Dubkiller, Mark Victor - Unbreakable

Mon regard se posa sur Érasme après l’annonce d’un incendie. Il y avait une lueur caractéristique dans ses yeux, quelque chose de malsain et de reconnaissable pour quiconque avait déjà massacré. « Érasme ? » « Oui ? » Je lui souris. « Dis-moi… Comment comptes-tu sortir d’ici ? » Il me fixa sans comprendre. C’était une erreur caractéristique des écervelés. Combien de Sorciers de petite condition mouraient-ils en essayant de tuer les autres ? Un rire macabre m’échappa. Cet « enfant » était magique. Sa noirceur égalait celle des plus grands mais il n’avait entre les mains et pour toute arme qu’une dague de papier. « Ce que je veux dire c’est que… Hum… C’est très bien d’allumer un incendie mais encore faut-il penser à un moyen de s’en échapper. » Il me fixa. « Ce n’est pas moi. » mentit-il, avant que mon regard ne se fît plus persistant. Là, il se recroquevilla sur lui-même, comme un chiot apeuré. Je m’approchai et l’attrapai par le col. Je caressai sa joue pendant que les autres s’activaient pour essayer de trouver l’énigme ou éteindre l’incendie. « Ne me mens plus jamais. Sinon je te prends et je te jette dans les flammes. » S’il avait été plus puissant, il aurait pu me rétorquer que jamais je ne ferais ça, que ça déplairait à l’Empereur Noir. Il aurait eu raison. Jamais je ne le tuerais. Je voulais qu’il m’aimât, bien plus qu’il n’aimait son père. J’allais l’éduquer pour qu’il devînt digne d’Ethelba. Il en était loin. Il ne m’opposa d’ailleurs aucune résistance. Si je continuais, il allait se mettre à pleurer, à minima. Je le lâchai. « Pourquoi as-tu fait ça ? » « Parce que je veux qu’ils meurent, tous. » répondit-il, avec une franchise et un regard noir qui en auraient perturbé plus d’un. Je comprenais ce sentiment, bien que j’habillasse mes crimes d’une manière bien plus sophistiquée. Rien n’était trop beau pour la musique et la mort magnifiait les émotions qui apparaissaient en écoutant les plus grands chefs d’œuvre. « Si tu veux qu’ils meurent tous, tu devrais penser à sauvegarder ta vie avant tout. « Tous » ne se résume pas à cette poignée d’individus. Si tu péris, qui sera l’auteur des prochains génocides ? » Je lui souris. Mon petit faiseur de génocide. Il était mignon, au fond.

Je lâchai finalement mon occupation pour aller aider ceux qui essayaient de réduire les flammes à néant. Justement, la matière avait tendance à céder devant moi. Devais-je pour autant faire œuvre de la Valse Destructrice ? Ce n’était pas une magie anodine. Elle n’était pas secrète pour autant mais était actuellement détenues par uniquement treize Sorciers qui se gardaient bien d’en faire usage de façon irréfléchie. Que le peuple pût tordre la matière pour créer des horreurs était une chose. Que les Mages Noirs les plus puissants pussent détruire le tout en était une autre. C’était comme cracher à la face des êtres que ce qu’ils avaient construit jusqu’ici pouvait disparaître en une fraction de seconde, soufflée par les Ténèbres. Il ne s’agissait pas de démolir ou de faire s’effondrer les choses. Il s’agissait de les supprimer, purement et simplement, sans qu’aucune trace ne demeurât. Je choisis de ne pas recourir à cette option et m’approchai d’une femme sans aucune importance. Ni talent musical, ni appétence pour les Ténèbres. Personne n’avait fait attention à elle jusqu’ici. Le sacrifice de cette unique personne valait le nombre de vie qu’il sauverait. Je l’égorgeai et laissai son sang couler sur le sol, le guidant en le contrôlant avec un sourire vague sur les lèvres. J’entourai la zone, traçant ce qui ressemblait à des pentacles magiciens sur les pavés. Ils étaient différents, moins arrondis, plus inquiétants, sanglants. Lorsque j’eus terminé mon œuvre, une demi-sphère de magie entourait les flammes, ne les laissant plus progresser. Elles allaient anéantir ce qui se trouvait dans l’espace, puis mourir lorsqu’il n’y aurait plus d’air ou plus de combustible. Je fixai sans rien dire les autres, légèrement dégoûté par la nudité de certains. Il y avait un cadavre à mes pieds à présent. S’ils pensaient que ça m’avait amusé de tuer si salement, ce n’était pas le cas. « Suis-moi. » dis-je à la trépassée, qui se releva pour marcher dans mes traces. Mes yeux se posèrent alors sur Érasme. Il n’avait pas l’air d’aller bien. Une main sur sa poitrine, l’autre était posée contre le mur, pour le soutenir. Il avait du mal à respirer. Je plissai les yeux. Il était couvert de sueur, haletant, les yeux exorbités. Le phénomène cessa avant que je ne pusse intervenir d’une quelconque manière. Je commençais à être contrarié. En temps normal, je jouais de la musique lorsque les événements m’agaçaient, avant que les murmures de Lux in Tenebris ne supprimassent ma raison. Je fis apparaître mon violon et le fis retentir, sans plus me soucier de l'énigme.

788 mots
Cyrius utilise la Magie des Runes pour emprisonner le feu et joue du violon en compagnie de la femme qu'il a tuée. Erasme expérimente un avant-goût de sa malédiction  
J'ai un imprévu, je ne vais pas pouvoir poster avec Tekoa aujourd'hui donc ne m'attendez pas.

Les Portes III

Une fois n’est pas coutume, j’étais trop occupé à essayer d’éteindre le feu et à survivre à la morsure pour m’occuper de la semi-nudité de ceux qui tentaient de m’aider. Je me concentrais rarement sur des choses qui n’étaient pas d’ordre sexuel en temps normal, même si ça avait beaucoup évolué avec le temps. L’écriture et la lecture m’aidaient à atteindre une sorte de calme intérieur. Il m’arrivait donc de me plonger dans ces activités et de ne plus voir le temps défiler, comme lorsque je massais le corps de mes amants durant une bonne heure, en prenant bien garde de ne laisser aucune zone tendue. C’est l’effet que ce feu me fit, celui d’une concentration agrémentée de sueurs chaudes, malgré mon état déplorable et ma silhouette vacillante.

« Continue… c’est bien. »

Pour une fois qu’un gamin ne me sortait pas par les yeux, il valait mieux que je l’encourage. J’aurais aimé des encouragements en retour également, parce que ça n’allait pas fort. J’essayai de me concentrer sur Dastan. Ce n’était pas facile d’affronter les flammes en étant aussi petit. À sa place, enfant, je serais probablement allé me cacher en prenant mon sexe dans une de mes mains pour me rassurer. À l’époque, la seule manifestation de mon Péché était celle-ci : mon pénis était comme un doudou pour moi. Lorsque je n’allais pas bien, je le tripotais. Pour m’endormir, je le tripotais aussi. C’était innocent. Je ne savais pas à quoi il me servirait plus tard.

J’étais en train d’à moitié tourner de l’œil lorsque je sentis quelque chose de solide s’immiscer entre le monde et moi. Je tournai les yeux, apercevant Léto.

« Qu’est-ce que tu fais ? »

Je l’avais demandé d’une voix basse. Ce n’était pas sur moi qu’il fallait étaler je ne savais pas quoi mais sur les flammes. Je sentais des gouttes de transpiration couler sur mes tempes, mouiller ma nuque, sous mes cheveux, et dégringoler le long de ma colonne vertébrale. Je ne sentis pas de nette différence tout de suite. Le processus de régénération prenait du temps et je faillis bel et bien m’évanouir une nouvelle fois.

Je pris mon haut, le fourrai dans le bain et fit couler l’eau sur ma tête. Elle n’était pas fraîche de base mais face aux flammes, c’était quand même agréable. Je fus néanmoins inutile pour la suite. Je compris rapidement l’intervention de Léto et devinai que Cyrius était également présent. Je ne fus jamais capable, ultérieurement, de raconter la scène en détails. Je sais juste que je me sentis courir vers la sortie lorsque la porte s’ouvrit, malgré la maîtrise du feu, toujours perdu à cause de la morsure. Plus mon état restait celui-ci et plus j’avais envie de tordre le cou au Vampire responsable. J’étais trop faible pour ça. De toute façon, je n’avais aucune idée d’où est-ce qu’il se trouvait.

De nouveau dans la pièce principale, celle où nous étions tous apparus, je lâchai un juron qui s’étouffa sur la barrière de mes lèvres lorsque je levai les yeux vers un homme qui scintillait. Dans mon état, il paraissait d’autant plus mystique. J’essuyai mon front avec le reste de mon haut. La morsure du feu ne l’avait pas épargné et je ne pourrais très certainement pas le remettre. Mon pantalon ? Quelque part dans la bibliothèque.

Je suivis le groupe, toujours fatigué. Je fus heureux lorsque tout le monde s’arrêta, m’assis par terre et finis même par m’allonger.

« Donnez-moi deux minutes et je suis à vous. »

Là encore, j’étais un peu dans les vapes. Mes yeux se posèrent sur le plafond et je me plus à imaginer l’inconnu couvert d’huile de massage. Il me suffisait de tendre les mains devant moi pour me figurer ses épaules noueuses coincées entre un matelas et moi.

En même temps, j’écoutais les conversations qui commençaient à germer sur la nouvelle énigme. Je tournai la tête sur le côté. Les plinthes des murs ressemblaient à cet homme brillant. Les canalisations m’interpellèrent.

« C’est drôle, c’est en or. »

Ma voix avait résonné plus nettement. Je commençais à retrouver des forces, aussi parce que ma propre magie était à l’œuvre. Liée à celle de Léto, l’efficacité devenait plus probante.

« Peut-être que c’est ça, le métal. Même si… »

Je tendis le bras et touchai l’assemblage.

« Ouais, ça a l’air bien fixé. C’est peut-être pas ça. »

Il faut dire que je n’avais pas détaillé l’énigme qui se posait non plus. Je n’en étais pas à culpabiliser de mon inutilité mais c’est vrai que je demeurais limité depuis un certain temps. Le fait d’avoir enlevé la Bague des Humains, combiné à la morsure, avait été fatal.

781 mots:

« Lily-Rose ? » Je fis quelques pas et regardai autour de moi. « Ha ha… Ha ha. » ris-je, avec un air légèrement niais sur le visage. Je n’étais plus sur les Terres du Lac Bleu, c’était une évidence aussi inquiétante qu’excitante. Où étais-je ? Je me tournai vers l’un des murs de la grande pièce dans laquelle je venais d’apparaître. Mes doigts le parcoururent. L’aspect rugueux de la pierre me plut. L’endroit semblait ancien sans que je ne susse au juste ce qu’il représentait et à quel peuple il appartenait. Pendant que je réfléchissais, ma magie avait déjà commencé à ranger correctement les différents bibelots et à réparer ce qui était cassé ou détérioré. J’étais seul dans l’énorme pièce mais il me suffit de tendre l’oreille pour entendre l’écho de conversations lointaines. « Allons-y. » décrétai-je à voix haute, absolument pas gêné par le fait de parler seul. Je discutais fréquemment avec ma magie, même si je passais plus de temps à lui rouspéter dessus qu’à avoir des conversations argumentées. Je la sentis frétiller d’impatience, si bien que je dus presser le pas.

Je ne tardai pas à apercevoir un petit groupe devant moi. Mes yeux s'illuminèrent devant ma trouvaille et rejoignis les individus sans aucune méfiance, un grand sourire joueur sur les lèvres. Je m’élançai vers une jeune femme bien plus grande que moi. Elle venait tout juste de se débarrasser d’une charge d’or. « Bonjour, je m’appelle Aimé, enchanté ! » dis-je, en lui serrant la main. Déjà, je passai à quelqu’un d’autre, une personne qui devait être une Ygdraë ou une Alfare. « Bonjour ! Aimé ! » Et je réitérai la manœuvre jusqu’à avoir fait le tour des différents protagonistes présents jusqu’à arriver vers un homme à l’aspect… éclatant. Il était beau et il m’attira d’une étrange façon. « Bonjour, Aimé, enchanté. » lui susurrai-je. « On ne se connaîtrait pas par… » Derrière lui, plus loin, je venais de repérer une silhouette, étalée par terre. « Oh ? Mais c'est... Excusez-moi ! » Un sourire amusé venait de germer sur mon visage. Je quittai mon interlocuteur et m’approchai discrètement de l’homme à terre avant de lui sauter dessus. « BBWAAA ! » fis-je, pour imiter un Démon avant de me mettre à rire, à moitié avachi sur lui. « Comment tu vas ? » lui demandai-je en me redressant. « Toujours à poil hein, ça ne change pas. » Ma magie commença à le soigner sans que je ne lui demandasse rien. Elle agissait en parfaite autonomie, toujours encline à sauver ce qui pouvait l’être. « Alors ? Vous faites quoi ici ? C’est une sorte de chasse au trésor ? »

Valérie Broussard - Killer

« Oncle Cyrius ? » Je déglutis. Je me remettais difficilement de ce qui venait de m’arriver. La sueur avait humidifié mes vêtements. Repenser à la sensation que je venais d’éprouver me donnait l’impression d’être sur le point de la revivre. Je voulais penser à autre chose. C’était impossible, du moins, avant que je ne remarquasse que ni le Vampire ni l’Archimage n’étaient sortis de la bibliothèque. Un rictus agacé se dégagea sur mon visage. J’étais seul, maintenant, avec tous ces… Ma respiration était étonnement profonde. Je les haïssais et mon impuissance à faire face à la sensation de mort imminente que je venais d’expérimenter ne faisait qu’aggraver ma folie destructrice. Pourtant, sans le Duc Windsor, je me sentais vulnérable. Je m’approchai de la pièce de laquelle nous venions de sortir. La porte s’était refermée. À l’intérieur, nulle trace de l’Archimage. La morte, elle, avait regagné son état de cadavre. Elle se décomposerait sans doute lentement, embaumant de son odeur putride la salle. L’imaginer me détendit légèrement.

Je me tournai et me contentai de suivre le groupe, sans quitter le nouvel arrivant du regard et sans parvenir à le détester. Il m’horripilait, parce qu’il était puissant mais il n’était pas le seul dans ce cas-là. Qu’ils patientassent un peu : bientôt, j’allais tous les assassiner. J’espérais pouvoir le faire d’ici quelques années. Je voulais être leur cauchemar, celui duquel personne ne voudrait prononcer le nom à voix haute. Je désirais devenir leur malédiction. Mes ambitions supportaient mal la réalité de ma condition. Plus je grandissais, plus mes volontés étaient complexes. Il y avait quelques lunes à peine, mes seuls desseins consistaient à faire le mal, tout de suite, maintenant, de n’importe quelle façon. Maintenant, en plus de ça, je commençais à prendre conscience du temps et de l’avenir. Il y avait ce que je pouvais faire tout de suite, comme mettre le feu, et ce que je pouvais préparer en amont pour plus tard. Cette prise de conscience ouvrait mes horizons.  

Dans le couloir, je m’appuyai contre un mur, en fixant tour à tour le Réprouvé roux et le Chaman. J’aurais préféré qu’ils cramassent. Quant à l’énigme, je n’avais aucune solution. Si je m’écoutais, j’aurais plutôt œuvré pour que ces débiles ne trouvassent jamais réponse à la question silencieuse qui nous était posée. Je me rappelai pourtant les paroles d’Oncle Cyrius à propos des feux et de la stupidité d’être enfermé soi-même dans son propre incendie. Surtout, je craignais que mon cœur recommençât à fléchir. Je restai donc calme jusqu’à ce qu’un homme aux cheveux bleus vînt me serrer la main. Sa magie hérissa la mienne mais elle se soumit à la seconde. L’autre était trop puissant et Lux in Tenebris s’écrasa comme une merde. Ça m’enragea et, une fois que je fus sûr qu’il ne s’occupait plus de moi, je le fusillai du regard.  

913 mots
Aimé salut tout le monde. Il commence par Léto, puis Juvelian, puis tout le monde avant de finir avec Jezekael qu'il pense connaître. Il voit Adam et lui saute dessus. Il a les cheveux très bleus.
Erasme rage. Cyrius n'est plus là.

Rok Nardin - Nelheim

Lorsque la nouvelle d’un incendie se propagea jusqu’à mes oreilles, je fronçai les sourcils. J’avais envers le feu des sentiments ambivalents. Le feu réchauffait et assainissait mais il pouvait également se montrer destructeur et terrible. Certains sacrifices envers les Ætheri se faisaient par son biais. Cette théorie, durement acquise et fruit de mes petites expériences, ne m’aida pas à savoir quoi faire de l’information. Si les Dieux avaient décidé de nous sacrifier, je ne pouvais pas m’opposer à leur volonté. Chaque individu doit savoir accueillir la Mort comme une amie et rendre son corps pour acquérir la liberté de l’Esprit. Pourtant, je n’en étais pas là de mon développement philosophique. Cette histoire d’accueillir la Mort comme une amie était bien belle mais, personnellement, je n’avais pas l’intention de mourir maintenant, pas avant d’être devenu le plus grand chasseur de l’univers ! Je n’avais même pas d’Hozro ! Hors de question ! Ma position fut d’ailleurs appuyée par les agissements de la Reine. Si elle se battait contre les flammes, alors je devais faire comme elle. Elle était celle qui guidait notre peuple, celle à travers qui les Ætheri délivraient leur message. Le Dasäha'lhm'Melerdi avait ouvert la voie, en offrant ses vêtements à la cause. Le fait que je ne portasse qu’un pagne n’aiderait pas. Je passai une main dans mes cheveux en réfléchissant. Mes yeux se posèrent sur chaque élément du décor, jusqu’à un meuble qui contenait des tiroirs. J’en retirai un et me dirigeai vers le bassin afin de le remplir d’eau, tout en m’excusant mentalement auprès des Dieux. Depuis le début, je partais du principe que l’endroit était sacré.

Je continuai mon ouvrage jusqu’à l’intervention du Sorcier. Je fixai le cadavre au sol et le sang qui se répandait autour du feu. Je m’approchai de la morte afin de prier Ezechyel. Le fait qu’il n’y eût aucun Esprit dans cet endroit me rendait fébrile. Et si le Cycle ne s’opérait pas ? Et si son Esprit avait été réduit à néant ? « Qu’Ezechyel te reçoiHAAAA ! » Je m’écartai brusquement du corps. Ce dernier s’était relevé sous le commandement du blond. J’écarquillai les yeux, incertain. N’était-ce pas là une hérésie de jouer ainsi avec les cadavres ? Avait-il le droit ? Je fronçai les sourcils, murmurant entre mes dents quelques mots de façon si basse qu’il ne m’entendit certainement pas. « Les Dieux te puniront, hérétique. » Mon regard, noir comme du charbon, suivit l’homme jusqu’à ce que la porte s’ouvrît. Différents questionnements n’avaient cessé de fuser dans mon cerveau sur ce macchabé semblant être revenu à la vie partiellement. J’avais envie d’interroger la Hǫfðingi sur ce phénomène, lui demander s’il était normal, si ce n’était pas offenser les Ætheri que de jouer ainsi avec un corps trépassé. À mes yeux, le corps était sacré, comme celui d’un animal après avoir été tué. Il devait être traité avec égard, honoré avant sa consommation et utilisé en tout plutôt qu’en partie. Néanmoins, approcher la Reine me demandait un peu plus de courage que ce que j’avais en réserve.

Une fois revenu à la case départ, je pris connaissance d’un nouvel arrivant. Il m’intrigua, parce qu’il portait sur son front le signe qui se trouvait partout dans cet endroit mais pas seulement. J’avais l’impression que même si j’avais été aveugle, j’aurais pu le sentir. Il irradiait d’un éclat particulier et sa peau possédait une couleur semblable à la mienne. Un instant, je me dis qu’il aurait pu être mon père et, pour une raison inconnue mais sans doute due à son aura, je désirai ardemment que cette possibilité fût vraie.

Je suivis le groupe dans le couloir et, en voyant les deux chiens, je commençai à les observer avec attention, jusqu’à ce qu’un homme arrivât vers moi pour me serrer la main. Je n’avais pas l’habitude de cet usage et je me demandai ce que ça pouvait bien vouloir signifier. « Bonjour, Tekoa. » me présentai-je, incertain quant au fait qu'Aimé soit un vrai prénom, avant de suivre l’étrange homme des yeux. Je sentis mes morsures se résorber. Un bien-être certain m’engloba. Je souris mais ce fut de courte durée. À ce moment précis, je remarquai le Sorcier qui me fixait d’un air méchant. Je lui rendis son regard, prêt à en découdre une nouvelle fois s’il le fallait. Il valait mieux que je me trouvasse des alliés avant d’attaquer, afin d’être certain de lui régler son compte.

Alors que je fomentais un plan qui visait à encercler le Prince Noir à plusieurs et à l’attacher pour mieux lui mettre des claques, mes yeux se posèrent sur Léto, occupée à ramasser de l’or. Je me pinçai les lèvres et m’avançai, afin de l’aider. Moi aussi j’étais fort ! Enfin… Pas trop, mais je pouvais aider à mettre des débris dans le chaudron. En passant devant le Sorcier, je le fixai avec un air de défi.

808 mots
Tekoa aide à éteindre le feu et se pose des questions existentielles à cause du cadavre.
Il aide ensuite Léto à mettre de l'or dans le chaudron. La magie d'Aimé soigne ses morsures.

Les Portes III

Je regardai Léto détruire les canalisations. Finalement, c’était bien ça. Un sourire satisfait apparut sur mes lèvres. Il n’y resta pas longtemps car la pression sur mon estomac me surprit. J’écarquillai les yeux et tombai nez à nez avec une masse bleutée. Pour être franc, j’aimais qu’on me saute dessus. N’importe qui, n’importe quand. Cet inconnu venait de remplacer mon ciel et sa tête était bien plus attirante que le plafond du couloir. Là où il avait l’air de me connaître (et très bien), je n’avais aucune foutue idée de qui il était. Je n’avais pas pu l’oublier. Des cheveux aussi bleus, complétés par des yeux et une aura de la même couleur n’étaient pas oubliables. Alors… Qui était-il ? Il avait réussi à me faire sursauter, en plus, ce petit con.

« Doucement, tu ne voudrais pas que je te vomisse dessus quand même ? »

Je souris avec un air espiègle. Je rigolais à moitié. Je me sentais mal, même si j’allais déjà mieux étrangement, et un rien aurait pu faire basculer mon corps du côté obscur.

« Je pense que je ne vais pas trop mal. Ça pourrait aller mieux mais ça pourrait aussi aller pire. »

J’avais beau le regarder, je n’arrivais pas à me souvenir. Avait-on couché ensemble ? Était-ce l’un de mes anciens élèves ? Les réponses étaient affirmatives. Je me le tapais même bien plus que mes amants habituels. Je n’arrivais néanmoins pas à le remettre. Je savais juste que j’aimais beaucoup l’avoir sur moi. Son aura m’apaisait. C’était agréable, tellement que j’avais l’impression de me régénérer. Était-ce un Magicien ou un Génie ? Avec une magie aussi bleue, il n’y avait que ces deux possibilités. Je ne connaissais pas de Génie, pas que je sache. Les Magiciens… J’avais exploré les fondations d’un certain nombre mais…

« C’est vrai. Ça n’a pas trop l’air de te déranger d’ailleurs, que je sois à poil. »

Il n’avait même pas du tout l’air dérangé, juste naturel. Un Magicien qui me connaissait, avait l’habitude de me tutoyer et qui ne s’insurgeait pas de ma nudité mais qui, au contraire, me grimpais dessus sans aucun souci. Je n’avais pas beaucoup d’amis. J’aimais bien les relations de courtes durées, dans le style : rencontre, baise et séparation. Certaines personnes étaient des fréquentations plus routinières mais je les rencontrais juste pour tirer un coup, sans plus. Était-il une sorte de version masculine de Jil ? Il avait l’air assez actif. Mais Jil n’avait pas d’aura bleue. Elle n’était pas aussi puissante. Alors qui ?

Je le détaillai davantage lorsque l’une des jeunes femmes répondit à sa question. Je soupirai devant mon incapacité à dénicher son identité. Il pouvait être n’importe qui mais… J’étais trop vieux pour pouvoir me souvenir de toutes les personnes que j’avais rencontrées dans ma vie. Il devait avoir une meilleure mémoire que moi. En tout cas, je me sentais bien mieux maintenant.

Je vis le regard de Léto et haussai les épaules, pour lui signifier que je n’en savais pas plus qu’elle. Étais-je censé savoir quoi que ce soit ? Peut-être était-il lié à la magie de cet endroit ? Peut-être me confondait-il avec quelqu’un d’autre ? Il n’avait pas dit mon prénom après tout mais est-ce que c’était probable qu’un type qui me ressemblait se trimballe autant dénudé que moi ? Sans doute, surtout que je changeais beaucoup d’apparence. Il y avait des chances pour que je copie certaines silhouettes croisées ici ou là inconsciemment.

« C’est vrai. Moi aussi j’aime bien tes cheveux. »

Je souris d’un air malin avant de redresser mon buste. Mes mains se posèrent dans le bas de son dos.

« Dis voir… Je ne voudrais pas t’offenser mais je n’ai pas la moindre idée de qui t’es. Et je me demande si tu ne te tromperais pas un peu de ton côté. Comment je m’appelle, hein ? Dis-moi, qu’on soit fixé. Si tu trouves, tu auras le droit à un bisou. »

J’espérais qu’il n’allait pas mal le prendre. J’aimais assez le tenir comme ça. Heureusement, l’attention des autres fut sans doute bien plus attirée par la porte qui venait de s’ouvrir que par nous.

Une nouvelle voix s’éleva, m’indiquant qu’il y avait un nouveau type dans les parages.

« Allez, on y va. Tu me répondras en chemin. »

J’étais complètement régénéré. Je m’aidai de mes ailes pour me relever après avoir glissé mes mains sous ses fesses. Debout, j’espérai qu’il allait enrouler ses jambes autour de ma taille. Ce serait plus simple.

« T’es une sorte de koala maintenant. »

Je souris, n’ayant pas l’intention de le lâcher. Ça m’amusait et s’il s’était trompé de personne, il devrait réparer son outrage. J'avais plein d'idées.

« Je préfère cette pièce-là. »

Je l’avais indiqué en fixant les lieux, avant que mon regard ne s’ancre au blond qui venait d’arriver. Pas mal.

810 mots:

« Un incendie ? » Je clignai des yeux deux fois. « Dans une bibliothèque ? » Je tournai la tête vers Adam, comme pour chercher une quelconque négation dans ses yeux. Je fus néanmoins absorbé par les doigts de la femme la plus impressionnante dans mes cheveux. Je lui souris. « Merci. J’aime bien vos… » Muscles ? « En fait, je vous trouve jolie. J’aimerais être aussi musclé que vous mais… eh bien, on ne choisit pas son corps. » Je me mis à rire doucement, avant de tourner de nouveau le regard vers l’Alfare. « J’espère qu’il n’y a pas eu de blessés. Vouloir brûler une bibliothèque est si… stupide. » lâchai-je, en ne trouvant pas d’autres qualificatifs à un tel acte. Assassin aurait peut-être été trop fort, même si l’idée y était. Les vies humaines valaient toujours plus que quelques parchemins pour moi, même si la connaissance me paraissait précieuse. Elle pouvait se transmettre de génération en génération. Elle était comme sacrée. Les livres l’étaient, parce qu’il y avait toujours des réponses à l’intérieur de ces derniers.

Mes prunelles descendirent de nouveau sur Adam et je sentis mon corps basculer en arrière. Je me mis à rire. J’aurais pu crier « Encore ! » tellement ça me plaisait de jouer ainsi au cheval à bascule. Néanmoins, je ne dis rien, sachant que mon meilleur ami aurait pris mes paroles d’une façon détournée. Au lieu de quoi, je l’écoutai. Je souris et lui tapotai plusieurs fois l’épaule, prêt à lui dire d’arrêter de faire semblant de ne pas me connaître. Étais-je si embarrassant que ça au quotidien ? Huuummm… Peut-être bien. Comme si ça ne suffisait pas, de me retrouver à califourchon sur lui, je m’aperçus assez vite qu’il cherchait à se lever. « Waaa ! » fis-je, de plus en plus amusé. Je liai mes jambes et mes bras autour de lui, pour être bien accroché. « Il va falloir me trouver un nom dans ce cas. Tu vas m’adopter ? Tu vas te servir de moi pour draguer ? Je pourrais me laisser pousser les poils… Même si je ne garantis pas le résultat. »

J’attendis que nous fussions dans la nouvelle pièce pour m’écarter un peu. « Tu sais qu’on s’est déjà embrassé plusieurs fois, hein ? » Ne serait-ce que par défi ou parce que l’un de nous deux avait perdu un pari débile. « Hein ? Aaaadaaaam ! » dis-je, en lui posant mes deux mains sur les joues. Là, je lui fis un énorme bisou sur la bouche, bien bruyant. Je me mis à rire et me dégageai de son étreinte pour aller voir le nouveau venu. Je souris à Helsinki en passant devant elle et tendis la main au blond. « Bonjour ! Je suis Aimé ! Enchanté ! » Sa présence me calma légèrement, un court instant, parce que je sentis quelque chose en moi, comme une sorte de… J’ouvris la bouche, puis la refermai, ne sachant pas quoi faire de ça. « On se connait non ? » J’avais l’impression de connaître tout le monde. J’haussai les épaules, certainement mieux dans mon déni, et courus sauter sur le dos d’Adam. « Huuu Dadam ! »

Ash Graves - Coma

Je fronçai les sourcils en observant l’abruti que j’avais mordu plus tôt. J’allais le tuer. J’en avais affreusement envie. L’attacher, amener mes lèvres contre sa peau et le mordre jusqu’à ce qu’il n’en restât rien. Je ne le mangerais pas. Je recracherais à chaque fois. Je ferais une petite montagne de morceaux de lui. J’espérais que des individus tenaient à lui. Je leur enverrais ses restes. Je souris, en sentant la folie battre mes tempes. J’étais comme hors de la réalité. J’adorais lorsque le mal s’incarnait en moi. Je me sentais dans un état second. Qu’il s’amusât pendant qu’il le pouvait encore. Peut-être pas aujourd’hui, peut-être pas demain, mais un jour je le retrouverais et je lui tordrais le cou.

Au moment même où la porte s’ouvrit, je m’avançai afin d’y entrer. Je n’aimais pas être seul, sans Cyrius, mais je devais avancer. Coopérer avec les autres me semblait impossible. J’avais des envies macabres à leur égard. Les trop puissants poussaient ma frustration à son paroxysme. Les faibles me rappelaient que j’étais comme eux. Nous étions tous prisonniers de cet endroit mais la coopération était un choix pour lequel je n’avais pas l’intention d’opter. S’ils pouvaient tous mourir. Si je pouvais être le seul à m’en sortir. Cette possibilité fit germer un deuxième sourire sur mon faciès. Si cette hypothèse se produisait, sans doute deviendrais-je d’autant plus connu. Je désirais la gloire et le pouvoir.

Je passai devant le blond en prenant soin de le contourner, l’air de rien. Je n’aimais pas la tournure que prenaient les événements. La pièce, pourtant, était magnifique. Peut-être aimais-je l’art ? Oncle Cyrius essayait de m’y sensibiliser, avec une réussite toute relative. Ce que j’aimais dans l’art, c’était le tordu, le disharmonieux, l’effroi qui pouvait y être trouvé. J’adorais la mocheté, les lignes discontinues, les ratures, les déchirures. J’avais envie de les tracer sur des corps. Je m’arrêtai à côté d’une femme aux cheveux blonds et la regardai en silence.

841 mots
Aimé parle avec un peu tout le monde et colle Adam.
Erasme veut tuer tout le monde, va vers Helsinki, ne lui adresse pas la parole mais la fixe.