Objectif : Lilith évolue au sein de la tribu Delawam, en apprenant auprès des autres Chamans et de Mo'Uwa'Udo. Elle s'apprête à planter son premier plant, un chêne de la santé duquel dépendra beaucoup de choses.

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Musique

Lilith s’étira, les deux mains appuyées sur le bas de son dos. Elle était penchée en arrière et son visage faisait face au soleil. Les rayons lui donnèrent de légers frissons. Il était tôt et le temps n’était pas encore chaud. Le bien-être de la douceur prodiguée par l’astre du jour fut néanmoins bien existant. Elle ferma les yeux un instant avant d’être tirée de son état matinal par Mo’Uwa’Udo. « C’est un grand jour. » dit celle-ci en s’étirant, de même. « Je sais. » répondit la jeune femme en souriant. Aujourd’hui, elle allait planter son chêne. « Ça va ? » « Oui. Ça s’arrondit bien. » « C’est vrai que ça commence à ne pas pouvoir être ignoré. Tu as parlé avec le père ? » Le sujet était important. Mo’Uwa’Udo essayait de rester objective dans l’affaire. Elle savait que Lilith était venue sur la Terre d’Edel pour échapper à la Capitale et au mariage qui s’y déroulait. « Pas encore. » « Tu devrais lui envoyer quelque chose, un cadeau. » « Je vais y réfléchir. » dit la concernée en inspirant profondément. « Allons méditer. » La Chamane la plus expérimentée sourit. Tous les matins, elles avaient établi un petit rituel qu’elles pratiquaient toutes les deux. Elles se levaient tôt, méditaient quelques longues minutes puis rejoignaient d’autres Delawam pour danser et chanter aux sons lents des tambours, priant ainsi les principales divinités de la tribu. Ensuite, la journée commençait enfin. Lilith apprenait avec Mo’Uwa’Udo, à planter mais pas seulement. Elle avait à cœur de se plonger dans le travail, d'étudier les méthode de fabrication des onguents et les notions qui concernaient la fonction de sage-femme.

Lilith s’assit en tailleur sur un tapis tressé et posa ses mains sur son ventre. Elle ferma les yeux, accompagnée dans l’exercice par sa semblable qui se positionna en face d’elle. Elle essayait de respirer avec le ventre. C’était de loin le plus apaisant. Les premiers jours, elle avait détesté. Les minutes passaient lentement et des pensées parasites n’arrêtaient pas de la tourmenter. Elle avait mal au dos, mal aux jambes, et trouvait qu’il s’agissait d’une perte de temps. Pourtant, malgré son scepticisme, l’expression paisible qu’elle pouvait voir sur le visage d’Uwa à chaque fois qu’elle trichait et ouvrait les yeux la convainquait d’essayer encore. Elle avait fini par s’y faire, par abandonner toute résistance et se conformer. Petit à petit, son dos s’était détendu et ses soucis avaient fui. Elle essayait de penser au bébé, de lui partager une certaine sérénité pour qu’il puisse s’épanouir en paix. Elle voulait un enfant normal, bien que souhaité par les Dieux. Elle espérait que son Destin pourrait être paisible ou bénéfique. Au fur et à mesure, elle s’était elle-même convaincue qu’il n’y avait pas qu’un enfant mais plusieurs. Elle attendait les confirmations.

Lorsque les deux femmes eurent terminé de méditer, elles rejoignirent le groupe. Les tambours résonnaient doucement, lents, alors qu’une Chamane entonnait un chant en l’honneur de Ghanem et d’Edel. Lilith se mit à danser, méthodique et sensuelle, copiant les mouvements d’Uwa qu’elle commençait à connaître par cœur. Peut-être qu’elle avait raison. Peut-être devrait-elle envoyer un présent à Devaraj, quelque chose pour lui montrer qu’elle n’était pas partie parce qu’elle ne l’aimait pas mais pour d’autres raisons. Le fait de ne pas être à ses côtés lui était néanmoins profitable. Elle pouvait se concentrer sur elle, tracer son chemin et s’épanouir en dehors de son ombre. Elle rêvait souvent de son corps nu contre le sien, des rêves torrides qu’elle mettait sur le compte du manque et de l’étrange unique fois où ils l’avaient fait. Elle avait bien compris que les Ætheri ne voulaient pas qu’ils recommencent, ou quelque chose comme ça. S’éloigner était une bonne chose. Ça limitait les risques, même si elle avait bien conscience que les risques seraient venus d’elle bien plus que de lui. Mo’Uwa’Udo joignit sa voix à celle de la chanteuse, bientôt rejointe également par Lilith qui réfléchissait d’un même temps à ce qu’elle pourrait offrir à son ancien mari. Il était le Roi, il pouvait avoir tout ce qu’il désirait. Elle ferma les yeux un court instant avant de les rouvrir, observant les cercles formés par ses bras, en rythme. Elle expira. J’inspire l’énergie de la nature, j’expire la vie sur le monde, pensa-t-elle. J’inspire la force de la nature, j’expire la croissance. La jeune femme tourna sur elle-même, pivotant sur ses pieds nus qui évoluaient à-même l’herbe.

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Lilith avançait sur la plage, tranquillement. L’air marin lui faisait du bien. Elle s’arrêta lorsqu’elle remarqua la présence de deux individus, les pieds dans l’eau, à toucher quelque chose qu’elle ne voyait pas, avec la main, comme s’ils cherchaient les contours d’un monde imaginaire. Après une légère hésitation, elle décida de s’avancer. « Bonjour. » souffla-t-elle, alors que la brise faisait virevolter ses cheveux. Ils l’avaient vue. Elle passait rarement inaperçu. « Que faites-vous ? » demanda-t-elle. L’homme et la femme se tournèrent complètement vers elle. « Nous… Nous hésitons, en réalité. » « À quoi faire ? » « À passer de l’autre côté. » « De l’autre côté de quoi ? » « Oh. Vous ne savez pas ? Il paraît qu’Edel a banni Ezechyel de cet endroit mais… » Lilith le savait. Son frère l’avait amenée ici au préalable, pour, justement, la sauvegarder de leur père. « Le Dieu de la Mort aurait entouré le Monde de l’Æther de la Vie de son propre Monde pour se venger et promis mille tourments aux traitres. » « Ça ne m’étonnerait pas de lui. » murmura-t-elle. « La légende raconte que quiconque essaierait de sortir devrait traverser un Monde de Cauchemars. Enfin… les Ombres, pas les Chamans. Vous ne risquez donc rien. » « C’est étrange… » dit-elle pour elle-même. Pourquoi est-ce que Jun voudrait garder les Ombres ici, alors même que le Cycle n’avait jamais été autant perturbé ? « Après le Génocide nous nous sommes dit que, peut-être, nous… » Lilith sourit, ce qui stoppa net l’Ombre dans son explication. Très peu d’individus étaient au courant pour le quasi-anéantissement des Démons. Forcément, les Chamans savaient, puisque les Esprits savaient. À partir de là, les Ombres de la Terre d’Edel avaient été tenues informées. Les choses bougeaient, changeaient, évoluaient, et le fait de rester ici les plaçaient en dehors de tout. Certes, chacun avait une vie, une vraie vie, quelque chose de fort et de beau, avec des émotions pleines et entières et, surtout, la capacité d’enfanter et l’absence de trépas. C’était un véritable trésor mais, d’un autre côté, plus le temps passait, plus le peuple inconnu devenait fébrile. Il semblait que leur insolence ne serait pas sans conséquence. La vengeance d’Ezechyel hantait les esprits et, vu les nouvelles des autres continents, il semblait que la Vie n’avait pas la puissance nécessaire pour faire face à la Mort. Edel les protégeait, oui, mais jusqu’à quand ? Personne n’en savait rien et le doute rongeait les consciences, petit à petit. « Qu’est-ce qu’il y a ? » demanda l’homme. Lilith ne répondit pas et, au lieu de quoi, tourna simplement les talons pour rejoindre un Kazak.

Une fois qu’elle eut trouvé un navire, elle s’avança vers un homme au teint basané. « J’aimerais que vous remettiez ceci en personnne au Suprême de l’Au-Delà lorsque vous retournerez sur Awaku No Hi. » Elle lui sourit en lui tendant sa main. Il la fixa, plongé dans l’incompréhension. Un petit sourire en coin germa sur les lèvres de la Chamane, plutôt amusée de sa plaisanterie. Elle finit par faire apparaître l’objet en question. « Qu’est-ce que je dois transmettre comme message, avec ça ? » « Dîtes-lui… » Elle lui fit signe de s’avancer et murmura un « J’ai très envie de toi. » au creux de son oreille. Il se recula et la regarda, incrédule. Il était plutôt jeune, sans doute inexpérimenté mais assez pour pouvoir faire les traversées, accompagné d’autres membres de sa tribu. « Mieux… Voici ce que vous allez lui dire. » À dire vrai, elle s’amusait bien. Méditer et communier avec la nature entre deux prières la rendait désireuse de défier l’ordre établi et de se rebeller. Elle n’y pouvait rien. Elle faisait de nombreux efforts, pourtant, pour faire ce qu’on attendait d’elle.

Plus tard, après avoir obtenu une audience avec le Roi par l’intermédiaire de son Draugr, le Kazak se présenta. « Hǫfðingi. » dit-il en présentant ses respects. « J’ai un présent pour vous de… » Il ne savait pas réellement comment la qualifier. « De la part de votre sœur. Elle m’a demandé de vous dire les mots suivants. » Il s’éclaircit la gorge. Les jours précédents, il avait été pris entre rire et malaise mais, à présent qu’il était devant le Souverain, il était clairement mal à l’aise. L’ambiance lui paraissait aussi étouffante que dangereuse « Devaraj, cela fait plusieurs nuits de suite que je fais d’étranges rêves durant lesquels tu m’enlaces et, lorsque je me réveille, j’ai encore l’impression de sentir la caresse de tes mains sur moi. » Il fit une pause. « Pas que sur moi et pas que tes mains. » dit-il. « La méditation n’y change rien et j’y pense, encore et encore, au point de me demander si tu ne me rends pas des visites nocturnes. Ça ne me dérange pas mais, si c’est le cas, la prochaine fois, réveille-moi. » L’homme déglutit avant de baisser un peu les yeux, bien content d’en avoir fini avec la partie sexuelle du message, mais profondément gêné en repensant à la manière dont elle lui avait murmuré ce qu’il venait de prononcer. « Je vais bien. J’essaye de m’acclimater avec la tribu Delawam sur la Terre d’Edel, loin de ton mariage. Seulement, même là-bas, les rumeurs ne parlent que de ça pratiquement. Je vais finir par aller vivre en ermite dans une grotte, quelque part. Tes enfants vont bien, ils se développent à leur rythme. C’est amusant de les sentir bouger. J’ai toujours aimé ça. » Le Kazak fit une nouvelle pause. C’était bientôt fini. « Un peu comme ma liberté. Aussi, j’ai pensé que je pourrais te donner ça. Elles ont acquis une nouvelle fonction avec le temps. N’hésite pas à t’en servir et ne perds pas la clef, surtout. » L’homme tendit au Roi le présent. « Merci pour ton cadeau. J’espère que ce n’est pas empoisonné. »

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Cadeau: