Panique

Musique

Éris avait été incapable de trouver le sommeil à partir de cinq heures du matin, perturbée. Elle ne s’était pas rendue au bal mais quelques moments de son voyage lui semblaient flous, comme les autres. En réalité, elle avait préféré rester terrée entre les quatre murs de l’hôtel pendant que les autres étaient sortis s’amuser. Elle avait ouvert son sac et en avait sorti plusieurs partitions composées par l’Empereur Noir. Elle avait commencé à les détailler et n’en était sortie que pour lire l’ouvrage qui explicitait la musique de Cyrius Windsor. Elle ne comprenait pas tout ce qu’elle lisait – et en oubliait la moitié – mais elle se disait qu’à force de lire, relire, souligner et surligner, l’ensemble finirait par trouver une cohérence dans son esprit. Un jour, tout deviendrait limpide d’un coup. Elle en était convaincue. Pour le moment, elle ne pouvait que donner de sa personne et de son énergie dans la compréhension du maître. Depuis qu’elle était à Basphel, elle ne faisait presque que ça. Dès qu’elle avait la possibilité de lier un sujet vu en cours à la musique, elle le faisait. Dès qu’elle avait la possibilité de parler du Grand Chaos, elle sautait dessus. Il était une obsession à laquelle elle se raccrochait pour éviter de penser à son père. Petit à petit, il devenait tout pour elle, la seule personne qui en valût la peine. Aussi, quand elle entendit les pleurs, elle ne tarda pas à froncer les sourcils. Qui osait la déranger alors qu’elle vaquait à ses occupations ? Ne pouvait-il pas la fermer ?

Contrariée, elle prit la direction des cris. Une fois sur place, elle fixa l’énergumène comme de la moisissure sur une nectarine. Que racontait-il encore ? Une expiration fit frémir ses narines. Elle eut l’envie irrésistible de lui envoyer violemment son talon dans le pied. Néanmoins, ça aurait été inutile. Elle n’était pas taillée pour faire du mal à autrui. Son corps n’était que fragilité. Elle hésita puis décida de l’abandonner là. Elle n’eut cependant pas le temps de mettre son idée à exécution. Son regard se leva vers le visage de Kiara. Les yeux de l’Ondine lui semblèrent gonflés et rougeoyants. Elle avait pleuré… ou coupé des oignons. Pleuré plutôt. « Je ne sais pas. Je viens d’arriver. » Pourquoi fallait-il qu’elle tombât toujours sur cette fille ? « Ou sinon on le laisse là… Tu n’as pas l’air d’aller bien non plus. C’est à cause de ce qui est arrivé à ton peuple ? » demanda-t-elle. Disons qu’elle était déjà plus intéressée par les Sirènes depuis qu’elle savait qu’elles jouaient des instruments. Intérieurement, elle s’était plusieurs fois interrogée sur ce que pensait son idole du peuple des mers.

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Panique

Musique

« Oui… si tu veux. » Éris n’avait aucune envie de s’occuper de ce dégénéré. Il racontait n’importe quoi et se berçait d’illusions sur un monde qui n’existait pas. Les Vampires, dangereux ? Elle n’en était pas certaine. Elle était même convaincue que leur régime alimentaire leur valait une réputation qu’ils ne méritaient pas. Elle ne s’y connaissait pas beaucoup en histoire – puisqu’elle préférait étudier la musique et Cyrius Windsor – mais elle avait déjà entendu dire qu’ils s’étaient battus contre les Evershas. Il fallait tomber bien bas pour accepter de se confronter à des animaux. Quant à l’autre mongolito, elle ne savait qu’en faire. Elle aurait eu une magie puissante, elle aurait œuvré à ce qu’il tombât inconscient. Ce n’était malheureusement pas le cas et elle ne voyait rien à entreprendre de pertinent, à part le secouer comme un prunier.

Alors qu’elle allait dire à Kiara qu’elle préférerait repartir, elle faillit basculer en arrière à cause de la force de la poigne désespérée du garçon. « Ah mais lâche moi ! » hurla-t-elle. Éris détestait qu’on la touchât. Ça lui rappelait son père, même s’il ne l’avait jamais attrapée de la sorte. L’homme préférait les approches plus sournoises, le frôlement des corps et les bruits légers des tissus qui s’écartaient sous ses doigts. Le mot de l’Ondine ne fit qu’accentuer cette impression. Lui aussi le disait : doucement. La Sorcière tira sur sa jambe, en vain, à tel point qu’elle eut l’envie soudaine de lui écraser le crâne sous sa chaussure jusqu’à ce que son pied entrât dans sa boite crânienne et défonçât son cerveau. Ainsi, il finirait par se taire. Bien sûr, elle n’avait pas les moyens de ses prétentions.

Elle releva les yeux vers le professeur, les cheveux en bataille comme si elle venait de se battre. Elle laissa Kiara répondre, tout en prenant soin de s’éloigner du dément. Si ça n’avait tenu qu’à elle, elle l’aurait fait jeter dans un cachot, le plus loin possible de la civilisation. « Quoi ? » demanda-t-elle. Pourquoi est-ce qu’elles devaient aller réveiller l’infirmière ? Il ne pouvait pas y aller lui-même ? Il croyait quoi, qu’elle n’avait que ça à faire de jouer les samaritaines ? Elle se fichait totalement de ce fauteur de troubles. Elle jeta une œillade à Kiara, comme si elle s’attendait à ce que la Sirène objectât. Visiblement pas. « Bon… » Elle ne se voyait pas désobéir. Ce qu’elle pensait était bien différent de ce qu’elle osait faire de manière générale. « J’imagine que plus vite on ira, plus vite on sera débarrassées… » Elle se mit à penser à Muscarine et espéra secrètement que cette dernière voudrait bien l’aider et rouler sur le malotru.

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