Quand m’étais-je endormi? Ah! et puis, peu importe. Ici au moins, j’étais loin des vagues, du froid de la tempête et du sel collant de la mer. Ici, oui, il faisait beau et chaud – ce qui était assez inusité considérant la région dans laquelle je me trouvais – et c’est fou à quel point je me sentais bien! Le village s’était relevé, suite à la destruction qu’avait menée la Dévoreuse contre l’humanité, et le rire des enfants résonnaient de nouveau à travers les huttes et les maisonnées. Les quelques survivants des massacres et des catastrophes que nous avions dû combattre tout le long de notre éreintante fuite à travers les continents, recommençaient à sourire, joyeux et satisfaits; j’en entendais même quelques-uns qui chantaient; un chien, vagabond, avait élu domicile dans notre petit coin de pays et il s’amusait comme un fou à chasser la balle que lui tirait les enfants. À mes côtés, Titania observait, tout comme moi, ce spectacle des plus apaisants et des plus réjouissants. Pendant combien de temps ces habitants n’avaient-ils pas ris ainsi? Pendant combien de temps leur visage n’avait été que voiles sombres et leurs pensées, obscures réflexions. C’était si beau de les voir aussi épanouis après tout ce qu’ils avaient traversé. C’était comme si le monde s’était soudainement mis à briller, à les illuminer, à les envelopper, éclairant leur visage d’éclats ensoleillés, leurs joues de rougeurs excitées, leurs rires d’éclat de miel. En constatant tout cela, en admirant ce chef-d’œuvre des plus onirique, je me redressais doucement, fier et satisfait du tableau que je contemplais. Voilà pourquoi je me coupais les veines: c’était pour ces sourires, pour ces regards lumineux et pétillant d’une félicité des plus exquises. Oui, c’était parfait. Comme ça, tout était parfait.
Et désormais, plus rien ne pourra détruire ce nouveau bon…Non… Tout était toujours trop beau pour être vrai. L’on disait qu’après la pluie, il y avait le beau temps; et bien, après le beau temps, l’orage guettait toujours, non loin. Et l’orage, il frappait maintenant. La terre s’était mise à trembler. Les rires se métamorphosèrent en hurlements. Les maisons s’écroulaient tout autour de nous, les gens se faisaient écraser par ces structures qu’ils croyaient avoir bâti pour un nouveau futur. Ils criaient, ils n’en finissaient plus de crier! Bordel! Les secousses se firent plus violentes et, d’un coup, je me sentis poussé sur le côté et je tombais au sol. Je voulus me redresser, mais une masse obscure m’enveloppa. J’écarquillais les yeux avant de me retourner, vivement. C’était une maison qui allait m’écraser…
« AAAH!! » Criais-je en me redressant brusquement, les mains moites, le front en sueur.
Mais dès que j’ouvris les yeux, je dû les refermer. Par les Aetheri, c’était qui l’idiot qui avait eu la bonne idée d’allumer toutes ces lumières? Je grommelais un peu avant de remarquer que je n’étais pas tout seul. Vivement, je tournais le visage en direction de cette présence et, dans un seul regard, je su tout de suite la cadrer. C’était la rousse, celle qui traînait avec l’Humaine. Mais…
« Mais qu’est-ce que tu fous dans ma… »Mes yeux s’écarquillèrent; ma bouche en fit tout autant.
« Attend, elle est où ma cabine? »Je regardais autour de moi, avant de sentir, sous mon poids, la barque qui tanguait dangereusement. Aussitôt, je cessais de bouger pour équilibrer la petite embarcation. La Rouquine me parla, disant quelque chose comme quoi à deux, on était plus forts ou un truc dans ce style. Mais je n’étais pas concentré à ça. Toute mon attention convergeait vers un autre point. Et petit à petit, je commençais à comprendre dans quel autre merdier j’avais été fourré. Mon regard se fit incendiaire.
« Oh, ces enfoi… »Je me repris.
« Saletés de Magiciens!! »Mais ma colère tomba d’un coup, vite remplacée par de l’inquiétude, lorsque la rouquine choisit d’embarquer dans ma barque. Instinctivement, je m’accrochais sur les bords de l’embarcation, enfonçant mes ongles dans le bois.
« F-Fais gaffe, m*rde… J’ai pas envie de refaire un plongeon… Dis-je la voix tremblante – et c’était plus fort que moi: je détestais, je haïssais l’eau depuis que j’avais fui tous les désastres causés par la Khaelessi et ce Duel n’avait en rien amélioré les rapports que j’entretenais avec elle.
Alors, on est deux! » M’exclamais-je par la suite après qu’elle se soit assise.
Bon… On avait été jeté à la mer comme de gros déchets du navire des Magiciens – et j’étais certain que nos crises respectives devant la Reine devaient en être pour quelque chose – et, pour encore plus de plaisir, ils n’avaient même pas jugés bon de nous envoyer près d’une côte ou d’une plage. Nan mais, j’vous le jure! Y’avait que l’Océan à perte de vue ici! Et il n’était pas question que l’on se relaie pour pagayer! On allait être trop lent et je ne savais pas si c’était mon mal de mer ou mon mal du pays, mais j’avais franchement, mais alors franchement, très hâte de rentrer chez moi.
« Attends, je vais essayer de l’attraper… » Proposais-je avant de m’étirer de tout mon long, indiquant à la Rouquine de balancer le poids de la barque en se collant sur le côté opposé.
Je parvins à mettre la main dessus et un soupir de satisfaction s’échappa de mes lèvres, alors que je lui tendais sa rame et que j’agrippais la mienne. Au moins ça de fait… Mais c’était beau d’avoir un moyen de transport, mais comment voulaient-ils qu’on se dirige maintenant, avec toute cette eau à perte de vue?! La rousse avait bien raison: c’était des abrutis, ces Mages blancs.
« Tsk! Moi, j’ai déjà tout perdu… »Si je n’avais pas soudainement disparu… et si j’avais mis la main sur le pactole bien plus tôt aussi… Mes doigts se refermèrent encore plus fort sur ma rame.
« En tout cas, je ne prie pas trop pour une fin heureuse et grandiose en analysant la situation dans laquelle on s’trouve! Faut d’abord qu’on se sorte de là… … Raah! Je les déteste! La prochaine fois que je croise un Magicien ou un Sorcier, je l’éventre! »Et comble de tout! Il avait vraiment fallu qu’ils nous balancent dans l’Océan sans boussole et sans carte pour nous permettre de rejoindre la terre ferme! Beaux salauds!
« L’idée de ramer sans savoir où j’m’en vais ne m’enchante pas trop… »Pourtant, j’enfonçais la palme de ma rame dans l’eau, ma mâchoire se contractant.
« Mais on n’a pas trop le choix… Peut-être qu’on croisera un navire? »À bien y penser, je ne savais pas laquelle des deux options je détestais le plus: ramer jusqu’à on-ne-sait-où ou monter, de nouveau, dans l’un de ces grands vaisseaux flottants? J’exhalais un soupir, sentant déjà la migraine me prendre le crâne.
Misère… Le voyage allait vraiment, vraiment, vraiment être pénible. Mais au moins, je n’étais pas tout seul dans cette galère…
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