça, ici ? » s’enquit-il. Même si c’était terrifiant, au moins, c’était marrant. Peut-être que, s’il ne trouvait pas de moyen de s’enfuir, il pourrait s’amuser un peu, entre les murs austères de cette foutue école.
Message III – 506 mots
Persée ~ Génie ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 177 ◈ YinYanisé(e) le : 04/11/2022
Sans chercher à masquer son soulagement, Perséphone récupéra sa main et la tint blottie contre sa poitrine comme s'il y avait eu un risque de la perdre. Elle aussi avait le souffle court. Le sport n'était pas sa tasse de thé, elle n'aimait pas sentir la sensation de chaleur lourde et de sueur qui survenaient ensuite. « Je ne crois pas que c'était nécessaire de courir. » articula-t-elle, la voix un tantinet réprobatrice. Ce n'est pas comme si le crâne allait les poursuivre. Avec quelles jambes l'aurait-il fait ? Puis la sorcière regarda mieux Lazare. La peur noircissait ses pupilles et ses cheveux prenaient une teinte argentée sous la lune. Elle aussi avait eu peur, même si elle le montrait mieux. La magie du crâne la laissait pensive en revanche. Elle avait trouvé ça impressionnant et songeait que la nécromancie et l'illusion étaient des magies plutôt efficaces pour se débarrasser des gêneurs. Il lui faudrait se pencher dessus.
Perséphone ne partagea pas l'hilarité du bleu. Elle riait au moins autant qu'elle souriait : jamais. Généralement, sa joie s'exprimait par une attitude globalement plus détendue, des épaules moins raide et un regard moins fixe. « Je préfère que tu ne l'aies pas fait. » commenta-t-elle, l'air sombre. S'il fallait revenir en arrière, elle aurait tout simplement refusé de venir à cette soirée. Elle n'avait pas passé un bon moment et elle estimait que c'était le sentiment général de beaucoup de monde à la soirée. « Je ne regrette pas ce qu'il s'est passé. J'espère qu'ils ont eu aussi peur que nous. C'est bien fait pour eux. Ça leur apprendra à abuser des premières années. » Elle tressaillit violemment à la tape sur l'épaule et prit un bon pas d'écart entre eux afin de l'éviter s'il lui prenait à nouveau l'idée de la frapper. Ce garçon était trop tactile à son goût et se montrait trop familier à son égard. Elle déglutit et tâcha de se détendre. À ses premiers jours, la sorcière aurait pris la fuite. Désormais, elle arrivait à faire la part des choses et la situation n'impliquait pas que Lazare s'en prenne physiquement à elle. « Je ne sais pas. Je n'ai pas réfléchi. J'ai réagi à l'instinct. » Et le feu était souvent la réponse à son impulsivité. Le problème, c'est qu'elle ne maîtrisait pas bien sa magie, et que cela pouvait se terminer en écharpes brûlées et coups de poing dans la figure.
« Je ne sais pas. Je me tiens à l'écart généralement. Je n'aime pas trop me mêler aux autres. J'ai fait un effort car ma thérapeute pense que c'est bon pour moi. » Elle fronça les sourcils. « Ses conseils sont plutôt douteux. Je pense que je vais arrêter de la voir. Quand je les suis, ça ne se finit pas bien. » Elle regarda autour d'eux et resserra sa veste autour d'elle. « Je vais retourner à mon dortoir. Les professeurs ne vont sûrement pas tarder à arriver vu le bruit que nous avons fait. Je ne veux pas être dans les parages quand ils arriveront. Tu devrais faire pareil. Ici, les punitions n'ont rien de drôle. On m'a raconté que la professeure Jil force les élèves punis à nettoyer le mucus collant dans les sous-sols. Elle a un comportement très déplacé aussi. » Perséphone ne l'aimait pas beaucoup. Elle préférait quand les limites étaient fixées, tracées, et respectées entre tout le monde, le corps enseignant, mais aussi les élèves entre eux. « À plus tard. » marmonna-t-elle avant de tourner les talons pour quitter le jardin.
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S’il ne pouvait pas aller au bal, alors le bal viendrait à lui. C’était la décision qu’il avait prise, et jusque-là, il s’y tenait très bien. Du moins, il avait largement signifié son mécontentement. Il avait essayé de sécher une bonne partie de ses cours – malheureusement, ses absences avaient été remarquées, et le contrôle était devenu plus assidu –, passait ses soirées à trier ses cartes ou à inventorier ses jeux de société, ne donnait aucune nouvelle à ses parents ou à ses frères et sœurs, ignorait les lettres de ses grands-parents, passait son temps à ruminer et à fomenter sa prochaine bêtise – jusque-là, il n’était pas encore passé à l’action. Dès que l’occasion s’était présentée, il avait accepté de faire la fête avec d’autres élèves. Il n’avait pas spécialement envie de s’intégrer, parce qu’il ne comptait pas rester. Néanmoins, puisqu’on l’avait assigné à l’école comme on l’aurait fait d’un prisonnier au cachot, il avait décidé de créer autour de lui un chaos tel que même Basphel ne voudrait plus de lui. Il caressait avec délice la perspective de l’exclusion. Les yeux posés sur le crâne, il écoutait les autres théoriser sans vraiment s’y intéresser. Il cherchait plutôt ce qu’ils allaient pouvoir faire de cette tête qui pût leur valoir quelques réprimandes. Les verres d’alcool ingérés n’aidaient définitivement pas son cerveau à être fonctionnel.