La porte du dortoir des chats s’ouvrit en grand. « Jasmin ! » Lazare entra en trombes, fila vers l’interpelé et lui colla un bout de papier tout froissé sous le nez. « Regarde ! » Hormis eux, le dortoir était vide. « J’ai pas le droit d’aller à Boraür ! » Le matin même, il avait reçu la réponse de ses parents, qui lui interdisaient formellement de participer au voyage scolaire organisé sur l’île en l’honneur des fêtes d’Ësse’Aellun. Ils prétextaient que ses résultats n’étaient pas à la hauteur de leurs attentes – ce qui ne pouvait qu’être vrai étant donné le peu d’efforts qu’il fournissait – et qu’ils recevaient trop d’échos négatifs de son comportement – ce qui était sans doute véridique aussi, puisqu’il s’attelait à être l’élève le moins discipliné de l’école. « Comment ils veulent que j’aie envie de rester ici si j’ai rien le droit de faire ? » Il lâcha la lettre qui retomba doucement sur le matelas du rouquin, et pivota vivement. Une tension reliait ses deux épaules. « Ils se foutent de moi ! Ils se targuent d’être de parfaits Magiciens, avec leurs bonnes manières et tout le tralala, mais au fond, ils n’ont juste pas de cœur ! » La colère suintait à ses tempes. Il marchait à travers la pièce, les jambes rendues fébriles par l’énervement qui le secouait tout entier. « Et puis pourquoi t’as fermé les rideaux ? Il y a un super soleil ! » En deux enjambées, il fut à la fenêtre, et il écarta brusquement les pans de tissus. « Faut qu’on organise un truc pour pouvoir partir d’ici et retourner aux Palais de Coelya. » Il fixait l’extérieur, le regard assombri par l’orage qui grondait en lui. « Non, tu sais quoi ? On ne va pas retourner aux Palais de Coelya. On va se casser, et vivre notre vie ailleurs. Parce que si on rentre, ils vont continuer à nous pourrir la vie. Je ne veux pas de ce qu’ils ont en tête pour moi. » Un métier qui fît honneur au nom des Halloy, une épouse, des enfants, une jolie maison fleurie, une routine à mourir d’ennui. « Je veux aller à Avalon. Là-bas, je pourrai monter une entreprise autour du jeu et de la fête. Je sais pas encore quoi, mais quelque chose dans ce domaine-là. » Une idée traversa soudainement son esprit. « Tu y vas, toi ? À Boraür. Ils t’ont donné l’autorisation ? » finit-il par demander en se tournant vers le chat.
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Traité sur l’ingratitude des chats et des adolescents | Jasmin