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Jun Taiji
✞ Æther de la Mort ✞

✞ Æther de la Mort ✞
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◈ YinYanisé(e) le : 02/02/2012
Jun Taiji
Dim 31 Mai 2020, 15:23

Odon Do Dur






Younes était en train de rentrer des champs. Quelques enfants aux ailes écarlates jouaient devant lui, sur le chemin. L’Orine qui vivait à Lumnaar’Yuvon depuis des siècles sourit, avant que ses poils ne se hérissassent sur sa peau. Il s’arrêta. Les gamins, eux, continuèrent. Il regarda autour de lui. Une brume étrange venait de se lever. Elle avançait rapidement entre les récoltes, les dévorant de son voile blanchâtre. En quelques secondes seulement, le paysage ne fut que brouillard. « Les enfants ? » appela-t-il. Il les entendait encore, plus loin. Il prit la hache qui se trouvait à sa ceinture et avança plus vite, jusqu’à mettre la main sur eux et, enfin, les rattraper. Ils devaient rentrer maintenant.

Brii, qui était en train de balayer l’extérieur de sa maison, leva la tête. Elle frissonna. Elle pouvait le sentir, quelque chose se passait, quelque chose qu’elle n’arrivait pas à expliquer. Alduin apparut à l’embrasure de la porte. Son mari fixa le paysage qui se voilait. Il était torse-nu, une énorme cicatrice barrant sa poitrine. « Alduin… » murmura sa femme. L’homme plissa les yeux. Son instinct lui dictait qu’il valait mieux rentrer mais la situation n’était pas rassurante. « Allons chez Erza. » « Elle n’est pas là. » « C’est pas grave. C’est là que les autres iront. »

Hugh était en train de chanter une chanson paillarde dans l’une des tavernes de Lumnaar’Yuvon, une pinte de bière à la main, une femme sur les genoux. Il ne fallait pas s’y fier, cette dernière était une guerrière imposante qui aurait tôt fait de le castrer s’il faisait quelque chose qui ne lui plaisait pas. Les oreilles percées, celles-ci arboraient fièrement les os des quelques Goleds qu’elle avait tués lors de leur dernier combat. Sa musculature était imposante. Elle lui prit sa chope et but dedans avec un air de défi dans les yeux. Il sourit à son tour, l’air de dire qu’il allait la niquer, très prochainement. Pourtant, leur petit jeu fut interrompu par l’arrivée d’un homme. Lorsqu’il ouvrit la porte, un peu de brouillard entra dans la salle surchauffée. Il s’avança. C’était un étranger, personne ne le connaissait. Pourtant, aucun Réprouvé n’osa bouger. Le silence s’installa. Il s’arrêta au bar, sans enlever l’immense capuche qui couvrait sa tête. « Une bière et du fromage. » commanda-t-il, en lâchant une bourse sur la table. Elle tomba en poussières et dévoila son contenu. En temps normal, tous se seraient ligués contre l’intrus. Ce n’était pas un temps normal.




« C’est vrai ce qu’on dit. » lâcha l’Impératrice des Deux Rives. « Et qu’est-ce qu’on dit ? » « Que t’es aussi bien gaulé que ton cheval. » Elle ricana, fière de sa phrase. Il lui sourit d’un air flatté, même si tous les deux savaient qu’ils étaient ennemis. Rien ne valait une bonne levrette pour détendre l’atmosphère. La jeune femme posa son verre et l’assiette qui contenait de la charcuterie sur la table de chevet. Elle passa doucement sa main sous l’oreiller, l’air de rien, avant de se jeter sur le brun. Elle cala sa dague contre la jugulaire de l’ambitieux, un sourire carnassier aux lèvres. Contre toute attente, il se mit à rire. Il fit courir sa main sur son bras dénudé – en fait elle était totalement nue – lui attrapa les cheveux et serra sèchement. Ils se toisèrent, comme deux animaux sauvages prêts à s’abattre. Il finit par l’embrasser brusquement, avant de lui déclarer : « Si tu avais vraiment voulu me tuer, tu n’aurais pas arrêté l’arme à l’orée de ma peau. » C’était vrai. Ça n’avait aucun sens stratégique et les Réprouvés ne s’attardaient généralement pas sur des mises en scène. Lorsqu’ils voulaient tuer, ils tuaient, ils ne s’arrêtaient pas au milieu du chemin pour menacer ou narguer l’autre. Il n’y avait que dans les jeux que cela se produisait. Certains avaient un orgueil mal placé mais, généralement, ceux-là ne survivaient pas bien longtemps. La Reine fit craquer son cou et caressa la peau d’Atthirari. « C’est vrai. Je te l’accorde. Je n’ai pas envie de te tuer. Pas tout de suite. » Pourtant, la lame s’enfonça dans son flan. Oh ce n’était pas une blessure profonde, il saignerait, aurait une cicatrice mais s’en remettrait. Comme il faisait même partie des Réprouvés de Stenfek, sans doute utiliserait-il la Magie Blanche, ce pouvoir de couards, pour se soigner et garder une peau lisse. Il avait tout de même émis un râle. Sa prise sur les cheveux de la blonde s’était aussi raffermie. Elle essaya de lui envoyer son poing dans la gueule pour le faire la lâcher mais il para et la propulsa au sol. Il tomba avec elle. Elle tenta de se relever. Il l’attrapa par les épaules et la retourna. « Maintenant qu’on s’est amusé, on va peut-être parler de ce qui t’a amenée ici. Je veux obtenir l’indépendance de Stenfek. » « Et moi je veux mon poing dans ton cul. »

Ils auraient pu continuer comme ça longtemps mais quelque chose éveilla leur instinct. Les doigts d’Atthirari lâchèrent les cheveux de la Reine et celle-ci se redressa. Ils se dirigèrent tous les deux à la fenêtre et sortirent sur le balcon. Le sang de l’homme goutta par terre et tâcha la pierre. En bas, la foule était regroupée. Pourtant, celle-ci avait laissé une bande d’au moins trois mètres de large au milieu de la rue principale. Un homme encapuchonné était en train d’avancer. Le silence régnait. La brume l’accompagnait.




C’était un matin comme un autre. Quelques cadavres étrangers avaient été retrouvés dans le port. Personne n’en avait rien à faire. Ils étaient étrangers et, s’ils étaient morts, c’est qu’ils le méritaient. Les affaires de la pègre n’étaient pas à prendre à la légère et il valait mieux ne pas se mêler de ce genre de choses. Les commerçants en parlaient dans les marchés, entre deux évidages de poisson et échanges de biens. On discutait encore des morts qui s’étaient relevés mais les plus gros sujets restaient le Génocide démoniaque et la prise de la Terre Blanche par les Sorciers. Parce que, à n’en pas croire, ce qu’un Réprouvé détestait plus qu’un Démon, c’était bien un putain de Sorcier. Alors, si tout le monde se réjouissait des pertes chez les premiers, personne n’était bien jouasse de savoir qu’ils avaient perdu l’ancien territoire angélique au profit de ces lâches puants. Malgré l’odeur de poisson, de viande crue, de vomi et de pourriture, quelque chose d’autres s’insuffla dans les narines des habitants de Sceptelinôst. Entre les étales, un homme passa, silencieux. Sa tête était à moitié couverte pas une capuche. Derrière lui, à quelques mètres au-dessus du sol, un corbeau volait. « Boholt’Kein… » souffla une vieille femme qui semblait avoir traversé autant d’Ères que son visage comportait de rides.  




« Tu le sors quand de ton bide ton gamin, hein ? Tu me soûles putain ! » se plaignit Erek. Le Démon commençait à en avoir sa claque de partager son pieu avec une nana qui prenait toute la place. Elle ne voulait même plus qu’il lui tripote les seins, alors que ceux-ci avaient doublé de volume. « Ferme-la et respecte-moi ! C’est moi qui ai un parasite dans le ventre, pas toi ! » « Ouais bah tu prends toute la place et je suis fatigué pendant les entrainements ! » « T’as qu’à dormir par terre, du con, si je prends toute la place ! Ou trouve-toi une autre poule pour dormir avec toi ailleurs. J’ai pas besoin de toi ! » Un rictus agacé courut sur les lèvres d’Erek. « C’est mon fils que tu portes alors fais pas chier ! » « Déjà c’est l’enfant de Priam, de un, et de deux, il a pas besoin d’un père aussi con que toi ! » « Grognasse ! C’est d’une mère comme toi qu’il n’a pas besoin ! » Elle essaya de se lever. Malgré la taille de son ventre, elle semblait décider à l’écorcher vif. « Répète un peu pour voir ! Je vais t’arracher les testicules et les donner à manger aux cochons, tête de gland ! » lança-t-elle, incapable de mettre ses menaces à exécution. Le Démon se mit à rire pour lui montrer qu'elle était réellement impuissante et qu'elle avait beau parler, il n'en avait strictement rien à foutre. Même si ce n'était pas forcément vrai, c’était toujours jouissif de profiter de la faiblesse d’autrui. Elle prit sa hache et l’envoya dans sa direction sans aucune pitié. Il l’évita, fit une grimace, la traita de salope – mais avec des mots Réprouvés beaucoup plus durs que ça – et sortit de la pièce. Dire que cette conne avait été jusqu’à Amestris pour la Coupe des Nations. Les Zaahin avaient dû un peu trop boire ce jour-là.

Quand il fut dehors, Erek fit quelques pas. Il tilta rapidement que le camp d’entraînement était bien trop silencieux. Il attrapa son marteau. Il y avait de la brume. Les poutres qui servaient à faire du renforcement musculaire étaient toutes par terre. Il plissa les yeux et sortit ses ailes. Elles lui seraient utiles s’il devait être amené à se défendre. En tant que fils de Réprouvés, il n’utilisait pas la magie mais ses protubérances dorsales étaient une arme de laquelle il ne pouvait pas se passer. Brièvement, son regard croisa une ombre qui s’éloigna. Tout ceci n’était pas normal…  




Lumnaar'Yuvon | Une réunion s’était tenue devant la maison de l’Impératrice des Deux Rives. Les discussions importantes, en l’absence de la Reine, se faisait toujours en public. Les Réprouvés, mais plus encore Lumnaar’Yuvon, vivaient selon des mœurs collectivistes. Le groupe prévalait sur l’individualité. Chaque homme et chaque femme avaient le droit de s’exprimer. Pourtant, personne n’avait su quoi faire. Les discussions étaient vaines. Personne n’osait se positionner sur l’expulsion de l’étranger. Le temps avait passé et les esprits s’étaient peu à peu habitués à sa présence et la brume. Chacune de ses apparitions restait étrange et les Réprouvés s’étaient tournés vers les Zaahin. Aucune réponse n’avait été donnée. Zel’Eph n’était pas sur place. Paaz Kiin’Din n’avait plus été aperçue depuis longtemps. Comme une continuité inexpliquée, les festivités et les sacrifices avaient commencé à se multiplier. Tout le monde savait qu’il se passait quelque chose mais personne ne savait quoi. Les guerriers entamèrent des duels et tous furent bientôt convaincus que l’avenir de leur peuple se jouerait bientôt, dans la sueur et le sang. Le septième jour, tous disparurent. Lumnaar’Yuvon fut déserté par les hommes. Les Bicornes et les Cerfeuils continuèrent pourtant de brouter tranquillement.

Stenfek | Rites funéraires | Les espions avaient averti Erza que personne, jamais, n’avait vu cet homme avant. Ils avaient parlé devant Atthirari, ce qui prouvait bien qu’elle et lui étaient devenus proches. « Que vas-tu faire ? » « Lui parler. » « S’il veut bien t’entendre. » L’Impératrice des Deux Rives fixa l’indépendantiste avec un air suffisant. « Ne comprends-tu donc pas ? » « Comprendre quoi ? » « Les anciens murmuraient il y a quelques jours à peine qu’il s’agissait de Boholt’Kein, à cause du corbeau, mais lorsqu’un Réprouvé lui a demandé son nom, il a dit qu’il se nommait Lok’Silus. » Le brun avait compris, en côtoyant la Souveraine, qu’elle était loin d’être aussi primaire que ce qu’elle voulait bien laisser paraître. « C’est le moment, Atthirari. » Le silence s’installa entre eux. Il le brisa. « Certains pensent que nous allons tous basculer dans la Dilon. » Il s’agissait de la strate qui se trouvait après la Vie, selon les mœurs du peuple. « Ce serait la fin. » « Tu y crois ? » « Je ne sais pas quoi croire, Erza. Personne ne sait rien. Ses apparitions sont fugaces. Sceptelinôst est plongée en pleine orgie, d’après ce que j’ai entendu dire. » « Dommage que nous soyons ici. » plaisanta-t-elle. « Je ne rigole pas. C’est sérieux. Et si nous quittions tous la Laas pour la Dilon ? » Elle se tut.

Les jours suivants furent consacrés à des recherches. Les Réprouvés consultèrent les ouvrages, essayant de trouver des indices dans les écritures. Rien. Tous furent invités à se confiner et à se tourner vers les Zaahin. L’ambiance était de plus en plus lourde et étrange, entêtante et dérangeante. Le septième jour, Erza descendit les marches du palais et se planta devant sa grande porte, attendant Lok’Silus. Le premier jour, il avait disparu alors qu’il se trouvait en bas des marches. Le dernier jour, il fit son apparition, guidé par une sorte de procession. Lorsqu’il fut en face de la Reine, Stenfek se vida de tous les Réprouvés et de leurs enfants.

Sceptelinôt | Jason | Jason était drogué. Le Réprouvé marchait dans les rues de Sceptelinôst. En sept jours, la Ville de la Pègre s’était métamorphosée. Plus personne n’était allé pêcher. Les marchandises des étales étaient toutes par terre, entre des corps en sueur qui puaient le poisson et le foutre. Le brun était passé par là également. Lok’Silus semblait être à l’origine de cette orgie et de tout ce qui l’entourait. Tous avaient la conviction qu’ils vivaient là leurs derniers instants et qu’ils devaient honorer la Vie avant de passer dans la strate de la Mort. Les excès s’étaient multipliés. Pourtant, il n’y avait pas que ça qui faisait vibrer les cœurs. Il y avait autre chose, quelque chose d’inexplicable, quelque chose qui marquerait la fin de l’ancien monde et le début d’un nouveau. Le Pardon viendrait du Ciel, peut-être. Jason posa les yeux sur des corbeaux qui marchaient sur un cadavre. Ce n’était pas un Réprouvé. Aucun Réprouvé n’était mort depuis l’apparition de l’homme encapuchonné. Certains avaient essayé de lui parler mais il avait le plus souvent disparu dans la brume. Des rumeurs circulaient. Il ne faisait aucun doute pour le peuple en son entier qu’il s’agissait d’un Zaahin. Le septième jour, tous disparurent.

Gona'Halv | Erek para le coup d’un Ange, enfant de Réprouvés. Depuis des jours, les entraînements ne se relâchaient plus. Ils combattaient à toute heure du jour et de la nuit. Le sommeil finissait par les faire tomber. Ils ne s’arrêtaient que pour se nourrir, boire ou déféquer. Le reste du temps, l’épuisement seul les arrêtait. Za se battait aussi. Tout le monde, même si cela signifiait le faire depuis le sol. Les guerriers se préparaient. Ils se préparaient à la plus grande guerre de tous les temps et, tout ici, espérait y survivre et devenir un Zaahin. Le septième jour, ils disparurent.

Ailleurs | « Tu as entendu parler de ce qu’il se passe chez les Réprouvés ? » « Non, quoi ? » « Je ne sais pas trop. Mon père est rentré de Sceptelinôst les mains vides. Personne n’a voulu lui vendre quoi que ce soit et… curieusement il n’était pas en colère. Quand il est revenu, il a parlé d’une brume mystique et d’une ambiance envoûtante. Il a bafouillé une histoire de Pardon d’un ton perdu. Il lui a fallu une bonne nuit de sommeil pour retrouver un comportement normal. Ma mère n’a pas arrêté de le questionner sur le sujet, il s’est contenté de lui dire d’attendre et qu’elle verrait… » « C’est bizarre… »

Jaal’Akim Kogaan’Orel - Roi des Lyrienns | « Kraal ! » Jaal’Akim tourna la tête vers son espion. Il attendait ce rapport depuis le matin. « Est-ce vrai ? » demanda-t-il calmement. C’était un homme pragmatique. Les tensions entre la Royauté et l’ensemble des îles s’étaient apaisées mais il en restait, bien entendu, entre les différents Lyrienns. Le sujet le préoccupait, même si le cas des Réprouvés avait attiré toute son attention depuis la veille. « Il semblerait qu’il se passe quelque chose, oui. Les Réprouvés agissent d’une façon inhabituelle… Des sacrifices d’animaux ont été faits, ils ont pratiqué des orgies, arrêté de travailler pour s’entraîner au combat. » « Doit-on craindre une guerre à venir ? » « L’Impératrice des Deux Rives est toujours à Stenfek. Rien n’indique qu’elle vise notre peuple, ni qui que ce soit d’autre. » « Alors de quoi s’agit-il ? » « Je ne sais pas. Personne ne sait. Un homme étrange est apparu simultanément dans toutes les régions mais je ne l’ai pas vu. Personne ne l’a vu hormis les Réprouvés et leurs enfants, qu’ils soient Anges ou Démons. » « Curieux… » Jaal’Akim fixa l’homme. « Tenez-moi au courant dès que vous aurez du nouveau. Il faut suivre cette affaire de près. Je doute qu’ils nous attaquent mais il vaut mieux être prudent. » « Oui mon Kraal. » Quelques jours plus tard, l’espion revint afin d’informer le Roi de la désertion de Stenfek mais il ne le trouva nulle part. Jaal’Akim avait disparu. Il était l’un des Élus.




Erza était au côté d’Atthirari. Devant eux, perché sur un muret, se tenait la silhouette encapuchonnée. Lok’Silus était silencieux. Personne ne bougeait. Personne ne parlait. Et pourtant… Pourtant, derrière lui se tenaient six millions de Réprouvés, leurs Enfants et des Élus. Il n’y avait pas un bruit, qu’une brise légère et matinale qui venait caresser la peau, durcie par le combat, des Bipolaires. Le paysage était somptueux mais tous savaient qu’il recelait un mystère.

Peu importe ce qu’ils faisaient avant de venir ici, chaque homme, chaque femme et chaque enfant portaient actuellement une armure de cuir, légère. Chaque individu était armé. Deux traits de terre séchée, horizontaux, recouvraient leur front. L’Impératrice des Deux Rives regarda à sa droite. Zel’Eph se tenait là, fixant ce que tous savaient être un champ de bataille. Elle tourna la tête vers la gauche. Elle repéra Paaz Kiin’Din. Entourée de ses deux parents, elle se sentait d'autant plus forte. Plus elle détaillait les figures de la première ligne de front, plus il lui semblait que tous les Zaahin étaient présents, eux et les animaux les représentant. Soudain, elle sentit monter en elle une envie. Elle sortit ses armes et commença à les frapper entre elles, dans un bruit régulier reprit par tous les combattants. Ses lèvres se délièrent et un chant qu’elle ne connaissait pas précédemment en sortit. Elle n’avait jamais appris les paroles mais c’était comme si celles-ci se trouvaient dans son cœur depuis toujours. Quand sa bouche se lia à nouveau, la cape de Lok’Silus tomba à ses pieds, révélant un homme de dos. Il tendit les bras, faisant apparaître dans ses mains deux haches. Sa voix résonna, puissante, entendue par tous, même à des kilomètres de là. « YURGAA LOS DILON ! » Les mots furent répétés par les combattants. Il sauta par-dessus le muret et s’élança dans la plaine. Le ciel changea de couleur. Jusqu’ici ensoleillé, de terribles nuages semblant faits de cendres, de sang et de flammes y apparurent. Le vent souffla. Le tonnerre gronda. Erza, après un coup d’œil à l’indépendantiste, s’élança à son tour.

Sur la terre encore sèche, des créatures ne tardèrent pas à apparaître, des guerriers de tous les horizons, des géants aux dents tranchantes, des Goled enragés ainsi que des combattants semblant, eux-aussi, pouvoir s’ériger au rang de Zaahin. Les Réprouvés, leurs Enfants et les Élus n’avaient aucun bouclier. Ils n’avaient que des armes. Tous le savaient : ils devaient tuer, car là serait leur dernier combat. Les lames s’entrechoquèrent une première fois et les premiers cris de guerre furent lancés en même temps que les cris de douleur. Tous ici savaient qu’ils se battaient pour quelque chose de bien plus grand qu’eux, quelque chose qui les surpasseraient et marquerait les Ères à venir.

Za et Erek se regardèrent. Jaal'Akim, Brii, Alduin et Hugh se trouvaient non loin. Les yeux de Jason étaient déterminés. C’était maintenant ou jamais. Les Zaahin les regardaient. Les Zaahin étaient à leurs côtés. L’un des pieds de Lok’Silus s’abattit sur le flan d’un ennemi. Il accompagna sa chute, tranchant son cou de la lame aiguisée de sa hache. Ils avaient beau en tuer, les ennemis semblaient toujours renaître, par milliers. Ça n’avait aucune importance. Throu Yurgaa los Dilon. Combattre jusqu’à la Mort. Il n’y avait aucune place pour la peur. Ils savaient que s’ils mourraient, aucun d’eux n’irait au Dukaan.  

Dans la force et l'honneur,
J'annihilerai le fardeau des miens




Za abattit le marteau qu’elle avait trouvé dans la chair d'un cadavre sur la créature. Elle était épuisée mais le combat devait continuer. Cette volonté de se battre était comme un flux vital. Il courrait dans ses veines. Il la poussait, toujours plus loin, toujours plus haut. Meurtre après meurtre, la soif ne s’étanchait pas. Elle devait prouver sa force et sa détermination. Le combat était comme une danse de sueur et de sang, de douleur et d’élans. Elle continua, ses cheveux collant à sa peau humide. Le bébé n’était pas un poids. Elle le sentait, il se battait avec elle, à l’intérieur de son ventre. Il luttait, se transformait, embrassait pleinement la cause. Il l’embrassa jusqu’à ce que sa mère ne tombe, à son tour, comme des milliers d’autres avant elle. Tous tomberaient aujourd’hui, même la Reine qui s’illustrait, plus loin. Son corps entier avait été repeint du sang des ennemis de son peuple. Et elle avançait entre les cadavres, qu’ils soient froids ou qu’ils soient chauds, inébranlable.

Lorsque Za sentit son dernier souffle la saisir, elle sentit également que là n’était qu’un renouveau. Elle se laissa bercer par la Mort et celle-ci, étrangement, ne vint jamais la chercher. Au lieu de quoi, la Réprouvée se retrouva debout, dans la nature bordant le camp d’entraînement de Gona’Halv. Ses ailes étaient déployées dans son dos, une blanche, une noire. C’était fini. Ça commençait. Elle était épuisée.

3629 mots

Explications


Bonjour ♪

Tout d'abord, ne faites pas attention au post de Djinshee après le mien, elle a trollé 8D /sbaf (enfin lisez le si vous voulez mais ça n'a rien à voir avec l'Event ^^).

Ensuite, l'Event est ouvert aux comptes suivants : Sol ; Orion ; Priam ; Bellada ; Aliénor ; Isahya ; Astriid ; Deccio ; Daé ; Léandra ; Jämiel ; Nostradamus ; Aleran ; Dhavala ; Vanille ; Lexa ; Aria ; Mancinia ; Djinshee ; Latone ; Kitoe ; Kaahl ; Ultan ; Ralph ; Miles ; Adam ; Kyndra ; Circe ; Kjell ; Babelda.

Bon y en a qui ont voté avec leurs DC mais ce n'est pas la peine. Voter une fois permet de participer avec tous les personnages qu'on possède ;D Pour ceux qui ont fait 60 votes et plus, vous avez le droit au pass VIP. Il vous permet d'avoir une réduction de mots pour 2 personnages à vous (vous choisissez lesquels). Je mettrais la liste avec les gains, en dessous ^^

Au niveau du RP. C'est un Rp qui fait avancer l'intrigue des Réprouvés mais il est ouvert ^^ On part sur trois mois entier de full Réprouvés avec intervention extérieure. Ensuite Jil et Vanille prendront le relai sur un thème qu'ils choisiront et, ensuite, ce sera de nouveau mon tour. Je ferai sans doute comme actuellement, c'est à dire choisir une race pour 2 ou 3 mois et faire avancer l'intrigue. Comme ça, ça tournera. J'en profite pour dire qu'après les 3 Event, je n'en referai plus pour les Réprouvés de l'année (et sans doute plus l'an prochain non plus). Je pense que la race a une bonne dynamique, les joueurs à l'intérieur sont chauds pour faire des tranches de vie en événement et c'est cool ! Donc ça reposera gentiment et, de toute façon, si vous avez envie de faire des événements plus marquants, vous pourrez sans souci. Je referai la fiche de race également pour y inclure les changements importants. Les Réprouvés sortiront donc de ces trois mois tout beau tout propre ^^

N'hésitez pas à aller lire la fiche de race + le sous-forum pour plus de compréhension ^^

Jour 1 : Ça concerne surtout les Réprouvés, leurs Enfants (je les inclurai dans le terme "Réprouvés") et les étrangers qui sont sur les quatre territoires (Lumnaar'Yuvon, Gona'Halv et, plus ouverts au public : Stenfek et Sceptelinôst). En gros, un type encapuchonné apparaît. Il a une puissance plus que significative. La brume l'accompagne et englobe les territoires. Un corbeau le suit aussi. Il peut faire penser au Zaahin Boholt’Kein, qui est l'équivalent de Sympan. Toutes les interprétations sont possibles mais personne ne sait rien. Il se passe la même chose sur les Terres Glacées aussi mais vu qu'il n'y a aucun PJ là-bas à part moi, j'ai pas développé. Je vous ai mis plusieurs liens dont des liens vers mes PNJ. C'est simplement pour que vous puissiez voir leur tête si ça vous intéresse à la lecture XD

Jour 2 à 7 : Ça concerne tout le monde. J'ai décrit dans chaque paragraphe ce qu'il se passait un peu partout. Les personnes extérieures vont entendre de drôles de rumeurs sur ce qu'il se passe chez les Réprouvés, notamment à Sceptelinôst et Stenfek. Ça peut faire se questionner les gens, peut-être même les faire se déplacer. Si votre personnage est un Réprouvé, bien évidemment, il vit le truc à fond. Pareil s'il vit ou est en voyage sur les territoires en question. S'il n'y est pas, il va entendre des rumeurs, des bruits. Certains peuvent juste remarquer que c'est bizarre mais d'autres vont sans doute penser que les Réprouvés se préparent à entrer en guerre. Je vous ai fait deux illustrations. Pour information, Jaal'Akim est l'actuel Roi des Lyrienns. C'est un ancien Réprouvé. Il a été transformé avant l'Ère de la Conciliation. Le nom du type encapuchonné fuite : Lok'Silus. Aussi, pour les Réprouvés et les Élus vous sentez clairement en vous que quelque chose se prépare. C'est présent dans vos tripes. Le septième jour, TOUS les Réprouvés disparaissent ainsi que les Élus.

Jour 7 : C'est le jour de l'apocalypse 8D En gros, dans l'IRL du personnage, ça ne dure qu'une seule journée. Il disparaît totalement, se volatilise. Néanmoins, dans son "imaginaire" (je dis imaginaire parce que personne ne saura où il a été exactement), la bataille va durer des jours voire des années pour les personnages les plus puissants. C'est un combat de titan avec des ennemis toujours plus nombreux et déterminés. Par contre, il n'y a plus vraiment de besoins vitaux. C'est comme si c'était un combat éternel, que votre personnage ne pouvait faire que ça, enchaîner les mouvements, les ennemis, être blessé mais se relever et, ce, jusqu'à la mort. Ce sera l'occasion parfaite de vous entraîner au rp combat 8D Les Zaahin sont présents sur le champ de bataille également. Pour rappel, les Réprouvés ne croient pas aux Dieux. Le plus souvent, ils érigent des Mortels en tant que Zaahin, qui sont de grands Héros, des modèles à suivre et à qui ils vouent une adoration et un grand respect. Boholt’Kein est bien plus mythologique que les autres. Après, concrètement, il y a deux Zaahin encore "vivants", qui sont Zel'Eph, le chef des armées, ancien Roi, et Paaz Kiin'Din, sa femme (qui est Edewyn en fait). Bon ne jouez pas mon personnage mais vous pouvez dire que vous la voyez au loin. Pareil pour Zel'Eph etc ^^

Après : Une fois que votre personnage va mourir, il va réapparaître là où il se trouvait auparavant, debout, une aile blanche et une aile noire déployées dans le dos (même si ce n'est pas un Réprouvé, même si c'est un Kiir'Saqhon et même si c'est un Humain, par contre, pour les Humains, vous garderez les ailes et ça sera chiant à se trimballer et pour pouvoir voler avec faudra 25 pts d'agilité et 25 pts de force 8D). Il va ressentir, quelques minutes ou heures après une grosse fatigue et ira sans doute dormir. Tout le monde va se rappeler du combat. Personne ne l'oubliera. Tout ceci va énormément questionner dans les jours qui vont suivre. Tout le monde sait qu'il s'est passé quelque chose mais personne ne sait quoi exactement. Il faudra attendre les premières naissances pour le savoir : la malédiction que Sympan avait lancée sur les Réprouvés à la fin de l'Ère de la Renaissance du Dieu Roi Partie III a été levée. Les Réprouvés redeviennent donc aptes à engendrer des Réprouvés, et non plus uniquement des Anges ou des Démons. Idem, pour ceux qui auraient encore des malus d'Event dans leur fiche, vous pourrez demander à les faire retirer. Outre les questionnements, les Réprouvés feront sans doute la fête, d'autant plus lorsque les premières grossesses vont arriver à termes et qu'ils vont découvrir le truc. C'est complétement inespéré pour eux. Pour les étrangers, vous vivrez le retour d'expérience comme vous voudrez. Les autres races vont s'interroger sur le phénomène également. La rumeur concernant les nouveaux-nés va forcément filtrer.

Chronologie : Le jour 1 commence à peu près deux semaines après la fin de la CDN des Sorciers et après la CDN des Déchus que Jil postera sans doute aujourd'hui. L'événement dure 7 jours en tant que tel et ensuite vous récupérez en autant de temps que vous voulez. À savoir qu'il y aura une ellipse d'un mois sur le territoire des Réprouvés entre la fin de cet Event et le début du prochain.

Vous pourrez poster dans ce rp jusqu'au 30 juin 23h59

Gains


Pour 3000 mots minimum (qui concerne la liste que j'ai nommé ci-dessus) :
- 2 points de spécialité au choix
- Le titre réprouvé : Kendov do Silus | Guerrier du Pardon
- Une paire d'ailes blanche et noire
- Le droit de passage sur les territoires réprouvés
- Une habitation sur l'un des territoires réprouvés au choix [Sceptelinôst, Stenfek, Gona'Halv ou Lumnaar'Yuvon]
- Pardon : Ce pouvoir permet à votre personnage de se faire pardonner lorsqu'il commet une faute (comme d'habitude : en fonction de ses spécialités et de celles de celui sur qui le pouvoir est exercé).
- Un bicorne ou un cerfeuil, en compagnon animalier avec 7 pouvoirs ou en PNJ
- Un marteau de guerre, une hache ou une épée
- La popularité nationale réprouvée

- Pour les personnages qui ont 20 et plus en charisme et minimum 15 en force et en agilité, le début du chemin pour être un Zaahin. À la suite de ce rp, qui comptera comme le premier, vous devrez faire dix rps POUR les Réprouvés qui illustreront l'engagement de votre personnage pour ce peuple ou des exploits de guerre (se battre pour les Réprouvés contre des Goleds par exemple, aider aux constructions à Gona'Halv etc).

La même chose pour 1500 mots minimum, sur deux personnages au choix pour : Priam - Sol - Orion - Isahya - Astriid - Deccio - Daé - Léandra - Djinshee - Kitoe. Bien sûr, vous pouvez le faire avec plus de deux personnages mais le barème des 3000 mots minimum se réinstalle ^^

Si vous avez des questions, n'hésitez pas ^^

Force et Honneur  [Event Top Sites] - Odon Do Dur  002
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Dim 31 Mai 2020, 17:11

Zoé
Odon Do Dur
Zoé se réveilla en sursaut. Que venait-il de se passer ? De quoi avait-elle rêvé ? Elle n’en savait rien. Elle ne se souvenait plus. Quand elle ne se souvenait pas, la Réprouvée estimait que ce n’était pas important. Malgré sa réaction, elle estima que cette fois-ci n’était pas plus importante que les autres car dans tous les cas, elle n’avait fait qu’un rêve et les Zaahin savaient que les personnes qui essayaient d’interpréter les rêves n’étaient que des chochottes parfaitement indignes de porter le nom de Réprouvé. Zoé n’était pas ce genre de tapette. Elle voyait plutôt en ce réveil l’avantage d’être déjà presque debout. Efficace. Si ça pouvait lui arriver plus souvent, elle ne perdrait jamais des heures à sortir de son lit et pourrait faire tellement plein d’autres choses bien plus intéressantes que de juste larver comme une vieille souche fripée et pleine de gras. Elle pourrait par exemple prendre le temps de s’occuper de son bateau d’amour. Ce dernier avait bien besoin d’un coup de jeune depuis quelques temps. Zoé se leva. Bon, bah c’est ce qu’elle allait faire, tiens. Redonner un coup de jeune à son bateau d’amour. Entretenir le pont, nettoyer la coque et refoutre un coup d’enduis dessus pour protéger le bois. Elle n’avait rien prévu à l’avance, mais elle s’en foutait. Elle était déterminée, maintenant. Alors elle s’habilla et sortit. La lumière du matin était rasante et chaleureuse. Elle laissa les rayons réchauffer sa peau tandis qu’elle se dirigeait vers les habitations de son équipage. Gona’Halv était encore endormie. Sauf les soldats et le camp militaire. Les Kendov s’entrainaient depuis au moins une heure ou deux déjà. Zoé les voyait courir un peu plus loin. Elle s’attarda un peu. Bientôt, ça serait son tour. Elle n’appréhendait pas trop ce passage, même si elle savait que ça serait difficile. C’était ce qu’il fallait pour mériter la réputation et la considération de son peuple.

Zoé reprit la route. Les maisons de ses marins n’étaient pas loin. Elle arriva au porche de la première et frappa sans ménagement à la porte. Zull était le plus exemplaire de ses trois moussaillons, celui avec qui elle s’entendait le mieux. Elle avait préféré commencer par lui car elle savait qu’il serait celui qui rechignerait le moins à la suivre et qu’il pourrait plus facilement convaincre les deux autres ensuite. Quand Zull ouvrit la porte, il était presque nu. Il venait visiblement de se réveiller.

-On va au bateau.

-Tout ce que je sais, c’est que tu devrais t’inscrire à l’événement des bisous.

Zoé cligna des yeux et fronça des sourcils. Elle ne comprenait rien à ce qu’il racontait mais le mot « bisous » avait déjà le pouvoir de la soûler.

-Bon allez, arrête tes conneries, habille-toi et on y va. Faut aller réveiller les aut’.

Il acquiesça et disparut derrière la porte, la laissant légèrement entrouverte pour qu’ils puissent continuer à discuter.

-Tout ce que je sais, c’est que tu devrais t’inscrire à l’événement des bisous.

-Mais gast, la ferme. Pourquoi tu dis ça ? C’est quoi ct’histoire ? (gast = putain)

Lorsqu’il réapparut, il était prêt. Zoé tourna les talons et il la suivit.

-Tout ce que je sais, c’est que tu devrais t’inscrire à l’événement des bisous.

-C’est pas bien fini oui ? Tais-toi dont, t’es arrivé innocent main’nant ? (t'es devenu débile maintenant ?)

-Tout ce que je sais…

-Tais-toi ! J’ai compris.

Et ça l’inquiétait franchement. L’événement des bisous ? C’était quoi ces conneries encore ? Est-ce qu’il avait bu ? Est-ce qu’il était drogué ? Elle lui demanderait plus tard, quand il aurait jugé bon d’arrêter de répéter en boucle la même phrase débile. Arrivant à la deuxième maison, elle toqua. Celui-ci vivait avec ses parents, mais ça ne faisait rien. Ils n’étaient pas chiants. Le garçon lui ouvrit.

-T’es prêt ? On va au bateau.

-Tout ce que je sais, c’est que tu devrais t’inscrire à l’événement des bisous.

-Mais gast, vous êtes tous rendus torr-penn par ici ou quoi ? (torr-penn = casse-pieds) S’écria-t-elle en regardant consécutivement les deux membres de son équipage, qui n’avaient pas l’air de comprendre le problème.

Ses exclamations attirèrent l’attention des parents, qui apparurent derrière leur fils.

-Tout ce que je sais, c’est que tu devrais t’inscrire à l’événement des bisous ? Demanda la mère.

Zoé ne sut quoi répondre. Y avait-il vraiment quelque chose à répondre ? De toute évidence, non.

-Tout ce que je sais, c’est que tu devrais t’inscrire à l’événement des bisous. Compléta le père.

Elle se pinça l’arrête du nez. D’accord. Donc elle allait passer une très mauvaise journée.

-Vous savez quoi ? Laissez tomber. Rentrez à vot’maison, j’irai au bateau toute seule.

Poussant Zull hors de son passage, elle repartit d’un pas rapide et agacé. Au moins, sur son bateau, elle serait tranquille et on ne viendrait pas la gonfler avec cette histoire d’événement de bisous à la noix. L’un des Réprouvés la rattrapa et posa sa main sur son épaule pour l’inciter à se retourner.

-Tout ce que je sais, c’est que tu devrais t’inscrire à l’événement des bisous ! Cria Zull.

Excédée, Zoé lui colla une torgnole digne de ce nom. Elle lui en colla une deuxième sur l’autre joue pour respecter la symétrie.

~866 mots~


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Mer 10 Juin 2020, 22:51


Des cris de plaisirs s’échappaient d’entre les murs d’une cabane prostrée dans hauteurs du royaume des orgasmes. Accentués par des râles d’un mâle sans conteste en rut, les individus qui s'engageaient à proximité des cloisons pouvaient sans difficulté ouïr les à-coups féroces des allées et venues de son bassin contre les fesses rebondies de la victime. Parfois, ces cris se transformaient en des plaintes successives où étaient proférées une multitude d'insultes vulgaires — dans certains cas très inventives. Pour les plus curieux, la lueur de l’éclairage permettait de distinguer les ombres des deux amants en plein coït. Un choix qui semblait porter sur une profonde levrette, la crinière de la dévergondée encadrant le même usage que le rêne d’un canasson qu’il s’amusait à tirer pour profiter en totalité de la pénétration. Toutefois, quelqu’un se mit soudainement à frapper à la forteresse du couple, interrompant leurs ébats torrides en plein milieu de l’action. Sapristi de saprista. Qui s’autorisait à venir l’emmerder à un moment pareil ? Qui était assez fou pour déranger l’union entre un bourreau et son jouet ? Quelqu’un d’assez outrancier pour aimer se prendre des baffes en pleine poire, manifestement. La porte s’ouvrit pour laisser jaillir le corps imberbe de Deccio, complètement nu, le sexe à l’air sans aucune pudeur.

Celui qui se trouvait devant ce pénis au garde à vous n’était pas un parfait inconnu, bien au contraire. Il s’agissait de son frère d’armes, d’un des rares amis sur qui il pouvait compter. Bien sûr, ça n’expliquait pas pourquoi il le dérangeait à une heure pareille. Ni pour quelle raison il se trimballait uniquement avec un calbut. À l’envers, qui plus est. « Qu’est-ce que tu fiches là, Elman ? Ne me dis pas que t’as encore paumé les volailles carnivores de ton grand-père ? » Il était un peu con sur les bords certes, mais très serviable. D’autant que sa qualité première résidait dans la facilité avec laquelle il pouvait le manipuler. Pourtant, il était très séduisant d’apparence. Néanmoins, c’était là sa seule force. « Non non… Enfin si, mais c’est pas pour ça que je viens te voir. Hm. Je peux sortir ? » « Tu peux entrer oui. » Il s’exécuta, avant de se geler sur place, bouche bée devant la jeune femme dévêtue. « Je… Bonsoir. » « Ne fais pas gaffe à elle et installe-toi. C’est une luxurieuse qui passe de temps en temps caresser la queue bien fournie du renard. » Elman avait bien du mal à se concentrer dans de telles circonstances, mais Deccio le recadra aussitôt en lui attribuant une claque retentissante derrière la nuque. « Crache, avant que je le fasse d'une tout autre manière. » « Et bien voilà. Il y a des rumeurs qui circulent chez les Réprouvés. » « Et en quoi ça me concerne ? » « D’après ce que m’a rapporté Pionpion, mon espion, de mystérieuses disparitions sont répertoriées à.. euh... là où ils crèchent depuis l’apparition d’un mec en calbut… “En capuche.”. Il m’a aussi parlé de brunes qui affectent le comportement des gens, mais je t’avoue que j’ai pas bien compris cette partie. » « De brume. » « De ? » « Rien. Bon, c’est en effet suspicieux, mais les Réprouvés sont de grands garçons. Ils adorent faire des concours de la plus grosse bite. C’est pas un mec qui se prend pour le prince des ténèbres et un petit brouillard qui va les ébranler. Ou alors ils sont encore plus nazes que nous. » Deccio fit cette remarque par rapport à leur défaite toute fraiche. Les Dieux étaient taquins, mais pas au point de réitérer deux fois un viol de cette envergure.

Quoiqu’il en soit, durant la nuit qui suivit, Deccio éprouva une étrange sensation de tremblements lui parcourir l’échine. Quelque chose de très désagréable qu’il ne parvenait pas à contenir. Son sommeil fut aussi quelque peu mouvementé, à tel point qu’il chuta de sa couche, sombrant dans une sorte de malaise avant d’éprouver une élévation spirituelle, comme transcendant la réalité. Quand il réouvrit les yeux, il était quasiment persuadé d’avoir quitté son lit douillet. Ce terrain vaste où des centaines de guerriers livraient bataille, bien qu’il eût consommé de la drogue juste avant de s'allonger, il ne se rappelait pas avoir invité autant de monde à la soirée. Et de toute façon la place manquait pour une orgie de cette envergure. Alors il avait succombé aux doux rêves de Morphée ? Oui. Sûrement. C’est pourquoi il se sentait si imposant, si empli de pouvoirs destructeurs, si… identique en fait. Et cette personne qui se précipitait sur lui en versant toute sa rage dans l’assaut qu’il s’apprêtait à lui asséner, croyait-il vraiment pouvoir assurer une victoire aussi prévisible contre lui, le chef de l’armée ici présente ? Il lui suffisait d’engendrer un pas de côté et de le contrer par un coup décisif dans les entrailles. Entrailles qui giseraient à ses pieds d’une seconde à l’autre. Là, dans l’instant. Quand il aurait… Prenant conscience de son erreur au dernier moment, le Démon se jeta sur le bord pour prévenir sa mort imminente, manquant malgré tout de se fracasser le crâne et de trépasser à cause d’une saloperie d’hémorragie. Bordel, mais ce combat était fichtrement trop réaliste pour être forgé de toutes pièces. Ses compétences étaient les mêmes que dans son état de réceptivité le plus diligent, alors qu’est-ce que tout ça signifiait ? Difficile de concevoir un plan d’action pour le renard qui se fit aussitôt harceler par son agresseur, bien décidé à lui égorger le gosier comme une putain de gallinette cendrée. Deccio se déporta hâtivement sur la gauche et dégaina son katana dans la foulée pour conjurer l’attaque suivante. Son sabre n’était pas très adapté pour les passes d’armes classiques, mais elle était particulièrement redoutable dans ce genre de situations où la portée était limitée.

Sa taille réduite permettait de meilleures manœuvres et un contrôle renforcé par ses lacunes. Malheureusement pour lui, les efforts seuls ne suffisaient pas toujours. Son adversaire, plus coriace qu’un requin refusant de lâcher prise, suivait ses moindres déplacements en l'endiguant sans cesse de nouveaux déferlements. C’était infime, mais ses coups se raffermissaient avec le temps, balayant progressivement ses blocages qu’il peinait à refouler. « Bordel, mais qu’est-ce que t’es au juste ? On t’as jamais dit que t’étais du genre lourdingue ? » Si seulement l’humour et la dérision étaient aussi tranchants qu’une épée, il aurait toutes ses chances de le pourfendre en un éclair. Hélas, les mots n’avaient pas autant de poids sur le terrain, ils étaient même carrément insignifiants. Dans la paume de la guerre, la taille des muscles et le nombre de neurones étaient des facteurs déterminants. Deux éléments qui faisaient cruellement défaut a un abruti de son espèce. Cela dit, il avait toujours plus de jugeote que son camarade Alman. Par exemple, jamais il n’aurait pensé à lui passer discrètement cette chaîne autour de ses chevilles et ainsi la contracter avec le peu de magie à sa disposition pour le déséquilibrer et le faire tomber tête la première. Ce serait même son ultime bafouille au nom de la justice. Mais quelle justice ? Et bien celle de se relever comme un bonhomme et de virer son plus gros coup de pied dans la tête du renégat comme s’il s’apprêtait à marquer un but suprême grâce à ce ballon ovale. L’homme sombra dans l’inconscience et Deccio lui planta sa lame entre les deux yeux afin de l’achever.

Trempé par le sang et la sueur, le voilà débarrassé d’un ennemi alors qu’il avait eu le sentiment de s’attaquer à une légion entière. Il eut à peine le temps de lever son regard qu’un second challenger se tenait prêt à entamer la seconde salve. Il ne laissa aucun répit et reprit de plus belle. La fatigue encourue par son précédent combat était telle que le démon ne pouvait ni esquiver, ni recourir à la technique dite de la fuite solitaire. Sa seule alternative, foncer dans le lard et espérer lui asséner une blessure fatale foudroyante. Sans plus attendre, les deux dissidents se ruèrent l’un sur l’autre. L’espace d’un instant, il aperçut son ami derrière. Il courait à toute allure, tentant d’échapper au courroux de son agresseur. Et puis plus rien. Son corps inerte heurta le sol. Il avait perdu la bataille, greffant une victime de plus au palmarès des héros de cette bataille. Cependant, la vraie fin de son histoire n’était pas immédiate. Dans son lit — ou plutôt en dehors — il se réveilla en sursaut, en proie à la panique la plus totale. Posant sa main sur le rebord de celui-ci pour s’aider à se redresser, Deccio chercha en vain à comprendre ce qui venait de se produire, et c’est en trombe qu’il sortit à l’extérieur, le souffle coupé, la gorge asséchée et un sentiment d’oppression poussé à son paroxysme. La fraicheur du vent caressant son visage eut au moins le mérite de soulager sa fièvre passagère. En se calmant, il remarqua rapidement une anomalie présente dans son dos ; une paire d’ailes emplumées d’une couleur blanche et noire. Afin que personne ne puisse noter cette abomination, le renard rentra en vitesse en claquant la porte de toutes ses forces. Ce rêve se transformait en fait en véritable cauchemar. Enfouissant sa tête entre ses cuisses, il était à court d’idées pour mettre fin à cette torture. Mais lentement, peu à peu, ce dernier sombra à nouveau dans un sommeil de plusieurs heures. Malgré un retour à une vie normale, ce qu’il avait vécu restera gravé en lui pendant un certain temps.



1550 mots
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Jeu 11 Juin 2020, 21:47

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Confortablement installée à l’étage d’une boutique, Calanthe tenait un morceau de tissu. Concentrée, elle s’efforçait de comprendre l’assemblage des matières, et elle devait reconnaître que la tâche lui était difficile. Fixer la teinte sombre amenait des points noirs devant ses yeux. Ne parvenir à rien d’autre qu’un mal de crâne la frustrait. Une silhouette se glissa à ses côtés, observant son manège d’un air désintéressé. « C’est étrange. Je devais voir des clients aujourd’hui, mais ils ne sont pas venus. Ils ne manquent jamais un rendez-vous. » Abandonnant son travail, la jeune femme se tourna vers le nouveau venu : elle connaissait les conséquences des états d’âme de son confident, et elle n’éprouvait pas la moindre envie d’attendre en bas qu’il ait satisfait son appétit. « Quels clients ? » « Des Réprouvés. Ils cassent souvent leurs bijoux, et je les répare en échange… D’un service. J’aime leur brutalité. » Un sourire évocateur s’invita sur le visage de Joliel. Elle ne pouvait dire s’il provenait du souvenir des heures passées avec ces fameux clients, ou du tintement familier qui provenait du rez-de-chaussée. Une rousse étonnamment peu vêtue venait d’entrer. Lorsque les deux compères furent descendus, elle s’approcha en riant, détachant les boutons qui retenaient sa poitrine. « C’est une nouvelle ? » Une étincelle de colère passa dans le regard du Déchu. Son désir n'en serait que plus ravageur. « Ne la touche pas. » Avant que l’inconnue ne puisse poser la main sur son amie, il l’entraîna dans les escaliers.  

Ayant pour seule compagnie les sons langoureux qui s’élevaient peu à peu, la blonde examina une fois de plus les trésors dont recelaient les étals. Le chatoiement du soleil et de l’or créait un effet splendide, et, à l’instar de tous ceux qui passaient la porte, elle imaginait aisément un bracelet ou un collier rehausser la teinte de sa chair. Perdue dans sa contemplation, elle ne releva la tête que lorsque la rousse fut partie. Une impression sinistre lui broyait l’estomac. Malgré la tranquillité de son quotidien, l’inquiétude creusait ses joues. Le propriétaire de la boutique mit quelques instants à revenir. La satisfaction se lisait sur son visage. « Des rumeurs circulent en ville. Visiblement, les Réprouvés ne font plus rien, à part s’envoyer en l’air. J’espère que ça ne durera pas trop, ils pourraient finir par nous faire de l’ombre. » Relaxé par son aventure encore fraîche, il prenait le sujet avec légèreté. Le poing de la jeune femme se crispa. L’angoisse dans ses entrailles remua. « Quelque chose se prépare, Joliel. Je le sens. » Surpris par sa déclaration, il haussa un sourcil interrogatif. Les préoccupations de la jeune femme lui échappaient souvent. Entre les murs d’Avalon, et qui plus est auprès de lui, elle ne risquait rien d’autre que de finir nue sous les draps. « Tu t’inquiètes trop. » Le Déchu lui administra une tape sur la tête et se pencha sur un croquis. La gorge nouée, elle ne protesta pas. Son instinct lui criait qu’elle avait raison.

Assourdissante, la vérité se manifesta trois jours plus tard, saluée par une brutalité que la réalité seule autorisait. Agenouillée devant le patron qu’elle créait de toutes pièces, Calanthe battit des cils. Lorsque la lumière atteignit ses iris, le paysage avait changé. Radicalement changé. « Aaaaaaah ! » Ce n’était pas du tissu qui s’effritait sous ses doigts. Terrorisée par ce qui se trouvait devant elle, elle tomba à la renverse. Accueillie par un bruit spongieux, le dégoût succéda à la peur. Avait-elle atterri en Enfer ? Le monde rugissait autour d’elle. Bataille-charnier, où les hommes s’affrontaient sur les cadavres, avides de dispenser la mort qui leur tendait les bras. Toutes les nuances de rouge s’étalaient sur la plaine. De l’amarante au carmin, du pourpre au grenat, un festival de sauvagerie déclinait ses teintes. Sanguins, les torrents jouaient avec les os, charriant leurs effluves mécaniques. Ça et là, des corps s’embrochaient. À grands renforts de cris, les silhouettes s’effondraient, percées par des lames que le contact de la chair nourrissait. Insatiables, elles s’abattaient avec vigueur les unes contre les autres, à la recherche de la faille qui leur offrirait la victoire. Arrachée par une hache vorace, une tête se dressait à ses côtés. Les yeux de la jeune femme se promenèrent sur le manche rougi qui la maintenait. L’horreur délaissait la scène, au profit d’un sentiment nettement moins passif. Étreinte par la colère, elle se frappa le front du plat de la main. « Mais oui, c’est clair ! » Elle était là pour se battre. Elle l'avait toujours été, et elle ne s'arrêterait que lorsque l'existence s'effacerait pour la confier à un autre royaume.

D’un geste brusque, la Déchue détacha la tête de son perchoir et la jeta au sol sans la moindre considération. Sa main s’agrippa fermement à la lance. Le premier individu que son regard accrocha éveilla sa haine. Manifestement en proie à la même rage qu’elle, il s’acharnait sur une dépouille dont il n’avait pas réalisé la froideur. Prise d’une envie meurtrière, elle le rejoignit en quelques enjambées. L’incertitude du terrain complexifiait la tâche. N’avoir aucune expérience de la guerre ne l’empêchait pas de vouloir en découdre. Son caractère balayé par l’agressivité, elle se jeta sur le dos de l’individu. Maladroitement, sa lance se ficha dans la jambe du malheureux. Un cri de douleur lui brûlant les lèvres, il fit basculer Calanthe au-dessus de lui. Ne s’attendant pas à ce qu’il résiste de la sorte, elle roula sur le sol sans lâcher son arme. Au lieu de se briser, la hampe se détacha de la cuisse dans laquelle elle s’épanouissait. La plaie disparut instantanément, engloutie par un flot sombre. Sans que la douleur ne paraisse l’atteindre, un cri bestial sortit de sa bouche. « J’en appelle... À la violence ! » Incertaine de la stratégie qu’il venait d’adopter, la blonde se laissa surprendre. Le poignard du forcené s’enfonça dans son avant-bras. Désarçonnée par ce contact, elle lâcha son unique moyen de défense. Cependant, le désespoir fournissait à ses heures de gloire la créativité nécessaire à la survie. Enragée, son front percuta la tête de l’individu de toutes ses forces. Un mal de crâne épouvantable en résulterait ; ça ne ferait rien. C’était à lui de succomber. Elle devait tous les envoyer vers l’Au-Delà.

Distrait par le manège funeste qui les faisait tournoyer au milieu de la bataille, il ne remarqua pas qu’un nouveau venu lui destinait un baiser fatal. Couvert par le fracas des combats, un carreau lui transperça la gorge. À la recherche de son arme, la Déchue retint un hurlement animal. On lui avait volé sa proie. C’était inadmissible. « Pourquoi tu me regardes comme ça ? Barre-toi de là, ou je te fais la peau ! » La jeune femme n’eut pas l’occasion de mettre sa menace à exécution ; son adversaire à venir engagea les hostilités. D’un mouvement délicat, il décocha à nouveau. La flèche traça son chemin vers les entrailles de Calanthe. Le souffle coupé, elle tomba à genoux. La souffrance ne l’atteignait pas vraiment ; la traîtrise de ses jambes lui paraissait en revanche une hérésie. En colère, elle tenta vainement de secouer son corps. La volonté ne suffisait malheureusement pas à dérouiller un adversaire. Ce dernier s’avança vers elle, certain de son triomphe. L’effroi que lui aurait inspiré une telle scène ne vint jamais. Une vocifération au bord des lèvres, elle envoya confusément une lame dans sa direction. Souple, il esquiva son lancer sans difficulté et saisit son visage à pleines mains. La jeune femme lui cracha au visage. « Lâche. Tu ne mérites pas de m'achever. » Qu’il s’en prenne à elle sans qu’elle ne puisse la rendre la monnaie de sa pièce lui donnait envie de vomir. À armes égales, elle saurait déjouer sa férocité. En l'occurrence, il n’avait pour elle rien d’un vrai guerrier.

Les phalanges de l’homme se regroupèrent autour du cou de Calanthe. Les yeux écarquillés, elle sentit la pression s’intensifier avant de comprendre quel sort il lui réservait. Malgré la probabilité de son trépas, elle ne pouvait se laisser aller. Un étau assombrissait son jugement, et pour une fois, il ne s’agissait pas de sa propre stupidité. Sa vision s’amenuisait à une vitesse inquiétante. Une lourdeur oppressait ses poumons. Mourir ainsi n’avait rien d’honorable. En une tentative misérable, ses ongles écorchèrent les joues de son assaillant. Il ne fallait pas qu’elle périsse. Des dizaines d’individus attendaient encore qu’elle éteigne la chaleur de leurs coeurs. Qu’allaient-ils devenir sans elle ? La perspective qu’ils ne puissent goûter à sa lame lui offrit un sursaut d’énergie. De ses griffes colorées, elle visa l’oeil de son adversaire. Sous l’étreinte acérée, la surface éclata. Arrosée par un liquide trouble, elle crut un instant pouvoir remporter la victoire. Cependant, perdre la vue ne détourna pas l’infernal énergumène de sa mission. Une gifle s’abattit sur son crâne. Au bord de l’évanouissement, elle lâcha prise. La sensation que sa poitrine imploserait d’une seconde à l’autre effaçait même sa combativité. Au jeu de la guerre, son inexpérience la menait inéluctablement au trépas. Sans même que ses paupières ne se ferment, l’obscurité envahit son esprit. La délivrance prit néanmoins une forme singulière. Agenouillée sur des planches, elle se redressa en douceur. Le timbre surpris de Joliel accueillit son apparition. « Calanthe ? Bordel, t’étais passée où ? » Il ne jurait jamais. Sonnée, elle ne répondit pas. Son confident contourna un étal. Stupéfait, il constata que la neige était tombée sur l’une de ses ailes. « Est-ce que ça va ? » Incapable de se décider, elle poussa un bâillement sonore. La somnolence enchantait son corps. « Je voudrais dormir. S'il te plaît. » Tremblante, elle laissa Joliel la porter vers le lit à l’étage. L'oreiller n'eut pas le temps d'accueillir ses doléances.

1 571 mots
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Kyra Lemingway
~ Déchu ~ Niveau III ~

~ Déchu ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 4742
◈ YinYanisé(e) le : 22/03/2016
◈ Activité : Tenancière d'un Bar à vin (rang I) ; Négociatrice (rang I) ; Brasseur (rang I) ; Reine du monde des contes à mi-temps
Kyra Lemingway
Ven 12 Juin 2020, 18:23



Celui qui vaincra sera revêtu ainsi de vêtements blancs;
je n'effacerai point son nom du livre de vie, et je confesserai son nom devant mon Père et devant ses anges.
Que celui qui a des oreilles entende ce que l'Esprit dit aux Eglises!

Odon Do Dur



Jour 2 | Avalon

Accoudé à la table, le menton nonchalamment posé dans la paume de sa main, Maximilien scrutait l'horizon qui se perdait dans les nuages, les sommets de la capitale Déchue avalés par les épais cumulus. Y avait pas à dire. Il faisait vraiment un temps de merde aujourd'hui. Le genre qu'il n'avait plus l'habitude de voir. La pluie était pour ainsi dire un mot absent du vocabulaire chez les Humains du Désert. C'était presque s'il pouvait sentir l'orage venir. Un claquement de doigt devant ses yeux ramena son esprit à l'intérieur de l'appartement. « Mec ? T'es toujours là ? » - « Hum. Ouai. » - « On aurait pas dit. T'avais l'air paumé j'sais pas trop où. » - « Je pensais juste que c'est déprimant la pluie au milieu de la cité comme ça. », répondit le rouquin d'un air las, posant la joue contre son poing. « Tu trouves aussi ? », rétorqua Raa'd en se calant négligemment au fond de la chaise. « J'ai voulu sortir, mais en voyant l'averse j'ai rapidement fait demi-tour. J'avais franchement pas envie de finir trempé aux os et m'choper la mort. ». Un rictus se dessina sur les lèvres de l'Obstiné. « On se fait trop rapidement au soleil et à la chaleur du Désert. » - « Tu l'as dit ! » - « Il manquerait plus que le tonnerre gronde, et ce serait la totale. » - « Sérieux, parle pas de malheur. », grogna le tailleur de pierre en balayant la remarque du rouquin d'un revers de main. Puis, dans un même souffle, les deux Humains laissèrent échapper un soupir presque désespéré. « C'est triste quand même de pas pouvoir sortir alors que cet endroit est si actif. », reprit Raa'd en toisant Choupette qui miaulait à ses pieds. « De toute façon je suis sûr que tout les bars, les maisons de passe ou n'importe quel lieu un temps soit peu dynamique, doivent être pleins à craquer. Personne ne reste dehors avec un temps pareil. », rétorqua Maximilien en posant ses prunelles, brillantes d'une lueur amusée de par la situation de son ami incapable de se débarrasser du félin, sur l'animal. « T'as pas tort. », fit celui-ci en attrapant la bête, qui se mit à ronronner, d'une main. « Qu'est-ce tu veux toi ? Ch'uis pas ta mère, va donc trouver quelqu'un d'autre. », grogna-t-il à quelques centimètres de son museau, ce dernier répondant par un "Mia" affectueux. « C'est un chat. S'il dort pas c'est qu'il a la dalle. » - « Beh t'es pas dans la merde, j'ai pas la moindre idée de c'que tu bouffes. », reprit-il à l'attention du chaton avant de le reposer.

Comme si l'appel de Choupette avait retentit à l'autre bout d'Avalon, ce fut à cet instant que la porte de l'appartement s'ouvrit à la volée, laissant entrer Kyra qui se passait vigoureusement une main dans les cheveux pour en chasser les dernières gouttes de pluies. « Brrr... Quel temps de chien. », fit-elle en passant le pas de la porte. « J'ai quand même du mal à me dire que normalement c'est une nana. », fit Raa'd en seule réponse à ce commentaire. Elle releva les yeux vers lui et lui adressa un sourire amusé. Les iris fixé sur la silhouette de la Gourmande, Maximilien répliqua après quelques secondes, « Moi je me ferai jamais au fait qu'elle n'ait même pas songé se présenter la dernière fois. ». Kyra porta son attention sur le rouquin qui la fixait d'un air sévère. « Je te l'ai dis. Les conditions n'étaient pas franchement les meilleures et toi-même tu ne paraissais pas dans les meilleures des dispositions pour que je me pointe comme une fleur prendre des nouvelles. », répondait-elle alors d'un air las. Elle n'avait pas tort. Pourtant quelque chose au fond de lui n'arrivait pas à lui pardonner entièrement. Peut-être, malgré le temps passé, l'amertume de la séparation était encore présente. « Ecoute... », reprit la Déchue d'une voix sèche avant de se couper en milieu de phrase pour exhaler un souffle. « S'il-te-plaît. Si je t'ai invité ce n'est pas pour de nouveau se fâcher. », finit-elle sur un ton plus apaisé. Au milieu, Raa'd passait son regard de l'un à l'autre, observant avec un air perplexe cette joute dont il se trouvait malencontreusement au centre. Le chaton se frottant aux jambes de la Déchue depuis son arrivée, elle le saisit enfin et le cala dans le creux de ses bras pour aller lui préparer ce qu'il quémandait depuis plusieurs minutes maintenant. « Je ne pense pas que le temps se découvre avant quelques jours. Si vous voulez partir sous le soleil, il va falloir attendre un peu. Sinon, préparez de quoi vous couvrir. »

Jour 4 | Avalon

Kyra se fit un chignon rapide et, tout aussi rapidement, prépara ses affaires. Elle voulait profiter de cet instant d'accalmie pour rejoindre le bar à vin et ne pas se prendre la pluie pour y arriver aussi trempée qu'une lavette. « Je me suis toujours demandé en te voyant partir taffer, pourquoi tu y vas comme ça ? », lui fit Maximilien tandis que la Petite Sœur attrapait les clefs de l'appartement. « Comment "comme ça" ? », répondit-elle en enfilant une cape. « Et bien, normalement. Enfin, pas en homme quoi. » - « Oh ! C'est juste... ». Elle marqua un temps. « Et flûte, vient, ce sera plus simple. Parce que je le sens bien le coup de s'attarder et de se prendre la flotte. », fit-elle en attrapant une cape qu'elle lança au Kaahi, ce dernier l'enfilant avant de suivre la Déchue vers son lieu de travail. « Et Raa'd ? On lui laisse même pas un mot pour qu'il sache où nous trouver quand il reviendra ? » - « C'est un grand garçon, il saura s'en sortir tout seul, non ? » - « Oui, par contre il risque d'être particulièrement grognon, et encore plus quand nous on sera de retour. ». Ou peut-être serait-il taquin, au choix. Il pariait sur les deux en fait. Le tailleur de pierre allait très probablement leur faire remarquer leur absence et le fait de ne pas lui avoir dit où ils étaient partis d'un air bougon et agressif avant de les charrier sur, justement, cette information manquante et la relation qu'ils entretenaient et qu'ils entretiennent aujourd'hui. Ce n'est pas comme si c'était la première fois qu'il le faisait. « Qu'il râle alors, ça changera pas grand chose. », rétorqua la Déchue en balayant l'air d'un geste de la main avant de lever le nez pour vérifier l'état du nuage gris surplombant la ville. « Tu m'as pas répondu du coup. », reprit le rouquin. « Hum, c'est vrai. En fait, c'était assez lassant de passer son temps à répéter le pourquoi du comment j'en suis venue à changer à ce point de physionomie. Mais surtout, il fallait aussi expliquer aux gens, pourquoi moi je les connaissais et pas eux. » - « C'est pas ce qu'il y a de plus pratique comme pouvoir finalement. » - « Mais c'est amusant. Et très instructif ! », ajouta la Gourmande en donnant un coup sur le torse du Kaahi qui baissa les yeux vers la silhouette de sa précédente Gardienne, tandis qu'il arquait un sourcil, son visage se marquant d'un rictus amusé à cette remarque.

Le duo eut juste le temps de passer le palier de la porte avant que l'averse ne reprenne en trombe. « La vache ! C'est toujours comme ça ici ? », fit Maximilien en se tournant vers l'extérieur, fixant la pluie qui s'écrasait sur le pavé dans un fracas épouvantable. « Non, pas en cette saison. Tiens, donne-moi ça et installe-toi. », répondit-elle en se saisissant de la cape du Kaahi qui eut à peine le temps de retirer, avant de s'éloigner. Le rouquin alla trouver une banquette plus en retrait. Ce n'était pas tant pour épargner son Ma'Ahid aux autres individus présents, il avait bien compris que la densité de population de la capitale anéantissait sa propre capacité à annihiler le Kan'Ghar des autres. Simplement, il se sentait étranger en ces lieux - il l'était - et n'avait franchement pas l'envie de se faire remarquer plus que nécessaire. Quelques minutes plus tard, Kyra revint avec un plateau en main sur lequel était disposé fromage et charcuterie. « Si tu veux te cacher, tu as quelques centimètres à perdre pour y arriver tu sais. », commença-t-elle sur le ton de l'ironie, avant de reprendre en posant un verre de vin. « Tiens. Il vient des Terres du Lac Bleu. je te ferai goûter un de Caelum après, tu me diras lequel tu préfères. » - « Franchement j'y connais rien en pinard. Tu pourrais me servir de la piquette que ça me paraîtrai tout comme. » - « Et bien c'est le moment d'apprendre ! », conclu la Déchue avant de le quitter pour débarrasser une table plus loin. Lui commença à faire tourner son verre entre ses doigts, perdant son regard dans le liquide carmin avant de le porter à la fenêtre. Clairement, il n'aimait pas cette pluie. Elle lui rappelait ces ouvrages de fiction où le soleil était signe de bonne augure et accompagnait les instants de paix et de joies tandis que la pluie n'apportait que la mort et le désespoir.

« Max ? ». Le Kaahi se détourna du vitrail pour le porter vers la Petite Sœur qui se trouvait de nouveau face à lui, l'air inquiet. « Est-ce que ça va ? » - « Bien sûr. Pourquoi  ça n'irait pas ? ». Kyra fronça des sourcils avant de s'installer à ses côtés, ses iris céruléennes rivées dans l'émeraude des yeux de son ancien Protégé. « Tu n'as touché à rien et ça va faire trente minutes que tu es en pleine méditation à fixer les carreaux de la salle. N'importe qui verrai qu'il se passe quelque chose là-dedans. », finit-elle en tapotant le front de l'Obstiné de l'index. Maximilien resta un instant silencieux accroché à son regard tandis qu'un rictus se dessinait sur ses lèvres. « C'est quand même dingue. », commença-t-il enfin, le visage de la Déchue montrant l'incompréhension de ces paroles. « Il a fallu que je sois traîné à Avalon pour que tu commences à t'inquiéter de mon état quand même. ». Kyra papillonna des yeux qui se faisaient comme des soucoupes. Elle ne s'était pas attendue à cette réaction là. Elle laissa échapper une longue expiration sonore et, comme elle plaquait ses mains sur la table, elle se leva brutalement. Puis, posant un dernier regard irrité sur l'Humain avant de retourner s'occuper de la salle, elle lui jeta ces mots. «Très bien. Puisque tu insistes. ».

Jour 6 | Avalon

Appuyé contre l'encadrement de la fenêtre, son regard dérivant dans les rues en contrebas de l'appartement, le Kaahi poussa un long soupir. « C'est à ce point là ? », fit Kyra d'un air moqueur en refermant le couvercle de la marmite après y avoir ajouté quelques épices. Il tourna ses mires vers la Déchue. « Le temps commence à faire long en fait. », répondit Raa'd à la place de son ami en sortant de la salle d'eau, à moitié nu, une serviette seule autour de son bassin, comme s'il eu deviné ce qui traversait l'esprit de l'Obstiné. « Hum. Je comprends. Ce qui serait bien c'est un bon orage qui dégage tout ça. » - « J'en suis pas si sûr. », fit Maximilien d'une voix monotone en reportant son regard vers l'extérieur. Raa'd et Kyra le dévisagèrent un instant, étonné par la remarque, ce qu'il ne tarda pas à voir. « Je dis juste que ça peut très bien ramener le temps clair, comme empirer les choses. », expliqua-t-il alors en se tournant vers les deux protagonistes. Même si ce n'était pas tout à fait la véritable raison qui l'avait amené à prononcer ces mots. Il aurait cependant été incapable de dire de quoi il s'agissait exactement. C'était viscéral. Un ressentit indescriptible mais bien présent. C'était ainsi depuis quelques jours, mais plus le temps passait, plus ce sentiment s'imposait à lui. Quoi ? Il l'ignorait. « Ça va faire combien de temps que ça dure c'temps là ? », questionna Raa'd en s'installant sur un fauteuil, Choupette se levant de sa position pour le rejoindre immédiatement. Kyra observa la scène avec un sourire amusé. « Un peu plus d'une semaine je dirai. ». C'est vrai que ça commençait à faire long, surtout pour cette période de l'année. « Au moins le territoire sera irrigué pour toute la saison à venir et la prochaine si Estella continue ainsi. ». La Déchue marqua une pause, le temps de goûter la préparation. Puis elle claqua la langue sur le palais, satisfaite. « De toute façon le beau temps devrait enfin être de retour d'après les marins qui viennent de débarquer. Demain au mieux, d'ici trois jours dans le pire des cas. » - « En tout cas il parait que c'est pas qu'aux Côtes de Maübee qu'on a une météo d'merde. » - « Les Réprouvés, hum ? », répondit l'Abjecto en attrapant un oignon. « Il se dit un peu de tout dans leur cas. En fonction de si la personne a été sur place où si c'est l'ami d'un ami d'un ami du frère de la belle-sœur du boucher qui a discuté avec le voisin qui s'y est rendu. ». Elle marqua une pause pour se saisir d'un couteau, tandis que les deux Humains se tournaient vers elle, surpris. « Mais ce qui revient le plus souvent, c'est que tout les territoires Réprouvés ont soudainement été embrumés, au sens propre du terme. Certains disent avoir aperçu une silhouette mystique encapuchonnée. D'autres disent que c'est foutaises puisque les Réprouvés ne sont pas connus pour laisser impunément un étranger saccager leurs terres. » - « Mais comment tu sais tout ça toi ? », le coupa Maximilien. La Gourmande leva les yeux du plan de travail, adressant un sourire malin au Kaahi. « C'est l'avantage de travailler dans un bar ça. », lui répondit-elle avant de se remettre à la tache. « Quoi qu'il en soit, certains craignent qu'en réalité ils ne se préparent à la guerre. Après tout, c'est ainsi que les Réprouvés naissent maintenant. Du sang des vaincus. ». Un silence plana suite à cette déclaration, Raa'd offrant les caresses que le chaton réclamait depuis plusieurs minutes maintenant, Kyra se plongeant dans la préparation d'un repas pour dix, et Maximilien cherchant la limite de l'horizon, toujours invisible dans l'épaisseur des nuages. Une guerre ? Et si c'était ça ce ressentit qui l'empoignait depuis ce temps ?




Jour 7 | Quelque part

Maximilien papillonna des yeux, le temps de comprendre où il se trouvait. Il était à Avalon, et puis ? Impossible de se souvenir ce qu'il avait pu se passer. Il sentait quelque chose de sec sur son visage, aussi y porta-t-il la main. De la terre ? Son regard se posa sur l'arme qu'il tenait en main. Puis, plissant des yeux, il les porta une nouvelle fois sur son environnement guerrier. Il était loin d'être seul. Au milieu d'un champ de bataille, il ignorait comment il s'était trouvé ici. Il savait juste qu'à l'instant, c'était comme si toute cette colère qu'on lui avait demandé d'enfouir pouvait refaire surface pour mettre un terme à la course de leurs assaillants. Il savait juste qu'à l'instant, cette arme qu'il tenait en main ne resterait pas longtemps aussi brillante. Ses iris se posèrent une nouvelle fois dessus, puis il fit glisser son pouce sur le plat de la lame, le long de son tranchant. Le fil aiguisé ne s'émousserai pas demain. Elle avait été faite pour durer jusqu'au dernier combattant. Comme le pas de leurs ennemis se faisait toujours plus proche, grondant tel le tonnerre qui les couvraient dans les cieux, il passa à son tour le muret qui les séparaient, s'avançant d'un pas résolu vers ce groupe dont il ignorait même l'origine.

L'Obstiné avisa un premier individu, un guerrier protégé tout comme lui. Celui-ci lui rendit son regard, prêt à l'affrontement. Maximilien ne s'arrêta pas pour autant, déterminé. Il plaça son épée devant lui, afin de se protéger des coups de son adversaire. Et, dans un choc retentissant en écho à la foudre détonante, les deux lames se heurtèrent l'une à l'autre tandis que leurs propriétaires ne se quittaient pas des yeux. Maximilien fit glisser son arme sur le plat de celle adverse afin de le repousser. Ce dernier se remit rapidement en garde comme Maximilien profita de la proximité pour rapidement porter un coup d'estoc à deux mains, que le combattant ne put dévier. L'arme vint directement se ficher avec force dans le ventre de l'adversaire dans un craquement sinistre de la lame contre les os. L'Obstiné repoussa sans ménagement d'une main le corps sans vie pour récupérer sa lame qu'il extirpa dans une gerbe de sang venant teindre sa cuirasse des couleurs de la guerre, l'ennemi s'effondrant au sol, poupée de chiffon inanimée. Maximilien ne s'attarda plus longtemps sur le cadavre, se frayant un passage à travers les autres combattants apparus à ses côtés afin de trouver un nouvel opposant.

Jour ... | Quelque part

La sueur et le sang lui collait à la peau et au tissu sous le cuir de l'armure. Son cœur battait au rythme du fracas des armes et la poussière soulevée par les corps qui tombaient un à un emplissait ses poumons à chaque inspiration. Et pourtant il n'y prêtait plus attention. Ce n'étaient que des détails insignifiants au milieu de cet affrontement qu'il devait achever. Il avait perdu son épée, laissée dans le corps inerte de l'un de ces ennemis. Il en avait trouvé une autre, plus longue, moins facile à manipuler. Plus mortelle cependant. Il baissa ses prunelles sur ses côtes. L'armure prenait à chaque minute une sombre teinte carmin. Ce n'était pas passé loin. Mais il était toujours debout. Du coin de l’œil, il capta un mouvement. Comme il levai son arme face à lui, il esquiva un vif déplacement de côté afin de parer la potentielle attaque. L'arme adverse, un fléau, le frappa tout de même de plein fouet à l'épaule, lui arrachant un cri de douleur. Le sang chaud se mit à suinter le long de son bras rendu inapte et les os brisés étaient à présent visibles au travers même de ce qui devait lui servir de protection. Un rictus se glissa malgré tout sur les lèvres de l'Obstiné. Il valait mieux une épaule en moins qu'un crâne fracassé, ce qui serait arrivé s'il n'avait pas réagit à temps. Il recula rapidement de quelques pas, jetant l'épée à terre qui répliqua, face à cet abandon, par une complainte métallique. Avec toute la volonté du monde, utiliser une arme à deux mains dans son piètre état serai loin d'être aisé. Son adversaire abattit une nouvelle fois l'arme néfaste sur lui. Il se laissa alors chuter à terre, dernier moyen de réchapper à une funeste agonie. Le sifflement de l'arme comme le souffle qui frôla son visage lui parvint aux oreilles, bien trop proche. Un nouveau sourire se dessina sur le visage de l'Humain. Un sourire de fatalisme. Car il sût à cet instant que cet adversaire serai probablement le dernier. Qu'il serai celui qui aller faucher son âme au cœur de ce territoire morbide et sanguinaire. Mais qu'il n'espère pas l'emporter avec tant de facilité. Accroché au regard de son adversaire, Maximilien tendit la main pour se saisir de la première arme à portée. L'assaillant levait à nouveau son bras pour porter un coup qu'il voulu létal. Maximilien en profita pour se redresser et planter avec force la dague dans les ligaments du genou du combattant, tranchant ces derniers d'un geste sec et violent. Ce fut le bourreau qui exprima maintenant sa souffrance par un cri terrible. Maximilien pouvait sentir la rotule de l'homme sous la pression de la lame souillée avant qu'il ne la retira. Le bras de l'ennemi arrêta le mouvement initié tandis qu'il s'effondra, un genou à terre, les yeux amplis de haine rivés sur l'Obstiné. Ce dernier le lui rendait, défiant. Le premier délaissa à son tour son arme, encombrante et trop lente pour achever son adversaire sans qu'il ne réplique, attrapant la pointe d'une lance brisée alors plantée dans le corps de l'un des siens. Le second fit tourner la poignée de sa dague pour en changer la prise. Une même lueur enragée et déterminée éclairait leur regard. L'ennemi s'élança de toute ses forces, perforant de part en part l'Obstiné. Celui-ci s'empara de sa main valide et armée du col de l'ennemi. Un râle le saisissant tandis que le fer perçait son corps, il raffermit néanmoins sa poigne sur l'armure qui couvrait son adversaire. S'il devait partir, ce ne serait pas seul. Et dans un dernier acte, avec un ultime effort, il sectionna d'un geste vif et brutal, la gorge de son bourreau tandis que sa main relâchait son étreinte tenace. Finalement, il se laissa tomber au milieu des autres, attendant seulement la main glacée de la Mort qui, il le sentait, ne saurait tarder.




Jour 7 | Côtes de Maübee

Maximilien leva les yeux au ciel azuré. Il l'avait tant attendu. Le soleil était déjà loin sur sa pente descendante et ses rayons offraient une chaleur apaisante sur le grain de peau. Mais c'était surtout l'incompréhension qui pouvait clairement se lire au creux de ses prunelles. Son premier réflexe fut de porter une main et un regard à son poitrail. Rien. Il fit de même à son bras et toute partie de son corps qui avaient été touchée et mutilée. Mais non. Il n'y avait absolument rien. Alors il fronça des sourcils. Il regarda enfin une dernière chose. Un poids, étrange, qui lui pesaient dans le dos. Il ne se souvenait pas avoir récupéré ses affaires pour repartir à Qaixopia. Son regard se portant derrière lui comme il chercha d'une main un sac qui ne s'y trouvait pas. Il arrêta alors tout mouvement en voyant de quoi il s'agissait. Il aurait voulu pester après les dieux et la terre entière, mais il n'en avait pas la foi, ni l'énergie. La seule chose qu'il avait en tête à l'instant c'était de se poser, tout simplement. Ce ne serait pas aujourd'hui qu'ils prendraient la route du Désert finalement.
Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens

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Mots 3728 (héhé, merci pour l'event, c'était cool, maintenant je vais pouvoir embêter  un peu plus Max /mur)
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Dim 14 Juin 2020, 11:29





Le rythme percutant résonna dans la tente, il brisa avec fracas la mélancolie alentour. La tête de Léto bascula en arrière. Les peintures lugubres sur son visage la faisaient paraître comme une entité possédée, un pantin diabolique dont on aurait exagérément étiré les traits pour la rendre plus monstrueuse. Momoko lui tournait le dos, agenouillée au centre près du feu, à agiter ses mains sans réel but. L'angle ne permettait pas à la Chamane de comprendre ce qu'elle faisait, et cela commença à l'irriter. Tout était silencieux, tout d'un coup. Elle n'aimait pas le silence.

" Pourquoi as-tu arrêté la musique ? " Son Orine se retourna, visiblement inquiète. Entre ses mains reposait le tambour avec lequel elle jouait tout à l'heure.

" Comment ça ? Les sourcils de Léto se froncèrent. Je jouais avant que tu… " Ne souhaitant l'accuser de quoi que ce soit, elle se tut.

C'était sûr. Léto se pencha à nouveau en avant, sans pour autant répondre à Momo qui peinait à comprendre les derniers agissements de sa Maîtresse. Même si elle n'était pas Chamane, elle aussi entrevoyait le futur grandissant de la Sùlfr. Pourtant, quand l'Orine sondait cette dernière, elle ne ressentait qu'un vide incroyablement vorace. Elle l'interprétait comme un abandon. Mais de quoi ? Léto n'était pas du genre à se détourner de ses responsabilités, elle savait qu'elle ne fuyait pas. Même si cette escapade-ci ne l'aidait pas à confirmer ses pensées.

En réalité, Léto avait voulu s'isoler pour entretenir la quiétude. Ces Échos en dents de scie la rendront folle bien avant qu'elle ne partage le fardeau du Hǫfðingi. C'était un fait, une réalité qui la rattrapera tôt ou tard. Son Orine comprenait très bien cela : non, clairement, Léto ne s'éloignait pas de ses obligatoires. Au contraire : elle se préparait à recevoir à la foi la bénédiction et le courroux des Ætheri. Quoi de mieux qu'une terre neutre pour cela ? Ainsi, sa tentative d'embarquer Draaskag s'étant solder par un échec, ses yeux dissemblables se posèrent sur Momoko, qui – déjà – s'était préparée à servir la femme à laquelle elle était liée. Jouer le plus longtemps possible, selon son envie et son inspiration ; ce furent les directives de la Chamane, lorsqu'elle la fit entrer dans cette modeste tente, perdue dans les contrées plus ou moins vierges d'Orahza. Naturellement, elle lui avait posé des dizaines de questions, la Liée savait que la Draugr répondrait à toutes ses interrogations, avec un supplément de sourire.

Léto ne se rappelait guère quand datait cette possession, mais cette parcelle lui appartenait bel et bien ; et puis, personne n'était venue la réclamer, encore moins la piller. Ce qui, au départ, ne fut qu'un vulgaire cabanon, rénové par ses soins, se transforma en une terre plus ou moins aménagée. Pour accueillir ses invités, la Sùlfr avait dressé une tente, plus grande que la cabane – ce qui n'était guère compliquée – bercée par le savoir-faire chamanique. Elle n'avait pas ramené grand-chose de l'Île Maudite, préférant laisser le plus important entre les murs de Souw'Gar et de Zaowa. Ici reposait le nécessaire pour vivre, des babioles et autres écrits pour se distraire ; c'était loin d'être l'attraction du siècle. De toute façon, même avec Momoko dans les parages pour égayer l'ambiance, ce ne fut pas le lieu favori de la Chamane. Non, ce qu'elle préférait par-dessus tout sur son terrain se trouvait à l'extérieur. Enfin, son invitée du moment avait dû le remarquer. Néanmoins, elle ne le lui montrera en détail que le lendemain. La pluie combinée à l'orage ne serait pas la bienvenue pour son programme. Quoique, ce serait un bon exercice… Son attention retourna à moitié sur le dos courbé et peinturé de l'Orine, musclé par cette vie qu'elles partageraient ensemble. Cela faisait déjà deux ou trois jours que son cœur battait la chamade, à la vue d'une peau nue ; tendre sous une lame.
" Viens, Momo. Je vais te montrer quelque chose. "

~~~

Enhardie par les encouragements de son mentor du moment, l'Orine hurla de toutes ses forces et balança son poing dans la face de Léto ; qui, par sa grande bonté d'âme, s'était légèrement penchée pour à la fois ménager et provoquer son apprentie. La tête de la Chamane s'était laissée un brin aller par la cinétique de l'attaque, même si il en fallait beaucoup plus pour au moins mettre à mal son équilibre. Momo était à bout de souffle, la succession d'efforts et la pluie battante n'aidèrent pas à calmer sa véhémence. Sans dégager son poing sur sa peau, ses lèvres s'étirèrent en son singulier sourire.

" Parfait, Momoko Yin. À vrai dire, Léto était même plutôt contente : il lui était assez rare d'enseigner quoi que ce soit à autrui, hormis ses enfants. Inaugurer cet espace-ci la comblait. La guerrière agrippa la main endolorie de l'Orine et la massa, comme pour la féliciter. Ce sera tout pour aujourd'hui, tu peux aller te mettre à l'abri. " Momoko ne fit pas répéter.

Tandis que la brune retourna dans la tente afin de se réchauffer, la Draugr demeura un temps au centre du cercle de combat. Il était grandement rudimentaire : formé par des roches plus ou moins bien espacées, un pigment rougeâtre reliait tous les points en un diamètre de quelques mètres. De quoi organiser des duels à deux, voire plus. Léto avait fait en sorte d'aplanir le terrain et d'y disperser une bonne couche de sables pour amortir les chutes. Cela n'égalait absolument pas l'arène de Cristal qui avait tant fait rêver son enfance à l'époque, encore moins celle de Bouton d'Or qu'elle visitât récemment. Elle passa ses mains dans ses cheveux mouillés, son regard perdu sur le cercle : elle ne savait guère trop quoi en faire. C'était un passe-temps sympathique pour la combattante, mais sans de réels partenaires… Ce ne serait point trop son intention d'embarquer son Orine dans ses lubies – même si cette dernière se débrouillait de mieux en mieux – ni son fils qui trimait davantage pour les cérémonies religieuses que de répondre à l'appel du sang.

Le sang… Cette session avec Momoko s'avérait trop courte pour elle. C'était étrange. Léto redoutait un nouveau Lien Divin, inévitable. Ce n'était point magique ce sentiment, cela relevait plus du surnaturel. Du divin. Lok'Silus. Ce nom demeura encré dans sa mémoire depuis que des Esprits s'entassaient pour lui rapporter des nouvelles Réprouvées. Ils étaient d'ailleurs de plus en plus nombreux, comme s'ils se sentaient, eux aussi, redevables. Le surplus d'informations pointait vers une unique direction : la guerre. Mais pourquoi ? Léto savait pertinemment qu'une partie de la réponse tambourinait en son for intérieur, sans en comprendre l'origine. La femme voulait juste détruire, à tout prix.


Un bruit. D'un preste mouvement, sa garde se consolida face à la menace : un lapin. Enfin, pas n'importe quel lagomorphe, celui-ci paraissait davantage humanoïde que ses congénères, surtout accoutré de la sorte. L'enfant à la tête de lapin, donc, lui accorda de gros yeux dégoulinant de mignonnerie, ses oreilles abaissées sous le poids de la peur et de la tonitruante météo. Il tenait dans ses mains une carotte bien effilée. Le phénomène lui semblait si invraisemblable qu'elle cassa sa propre garde, ce qui apaisa la créature.

" Bonjour, Madame la Grande Dame. Léto devint rouge. Sa voix est trop mignonne. Les lapins qui sont là-bas, pourquoi ils sont enfermés ? Ce sont vos esclaves ? " Les yeux vairons de la Chamane s'écarquillèrent. Trop d'informations à assimiler d'un coup : le fait qu'il parle, que le mot "esclave" fasse parti de son vocabulaire.

" Non, non, du tout ! Ce sont… Je les protège, voilà ! Ils sont là-dedans car ils sont en sécurité ! On ne connaît pas très bien ces contrées, et il y a des prédateurs. Oui. Voilà. "

" Ah. Le lapinou humanoïde se gratta l'oreille gauche, visiblement gêné. Je peux être votre esclave ? "

" Mais non ! " Il commença à pleurnicher.

" Mais j'ai perdu ma maman, je suis tout seul, j'ai faim, et mon épée-carotte n'est pas assez solide pour repousser les monstres, ouiiin ! " Cette fois, il produisait plus d'eau que les nuages actuellement.

Léto était désemparée. Orahza regorgeait de secrets bien insoupçonnables. Sa fibre maternelle reprit le dessus et elle prit l'égaré par sa petite patte pour le ramener au chaud. Le tambour de Momoko calma leurs ardeurs communes. Alors que les innombrables descendants de Chô l'occupaient déjà assez bien ici, la Chamane dût se rendre à l'évidence qu'elle avait un nouvel enfant à s'occuper. Ponpon, de son nom.


~~~


Immobile, tel l'agglomérat de statues antiques, Léto fixa l'horizon du champ de bataille, à perte de vue. Par sa taille, il lui fut aisé de repérer les têtes les plus remarquables, d'associer telle voix à telle personne. Le chant résonna et sa bouche se délia, mimant les vers gorgés de mysticisme. En l'occurrence, celle du fameux Lok'Silus résonna plus fort que tous. L'ordre parvint peu à peu à ses oreilles, à travers le Silence. Sa main effleura son front et les deux traits verticaux. Admettre qu'elle se rapprochait de son statut de Souw, avec en moins un trait et de la couleur, ne serait qu'hérésie. Son attention vogua aux alentours, sans restreindre cette flamme combative qui lui brûlait l'Âme. Que faisait-elle ici ? La présence divine l'intrigua, elle savait pertinemment reconnaître les signes lorsqu'ils se présentaient juste sous son nez. En l'occurrence, pour le coup, c'était trop évident. Comment les Réprouvés pouvaient être aussi hermétiques à leurs Ætheri ? Un surplus de mystères s'amoncelait ces derniers temps, Léto elle-même peinait à suivre. Et tout ça pour quoi : devoir se battre. Oui, se battre n'était que l'unique réponse. La Mort viendra, enfin, et la délivrera peut-être du Silence…

Les élus se lancèrent dans l'assaut, à mesure que les ennemis arrivaient en nombre. Toute cette machination lui rappela bien trop son passage en Asgösth. Pourquoi était-elle tel un aimant à apocalypses ? Il ne manquerait plus que la présence des Ridere pour ternir davantage le tableau. Son poing se resserra sur le manche de la hache, imposante. Il lui suffisait d'un Báng pour tout balayer sur son passage, ennemis comme alliés. Tant pis pour les uns, tant mieux pour les autres : Léto en était réduite à ses ressources les plus primaires. Un Réprouvé voltigea jusqu'à ses pieds, ensanglanté, terrassé par la force d'un Goled. Il échangea un regard avec elle. Au même moment, Souw se questionnait sur l'emprise d'Ezechyel sur ces terres. Était-elle réelle ? Aucun Esprit ne résidait ici et cet homme n'était plus, tout simplement. Même si son cadavre demeurait… quelque chose clochait. C'était palpitant. Une nouvelle dimension à découvrir, le tout dans un bain de sang mémorable. Tandis que les lames s'entrechoquaient en rythme, Léto souriait de plus belle.


" Raaaaah ! " Son pied prit appui sur l'ersatz de muret, son élan et la force injectée à travers sa jambe lui permirent de bondir suffisamment haut pour atteindre le cou du géant. Action inattendue et improbable pour ce dernier, il ne vit pas venir le coup de hache s'enfoncer, l'égorger avec une fluidité incroyable. En un coup, le titan chuta.

Léto se réceptionna par une roulade et une garde de suite consolidée. Leurs adversaires se présentaient en masse, toujours plus voraces. Une seule inattention et c'était la blessure assurée, ou pire. Dans l'ouragan rouge, la Draugr ne faisait presque plus la différence entre les Réprouvés et leurs Némésis, tant les instincts guerroyeurs ressurgissaient, se mêlaient à une cacophonie apocalyptique. Elle n'était pas dupe pour autant : son expérience lui permit de faire l'impasse sur l'ivresse du combat, de contrôler cette bête qui animait ses muscles. Le cuir de l'armure était confortable, suffisamment résistant pour qu'elle s'en remette en cas de nécessité. Mourir ? Elle s'en fichait royalement. La nuance se présentait ainsi : perdre n'était pas une option. Un détracteur qui souhaita justement l'en désabuser s'approcha, son épée virevoltante entre ses mains. La Chamane le laissa amorcer son mouvement et le repoussa d'une main forte lorsque la trajectoire de l'attaque se traça dans son esprit. Déstabilisé, le guerrier recula d'un pas et ce fut son dernier avant que Léto ne le tranchât en deux. Elle souriait toujours ; le monstre qu'elle était, le Cyclone contenue sur l'Île Maudite se déchaînait comme jamais. Les canines de l'Ondine s'aiguisèrent, elle pourrait bien plonger dans cet état, mais… Ce n'était pas le moment. Pas encore.

Les porte-étendards de leur Fin étaient vifs et terriblement avides de leur chair. Léto n'en était pas à son premier massacre : elle en connaissait les codes. Les Réprouvés n'étaient pas ses alliés, mais sa sympathie envers eux lui donna quelques fois l'envie d'assister. Ce n'était pas une preuve de faiblesse de leur part : c'était leur Force, leur Unité. L'un d'eux s'emmêla les pinceaux en tentant de reprendre son arme parmi la masse de cadavres ; si la Chamane n'était pas intervenue, il aurait perdu, tout bonnement. Bien évidemment, il n'y eut pas de remerciement exprimé, ni de seconde chance assurée. Juste, Léto fut présente à ce moment-là et avait décapité son potentiel meurtrier. Elle aimait ça. Tout ce sang sur elle… Sa magie s'embrasait, dévoreuse, avide de plus de boyaux. La blonde émit un cri de guerre et fit tournoyer son arme en slalomant dans un groupe ennemi, la lame leur arracha un membre au passage sans qu'il n'ait le temps de riposter. Elle courut vers un Goled de dos et lui asséna son plat du pied, elle rivalisait en puissance, à son plus grand dam. En position de faiblesse, il encaissa la myriade d'attaques des autres champions. Léto se sentait comme chez elle, mettre à mal ses ennemis et les laisser en pâture à ses amis. Sauf que cette fois, elle ne partirait pas, elle ne sera encore moins en retrait : absolument rien ne la retenait ! D'une prestance militaire, Souw pivota sur elle-même, ses doigts resserrés au-dessus du pommeau, afin de balayer tous les agresseurs qui arrivaient, de plus en plus nombreux. Toutefois, les multitudes chocs finirent par briser le manche de la hache, la laissant sans défense un court instant. Un soldat se rapprocha dans son angle mort et entama un estoc. La lame entailla la hanche de la titanide, lui arrachant un râle de stupeur. Vive, sa main saisit celle du traître sur son arme et l'attira à elle pour lui asséner un bon coup de boule. Ses yeux filèrent sur les autres agresseurs et entrevit une opportunité d'en finir avec lui ; sur une courte fenêtre d'action, elle bondit, glissa jusqu'à lui et usa de la vitesse engendrée pour l'assommer d'un coup sec dans la mâchoire. Dans sa chute, elle agrippa son poignet et décrocha ses doigts resserrés sur l'arme pour la lui voler. Une épée un chouïa émoussée, elle fera l'affaire pour quelques assauts. La Chamane leva sa botte et l'écrasa sur le visage de sa victime, l'impact – influencé par sa masse musculaire – lui déforma la moitié du crâne. Il ne s'en remettra pas assez vite. Après quoi, Léto se retourna vers les autres guerriers pour entamer une série de parades et contre-attaques, ne leur laissant aucune chance.

Au fil des combats, la hardiesse du peuple des Deux Rives se fit moins ressentir : ils tombaient comme des mouches, toujours bestiaux mais trop fatigués pour continuer. Le sol devint, à l'instar du ciel, une marre informe de sang et de cadavres. Le terrain n'était plus en leur faveur, il fallait à présent faire attention où mettre les pieds. Alors, Léto dansait, ses pas entraînés durant des décennies la propulsa vers la nouvelle vague de la horde. Sa lame – la dizaine ou vingtaine qu'elle chopa à la volée, elle ne comptait plus – fila à travers la carapace d'une créature insectoïde. Le bestiaire était si varié qu'elle ne cherchait même plus à comprendre leurs origines. Léto savait une chose : cette bataille était vouée à les faire tomber. Dans quel but, elle l'ignorait encore, mais la ténacité des Réprouvés l'avait infectée. Les démons qu'avaient germés Aëran en elle ne persistaient plus, pourtant son sang de Sirène bouillonnait. À la place de ses peintures habituelles, des écailles apparaissaient sur ses bras et ses jambes, ancrées dans l'épiderme. Léto s'apparentait à une créature acculée ; pas en détresse. Cette situation la poussait dans ses derniers retranchements. Son tambour de guerre intérieur lui fit comprendre que le plus dur restait à venir. Que tout ceci ne fut qu'une mise en bouche. Tous ces hommes et ces femmes s'étaient battus pour aller au loin, et pourtant, ils étaient si nombreux à n'en avoir qu'effleurer la possibilité. Elle ressentait comme une mélancolie émettre des macchabées à ses pieds, comme si on tentait de lui faire comprendre pourquoi elle se tenait encore là, l'épée en main, son armure à moitié déchiré ou cabossé, son visage et ses cheveux tachetés de sang.

Puis il vint. Un adversaire que Léto savait redoutable. Elle connaissait évidemment les Zaahin, ces héros qu'érigeaient ce peuple aux rangs des Divins. Si elle avait eu l'occasion d'en apercevoir à l'œuvre, son opinion à leur sujet restait inchangée. Ils étaient redoutables et cette épreuve – peut-être la dernière – lui fera entrevoir la vérité sur ces soi-disant "dieux". L'armure de la guerrière en face baignait sous une cascade sanguinolente. Ils furent beaucoup à tenter de percer ses défenses, mais elle ne semblait guère essoufflée ; elle possédait cette fameuse aura que la Chamane put ressentir dans leurs rangs. Un ennemi à sa taille ou serait-ce trop présomptueux de sa part ? Léto sourit à cette éventualité : elle n'en sera pas à son premier blasphème. Armée d'une claymore aussi gigantesque qu'elle, la guerrière fonça sur la Draugr, apparemment intéressée à l'idée d'en faire sa nouvelle victime. Souw profita de sa maigre occasion pour s'élancer à son tour et leurs lames s'entrechoquèrent. Un bras-de-fer s'entama entre les deux combattantes. Puis le Silence. Des étincelles fusèrent entre leurs armes, crépitantes, bruyantes. Cette fois, Léto n'eut d'autres choix que de s'habituer à ce désavantage : elle ne devait absolument pas quitter son adversaire des yeux, au risque de se perdre. Mais qu'en étaient-ils des autres, la prendra-t-on en traître comme la fois dernière, il y a… des jours, des semaines ? Elle ne savait plus, ça aussi elle s'en était fichue. Le baiser métallique s'interrompit lors d'un mouvement de l'ennemie, visant à lui trancher la tête. Léto se courba en arrière et usa d'un de ses pieds pour se propulser en retrait grâce à l'armure. Elle se retrouvait à terre, mais au moins sauve. La barbare ne lui laissa pas un seul répit et souleva son arme imposante pour l'abattre. Léto roula sur le côté et se tourna en sa direction. Sauf que la guerrière n'était plus là. Ses yeux cherchèrent partout, elle pivota sur elle-même, son instabilité on ne peut plus palpable. Sa respiration intensément forte, Souw crut se noyer dans un cauchemar sans fin. Dans un éclair de lucidité, Léto s'écarta de sa position et évita de justesse une attaque qui aurait pu être fatale. La flamberge se coinça malencontreusement dans un corps inanimé. En tant que battante, la Draugr ne manqua pas cette occasion et se rapprocha vivement pour engouffrer sa lame dans une interstice du casque. Immobilisée, les solides bras de la guerrière devinrent ballants et elle tomba à terre, raide morte. Les hurlements de guerre revinrent à elle, alors que le fracas métallique ne persistait plus. Malgré toute sa force, Léto se remettait difficilement de cette affliction psychologique et se mit à errer sur le champ-de-bataille. Il lui semblait bien vide… Son regard dissemblable s'égara sur des duels féroces au loin, où les Réprouvés, Zaahin ou encore Élus, redoublaient d'efforts pour survivre. Certains échouaient, d'autres disparaissaient, peut-être pour toujours.

L'hémoglobine surchauffait sur sa peau bouillonnante, la Sùlfr laissait comme de la vapeur sur son chemin. Tant mieux, elle n'en sera que plus visible et elle pourra démarrer un nouveau combat. À la recherche de son graal, la Chamane fut attirée par un duel en particulier. Aucunement le sien, une Réprouvée en était déjà maîtresse. Léto arriva pile au moment où la fameuse guerrière en eut fini avec sa proie. Soudain, un autre ennemi arriva à la hauteur de Souw et engagea les hostilités avec elle. Si elle parvint à bloquer le premier coup, il n'en fut rien pour le second qui lui arracha presque le bras. Elle serra les dents et fit fi de la douleur pour l'abattre d'un coup sec au thorax. Le baroud d'honneur de ce nuisible fut de lui balancer une dague dans l'abdomen, ce qui fut une réussite. Léto grogna, sa magie sanguine ne servit plus ; elle arracha la dague de son ventre, comme si elle accordait cette défaite. Déçue par sa performance – qui pourtant fut grandement remarquable – la blonde se tourna vers l'autre blonde, lui accordant ce sourire singulier qu'on lui attribuait.


" Edmund'Faasnu (Cœur sans peur). Émit-elle d'emblée, ainsi la reconnaîtra-t-elle. Puis, c'étaient bien les seuls mots Zul'dov dont elle était capable d'utiliser. Je vous retrouve ici, c'est presque trop beau. Elle chassa ses mèches rebelles et dégoulinantes de sang, bien qu'elle devrait focaliser toute son attention sur ses sévères blessures. Vous êtes dure à trouver, comment faites-vous ? Enfin au moins, je sais que mon cadeau est bien entre vos mains, c'est le plus important. Un demi-sourire s'étira, une lichée de sang s'en échappa. J'aurai voulu vous emmener à Orahza, vous étaler sur mon cercle de combat aménagé… ou pas. Un bref rire s'échappa de ses lèvres. Un cri de guerre se fit entendre au loin, le visage de Souw s'assombrit de nouveau. Tiens, elle venait de perdre une écaille de son bras incapacité. Retournons-y, jusqu'à la Mort ! " S'enhardie-t-elle avant de retourner au front.

Toutefois, malgré son injonction, Léto n'avait pas fui pour poursuivre le combat de son côté, mais pour s'y éteindre. Ses forces la quittaient et, si elle parvint à tuer six ou sept autres ennemis, un dernier coup fatal eut raison d'elle. Elle chuta sur le dos, le fer s'occupa de lui ronger davantage ses entrailles exposées. Ses yeux réciproquement rouge et ocre fixèrent la colère de l'orage, avant de se recroqueviller dans les ténèbres.

~~~

Souw observa son corps inanimé sur les peaux de bête. Elle entendait Ponpon courir partout dehors, sous la détresse point cachée de Momoko. Tant mieux, Léto ne préférait pas que l'un ou l'autre n'assistât à ça. La Chamane devait mener l'enquête concernant cette expérience. Toutefois, elle n'arrivera pas à se concentrer avec ces ailes opposées dans le dos. D'une main ferme, son enveloppe spectrale saisit une excroissance et l'arracha d'un coup sec, l'autre ne tarda pas à suivre. La femme s'habituera à la douleur, plus commode que le poids d'un peuple sur les épaules.


4013 mots ~
Les parties "invisibles" sont sous Silence



By Jil ♪
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Dim 14 Juin 2020, 23:38

Zoé
Odon Do Dur
Zoé ne balayait plus ; elle récurait le pont. Outre le fait qu’elle était une grande maniaque, cette fois-ci, cela révélait plutôt son énervement. Elle appliquait toutes ses forces sur le balai, comme si elle devait décoller sa colère et sa mauvaise humeur du bois. Cela semblait aussi difficile à tirer que du riz cramé au fond d’une casserole.

-Plus d’eau ! Cria-t-elle de manière particulièrement désagréable.

Zull déversa le contenu du seau d’eau de mer par terre et Zoé la dispersa sur les zones où le bois était toujours sec avec son balai. Il passa le seau sous son bras, s’appuyant à la rambarde.

-Tu comptes faire la gueule combien de temps ? Se risqua-t-il.

-Ta gueule.

Il sourit. Dans d’autres circonstances, il l’aurait prise au sérieux, mais il savait parfaitement pourquoi elle était comme ça. Et c’était de sa faute. Alors il était de bonne humeur. Il fallait dire qu’ils l’avaient bien eue. Voyant qu’il ne bougeait pas son cul à remonter plus d’eau, Zoé leva des yeux assassins vers lui, juste une seconde, avant de se renfrogner de nouveau.

-Arrête de sourire avec ta gueule de connard là.

-C’était drôle.

-Gneuhgneuhgneuh l’événement des bisous. Elle prit une posture ridicule pour l’imiter. Avec ton accent d’Stenfek de merde. Putain.

-J’suis pas de Stenfek et c’est toi qui as un accent bizarre.

-Ta gueule. Z’aviez qu’ça à fout’ que d’m’emmerder ? C’est moi qu’est l’capitaine ici. Allez bouge ton revr un peu, emmène de l’eau par ici. (revr = cul)

Zull s’exécuta. Il riait un peu de se remémorant la tête qu’elle avait tiré face à l’absurdité de la situation. Zoé décida de ne plus en tenir compte. Ils avaient un navire à entretenir et c’était pas en se battant que ça allait se faire, même si elle avait très envie de lui refoutre une paire de claques et plus encore. A lui, à l’autre con de Lokar qui l’avait suivi, et à ses parents à lui, qui, pour des raisons obscures, les avaient aussi suivis dans leur connerie. Comportement collaboratif d’Ange peut-être. Ledit Lokar réapparut d’ailleurs dans les minutes qui suivirent, revenant des entrailles du navire.

-Houlà. C’est normal ce brouillard ?

Il avait terminé de nettoyer l’intérieur. Zoé releva le nez et plissa les yeux. Ah oui, du brouillard. Ce n’était pas une brume de mer, même si ça y ressemblait fortement. Les brumes de mer arrivaient plus tôt, dans la nuit jusqu’au début de la matinée. Pas au beau milieu de tout, comme ça. Surtout qu’il ne faisait pas spécialement beau, mais pas spécialement moche non plus quelques minutes plus tôt.

-Hm. Nan.

Ce n’était pas normal. Lokar était un peu con, mais il avait eu l’œil pour le coup. Il fallait dire qu’on ne voyait que ça à l’horizon. Zoé admettait qu’elle n’avait pas vu car elle avait été très appliquée à sa tâche. En revanche, elle était plutôt déçue que Zull ne lui ait rien fait remarquer.

-On fait quoi alors ? Demanda le plus jeune après un court silence.

Elle n’en avait pas la moindre idée. Elle ne savait pas s’il fallait s’inquiéter, même si son instinct lui disait que… peut-être. Mais ils devaient d’abord finir d’entretenir le navire. On finissait toujours ce qu’on avait commencé. Les excuses, c’était pour les Sorciers.


***


Zoé avait perdu son équipage de vue. Mais elle savait qu’ils étaient là. Ils étaient tous là. Incalculables, mais là. Sans aucune exception. La brune tenait fermement sa hache, la frappant contre le métal de son épée. Elle ne pourrait pas combattre avec les deux en même temps, mais cela faisait partie de l’élan, le son des armes, qui était repris par tous. Elle chantait aussi, elle et les autres comme une seule voix. Elle ne se questionnait pas. Elle ne se demandait pas si elle était prête ni même ce qu’il se passait au juste, parce qu’elle savait qu’elle l’était et ce qu’elle avait à faire. Son cœur battait à tout rompre, irrigant le moindre de ses sens pour la disposer au mieux au combat. Quand le cri fut lancé, Zoé rugit avec les autres et suivit le mouvement.


***


-Qu’est-ce qu’il se passe ?

Lokar retrouva ses parents. Ils n’avaient pas pris trop de temps à rentrer. Malgré tout, Zoé avait tenu à ce qu’ils se dépêchent de terminer l’entretien du bateau. Ils avaient fait ça en un temps record pour rejoindre au plus vite la terre ferme et voir ce qu’il s’y passait. Peut-être avait-elle plus le sens des priorités que ce que l’on pouvait penser.

-Un type bizarre est arrivé.

-Et c’est qui ?

-Je ne sais pas… Boholt’Kein, certains disent.

Boum.


***


Elle courait. Elle ne vit pas tout de suite l’ennemi. Devant elle, il y avait déjà une masse immense de guerriers. Elle tentait de se frayer un chemin vers la ligne de front. Son sang bouillonnait. Elle était habitée par la rage de vaincre et de détruire tous ceux qui s’opposeraient à elle. Elle se sentait invincible, délivrée de toute faim, de toute soif, de toute fatigue. Elle sentait que la douleur ne lui ferait rien et qu’au contraire, il serait un moteur pour la faire avancer toujours plus. Elle était capable de n’importe quoi à cette heure, pourvu qu’elle tue ces montres de Goleds, ces créatures difformes qui n’avaient rien à foutre ici, ces vermines qui n’existaient que pour mourir sous les armes de son peuple.


***


-Tu le sens toi aussi ?

Zoé but une gorgée et reposa sa chope.

-Ouais.

Lokar en avait des questions cons. Enfin, il était jeune, ça expliquait aussi. Bien sûr qu’elle le sentait. Ça la rendait nerveuse. Depuis l’apparition de la brume, ses sourcils étaient constamment froncés et elle était agitée. Elle ne dormait plus beaucoup non plus. Elle tenait le coup, bien sûr, mais elle n’avait jamais eu un tel pressentiment. C’était dans ses tripes. Quelque chose allait se passer. Ça allait être la bonne grosse merde. Un truc dont elle n’avait aucune idée de l’envergure. C’était stressant, peut-être un peu angoissant, mais elle avait hâte. C’était chiant d’attendre. Elle voulait rentrer dans l’action plutôt que d’attendre ici, le cul posé sur ce tabouret dans une taverne morose, à ruminer en buvant de la bière.


***


En poussant un cri, Zoé abattit sa hache sur le crâne d’une bestiole. Ça y est. Elle y était enfin. Le front. Un autre adversaire. Un autre coup. Cette fois-ci, elle lui sectionna la jugulaire. Le truc – car elle ne savait absolument pas de quoi il pouvait s’agir – se vida de son sang et s’écroula par terre, éclaboussant la cuirasse et le visage de la Réprouvée. Elle continua. Elle n’avait pas peur. Son arme fendait l’air avant de trouver de la nouvelle chair à découper. Elle jubilait presque face à toute cette exaltation qu’elle ressentait pour la première fois. Ça n’avait rien à voir avec les tempêtes dans lesquelles elle avait pu de retrouver en mer, mais elle kiffait tout autant. Elle kiffait l’adrénaline. Elle sentait l’odeur de la chair, le goût du sang sur ses lèvres. Son sourire déformé par la rage dévoilait ses dents. Elle était vivante. Elle se sentait bien. Et elle cassait des gueules. C’était. Ça. La vie.

Zoé sentit son souffle se couper lorsqu’un Goled lui donna un violent coup de pied dans l’abdomen. Elle bascula en arrière.


***


-On fait quoi ?

Zoé tapa du poing sur la table.

-Mais bordel tu vas m’emmerder combien d’temps avec tes questions ? J’en sais rien moi !

Son verre était vide à présent, mais elle avait bien envie de s’en payer un autre. Avec le gamin à ses côtés, elle avait besoin de patience. Pourquoi il lui demandait à elle, en plus ? Il avait des parents pour lui répondre, pourquoi ne s’en servait-il pas ?

-Désolé.

Elle soupira et ferma les yeux. Bon sang…

-T’es un Réprouvé ou pas ?

-Oui.

-Alors arrête d’t’excuser et ferme-la. Sinon tu vas t’transformer en tapette.


***


Zoé tomba par terre. Elle roula sur le côté. Par réflexe, elle avait fermé les yeux en même temps. Où la gigantesque hache de cette brute allait-elle s’abattre ? Elle n’en savait rien. Vite. Se relever. Un autre Réprouvé se chargea d’abattre sa lame sur la nuque du Goled tandis que la femme revenait à la charge.

Le sol se recouvrait petit-à-petit de cadavres. Zoé marchait parfois sur des corps sans vie. D’autres agonisaient. Elle s’en foutait. Ils étaient foutus. Pas elle. Elle n’avait pas le temps de réfléchir davantage. Elle planta sa hache dans les côtes d’un être humanoïde. Elle ne vit pas le monstre à sa droite qui happa son bras pour le lui arracher d’un coup sec. La Réprouvée hurla. Des larmes de douleur se mêlèrent à sa transpiration et à la poussière qui recouvrait son visage. Son sang coulait abondamment. Elle sentit une nouvelle rage monter en elle. D’un coup sec, elle retira son arme des entrailles de son ennemi et passa au suivant. Son attaque transversale fut esquivée. Elle n’était pas gauchère et encore moins douée à une main. Elle avait aussi perdu en agilité. La pique qui lui transperça le ventre en fut la preuve. Zoé cracha du sang dans une expiration qu’elle ne parvint pas à contrôler. Elle voulut bouger pour se défendre encore mais n’y parvînt pas. Une créature sauta sur elle et elle tomba à genou. Elle eut une sensation de brûlure à la nuque, d’abord superficielle, puis tout à coup plus profonde, mettant aussitôt fin à sa vie. Le corps de Zoé termina sa chute, rejoignant ses compatriotes et ses ennemis qui recouvraient doucement le sol d’un tapis de chair fumante.


***


Elle était dehors, sur le point de rejoindre sa maison. Elle s’en souvenait : c’était comme avant de disparaître. Ses ailes étaient déployées. Elle ne savait pas vraiment pourquoi. Il n’y avait pas à comprendre pour le moment. Elle était juste fière de ce qu’elle avait fait et elle se sentait particulièrement sereine.
C’était peut-être à cause de la fatigue. Sûrement, en fait. Zoé était fébrile. Elle se sentait alourdie par un poids dont elle savait ne pouvoir se débarrasser qu’en dormant. Il était si conséquent qu’elle était incapable de se tenir droite. Il ne lui restait plus qu’une chose à faire. En titubant un peu, elle commença sa longue route en direction de son lit.



~1725 mots~


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Astriid
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Astriid
Lun 15 Juin 2020, 23:26

[Event Top Sites] - Odon Do Dur  06f5

Odon Do Dur




«Alors on va où ?»
«...»
«On est presque arrivés ? Roh j'ai hâte ! Est-ce qu'on peut passer au Rocher du Clair de Lune ? J'ai un ami que je connais qui vient de là-bas, Dhavala, t'en as entendu parler ? Il parle pas beaucoup comme toi.»
«...»
«Ha non c'est vrai, il y a trop de problèmes là-bas, c'est trop dangereux! Bon mais on va où alors ? Moi j'aimerai bien voir des anges.»
«...»
La bouche d'Astriid prit un pli boudeur et elle tourna le dos au Braskä pour aller rejoindre ses amis, ses petits pieds nus tambourinant sur le bois de hêtre brûlant sous le soleil. Elle connait déjà Raïm, c'est un Boräk taciturne qui apprécie peu qu'on lui pose des questions et qu'on soit dans ses pattes. Chargé de guider le petit groupe d'Ygdraë ayant quitté Melohorë la veille, le géant de deux mètres considérait qu'il était payé pour protéger les elfes et il laissait le rôle d'éducation à Solenn et Daràdir, les deux elfes plus expérimentés qui faisaient partie du voyage.
Dès l'instant où elle avait posé le pied sur le pont couleur chataigne du bateau, ses yeux agrandis par l'excitation d'une nouvelle expérience, Astriid n'avait plus tenu en place, elle avait d'abord couru de long en large, faisant connaissance avec l'équipage, posant mille et une questions sur la navigation et cherchant à aider là où elle pouvait. Ce ne fut pas long avant qu'elle n'entraînât avec elle les autres Eskët du groupe pour s'amuser dans les cordages au dessus des flots mousseux, au grand dam de Raïm qui ne souhaitait pas devoir aller repêcher un elfe imprudent dans l'eau glacée du large. Silencieux, il les surveillait attentivement pour veiller à ce qu'ils ne gênent pas les marins quand Solenn, une Eorbeth blonde, le rejoignit, s'accoudant au bastingage à ses côtés pour garder son équilibre avec le balancier du bateau. «Tu as entendu parler de ce qu'il se passe chez les Réprouvés ? Nous devrions convaincre le capitaine de changer de direction et chercher à atteindre un autre port.». Raïm fronça les sourcils, passant sa main rugueuse dans sa barbe, réfléchissant. «Je n'aime pas ces histoires de brume et de type mystérieux encapuchonné mais le capitaine n'acceptera jamais de se détourner de Lumnaar'Yuvon.» Payé pour livrer ses marchandises là-bas, le capitaine était tenu par contrat mais surtout par l'honneur de livrer les tapisseries à bon port. Le Boräk jura et cracha par dessus bord en ignorant la moue dégoûtée de Solenn. «Une fois arrivés au port de Lumnaar'Yuvon, nous prendrons immédiatement un autre bateau pour rejoindre un territoire plus sûr. C'est ce qui était prévu et nous suivrons notre plan.» L'Elfe approuva sa décision d'un hochement de tête avant de suivre du regard les acrobaties des Eskët qui se contorsionnaient maintenant pour chercher à caresser les dauphins qui crevaient la surface bleutée de la mer et accompagnaient le bateau de leurs sifflements mélodieux. Elfes et cétacés, ils étaient les heureux ignorants des événements à venir et profitaient du plaisir simple du moment présent. Si réellement les réprouvés entraient en guerre, il faudrait trouver une solution pour éloigner les jeunes elfes de ces rustres qui avaient réussi, sans surprise, à entrer en conflit.

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Gémissant dans son sommeil, Astriid remonta sur elle la couverture râpeuse en frissonnant. Une main lui enleva la couverture et elle geint en ouvrant à demi des yeux fiévreux. Elle sentait son coeur battre follement contre sa poitrine, cherchant à sortir de sa prison. Elle croisa le regard inquiet de son ami Valÿn qui passait une main réconfortante sur son bras. Il finit par se lever pour aller chercher de l'aide avant qu'Astriid puisse lui demander de rester. Elle tenta de se tourner sur le côté et l'effort la laissa tremblante.
En début de soirée, elle avait commencé à se sentir mal, les membres lourds et elle ressentait comme un énorme poids dans sa poitrine. Léthargique depuis quelques jours, elle demeurait silencieuse, daignant à peine sourire aux plaisanteries de l'équipage et lorsque Solenn avait entamé un air sur sa flûte, elle s'était isolée pour se plonger dans ses pensées. Elle réfléchissait aux bavardages des marins que ses oreilles curieuses avaient intercepter, ils s'inquiétaient d'accoster en territoire réprouvé. Elle voyait aussi que Raïm était préoccupé, craignant d'arriver dans un pays en guerre. Réussiraient-ils à prendre un bateau aussitôt qu'ils débarqueraient ? La notion de guerre elle-même était floue pour Astriid qui ne comprenait que vaguement ce que cela impliquait. Ces discussions éveillaient toutefois un écho étrange en elle et la laissait pensive. C'était comme si son coeur voguait lui-même sur des flots agités et elle était partagée entre l'envie de se réfugier dans son lit étroit et fermer les yeux pour trouver une forme d'apaisement et l'envie de crier en courant de gauche à droite pour exprimer son anxiété sourde. Elle avait habitué tout le monde à son attitude enjouée et son changement de comportement progressif avait intrigué les Ygdraë et les marins. Elle passait des heures à contempler les langues vertes de la mer qui léchaient la coque du bateau. Les jours passant, elle était devenue si absente qu'elle n'entendait plus quand on l'appelait et son groupe avait arrêté de chercher à aller lui parler. Elle évoluait comme un fantôme sur le bateau, oubliant souvent de rejoindre les Ygdraë pour manger.
Astriid sursauta quand la main sèche de Raïm se posa sur son front et elle chercha à se soustraire au contact glacé contra sa peau moite. Il grommela entre ses dents. «Pfft c'est pour ça que vous me réveillez au milieu de la nuit ? Ça fait une semaine qu'elle tire la tronche. C'est juste le mal de mer, ça lui passera.» Il sortit en titubant de sommeil, laissant Valÿn seul avec Astriid, les autres Eskët dormant encore. Son ami serra la main de son amie qui sombrait de nouveau dans un sommeil agité, ses pupilles effectuant des va et vient frénétiques sous ses paupières, ses cheveux écarlates collés à son front couvert de sueur.
À l'aube, Astriid ouvrit difficilement les yeux, ses paupières collées entre elles mais une fois debout, elle fit sa toilette et s'habilla rapidement, sa vigueur retrouvée. Elle se sentait étrangement en pleine forme, ses muscles vibrant comme les cordes d'une harpe. Une tension restait en elle mais elle était aussi soulagée d'une manière qu'elle n'aurait su expliquer, comme une attente qui se termine enfin. Elle jaillit hors de sa cabine pour rejoindre les autres et salua bruyamment l'équipage avant de courir vers son groupe. Elle ne vit pas le bois fraîchement lavé, encore humide et mousseux. Son pied dérapa et elle aperçu Solenn se lever pour se précipiter vers elle et la rattraper, elle poussa un petit cri qui fut coupé lorsqu'elle disparu soudainement avant même de heurter le sol. Astriid ne vit pas les regards catastrophés des Ygdraë témoins de sa disparition. Elle n'entendit pas les jurons sonores de Raïm qui hurlait qu'il allait tuer cette maudite elfe s'il la retrouvait. En revanche elle vit très bien la terre fraîche soulevée par une motte d'herbe arrachée remplacer le sol en bois dur du bateau et elle termina sa chute, son cri s'achevant en une note pathétique digne d'un couinement de souris. Sonnée, elle resta un moment sans bouger, le nez empli de l'odeur familière de la terre et elle loucha sur un ver qui se tortillait sous ses yeux, dérangé par la jeune elfe qui avait atterri sur son habitat. Elle allait s'excuser quand une large main la souleva par sa tunique, lui arrachant quelques mèches au passage. Elle battit des pieds inutilement quand l'inconnu la souleva au dessus du sol pour la tenir à hauteur de ses yeux. «Qu'est-ce que tu fous là souriceau ?» Terrorisée, elle couina à nouveau et se débattit jusqu'à ce qu'il la lâche enfin. Elle leva les yeux vers lui et sa mâchoire se décrocha en voyant les imposantes ailes de son interlocuteur, blanche et noire, ses muscles saillants, ses yeux sombres enfoncés dans ses orbites. Les yeux ronds, au bord du malaise, Astriid mumura faiblement «Tulkäh...»
Elle parcouru du regard le paysage autour d'elle qui avait radicalement changé. Une armée l'entourait, tous regardaient dans la même direction, leurs muscles frémissant imperceptiblement dans l'attente du choc à venir. Leurs ailes légèrement dressées, vêtus de cuir, leurs muscles saillants, les mains serrant une ou plusieurs armes fermement, ils étaient impressionnants et respiraient la force et la puissance. Hommes, femmes, enfants, ils avaient tous la même expression déterminée sur le visage. Astriid cligna des yeux comme une chouette et se tourna vers celui qui l'avait remise sur pieds : «Je euh, bonjour! Oui bonjour! Vous allez bien ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Je suis où là ? J'étais sur mon bateau avec mon groupe, je n'ai aucune idée de comment...» Il lui coupa la parole et lui envoya une accolade qui l'envoya presque par terre. «La ferme souriceau et concentre-toi, écoutes...» Son sourire devint torve et ses yeux brillèrent d'une lueur inquiétante. «Entends-tu la voix de la mort qui vient se saisir de nos ennemis ? Aujourd'hui est un grand jour, même pour un souriceau comme toi.» Il grogna en évaluant sa frêle silhouette du regard et lui lança deux dagues ternes qui vinrent se planter dans la terre à ses pieds. «Prends ça, si tu es assez rapide, tu pourras peut-être en tuer quelques uns avant de sourire à la mort.» L'Ygdraë pâlit aux paroles du réprouvé et se saisit des dagues en tremblant, elles étaient lourdes et grossières entre ses mains fines et elle interrogea l'ailé du regard mais il ne la regardait déjà plus, occupé à discuter avec une femme à ses côtés. Elle déglutit, incertaine de l'attitude à adopter, elle ne voyait aucun moyen à sa disposition pour retourner sur le bateau et malgré le déni qui grandissait, elle comprit qu'elle était au beau milieu de la guerre des réprouvés qui était sur toutes les lèvres. Une boule se forma dans sa gorge et elle eut soudain une formidable envie de pleurer.
L'elfe voulut interroger les réprouvés autour d'elle mais fut coupée par un soudain murmure qui parcourut l'armée comme une vague. Le murmure devint de plus en plus présent jusqu'à devenir cacophonie quand il arriva au niveau d'Astriid, chaque guerrier frappant leurs armes avec ferveur. D'abord hésitante, Astriid prit les dagues et les frappa entre elles irrégulièrement avant de prendre confiance, enhardie par l'excitation qui montait dans les rangs et bientôt, elle frappa aussi fort qu'elle pouvait ses armes, toute raison et logique abandonnée. Elle était peut-être en train de rêver de tout ça et elle ne chercha plus à se questionner sur le pourquoi du comment, elle sentait naître en elle une ardeur et un courage qui annihilèrent l'angoisse qui sourdait en elle. D'un même mouvement, l'armée se mit en marche à l'encontre de l'ennemi et Astriid les accompagna de sa petite voix, soudain mourant d'envie de briller aux côtés des valeureux guerriers, ses yeux émeraude brillant, ses dagues dressées, elle oublia qui elle était, se fondant dans la masse. La vitesse de marche s'accéléra progressivement et sans qu'elle sache comment, elle se retrouva à courir, pleine d'enthousiasme et de volonté, puisant dans sa faible réserve de magie pour accélérer sa course, ses cheveux rabattus en arrière, poussant des cris pour se donner du courage. Le bruit sonore du front s'approchait d'elle, les hurlements, la rencontre des armes, le tonnerre grondant, ce fracas assourdissant était nouveau pour elle et la galvanisait autant qu'il l'effrayait et elle plongea aux côtés des bipolaires dans le nuage de poussière qui se formait. Elle ne dut qu'à la bousculade involontaire d'un guerrier ailé de ne pas être coupée en deux par l'énorme épée d'un immense combattant qui devait faire trois fois son poids. Le coeur battant, déjà essoufflée, elle se stabilisa sur ses pieds, portant le poids de son corps dans ses mollets, cherchant des yeux le prochain adversaire. Celui-ci émergea sur sa droite, éructant ce qu'elle devina être une insulte à son encontre avant d'abattre son hallebarde vers sa tête. Astriid, blanche de peur, recula précipitamment, ne sachant plus quoi faire de ses mains, les dagues pendant inutilement à ses côtés. Figée de terreur, elle ne parvenait même plus à crier tandis que le combattant fondait sur elle, son cri reprit en chœur par des coups de tonnerre et la jeune elfe gémit pitoyablement quand elle fut sauvée par une réprouvée qui percuta l'ennemi avec violence avant de lui enfoncer son épée dans le cou. Astriid cria quand elle vit le sang jaillir et elle se cacha les yeux avec les mains pour se soustraire à la vision. Du sang maculait le visage de la bipolaire qui arriva sur elle et lui colla une gifle qui fit voir des étoiles à l'Ygdraë; elle lui cracha des mots qu'elle ne comprit pas, sûrement du Zul’Dov qu'Astriid n'avait pas encore eu l'occasion d'apprendre. Elle en comprit toutefois le sens et elle secoua la tête, raffermit sa prise sur ses armes et se replaça en position de combat, les jambes encore tremblantes. Elle rechignait de devoir prendre la vie mais ils étaient des ennemis, des inconnus, menaçants et ils allaient la tuer si elle ne se défendait pas. Elle se rappela ses discussions avec Dhavala. Avait-il connu pareille situation ? Parlait-il de ce type d'expérience ? Et si elle était en plein rêve, est-ce que les morts resteraient sur sa conscience ? Chaque vie était précieuse à ses yeux mais elle n'était pas en mesure de parlementer sur une solution de paix avec chaque guerrier qui lui ferait face. Comme en réponse à ses pensées, un géant torse nu apparu devant elle, l’œil mauvais, il tenait un gourdin dans ses larges mains qu'il leva haut, prenant une inspiration pour se jeter sur l'Ygdraë terrifiée. Astriid plongea dans une roulade qui la fit passer entre les jambes épaisses du combattant. Elle bloqua les pensées parasites, virevolta à l'instant même où elle se redressait et trancha la peau tendre derrière les genoux. Elle manqua de force et ne laissa qu'une entaille superficielle et elle dut s'y reprendre une seconde fois, avec plus de succès car le géant flancha et s'effondra sur un genou en grognant. Des larmes dans les yeux, Astriid inspira en tremblant, elle devait réagir rapidement, avant qu'il ne se retourne. Elle leva haut ses deux bras frêles, les dagues aussi lourdes que des rochers dans ses mains et elle les enfonça dans la nuque du géant dans un grand cri éraillé. Épuisée, elle resta ainsi quelques secondes, sa poitrine se levant à s'abaissant rapidement, elle voyait flou à travers ses larmes. Elle se mordit la langue pour se donner du courage et continuer. Elle se ferait tuer si elle restait ainsi, elle ne voulait pas mourir alors qu'elle sortait enfin de Melohorë. Elle n'aurait pas le temps de se transformer en arbre, elle ne savait même pas comment faire. Elle retira avec effort ses armes du corps inerte sous elle et essuya ses yeux avec sa manche noircie de poussière. Elle ne vit pas son prochain ennemi arriver dans son dos ni ne l'entendit, perdue dans une profonde culpabilité et un dégoût d'elle-même. Le bruissement doux et douloureux d'une longue lame sur ses cotes la fit frissonner de tout son long et Astriid contempla avec surprise et effroi l'épée qui ressortait de sa poitrine. Une bulle de sang éclata au coin de sa bouche et Astriid toussa un jet de sang sur sa tunique tandis que celle-ci s'imbibait rapidement lorsque le combattant récupéra sa lame. Il envoya par terre l'Ygdraë d'un coup de pied dans le bas du dos et elle s'effondra sur la terre tassée mêlée du sang d'autres victimes. Elle ne réalisa pas ce qu'il se passait, refusait d'y croire, son corps ne lui obéissait plus et elle sentait la vie lui échapper par la plaie béante dans sa poitrine, aspiré par le sable assoiffé. Ses cheveux emmêlés lui cachaient à moitié la vue mais la dernière image qu'elle vit avant de fermer ses yeux fut le regard terriblement vide d'un réprouvé, une hache plantée dans son épaule, sur ses lèvres flottait le sourire de la mort.
À la place, Astriid cligna des yeux, l'air vivifiant et salé de la mer fouettant son visage et invitant les ailes dans son dos à se déployer. Elle palpa sa poitrine à la recherche d'une blessure et tituba sous le poids nouveau de ses ailes. Des bras la soutinrent quand ses jambes la lâchèrent et des paroles réconfortantes l'entourèrent, des questions pressantes aussi. Elle ne les entendait pas, ses yeux se fermèrent à nouveau, elle était terrassée de fatigue et elle sombra dans les bras de l'inconscience.
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Kaahl Paiberym
~ Sorcier ~ Niveau VI ~

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Kaahl Paiberym
Lun 15 Juin 2020, 23:28


Normalement, les champs d’or auraient dû s’étendre à perte de vue. Je baissai les yeux vers l’enfant que je tenais dans les bras. « J’imaginais Lumnaar’Yuvon différemment… » lui murmurai-je. Je voyageais vite mais sa croissance était toute aussi rapide. D’un nourrisson de quelques jours, il était passé à un nourrisson de quelques mois en un rien de temps, en quelques heures à peine. Bientôt, il marcherait. Son développement était bien plus fulgurant que celui d’Érasme ou de Lucius. J’avais mal au crâne, la faute de la Couronne du Milieu. Je commençais à être habitué aux effets pervers de ces artefacts. Il fallait du temps pour réussir à les maîtriser. Contrairement à la Bague des Déchus, aucune apparence ne m’était imposée. Le plus gros du problème résidait dans mon caractère. L’enfant, que je tenais dans les bras, avait failli mourir deux fois au cours du trajet, parce que j’étais incapable de stabiliser mon comportement. Un coup je souhaitais le garder et le chérissais comme la prunelle de mes yeux, un coup je désirais m’en débarrasser et le tuer. Actuellement, j’étais bien plus dans une optique angélique. Je lui parlais, le caressais, jouais avec lui et je savais que je tuerais le premier à lui faire du mal. Je culpabilisais de mes mauvais traitements passés, tout en ayant conscience qu’il me suffirait de mettre fin à mon règne pour me libérer de l’emprise malsaine de ce peuple. J’avais néanmoins noté que toutes mes identités finissaient toujours par me hanter et modifier ma façon d’être, de façon temporaire ou non. L’Ange était le plus problématique, bien que le Vampire le fût aussi, pour d’autres raisons. La soif était difficilement contrôlable et, à chaque fois que je me rapprochais trop de la peau d’une personne, l’envie de la mordre surgissait d’une façon brutale et traître.

Mes yeux parcoururent le paysage. Il était plongé dans la brume. Le relief des champs, qu’il était possible de deviner, était perdu dans un brouillard dense, qui rendait l’endroit en tout point différent de ce que mes recherches m’avaient appris. J’étais méfiant, d’autant plus à présent. Clairement, me rendre à Lumnaar’Yuvon n’était pas mon idée la plus judicieuse. Même si je commençais à parler le Zul’Dov de façon fluide, je possédais forcément un accent qui trahirait une vie à l’extérieur des territoires de la race. Le racisme des habitants de la zone n’était plus à démontrer : racisme envers les étrangers, déjà, mais aussi envers ceux qui venaient de Stenfek. J’avais passé du temps à inventer une histoire plausible, qui justifierait mon accent, mon absence de tous liens et le reste. Le problème restait que ceux qui vivaient à Bouton d’Or étaient bien capables de n’écouter mes dires qu’une fois qu’ils m’auraient tabassé. Taper d’abord, parler ensuite, une coutume qui correspondait bien à ce peuple. Ils ne pourraient néanmoins pas m’enlever mes ailes bicolores et mon tempérament bipolaire. J’étais un Réprouvé. Ils devraient l’accepter, d’autant plus que je ramenais un enfant né de la Paal Maar. « C’est étrange… » susurrai-je. L’atmosphère l’était. Mon corps dans son ensemble était tendu alors que je marchais sur le chemin de terre. J’étais certain qu’il me mènerait au village principal après un peu de randonnée. J’aurais pu me téléporter mais je savais que la magie était mal vue, ici en particulier. Dire que je faisais tout ça pour rencontrer les parents de Laëth afin de leur donner des nouvelles de leur fille... J’étais un poil excessif dans mon entreprise, ce qui ne me ressemblait pas. J’avais l’impression de ne pas avoir le choix et ça m’agaçait. Penser à l’Ange ne faisait que faire ressortir le Bien et le Mal en moi. J’alternais mes volontés la concernant. Je n’avais jamais eu autant envie de la frapper que durant les heures précédentes, et autant envie de la chérir aussi. Mes sentiments de base étaient comme exacerbés et j’étais presque sûr que si elle m’avait donné une claque alors que je portais la Couronne, je l’aurais détruite en retour. Je me serais acharné sur elle, avant de regretter amèrement. J’avais pris la résolution de ne jamais porter l’artefact en sa présence. La propre ambivalence de l’Ange, ses changements de position constants et ses émotions incontrôlées ne pourraient pas provoquer une quelconque stabilité chez le Réprouvé que j’étais. Un rien suffisait à me faire changer d’humeur. Je devais lutter, sous peine de tout détruire ou de me mettre à pleurer à cause d’un sentiment de tendresse bien trop intense.

Je finis par arriver au village principal. J’entrai dans une taverne. Ma venue attira l’attention mais, curieusement, pas autant que je ne l’aurais pensé. Il se passait quelque chose de bien plus important que la présence d’un étranger. Je m’assis. Sur le chemin, j’avais croisé des animaux morts, suspendus, sans doute en l’honneur des Zaahin. Je n’étais pas au courant de ce qu’il se passait au juste. Un homme s’approcha et me parla. « Tu veux quoi ? » L’avantage des Bipolaires de Lumnaar’Yuvon résidait dans le fait qu’ils faisaient généralement des phrases courtes, du moins, avec ceux qu’ils ne connaissaient pas. Je me raclai la gorge, essayant de trouver mes mots afin de réclamer une bière, à manger et du lait pour l’enfant. « Tu viens d’où ? T’es pas d’ici. T’accompagne l’étranger ? » J’essayai d’expliquer mon histoire, avançant que j’étais né avant l’Ère de la Conciliation, que ma mère était une Ange et que j’avais voulu l’aider lors du Génocide des Anges. J’avais été esclavagé et m’étais enfui récemment, lorsque les Sorciers avaient envahi la Terre Blanche. Son rictus m’indiqua que mon ancien statut d’esclave et le fait que je fusse un fuyard ne lui plaisaient pas vraiment. J’ajoutai que j’étais passé par Stenfek mais que l’ambiance détestable de l’endroit m’avait rebuté. J’avais donc décidé de partir pour Lumnaar’Yuvon pour voir si je ne pourrais pas m’y installer. En chemin, j’avais croisé des Goleds et j’avais retrouvé l’enfant dans leur dépouille. Je ne comprenais pas ce qu’il était, ni ce qu’il faisait dans la chair sanguinolente des monstres. À la fin de mon récit, il se mit à rire à gorge déployée, se tournant vers les autres. « Il ne sait pas ce qu’est la Paal Maar ! » Les autres ricanèrent à leur tour. « Mouais. » me lança-t-il, méfiant. « C’est une fille ou un garçon ? » « … Io anha ni. » « Ton accent est naze et tu pues Stenfek, Noret. » Il me fixa et finit par se retirer. « Og ? » appela-t-il. Je ne le quittai pas du regard. Une femme apparut. Il lui parla à voix basse. Je n’aimais pas ça.

Quelques minutes plus tard, la concernée s’assit en face de moi. Elle tendit ses bras en ma direction. Je restai interdit, ce qui la fit rire. Je compris à ce qu’elle me dit qu’elle n’était pas là pour me casser la gueule mais que les autres s’en occuperaient probablement plus tard si je continuais à garder cette tête de… quelque chose. Elle était là pour nourrir le bébé. Je finis par le lui tendre, toujours sur la défensive. Une fois qu’elle l’eut dans les bras, elle ne s’occupa plus vraiment de moi. Elle baissa le haut de sa robe, dévoilant sa poitrine. Je détournai les yeux. « T’es puceau ou quoi ? » me demanda-t-elle. Je me raclai la gorge. « Il est puceau ! » cria-t-elle à la ronde, ce qui fit ricaner tout le monde de nouveau. Très drôle. Je sentais ma phase angélique toucher progressivement à sa fin.

« C’est quoi ton prénom ? » finit-elle par me demander. « Kaaz… » Pourquoi ? Juste… Pourquoi ? « Zin. Kaaz’Zin. » « Kaazin ? » « Geh. » Elle sourit, moqueuse. Je n’avais pas le niveau pour comprendre qu’en essayant de me sauver du prénom « Chat », à croire qu’à force de réviser les animaux avec mes enfants, je les avais un peu trop enregistrés, je n’avais fait que m’enfoncer. « Zin » voulait dire « Honneur ». Kaaz’Zin n’était pas bien fameux : chat ou félin honorable. Pourquoi pas. Néanmoins, ce n’était pas ce que Kaazin signifiait. Elle se tourna vers les consommateurs. « Pah ! Rok los yngol anhrk rok skarr Kaazin ! » Elle pouffa de rire, ce qui m’arracha un rictus mécontent. De ce que je comprenais, elle venait de leur signaler que j’étais puceau, pour la deuxième fois, tout en critiquant mon prénom. Les autres se mirent à rire à leur tour, d’un rire gras qui ne me plut pas du tout et acheva ma partie angélique. Je me levai, arrachai une lame de ma ceinture et l’envoyai à pleine vitesse vers celui qui riait le plus fort. Elle percuta son torse du côté plat, ce qui eut tout de même pour effet de lui couper le souffle. « Org nau ahrk io krii yu ! » dis-je d’une voix ferme, menaçant. Peut-être qu’il ne me croirait pas mais si je devais réellement le tuer pour lui faire fermer sa gueule, je le ferais. À ce moment précis, les conséquences ne m’importaient pas. Il y eut un silence. Certains se lancèrent un regard en biais. Le tavernier plaça son torchon sur son épaule. Il n’avait aucune amitié pour moi mais il finit par parler, interrompant ainsi le groupe qui s’avançait à présent vers moi. Je ne compris pas tout mais, apparemment, un homme était arrivé et il valait mieux que nous réglassions notre différend lors d’un duel, dehors. Il en avait marre de devoir réparer son mobilier à cause de… couilles molles, sans doute, de notre espèce. Il désigna le bébé et se tourna vers celle qui s’appelait visiblement Og, vu que ça faisait plusieurs fois qu’il s’adressait à elle de la sorte. Elle devait en prendre soin, le temps que le combat se fît.

Je serrai les dents lorsque l’un des hommes m’attrapa par ma fourrure pour me faire sortir de la taverne. Je lui filai un coup sec dans l’avant-bras pour qu’il me lâche. « Io anha yorrik. » lui dis-je, pour lui faire remarquer que je n’avais pas besoin d’aide, que je pouvais avancer seul. Dehors, la brume était toujours présente. Nous marchâmes jusqu’à un enclos. En temps normal, il devait sans doute contenir des Bicornes. J’avais dû faire des pieds et des mains pour avoir l’occasion d’en acheter un. J’avais préparé une surprise pour Laëth, pour la prochaine fois que nous nous reverrions. Dans l’une des granges de mon château, non encore restaurée, j’avais fait reproduire une ambiance champêtre, avec des mottes de foins et un Bicorne. Je m’étais renseigné sur la nourriture locale et avais appris le Zul’Dov en grande partie pour ça. J’avais prévu de l’inviter à déjeuner et d’essayer de tenir une conversation dans sa langue natale. J’avais aussi fait planter du blé autour de la maison, afin de conférer plus d’intimité à l’ancienne grange. Cependant, à cause de la tempête, il ne devait plus rien rester de mon installation. « Ansjos ! » me dit un Réprouvé, tout en me bousculant pour entrer dans l’arène improvisée avant moi. Je le fixai avant de cracher par terre. Je me rappelai soudainement le rêve que j’avais fait, bien plus tôt, avec Laëth. Nous nous étions battus et elle avait gagné. Nous avions fait l’amour, ensuite, une chose que je n’avais pas encore eu l’occasion d’essayer en dehors de mes songes. Je grimaçai, pensant vaguement que j’allais finir par la plaquer contre le premier meuble venu, par la retourner, par lui baisser son pantalon et par la pénétrer, la prochaine fois que je l’aurais devant moi. Le Démon en moi n’était pas très regardant du consentement. J’avais envie d’elle et j’allais la prendre, qu’elle le voulût ou non.

Un poing jeté en ma direction me sortit de mes pensées. Je râlai, agacé de m’être laissé frapper si facilement. J’envoyai mon menton vers l’avant, en signe de défi, et marchai dans l’enclos. J’enlevai ma fourrure, qui commençait à me donner réellement chaud, ainsi que la plupart de mes vêtements. Torse nu, j’écartai les bras, pour leur faire comprendre qu'il était temps de me rejoindre. L'un d'eux s’avança, je me décalai sur le côté, empoignai sa nuque, et envoyai sa tête en plein dans le premier poteau venu. Je n’utilisais que très rarement ma force physique mais, depuis la Mue, mon corps avait retrouvé sa solidité et sa souplesse naturelles. Aussi, même si ça n’avait sans doute duré officiellement que quelques minutes, mon périple dans le froid m’avait également forgé, d’une certaine manière. Je ressentais encore les effets de la privation, cette sensation de vide à laquelle avait succédé une sensation de force brute, une résistance aux conditions périlleuses. Pour l’heure, fort ou pas, prêt ou pas, j’avais juste envie de les défoncer et d’enfoncer les délimitations de l’enclos dans leur gorge, histoire qu’ils ne pussent plus rire d’une quelconque manière de moi. Je n’étais pas puceau, bordel ! Le Vil en moi avait des traits similaires avec le Colérique. C’était différent mais le tempérament restait terrible. J’avais envie de faire mal pour faire mal, sans autre objectif. Lorsqu’un deuxième Réprouvé se jeta sur moi, nous roulâmes à même le sol. Je finis néanmoins par reprendre le dessus, ma paume s’abattant sur sa joue. Il ne fallait pas sous-estimer la puissance des claques. Non seulement, c’était humiliant, mais en plus, la force de frappe était souvent plus importante que celle d’un poing, avec moins de risques de se blesser soi-même. En le fixant davantage, je me rendis compte qu’il était séduisant. « Hum. » lâchai-je, en me laissant choir sur le côté. Je tapotai l’un de ses pectoraux, comme j’aurais pu flatter l’encolure d’un cheval. Tous les Réprouvés autour de moi avaient une meilleure technique que moi. Ils étaient nés dans le sang, le combat était leur quotidien. Néanmoins, j’étais plus fort physiquement. Une claque de ma part suffisait à les sonner. Il me suffisait de prendre l’avantage, et je l’avais souvent parce que j’étais habile et pouvais parer facilement les coups, pour qu’ils le perdent totalement. Il n'y avait pas que ça. Celui qui était allongé à côté de moi me demanda quel était mon nom, encore une question à la con à laquelle je ne m’étais pas attendu à ce moment-là. « Pelegad. » Génial. « Belegad ? » « Geh. » Allez, quitte à s’appeler Kaazin, quoi que cela pût vouloir dire, autant en remettre une couche avec le nom de famille de Laëth.

Le champ de bataille était immense. Porté par les millions de guerriers, je m’entendis répéter les mots de celui que tous appelaient Lok’Silus. « YURGAA LOS DILON ! » hurlai-je. J’attendis que le meneur s’élançât avant de me jeter moi-même dans la mêlée. Mes quelques jours à Lumnaar’Yuvon m’avaient été favorables. Malgré une couche dans une grange, les quelques seaux de purin que je m’étais mangé et les duels auxquels j’avais participé, bon gré, mal gré, j’avais progressé en combat et en Zul’Dov. Ils ne m’acceptaient toujours pas et me rendaient la vie quasi-impossible à certains moments. Néanmoins, au-delà de ma force et de mon agilité, qui faisaient de moi un guerrier efficace, ma prestance les empêchait d’aller trop loin. Lorsque ma part démoniaque s’éveillait, les plaisanteries s’éteignaient rapidement. J’avais failli en tuer un et il en avait fallu plusieurs pour réussir à me maîtriser lors de cette phase particulièrement violente. Heureusement, la Couronne du Milieu semblait m’empêcher d’utiliser ma magie pour l’instant. Je la sentais en moi, je savais qu’elle était présente mais je ne pensais jamais à m’en servir, retrouvant là le blocage que j’avais expérimenté une première fois sur les Terres Glacées. Je pouvais mais je faisais sans, ce qui me changeait de mon quotidien.

Mon corps heurta celui d’un adversaire. Je tenais dans la main un bouclier que je m’empressai de lui abattre dessus. La violence du coup lui déboita la mâchoire. Pour l’instant, je n’avais pas dégainé mon arme. Je revins à l’assaut avec plus de force. Le sang gicla. Je souris et commençai à m’acharner. Je le balayai et le finis par terre, mon élan ne faisant que s’intensifier. Il expira son dernier souffle mais je sus que je n’avais pas le temps de m’attarder. En discutant, les jours précédents, j’avais compris que tous attendaient une sorte d’apocalypse, un grand affrontement qui laverait l’honneur de la race et effacerait ses fautes. J’enchainai les combats, courant entre deux ennemis. Je finis même par dégainer mon cimeterre, mon bouclier en bois étant devenu rapidement inutilisable. À force de l’abattre sur quiconque croisait mon chemin, j’avais fini par le briser en plusieurs morceaux. L’un d’eux trônait même fièrement dans le ventre d’un mort, à présent. Mon regard croisa la silhouette d’une combattante que je connaissais sans la connaître. Les souvenirs de Devaraj parlaient pour moi. C’était toujours étrange de constater que je l’avais faite mienne à plusieurs reprises sans pour autant que nos corps ne se fussent un jour effleurés. Le sexe par procuration. Je la fixai un instant, celle-ci visiblement plus intéressée par l’Impératrice des Deux Rives que par ma personne. Les deux femmes étaient bien plus hautes et larges que je l’étais. Je n’aurais pas souhaité me retrouver entre elles, sur un champ de bataille ou ailleurs. Je finis par la quitter des yeux, mon attention se reportant sur un monstre. Je me baissai, fourbe, afin de lui entailler l’arrière des cuisses. C’était une technique que j’aimais particulièrement, efficace et démoniaque. Incapable de marcher, ma victime était alors à ma merci. Je pouvais prendre mon temps pour l’achever ou non. J’aurais eu plus de temps, le Vil en moi aurait adoré torturer la créature. Malheureusement, le temps filait et, avec lui, les ennemis se multipliaient.

Je finis par perdre toute notion du temps. La sueur se mélangeait au sang. Seuls mes yeux semblaient avoir été épargnés, le doré de mes iris toujours aussi vif. Mes mains étaient poisseuses, mes muscles endoloris, mais je savais, au fond, que je devais continuer. Quelque chose me retenait, m’obligeait. J’alternais les phases angéliques, où je me battais à la loyale et aidais même certains de mes adversaires lorsqu’ils tombaient, et les phases démoniaques, durant lesquelles je laissais parler mes plus bas instincts, massacrant, écrasant et défonçant absolument tout ce qui se présentait à moi. Ça dura, longtemps, jusqu’à ma mort.

« Tu es sûr de toi ? » « Oui. Je reviendrais bientôt. Je dois voir ma mère pour lui dire que je vais vivre ici maintenant. » Lumnaar’Yuvon était en pleine effervescence. Ce qu’il s’était passé interrogeait. J’étais resté quelques jours de plus, sans avoir l’occasion d’aller voir les parents de Laëth. Je n’avais pas osé, pas comme ça, pas maintenant. La Couronne du Milieu me posait quelques problèmes et je devais partir avant d’être découvert. Les migraines ne cessaient de s’intensifier. « Ne te fais pas tuer en chemin, Kaazin. » me dit-elle, tout en me tendant l’enfant. Il avait grandi et marchait maintenant. J’avais fini par comprendre le sens du prénom que je m’étais inventé, à mon plus grand damne. « Et ne retourne pas à Stenfek. » « Non. » promis-je. Je n’en étais pas certain. Je ne savais pas ce que j’allais entreprendre à présent. Je devais rentrer à Amestris. Les événements s'y précipitaient, ce qui signifiait qu'il me faudrait également reporter mes retrouvailles avec Gustine et les enfants. Quant à Worr’Eph, le Kiir'Saqhon, j’allais l’amener avec moi.

3188 mots
J'ai supposé que Léto parlait à Erza. Si ce n'est pas juste, n'hésitez pas à me le dire [Event Top Sites] - Odon Do Dur  943930617

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Mar 16 Juin 2020, 22:40



« Hey ! T'es au courant de ce qui est en train de se tramer ? » « À propos des réprouvés, c’est ça ? Ouep, il se murmure que des incidents étranges se passent à Stenfek. » « Et pas que. Les autres cités sont aussi affectées par l’apparition d’un fantôme. » « J’espère que cette histoire va s’arranger. J’ai pas envie de voir débarquer des anormalités similaires chez nous. J’ai une femme et des gosses à protéger moi. » « T’en fais pas Billy, on en fait toute une montagne, mais c’est sûrement anodin. Dans deux jours, plus personne n’en parlera. » « J’espère que tu dis vrai. J’en ai assez de ces guerres stupides. »

Icare était tombé sur cette conversation en revenant du marché duquel il avait rapporté quelques fruits et légumes pour le repas du soir. Il avait en effet la subite envie d’apprendre à varier ses plats, notamment car il était végétarien et donc qu’il devait s’imposer plus de diversité. Il avait les moyens de suivre quelques cours auprès d’un chef, mais l’animal préférait l'approche autodidacte dans un premier temps. S’il s’avérait découvrir une passion ardente pour les arts culinaires, dans ce cas il franchirait très certainement le stade supérieur en mettant la main à la poche. Toujours est-il qu'il se repassa en boucle le l'échange qu’il avait intercepté entre les deux hommes. De ce qu’il avait plus ou moins compris, les réprouvés et les déchus entretenaient une plutôt bonne relation. Alors, pourquoi ne pas directement aller vérifier ça par ses propres moyens ? C’est ce qu’il aurait fait si seulement il savait quelle direction prendre. Donc au lieu de se perdre comme un bleu et de courir le risque inconsidéré d’atterrir dans un royaume ennemi, sa raison lui dicta d'adopter une procédure un brin plus prudente en attendant d’éventuelles consignes de la part de ses responsables hiérarchiques. Pour l’heure, il rentra tranquillement chez lui en fredonnant l’air d’une chanson locale. Dans la joie ou dans la peine, une migraine atroce vint le désarçonner en plein milieu de son itinéraire, puis une sensation d'engourdissement s'abattit sur lui tel un châtiment corporel immérité. Ses jambes, ses mollets, en passant par ses genoux et ce jusqu’à dans la plante de ses pieds flageolèrent de telle façon qu’il songea être en proie aux griffes d’un puissant sort magique qui aspirait toutes ses forces. Il entreprit bien de chercher une aide extérieure, mais sa vision se dégrada également au profit d’un voile blanc. Et sans même avoir le temps de conjecturer sur cette restriction, il tomba à la renverse, inconscient et incapable de contrôler quoi que ce soit.

Lorsqu’il se réveilla, il gisait par terre, à moitié étendu sur le dos et en appui sur ses bras. Il mit plusieurs longues secondes avant de récupérer ses esprits tandis qu’il plaça sa main au niveau de son crâne, laissant un râle dolent lui échapper. En portant un peu plus d’attention à son environnement, il comprit qu’il avait été transporté ailleurs, à des lieus de la cité des déchus. Alors où était-il tombé ? Et surtout, pour quelle raison se trouvait-il ici, au milieu de ce qui sembla être une rude bataille ? Pour le moment à l’écart de ce champ de mines qui mêlait sang, sueurs et démembrements, Icare recula instinctivement d’un pas ou deux, comme dans l’espoir de pouvoir se dérober à ce qui se présageait. Au sein des combattants, il discerna nombre de caractéristiques liées aux réprouvés, à commencer par leur paire d’ailes si singulière. De ce fait, il y avait de grandes chances pour que cet évènement découle des dernières rumeurs. Par conséquent, la gravité des faits était plus préoccupante que ce qu’ils avaient laissé croire. En outre, envisager un quelconque moyen de s’enfuir semblait hors de portée, voir complètement irréalisable. Le jouvenceau rangea alors ses doigts sur la poignée de sa canne qu’il enserra légèrement, comme pour se rassurer d’avoir de quoi se défendre en cas de besoin. Il existait toutefois une autre alternative ; s’envoler dans les airs et trouver de quoi se mettre à l’abri. Mais celle-ci promettait d’être vouée à l’échec. En effet, en scrutant les cieux, il distingua sans peine cette même expression de combativité en haut. Compte tenu du supplice que ça représentait de se diriger, l’idée de s’exposer de la sorte était plus que bancale. Dur dur que de prendre une décision pour le jeune homme, surtout lorsqu’il s’agissait de tuer des individus sans peur et sans relâche. La vie d’un pacifiste était semée d’embuches, et c’est dans ces moments-là qu’il était le plus difficile de tenir ses engagements.

En restant là, immobile, il préservait un maximum son code d’honneur. C’était un choix de facilité certes, mais qui lui convenait très bien. Le hasard — ou le destin va savoir — le rappela toutefois très vite à l’ordre à la seconde où un guerrier s’écrasa net devant ses pieds, ne manquant pas de l’effrayer et de le faire tomber sur les fesses. Ce dernier avait visiblement subi les foudres d’un autre combattant des sommets, et c’est d’ailleurs une confirmation que le fautif se fit une joie d’émettre lorsqu’il plaqua son adversaire pour lui asséner un ultime coup entre les omoplates. Une technique irréversible et précise qui le supprima instantanément. L’homme responsable avait les yeux convulsés, comme épris dans une rage meurtrière qu’il ne pouvait plus arrêter. Icare réprima des frissons quand celui-ci regarda dans sa direction, la mâchoire serrée et les poings renfermés de colère. Il était condamné. L’intimidation dont il était victime l’empêchait d’entreprendre la moindre action, et de toute façon, capable ou non, il aurait tout juste retardé l’inévitable de quelques dixièmes de secondes. Le soldat implacable se rapprocha dans un éclat retentissant, s’apprêtant à verser son direct dans sa face jusqu’au moment où il se fit brusquement emporter par un individu ailé à la célérité fulgurante qui l’éloigna miraculeusement de sa position pour se foutre dessus. Icare l’avait échappé belle par l’intervention d’un de ces monstres. Après être sorti de cet état de choc, il poussa avec entrain sur ses bras pour se diriger à l’opposé de ce groupe de surhommes. Jamais il n’avait couru aussi vite de sa vie — et aussi nébuleusement — pour tomber sur un obstacle déterminé qui l’attendait de pied ferme.

« Il n’est pas très réglementaire de fuir une bataille. Pour chacun de nous, combattre signifie vivre ou mourir. Il n’y a pas d’autre issue. »
« C’est un fait. Mais je vaux bien plus que vous tous. Je n’ai pas à me sacrifier pour un conflit si dérisoire. Je ne suis pas n’importe qui. »

D’un geste latent et expéditif à la toute fin, le mercenaire appliqua une légère pression sur la garde de son cimeterre pour l’abattre férocement sur le déchu. Icare contre-attaqua intuitivement en utilisant l’art du dégainage et ainsi gagner en rapidité. Les deux lames se rencontrèrent et se bloquèrent respectivement, ne laissant place qu’à des gerbes d’étincelles produites par le frottement de l’acier. Il demeurait toutefois en position d’infériorité puisque ses genoux se ployèrent sous la tension, et plus le temps défilait, moins il parvenait à résister. Il ne lui restait qu’une chose à faire pour éviter le pire ; plonger sur le côté et lui balancer du gravier dans les yeux. La tactique mise en place pour l’aveugler était certes éphémère, mais elle lui permit au moins de prendre ses distances pour créer une ouverture. Il tenta bien de se transformer en aigle pour échapper davantage à sa vigilance, mais tout ce qu’il réussit à faire se porta dans l’acquisition d’un bec et d’une paire de serres, de quoi se compliquer la tâche plus que de se la simplifier. Son adversaire était dès lors déjà de retour, prêt à le trancher d’une traite. Le Corvus recourut à son dernier espoir dans l’essor de l’utilisation des artifices de Lucifer pour lui altérer le sens du toucher, mais au lieu de ça, c’est sa vue qu’il décupla.  

« Et merde. »

Et effectivement, le mot était faible. Merde. C’est la façon dont il rendit son dernier souffle lorsque sa tête fut scindée en deux à cause d’un mauvais usage de son pouvoir. Son orgueil démesuré avait une fois de plus été au centre de sa défaite. S’il n’avait pas surestimé ses capacités, il aurait probablement créé une meilleure stratégie. Mais fort heureusement pour lui, cette mort n’en était pas vraiment une, puisqu’il réapparut à l’endroit où son corps et son âme avaient connu la déchéance, à Avalon, dans les beaux quartiers. La vie reprenait son cours normal, quoique pas totalement. En fixant sa paume, il comprit que tout ce qui s'y était produit avait un sens. Tout n’était peut-être pas chimérique. Quant à cette paire d’ailes bicolores qu’il venait de rafler, ça n’était pas anodin. Psychologiquement très atteint par ce parcours, Icare resta ainsi absent durant quelques jours. Il se contenta de suivre son quotidien sans plus de caractère, comme une simple marionnette destinée à faire ce pour quoi elle avait été créée sans sortir de ses rails. Il ne recouvra sa psyché que lorsqu’il partit en quête de son mentor, un éminent personnage vers lequel on l’eut orienté.


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Mer 17 Juin 2020, 10:36



Incapable de se concentrer face au festival de distractions que présentait Avalon, Isahya confiait la tiédeur de l’après-midi à une promenade. S’affranchir de la surveillance du vieillard n’avait pas été chose aisée. La vigilance de Darius croissait avec l’âge, et si elle se fiait aux rides de son visage, il en possédait suffisamment pour la famille entière. Seul moment de relâchement, le thé avait été l’occasion idéale de lui administrer un somnifère. L’astuce lui venait de son père, et elle se réjouissait de la liberté qu’elle lui octroyait. En revanche, elle regrettait de ne pas avoir de guide. Étourdie par la contemplation d’une fontaine, deux individus en pleine conversation passèrent à côté d’elle. « T’as entendu les nouvelles ? Il paraît que les Réprouvés font n’importe quoi, en ce moment. Ils se battent et ils couchent, comme si c’était la fin du monde. » Désintéressé par les racontars de son acolyte, l’autre haussa les épaules avec indifférence. Il semblait pressé de continuer son chemin. « J’ai pas envie de parler de ça. » « Mais ça ne t’inquiète pas, toi ? » « Non. Je m’en fiche. » « Tu sais, il y en a qui disent qu’ils se préparent pour la guerre. Ce serait pas étonnant, ça fait un moment qu’ils sont calmes, et avec leur caractère... » « Ce qui est étonnant, c’est que je sois pas encore dans ta bouche. » Davantage intriguée par la fin de leur conversation que par la rumeur sur le peuple des bipolaires, la brune battit des cils avec perplexité. Pourquoi diable voulait-il sentir son acolyte entre ses lèvres ? Un corps ne rentrait pas dans une bouche, elle en avait la certitude. Il s’agissait sans doute d’une coutume locale.

Agacée d’errer entre les bâtiments, la jeune femme décida quelques instants plus tard de mettre sa fierté de côté et questionna plusieurs passants. Bien que sa destination puisse surprendre, elle bénéficiait de la quiétude de l’anonymat. Inquiète, elle s’arrêta finalement devant le Temple et prit une profonde inspiration. Elle espérait qu’elle n’allait pas finir foudroyée pour son initiative. Cela faisait des semaines qu’elle y pensait, et, prise ces derniers jours par un sentiment d’urgence qu’elle ne comprenait, elle s’était décidée à passer à l’action. Avant d’entrer, elle crut légitime de murmurer une excuse. « Je ne suis pas vraiment une de vos adeptes, mais je voudrais en savoir plus sur votre culte. Je devrais étudier pour Asresh, à cette heure. Mon grand-père me tuerait s’il découvrait que je suis ici. » Les yeux rivés au sol, elle eut la surprise de ne croiser personne. Soulagée, elle s’installa sur l’un des bancs, au plus près de la gigantesque statue qui gardait les lieux : elle ressentait le besoin de s’épancher, et qui mieux qu’une oreille divine pour garder le secret ? « Vous savez, je ne connais presque rien du monde. J’ai l’impression d’être une enfant qui sort de sa chambre pour la première fois, et c’est un peu vrai. » Reconnaître que sa dernière sortie avait été un fiasco ne la gênait pas. L’habitude de commettre des erreurs chassait la déception qu’elle aurait dû ressentir. « Mon père m’a envoyée en voyage. Il pense que ça m’aidera à devenir plus forte. Alors, j’ai décidé de visiter tous les temples que je croiserais en chemin. Je suis fragile, et je ne suis pas très maline, mais je voudrais tout apprendre de la religion. Pour mieux servir les dieux. » À cette pensée, une étincelle de détermination fit luire ses prunelles. Elle n’envisageait pas une seconde d’échouer. Cependant, la route serait longue. « Vous devez me trouver bête de venir vous parler comme ça, mais ce n’est pas comme si vous m’entendiez. » Ce n'était pas vraiment un sacrilège.

Malgré l'impossibilité de savoir si Drejtësi percevait ses paroles au milieu des murmures du monde, la jeune femme ne tarda pas à recevoir ce qu'elle interpréta ensuite comme une épreuve. En matière d'intervention divine, les Aetheri paraissaient ne pas connaître la demie-mesure. Un battement de cil passa. Sévère et rassurante à la fois, la majesté de la balance s'étiola pour le domaine de la sauvagerie. « Mais qu’est-ce que… C’est une blague ? » Un champ de bataille aux proportions titanesques se dressait autour d'elle. Sous le coup de la surprise, elle manqua perdre l'équilibre et glisser sur des entrailles. Partout, elle voyait de parfaits inconnus se jeter les uns sur les autres, et le sang se déverser des blessures en flots monstrueux. Compagne de ce ballet sinistre, une cacophonie hors du commun agressait ses oreilles. Au loin, elle croyait apercevoir une colline de défunts où des combattants grossissaient joyeusement les rangs. Bien qu'elle appréciât le chaos environnant, la perspective de mourir réduisait considérablement son affinité avec la situation présente. Dans l'attente d'un miracle _ ou, à défaut, d'une stratégie digne de ce nom _, elle fit le choix de la lâcheté. S'allongeant aux côtés d'un cadavre, elle le souleva tant bien que mal et le plaça au-dessus d'elle. Ainsi dissimulée, elle bénéficiait d'un délai non négligeable pour reprendre ses esprits. Malheureusement, la réflexion tenait chez elle davantage la place d'un mirage que d'un raisonnement solide. Quelques instants passèrent sans qu'elle ne fasse le moindre mouvement. Obsédante, l'unique idée que sa cervelle produisait la confrontait aux autres. Il n'y avait pas d'alternative.

La fièvre la prit à son tour. Sa main ayant fini par tâtonner jusqu’au manche d’un poignard, la Sorcière attendit sagement qu’un individu parvienne à sa portée. Au moment opportun, elle plongea de toutes ses forces la lame au niveau de ses mollets. Un cri de rage sur les lèvres, elle le dégagea aussitôt, et se redressa pour faire face à son adversaire. Malgré l’inexistence de sa résistance physique, elle comptait sur l’entraînement auquel Darius la condamnait depuis l’enfance pour lui sauver la mise. Il fallait seulement se remémorer les mouvements, et espérer que l’autre n’ait pas le quotidien d’un soldat. Sans prendre le temps de se remettre de sa blessure, l’homme se jeta sur elle. Ne sentait-il donc pas son corps ? Ses poings s’abattirent en direction du ventre de la jeune femme. Sous le choc, son souffle se volatilisa. Titubante, elle possédait un avantage singulier sur son ennemi ; elle était armée. Ignorant la douleur qui lui perforait l’estomac, elle tâcha de ne pas perdre son sang-froid. Lorsqu’il plongea à nouveau vers elle, elle était prête. Certaine de ne pouvoir éviter l’impact, elle se tourna comme elle l’avait appris. Au lieu de s’enfoncer entre ses côtes, la force de son adversaire broya son épaule et sa poitrine. Quelque peu désarçonnée, elle ne perdit pas de vue son objectif. De sa main libre, elle profita de l’ouverture et glissa son arme contre le torse de l’autre. Ayant compris son manège, il voulut refermer ses bras sur l’anguille. La détermination d’Isahya fut la plus forte. En dépit de la rudesse de son étreinte, le poignard se ficha dans la gorge promise. Le sang lui éclaboussa le visage.

Fatale, la plaie prit son temps pour arracher la vie du blessé. Accompagné par un gargouillis immonde, il relâcha par réflexe son ennemie pour tenter d’arrêter le saignement. D’un geste brutal, il dégagea l’acier de sa chair et l’envoya en direction de son assassin. Épuisée par l’effort qu’elle jugeait surhumain, elle avait abandonné toute méfiance, et se retrouva en conséquence avec sa propre armée plantée dans la cuisse. Un glapissement douloureux lui échappa. D’un regard réjoui, elle observa sa victime chuter vers le sol pour rejoindre les dizaines de macchabées que comptait déjà la prairie. « Pour les dieux. » Enthousiasmée par ce succès inespéré, elle se mordit l’intérieur de la joue. Se distraire du déchirement qui prenait sa jambe allait devenir prioritaire si elle voulait survivre. Il lui était arrivé à de nombreuses reprises de subir la colère de Darius, et ce n’était pas la première fois qu’un couteau l’attendrissait. Cependant, par un phénomène qu’elle ne s’expliquait pas, le mal lui parut vite atténué, comme éloigné d’elle. En comparaison, avoir mis un terme à l’existence d’un être décuplait son envie de se battre. La rage déferlait dans ses veines, annihilant toute logique. D’une démarche gauche, elle s’élança vers un groupe d’individus qu’elle distinguait au loin. Dans la mêlée, elle parviendrait bien à en défaire un ou deux. En chemin, elle chercha un objet en mesure de l’aider à trancher des membres. Se mouvoir requérait néanmoins toute son attention, et elle renonça. Avant de tomber, elle devait emporter les autres.

À être obsédée par la sauvagerie de son désir, la Sorcière en oublia le reste. L’environnement dans lequel elle évoluait ne lui pardonna pas son erreur. Sur un champ de bataille, la vigilance est la mère de la survie. Quelque chose de dur et de froid transperça son dos. Gémissante, elle tomba à genoux et constata avec stupéfaction qu’une épée sortait de sa cage thoracique. Son ennemi prit un malin plaisir à remuer la poignée, déchirant davantage les tissus. Terrassée par son attaque sournoise, elle ne pouvait plus rien, sinon attendre la mort. Les yeux clos, elle implora dans un sursaut de conscience le pardon des Aetheri. Celui-ci se manifesta d’une curieuse façon. Elle réapparut dans le temple, agenouillée. À l’endroit où sa chair avait été pourfendue naissaient des ailes. Incapable de supporter leur poids, elle ne pouvait se lever. Tant bien que mal, elle glissa entre les bancs pour rallier l’allée principale. Intriguée par son apparition soudaine, une silhouette généreuse proposa de l’aider ; ensemble, elles parvinrent jusqu’à l’entrée de l’édifice. La brune s’assit contre la fontaine, une prière sur les lèvres. Munie de l’adresse du vieillard, l’autre s’évanouit un instant. À son arrivée, Darius aida sa petite-fille à se relever, la laissant prendre appui sur lui pour se déplacer. À la vue de sa nouvelle apparence, il ne put s’empêcher de lui adresser un commentaire acerbe. « C’est laid. Il va falloir les arracher. » Bien qu’elle ignorât la véritable signification de ce qu’elle venait de vivre, aucun doute n’existait sur le sens qu’elle lui donnait. « Non. C’est un cadeau. » Manifestement, les divinités approuvaient son projet. La gaieté de cette révélation lui offrit le courage nécessaire pour marcher jusqu’à sa chambre. Parvenue à l’auberge, elle s’allongea sans demander son reste. Avant de sombrer, elle pensa à celui qui avait cruellement dissipé l’épreuve en la rendant à la réalité. Elle aurait aimé voir son visage.

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Priam et Laëth
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Priam et Laëth
Jeu 18 Juin 2020, 23:07




Odon do Dur

Evénement | Priam & Laëth


RP précédent : Chant d’espoir.
RP liés : Les plumes écarlatesDans la peine ou la joie, rien sur terre ne nous vaincraPersonne n’est à l’abri.


« Qui voudriez-vous qu’ils attaquent ? » s’agaça Priam. Nalim haussa les épaules. « Pardon. C’est vrai que nous ne parlons pas d’un peuple de guerriers dont les enfants naissent au sein des tripes de leurs ennemis. » L’enfant de Réprouvés serra les dents et ses doigts se refermèrent telles des serres sur les accoudoirs du fauteuil. « Ils ne prendraient pas le risque de déclencher une guerre simplement pour obtenir des enfants. Ils ont assez à faire avec les Goled et autres parasites. » Le diplomate le toisa durement. « La démographie est l’un des problèmes majeurs de notre siècle. La malédiction d’Edel n’est pas pour arranger les choses. Je ne suis pas certain qu’une horde ou deux de Goled de temps en temps soient suffisantes pour assurer la pérennité de la race. » Le Petit Pigeon baissa les yeux sur ses genoux. « Le fait est que les territoires réprouvés sont en effervescence et que la rumeur d’une attaque enfle. J’imagine bien que c’est pénible à admettre, Priam, mais ton affection et tes racines ne doivent pas obstruer ton jugement. » - « Je sais. » Il s’enfonça dans son fauteuil, renfrogné. « Mais c’est autre chose. » Lentement, ses iris remontèrent vers le faciès de son mentor. « Je ne saurais pas l’expliquer, mais je le sens. Ma sœur aussi. C’est autre chose, et c’est beaucoup plus important. Je sais que j’ai probablement l’air d’un illuminé, mais je vous assure qu’il se passe quelque chose, quelque chose qui nous dépasse. » Le maître des mots le scruta. Sa figure ne laissait transparaître aucune expression. « Élu d’Hel’dra et des Portes, Main d’Omi’Ake, par deux fois Isemssith, apparemment détenteur de la Forme Angélique, et maintenant, pourvu de dons divinatoires. » Ses prunelles s’étaient mises à briller d’espièglerie. « Il va vraiment falloir réussir à caler cette entrevue avec les Oloris. » Muet, le jeune homme finit par esquisser une moue et rajuster sa position dans le fauteuil. Tout cela lui était tombé dessus sans qu’il n’eût rien demandé. Par moment, il se questionnait sur sa capacité à porter tous ces titres et les attentes qui en découlaient sans faillir. « On devrait probablement y convier ta sœur, aussi. Elle commence à cumuler. C’est peut-être une affaire de génétique. » Priam grogna.

« Qu’est-ce qu’on leur écrit ? » Laëth haussa les épaules. Nalim avait insinué qu’il serait aimable que son frère se renseignât auprès de leurs parents. « Je ne sais pas. On ne va quand même pas leur demander s’ils se préparent à la guerre. Et si on leur pose des questions sur ce Lok’Silus, je ne sais pas s’ils accepteront de répondre. Je ne pense pas. » Priam tapota sa plume sur le bois de la table de la cuisine, pensif. Soudain, il releva la tête vers sa sœur, debout près de lui. « On devrait y aller. » Surprise par sa spontanéité, elle resta bouche-bée. « On devrait y aller, Laëth. Pour savoir ce qu’il se passe vraiment. On rapportera les informations ici et on pourra agir en conséquence. Si jamais c’est une guerre qui se prépare… » - « Je ne crois pas que ce soit ça. » - « Moi non plus. » Ils se dévisagèrent. « On ne peut pas aller à Lumnaar’Yuvon. On a déserté, on nous trancherait la tête. » Techniquement, elle était la seule à l’avoir fait, mais les Bipolaires ne seraient sans doute pas disposés à faire la différence. Ils étaient partis. Ils les avaient abandonnés. C’était tout ce qui importait. « Allons à Stenfek, alors. C’est le plus proche. » Contre toute attente, elle n’hésita même pas une fraction de seconde. « D’accord. » Leurs deux regards étonnés se croisèrent, et ils se sourirent. Ils avaient les mêmes sensations, le même sentiment que quelque chose se préparait, sans certitude aucune quant à la nature de l’événement. C’était ancré au plus profond de leurs tripes. Peut-être que d’une certaine façon, ils étaient demeurés liés à leur terre et leur peuple natals. Des réminiscences grondaient dans leur chair et leur sang.



L’Aile d’Acier n’était pas retournée en territoire réprouvé depuis qu’elle avait quitté Lumnaar’Yuvon. L’architecture de Keizaal, toute en hauteur et en transparence, rivalisait de raffinement. Elle tranchait avec les constructions avant tout solides et pratiques de toutes les autres terres. Les mentalités même avaient connu une scission et se séparaient désormais clairement de celles des habitants des autres territoires. Pourtant, une majorité de paires d’ailes noires et blanches ou rouges, rachitiques ou plumeuses, ponctuaient sporadiquement le paysage. Elles étaient rares, signe que l’ordre devait être au confinement. D’ordinaire, le Zul’Dov côtoyait le commun plus souvent qu’ailleurs, mais ce jour-là, le silence régnait. Les citoyens étaient des colosses aux traits taillés dans le roc. La capitale était bipolaire sans tout à fait l’être. Vue sous cet angle, leur demande d’indépendance prenait tout son sens. Ils avaient à peine passé l’entrée, marquée par le siège des Thur, un imposant bâtiment blanc parcouru de veines dorées, que tous ces constats les assaillaient. Laëth avait la sensation paradoxale de retourner chez elle sans pouvoir s’y ancrer. C’était, peut-être, l’effet que faisait Stenfek à tous les Réprouvés venus d’ailleurs. Chez soi mais pas tout à fait. Ou bien c’était l’une des conséquences de cette brume épaisse qui nimbait la cité entière et faisait peser sur les esprits une chape étouffante. Il se passait véritablement quelque chose. Le regard des gens portait cette vérité informulable ; entêtante, mystique et envoûtante. Elle pesait sur les consciences.

Le jeune homme sentit sa sœur se rapprocher de lui. Elle paraissait inquiète. « Tu crois que tout ça est l’œuvre des Zaahin ? » Priam acquiesça. Il savait qu’elle s’en était détachée, pour y revenir par la suite. Elle oscillait entre les Héros et les Ætheri, quand lui n’avait jamais arraché ses racines. Il récusait toujours les Dieux et, malgré lui, éprouvait à l’égard des croyances de sa cadette un dédain farouche. Elle priait des divinités qui relevaient de la pure invention, comme Ahena, ce pantin du gouvernement angélique. Il n’avait pas encore osé lui en parler, parce qu’elle lui avait semblé trop ébranlée pour encaisser ce coup-ci.

Elle était convaincue qu’ils avaient sur le monde un pouvoir efficient. Après tout, elle avait été Ezechyel ; elle le connaissait – superficiellement et intimement. C’était étrange. Priam n’en savait rien. Tout ce qu’il avait vu des Ætheri se résumait au néant. Ils n’étaient pas tangibles. Pas comme les Zaahin. « Erza est ici. » - « Oui. J’imagine qu’elle discute de l’indépendance avec Atthirari Taiji. » La brune fit la moue. Parfois, elle avait la détestable impression que l’on ne pouvait pas faire deux cent mètres sans tomber sur un parent de Jun. Si l’indépendantiste était un personnage aussi percutant que ceux qu’elle connaissait, elle souhaitait bien du courage à Erza. Taiji Stark. Chérie par Ezechyel, elle devait avoir l’habitude de cette famille. « Hum. » Les velléités sécessionnistes de Stenfek n’avaient jamais été un sujet de discorde au sein du foyer Belegad. Tout le monde était contre, et si quelqu’un était pour, c’était juste pour le plaisir de voir les citadins crever de faim, privés de tout le confort que leur procurait les autres bastions réprouvés. Bien que ni le frère ni la sœur ne vécût encore à Lumnaar’Yuvon, l’idée que les Bipolaires fussent amputés d’une partie de leur territoire les contrariait, même si la portion détachable était la moins manichéenne de toutes. « Sûrement plus maintenant, avec ce qu’il se passe… » Son aîné opina. Ils avançaient toujours dans la brume, silhouettes isolées dans le magma prophétique. Soudainement, Laëth déploya ses ailes et s’éleva dans les airs. Il la suivit.

Ils survolèrent la ville. Les présences demeuraient rares. Toutefois, elles semblaient se regrouper dans la rue principale, jusqu’aux pieds du palais. Les deux enfants de Réprouvés s’approchèrent, poussés par un instinct qui n’en était pas vraiment un. La brune se posa sur le promontoire d’un bâtiment et son frère l’imita. De là, ils surplombaient la scène. Au bas des marches de l’édifice royal, la Dovahkiin semblait attendre. Ses jambes étaient noyées dans le brouillard mais le reste de sa haute silhouette se détachait nettement. Ses cheveux blonds rappelèrent à Priam ceux de Za et il revit étrangement sa main se resserrer autour de ceux-ci lors de leurs ébats. Ce fut alors qu’il apparut, mené par une procession. Les deux Belegad ouvrirent des yeux ronds et suivirent le déplacement du spectre jusqu’à la Reine, le souffle court. Ils ne surent jamais ce qui aurait pu se passer. Keizaal disparut – ou plutôt, ils se volatilisèrent.




Le silence accueillait le bruissement des étoffes dans le vent, le cliquetis des armes à peine bougées, la respiration lourde et profonde des guerriers. Priam se tourna vers sa sœur : deux traits horizontaux, noirs de terre, barraient son front. Elle portait une armure en cuir telle qu’on en voyait à Lumnaar’Yuvon, et tenait dans sa main une hache. Lui-même avait ses doigts refermés autour d’un marteau de guerre et le corps recouvert de la même protection. Des épées pendaient à leurs ceintures. Ses iris d’or coururent sur le paysage qui s’étendait autour d’eux. À perte de vue, des combattants. Des centaines, des milliers, des millions. Alors qu’un chant montait de toutes les poitrines, les deux Belegad avisèrent des silhouettes qui ne pouvaient laisser aucun doute, d’autant moins à la vue des animaux qui les accompagnaient. Les Zaahin, Lok’Silus en tête. La même pensée frappa leurs esprits : la Dilon. Laëth eut une vague sensation de déjà vu, et sans raison aucune, pensa à Sól. Elle était peut-être là. Elle avait aperçu d’autres visages connus, et quelques personnages illustres, des figures qu’elle admirait, comme l’Edmund’Faasnu. « YURGAA LOS DILON ! » crièrent-ils en chœur. Le ciel tira un drapé sombre sur le champ de bataille et les tambours du tonnerre roulèrent. Des créatures émergèrent de la terre. Il n’y avait plus à penser. L’instinct qui dévorait leurs tripes depuis tant de jours les poussa en avant. Ils s’élancèrent. Ils allaient mourir, mais avant, ils tueraient.

La dernière fois que Priam avait pris la vie, c’était celle d’un Sorcier. C’était aussi la première fois qu’il tuait un être humain. Malgré son éducation et sa haine pour les Mages Noirs, ce vol l’avait profondément perturbé. Ce n’était pas tant le sang ou la mort. Comme tout enfant de Réprouvés, il les avait toujours côtoyés. C’était ce sentiment d’ascendance absolue sur l’autre et de puissance tyrannique. Il ne disposait d’aucun droit de vie ou de mort sur autrui ; mais il avait la capacité d’asseoir sa volonté sur les babillements de la plupart des existences. La possibilité de tuer créait des vertiges.

La dernière fois que Laëth avait pris la vie, c’était celle d’un Démon. Elle s’était battue alors que son cœur était aux prises avec des sentiments exacerbés par leur contradiction. Elle avait tué pour reprendre une terre spoliée. Ses coups avaient été portés au nom du Bien, pour la Lumière et pour les Anges. Ils avaient toutefois frémi des émotions qui la ravageaient et constitué un exutoire aux douleurs qui clouaient son âme. Elle ne s’émouvait pas des existences arrachées, parce qu’elles étaient de celles qui ne méritaient pas de fouler la terre. Juge, jurée et bourreau, elle avait condamné. La guerre n’admettait pas d’hésitation.

Ce jour-là, il n’y avait ni vertiges hésitants, ni sentiments envahissants. Il n’y avait que le grondement lourd et enragé de la bataille. Chaque mouvement propulsait l’adrénaline dans tout le corps. L’odeur et le goût du sang galvanisaient. Les cris s’amplifiaient en écho dans les cœurs. Rapidement, le sol se souilla des premiers trépassés. Le frère et la sœur avançaient de front, soudés. Elle avait l’habitude des combats ; il avait perdu en technique. Pourtant, dans cet univers qui n’appartenait ni à la vie ni à la mort, tous les réflexes revenaient avec une facilité déconcertante. L’instinct de survie se déployait et prêtait ses ailes salvatrices au fils de Réprouvés. De son marteau, il frappait les crânes, brisait les articulations et abattait les corps. Sa cadette filait entre les silhouettes et tranchait les muscles, déchirait les membres et fendait les têtes. Tantôt accrochés au ciel, tantôt ancrés au sol, les deux Immaculés menaient une danse périlleuse. Parfois, ils se décrochaient des sourires. Ils endossaient l’essence angélique, mais dans leurs veines grondait l’héritage barbare de tous leurs aïeux. Ils n’étaient pas indifférents à l’attrait sauvage de la guerre. Il était en eux comme la vie imprègne chaque être.

Laëth courut, dérapa et glissa entre les jambes d’un Goled : elle projeta sa hache vers la cuisse de l’engeance et la découpa dans la largeur. Le monstre poussa un cri et essaya de l’attraper. Comme il se penchait, elle bondit dans les airs et fondit vers sa nuque. Elle la frappa du tranchant de son arme. Son ennemi s’écroula ; les pieds calés contre sa peau dure, elle empoigna ses cheveux pour le suivre dans sa chute sans tomber elle-même. Lorsqu’il fut au sol, elle retira la hache de sa chair sanguinolente et quitta la dépouille sans un regard en arrière. Chaque Goled abattu rendait un peu plus justice à Hena, morte broyée dans la patte de l’un des infâmes. Tandis qu’elle regardait autour d’elle, la guerrière passa son bras sur sa bouche, étalant le carmin et la sueur qui maculaient son visage.

Priam combattait à quelques mètres de là. Aux prises avec un géant, il esquivait ses coups avec vivacité et cherchait à percer ses défenses. De grands gestes de ses bras, le titan chassait l’Ange, forcé à reculer, s’envoler ou se coucher dans la terre abreuvée de sang. Plusieurs fois, il leva sa masse et manqua de l’écraser avec – mais la jeune femme avait déjà trouvé un autre adversaire à faire périr, si bien qu’elle ne pouvait pas lui venir en aide. Heureusement, d’autres combattants – des Réprouvés, d’après leur allure – se joignirent à l’effort de Priam. L’un trancha de son épée le poignet du colosse. Le Belegad profita de cet instant de douleur intense pour fuser vers son genou droit et abattre son marteau sur la rotule, de toutes ses forces. La jambe plia, et le dernier guerrier parvint à planter son épée dans le cœur de l’ennemi. Chacun repartit de son côté, animé par la fièvre de la lutte.

Le temps paraissait si écartelé et distordu qu’il était impossible de le mesurer. Depuis combien de temps n’avaient-ils pas profité d’un bon repas, d’une longue nuit de sommeil ou de quelques instants de tranquillité ? Quelques heures, des jours, des semaines ou plus ? Toute notion de la réalité se consumait dans les flammes de la bataille. La rationalité se noyait dans les rivières de sang et de sueur. Les cris et le tintement brutal des armes étouffaient les pensées. Mains sur les genoux, Priam souffla. « Attention ! » L’ombre de sa sœur se jeta sur lui et le plaqua au sol : au-dessus de sa tête, il vit passer le tranchant d’une lame. Instinctivement, il pressa sa main sur la nuque de Laëth pour la rapprocher de lui et la protéger. Pourtant, c’était elle qui venait de lui sauver la vie. D’un battement d’ailes, elle se releva et, comme elle attrapait son col, l’entraîna avec elle. « Ne baisse pas ta garde. » gronda-t-elle, ses prunelles dardées sur les siennes. « Promis. Toi non plus. » - « Promis. » Elle le lâcha et repartit.

Comme il se retournait, il croisa un regard qui le pourfendit de part en part. Juchée sur une grande louve grise, la guerrière ne lui prêta pas plus attention, parce qu’à ses yeux, il revêtait l’insignifiance de tous les mortels. Néanmoins, son expression avait été comme un appel, et l’enfant de Réprouvés sentit une sauvagerie nouvelle hurler en lui. Un instinct virulent, ancestral et impitoyable, lui criait de protéger. Il était toujours en lui, sans tout à fait l’être : là où, quelques instants plus tôt, se dressait un homme, se tenait désormais une grande bête noire aux iris dorés. Les mâchoires du loup claquèrent, et il retourna dans la mêlée. Ses sens aiguisés conféraient une toute autre dimension aux scènes qui se jouaient autour de lui. Si l’une de ses facultés perdait sa sœur, une autre compensait. Il la suivait à la trace. Elle ouvrait la voie.

Des stries sanguinolentes déchiraient sa peau. Pour autant, l’Aile d’Acier ne cherchait pas à se préserver. Elle s’attaquait à tout ce qui barrait sa route à travers la plaine et risquait sa vie pour sauver des inconnus. C’était sa vocation, que l’ambiance, les conditions et le souffle divin renforçaient. Elle aurait pu utiliser sa magie, toutefois et étrangement, elle préférait se battre comme ceux qui lui avaient donné la vie. Son corps était l’unique vecteur de ses actes et seul son fonctionnement garantissait sa survie. Il fatiguait. Elle le sentait. Pourtant, c’était jusqu’au dernier souffle qu’il faudrait se battre. Comme elle levait son arme, elle fendit l’air de biais pour la planter dans le cou d’un bourreau. Aussitôt, un autre duel s’engagea. Évoluer devenait de plus en plus difficile, car les dépouilles formaient sur le sol un tapis inégal. Elle volait plus qu’elle ne marchait. Néanmoins, il lui suffit d’une fois pour trébucher et tomber en arrière. Le marteau de son adversaire s’éleva. Elle crut son heure venue. Un éclair noir jaillit du ciel. Le coup ne vint pas. Des grognements bestiaux s’élevèrent et, tandis qu’elle se redressait, elle découvrit la silhouette épaisse d’un canidé. Il s’acharnait sur le combattant, féroce et puissant. Ses crocs griffaient sa gorge sans jamais pouvoir l’étreindre : l’autre le tenait fermement par l’encolure pour l’empêcher d’asséner le coup fatal.

La jeune femme se releva pour porter secours à son sauveur, mais celui-ci parvint à forcer les muscles de sa proie. Tandis qu’il mordait sa gorge, l’autre attrapa une grosse pierre et la fracassa plusieurs fois sur son crâne. L’Ailée n’eut pas le temps de réagir. Le loup tomba de côté, mort. Sa fourrure disparut et dévoila le visage chéri de son aîné. Les yeux écarquillés d’horreur et le cœur percé des côtes qui l’enserraient, Laëth avança de trois pas puis se laissa tomber à genoux. De deux doigts tremblants, elle ferma les yeux du macchabée. Les siens s’embuaient, alors même qu’une détermination farouche naissait dans sa poitrine. « Yu gonplei ste odon. » Elle passa sa main rougie dans les cheveux trempés de Priam. Une douleur fulgurante lui traversa le flanc, à l’endroit même où la cicatrice de la Terre Blanche mordait sa chair. La fille de Réprouvés poussa un cri tandis que la lame fouillait ses organes, à la recherche du muscle. Comme par réflexe, son contrôle du métal expulsa l’arme de son corps et la retourna contre l’assaillant. Mais il était trop tard. Elle ne vit même pas son visage, et s’effondra contre le cadavre de son frère.



Le frère et la sœur se scrutaient, muets. Ils étaient toujours perchés sur la balustrade d’un bâtiment de Stenfek. Il s’était passé quelque chose, comme ils l’avaient prédit. Ils avaient changé, et le monde aussi, sans qu’ils ne sussent comment. Synchrones, ils tournèrent la tête vers le mur. La matière réfléchissante leur renvoya leurs silhouettes. Des ailes blanches et noires ornaient leur dos. Leurs palpitants précipités frémirent d’un élan indescriptible. C’était comme être un peu plus ce qu’ils n’avaient jamais été aux yeux des autres. C’était effleurer des pupilles ce qu’une autre version d’eux-mêmes aurait été. Ils n’osaient pas cligner des paupières, malgré la fatigue qui asséchait leurs corps.

Subitement, Laëth inspira et se redressa. « Je t’ai vu mourir. » Elle sauta dans les bras de Priam, qui bascula en arrière. Ils plongèrent vers la foule ; leurs ailes nouvelles se déployèrent et suspendirent leur course. Leur descente jusqu’au sol fut longue et sinueuse, mais ils ne se lâchèrent pas. « Ne refais plus jamais ça. » Il aurait fallu mourir de toute façon – elle en avait conscience. C’était un ordre irrationnel, mais c’était ce que ses émotions voulaient hurler. « Jamais. » souffla-t-il. Puis, après un temps : « On a gagné. » Il ignorait tous des enjeux du combat, cependant, c’était le sentiment qui subsistait.



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Dorian Lang

Race : Vampire (Douria)
Taille : 185cm
Âge apparent: 25
Niveau : I | Rahzdens

Spécialités :
- Agilité : 6
- Force : 5
- Charisme : 7
- Intelligence : 5
- Magie : 3
Un profond soupir m'échappa et je me levai de mon lit pour faire le tour de ma chambre pour la cinquième fois depuis l'aube. Je songeai avec lassitude que ce serait une nouvelle journée sans dormir. Depuis l'incident où j'avais accidentellement attaqué une cliente, j'étais confiné ici chaque nuit pendant que Laysa et Selyne travaillaient au sous-sol. On ne me faisait plus confiance pour les assister et j'avais interdiction formelle de sortir de notre étage. Au début, j'étais enchanté de ne plus avoir besoin de supporter l'atmosphère pesante de notre espace de jeux, maintenant, je commençai à trouver le temps long. Les premières nuits, j'avais entrepris d'exterminer chaque poussière qui avait l'audace de se loger dans les coins obscurs de ma bibliothèque. Je m'étais ensuite imposé comme mission de réorganiser mes livres par nom d'auteur. Puis par titre. Puis par sujet. Pris d'une rage froide, nourrie par la Soif, j'avais ensuite tout jeté par terre. Je n'arrivais pas à me sortir de la tête cette scène ni la tendre peau de ma victime. Ce n'était pas ainsi que je m'imaginais chasser ma première proie mais c'était aussi inévitable quand je repensais à l'enchaînement des événements de cette nuit. Le goût du sang de la jeune femme me hantait, sa fraîcheur et son goût indéfinissable n'avait rien à voir avec le sang que ma Créatrice gardait dans sa chambre froide. Souvent, comme aujourd'hui, la culpabilité venait me ronger durant les heures du jour où je n'arrivais pas à fermer l’œil, j'essayais de me convaincre que je n'étais pas fautif et qu'au moins, je ne l'avais pas tuée. En apparence, j'embrassais ma nouvelle condition de vampire. A l'intérieur, j'étais horrifié du monstre que je devenais et une bile me remontait quand je me rappelai l'indicible plaisir que j'avais à boire du sang. J'en avais encore la chair de poule quand je me rappelai les sensations qui m'avaient parcouru lorsque j'avais enfoncé mes crocs douloureux dans la gorge de la jeune femme. Je passai une main dans mes cheveux, tourmenté par mes nouvelles pulsions et je poussai le vice en me risquant à imaginer le visage de Suna si elle était encore vivante et voyait ce que j'étais désormais. Sauf qu'elle n'était plus. Je n'avais plus aucun lien avec les personnes de mon passé. Pour elles, j'étais sûrement mort ou juste oublié, effacé de leurs mémoires. C'était très bien ainsi. Je désespérais d'en faire autant et d'effacer toute mémoire que je conservais de ce temps.
Mes pensées ayant pris un chemin trop pesant pour que je puisse caresser l'espoir de dormir, je me saisis d'un livre au hasard pour m'occuper et allai m'installer dans le fauteuil près de la fenêtre pour commencer ma lecture. Plusieurs minutes plus tard, je m'aperçus que j'avais le regard fixé sur la fenêtre, pas le moins du monde concentré sur ma lecture ni même sur ce que je voyais au dehors. Les rues vides de Merhoneän n'étaient de toute façon pas intéressantes le jour car quasiment vides. Je ne parvenais pas à dormir mais j'étais trop épuisé pour me concentrer sur quoi que ce soit. Je grognai en baissant les yeux sur le livre, un recueil de poèmes romantiques, dégoulinant de sentiments dont je voulais éradiquer l'existence. Je le jetai à travers la pièce et il rebondit sur le lit avant de tomber par terre. Je me levai, n'arrivant pas à rester en place et j'allais me servir un verre de whisky dans le salon pour me calmer. Je n'appréciai pas le goût, c'était juste une pulsion de mon passé qui revenait parfois. J'ignorai si c'était mon confinement qui me faisait réagir ainsi mais les jours passant, je n'étais plus moi-même. D'un naturel calme, je ne tenais plus en place, j'avais des accès de colère que je ne m'expliquai pas et je détestai ça. J'avalai d'un trait le verre de whisky, cillant à peine sous la brûlure de l'alcool, ce n'était rien à côté de la Soif qui ravageait ma gorge à chaque instant sans me laisser de répit. Je me resservis un verre que j'emportais dans ma chambre et me cognai un orteil sur un livre qui traînait par terre. Je grondai et le projetai de l'autre côté de ma chambre d'un coup de pied. Le mouvement me fit renverser le contenu ambré sur moi et je plissai les yeux, désormais furieux. Furieux contre moi, contre Laysa pour sa punition, contre cette dinde de Selyne qui jouissait de ma situation, contre cette cliente qui avait eu la si bonne idée de s'endormir en face de moi, contre les Aetheri qui semblaient m'avoir tourné le dos, contre mon faible corps et esprit et enfin contre cette désagréable sensation dans ma poitrine qui se faisait plus insistante chaque jour, appelant mon attention, brisant ma concentration. Je craignis un instant que mon corps rejetât le vampire en moi, Lubuska savait-elle les doutes qui m'habitaient, savait-elle que je regrettai parfois d'avoir suivi Laysa ? Elle s'en fichait sûrement. Elle avait d'autres chats à fouetter que de s'occuper du sort d'un Rahzdens alors qu'ils mourraient quasiment tous. Je n'étais que déception pour tous ceux qui m'entouraient. J'aurai mieux fait de crever et rejoindre Suna dans la mort.
Impatient sans savoir pourquoi, je me mis à tourner en rond dans ma chambre comme un lion en cage, faisant tournoyer le whisky dans le verre, me perdant dans le tourbillon formé par le liquide. J'étouffai ici. Il fallait que je trouve le moyen de sortir. Je devais faire quelque chose. Mes muscles se bandèrent, comme alertés par un instinct, une information qui m'aurait échappé. Une inspiration. Une expiration. Le décor se modifia sous mes yeux. Mon lit, les livres par terre, l'obscurité de ma chambre furent remplacés par un champ de bataille poussiéreux, recouvert d'un ciel si assombri par les nuages qu'on ne pouvait discerner le soleil. Une chance pour moi car malgré le temps ombrageux, je ressentais malgré tout le picotement des cruels rayons de soleil qui traversaient les nuages pour m'atteindre. Presque aussitôt, je hoquetai, l'odeur du sang, si forte ici que j'avais presque l'impression d'en sentir le goût sur ma langue. Je me giflai pour reprendre contact avec la réalité.
Perplexe, je parcouru le paysage ravagé en plissant les yeux pour m'habituer au changement de luminosité. Une fine armure en cuir recouvrait la chemise froissée que je portais dans ma chambre et je tenais une rapière. Ce devait être une mauvaise plaisanterie. Une plaisanterie encore plus énorme tomba du ciel pile devant moi, les ailes bicolores de la femme largement déployées, du sang maculant son visage, ne parvenant pas à masquer le mépris dans ses yeux verts. «Encore une demi-portion qui f'ra pas long feu.» Elle cracha par terre pour souligner ses propos. La moutarde me monta au nez et je grognai sur elle en montrant les dents comme une bête. Laysa détestait que je fasse ça mais je ne pus m'en empêcher. A la vue de mes mâchoires, elle renifla avec dédain et me jeta une insulte en Zul’Dov avant de s'élancer de nouveau dans le ciel, envoyant une vague de poussière dans ma direction dans le même temps. Je gravai dans un coin de ma tête les détails du visage de la réprouvée, juste au cas où. Je ne comprenais pas où j'étais arrivé mais mon nez comprenait les odeurs qui m'assaillaient. Le sang. Partout. L'odeur métallique si présente que j'avais du mal à me concentrer. Je n'entendais plus les cris des courageux qui se plongeaient dans la bataille, les hurlements des blessés ou les bruits innommables de créatures monstrueuses quand elles fondaient sur les réprouvés. C'était une bataille de titan ou je n'avais pas ma place. Je déchirai un morceau de ma chemise que je plaquai sur mon nez avant de tourner résolument le dos à la bataille. Ce n'était pas mon combat et je me frayais un chemin en sens inverse des bipolaires qui se lançaient dans la mêlée, ignorant les insultes qu'ils me lançaient au passage. Grand bien leur fasse. Ce que je n'avais pas prévu, c'est qu'une sorte d'oiseau difforme aux plumes pourpres pique sur moi, bien décidé à me faire participer à cette bataille dont je ne connaissais rien malgré moi. Ses serres s'agrippèrent à mes épaules, lacérant la peau à la base de mon cou tandis que son bec tente d'atteindre mes yeux. Je bat des bras inutilement, cherchant à atteindre le maudit piaf avec ma rapière et je parviens à mes fins au moment où son bec acéré atteint mon oeil droit. Je hurle quand je sens un liquide chaud couler sur ma joue. Il croasse quand je sectionne à moitié son cou et me lâche enfin pour aller s'échouer à mes pieds. Rendu fou de rage par la douleur et la frustration, je me jette sur lui pour l'achever dans un grand cri, transformant le poulet en une masse informe de chair, de plumes et de sang. Je me redresse, mon oeil blessé saignant abondamment mais je suis comme insensible à la douleur et je marche cette fois aux côtés des réprouvés pour accompagner leur charge. J'ignore qui est leur ennemi mais il est aussi devenu le mien.
J'aperçois alors au loin, cruelle ironie du destin, la cliente qui s'était si bêtement endormie devant moi il y a quelques nuits de ça. Elle semblait l'avoir bien vécu car elle évoluait dans la mêlée avec férocité et bien plus de motivation que moi. Je me frayais un chemin jusqu'à elle avant de me glisser dans son dos et de murmurer à son oreille : «Bouh!» Amusé de ma propre plaisanterie, je gloussai et m'éloignais d'elle pour continuer le combat. Un homme, torse nu, une énorme épée dans la main, darda un regard mauvais sur moi avant de marcher vers moi, confiant de sa victoire. Je désirai mourir, plus tôt dans ma chambre, et cet homme m'offrait cette chance. Je plongeai sur lui, serrant ma rapière à mon côté, la pointe vers mon adversaire. J'évitai de justesse un coup de taille qui m'aurait coupé en deux et tentait une répartie, laissant à peine une zébrure sur le bras musculeux de mon ennemi. Il grogna et j'en fit autant, l'énergie avait remplacé le sang dans mes veines et je le chargeai à nouveau, maladroitement mais avec beaucoup d'entrain. Il m'évita sans peine et m'attrapa par les cheveux pour me ramener vers lui, cherchant à m'empaler sur son épée. Je me tortillai comme un ver sous sa poigne, cherchant à fuir l'inévitable. Il se gaussa de mes efforts pitoyables et m'enfonça son épée presque avec douceur dans mon ventre. Je gronde en sentant l'élément étranger dans mon corps, déchirer mes entrailles alors qu'il fait tourner la lame, déchirant chair et os. La douleur est là mais je parviens à l'ignorer, je ne mourrai pas sans faire disparaître le sourire sournois de mon adversaire, jouissant de sa victoire. Je cesse de résister et m'empale encore plus profondément sur son épée, je hurle et pousse encore jusqu'à sentir la garde buter contre ma poitrine. Avant qu'il ne puisse se remettre de sa surprise, j'enveloppe sa tête de mes mains et plonge mes crocs dans son cou. Il glapit de choc comme de douleur et je souri tandis que j'arrache un large morceau de peau. Un geyser de sang m'éclabousse et je fond à nouveau sur la chair à nu de son cou pour me gaver de son sang. Le sang de ma première proie était de bien meilleure qualité mais il faut faire avec ce qu'on a. Il tente de se soustraire à moi, de me repousser mais je m'agrippe plus fermement à lui comme une tique, refusant de lâcher prise et je le vide de son sang tandis qu'il se débat de plus en plus faiblement sous moi. Je sens aussi graduellement mes forces me quitter et quand il tombe sur le dos, inconscient, je le suis dans la chute, tombant à côté de lui. J'utilise mes dernières forces pour arracher l'épée de mes entrailles avant de m'allonger sur le dos, mes yeux regardant les éclairs déchirer les nuages. Je maintiens une main sur la plaie béante de mon ventre et je songe avec détachement que c'est vraiment étrange de toucher de ses mains ses propres organes.

Je reprend conscience, allongé sur le parquet de ma chambre, trempé de sueur, ma main étreignant mon ventre de nouveau lisse. J'inspire avec bruit, encore choqué des derniers événements, mon coeur battant à tout rompre. Sous moi, je sens des deux grosseurs au niveau de mes omoplates et en me redressant, je caresse du bout des doigts les ailes noires et blanches qui ornent mon dos. L'esprit embrumé de fatigue, j'oublie les questions qui envahissent mon esprit et je rampe jusqu'à mon lit où je m'effondre sur le ventre, glissant dans un sommeil sans rêves. Ou presque.


2280 mots
Et merci pour l'Event ❤



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Jeu 25 Juin 2020, 22:51

Olsayk
Odon Do Dur
-Y’a quelqu’un ?

De toute évidence, non : il était seul. Tellement seul que le silence était devenu assourdissant. Un frisson parcourut son échine. C’était la première fois qu’il entendait ça. Aussi peu de bruit. En temps normal, Sceptelinôst était en quelque sorte une ville qui ne dormait jamais. Le jour, elle vivait comme toutes les autres. De nuit, si ce n’était pas soir de beuverie, il y avait toujours quelques cons pour foutre la merde quelque part. Chanter et crier fort après avoir trop tapé dans l’alcool et plein d’autres substances dont lui-même ignorait le nom, partir à la poursuite de quelqu’un pour lui régler son compte, régler son compte à quelqu’un, baiser, ou bien juste emmerder la population entière, il y avait toujours quelque chose pour animer la capitale de la corruption réprouvée à chaque seconde de son existence. Était-elle morte ?

Olsayk était accroché à la rambarde de l’escalier qui menait aux chambres, observant, impressionné, le vide auquel il faisait face. Ce n’était pas qu’il n’y avait pas de clients, c’était qu’il n’y avait même pas de personnel. N’importe qui pouvait voler la caisse ou se servir à bouffer dans les cuisines et personne ne pourrait témoigner de quoi que ce soit. A ce moment-là, Olsayk se posa beaucoup de questions. Il crut d’abord qu’il était toujours sous l’emprise de la drogue et au beau milieu d’un rêve particulièrement lucide et réaliste. Puis il se demanda s’il n’était pas devenu sourd et aveugle des gens, c’est-à-dire incapable seulement d’entendre et de voir les personnes, ne lui laissant l’occasion que de découvrir des paysages désertés. Il songea aussi que tout le monde était peut-être mort dans un terrible carnage et qu’il était le seul survivant de la ville car il avait eu la chance de dormir, caché sur – oui, sur – son lit. Ou alors, au contraire, il hallucinait depuis le début de sa vie et personne n’avait jamais existé.

En fait, il n’en savait rien. Il était perdu et ce vide lui faisait peur. C’était pourquoi il ne bougeait pas et n’osait même pas aller au bar pour se soûler la gueule gratuitement. Ce ne fut qu’après quelques minutes qu’il finit par comprendre, par quelques voix et exclamations, que tout le monde était dehors. Le Réprouvé se précipita vers la porte comme un voyageur venant de découvrir une oasis en plein milieu du désert et l’ouvrit à la volée.
Ce qu’il découvrit derrière l’impressionna encore, autant par la taille, la densité, que par l’atmosphère qui se dégageait de cette foule. Il leva les yeux pour découvrir les quelques habitants qui n’étaient pas descendus dans les rues, campés à leur fenêtre. Ils étaient plongés dans la brume. La ville entière semblait s’être arrêtée pour observer. Mais observer quoi ? De là où il était, Olsayk ne voyait rien. Il s’approcha en bousculant un peu les personnes autour de lui.

-Qu’est-ce qu’il se passe ?

Personne ne lui répondit vraiment. Toutes les têtes étaient tournées dans la même direction, les yeux rivés sur une même personne. Le jeune homme les imita. Il ressentit un frisson.

L’homme encapuchonné marchait dans la rue. Eux formaient l’allée d’honneur. Olsayk n’avait jamais vu quelque chose d’aussi solennel, impressionnant et respectueux à la fois.


***


Jamais Olsayk n’avait non-plus participé à une telle orgie. Il fallait dire que… combien étaient-ils dans ce bordel ? Il n’arrivait pas à compter. Il ne voyait pas assez clair pour ça et la faible lueur de l’éclairage en cette soirée ne lui permettait pas de tout discerner. La luminosité ajoutait à la moiteur et au silence apaisé qui régnait dans l’établissement. Assurément, ils étaient plusieurs dizaines pour ne pas dire au moins une centaine. C’était à peine si l’on voyait encore le sol tant l’endroit était rempli par les corps endormis. Comme les chambres étaient pleines, Olsayk et beaucoup trop d’autres clients s’étaient résolus à faire ça ici, tous ensemble. Ce n’était pas plus mal : c’était plus convivial. Ils en étaient allés jusqu’à inviter les patrons et les musiciens à se joindre à eux. Ils n’avaient pas résisté. Personne n’avait pu. Ils étaient tous alimentés par cette même flamme mystérieuse qui leur murmurait que quelque chose allait se passer. On avait trouvé tous les moyens bons pour évacuer. A chaque jour de la semaine son nouvel échappatoire. A une soirée, Olsayk avait fini ivre mort. Une autre fois, il s’était retrouvé au beau milieu d’une baston. Il y avait eu une orgie raisonnable, un sacrifice de chèvres, puis une autre journée où les stupéfiants avaient coulé à flots. Seulement, il ne se souvenait plus de l’ordre. Ça n’avait pas d’importance.

Olsayk était actuellement nu, avachi sur une banquette. Une femme bien plus imposante que lui l’écrasait en partie et le bras d’une autre barrait son torse. La première l’avait baisé. La deuxième l’avait embrassé, griffé, léché et fait subir plein d’autres choses un peu étranges mais… soit. De sa vie de drogué, il en avait vu d’autres. Les deux femmes dormaient. Lui aussi avait dormi. Il ne savait pas pourquoi il avait tout à coup ouvert les yeux. Il était pourtant loin d’être sobre. Ses sombres pensées auraient dû être loin, très loin de lui. Alors pourquoi avait-il peur ? Il gémit. Il ne voulait pas le savoir. Il voulait se rendormir. Olsayk voulut changer de position, mais la femme écroulée sur son bassin l’en empêchait. Alors, résolu de ne pas la réveiller, il se contenta d’enrouler ses bras autour de celui de sa deuxième partenaire, à la recherche d’un réconfort qu’il trouva sur sa peau douce.


***


Il n’avait pas la moindre idée de la manière dont il était arrivé là. Si la situation n’avait pas été aussi particulière, il se serait certainement mis en boule dans un coin en attendant qu’il se passe quelque chose, mais là, il était debout, arme au poing aux côtés de ses compatriotes. Il se battait. Enfin, il courait vers la bataille. La mort aussi, certainement. Il en avait un peu moins peur que d’habitude. Disons qu’il était résigné. Il préférait se concentrer sur sa rage qu’il essayait de puiser dans celle des autres plutôt que sur l’issue de ce combat. Il ne voulait pas réfléchir, car cela l’entrainerait à coup sûr dans un monde bien trop sombre et terrifiant pour qu’il ne puisse le supporter. Olsayk n’était pas fait pour se battre. Il n’avait encore jamais mis les pieds à Gona’Halv. Pourtant il avançait comme tous les autres, prêt à brandir son épée pour transpercer la chair de ses ennemis, pour se défendre et survivre le plus longtemps possible.

Le flot d’ennemis qui les envahit lui confirma qu’il ne tiendrait pas jusqu’au bout. Il grimaça mais continua. Son cœur battait à toute vitesse, boosté par l’adrénaline. Comment allait-il faire ? Il n’eut pas le temps de répondre à cette question que son bras levait déjà son arme pour parer le coup d’un guerrier ennemi. Olsayk croisa son regard de braise. Il était bestial, monstrueux, mais ils étaient à armes égales. Les lames se frottèrent dans un crissement métallique puis se quittèrent. Les deux hommes se défièrent un instant. Olsayk décida de charger. Il fallait bien que l’un d’entre eux le fasse. L’autre bloqua son coup à son tour et riposta. Leur manège dura quelques minutes. Le Réprouvé parait les coups de l’ennemi et l’ennemi parait les coups sur Réprouvé. Ce n’était pas toujours adroit, mais ça permettait à Olsayk de s’en tirer correctement.

Il était essoufflé, trempé par la transpiration. Ses gestes étaient déjà plus lents qu’au départ et il chancelait un peu parfois, rattrapé par sa maladresse. D’une main, il essuya son front. Ce fut juste ce qu’il fallut pour que son ennemi ne tente une nouvelle attaque. Olsayk sentit le métal saisir son bras. Il le retira vivement avant que celui-ci ne soit sectionné complètement. A la place, la pointe de l’épée lui entailla la joue. La douleur le fit grimacer, le ramenant à la réalité de son corps, physique, vulnérable : qui il était vraiment. Voilà. Ça voulait dire que c’était bientôt terminé. Olsayk sentit sa colère monter de plusieurs crans. Son poing sanguinolant se serra. C’était pitoyable le temps qu’il avait tenu sur ce champ de bataille. D’autres auraient l’occasion d’y passer des heures, si ce n’était des jours, des siècles. Lui, seulement quelques minutes, sur un seul ennemi. Il fallait au moins qu’il le tue. Alors c’est ce qu’il fit, par une sorte d’heureux miracle, mais qui ne laissa pas indemne. En fait, ça n’avait rien de spécialement glorieux, mais le style et l’héroïsme ne faisait pas partie de ce qu’il s’était imposé. Il n’avait jamais précisé la manière dont il devrait tuer l’ennemi, ni ce qu’il adviendrait de lui par la suite. Ainsi, Olsayk avait foncé sans plus réfléchir à comment il allait s’y prendre au juste. Il avait juste chargé, épée en l’air. Le métal s’était entrechoqué, il avait relevé l’arme de cette énergumène avant de perdre sa prise sur la sienne. Sa main valide avait bloqué celle de son adversaire. Il avait récupéré son canif, accroché à sa ceinture, grâce à l’autre avant de l’enfoncer de toutes ses forces dans l’abdomen de son rival. Celui-ci lui avait craché du sang au visage et la poigne du Réprouvé avait faibli. L’épée s’était finalement abattue sur lui, tranchant son épaule et sa jugulaire. Olsayk vit le sang jaillir de son propre corps. Il n’eut pas le temps de réagir. Déjà, sa vue se brouillait, ses forces s’amenuisaient. Il se vit s’écrouler, perdre connaissance avant même de savoir s’il avait réussi. Il était mort.


***


Quand il retrouva Sceptelinôst, il était toujours dans le même bordel, entouré des mêmes personnes. Ils étaient toujours nus, comme s’ils s’étaient tous réveillés du même rêve et que cela n’était resté qu’un simple rêve. Ce n’était pas le cas évidemment, ils le savaient tous autant que c’était visible : ce qui différenciait la scène de la réalité, c’était qu’ils étaient tous debout, leurs ailes blanches et noires, même pour les Kiir’Saqhon, déployées derrière leur dos. Autant dire qu’avec l’orgie à laquelle ils avaient participé la veille, ils étaient collés et serrés. Ça aurait pu leur donner envie de s’y remettre, mais l’ambiance avait trop changé. Olsayk replia doucement les siennes et se rassit sur la banquette. Il n’était pas mort. Il en ressentit un profond soulagement. Ses paupières s’alourdirent. Il était fatigué. Mais pour la première fois depuis longtemps, il se sentait nu. Pas sur le plan physique, ça, il le savait déjà. C’était plutôt mental. Nu de tout mal-être, comme si celui-ci l’avait quitté avec le combat, comme si mourir l’avait achevé une bonne fois pour toute et qu’il était à présent capable de commencer une nouvelle vie. Aujourd’hui, Olsayk avait changé. Il sourit.


~1796 mots~


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Jämiel Arcesi
~ Alfar ~ Niveau II ~

~ Alfar ~ Niveau II ~
◈ Parchemins usagés : 759
◈ YinYanisé(e) le : 01/03/2019
◈ Activité : Étudiant à plein temps ; Luthier en parallèle
Jämiel Arcesi
Jeu 25 Juin 2020, 23:49

Odon do dur


Accoudé à son bureau, la joue posée dans le creux de la main, Jämiel faisait tourner l'anneau sur la table qui, après quelques tours sur lui-même, retombait dans un bruit sourd sur le bois sombre de la console. Cela faisait un certain temps qu'il l'avait en sa possession. Pourtant il n'y avait jamais touché, la laissant prendre la poussière dans les tréfonds d'un tiroir. Il pouvait sentir la magie qui en émanait et, à l'époque, n'avait préféré se risquer à jouer avec pour cette raison, ignorant totalement les conséquences qui pouvaient découler de son usage. Il s'en saisit une nouvelle fois pour la faire derechef tourner sur la table, le Cerfeuil d'Od gravé dessus semblant courir le long du cercle à chaque tour que celui-ci effectuait. L'animal, en chair et en os lui cependant, qui semblait s'être attaché à l'Alfar pour une raison inconnue et voyageant entre leur propriété et Boraür, était apparu à la même période pendant laquelle Jämiel était entré en possession du bijou. Il ignorait s'il s'agissait là d'un signe ou d'un hasard. Ces bêtes-là n'étaient pas réputées pour leur agressivité, tout comme leur habitat naturel était connu pour être une zone de non-violence. D'où le fait qu'il trouvât étrange que l'une de ces créatures apparaisse en Drosera. Du coin de l'œil, il aperçut Owen qui l'observait sévèrement. Il savait pourquoi. Les Murs nourrissaient autant d'ambitions que les Alfars. Il avait donc bien choisi son peuple pour s'élever. Sauf lorsque l'on manquait de patience. Aussi se tourna-t-il vers lui avant de rétorquer « Tu croyais que j'allais rejoindre les plus hautes sphères du jour au lendemain ? Tu aurai dû aller chez les Démons pour ça. ». Le Mur ne dit rien, face à l'attaque verbale de son Maître. « Restes là et intervient au moindre problème plutôt. », ajouta-t-il en reportant son attention sur l'anneau. Car lui aussi avait fini par céder à l'impatience. Il se saisi alors de celui-ci à pleine main pour le mettre au doigt. Le changement s'opéra immédiatement, quoi qu'il fût inattendu. Ce fut comme une lame chauffée à blanc qui lui perçât le crâne tandis qu'il se levait brusquement, renversant l'assise, comme ses mains se plaquèrent sur le bureau. Les poings fermés et les paupières serrées, sa respiration s'était soudainement accélérée, comme s'il cherchait un souffle qui l'abandonnait. Tandis qu'Owen se précipitait sur lui afin de s'enquérir de son état - car malgré l'apparence que l'Arcesi arborait, il était encore certain qu'il s'agissait ici de son Maître - celui-ci lui jeta un regard empli d'une colère et d'une rage tel qu'il n'en fût jamais alors. Puis ce fut l'obscurité pour lui. Il se réveilla bien plus tard, sur son couchage et sous son apparence initiale.  Il tendit la main devant son visage. La bague n'était plus là et un mal de crâne faramineux lui martelait celui-ci. Pourtant, malgré la douleur, il était plus curieux qu'il ne l'avait été vis-à-vis de l'objet.

L'Alfar traversa toute la demeure à la recherche d'Owen. Après s'être réveillé sans l'artefact suite à son essai infructueux, il avait été incapable de remettre la main dessus, et la seule personne qui avait été présente à cet instant fut le Mur. Il  était donc celui qui avait rangé le bijou et Dothasi seule pouvait savoir où. Il finit par s'installer sur l'un des fauteuils de cuir du salon et pianota de ses doigts l'accoudoir de ce dernier avec agacement. Il n'allait pas courir après lui toute la journée non plus. C'est après de longues minutes d'attentes que celui-ci apparu enfin. Jämiel planta ses iris dans ceux de la créature, un visage de marbre et le regard sévère jugeant celui qui devait le servir, lui et sa famille. Un lourd silence s'installa entre les deux êtres pendant un  temps qui parût interminable avant que Jämiel ne vienne à le briser. « Où est-il ? » le questionna-t-il sur un ton sec. Le Mur garda le silence, un air interrogatif se dessinant sur le visage monstrueux de la créature. « Ne fais pas l'ignorant, tu sais parfaitement de quoi je parle. » rétorqua Jämiel sans changer l'inflexion de sa voix. L'Arcesi quitta l'assise pour se mettre au niveau du serviteur. Puis il reprit, rudement. « N'oublie pas le rôle de chacun ici et lequel a véritablement besoin de l'autre pour s'élever. ». Un nouveau flottement, dur et pesant, s'immisça entre les deux individus, de quelques secondes seulement mais qui parût pourtant durer une éternité. « Où est-il ? », se répéta Jämiel, bien plus sur le ton de l'injonction que sur celui de la simple demande. « Protégé des autres, et de vous-même. ». Un rire cynique s'échappa des lèvres du l'Alfar. « De moi-même ? Tu es sérieux ? » - « J'ai pu constater ce qu'il s'est passé. » - « Et tu ne veux plus que j'y touche. ». Il voyait où le Mur voulait en venir. Le résultat n'avait pas été concluant, certes, ça il ne pouvait le nier. Mais il avait ressenti le pouvoir de l'objet. Quelque chose s'était passé. C'était comme s'il n'avait plus réellement été lui-même. Comme si l'on avait cherché à changer ce qu'il était, sa nature profonde, son être et sa chaire. « Ramène-le moi. On passe à côté de quelque chose avec tes caprices. », conclu l'Alfar en rejoignant sa chambre. Lui aussi, ce qu'il était en train de faire, c'était un caprice, il fallait bien l'admettre. Mais  un caprice utile, il en était certain.

La bague entre les doigts, Jämiel en observa un instant l'éclat devant les minces rayons qui arrivaient à percer l'épaisse couche du feuillage de Tawaradan, avant de jeter un regard vers le Mur. Il n'était pas d'accord avec sa décision, ça se voyait clairement sur son visage monstrueux. Lui ne reviendrai pas dessus. De toute façon, si ça devenait trop dangereux, il arrêterait. Il avait apprit la leçon avec la première fois. S'asseyant sur le lit, il réitéra l'expérience et, de nouveau, n'eut pas à attendre longtemps pour que le changement se fasse sentir. La mâchoire serrée, ses mains étaient rudement accrochées au tissu du drap couvrant le couchage. C'était comme si son organisme entier luttait contre un être parasite venu l'envahir. Était-ce le cas ? Car, portant un regard de biais, il put voir son épiderme, originellement des ténèbres qui habitaient la Forêt des Murmures, ayant comme muée pour devenir d'une pâleur lui semblant cadavérique. Il utilisa ses quelques forces pour se diriger vers un miroir mural, découvrir ce qu'il se passait et ce qu'il devenait exactement. La surprise marqua son visage comme il fut incapable de reconnaître ce dernier. C'était comme s'il observait une toute autre personne. Tout était différent. De la forme du visage jusqu'à la couleur de ses yeux. Un râle de douleur lui échappa tandis qu'il senti ses forces l'abandonner. C'est ainsi qu'il put constater que sa voix ne faisait pas exception à la règle de la métamorphose. Alors qu'il prenait appui sur le verre réfléchissant pour ne pas s'effondrer au sol, la sensation de la main difforme d'Owen sur son épaule lui donna un étrange coup de fouet. Il se tourna vivement pour saisir ce qu'il supposait être la gorge du Mur qui n'en fit pas grand cas, profitant plutôt de l'attention détournée de son Maître pour lui retirer d'un geste rapide la bague avant qu'il ne finisse dans le même état que précédemment, soit, dans les limbes de l'inconscience. Il se passa quelques secondes durant lesquels aucun des deux ne prononça un mot, la surprise marquant les traits de Jämiel devant la position qu'ils tenaient. Il était essoufflé et fatigué, comme s'il revenait d'une session de sport intensif. Il en donnait l'air. Du moins, c'est ce qu'il cru comprendre à en voir l'air qu'affichait Owen. Comme il s'écartait pour rejoindre son lit, il leva ses iris vers le Mur, un rictus cynique aux lèvres. « Je ne suis pas encore mort tu sais. » souffla l'Arcesi entre deux inspiration. « Alors fait pas cette tête là s'il-te-plaît. ». Le Mur fronça des sourcils à ces mots. « Vous allez réessayer, n'est-ce pas ? ». C'était une question rhétorique. Il savait parfaitement que Jämiel n'abandonnerai pas, même après ces deux essais, aussi vains et éprouvants puissent-ils être. Même après ce qu'il venait de se passer. Son regard brillait de cet éclat caractéristique de ceux qui ne se laissent pas ronger par la défaite mais l'utilise, au contraire, pour s'enhardir. Un éclat que l'on retrouvait chez de nombreux membres de cette race. Ce qu'Owen ignorait, c'est que c'était plus que ça encore. Il devait maîtriser cet objet, et rapidement. Quelque chose lui disait que, plus tôt il serait en pleine possession de ses moyens sous cette forme, mieux ce serait. Avant que le Mur ne s'échappe, Jämiel l'interpella une dernière fois. « Ne parle ce ça à personne. C'est comprit ? ». Owen hocha la tête, puis disparu.

Un livre sur les genoux, Nóirín était plongée dans les lignes du conte. A ses côtés, Jämiel, le nez levé alors qu'un vol de corneilles traversait la cime des arbres, tourna finalement son regard vers la jeune Alfar. Malgré son air serein, il était évident qu'elle ne l'était pas entièrement. « C'est bientôt que tu dois rejoindre le Temple de Dothasi, non ? » - « Hum hum. », affirma-t-elle sans lever les yeux de l'ouvrage. Jämiel haussa un sourcil devant si peu de réaction. « Il est si intéressant que ça ce livre ? », ajouta-t-il alors en portant pleine attention à la Déléis. Celle-ci referma doucement l'ouvrage pour se tourner à son tour vers Jämiel, lui offrant un mince sourire. « Les idées sont bonnes. Et puis, il n'est pas commun. Ce doit être le genre de livre dans lequel on découvre à chaque nouvelle lecture des détails nous ayant échappés. Tu devrai prendre le temps de le lire si tu as l'occasion un jour. » - « Je te l'emprunterai quand tu l'auras terminé. » répondit l'Arcesi en haussant des épaules comme le regard de Nóirín s'attarda quelques instants sur des soldats en retraits. Ils étaient plus nombreux qu'à l'habitude. Plus agités aussi. « Tu as entendu cette rumeur ? », reprit-elle sans les quitter des yeux. « Laquelle ? », demanda Jämiel en suivant le regard de Nóirín, intrigué par ce changement de sujet soudain. « Celle selon laquelle un brouillard dense et surnaturel serait tombé sur les territoires Réprouvés. Ils seraient tous devenus fous. Enfin, plus qu'à l'accoutumée je veux dire. », répondit-elle d'un ton neutre en rouvrant l'ouvrage pour continuer sa lecture, peu soucieuse du sort des bipolaires. « Pour une fois que ce n'est pas nous qui sommes envahit par la brume. », rétorqua Jämiel, cynique. « C'est peut-être ça. Ils ont essayé de refaire la brume de la Forêt. », le suivait-elle d'un même ton, un rictus se dessinant sur son visage. « Tu m'aurais dis les Sorciers j'y aurai cru. Mais les Réprouvés. Ils sont bêtes comme leur pieds ceux-là. », rétorqua le jeune Alfar en balayant l'air de la main. Un rire cristallin s'échappa des lèvres de la Déléis à ces mots. Pourtant, parler des Réprouvés attisait ce sentiment qui le saisissait depuis quelques jours déjà. Ce même sentiment qui le poussait à user de l'artefact chaque fois un peu plus pour en saisir l'essence. Aussi se leva-t-il d'un bond avant de se tourner vers la Déléis qui le dévisagea, surpris. « Je te laisse, je dois y aller. ». Elle garda un instant le silence avant de remettre le nez dans le livre, le regard noir, pour lui jeter d'un ton sec « C'est elle, pas vrai ? ». Jämiel papillonna des yeux avant de comprendre. Nóirín avait du mal a accepter l'arrivée de Bellone au sein de la famille, et plus encore son lien avec Jämiel, et elle devenait rapidement amère dès lors qu'il s'agissait de l'Orine. « Non, ce n'est pas à cause de Bellone. J'ai des choses à faire, c'est tout. ».

La première chose qu'il fît en rentrant chez lui fut de récupérer l'anneau. Refermant la porte de sa chambre, il jeta un dernier regard à son reflet après s'être débarrassé de son haut. Ses vêtements n'étaient pas extensibles à l'infini et il ne comptait pas refaire sa toilette complète pour cinq minutes métamorphosé. Il exhala un souffle et réitéra l'expérience. A force d'essais, c'était comme si son corps s'était habitué à la douleur et, à présent, la transformation était bien plus supportable que les premiers jours. Il avait comprit pourquoi le changement qui s'opérait était si intense et important. C'était bien plus qu'un simple changement d'apparence. De nouveau il se tourna vers le miroir. S'il lui arrivait de paraître sous une forme humanoïde, il pouvait également revêtir celle-ci. La véritable apparence d'un être Démoniaque. Silhouette mi-homme, mi-bête, le corps semblait être fait d'une épaisse couche obscure d'écorce tapissée de mousse et de lichen, tel le bois millénaire sur le point de rendre l'âme. Ce n'était plus un visage expressif qui dévisageait cette apparence rivalisant avec celle de son Mur, mais un crâne animal décharné rehaussé de deux bois sombres, tels ceux du Cerfeuil qui lui tenait compagnie, imposants et aux extrémités acérées. Il n'était pas humain. Il n'était pas animal. Il n'était pas non plus végétal. Il était rien de tout cela et en même temps un mélange des trois à la fois. S'il pouvait être visible, un sourire cynique serait dessiné sur le crâne osseux du Démon qu'était devenu Jämiel. En fait, il avait l'impression que l'essence de Drosera s'était insinué malgré lui au fond du pouvoir de cette bague. Ce terrifiant mélange pouvait être hasardeux, il était pourtant persuadé que la Forêt des Murmures pourrait être habitée par des créatures telles que celle qu'il était devenu. Il fini par plier genou à terre et revint à son apparence initiale. Après quelques secondes et une expiration, il se remit sur pieds. Ses prunelles s'attardant sur la bague, il songea à Bellone. Il ne lui avait pas parlé de cette bague, peut-être aurait-il dut. S'il avait bien comprit, les Orines ressentaient ce que leur Maître pouvait éprouver. Comment pouvait-elle vivre ces changements d'états ? Le ressentait-elle également ?


L'Alfar se tourna vers Owen. « Regarde. Je t'avais dis que j'y arriverai. », fit-il en usant de l'artefact, se retrouvant sous apparence humanoïde, ce garçon à la peau si pâle comparé à l'Alfar qu'il était et au regard de sang, comme ce qu'il semblait réclamer. Le temps du changement, ses muscles se contractèrent, puis il jeta un regard plein de malice au Mur. « Maintenant je dois voir si je possède la magie en plus de l'apparence. » - « En quoi ça vous est utile de rejoindre les rangs Démoniaque ? ». Jämiel se tourna brusquement pour faire face au Hère. « C'est pas toi qui veut évincer tes aînés pour te saisir de la couronne ? Je t'offre deux fois plus de chance. Me remercie pas. », lui siffla-t-il a quelques centimètres du visage comme un cracha à la face. Néanmoins, sans maîtriser les rudiments de la magie démoniaque, il n'irai pas loin. Il ne pouvait en faire usage en Drosera. Les sorts usés par les Démons sont remarquables. Trop. En rien comparables à ceux des Enfants de Dothasi. Aussi, rejoindre leur territoire lui sembla être la solution la plus évidente pour cet exercice. Ce ne fut cependant pas l'Enfer qu'il rejoint. Son regard parti à la rencontre de la horde se précipitant dans leur direction. Il n'avait pas la foutu idée de la façon dont il était arrivé en ces lieux. Mais il avait parfaitement comprit ce qu'il devait y faire, au côté de ces inconnus. Lorsque tous s'engagèrent dans la mêlée, il ne s'élança pas de suite. Il n'était pas un combattant originellement et il avait été convenu qu'il se séparerait de la bague s'il y avait danger. C'était le cas. Pourtant, une force en lui lui intimait que ce n'était même pas envisageable, voir carrément inutile.

C'était un sentiment étrange que l'exaltation du combat. Ou plutôt, l'exaltation du sang. Une fois qu'il se fût plongé dans la bataille, les doutes qui l'assaillaient se dissipèrent et Jämiel ne pensa à rien d'autre qu'à lacérer la chaire et pourfendre les âmes. Il voulait repeindre du grenat chaud de ses ennemis cette terre trop verte et trop pure. Un rictus mauvais aux lèvres, il raffermit sa prise sur la lance en s'approchant rapidement d'un Goled. Puis, à deux mains, il vint violemment perforer ce dernier. Néanmoins, la créature avait le cuir épais, sans parler de la force ridiculement faible du faux Démon, et la pointe ne pénétra que peu dans la peau. Sous ce constat, Jämiel cracha un juron tandis que l'animal se saisit de la hampe pour la briser avec un grognement mécontent. Ce fut également avec un grognement mécontent que Jämiel recula. La Colère s'empara de lui et, malgré son seul bâton, il se jeta sur la bête tandis que la hampe se transformait en véritable buisson ardant sous l'effet de l'Envoûtement. S'il ne pouvait le planter, alors il le déchiquetterai, dusse-t-il y passer une ère. Avec un cri de rage, il chargeait le Goled qui se préparait à réceptionner l'arme transformée d'une main, et contre-attaquer de l'autre. Sa main se refermant brutalement sur le bâton, les épines acérées vinrent se loger profondément dans le membre de la créature comme un râle de douleur et de surprise lui échappa. « Ah ! ». Un éclat ravi dans les prunelles et un rictus mauvais aux lèvres, Jämiel récupéra la hampe, la faisant glisser dans la main de la créature qui ne lâchait pas. Alors se fut lui qui lâchait son arme en voyant l'épée s'abattre sur lui. Il ne l'esquiverai pas. Il n'y arriverai pas. C'était trop tard.

Comme un ultime réflexe de survie, le faux Démon céda sa place à l'Autre en lui, lui permettant d'accuser plus aisément le coup, quoi que cela n'en restât pas des plus douloureux. « Tch. ». Ce fut son seul commentaire tandis qu'il toisait d'une grimace son torse barré d'un épais trait carmin, dessiné au fil de la lame de son assaillant. A présent il faisait taille et, avec de la chance, force égale avec le Goled. Délaissant totalement les armes, il saisit le crâne de la créature et l'abattit avec brutalité au sol et le maintint dans cette position. Puis il récupéra le fer de lance qui fût si peu efficace pour le planter dans la gorge du Goled. Reprenant le fer en main, il s'attarda à voir la vie abandonner le corps de la créature, un ruisseau safrané prenant naissance dans le trou laissé par l'arme, des perles de son propre sang venant s'y mêler. Un hurlement qui se rapprochait le fit se retourner. Cette fois, ce fut réellement trop tard.

Alors qu'il se relevait, prêt à l'attaque, il fut surprit de voir son ennemi aussi proche. A peine leva-t-il son poing que la lame adverse le traversa d'un coup d'estoc. Il tendit la main pour se saisir de l'homme - ou la femme, il l'ignorait et s'en foutait - mais ce dernier, face au geste, ne fit qu’aggraver son cas en effectuant un quart de tour de son arme. Comme ses forces le quittait, l'Autre aussi, reprenant forme humanoïde dans un cracha sanguin. Il put voir la victoire sur le visage de son meurtrier, mais aussi l'étonnement en voyant l'expression que le Démon affichait. La même. Tandis que son assaillant s'apprêter à retirer l'épée de sa poitrine, Jämiel s'accrocha vivement au bras  et à l'armure de celui-ci, quitte à s'empaler plus encore sur le fer, mais lui ôtant tout type de retraite. « N'y comptes pas. Si je tombes, tu tombes aussi. », déclara-t-il avec un sourire sinistre. « Et comment ? ». Le sourire du Démon s'élargit. Le coup vint par derrière. Un hache porta un coup violent au cou du combattant, décapitant à moitié ce dernier dans une fontaine sanglante. Alors il s'effondra. Jämiel aussi. Dommage. J'aurais aimé voir la prairie devenir amarante. , songea-t-il avant de disparaître dans les limbes. Il ne craignait pas la mort.  Il savait qu'en s'engageant dans cette bataille, ce serait commencer une valse funèbre dont elle était celle qui menait la danse. Elle venait d'y mettre un terme.

Jämiel papillonna des yeux avant de vivement retirer la bague. Puis il palpa son torse avant de tourner la tête en sentant un poids dans son dos. Il connaissait cette sensation, il l'avait déjà vécu. Ça faisait juste la deuxième fois qu'on l'affublait d'ailes sans son consentement. « Il va vraiment falloir que j'apprenne. » lâchait-il d'un air las en se laissant tomber sur son lit, après les avoir rétracté. Il avait au moins comprit comment ça ça marchait.
:copyright: ASHLING POUR EPICODE




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