Le premier Combattant
The Fifth Guardian (Interlude) - EPICA

Partenaire : Solo ♪
Intrigue/Objectif : Depuis quelques jours, Ren rêve d’un songe récurrent et lors d’une promenade pour décrypter ce dernier, elle croise un jeune homme qu’elle n’aurait pas imaginé rencontrer de nouveau. Sur l'Île d'Orhmior, des créatures monstrueuses commencent à émerger de l'Océan.
RP précédent : Ko innu

Sur les Terres d’Iyora.

« Levés sont ses yeux
Dressé vers les cieux est son visage
Comblé est son âme »
À cette poésie chantée, mon cœur cessa toute pulsation. La voix n’était qu’un murmure dans cet espace de verdure, un air à peine chuchoté qui se laissa emporter par le courant, et pourtant, il me sembla que cette voix parvint à éveiller la résolution même du vent. Je pouvais sentir son premier soupir effleurer ma peau de quelques frissons, tandis que ma chevelure se fit soudainement souffler par son zéphyr. Incommodée, je portais aussitôt mon intérêt en direction de la voix. Elle provenait de sous mes pieds, au cœur de ce lac à la quiétude ininterrompue, car même si le vent s’était levé, la surface de cette étendue ne tremblait pas. Lentement, je me recroquevillais au-dessus du bassin, sondant la tranquillité de son courant afin de cibler le porteur de cet écho. Il ne fût guère difficile à trouver, le charbon de ses cheveux tranchant violemment dans le clair de l’eau.

« Bonjour. Je plantais mon regard droit sur son visage, sans parvenir à distinguer les traits qui composaient son faciès. Qui es-tu? »

Son expression ne s’altéra aucunement et son corps ne bougea point. En fait, tout comme moi, il conservait ses appuis et maintenant que j’y prêtais attention, je notais la ressemblance entre nos postures. J’avais l’impression qu’il m’observait au-dessus de son propre lac, tout comme je l’observais au-dessus du mien.

« Est-ce toi qui me parle? »

Encore, j’eus droit au traitement silencieux, mais cette fois, mon intervention porta ses fruits, puisqu’il finit par tendre sa main jusqu’à moi. Il semblait vouloir m’atteindre, me frôler, mais ses doigts furent brusquement freinés sous la surface de l’eau. Je pouvais voir la paume de sa main s’écraser contre le liquide, incapable d’en traverser la transparence.

« Laisse-moi te rejoindre et tu le sauras. »
Au fond de moi, je savais que j’aurais dû m’inquiéter, me poser des questions, mais cette voix ne portait aucune intonation de malice qui aurait pu me faire dresser ma garde. Bien au contraire, elle me paraissait plutôt proche, bienveillante, malgré l’absence totale d’accent qui aurait pu m’aiguiller sur la personne que j’avais en face de moi. Malgré cet inconnu et ces doutes ambigus, j’étendis mon bras jusqu’à la surface du lac, jusqu’à pouvoir toucher la limite qui nous séparait. Appelez cela de l’inconscience ou de la curiosité; j’avais étrangement confiance en cet étranger. Du moins, pour l’instant, il ne représentait aucun danger. C’est pourquoi je commençais à m’obstiner, obligeant ma main à pénétrer la surface du plan d’eau, sans succès. Tout comme cette personne avant moi, une force m’empêchait de plonger mes doigts. C’était comme si l’eau possédait les propriétés du verre. Pourquoi?

« Il te faut prononcer mon nom. »
Je reposais ma pupille sur son visage, étudiant avec soin les forme et les contours de ce dernier. Prononcer son nom? Comment pouvais-je prononcer son nom lorsque je ne savais même pas de qui il s’agissait? Sa figure ne m’apparaissait toujours pas; ses yeux étaient couverts par la longueur de ses cheveux; et au final, seul le noir qui en colorait les mèches ainsi que le blême de sa peau m’étaient véritablement apparents. Prononcer son nom… Prononcer son nom… Mes sourcils s’arquèrent enfin, mon esprit rempli de questionnements. Qui était cette personne?

« Est-ce que je te connais? »

Or, intraitable, l’étranger continuait son appel, sa paume se pressant plus fermement sous la surface : un peu plus, et on aurait pu croire qu’il allait commencer à marteler son poing sur le champ de force qui nous divisait. Toutefois, il n’en fit rien, se contentant simplement d’exercer une plus forte pression sur l’inébranlable de l’eau.

« Tu dois prononcer mon nom. »
Il le répétait et je déglutis, incapable de traiter l’information qui m’était transmise. Prononcer son nom… Prononcer son nom… Comment pouvais-je seulement connaître son nom?

« Appelle-moi. »
Je me mis à battre follement des cils, essayant de démêler mes pensées. Qui était cette personne? D’où la connaissais-je…? Pourtant si le flou de sa silhouette n’éveillait aucun souvenir en moi, sa voix, au contraire, me semblait si familière.

« Appelle-moi. »
Son nom… Son nom… … …
Oh.
Bien sûr.
Son nom.

« Tu le connais. Appelle-moi. »
Je le savais, oui, son nom… Comment je n’étais pas parvenue à le reconnaître jusqu’à maintenant? À cette réflexion, un sourire se dessina sur les lignes de mon visage alors qu’aux mouvements de mes lèvres, ma main parvint enfin à percer la surface de l’eau, troublant le calme du courant tout en extirpant son bras des flots.

Et je me réveillais brusquement de mon rêve, le souffle court et l’œil hagard.


◆ 785 mots | Post I

Le premier Combattant
The Fifth Guardian (Interlude) - EPICA

Le lendemain, sur les Terres d’Iyora.

Le phénomène avait commencé il y a de ça quelques jours déjà. Il me suffisait de fermer les yeux et de me plonger corps et âme dans les bras du Sommeil. Dès que ma respiration se calmait, que mon rythme cardiaque s’accordait sur cette mesure régulière, alors je m’évanouissais pour mieux me réveiller dans ce paysage de Conte de Fae. Dans cet espace verdoyant qui cernait un lac aux houles inexistantes, il n’y avait pas âme qui vive : j’étais seule avec mes pensées, le gazon, l’eau et l’écho du vent. Puis finalement, après un certain temps, il y avait cette voix qui résonnait, qui m’appelait, qui cherchait à attraper mon attention. La voix me demandait son prénom, insistait sur le fait qu’il s’agissait de l’unique façon de nous rejoindre et, à un certain point, je parvenais à l’appeler à mon tour. À deux, nous extirpions son corps des eaux pour qu’il vienne à moi. Mais alors pourquoi je réussissais à me souvenir de tout cela, à l’exception de son nom? Pourquoi je ne me rappelais jamais de son nom? J’avais beau me triturer l’esprit après mon réveil, aucune mémoire ne me restait de son visage ou de comment il s’appelait. Est-ce que vous pouvez croire à ça? Tout le reste me paraissait si clair, si net, et pourtant, l’information la plus importante continuait de m’échapper malgré tous les jours écoulés à essayer de me remémorer ce rêve… Soupir. Peut-être qu’il me fallait abandonner pour aujourd’hui. Encore une fois. Est-ce que je parviendrais seulement à trouver un sens à ce songe récurrent?

« Mademoiselle Muramasa? »

Prise au dépourvue, je portais mon regard en direction de l’inflexion, inspectant avec curiosité le jeune homme qui s’était arrêté non loin de ma position. Le blond de sa chevelure ressemblait à du blé sous les rayons du Soleil, et son regard possédait cette lueur douce qu’arborait les jeunes agneaux. Pour autant, j’eus énormément de difficulté à me rappeler de qui cela pouvait être. Est-ce que nous nous étions déjà rencontrés? Ou me connaissait-il simplement en raison de la réputation des frères Yüerell?

« C’est bien vous. »

Il m’adressa un sourire tout en avalant la distance qui nous séparait. Pourtant, après quelques enjambées seulement, son pas s’altéra pour devenir une foulée plus lente et incertaine. Nous nous scrutâmes en silence, jusqu’à ce que je remarque la véritable orientation de son regard. À ce constat, ma main alla machinalement entourer le bras artificiel qui avait été connecté à mon épaule.

« Oh… Il s’agit d’une prothèse. Fascinant, n’est-ce pas? Le jeune homme hocha de la tête, complètement en transe, tandis que mon regard le dévisageait d’un air nébuleux. Excusez-moi, mais est-ce que nous nous sommes déjà croisés? Vous semblez savoir qui je suis, mais je n’ai aucun souvenir de qui vous êtes… »

Aussitôt, mon interlocuteur sursauta. Pommettes en feu, regard fuyant, il finit par se confondre en excuses en comprenant son étrange attitude.

« C’est moi qui suis désolé! C-C’est tout à fait normal que vous ne vous souvenez pas de moi! Paniqua-t-il d’une voix vacillante, empreinte d’embarras. Je suis Nolann… Le Capitaine Yüerell m’a sauvé à Arcadia lors de l’évacuation de la ville. Immédiatement, mon regard s’éclaira : maintenant je le reconnaissais, pour l’avoir moi-même tenu dans mes bras lorsqu’il avait fallu fuir les flammes de la Citadelle. J’ai également travaillé comme matelot sur l’Opalescent lorsqu’il y a eu cet accident. Si son expression s’était faite plus sombre aux ressouvenances de cet affrontement, une lumière de pur bonheur parvint tout de même à reprendre le dessus sur la noirceur de ses traits. Vous étiez si mal-en-point lorsque nous vous avons sorti de l’eau, mais à présent… Il m’adressa un sourire, visiblement soulagé. Je suis heureux de voir que vous vous portez mieux. »

L’attention fût appréciée et pendant que je lui retournais son sourire, je lui fis signe de s’approcher.

« Allez-vous quelque part en particulier?

- Non, pas vraiment. Je fais souvent des promenades dans le quartier, en réalité. Ça me fait beaucoup de bien.

- Moi aussi, surtout ces derniers temps… Voudriez-vous m’accompagner dans ce cas? Nous pourrions marcher ensemble, lui proposais-je, ce qui parut le surprendre.

- Ê-Êtes-vous certaine? Je lui confirmais d’un signe de la tête. Je risque de vous déranger…

- Vous ne me dérangez pas, Monsieur Nolann. Je serais même plutôt contente d’avoir un peu de compagnie. »

Le sourire à mes lèvres se fit plus doux et bienveillant.

« D-D’accord… La gêne lui faisait perdre toute confiance, alors qu’il se rapprochait de ma hauteur. Si vous insistez. »


◆ 765 mots | Post II

Le premier Combattant
3 Years - Sophism

J'admets avoir insisté pour qu’il me rejoigne durant ma promenade, mais maintenant que nous progressions côte à côte, il était extrêmement silencieux. Après tout, nervosité et timidité ne faisaient pas un très bon cocktail. C’est pourquoi mes premiers instants en sa compagnie furent réservés, réticents, et il me fallut prendre les devants afin d’initier un semblant de conversation.

« Comment allez-vous depuis l’accident? »

Il sursauta, son regard remontant aussitôt jusqu’à mon visage. De sa position, il ne pouvait voir les afflictions qui marquaient tout mon profil droit, mais certaines veinures ne pouvaient malheureusement être dissimulées uniquement par la présence de cheveux.

« Ce serait plutôt à moi de vous poser cette question, non? Malgré cela, il soupira, ses yeux retournant vers la pointe de ses bottes. J’ai des hauts et des bas. Vous savez, c’était mon tout premier voyage en tant que matelot sur l’Opalescent, mais regardez comment cela s’est terminé… Ses doigts s’entremêlaient frénétiquement entre eux. Je… Je pensais avoir trouvé un emploi qui saurait me permettre de me reconstruire après les événements à Arcadia, mais je doute qu’à présent, je puisse seulement m’imaginer remettre un pied sur un navire.

- Vous m’en voyez désolée, déclarais-je calmement.

- Ne le soyez surtout pas! J’aurai d’autres opportunités dans le futur! Par réflexe, son attention se posa sur mon bras mécanique. Et puis, vous… vous avez plus subi que moi dans cette affaire.

- C'est absurde, l’interrompis-je soudainement en balayant ses allégations. Ce n’est pas un concours pour savoir qui a le plus perdu. Puis, je ne suis pas la seule à avoir souffert de cet accident, vous le savez très bien. »

Manifestement, il aurait aimé soulever une objection, mais préféra laisser tomber. L’étincelle qui brûlait au fond de mon iris l’en avait rapidement dissuadé.

« Vous avez raison. Devant nous, nous aperçûmes un couple qui s’avançait dans notre direction et habilement, nous les contournâmes afin de poursuivre notre chemin. Et vous, comment allez-vous? Si ce n’est pas trop indiscret, bien évidemment.

- On remonte la pente, lentement mais sûrement; un pas à la fois.

Vaguement, un sourire se mit à danser sur mes lèvres.

« Et depuis quand avez-vous cette prothèse?

- Depuis quelques jours seulement. J’essaye de m’adapter à son contrôle et maniement, mais c’est plus compliqué que ce j’avais pensé. Pour illustrer mes propos, je fis en sorte d’actionner les mouvements de ma main, mais cette dernière se mit à bouger avec un délai prononcé. Il faudra que je contacte le Maître Shigure pour qu’il s’occupe de ce problème… J’exhalais un soupir de résignation, accrochant ma main de chair à mon coude de fer. Puis-je être tout à fait honnête avec vous, Monsieur Nolann?

- Bien sûr.

- En réalité, je voulais que nous marchions ensemble parce que j’ai une question à vous poser. Enfin, le noir de ses pupilles se détacha de ma prothèse pour venir explorer les traits de mon faciès. Je vois bien que vous êtes légèrement inconfortable en ma présence, et je m’en excuse d’avance.

- … Je ne m’imaginais surtout pas marcher en votre compagnie aujourd’hui. J’ai été pris par surprise. Distrait, il se gratta la joue. Vous êtes l’Orine des frères Yüerell et votre Maître, le Capitaine Yüerell, est une personne que j’admire énormément. Alors pouvoir marcher à vos côtés, c’est… très étrange. Et un peu intimidant.

- Vous me trouvez intimidante? »

Il s’abstint de toute réponse, le rouge montant soudainement à ses joues.

« Q-Qu’est-ce que vous vouliez me demander? »

Amusée, je lui laissais le temps de reprendre contenance avant de me jeter à l’eau.

« Vous avez été interrogé par le Kērosa à propos de l’accident, n’est-ce pas?

- Oui, comme tous les autres membres de l’équipage.

- Pouvez-vous me dire ce que vous leur avez témoigné?

- Quoi? Il était confus, ses paupières papillonnant rapidement devant ses yeux. Pourquoi?

- J’essaye de réorganiser la chronologie des événements, de comprendre ce qui s’est passé. Mais ma mémoire, seule, n’est pas suffisante, et j’espérerais que vous puissiez m’aider à y voir un peu plus clair. »

Il eut un long silence durant lequel je pouvais sentir son regard me dévisager. Toutefois, après une poignée de secondes, il posa finalement son attention sur la ville qui s’ouvrait devant nous. Comme à son habitude, la cité s’animait, dansait sur le rythme des battements d’ailes et des vents qui la berçaient.


◆ 733 mots | Post III

Le premier Combattant
3 Years - Sophism

« J’ai entendu des rumeurs comme quoi certaines personnes pensent que votre accident n’était pas si accidentel que ça… Soutenu, le contact entre nos regards ne put être esquivé, chacun tentant de sonder l’esprit de l’autre à cet instant précis. Vous croyez en cette théorie?

- Je crois que nous ne pouvons pas réellement la mettre de côté. Après tout, de tous les passagers, j’ai été la seule qui soit tombée du bateau sans que ma corde ne soit endommagée ou altérée d’une quelconque façon. »

Cependant, je croyais surtout en l’innocence et l’expertise de ma Imōto. Elle n’était pas la plus forte ni la plus habile parfois, mais j’avais vu quelques-unes de ses œuvres et avais été témoin de son travail au cours de l’accident. Une Artiste des cordes et des nœuds comme elle n’aurait jamais pu commettre une erreur pareille, n’est-ce pas? Et de toutes les cordes qu’elle s’était permise d’assurer lors de l’attaque, la mienne spécifiquement avait fini par se détacher? Je ne désirais pas me donner plus d’importance que j’en avais vraiment, mais je connaissais ma petite sœur et savais qu’elle n’aurait jamais négligé un travail qui m’impliquait aussi étroitement. Je ne pouvais tout simplement… pas le croire.

« Vous pensez que l’on vous aurait personnellement visé?

- Comme je vous l’ai dit : je pense qu’il s’agit d’une hypothèse que nous ne pouvons pas écarter.

- … Je comprends. »

Comprenait-il vraiment? Parce que je me souvenais parfaitement de cet instant où elle avait passé la corde autour de ma taille. Wakiya avait serré si fort sur le cordage que j’avais pu sentir le chanvre me brûler la peau. La sensation avait été désagréable et je me rappelais avoir songé que la marque resterait un temps considérable sur mes hanches – et elle l’avait été. Après une telle diligence et assiduité, elle aurait tout simplement bâclé son travail en assurant mal ma corde de sûreté au mât? Je comprenais le Kērosa et sa réticence à donner trop de poids à cette supposition, qui n’était supportée par aucune preuve, sachant en plus qu’aucune menace ou acte d’intimidation n’avaient été commis contre moi – ou contre mes proches – avant ou même après l’accident, mais je ne pouvais empêcher cette frustration, mêlée à cette peur constante, de gonfler au sein de mon palpitant. Comment cela pouvait faire sens à leurs yeux? Comment pouvaient-ils croire que Wakiya aurait négligé sa responsabilité du moment?

« Très bien, je vais vous partager ce que je leur ai dit. »

Assourdissant, un battement éclata au creux de ma poitrine, tandis que mon œil scrutait le blond avec attention. Chaque détail comptait. Je voulais croire en ma Imōto, comme je voulais croire en la sincérité de tous ces gens que j’avais croisé sur le bateau, mais si quelqu’un avait intentionnellement défait ma corde, il me fallait savoir pourquoi. Si je pouvais récolter moi aussi certains témoignages, alors peut-être que parmi ce désordre, je parviendrais à découvrir une personne qui aurait remarqué quelque chose, un détail que le Kērosa aurait négligé au cours de son enquête.

« J’étais sur le pont lorsque c’est arrivé. Les combattants s’acharnaient à se battre contre les Sirènes. Sur le bateau, un de mes collègues est arrivé en courant avec un amas de cordes dans les bras. Il nous a commandé d’attacher tous les passagers afin d’éviter les noyades ou qu’un malheureux, trop sensible à l’attraction des Sirènes, se jette de lui-même dans la mer. Le jeune homme se mit à frissonner aux réminiscences, comme si le Chant de l’Océan venait de lui être murmuré. J’étais en panique. Je ne savais pas quoi faire. Certes, l’équipage m’avait rapidement communiqué des instructions avant de partir – j’ai également dû recevoir une formation – mais face au chaos qui se déchaînait tout autour de nous, je me suis pétrifié. Par chance, un collègue – Macenna – est venu jusqu’à moi et m’a remis les idées en place. Aussitôt, je me suis employé à assurer les cordes de sûreté.

- Avez-vous remarqué quoi que ce soit d’étrange ou d’inhabituel pendant que vous faisiez cela?

- J’étais tellement focalisé sur ma tâche… Il baissa les yeux. Je nouais, assurais et vérifiais que tous nos passagers soient hors de danger. Je devais m’assurer de leur sécurité. Tranquillement, il secoua la tête. Je crains de ne pas vous être d’une grande aide…

- Ce n’est rien, laissais-je doucement entendre, mes épaules s’abaissant sous le poids de la désillusion. Vous étiez concentré sur votre travail. Personne ne peut vous en vouloir. »

Malgré cela, le blond ressentit aisément ma déception. Bien sûr, je savais que je n’aurais pas eu de nouveaux indices instantanément, mais entendre son témoignage fût une gifle à la réalité bien plus violente que je m’étais imaginée. Même en faisant cela, parviendrais-je à trouver quoi que ce soit de concluant? Pouvais-je réellement me targuer d’être plus compétente que des professionnels expérimentés? Cependant, je croyais dur comme fer en ma petite sœur. La corde n’aurait pas dû lâcher.

« … Je conçois qu’il puisse être difficile pour vous d’envisager que votre amie ait pu causer cela, même involontairement. L’assurance qui vibrait dans sa voix s’amollie graduellement, comme s’il hésitait désormais à me faire part de sa réflexion. Mais il s’agit d’un accident. D’un regrettable accident. Il se peut qu’elle ait été nerveuse au cours de l’attaque, qu’elle ait mal noué vos liens et que votre corde n’a simplement pas été solidement attachée pour cette raison. Malheureusement, cela aurait pu arriver à n’importe qui. »

Pas selon ma Imōto.


◆ 918 mots | Post IV

Le premier Combattant
Lost - Linkin Park

Cette fois-ci, le silence persista. La tension qui trépidait dans l’air pouvait être coupée sur le fil d'un sabre. Or, ils continuèrent leur marche au cœur du quartier, chacun d’eux plongé dans leurs pensées. Il était nerveux. La jeune femme à ses côtés le rendait nerveux. Son énergie avait complètement changé entre le moment où il l’avait interpellé et celui-ci. Pourtant, si l’expression de la Muse était restée la même, quelque chose en elle le faisait tout de même trembler. Sa déception? Non, certainement pas. Elle aurait dû le faire culpabiliser, le désoler au moins, mais ce n’était pas le cas. Était-ce plutôt sa colère…? Dame Muramasa était-elle furieuse à cause de ce qu’il avait dit? Était-ce pour cela qu’il sentait son cœur battre à mille à l’heure? Qu’il se sentait menacé par sa présence? Pourtant, il ne croyait pas être dans l’erreur. Après tout, elle se complaisait dans ce mensonge, dans cette fausse tragédie que la fragile avait dû lui conter. Lui, il n’avait répondu que ce qu’il croyait être la vérité, même si cela semblait la contrarier. Il était pourtant clair que tout était la faute de cette Orine non Liée : la corde qui n’avait pas tenu autour du mât, le drame qui s’en était suivi, le destin de la rouquine qui s’était longuement suspendu entre la Mort et la Vie… Elle avait elle-même créée son désespoir en voulant jouer aux héros, là où personne ne lui avait demandé d’intervenir. L’équipage aurait très bien pu s’occuper de la sécurité de ses passagers sans son ingérence et alors, Dame Muramasa n’aurait pas eu à éprouver tout ça – son sauveur n’aurait pas eu à subir tout ça. Bien sûr, en tant que camarade, l’Orine des Yüerell se refusait à reconnaître la vérité, mais les allégations de la fragile n’avaient malencontreusement aucune crédibilité. La borgne devait ouvrir les yeux et accepter ce qui s’était réellement passé : son amie avait failli, peu importe ce qu’elle pouvait raconter. Malgré cela…

---

« Vous ne lâcherez pas l’affaire? »

Doucement, mon œil s’ancra dans le sombre de ses yeux.

« Non, en effet. Ma main se souleva de nouveau jusqu’à s’agripper à la prothèse. Si la possibilité existe, je continuerai de chercher jusqu’à ce que j’obtienne une réponse.

- Vous ne faîtes pas confiance au Kērosa?

- Je veux seulement être certaine que rien n’a été omis. S’il est possible que j’aie bel et bien été ciblée par cette attaque, vous ne pensez pas que j’ai le droit d’en connaître les raisons? De connaître l’identité des perpétrateurs? Mes proches pourraient être en danger à cause de cela – peut-être même qu’ils le sont déjà! »

Je savais qu’il me fallait rester calme et pourtant, je sentais ma patience s’effriter, mon sang-froid se réchauffer. Or, devant cette opposition à ma Foi, je n’arrivais pas à me contrôler.

« Tous les membres qui sont sur cette enquête sont des professionnels. S’il y avait ne serait-ce qu’un soupçon d’incertitude quant à votre sécurité, je suis sûr que le Kērosa aurait déjà réagi pour vous protéger.

- Malheureusement, même les spécialistes peuvent parfois se tromper.

- Le Kērosa le pourrait, mais pas votre amie? »

Brusquement, je me retournais dans sa direction, l’ire martelant le fond de ma pupille dans une pulsation vindicative. Comment osait-il?

« Ce n’est pas la même chose, sifflais-je en écarquillant mon regard. Il s’agit de son Art, par Kennocha! »

Le rugissement éclata en même temps que le martèlement de mon pas. Je me glissais tout près de sa figure, la fureur ciselant en détail l’indignation sur mon visage.

« Savez-vous seulement ce que cela signifie? J’ai l’impression que personne ne le comprend. »

L’Art d’une Orine n’était pas seulement qu’un savoir-faire, comme plusieurs pouvaient le penser – à raison. Après des années d’apprentissage et de perfectionnement, d’attention et de discipline, la technique se développait pour devenir l’essence même de sa manipulatrice. Bien sûr, il nous arrivait de commettre des impairs, de plus ou moins grande importance, mais c’était dans le but de les supplanter que l’Orine s’entraînait jour et nuit afin d’exceller dans son talent. Elle se l’appropriait, l’adaptait à son identité, pour que celui-ci devienne finalement une part indissociable de son être. Comme les nuages qui avaient besoin d’humidité pour se former, une Orine avait besoin de son Art pour exister. Et Wakiya l’avait suffisamment maîtrisé pour savoir nouer correctement une fichue corde. Alors imaginez-vous. Imaginez cet effroi qui avait dû la poignarder lorsqu’elle m’avait vu tomber; imaginez cette horreur qui l’avait étranglé quand elle comprit la possible trahison de ses liens… Cela n’avait aucun sens. J’avais envie de le lui hurler en pleine face et pourtant, seul un murmure se détacha de mes lèvres.

« La corde n’aurait pas dû lâcher. »

C’est tout ce que je savais.


◆ 801 mots | Post V

Le premier Combattant
Lost - Linkin Park

La corde n’aurait pas dû lâcher… La corde n’aurait pas dû lâcher… Que racontait-elle encore? Elle s’enlisait toujours plus dans cette fausse vérité. Personne d’autre, à l’exception de cette incapable, n’avait touché à cette corde. Personne. Quelque chose sonnait incroyablement faux dans ses propos. Pourquoi persistait-elle à protéger la brune? L’évidence se trouvait sous ses yeux : dès le moment où la Sunano n’avait pas su nouer efficacement sa corde de sûreté, cette erreur était devenue son crime. Par tous les Dieux, elle aurait pu mourir dans ces eaux; elle avait failli, d’ailleurs! Le Maître-Soignant de l’Opalescent s’était précipité vers elle lorsque son corps en lambeaux avait été ramené sur le pont. Elle n’avait plus respiré pendant un long, très long moment, au point où ils avaient cru la perdre définitivement. Ne réfléchissait-elle pas? Ne considérait-elle pas les sentiments de ses Aisuru? Si elle était morte cette journée-là, ils se seraient effondrés! Pourquoi était-ce si difficile de lui faire comprendre ça? La corde qui aurait dû la protéger avait failli à sa tâche en raison de celle qui l’avait attaché. Il n’y avait rien de plus à ça; il n’y avait pas besoin d’enquêter! Cette Sunano était la coupable, car tout le contraire de ce que la rousse affirmait était survenu : ses liens ne l’avaient pas retenu. La corde avait lâché. Il savait la vérité! Il la connaissait! Tout le monde la connaissait, puisqu’une vingtaine de paires d’yeux l’avait vu chuté dans l’Océan. Et malgré cela, lorsqu’il la regardait, pourquoi commençait-il à douter? Pourquoi se sentait-il si terrifié? Il avait raison, n’est-ce pas? Tout était la faute de cette insignifiante… Elle devrait s’excuser. Elle ne devrait plus les approcher. Elle était le véritable fléau qui avait mis sa vie en danger. Oui. Tout était sa faute. Tout était la faute de la fragile et de son incompétence.

---

Devant moi, Nolann s’était pétrifié. Tout son être s’était figé, à l’exception de ses pupilles qui tremblaient d’une agitation névrosée. Toutefois, petit à petit, je remarquais alors des frissons remonter sur l’ensemble de son corps.

« J-Je… Son aplomb s’était anéanti sous l’assaut de la Colère que je venais de lui déverser. Je suis… désolé. Je… Je ne savais pas… Il paraissait sincèrement horrifié, l’ardeur de ma fureur s’éteignant presque aussitôt à cette vue. Pardonnez-moi… Je suis désolé…

- Non, ne le soyez pas. Je n’aurais pas dû m’énerver. »

Je tentais de me rapprocher, de le rattraper, mais le jeune homme s’esquiva brusquement vers l’arrière.

« Je suis désolé… Ne vous fâchez pas. Pardonnez-moi. »

Il continuait de se répéter, les yeux dans la vague, le corps pris dans les remous. La culpabilité engendrée perça une faiblesse au sein de ma cuirasse, alors que je prenais conscience de mes actes. Avant d’être un rescapé d’Arcadia, il avait été un rescapé de la Terre Blanche. Venais-je de faire jaillir une peur enfouie en élevant ainsi la voix? Venais-je d’alimenter un traumatisme?

« S’il-vous-plaît, Monsieur Nolann, respirez. T-Tout va bien. Je ne suis plus en colère, balbutiais-je complètement prise au dépourvue.

- Je suis désolé. J’aurais dû mesurer mes mots…

- Nous allons trouver un banc sur lequel nous asseoir et nous calmer. Vous êtes d’accord? »

L’éternité m’aurait semblé plus court que cet instant précis. Par chance, le blond finit par reprendre ses esprits, le noir de ses iris s’accrochant désespérément au pavé de l’allée.

« Je ne souhaitais pas vous provoquer, bredouilla lentement le jeune homme, refusant de répondre à ma réitération de nous asseoir. Je voulais simplement vous faire comprendre que… qu’il se peut que vous soyez déçue du verdict lorsque ce dernier tombera.

- J’en ai parfaitement conscience, mais je continue – et continuerai – de croire que ma Imōto n’y est pour rien.

- Et pour ça, vous voulez me faire croire qu’il serait possible que l’un de mes anciens collègues soit coupable? C’est insensé! »

J’ouvris la bouche pour mieux la refermer. Je venais de saisir quelque chose, quelque chose d’important. Je le savais depuis le tout début, mais à présent, l’évidence se concrétisait sous mes yeux. Parce qu’en nourrissant ainsi mes soupçons, je déclarais ouvertement qu’un membre de l’équipage ou un passager de l’Opalescent était coupable de ce qui m’était arrivé, alors que la thèse actuellement soutenue était celle de l’accident involontaire. Pour la Justice, je ne doutais pas que les Anges veuillent bien me transmettre leur témoignage, mais pour de l’acharnement injustifié, voire déraisonnable, qu’allaient-ils en penser? Que verraient-ils en moi? Une pauvre enfant qui ne pouvait se résoudre à croire en la « vérité », comme me voyait présentement Monsieur Nolann?

« V-Veuillez m’excuser. Mon attention se reporta immédiatement dans ses yeux. Je pense qu’il serait temps pour moi de rentrer… »

Avec respect – et convulsions – il me salua en quelques gestes hâtifs, puis me tourna le dos. Alors qu’il s’en allait, je ne parvins à articuler de mots pour le retenir, pour m’excuser de nouveau. Génial, Ren. Bravo. Ce fût parfaitement maîtrisé comme situation. Par tous les Dieux…

« Je ferais mieux de rentrer moi aussi. »

Je me sentais complètement vidée.


◆ 849 mots | Post VI

Le premier Combattant
A Plague Tale: Requiem - Olivier Deriviere (Performed by Lindsey Stirling)

Sur l’Île d’Orhmior.

« … Qu’est-ce que c’est que ce regard? Chevauchant son Thekēra, Hiddleston s’arrêta à quelques mètres de ma position. Tu as reçu une mauvaise nouvelle? »

Sans lui accorder la moindre œillade, je terminais de fixer la selle d’Ōlseaga en tirant sur les lanières de l’équipement. La bête souffla bruyamment par ses narines tout en s’ébouriffant dans le même mouvement.

« Je viens de ressentir quelque chose de déplaisant », lui déclarais-je avec calme.

Le Soldat Locke me considéra longuement, un sourcil se rehaussant.

« Déplaisant? De quelle façon?

- Un simple pressentiment.

- Vraiment? Un sourire distordu apparut sur son faciès. J'espère que ces mots ne sont pas de mauvais augure pour notre patrouille. »

Je secouais la tête pour lui faire comprendre que cette impression n'avait rien à voir avec notre prochaine sortie sur le terrain. Cela n'effaça pourtant pas son expression mi figue, mi raisin.

« Eh bien, nous t’attendons dehors. Il commanda à sa monture de reprendre sa marche, orientant son buste une dernière fois dans ma direction. Ne tarde pas. »

J’opinais du chef sans un mot, effleurant l’encolure d’Ōlseaga du bout des doigts. La créature planta son regard dans le mien, comme à l’attente d’un ordre, mais je restais aussi statique que silencieux face à elle. Inspirer, expirer. Inspirer, expirer. Je me concentrais sur ce rythme régulier, laissant mon esprit s’aventurer à toute vitesse à travers l’espace pour tenter de rattraper mon Orine. Muramasa? Quelque chose n’allait pas. En une poignée de secondes seulement, un flot incongru de sentiments s’était soudainement mêlé à mon sang. La virulence de ses émotions, leur brusque expansion avaient fait bouillir et exploser l’intérieur de mes veines. Contre ma cage thoracique, un tambourinement des plus sourds et sordides s’accélérait et s’acérait. Quelque chose n’allait pas. Pourquoi se sentait-elle si furieuse et coupable à la fois? Qu’est-ce qui s’est passé? J’espérais des explications dans la foulée, mais n'obtenu aucune réponse durant un certain temps. Je m’obligeais alors à calmer cette furie qui tentait de me submerger avant de suivre le pas sur le reste de mon unité. Cette dernière m’attendait déjà depuis quelques minutes à l’extérieur des écuries, prête pour notre ronde autour du littoral et des mers de l’Île d’Orhmior. C’est pourquoi il fallait m’aérer l’esprit, refroidir l’indignation exaltée qu’elle m’avait transmis. D’une démarche ferme, je me rapprochais de mes cavaliers tout en guidant Ōlseaga par ses rênes.

« Veuillez m’excuser pour l’attente. »

Les Soldats n’en firent grand cas, tendant simplement l’oreille pour l’appel du décollage. Au moins, aucun ne me lançait de drôles de regards, mon visage ayant repris ses traits de marbre. Excellent. Je révisais une dernière fois notre formation ainsi que notre périmètre de surveillance auprès de mes subalternes, quand sa voix résonna avec douceur entre mes deux oreilles. Elle semblait s’être apaisée, mais un battement féroce continuait de la faire tressauter. Elle me disait avoir commis une erreur. Elle me disait avoir dépassé les limites. Pour cette raison, elle souhaitait se reposer un peu pour mettre de l’ordre dans ses pensées, mais ne voulût aucunement détailler ce qui l’avait plongé dans un tel état. Je veux d’abord me calmer. Je crains qu’en discutant de ce qui s’est passé, je m’énerve de nouveau, et je ne voudrais pas vous causer plus de torts que cela. Son aveu méritait d’être louable, et m’indiquait implicitement qu’Isley avait certainement dû essayer de la contacter également. Ce n’est rien. Tu pourras nous en parler lorsque tu te sentiras mieux. Dans un bond, je passais l’une de mes jambes par-dessus le dos de ma monture ailée, indiquant aux cavaliers qu’il était temps de partir pour notre destination. Merci. Ce fût les derniers mots de sa part que j’entendis au creux de mon esprit cette journée-là.

Depuis cet après-midi où elle avait reçu sa prothèse des Enfants de Yanna, où nous avions réellement discuté, elle et moi, je notais une curieuse transformation vis-à-vis de notre relation. Je m’ouvrais un peu plus à ses sentiments, à ses réflexions, les percevais plus régulièrement et plus précisément. Peu importait la distance ou l’heure de la journée à laquelle cela survenait, ses impressions finissaient toujours par me retrouver, à plus ou moins grande intensité… Et après tout ce temps à m’être renfermé et à les ignorer, je remarquais désormais leur présence, leur pulsation, au plus profond de ma poitrine. Elles étaient discrètes et réservées, suffisamment pour se mélanger à la masse, mais pas assez pour que je ne puisse pas les distinguer de mes propres ressentis. C’était une étrange sensation, bruyante et incroyable en même temps, comme le sourd qui parvenait à entendre ses tous premiers sons, comme l’homme qui retirait finalement ses mains de sur ses tympans.


◆ 786 mots | Post VII

Le premier Combattant
A Plague Tale: Requiem - Olivier Deriviere (Performed by Lindsey Stirling)

Autour de moi, le battement d’ailes des Thekēra s’accentuât de seconde en seconde. Leurs rémiges frôlèrent la surface du sol, soulevant la terre du terrain en un infernal tourbillon. Enfin, nous gagnâmes en altitude, jusqu’au point où nous pûmes nous confondre dans le bleu des cieux; enfin, nous gagnâmes en rapidité, augmentant la vitesse de notre course au sein du firmament, les ailes de nos montures se pressant contre leurs flancs. Plusieurs minutes nous séparaient encore de notre point de division, mais la célérité naturelle des Thekēra nous permettait d’avaler goulument tous ces kilomètres en vue. Sur notre gauche, saillantes et majestueuses, les montagnes de la Ceinture d’Askeladd nous surplombaient de quelques mètres seulement. Nos ombres s’estampaient et se mouvaient sur leurs contours, coulant sinueusement entre les aspérités du roc. À hauteur du sol, le Val du Mistral défilait à toute vitesse sous nos yeux. Ses occupants les plus imposants n’étaient que des points presque invisibles à notre altitude et les autres, autant dire qu’ils n’existaient plus de notre point de vue. Cela dit, le brun clairsemé des élévations rocheuses qui brisaient la platitude du milieu s’amalgamait à l’émeraude de ses immenses plaines ainsi qu’au saphir des lacs et rivières qui définissaient sa beauté sereine. On y apercevait la vie qui se développait et qui prospérait au culminant de notre vol, sans pour autant y distinguer les différents acteurs à travers le sillage aérien. Au loin, l’épaisse canopée du Bayou se dessinait au fur et à mesure que nous nous rapprochions de la côte sud. Un malaise inconscient se coinça dans la gorge de certains, alors que d’autres me lançaient des œillades à la dérobée, bien au fait de ce que cet endroit représentait. Depuis la tragédie survenue au cours des explorations angéliques, une poignée seulement d’élus pouvaient désormais mettre les pieds au cœur de cette forêt maudite. On continuait d’étudier le biome particulier de cet endroit, un écosystème bien différent de tout ce qui se trouvait sur cette île. Par chance, aucun accident de l’ordre de ce que nous avions vécu n’avait encore été répertorié, et pendant que nous survolions le sommet de la sylve, nous laissions également partir tous les mauvais souvenirs qui s’en rattachaient. Nous espérions simplement que les défunts aient trouvé la Paix.

Nous arrivons bientôt à notre point de division. Ma voix résonna au creux des esprits, certains regards s’accrochant par instinct sur la courbe de mon dos. Soldats Egyde, Laconi et Taigo, je vous fais confiance pour la suite. Nous nous rejoindrons à Yagave avant de retourner aux écuries. La Tour Yagave, la Sentinelle du Nord : ces noms faisaient référence à l’une de nos tours de guet, construite aux prémices de notre colonisation. Deux autres tours avaient également été bâties à la même période – Erysse, à l’Ouest, et Ukkan, à l’Est – formant, toutes trois, les Mains d’Orhmior. Dans tous les cas, à Yagave, il nous sera possible de retrouver certains membres de l’Escadron Isra – les patrouilleurs frontaliers – pour leur fournir nos rapports de surveillance. Bonne chance. Au milieu du ciel, le sifflement du vent et le bruit des battements d’ailes nous empêchaient toute communication verbale efficace et pour cette raison, nous avions emprunté le langage des signes que s’était développé l’Escadron Isra pour pouvoir communiquer entre nous; surtout entre ceux qui ne pouvaient discuter par la pensée. C’est pourquoi, après leur avoir mentalement partagé mes dernières directives, que je fus en mesure d’apercevoir quelques cavaliers de nos équipes s’échanger des consignes par le biais de ce langage codé, avant qu’ils ne s’engagent tous vers leur zone de surveillance. Deux groupes partaient ainsi vers le sud-est de la côte, par-delà la Ceinture d’Askeladd, tandis que mon équipe et son homologue patrouillerions le littoral au sud-ouest de l’île afin de longer le Port d’Orhmior. J’imagine qu’il n’y a vraiment aucune chance que nous puissions nous présenter au mariage maintenant. L’accent m’était familier, le Soldat Locke prenant place dans la formation aérienne, non loin de nos coéquipiers. Notre présence est malheureusement sollicitée autre part. À la suite de quelques nouveaux kilomètres sillonnés, mon équipe et celle de la Soldate Egyde se séparâmes pour pouvoir couvrir une plus grande surface de notre périmètre. Personne ne nous en voudra d’être absents. Ils savent ce qui se passent et pourquoi nous ne pouvons pas tous nous joindre aux festivités. La lettre que j’avais adressé aux Écuyers de l’Aurore était plus qu’explicite sur le sujet. D’ailleurs, peut-être était-ce en raison de ce dernier que l’esprit de mon compagnon continuait de s’agiter ainsi. L’œil d’Hiddleston fût naturellement attiré vers les flots marins qui s’étendaient devant nous, les vagues et l’écume frémissant à la surface des eaux. Crois-tu que nous verrons une autre de ces créatures aujourd’hui?


◆ 792 mots | Post VIII

Le premier Combattant
A Plague Tale: Requiem - Olivier Deriviere (Performed by Lindsey Stirling)

J’en étais persuadé, et lui répondre par la négative aurait été lui mentir et me mentir, surtout au vue des événements qui s’en suivirent ainsi que de tous ceux qui les avaient précédés au cours des jours derniers. Car à quelques mètres en-dessous de nous, et ce, une dizaine de minutes à peine après sa réflexion, nous fûmes témoin du violent conflit entre ces curieuses créatures qui étaient soudainement apparues dans notre Océan. Le combat éclatait furieusement à la surface de la mer, tandis que les monstres s’attaquaient, se heurtaient, se mordaient, comme exaltés par le sang ou par la sauvagerie de l’agression. De notre position, nous pouvions entendre le chant bestial qu’ils relâchaient à chacun de leurs frappes, tandis que l’eau dispersée par leur duel nous éclaboussait presque. Je pouvais toujours espérer, siffla l’enfant de Réprouvé dans mon esprit.

D’apparence féérique, les bêtes ressemblaient à des cétacés, les mêmes que nous pouvions régulièrement contempler dans les courants de la Mer Miroir durant les saisons de Nireli et Jorge. Cependant, leur apparence et leur caractère étaient complètement différents de ce que nous avions pu connaître depuis notre installation sur l’Île d’Orhmior. Là où les uati (baleines), que nous avions toujours fréquenté et étudié, étaient pour la majorité massives, sociales et inoffensives, ces muatí (nom provisoire donné aux baleines mutées), en revanche, étaient légèrement plus petites, plus colorées aussi, mais bien plus agressives. Depuis les premiers avis qui avaient été déposés sur ces créatures, ces dernières n’avaient malheureusement pas fait couler que de l’encre dans nos journaux et rapports militaires. Surnommés les « Croque-notes de la Mer » par les tabloïds et autres supports journalistiques, elles pouvaient pousser un cri des plus cassant et sordide pour les oreilles humanoïdes, d’où leur étrange appellation. Si leur chant était désagréable, ce n’était pas tant cela qui les rendaient réellement dangereuses : leur agressivité et territorialité étaient le véritable problème. Du jour au lendemain, ces baleines aux étranges formes et couleurs avaient été aperçues à plusieurs kilomètres de nos côtes et sans réserve ni distinction, elles avaient commencé à s’attaquer à tout ce qui avait le malheur de leur passer sous le nez. C’est ainsi qu’en deux jours seulement, certains muatí étaient parvenus à terrasser de leur territoire quelques-uns de nos plus importants groupes de baleines sédentaires en plus de s’attaquer à trois de nos vaisseaux militaires. Leur présence, aussi nuisible que soudaine, avait fortement fait réagir et l’Escadron Imuō – notre Institut des Sciences et du Développement – avait rapidement été interpellé par la Nith-Haiah pour étudier ces nouveaux cas d’anomalies marines.

Pour l’instant, les examens et les autopsies réalisés sur deux monstres capturés mettaient en lumière toute la problématique de cette curieuse barrière de sauge qui ne cessait de proliférer dans les eaux du monde entier. Pour cette raison, une nouvelle assemblée des Capitaines et Imperio de la Région militaire d’Orhmior avait eu lieu. Durant cette énième rencontre, les officiers de l’Escadron Imuō nous avaient renseigné sur les résultats et les progrès de leurs recherches, et ils ne furent guère optimistes. À contrario des précédentes informations qui nous avaient été communiquées, comme quoi la plante envahissante n’affecterait que les Sirènes en les tuant presque instantanément, nous avions ensuite appris qu’en réalité, elle aurait eu des effets sur d’autres organismes vivants; des effets bien plus latents. Par exemple, les deux muatí qui avaient été utilisées pour les observations de l’Escadron Imuō avaient subis des mutations qui avaient graduellement altéré le caractère de leur hérédité. Car en soi, avant d’être ainsi transformé, ces créatures avaient été des baleines tout à fait normales et ordinaires, les mêmes baleines que nous pouvions fréquemment voir depuis nos côtes insulaires. Mais qu’est-ce qui les avait ainsi changés? Pourquoi s’attaquaient-elles désormais entre elles, et avec autant d’agressivité? Les scientifiques de la Nith-Haiah étaient parvenus à extraire certaines réponses du cadavre de leurs cobayes, découvrant des difformités qui ressemblaient énormément à ce qui avaient pu être notées sur les corps repêchés des Sirènes. La plante faisait presque partie intégrante de la nouvelle anatomie de ces monstres et semblait libérer une hormone qui intensifiait leur agressivité, rendant ainsi les uati touchées moins enclines à la vie en communauté et plus promptes à protéger leur petit bout d’océan contre quiconque.

Si la vie marine pâtissait douloureusement de leur présence, il en était de même pour notre cohabitation avec la faune locale, puisque les animaux de la mer changeaient petit à petit, et pour le pire.


◆ 745 mots | Post IX

Muatí : Nom provisoire donné aux baleines de la Mer Miroir qui ont muté à cause de la barrière de sauge. Les muatí sont des cétacés mesurant entre dix et douze mètres de long. Leur corps s’est transformé pour devenir une curieuse fusion entre la méduse et le cétacé. La peau des muatí possède ainsi une apparence plus translucide et fluorescente, notamment en raison de la présence de millions de microalgues qui se sont rattachées à la chair des créatures. Par conséquent, la peau n’illumine qu’en contact d’une lumière extérieure et ses nouvelles couleurs servent à deux fonctions : attirer l’attention de leurs proies et indiquer leur présence à leurs congénères. En effet, devenues des bêtes plus territoriales et solitaires, les muatí ont développé une tendance à s’entretuer au cours de combats sanglants et dégénérés pour protéger leur territoire, usant de leur dentition acérée contre leurs adversaires ainsi que de leur salive, qui contient une enzyme au puissant effet paralysant. De fait, les combats entre muatí se terminent très souvent par la noyade de l’un des combattants qui, paralysé à la suite d’une trop grande exposition au poison, finit par couler dans les fonds marins. Crédit : Sycrid by yosep lim

Le premier Combattant
A Plague Tale: Requiem - Olivier Deriviere (Performed by Lindsey Stirling)

« CAPITAINE!  »

Preste, je tournais la tête vers la propriétaire de la voix, dont le cri fût poussé de sorte à conquérir le tumulte qui se déchainait, plus bas. Dans le même mouvement, mes yeux s’arrêtèrent presque aussitôt sur les mains qu’elle levât. En de brefs signes, elle se mit à me parler, mon regard décryptant chacun des gestes qu’elle esquissât. Navire marchand. Moins de dix kilomètres. Et concluant son mouvement, l’une de ses mains se tendit vers l’avant. Le message était aussi limpide que de l’eau de roche : un bateau se dirigeait droit dans notre direction, vers les créatures en plein affrontement. Sans attendre, je redressais la posture d’Ōlseaga, lui indiquant qu’il nous faudrait bientôt s’élancer. Surveillez leur déplacement et assurez-vous qu’aucun autre bateau ne s’approche de ce périmètre. Je vais m’occuper de rediriger ce navire et vous rejoindrai ensuite. Des hochements de tête répondirent à mes directives, tandis que les battements d’ailes de mon Thekēra se firent plus bruyants et puissants. Rapidement, ma monture et moi reprîmes notre course à travers le firmament, l’horizon ouvrant ses bras à notre prompt avancement. De fait, cela ne nous prit qu’une minute à peine pour intercepter l’édifice flottant, le guetteur au nid-de-pie indiquant ma présence au reste de l’équipage qui se rassembla sur le pont. Employant mes pouvoirs, j’informais Ōlseaga de rester dans les environs pendant que j’allais atterrir, seul, sur le navire en mouvement. De par notre connexion, je compris aisément que ma consigne avait été entendue, la créature se rapprochant lentement des voilures pour me permettre de sauter à bord du bateau. Puis, sans demander son reste, l’animal reprit de l’altitude, planant au-dessus du vaisseau, alerte à tous dangers potentiels qui pourraient nous assaillir. De mon côté, je me présentais auprès des marins qui m’entouraient, leur offrant mes respects, selon l’usage martial de l’Armée angélique, avant de les sonder grâce à ma Magie. Tous semblaient inoffensifs et ne ressentaient qu’une terrible confusion devant ma soudaine apparition.

« Isiode Yüerell, Officier de l’Escadron Dọkuta de la Nith-Haiah. Qui est votre capitaine?

- C’est moi. »

Se frayant un chemin entre ses marins et autres responsables, une femme à la peau tannée s’avança. Les plis qui creusaient son visage supposaient un âge avancé, une vieillesse qui n’était, grâce à l’Éternité, jamais aperçue chez les Ailes Blanches. Elle s’arrêta à moins d’un mètre de ma position et je dus baisser la tête pour la regarder droit dans les yeux. Malgré le temps qui avait mûri et marqué sa peau, ses iris possédaient toujours cette puissante étincelle de vigueur et d’énergie.

« Y’a-t-il un problème, officier?

- Il vous faut changer de cap. Immédiatement.

- Pour quelle raison? »

Je jetais un bref regard en direction du guetteur, qui devinait, au loin, la frénésie violente qui secouait les eaux de la mer.

« Vous vous dirigez droit vers un combat entre deux créatures qui ont été transformées par la barrière de sauge. »

À son tour, la capitaine lança une œillade à sa vigie, qui confirma mes dires en agitant ses bras. Tous les regards se portèrent alors vers l’horizon, duquel il nous était possible d’apercevoir l’agitation ininterrompue des vagues. Si le phénomène ne paraissait que peu alarmant à cette distance, il ne serait le rester une fois à proximité, mais à cet instant-là, malheureusement, il serait trop tard pour le bateau et son équipage.

« Et quelle route devons-nous emprunter maintenant? Parce que nous devions rencontrer un vaisseau de l’Escadron Omidọti (forces maritimes de la Nith-Haiah) pour les contrôles, avant de pouvoir accoster au Port d’Orhmior. »

Vive, la capitaine m’accordait toute son attention.

« Vous n’aurez qu’à me suivre : je vous guiderai sur une route plus sûre et vous amènerai auprès de l’un de nos vaisseaux.

- Très bien. Merci. Elle se retourna vers ses hommes. Changement de cap! Faîtes en sorte de suivre le Capitaine Yüerell! Nous devons nous éloigner le plus vite possible de cette zone!

- Entendu! »

De sa voix rêche, elle partagea à son équipage les nouvelles directives de navigation pendant que je cherchais Ōlseaga des yeux, tête levée vers les cieux. Pourtant, à mon appel silencieux, la créature piqua aussitôt vers la mer et dans un saut, je parvins à me raccrocher à ses rênes et à me repositionner sur son dos. Avant de toucher la ligne des eaux, ses ailes s’étendirent brusquement de nouveau de chaque côté de son corps et nous prîmes rapidement de la hauteur, prêts à conduire ces marins à bon port.


◆ 755 mots | Post X

Le premier Combattant
Keves Colony (Day) - From Xenoblade Chronicles 3

Sur l’Île d’Orhmior.

D’un mouvement d’une lenteur toute calculée, mes ailes me déplaçaient dans les airs en effectuant quelques battements réguliers. Les impulsions étaient puissantes, instinctives, et me permettaient de me concentrer sur la remise à zéro du chronographe sans me soucier d’une quelconque perte d’altitude. Toutefois, pendant que mes doigts manipulaient le poussoir de sorte à réaligner correctement les aiguilles de l’instrument, mon cerveau ne pouvait s’empêcher de se triturer l’esprit à propos de Ren. Les cliquetis qui accompagnaient la montre rythmaient également le fil de mes pensées, alors que l’inquiétude germait, ici et là, à l’intérieur de mon crâne. Elle m’avait dit que je n’avais pas à m’angoisser. Elle m’avait dit qu’elle avait certainement réagi de manière un peu trop prompte et explosive, comme une enfant qui aurait oublié de cogiter le pour et le contre d’un argument. Pourtant, peu importe la gravité de ce qui avait été commis, Muramasa ne se sentait pas l’énergie à me le raconter tout de suite. Je pourrais tout te dire un peu plus tard. Je sais que tu es occupé aujourd’hui. Puis, pour le moment, j’ai surtout envie de m’allonger et de fermer les yeux pour le restant de la journée. Ce n’était pas difficile à croire, compte tenu de la fatigue qui s’entendait dans les trémolos de sa voix. Pour cette raison, je n’avais pas insisté malgré les interrogations qui affluaient entre mes deux oreilles, comme l’eau libérée d’un barrage. Plutôt, je lui souhaitais de bien se reposer, en dépit du souci qui revint à mon esprit une fois notre connexion rompue. Qu’est-ce qui avait bien pu éveiller une ire aussi violente chez la rouquine? Une grande partie de mes réflexions orbitaient autour de cette unique interrogation.

Néanmoins, plus les secondes s’écoulaient, plus je me faisais à l’idée qu’il serait bon que je songe à tout cela une fois que je serais en face de la principale concernée; spéculer ne servait à rien dans ce contexte-ci. Puis, actuellement, mon attention était sollicitée pour un tout autre événement : l’évaluation de vitesse en vol d’un tout nouveau groupe d’Aspirants. Celui-ci avait récemment été formé à la suite de la dernière campagne de recrutement. De fait, la Nith-Haiah devait leur faire passer différentes épreuves pour juger de leurs aptitudes physiques et intellectuelles au courant de leurs premiers jours de formation. Exercices physiques, examens de connaissance, courses d’endurance et de vitesse : nous essayions d’évaluer, dans leur globalité, l’ensemble de leurs compétences afin de mieux anticiper leurs forces et faiblesses en tant que groupe et individu, puisque ces dernières détermineraient, en définitive, l’Escadron dans lequel ils seront assignés pour le futur. Également, il s’agissait d’un important procédé pour observer la progression de nos cohortes durant leur formation et ainsi les aider à corriger leurs lacunes tout en mettant en valeur la propension de certaines de leurs aptitudes. Puis, à titre purement personnel, j’étais très curieux de voir les résultats qui transparaîtraient à la suite de ces épreuves, plus encore depuis la graduation de l’un des anciens groupes d’Aspirants que j’avais eu la chance de superviser au tout début de mon parcours d’enseignement. Quand j’avais été engagé, leur formation touchait malheureusement presque à sa fin, mais c’était en leur compagnie que j’avais pu esquisser mes premiers pas en tant qu’instructeur pour la Nith-Haiah, et regarder ces futurs Soldats s’épanouir. Dorénavant, c’était aux Escadrons Boadicēa (l’infanterie), Curē (section de stratégie et d’intelligence) et Isra de récupérer ces talents afin de les forger en la fine lame de l’Armée. Par conséquent, j’avais plutôt hâte de découvrir les secrets que cachaient cette nouvelle cohorte.

Clic. Le son m’alarma et je convergeais aussitôt toute mon attention vers la montre. Parfait. Nous pouvions poursuivre. Dans un dernier battement d’ailes, je rejoignis le reste des Aspirants qui n’avaient pas encore été évalués et invitai un prochain étudiant à prendre place sur la ligne de départ. Un jeune homme s’avança sans sourciller pour se porter volontaire.

« Quel est ton nom?

- Eos, Monsieur.

- Enchanté Eos. J’espère que tu n’es pas trop nerveux. Il m’assura qu’il était confiant. Excellent. Dans ce cas, je vais rapidement retourner à la ligne d’arrivée et lorsque tu entendras mon signal, tu pourras décoller. Il acquiesça tout en déployant ses ailes, les bougeant frénétiquement dans son dos pour les dégourdir. Fais de ton mieux! »

Je repris mon envol en sautant de la falaise sur laquelle nous étions perchés. Ce parcours n’avait rien de dangereux et était dénué d’obstacles, puisqu’il servait principalement pour la course de vitesse aérienne. Cependant, nous n’étions jamais véritablement à l’abri d’un soudain coup de vent. Quoi qu’il en soit, j’étais maintenant à ma position et au loin, je pouvais voir la vague silhouette de l’Aspirant. Nous étions tous prêts et lorsque je fis entendre le signal de départ, le jeune homme se jeta dans le vide sans la moindre hésitation… Mais quelque chose clochait dans son vol.

« Il est plutôt… lent, non? »

Sans leur adresser de regard, je leur tendais tout de même une oreille attentive. Les étudiants qui avaient déjà passés leur évaluation pouvaient profiter de ce temps pour discuter ou s’exercer en prévision du prochain examen physique; et dans le même ordre d’idées, certains désiraient simplement observer la course de leurs collègues pour les encourager ou par simple curiosité, même si, dans ce cas précis, tout le monde paraissait plus ou moins surpris.

« Vas-y! Tu peux le faire! »

Lorsque le premier encouragement fût lancé, une multitude d’autres voix se joignirent pour l’acclamer, que ce soit sur la ligne de départ ou celle de l’arrivée. Eos qui, du haut des airs, peinait à accélérer, fût pourtant rempli d’une toute nouvelle volonté et décupla ses forces pour amorcer de grands mouvements avec ses ailes. Cependant, ses élans étaient toujours trop superficiels et maladroits, comme s’il avait de la difficulté à synchroniser ses ailes et à correctement positionner son corps sans que celui-ci gêne son vol. Cela étant dit, s’il parvint à atterrir sans trop se blesser, il était extrêmement épuisé, des perles de sueur coulant allégrement de son front.

« Est-ce que tu vas bien? » Lui posais-je en le rejoignant avec précipitation.

Il hocha de la tête tout en se redressant. Ses épaules tremblaient.

« D-Désolé, Monsieur. Je ferai mieux la prochaine fois.

- Ne t’en fais pas pour ça. Tu es ici pour apprendre, avant tout, et nous ne demandons à personne l’excellence. Je le gratifiais d’un sourire. Tu auras tout le temps nécessaire pour t’améliorer, ne t’inquiètes pas. Embarrassé, il acquiesça une seconde fois et fût rapidement rattrapé par quelques-uns de ses camarades qui voulurent s’enquérir de son état. Tu peux les rejoindre et aller chercher un peu d’eau dans la sacoche. Quand tu auras récupéré, reviens me voir : je te donnerai ton temps.

- Merci. »

Je les laissais s’éloigner pour observer le chronographe dans ma main. En moyenne, les Aspirants qui participaient à cette épreuve réussissaient à l’accomplir en une quinzaine de secondes. Mais lui l’avait conclu en trente-quatre.


◆ 1 166 mots | Post XI

Le premier Combattant
Keves Colony (Day) - From Xenoblade Chronicles 3

« Isley, August! Salut! »

Nous reconnûmes immédiatement la voix qui nous interpellât. Marina Lawrence. Il s’agissait d’une Soldate de l’Escadron Hēres, la troupe spécialisée dans la transmission et le relais de l’information au sein de la Nith-Haiah. Toutefois, elle était également l’Instructrice qui avait observé nos évaluations avant que nous devenions officiellement des formateurs militaires, mon collègue et moi. Depuis cette rencontre, il nous arrivait de nous aborder au beau milieu d’un couloir pour nous échanger quelques banalités, mais au fil du temps, ce qui n’était que quelques salutations et sourires octroyés, devinrent bientôt de véritables conversations et de chaleureux moments partagés. Il n’était plus rare de nous apercevoir, tous les trois, durant nos pauses communes à discuter de tout et de rien, que ce soit dans le bureau des Instructeurs ou non loin de l’entrée d’une classe. De fait, à son approche, nous ralentîmes aussitôt la cadence de notre pas pour lui permettre de nous rejoindre rapidement.

« Bon après-midi, Marina. »

Un sourire apparût sur les lèvres de l’Instructeur Medford qui m’accompagnait et je saluais la nouvelle venue par un sourire tout aussi enchanté.

« Comment allez-vous?

- Ça va bien et toi?

- Nous ne t’avons pas croisé de la matinée. Tu étais en congé?

- Oh non, non! J’étais partie à la Cité de Fahorë.

- À Fahorë? Pour la conférence entre les Ygdraës et les Enfants de Yanna?

- C’est cela, oui. J’échangeais un regard avec August, mais lui aussi ne semblait pas avoir été mis au courant au préalable. J’ai été appelée en renfort très tôt, ce matin. Il y aurait eu de nouveaux incidents sur la côte ouest, tout près des Rochers des Sept Sentinelles, alors on m’a envoyé à Fahorë un peu en catastrophe, pendant que d’autres couvraient l’incident. »

Par contre, nous avions été informés de cet énième incident dont elle faisait référence. Depuis qu’il était clair que la barrière de sauge tuait non seulement les Sirènes, mais transformait également toutes créatures qui en traversaient la canopée, le nombre d’alertes qui concernaient des monstres marins avaient presque triplé ces dernières semaines. Sans surprise, ils étaient bien souvent envoyés pour indiquer l’apparition de la Xavi et de ses enfants, les xavōmo. En très peu de temps, ils étaient devenus les fléaux de nos mers, au point où nous avions conseillé aux divers marchands et voyageurs de redoubler de prudence, voire de ne plus emprunter la voie maritime pour se rendre sur les Terres d’Iyora, s’ils le pouvaient. Autrement, il leur était fortement recommandé de faire appel à des équipages, militaires ou mercenaires, qui sauraient les protéger au cours de leur voyage.

« Et tu n’es pas restée?

- J’ai des cours à donner cet après-midi et je n’ai pas trouvé de remplaçant. Alors, il a fallu que je laisse ma place à quelqu’un d’autre.

- Comment c’était? » Renchéris-je.

Comme si un bouton venait d’être actionné, les iris de la Lawrence s’illuminèrent d’un reflet rutilant. Malgré le sérieux et l’importance de l’événement, la jeune femme semblait en être ressortie avec de très bons souvenirs.

« C’était incroyable! J’ai déjà aperçu plusieurs Vaisseaux de Yanna depuis que l’Empire travaille de pair avec les Ygdraës, mais je n’avais encore jamais posé les yeux sur l’Opaleha – le Vaisseau-Roi.

- Il est aussi remarquable que prétendent les rumeurs?

- Et plus encore! Je n’ai jamais rien vu de tel! »

Elle s’extasiait comme une enfant, alors qu’elle nous décrivait, avec moults détails, l’immense château volant qu’elle avait eu la chance de contempler pendant son service. Si, au fil des années, nous ne fûmes plus étrangers au phénomène cyclique qui détachait Caelum de son socle terrestre, l’Opaleha restait tout de même une curiosité des plus intrigantes et merveilleuses pour les Terres de Sympan. Le château de la Reine d’Opaleha, malgré sa démesure, volait dans les airs sans apparente difficulté et semblait se conduire comme tous autres véhicules que l’on pourrait définir de « classique ». En plus d’être en mesure de se déplacer sur terre et de voguer en mer – pouvez-vous simplement vous imaginer un château avec des pattes? – plusieurs voix murmuraient également qu’il était possible pour le Vaisseau-Roi de voyager dans les profondeurs des océans et d’altérer sa structure pour s’adapter aux environnements dans lequel il pouvait se retrouver, protégeant du même fait les hommes et femmes se trouvant entre ses murs.

« Malheureusement, s’excusa l’Immaculée d’un sourire désappointé, je n’ai pas eu la chance de voir une telle transformation de mes propres yeux. »


◆ 756 mots | Post XII

La Xavi : Nom donné à l’étrange créature qui hante désormais les eaux du littoral des Terres d’Iyora. Selon la rumeur la plus populaire, la Xavi serait apparue lorsqu’un poisson, une méduse et un Ange auraient traversés, en même temps, la barrière de sauge lors d’un troublant naufrage. Par un étrange processus, ces trois êtres auraient fusionné pour donner naissance à cette intelligente créature aussi notoire que mystique. Que ce soit en raison de ses écailles, qui hésitent entre le violet et l’argent, ou bien de son visage aux traits fins, plusieurs ont longtemps cru en la douceur du monstre, jusqu’à ce que les accidents le concernant se multiplient. En effet, si son apparence possède le charme de la mer et des abysses, son caractère, en revanche, en possède les horreurs; trompeurs et menaçants. La Xavi attire ses proies grâce à un chant aussi hypnotique que celui des Sirènes et une fois entre ses griffes, il est presque impossible de s’en réchapper, puisque la Xavi entreprend aussitôt de vider sa proie de son énergie vitale afin de s’en nourrir. La victime ne devient plus qu’un cocon vide et est ensuite rapidement jetée dans les fonds de la mer. Toutefois, à certaines occasions, la Xavi se défait de l’une de ses écailles pour forcer sa proie mourante à l’avaler. Dès cet instant, la proie est contaminée et subira des transformations radicales pour devenir un Enfant de Xavi : un xavōmo. Crédit : Mother Kos by @ashuldur

Les Enfants de Xavi (Xavōmo) : Nom donné aux créatures qui ont été contaminées par la Xavi. Si l’apparence des xavōmo diffèrent d’un individu à un autre (tout dépend de l’espèce animale qui a été contaminée à la base), celle-ci possède pourtant quelques particularités communes à tous les xavōmo. En effet, les xavōmo ont une peau translucide de couleur turquoise, presque verdâtre, et plusieurs de leurs membres se sont altérés pour devenir des tentacules écaillés. Également, ils ne possèdent aucun visage. Par conséquent, ils sont aveugles, sourds, et ne peuvent ni respirer, ni manger, ni sentir. La seule manière pour eux de se diriger et de communiquer se fait grâce à un langage basé sur les vibrations de l’eau, qu’ils sont en mesure de capter grâce à la sensibilité de leur peau. Malgré leurs nombreux handicaps, les xavōmo possèdent une force indéniable, mais ce qui les rend véritablement redoutable est le dard empoisonné qui qui se trouve au milieu de leurs tentacules. Grâce à ce dard, les xavōmo parviennent à endormir leurs proies pour ensuite les amener à la Xavi pour qu’elle puisse se nourrir de l’énergie vitale de la victime endormie. Crédit : Milkweed by maisonette9

Le premier Combattant
Keves Colony (Day) - From Xenoblade Chronicles 3

« Et les chefs de l’Empire? As-tu eu l’occasion de voir les Seigneurs ou la Souveraine D’Avada avant ton départ?

- Non plus. Marina secoua la tête, haussa les épaules, tandis que son visage nous exposait une déconvenue plus évidente, absolue. La rencontre se déroulait à l’intérieur du Vaisseau-Roi et il paraît que le navire de chacun des Seigneurs a un accès direct à l’Opaleha grâce à un système de téléportation. Du coup, les seuls notables que nous avons pu apercevoir depuis l’extérieur sont les dignitaires ygdraënnes lorsqu’elles sont montées à bord du Vaisseau de l’Impératrice. Plus elle s’était avancée dans ses explications, et plus l’expression du Medford s’était calquée sur celle de la jeune femme, qui prit immédiatement conscience du désappointement de son voisin. Je sais! Je sais! Sa complainte avait ce petit ton juvénile qui rendit la situation quelque peu risible à mes yeux. Depuis que je suis revenue, je reste à l’affût des communications qui pourraient filtrer à propos de la rencontre, ne t’en fais pas. »

D’un vigoureux hochement de la tête, mes compagnons semblèrent se mettre d’accord pour se tenir au courant de toutes nouvelles qu’ils pourraient capter à ce sujet. Les voir réagir de cette façon fit fleurir un léger sourire sur la commissure de mes lèvres. Malgré les bons souvenirs que Marina avait recueillis, la curiosité et la frustration de ne pas en avoir vu plus semblaient l’avoir tout autant marqué.

« Dans tous les cas, si cette conférence implique les Ygdraës, j’imagine que ce sera principalement pour discuter des attentats qui ont visé les recrues qui s’étaient récemment jointes à l’Empire.

- Peut-être bien… Est-ce que l’un d’entre vous sait où en est l’enquête? »

Par réflexe, nous convergeâmes notre attention vers Marina, tout en nous arrêtant devant l’entrée du bureau des Instructeurs. En tant qu’Héraut de la Nith-Haiah, elle était celle qui possédait certainement le plus de renseignements entre nous trois.

« Ce qui a été partagé au pubilc, c’est que les attentats ont été perpétrés par des membres de la Maison Merynla et ces derniers sont actuellement en attente de leur procès. Les Enfants de Yanna avaient rapidement réagi à la situation, prenant aussitôt l’enquête en main sous la pression du gouvernement ygdraëen et devant la gravité des actes commis. Cependant, il semblerait que les attaques ont été commanditées par l’un des Capitaines les plus influents de la Maison, mais l’Empire n’a pas encore mis la main sur lui. Il est en cavale, introuvable. Pour le moment. »

Mes sourcils se froncèrent soudain. Les attaques auraient été commanditées? Je n’avais encore jamais entendu parler de cela et au « Quoi? » insurgé qui s’évada de sa gorge, je compris qu’August entendait cette information pour la toute première fois également.

« C’est terrible… Alors les terroristes n’avaient pas simplement agi par esprit de rébellion contre les dernières décisions de la régence, ils avaient également été payés pour lancer ces frappes. Et le Seigneur de la Maison Merynla, est-ce qu’il a officiellement pris position?

- Pas encore. Depuis le début de cette affaire, il s’est très peu exprimé sur le sujet, et je peux le comprendre d’une certaine façon : il est assis entre deux chaises. »

S’il venait à condamner publiquement les agissements des membres de sa Maison, alors que celle-ci était ouvertement hostile à l’alliance avec les Ygdraës, puisqu’elle considérait que les Elfes tenaient le gros bout du bâton, alors la grogne reprendrait de plus belle au sein de ses équipages et sa légitimité en tant que Seigneur des Opaburaha serait mise en doute par ses propres hommes et femmes. En revanche, s’il venait à justifier les actions des terroristes, même sans prendre directement parti, ce serait le gouvernement ygdraëen et le Vaisseau-Roi qui, en dépit de l’indépendance des Maisons, le dépouilleraient de ses fonctions et de son titre sans ménagement. Autant dire que dans ce dernier scénario, les tensions entre la Maison Merynla et les autres Vaisseaux n’en deviendraient que plus explosives. C’était une situation que l’on voudrait éviter à tout prix.

« Cela dit, tôt ou tard, il devra briser le statu quo. Autant chez les Ygdraës que dans sa propre Maison, on doit attendre sa décision. »

Nous donnâmes raison à August, parce que plus le Seigneur Abel attendait, et plus la confiance qu’on lui vouait s’effriterait avec le temps. Dans un soupir collectif, nous espérâmes que cette réunion entre Yanna et les Elfes soit réellement fructueuse, et nous poussâmes enfin le battant qui nous séparait du bureau des Instructeurs.

« Isley. »

Nous venions à peine de traverser l’encadrement de porte que l’Instructrice Sharlène Ragnvindr nous rejoignit. Nous la saluâmes avec gentillesse, mais devinâmes rapidement l’air sombre qui rembrunissait son visage.

« Q-Quelque chose ne va pas?

- C’est toi qui a reçu une invitation pour le bal à Seaghdha, pas vrai? »

J’opinais du chef, avant que mon regard ne s’attarde sur l’enveloppe qu’elle tenait en main.

« Effectivement, mais je l’ai jeté. Ça ne m’intéresse pas vraiment de devenir un amuse-gueule pour les Vampires. »

Pourtant, à une époque, j’y serais certainement allé en secret dans l’espoir d’y retrouver Araya… Non. Ce n’était pas le moment de songer à cela.

« Quoi? Toi aussi, Sharlène, tu l’as reçu?

- Il y a peu de temps, oui. Elle soupira, reportant son attention dans mes yeux. Est-ce une plaisanterie? Comment peuvent-ils tenir un bal alors que toute une Lignée a été anéantie?

- Ne me demande pas! Je ne suis pas dans leur tête. Tout en discutant, nous libérâmes l’espace devant la porte pour nous installer à nos postes de travail. Puis, je crois que le bal était prévu bien avant que l’on connaisse l’extermination des Gabor.

- Cela dit, rien ne les empêche d’annuler le bal.

- Peut-être qu’ils se disent que ce serait du gâchis d’annuler maintenant, ironisa la Lawrence en grimaçant.

- Outre le fait qu’il s’agit de Vampires et que tout le monde sait comment cela va se terminer, ça reste de la folie. Un nouveau soupir franchit la barrière de ses lèvres. Les personnes responsables d’une telle destruction se trouvent toujours dans la nature et pourraient très bien profiter de l’occasion pour simplement lancer une nouvelle attaque. Elle se pinça l’arête du nez. À quoi pensent-ils, au juste?

- Après, qui sont les plus inconscients : ceux qui vont s’y présenter ou ceux qui l’ont organisé? »

Il eut un bref silence, qui en disait pourtant long sur nos ressentis.


◆ 1 078 mots | Post XIII

Le premier Combattant
Keves Colony (Day) - From Xenoblade Chronicles 3

Sur les Terres d'Iyora.

« Ren? Je frappais une nouvelle fois mes jointures contre la porte de sa chambre. Est-ce que je peux entrer? »

Après une quatrième valse de coups, je n’eus toujours aucune réponse. Étrange. Dormait-elle déjà à cette heure de la soirée? Je savais que j’étais rentré tard de ma journée de travail, mais quand même… Poussé par la curiosité, je posais une oreille contre la porte, à l’affût de tous bruissements qui pourraient me confirmer qu’elle était bel et bien éveillée. Cependant, tout ce que je perçu de l’autre côté fût le silence et quelques expirations soupirées. Alors la rousse dormait vraiment. Je ferais mieux de la laisser se reposer et la questionner plus tard. Car peu importe ce qui s’était passé au courant de la journée, cet événement l’avait manifestement secoué. Je me décalais vers l’arrière, abandonnant bien rapidement le seuil de sa chambre pour entrer dans la mienne. Du papier, de l’encre et une plume attendaient sur mon bureau, derrière lequel je m’installais, prêt à la rédaction de ma missive.

Bonjour, bonsoir, mademoiselle Kogaan’Orel,

Je suis le Soldat Isley Yüerell de l’Armée angéliq

Je m’arrêtais aussitôt en lisant la ligne, anticipant la réaction de la personne qui recevrait cette missive. Selon les renseignements partagés par la Zuriel, la destinataire était une Réprouvée de Sceptelinôst. Et connaissant leur caractère, je ne pensais pas qu’elle lirait le moindre mot de cette lettre si je la commençais ainsi. Dès le moment où elle prendra connaissance de mon identité, il était plus que certain que ma missive terminerait son chemin soit dans le feu d’une cheminée, soit dans les latrines de son foyer… Il était plus sage de recommencer le message.

Bonjour, bonsoir, mademoiselle Kogaan’Orel,

J’espère que vous vous portez bien, en dépit des événements qui ont dernièrement bouleversé votre nation. Je suis sincèrement désolé pour ce qui vous est arrivé.

Même si leur choix de s’engager dans cette bataille avait été aussi audacieux que sot, nous ne pouvions dénigrer les pertes qu’ils avaient subi. Menée pour de bonnes ou de mauvaises raisons, la guerre restait sanglante et douloureuse, cruelle et injuste. Ils s’étaient battus pour ce qu’ils croyaient être légitime, mais malheureusement pour eux, cette décision leur avait plus coûté que gagné. Et le pire dans tout cela, c’est qu’il était évident que les Sorciers avaient ouvert les hostilités en premier, mais sans preuves pour supporter la thèse, c’était comme écouter des enfants qui ne pouvaient se résoudre à croire en la vérité…

Cependant, je ne vous écris pas aujourd’hui afin de vous noyez de sympathies.

Je savais parfaitement qu’elle n’en aurait cure de toute façon. En plus d’être grossiers, les Réprouvés avaient une très grande fierté.

Je prends plutôt contact avec vous pour vous parler d’une de nos connaissances communes : mademoiselle Carmine Zuriel. Je me suis récemment entretenu avec elle concernant d’importants problèmes qu’elle vit actuellement (c’était un euphémisme) et elle m’a déclaré que vous sauriez peut-être nous aider à mieux comprendre ce qui lui arrive.

En parlant de la Déchue, cette dernière était repartie à Avalon après le retour des Magiciens. Comme escompté, lorsqu’ils étaient arrivés sur le site du crime, il n’y avait plus eu aucune trace des diables : seules les cicatrices de la terre avaient témoigné du combat qui avait eu lieu.

J’ai appris que vous étiez plutôt proche d’un certain Pendrake Hrafninn? En ce sens, j’ose prétendre que vous êtes déjà au courant de ce qui lui est arrivé.

Témoigner de nouveau mes sympathies ou ne pas l’ennuyer? Après quelques minutes de réflexion, je choisis d’éviter la première option.

Si les circonstances entourant sa mort me sont nébuleuses, celles entourant sa renaissance m’intriguent plus encore, puisque Pendrake Hrafninn n’a pas véritablement péri : il est devenu un Démon et aujourd’hui, il menace la vie de Carmine pour une raison que nous ignorons.

Concentré, je continuais d’écrire, mettant l’emphase sur le véritable danger que représentait désormais le Deiddrenth pour l’Aile Noire. Je l’eus tenu au courant des tentatives de meurtre qu’il avait commis à l’encontre de la jeune femme, ainsi que des menaces qu’il avait proféré en voyant qu’elle vivait toujours.

Nous sommes à la recherche de réponses et vous êtes la première personne qui est venue à l’esprit de Carmine pour nous aider à comprendre la situation. Vous connaissiez Pendrake lorsqu’il n’était encore qu’un Réprouvé (la Déchue avait impliquée des sentiments plus forts qu’une simple amitié, mais ce n’était pas nécessaire de le préciser) et, de ce fait, vous savez peut-être ce qui lui est arrivé avant qu’il ne devienne… comme ça.

Pour cette raison, pensez-vous qu’il serait possible de nous rencontrer afin que l’on puisse discuter de cela? Pour le bien de mademoiselle Zuriel, j’aurais besoin de vous, de votre coopération.

En espérant recevoir, très bientôt, de vos nouvelles.

Au plaisir,

Soldat Isley Yüerell

À ce stade de sa lecture, j’espérais que mon message suffirait à l’empêcher de chiffonner immédiatement ma lettre. Bientôt, la décision se trouverait entre ses mains.


◆ 842 mots | Post XIV

Le premier Combattant
Big Fish & Begonia (大鱼海棠) - Zhou Shen
(Cover by Eliott Tordo & the Paris Chinese Orchestra)

Quand je revins après le dépôt de la lettre, le silence régnait en maître entre les quatre murs de l’appartement. Cette absence de bruits ne m’était pas étrangère et malgré cela, dans cette configuration, je ne pouvais m’empêcher de ressentir ce sentiment pénible de malaise. Je refermais la porte derrière moi, le claquement attirant brusquement l’attention de la petite Raclette. La chèvre abandonna sa couchette dans un sursaut avant de tracer son chemin jusqu’à mes côtés. Un bêlement gai m’accueilli et je m’accroupis sagement à sa hauteur pour lui caresser le menton. Par sa seule présence, elle semblait avoir ramener les sons au sein du logement et l’inconfort éprouvé auparavant se dissipa à la manière d’une feuille emportée par les caprices du vent.

« Désolé. Je t’ai réveillé, ma belle? »

Pourtant, la chèvre irradia de mille feux, exposant avec fierté son profil pour que je puisse continuer de la gratter. Les compliments lui avaient toujours fait cet effet, plus encore que les caresses et autres petites attentions que nous pouvions lui offrir au quotidien. Elle aimait être le centre de l’attention et à cet instant-là, elle devenait alors un véritable rayon de Soleil. C’est pourquoi je la gratifiais d’autres câlineries pendant un certain temps, m’amusant et me réjouissant du bonheur qui se dégageait de chacune de ses mimiques excentriques. Or, à un moment, mon regard papillonna et tomba sur les portes des chambres à coucher. Ren semblait encore dormir à poings fermés et en ce qui concernait la délicate… Je me redressais lentement, commandant aussitôt à mes jambes de me conduire jusqu’au seuil de sa chambre.

« Es-tu là? » L’appelais-je doucement tout en portant quelques coups au bois du battant.

Cependant, je me rendis rapidement compte que la porte avait été laissée entrouverte et après un coup d’œil dans l’embrasure, je notais également l’absence de sa locataire. Wakiya… Le malaise provoqué par le silence me submergea une seconde fois. Jour après jour, la brume devant les yeux de la Muse s’épaississait, devenait plus obscure. C’était préoccupant.

« Qu’est-ce que tu en penses, Raclette? Après une poignée de secondes, je retournais au salon, le caprin sur mes talons. Que devrais-je faire pour l’aider à aller mieux? »

Je m’inquiétais pour la Sunano. Malheureusement, peu importe mes efforts, je me sentais tout simplement impuissant lorsque je l’apercevais déambuler sans expression au cœur de l’appartement.

« J’ai une idée, me confiais-je soudainement à l’animal en le portant sur mes genoux. Nous allons attendre qu’elle revienne à la maison. Je suis certain qu’un accueil chaleureux saura lui remonter le moral. »

Même passager, un sourire de sa part suffirait à me réconforter.

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Le sommeil avait tardé avant de m’accueillir dans ses bras, et si la fatigue m’avait accablé de son poids, je n’étais pas parvenue à trouver le repos souhaité, quand bien même je m’étais immédiatement emmitouflée dans la chaleur de mes draps une fois rentrée. En réalité, mon cerveau était en constante ébullition. Je repensais à Nolann. Je repensais à notre confrontation. Je repensais à ses paroles, à mes paroles; à sa peur, à ma fureur. Continuellement, les scènes défilaient devant mes yeux et je nous revoyais, tous les deux, au milieu de ce chemin où nous nous étions tenus. Il n’avait pas tort. Tout ce qu’il avait dit faisait sens, mais je ne pouvais pas croire aux mots que tout le monde contemplait comme la vérité. Mes réflexions se bataillaient. Ma Foi et leur raison s’affrontaient. L’intérieur de mon crâne était bruyant et malgré ma lutte, je n’étais pas arrivée à faire le vide dans mon esprit. Face à l’inéluctable, je m’étais rapidement arrachée de mes couvertures, approchant l’une de mes mains du erhu qui reposait tout près de mon lit.

Pendant les heures qui avaient suivi, j’avais fait valser l’archet sur les cordes de la vièle, sans repos et sans arrêt. L’instrument avait vibré, les notes s’étaient mises à chanter, les mélodies s’étaient mises à danser et à vivre sur les fils musicaux du catalyseur de mon Art, et avaient rapidement envahi l’espace de ma chambre par leur agréable présence. Ces moments m’avaient tant manqué avant que j’acquière cette nouvelle prothèse, comme si j’avais laissé les tréfonds de mon esprit se décomposer dans l’eau putride d’une rivière à la beauté salie. Mais aujourd’hui, tout était différent. Malgré le fait que je n’avais plus la même dextérité qu’avant l’accident, je pouvais tout de même nourrir mon âme de ses échos fervents. Je ne sais plus combien de temps j’avais laissé les battements de la musique rythmer les pulsations de mon sang; je ne sais plus combien de mélodies j’avais fait palpiter sur le bout de mes phalanges, mais lorsque je crus mon esprit enfin calmé, le Soleil commençait graduellement sa descente vers l’horizon. Je repensais à Nolann. Je repensais à notre confrontation. Je me disais qu’il serait bon de demander pardon. Je ne voulais pas rester en colère; pas plus que de raison…

Et tel le début de tous les rêves, celui-ci n’eut aucun commencement; rien qu’une continuité dans laquelle j’avais soudainement atterri, un peu comme une course que j’aurais entamé à la moitié du trajet établi. Debout, j’étais postée au milieu de cette plaine au verdoyant rutilant, face à ce lac au saphir éclatant, à ces oiseaux aux couleurs de l’arc-en-ciel; un paysage plus que familier, qui n’avait cessé de passer sous mes yeux au cours de la majorité de mes nuits passées. Et comme à toutes les fois où je me perdais dans la méditation de ce tableau divin, une voix se fit entendre au cœur de cette reposante sérénité. Une voix mystique, effacée, et qui, pourtant, m’englobait toujours à la manière d’une étreinte maternelle.

« Levés sont ses yeux
Dressé vers les cieux est son visage
Comblé est son âme »
À cette poésie chantée, mon cœur cessa toute pulsation. L’inflexion provenait de sous mes pieds, au cœur de ce lac à la quiétude ininterrompue. Lentement, je me recroquevillais au-dessus du bassin.


◆ 999 mots | Post XV