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Isiode et Isley
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◈ Parchemins usagés : 1063
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Isiode et Isley
Jeu 27 Fév 2020 - 18:45



~ La scène se passe tout juste après le post IX des Gardiens des Cieux ~

Partenaire : Me, myself and I ♪
Intrigue/Objectif : Test de niveau. Un mal invisible mais sournois s’invite au cœur des explorations, affectant et dégradant la santé des individus du détachement. Alerté par les ravages causés par la maladie, le détachement devra rapidement trouver une solution au problème, au risque de devoir gérer une épidémie.


Ma tête rebondit violemment contre le sol. Mes dents claquèrent entre elles à l’élan de la chute et du choc, tandis que le reste de mon corps, par une vigueur instante, cherchait déjà une échappatoire à la prise qui me retenait par terre. Cependant, dès l’instant où les jambes de mon adversaire se resserrèrent de chaque côté de mon cou, je sus d’instinct qu’elle me tenait et que je ne pouvais me soustraire désormais. Nos regards allèrent naturellement à l’iris de l’autre, un moment de latence suspendant soudainement l’air et le temps, contraste particulièrement violent qui s’imposa entre le calme et la tempête. Mes muscles brûlaient encore de l’échange que nous nous étions livrés, vibrant d’une énergie qui ne faisait qu’enflammer, plus encore, le brasier qui incendiait mon corps. Le souvenir des feintes et des frappes, la piqûre de la douleur que je pouvais sentir à mes côtes et à mes poings, le goût amer, granulé et singulier de la sueur mêlée au sang et à l’essaim de poussières que nous avions soulevé et balayé tout au long de notre échange, me rappelait l’instant où nous nous étions mis à terre, emportés brutalement au sol par un coup de pied qui nous avait, tous deux, déséquilibré.

Successivement, nous avions pris le dessus de l’autre, bombardant d’attaques notre adversaire pour l’empêcher de riposter ou, au contraire, le narguant dans des déplacements agiles qui consistaient à le fatiguer. Et je ne saurais l’expliquer clairement, mais notre combat avait pris une drôle de tournure à un instant : les pièges ne se portaient plus contre notre opposant, ni même les offensives en général, qui se paraient instinctivement, coups après coups, sans qu’elle ou moi n’arrivions à reprendre l’avantage. À ce moment-là, j’avais senti l’énervement monter en moi, mu par un mécontentement tout singulier. Parce que je ne voulais pas perdre. Parce que je voulais lui prouver que j’étais, moi aussi, en mesure de la vaincre. Si j’aimais Edwina à ce point? Je n’en savais rien, d’accord! Je n’en savais fichtrement rien! Mais je ne m’étais jamais senti à la hauteur, ça, c’est vrai. Elle possédait cette aura particulière, cette force superbe et pour cela, je la respectais. Tout en la jalousant intérieurement – peut-être? Bon sang, je n’en savais rien, fichez-moi la paix. J’avais beau bien me sentir en sa compagnie, la considérer comme une bonne amie, je savais qu’un fossé existait entre nos deux êtres, un fossé que je n’arrivais pas à m’expliquer, mais qui était si flagrant à mes yeux, comme si nous progressions sur deux tableaux différents. C’est pourquoi je l’avais défié. C’est pourquoi, à ses paroles, je m’étais frustré. Avait-elle été récalcitrante à mon défi parce qu’elle me considérait comme faible? Je n’étais sûr de rien, mais dès que je su qu’elle était prête à y aller franchement, un sourire s’était esquissé sur le pan de mes lèvres, s’était amusé, s’était emballé. Peut-être qu’ainsi, je parviendrais à obtenir sa considération. Peut-être qu’ainsi, j’arriverais au même plan.

Mais je m’étais fait surprendre, retournant au sol, en raison de quelques mots seulement… C’était… étrange. Je n’avais ressenti aucun agacement à cet instant, rien qu’une immense confusion. Elle était sérieuse ou se moquait-elle royalement de moi? C’était bizarre, sa manière de l’avoir exprimé, sa manière de m’avoir jaugé. J’avais frissonné alors que l’éclat de nos regards se figeait l’un dans l’autre. Tu es à moi, m’avait-elle soufflé. Et je lui avais instantanément souri, la surprise de sa dernière répartie m’ayant plus que jamais redonné confiance. Comment? Pourquoi? Cela dépassait ma compréhension. Mais c’était, semble toute, si évident que je n’avais pu m’empêcher de sourire. C’est pourquoi je subtilisais discrètement l’un de mes bras de sa clef, tendant ce dernier jusqu’au col de son haut pour l’attirer à moi, mes yeux s’ancrant toujours plus profondément dans ses prunelles. J’étais sûrement très con. Parce que ce n’était que maintenant que je le voyais en réalité : elle m’avait toujours mise à la même hauteur qu’elle.

« Je ne comptais pas appartenir à qui que ce soit d’autre de toute façon. »

Perdre avait du bon finalement.

Changement de décor.

La pénombre nous enveloppait, le seul fragment de lumière qui perçait les ténèbres étant celui que nous renvoyait la Lune depuis une fenêtre, que je distinguais à peine – et dont l’existence m’était aussi importante que les fracas qui avaient secoué la toute première Ère. Parce que dans cette obscurité, je pouvais sentir ses mains sur ma peau, parcourir mon corps, imbibant mes sens de mille frémissements à chacun de ses mouvements. Assis et adossé à un mur, je baissais les yeux jusqu’à son visage, plongeant l’intérieur de mes iris dans ses prunelles. Je pouvais y lire une appétence inassouvie, un désir incandescent qui me frappait le visage au même rythme que les battements de mon cœur. Qu’est-ce qui se produisait? Qu’est-ce qui nous arrivait? J’avais l’impression d’avoir manqué une importante transition, perdue à tout jamais, semblerait-il, puisque je n’arrivais pas à la jouer dans mon esprit. Comment en étions venus à nous trouver dans pareille position? Je n’en avais aucune idée et pourtant, ce n’était pas comme si mon cerveau cherchait de véritables réponses à mes questions. Il se laissait emporter par l’instant, mon regard se joignant à sa dérive, tandis que ce dernier ne quittait les yeux de perle de la jeune femme, qui m’adressa un sourire. Comme hypnotisé, doucement, je glissais mes doigts jusqu’à ses pommettes pour lui attraper le menton. Et dans un souffle, je m’étais légèrement penché vers son minois, scellant plus ardemment encore mes lippes aux siennes, cherchant à rapprocher nos êtres. Et je pouvais la sentir, cette étreinte, s’approfondir. Ce sentiment était étrange, nouveau, particulier. J’avais l’impression de l’aim…




J’avais l’impression de ne m’être assoupi qu’une poignée de secondes à peine avant que mes paupières, mues par une force au-delà de mon entendement, se soulèvent naturellement, m’extirpant du même fait de mon sommeil. Durant les premières minutes de mon éveil, je n’osais bouger, pas même le petit orteil, incapable de rassembler mes esprits après le rêve qui venait d’hanter ma nuit. Lentement, je me redressais à l’intérieur de mes draps, portant une main tremblante à mon visage. Aucune palpitation secouait mon corps, à l’inverse de ce qui se produisait dans ce songe, et pourtant, je pouvais encore sentir la douceur de ses lèvres, son souffle caresser ma peau, mes mains toucher les siennes, chaque contact embrasant fiévreusement une parcelle de mon être. Je fermais les yeux, inspirant et expirant profondément. Ce n’était pas le moment, pas le moment de songer à ce fichu…

« Arrête de réfléchir à ce mariage… » Murmurais-je si faiblement à moi-même que les vocables en parurent inaudibles au fond de ma gorge.

Je déglutis difficilement, sentant comme une sorte de compression qui semblait retenir ma respiration. Folie et abjection… Ne pus-je m’empêcher de critiquer à mon endroit, la prise qu’exerçait ma main sur mon visage n’en étant que plus ferme et solide, comme si je désirais transpercer ma chair de mes doigts. Insensé, me répétais-je mentalement, incapable de mettre une raison à tout ce tourbillon. Parce qu’au contraire de mon homologue du monde onirique, je désirais avoir des réponses, savoir ce qui se produisait, ce qui était en train de manipuler mon esprit : vous avez bien lu. Je mesurais parfaitement mes mots. Cette tempête, à mes yeux, n’était pas le fruit de mon imagination, de mes inquiétudes vis-à-vis cette histoire de destin. Les Dieux m’avaient prédit un futur, et je n’avais pas désiré m’y plier. Était-ce ma punition? Était-ce un moyen pour me faire changer d’avis? C’était ridicule… Je ne pouvais pas combler leurs désirs, réaliser cette destinée : était-ce si difficile à concevoir?

C’est pourquoi, dans une énième respiration, je finis par retrouver le stoïcisme de mes traits, la froideur d’un regard aussi sombre qu’incandescent, quand bien même des reflets marins éclataient à la surface des prunelles. La lueur d’une lampe éclairait faiblement la pénombre qui s’était installée dans notre tente, à Hiddleston et moi : malgré l’heure tardive de la nuit, la flamme rougeoyait toujours faiblement. Une œillade en direction du soldat Locke, par ailleurs, m’indiqua qu’il dormait toujours. Je reposais mon regard droit devant moi, silencieux et immobile. Dehors, je pouvais les entendre, malgré la distance : les malades luttaient toujours contre le mal qui les étranglait à l’instar d’une poigne d’ogre. La toux était violente, brutale et déchirante. Je pouvais les entendre, malgré la distance, et à chaque éclat qui s’échappait douloureusement de leur gorge, mes jointures se crispaient sur ma couverture, ma mâchoire se contractait discrètement sur le bord de mes lèvres. Il y avait tellement plus important en jeu que cette destinée…



« Leurs symptômes s’apparentent à une infection des poumons. »

Le lendemain, après un temps considérable à effectuer des examens et des analyses, la Docteure Rachel Gaërel, cheffe de l’Unité médicale du détachement, et son équipe étaient prêts à prononcer un diagnostic concernant l’état des dix malades. Effectivement, dix. Parce que l’inconfort et la mauvaise condition du soldat Galathiel furent rapidement remarqués chez les autres membres du groupe qui, pour rappel, il y a quelques jours de cela, étaient partis tous ensemble étudier le bayou au sud du Val du Mistral. C’était la première fois qu’ils s’y engageaient aussi profondément et comptaient bien, dans les jours à venir, poursuivre la traversée du milieu humide afin d’en cartographier et d’en connaître tous les recoins. Ces propos pourraient vous paraître ambitieux, sachant la superficie de l’habitat. Néanmoins, ce serait être de mauvaise foi que de détourner les yeux sur les progrès qu’ils étaient parvenus à accomplir au cours de cette dernière excursion dans le marais. Toutefois, cette dernière s’était avérée plus dangereuse qu’escomptée, le retour de l’équipe se soldant par une vive et éclatante altération de santé de ses membres qui, un par un, se découvraient de subits problèmes respiratoires, de tremblements incontrôlables, de déconnexion avec la réalité… Acram Galathiel fût le premier à être repéré, son état s’étant altéré plus rapidement que ses collègues, semblerait-il.

En effet, la journée même de leur retour au site d’opération, j’avais remarqué que le Fantassin ne semblait pas être au mieux de sa forme. Sa peau était affreusement pâle et des poches aussi grosses que mes poings pendaient à ses yeux, signe d’un manque évident de sommeil; sommeil, pourtant, qu’il était tout de suite parti récupérer à son arrivée, prétextant qu’après quelques heures, il reprendrait du poil de la bête. Cependant, c’était sous-estimer le pronostic de son état, sous-estimer les dommages réels qu’avaient déjà causé la maladie à son organisme. Lorsque j’avais pris conscience de sa condition, sollicitant sa présence pour le repas du soir, une toux bruyante, gutturale, grasse et étouffée par des expectorations, s’était cassée à la frontière de ses lèvres comme toute réponse à mes interrogations. Son corps avait nerveusement tressauté à chacune des quintes qu’il avait violemment et douloureusement expiré. Je m’étais rapidement redressé, ne prêtant qu’un bref regard en direction du sang qui maculait la surface de sa couche, à hauteur de son visage, avant de filer à toute vitesse en direction des tentes médicales.

« Nous avons un problème, avais-je soufflé en croisant les œillades avisées des quelques soignants qui se trouvaient sur place. Il s’agit du soldat Galathiel… Acram Galathiel. Il s’est mis à cracher du sang. »


1 877 mots | Post I


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Isiode et Isley
Dim 1 Mar 2020 - 0:10



« Leurs symptômes s’apparentent à une infection des poumons », nous avait donc annoncé la cheffe de l’Unité médicale, tendant un parchemin à l’endroit de l’Archange qui lut ce qui y était inscrit, sans prononcer de mots à vive-voix.

De toute façon, cela n’aurait pas été nécessaire, Rachel Gaërel reportant ses iris aux reflets lilas dans notre direction.

« Habituellement, ces symptômes se manifestent bien plus tardivement, et sur des gens qui auraient certaines propensions pour contracter la maladie, comme un système immunitaire plus affaibli, en raison d’une autre infection, de la vieillesse, de la malnutrition… Les alcooliques, les enfants ainsi que les individus souffrant déjà de troubles ou bien d’infections sont également les plus à risque, mais dans les cas que nous avons sous la main aujourd’hui… Il s’agit, pour la grande majorité, de patients qui n'ont aucun antécédent médical et pourtant, les symptômes se sont exprimés très tôt, beaucoup trop tôt, même pour ceux et celles qui ont quelques prédispositions à leur désavantage. »

La femme de médecine croisa les bras, toisant, dans un balayage visuel, le petit rassemblement qui avait été appelé, cet après-midi. L’annonce de la convocation avait rapidement fait le tour du campement, une trentaine d’individus s’étant présentés devant la tente des opérations dans laquelle nous avait attendu l’Olori Ivanhnoé ainsi que la Docteure Gaërel pour faire le point quant à la situation. Le reste du détachement, s’il ne se trouvait pas sous les tentes médicales à combattre leurs maux ou à porter des soins aux malades, était soit au cœur du Val du Mistral, à poursuivre leur excursion, soit avait filé, tôt dans la journée, sous la responsabilité de Violaine Kochner et d’Horald Jaspe, afin de débuter le tracé du sentier qui mènerait jusqu’aux pieds de la ceinture de montagnes.

« Le pathogène, poursuivait le médecin, qui leur a causé autant de tort semble être extrêmement virulent, compte tenu des dommages qu’il a causé aux poumons des victimes et ce, en si peu de temps. »

La femme fit mine de réfléchir quelques secondes, mais décréta, après consultation avec elle-même, qu’il serait peut-être judicieux de nous éclairer quant aux conséquences qu’elle et son équipe avaient pu observer dans l’organisme des victimes de l’infection.

« Nous n’avons pas encore de piste précise quant à l’identification du pathogène, mais nous avons de bonnes raisons de croire qu’il puisse s’agir d’une bactérie : la possibilité que ce soit un virus n’est également pas écartée. Quoi qu’il en soit, en raison de cette contamination, les alvéoles des victimes se remplissent d’un liquide infectieux et… Ah… Je vois quelques points d’interrogation dans vos yeux. Pour faire simple, imaginez-vous que les alvéoles soient des grappes de raisins situés au bout de nos bronches, à l'intérieur de nos poumons, et leur rôle consiste à transmettre l’oxygène jusqu’à notre sang, clarifia la praticienne en vulgarisant. Par conséquent, si les alvéoles des malades se remplissent de liquide, l’air ne sera plus en mesure de pénétrer dans ces derniers, mettant ainsi un frein à l’échange gazeux tout en apportant sa panoplie de problèmes au tableau : toux, fièvre, problèmes respirations, et j'en passe. »

Du coin de l’œil, elle vit l’Archange Nathanaël lui tendre le document, qu’elle reprit en main après lui avoir échangé une rapide œillade de côté.

« Pour l’instant, il semblerait que seul les membres du groupe partis au bayou du sud ne soient infectés et que le berceau de la maladie ne se limite qu’au secteur du marais. Pour l’instant, insista-t-elle de nouveau en nous lorgnant de son œil sévère, consciente qu’il ne faudrait pas baisser sa garde pour autant, c’est tout ce que nous avons comme information. Alors restez vigilants. Alertez-moi ou n’importe lequel de mes collègues de l’Unité médicale si vous ne vous sentez pas bien ou si vous êtes témoins de quoi que ce soit : une fièvre, un manque de sommeil, d’énergie, d’appétit, peu importe. Nous ne voulons prendre aucun risque inutile en ne portant pas assez d’attention à un éventuel fléau.

- Et pour la maladie qui affecte actuellement vos patients, intervint finalement l’Archange, avez-vous trouvé un traitement pour les soigner rapidement? »

Le médecin, d’une apparence beaucoup plus jeune que son âge, confirma les dires du responsable du détachement d’un signe de la tête.

« C’est en cours d’évaluation au moment même où je vous parle. Pour l’heure, nous nous tournons sur un procédé magique qui nous permettrait de détruire la bactérie à l’œuvre. Nous aimerions faire les choses rapidement, surtout en raison de l’état du patient Galathiel, qui est le plus préoccupant. »

Au nom du Fantassin, j’aperçus, du coin de l’œil, Hiddleston serrer des poings.

« Nous voulons surtout nous assurer que les symptômes ne persistent pas après le traitement, voire qu’ils puissent s’aggraver, en raison d’une mauvaise procédure qui ne correspondrait pas à la nature de notre indésirable. Les rechutes sont toujours possibles après tout, mais nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour soigner ces gens dans les plus brefs délais, nous réconforta immédiatement le médecin en nous adressant un regard plus doux, agrémenté d’un sourire optimiste. Dans tous les cas, je vous conseille de porter un intérêt particulier à votre hygiène afin de réduire les risques de contamination. Éternuer et tousser dans votre coude, essayer de limiter le plus possible les contacts directs entre vous ou de ne pas toucher à des objets qui pourraient être infecté. Lavez-vous régulièrement les mains aussi. Nous ne sommes jamais trop prudents. »



Tout avait commencé par une sorte d’irritation à la gorge, une toux bénigne. Il ne s’en était pas véritablement préoccupé, concentré dans sa tâche, à essayer de soutenir au mieux le reste de ses compagnons. Les plantes étaient si belles, les animaux si curieux, et, de ce fait, il n’aurait jamais su qu’un tel nuisible pouvait se cacher au milieu de tant de beauté. Parce que le bayou dans lequel ils avaient pénétré, lui et le reste de son groupe, avait une végétation toute particulière à son regard d’apprenti en herbe. C’était la première fois qu’il posait les yeux sur pareil diaporama, en réalité. Les couleurs, sans être flamboyantes, captaient nécessairement l’attention de tous ceux qui traversaient l’eau stagnante du marais. La haute canopée laissait filtrer quelques rais de lumière jusqu’au sol, octroyant à ce paysage un aspect tout féerique, une atmosphère sereine et pacifique. Il avait pu observer des ballets de demoiselles voltiger à travers la flore basse de la zone marécageuse, croiser les pupilles grosses et rondes des grenouilles de la région, tout en apprenant davantage à propos de cette flore et de cette faune particulières auprès de ses camarades de sortie. Il s’amusait un peu, en quelque sorte, voyant en ces explorations non pas seulement un moyen de redorer le blason angélique, mais également un moyen de se rapprocher de leurs alliés, dont les tensions battaient leur plein, pourtant, sur les continents. Tout allait véritablement pour le mieux. Vraiment.

Et il s’était mis à cracher du sang. Puis à subir les contrecoups d’une forte fièvre, qui le faisait délirer dans des périodes plus ou moins longues, selon le degré qu’atteignait le symptôme. Les frissons, par ailleurs, n’étaient pas en reste, faisant trembler l’intégralité de son être dans des spasmes révoltés et lancinants. Et c’était sans compter les douleurs à la poitrine, les sensations de faiblesse malignes, les maux de tête affreux et la respiration sifflante qui semblait labourer sa gorge. Les gens dont il croisait le regard, lors de ces périodes lucides, le dévisageaient bizarrement. À tous les coups, il était en mesure de les voir discuter au-dessus de sa tête, sans qu’il puisse, pourtant, percevoir les paroles qu’ils s’échangeaient. Que disaient-ils? De quoi parlaient-ils? Il voulait savoir. Il leur demandait sans cesse, mais tout de suite, les gens se mettaient à couvrir leurs propos de douceur et de miel, le cajolant de sourires et de « Tout ira pour le mieux. Vous guérirez, ayez la foi. » La gravité de leur expression fondait comme neige au soleil. Mais il savait. Il savait que quelque chose n’allait pas. Ils avaient beau lui susurrer que tout irait bien, il ne se sentait pas bien. Que se passait-il? Pourquoi personne ne désirait lui dire ce qui se passait? Il… Il allait mourir, pas vrai? Il n’avait plus aucune chance, c’est bien ça?! En avait-il seulement déjà eu une?! Pourquoi personne ne lui parlait! Pourquoi tout le monde discutait dans son dos!

Empoisonnant son esprit à la manière d’un Malin possédant l’énergumène, l’incertitude, la peur, la panique, l’angoisse, l’anxiété, l’épouvante, la détresse, le désarroi, le tourment, et nous pouvions passer des heures à les énumérer, mais tous ces sentiments étreignaient présentement la conscience malade du pauvre Acram, qui se plongeait, irrémédiablement, dans un trouble profond, dans un trouble silencieux, qui lui faisait perdre, peu à peu, toute perception authentique de la réalité.

Et à partir de cet instant, tout allât mal. Vraiment mal.



Les constructions qui mèneraient à la fondation du premier chemin accessible du territoire allaient bon train. Violaine et Horald géraient assidûment les travaux, sous la supervision ponctuelle du chef de l’Unité de défense, Steiner Hōss. Les deux compagnons misaient aussi bien sur la force physique que sur la Magie pour établir la route la plus sécuritaire possible, sans nuire à la Nature des prairies et aux animaux qui en foulaient quotidiennement le sol, surtout les troupeaux de Donsikhi. Outre ces travaux, les sorties hors du site des opérations étaient relativement restreintes désormais, non pas en raison d’une quelconque quarantaine, mais surtout parce que nous nous préparions pour le prochain voyage, qui consisterait à traverser, d’ouest en est, la région du Val du Mistral pour rejoindre la ceinture de monts. À partir de ce point, il nous serait alors possible de rejoindre les fameux plateaux de terre qui se trouvaient bien au-delà de la chaîne montagneuse. Les cartes et les descriptions laissées par les premiers éclaireurs faisaient rouler notre imagination avec une certaine promptitude, alors que nous songions aux nouveaux paysages qu’il nous serait possible d’observer, et aux nouveaux mystères qu’il nous serait possible d’élucider. Parchemins sous les bras, je me préparais à rejoindre Hiddleston, qui avaient besoin de ces derniers pour compléter ses mémoires. J’avais bien conscience que je ne m’attarderais pas sur place : il était bientôt l’heure de ma patrouille et je devais, également, récupérer le rapport oral de l’équipe qui nous précède, mon binôme et moi. Par chance, depuis la mise en place de ces fameuses rondes autour du talus et du Rivage, nous n’avions essuyé que quelques attaques de la part des prédateurs de la plage, qui revenaient de moins en moins souvent sur les lieux des heurts entre eux et nos équipes.

Sur mon chemin, je croisais l’Archange Nathanaël ainsi que la Docteure Gaërel, qui discutaient. Ils mirent une pause à leur conversation en m’apercevant et je les saluais respectueusement en abaissant le buste vers l’avant, sans mot dire, avant de reprendre ma route. Ce ne fût bien long avant qu’ils reprennent le fil de leur discussion. Cependant, je percevais leurs propos aussi bien que si je m’étais trouvé à leurs côtés, mon ouïe, je l’avais remarqué, semblant particulièrement plus sensible aujourd’hui qu’il ne l’était il y a un mois. Par conséquent, j’étais en mesure de comprendre ce qu’ils se chuchotaient, de percevoir l’inquiétude qui coulait de leurs paroles, alors qu’ils conversaient secrètement de l’état détériorant du soldat Galathiel ainsi que de quelques-uns des autres malades.

« … Et vous êtes certaine d’avoir éliminé toute présence de la bactérie?

- Oui. Parfaitement certaine. Les patients les plus atteints ont été les premiers à avoir été traités et, désormais, ils n’ont plus aucun problème respiratoire, leurs alvéoles se vident progressivement du liquide purulent. Pourtant, ils sont agités, extrêmement agités. Ils semblent délirer et la fièvre persiste. Nous n’arrivons pas à la faire retomber.

- Même avec la…

- Même avec la Magie, oui, la coupa la jeune femme en se pinçant l’arête du nez. Nous nous sommes tout récemment tournés vers la médecine plus traditionnelle, mais nous poursuivons nos efforts du côté magique également. Il ne reste plus qu’à espérer que cela nous donnera des résultats… »

Je venais de pénétrer dans la tente des opérations, là où m’attendait le soldat Locke. Je lui tendis les parchemins désirés tout en le gratifiant d’un sourire distrait, mon attention exclusivement tournée vers la conversation entre l’Olori et la cheffe de l’Unité médicale.

« … ode… Isiode? »

Je battis discrètement des paupières, ancrant mon regard dans les iris bleus foncés de mon collègue.

« Excuse-moi, je réfléchis à autre chose. Que disais-tu?

- … Tout va bien? »

Je ne prononçais aucun vocable pendant une poignée de secondes, ce qui alarma instantanément mon compagnon, qui se redressa lentement de son siège.

« Eh… S’il y a quelque chose qui te tracasse, tu te dois de nous en avertir. Qu’est-ce qu’il y a?

- … Je ne sais pas vraiment… Finis-je par murmurer, perplexe. Il semblerait qu–

- Vous voulez me tuer, c’est ça! J’ai tout compris!

- So-Soldat Galathiel! Je vous en prie! Calmez-vous! »

Les éclats de voix explosèrent violemment entre mes deux oreilles et, dans un bond, je me propulsais à l’extérieur de la tente des opérations.

« Isiode?! »

En repoussant brutalement la toile de la tente, je m’attendais à apercevoir une confrontation, mais tout était calme dehors, chacun faisant ses petites affaires. Seuls les regards de Rachel Gaërel et de Nathanaël Ivanhnoé me dévisageaient depuis leur position, ayant aisément perçu mon agitation.

« Isiode, eh, qu’est-ce qui t’arrive? »

Hiddleston se rapprochait de moi, voulant poser une main sur mon épaule, mais je me dérobais rapidement de sa poigne, filant comme une flèche jusqu’à la zone médicale.

« Qu’est-ce qui lui prend?

- Je ne sais pas!

- Soldat Yüerell! Que faîtes-vous! N’entrez pas dans la zone médicale sans protect–

- AAAAAAAAAAAAAAAAAAH!!! »

Le hurlement nous glaça le sang.


2 326 mots | Post II


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Isiode et Isley
Dim 1 Mar 2020 - 3:25



« … Qu’est-ce qui lui a pris, tout à l’heure? »

Rachel Gaërel ne me répondit pas tout de suite, prétextant silencieusement qu’elle était occupée à évaluer mon état.

« Docteure… Pourquoi Acram a-t-il attaqué cette soignante?

- Nous ne le savons pas, finit-elle enfin par avouer, les dents serrées. Quelque chose nous échappe. La bactérie a pourtant bel et bien été éliminé de son organisme et malgré cela… Il devrait guérir. Mais ça va de pire en pire. »

Tout compte fait, je ne pense pas qu’elle s’était directement adressée à moi en ouvrant la bouche. Son regard se perdait dans la vague, signe faciale de son intense réflexion, alors que ses doigts effectuaient des gestes mécaniques, comme s’ils savaient parfaitement ce qu’ils faisaient, sans que l’attention de leur propriétaire soit réellement portée sur eux.

« Est-ce qu’elle va bien?

- Pardon? »

Je le savais.

« La jeune femme que le soldat Galathiel a agressé – Élisée? Comment se porte-t-elle?

- Oh… Héliée. Oui, oui, elle va bien. Je l’ai évalué juste avant de vous recevoir et elle aura congé pour le reste de la journée. Plus de peur que de mal, comme on dit : ça l’a particulièrement secoué. »

Le médecin émit un rire nerveux, dans une vaine tentative d’alléger l’atmosphère, avant de se replonger dans son travail.

« … Acram guérira-t-il vraiment? »

Une fois de plus, le mutisme fût la seule réponse que j’eus droit, les yeux de la jeune femme se plissant instinctivement. Je conservais également le silence, attendant, malgré tout, qu’elle reprenne la parole. Mais plus les minutes s’égrenaient et plus je me disais que tout cela était vain.

« Je sais ce qu’il en est : je vous ai entendu en parler avec l’Archange Nathanaël. »

Autant jouer le tout pour le tout. Et, comme escompté, les yeux lilas de la jeune femme rencontrèrent enfin mon visage. Pour la première fois depuis que j’avais été amené dans la zone médicale, Rachel Gaërel avait daigné m’adresser un regard. Un vrai.

« Ah oui? » Rétorqua-t-elle, prudente.

Elle me testait, voir si je bluffais. Je soupirais.

« Vous êtes parvenus à éliminer la bactérie pour les patients qui composaient, depuis des jours, avec les symptômes les plus graves. Ils respirent mieux, ne crachent plus d’expectorations. Sont-ils encore considérés comme contaminés? Je n’en sais rien, mais ils seraient tirés d’affaire, pour le moins, c’est ce que vous avez cru. »

Je relevais la tête, portant mon visage en direction de la pièce qui juxtaposait la nôtre. Il fallait savoir que la zone médicale correspondait à tout le secteur dans lequel se trouvait les tentes des médecins ainsi que l’immense structure de toiles qui nous faisait office de centre de soin. Extrêmement long et large, la tente, aux allures de chapiteau, pouvait accueillir près d’une cinquantaine de patients en son sein et était composée de plusieurs chambres, lesquelles étaient séparées par des tissus plus ou moins opaques pour former des murs et des habitacles singuliers. Si nous nous trouvions dans l’une de ces chambres, Acram avait été placé dans celle attenante, où il ne pourrait échapper à la vigilance de la praticienne s’il advenait qu’une nouvelle crise le frappe.

« Mais il semblerait que vos patients perdent le contrôle. Que leur fièvre, malgré tous vos efforts, ne retombe pas. Pourquoi? Vous ne le savez pas vous-mêmes. Mais ce qui me préoccupe d’autant plus, c’est pourquoi, vous n’en informez pas le reste du détachement? »

Mes yeux, de nouveau, s’étaient braqués sur son faciès et cette fois, c’était comme si Rachel Gaërel était prête à me faire face.

« C’est ce que nous comptions faire, l’Olori et moi. Ce soir, m’avoua-t-elle finalement en relâchant un soupir. Nous manquons simplement de mots, justes, pour rassurer les membres de la campagne… »

Elle se mordit les lèvres, anxieuse.

« Mais je vous l’assure, c’est la première fois que l’un de nos patients se comportent de la sorte. Au mieux, il alignait des paroles inintelligibles les unes à la suite des autres; au pire, il n’était pas réceptif à la médication que nous lui administrions, beuglant qu’il sait ce que nous lui faisons subir, qu’il sait que nous lui voulons du mal… »

À son tour, elle fixa l’entrée de la chambre dans laquelle se reposait le soldat Galathiel.

« Je ne sais pas comment le prendre. Il a l’air d’être complètement perdu. Pris dans son monde. Dans un délire imaginaire. Comme s’il avait coupé tout contact avec la réalité… Nous pensions qu’en misant nos efforts pour faire tomber la fièvre, cela réglerait le problème, mais elle ne se soigne pas! Je ne sais pas pourquoi! »

Elle marqua son monologue d’une courte pause avant de reprendre, un peu plus calmement :

« Encore merci de l’avoir maîtrisé. Cela devient de plus en plus difficile au fil des jours. »

Au cri de la jeune Héliée, je m’étais aussitôt précipité à l’intérieur de la zone médicale, m’enfonçant sous le toit de l’espèce de petit chapiteau pour apercevoir un Acram complètement déconnecté tenir un scalpel au-dessus du visage de la jeune femme. Elle l’implorait. Lui ne semblait écouté. Il n’arrêtait pas de répéter qu’elle aussi, elle l’avait trahi, qu’elle aussi ne voulait que sa perte. Et demandait des explications. Pourquoi? Pourquoi tant de haine? Héliée avait tenté de s’expliquer, sa voix chevrotante en raison de la peur qui la faisait suffoquer sous la menace de la lame. Mais je l’avais promptement coupé dans ses excuses, apposant ma main sur le front extrêmement brûlant de mon confrère. Ce dernier s’était aussitôt crispé, son visage, par coups saccadés, cherchait à rencontrer le mien. Mais il n’avait pu voir plus que mon torse ou mon cou, son corps s’effondrant au sol.

« Quelque chose se trafique dans son cerveau.

- Vous pensez?

- C’est ce qui me parait le plus logique maintenant. Son corps devient insensible à nos anesthésiants, il devient de plus en plus agressif et violent…

- … Vous croyez pouvoir le sauver? » Répétais-je tranquillement.

La docteure planta son regard dans le mien, farouche et inflexible.

« Absolument. C’est mon travail de me battre jusqu’au bout pour mes patients. Je n’en laisserais aucun mourir. Pas tant que je n’aurais pas épuisé toutes les possibilités. »



Désolé… Désolé… Il était tellement, tellement, tellement désolé… Il n’avait pas voulu tout ça. Il n’avait pas voulu la blesser. Il fallait le croire. Il n’aurait jamais voulu lui faire du mal. Il ne sait pas ce qui lui a pris. Tout à coup, sans qu’il puisse le contrôler, il s’était senti emporté dans une vague de fureur et d’effroi. Il était terrorisé, terrorisé par ce que la douce Héliée pouvait lui cacher. Parce qu’elle aussi, elle lui cachait des choses. Elle aussi, malgré tout ce qu’elle lui avait promis, ne lui disait pas la vérité. Comment pouvait-il faire confiance à une menteuse? Comment pouvait-il la croire de nouveau si elle aussi, elle se mettait à parler dans son dos? Il avait voulu la remettre à sa place, lui faire ressentir ce qu’il subissait intérieurement, en raison de toutes leurs cachotteries, en raison de leur trahison. Mais il était allé trop loin. Vraiment trop loin. Il ne s’est pas ce qui lui a pris. Il ne comprend pas. Vraiment pas. La haine et l’ire l’avaient envahi, sans idée précise, sans déclencheur particulier : il l’avait simplement observé et ce fût comme une révélation, comme la lumière qui, brusquement, s’éclaire dans un couloir rempli de noirceur et d’obscurité. À cet instant-là, il l’avait vu sous son véritable jour, sous son vrai visage. Elle était avec eux. Elle aussi, elle complotait contre lui, avec tout le reste de ces gens qui allaient et venaient au-dessus de sa couche pour lui faire boire des concoctions et d’autres mixtures étranges. Ils disaient que c’était pour son bien, que c’était pour faire retomber la fièvre brûlante qui le saisissait et l’agitait, mais il connaissait la vérité. Oh oui, il avait vu à travers leurs faux-semblants, leurs faux sourires, leur fausse affection. Ils étaient tous des traîtres. Ils voulaient tous le tuer. Héliée aussi voulait mettre fin à sa vie. Mais pourquoi? Qu’avait-il fait pour mériter un tel sort? Qu’avait-il fait pour que tous ses amis se détournent de lui de la sorte? Il avait envie de pleurer, de crier. Il était confus, perdu, il ne comprenait absolument rien à ce qui avait bien pu se produire. Combien de temps cela durait? Des jours? Des semaines? Des MOIS?! Il avait perdu la notion du temps. Cependant, les séquelles étaient bien là, le marquaient profondément. Parce que sa réalité, brusquement, venait de changer. Tous ceux qu’il avait cru être bons à son endroit, gentils et attentionnés, apparaissaient désormais à ses yeux comme des gens mauvais et nocifs. Qui ne désiraient que le détruire. Qui se contrefichaient éperdument de son bien – si bien s’étaient-ils déjà souciés, ne serait-ce qu’une fois, par le passé…

Ô Diana, pourquoi lui faisaient-ils subir tout cela? Ô Diana, pourquoi tous ses amis le détestaient désormais? Quels maux avait-il fait tomber sur leur tête? Quels malheurs leur avait-il fait endurer pour qu’ils veuillent, avec tant d’acharnement, l’assassiner? Il avait envie de pleurer, de crier, de hurler, de s’enfuir. Oui, de fuir. C’était la seule solution pour ne pas mourir ici. Il devait partir. Très bonne idée. Très, très bonne idée. Il devait se lever, mais son corps était encore bien engourdi. Ça devait être un poison. Il le réalisa brusquement. Ces gens voulaient-ils le tuer par empoisonnement? Par tous les Ætheri, pourquoi? Pourquoi? POURQUOI? Pourquoi lui? Il essuya ses larmes, cherchant dans le peu de force qui lui restait toute la volonté nécessaire pour se redresser sur sa couche. Et poser, délicatement, ses pieds au sol. Un mal de crâne l'assomma, sa tête lui faisait mal. Il grinça des dents, mais tint bon. Ce ne serait pas une drogue comme celle-ci qui allait pouvoir l’arrêter. Il pourrait enfin être libre. Il pourrait enfin s’enfuir et goûter de nouveau à sa Vie. Ô Diana, n’était-ce pas merveilleux? Pas après pas, il avait l’impression de renaître, comme s’il venait de s’éveiller après une longue période, plongé dans le coma. Il pourrait partir et rien ni personne ne l’empêchera.



« Bien. Vous n’avez rien, conclue la jeune femme en se redressant, m’invitant à faire de même. Même si toute bactérie a quitté le corps d’Acram et que je doute qu’il ait pu vous contaminer, je voulais m’assurer que vous soyez sans danger. Vous pouvez prendre congé et retourner à vos besognes. Rappelez-vous…

- Aucun contact direct. Tousser et éternuer dans mon coude. Me laver régulièrement les mains. Oui, je sais.

- Et si vous soupçonner quoi que ce soit, venez immédiatement me voir. »

Elle ressemblait à une mère. Mais je comprenais son inquiétude et c’est pourquoi, sans faire d’histoire, j’acquiesçais. Elle ne voulait prendre aucune chance. Déjà que deux de ses médecins avaient contractés la maladie, quelques jours plus tôt, elle avait tout mis en œuvre pour qu’une telle chose ne se reproduise plus, que ce soit pour ses pairs ou pour le reste du détachement qui était sous sa responsabilité.

« Allez ouste, maintenant! Filez! J’ai du travail qui m’att… … Acram?! »

Rapidement, je fis volte-face. Le soldat Galathiel venait de traverser la toile qui séparait sa chambre de la nôtre et il nous fixait d’un air absent. Il restait muet, longtemps.

« Acram, vous ne devriez pas vous lever dans votre état. Retournez dans votre lit, s’il-vous-plaît. »

Enfin, il bougea, sa tête, plantant ses yeux toujours aussi verts, dans l’améthyste des iris de la cheffe d’Unité.

« Non. Je ne retournerais pas là-bas. »

Mes sourcils se froncèrent. L’inflexion de mon collègue, si enjouée et dynamique d’accoutumée, sonnait comme la voix d’un mort – quand bien même un mort ne pouvait pas parler.

« C’est pour votre bien, Acram. »

Cette fois, une étincelle éclata dans les pupilles de mon frère d’arme, qui se mit à grogner. Ses yeux s’écarquillèrent tandis qu’il écartait grand les bras.

« Non! Non! NON! Nonononononon! Vous ne m’aurez pas! Je vivrais! VOUS M’ENTENDEZ! JE VIVRAIS! Je ne veux pas mourir… Je ne veux pas… mourir… S’il-vous-plaît… Laissez-moi… partir… »

D’outre-tombe, sa voix s’était soudainement modelée pour prendre des notes plus tristes et pathétiques. Il ourlait chacun de ses mots par un profond désespoir, plaquant ses mains contre son faciès, ses épaules secouées par des sanglots incontrôlés.

« Je m’excuse pour ce que j’ai fait. Je m’excuse. Sincèrement. Je ne voulais pas qu’elle me tue… Vous comprenez? Vous comprenez, n’est-ce pas?

- Oui, je comprends. »

La jeune femme s’approcha du Fantassin, posant une main sur son épaule. Elle était bien l’une des rares personnes à se permettre cela avec ses patients, puisque son corps avait, depuis longtemps, était exposé à toutes sortes de virus, poisons et maladies, qu’au terme de tous ces contacts, elle avait terminé par en être immunisé.

« La soignante Héliée ne reviendra plus vous voir, d’accord? Je veillerais sur vous. Alors aller vous reposer. Votre journée a été mouvementée, vous devez être fatigué. »

L’homme secoua sa tignasse brune.

« Acram…

- NON! NON! Vous aussi, vous voulez me tuer! Je le sais! Je vous entends! »


2 212 mots | Post III


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Isiode et Isley
Mar 3 Mar 2020 - 2:07



Je ne pus réagir à temps que les mains du soldat vinrent s’accrocher au cou de la praticienne.

« Vous vous êtes tous ligué contre moi! Vous pensez que je ne vous vois pas? Que je ne suis pas au courant de toutes vos manigances?! Vous parlez sans cesse dans mon dos! C’est infernal! Qu’ai-je fait pour mériter votre haine?! HEIN?! QU’EST-CE QUE J’AI FAIT, PAR LES DIEUX! »

Les doigts de Galathiel se resserraient autour de la gorge de la jeune femme. J’esquissais un premier pas, ouvrant ma paume dans l’intention d’y faire apparaître une Lame Fantôme, mais Rachel me fit signe de ne pas bouger. J’allais protester, mais le regard qu’elle me gratifia me freina brutalement.

« Je suis désolée, Acram… Désolée si nous t’avons fait croire cela… »

Aisément, nous pûmes noter son changement de ton et de familiarité : elle s’était mise à le tutoyer.

« Ce n’est pas notre but, crois-moi. Tu n’as rien fait pour mériter quoi que ce soit. Au contraire, nous nous inquiétons pour toi et c’est pour cela que nous voulons te venir en aide.

- Menteuse! Menteuse! MENTEUSE! »

Ma mâchoire se contracta. Pourquoi je n’arrivais pas à contrôler ses émotions? Même le Sanctuaire d’Ahena était inefficace! C’était comme si tous les sentiments qui le secouaient parasitaient son esprit, m’empêchant d’interférer en faveur du médecin qui se trouvait entre ses griffes. Discrètement, je fis un nouveau pas dans leur direction, voyant bien que le Fantassin ne me portait aucune attention, tellement concentré par celle qu’il tenait dans sa poigne et qu’il pouvait briser en esquissant un seul geste spontané.

« Pourquoi voudrions-nous te faire du mal, Acram? Reprenait Gaërel en entourant les poignets du malade de ses doigts fins. Tu es l’un des nôtres. Tu es notre partenaire, notre camarade. Nous t’aimons, Acram. Nous voulons t’aider et…

- FÉLONNE! TAIS-TOI! »

Violemment, le revers de sa main vint claquer la joue de la jeune femme, dont la tête se renversa brutalement sur le côté.

« A…Acram, je t’en prie… »

Je me mis aussitôt en mouvement.

« NON! »

Faisant fi de l’injonction furieuse de la docteure, je m’élançais jusqu’à mon compère, contractant mes doigts à l’intérieur de ma paume pour venir coller sauvagement les jointures de mon poing sur son profil. Il relâcha la jeune femme, tomba au sol, et sans hésiter, je le plaquais par terre, une main à son col et l’autre au-dessus de son nez.

« Yüerell! Arrêtez! »

Je ne lui prêtais qu’une oreille sourde, mon regard plongé dans les pupilles dilatées de mon frère d’arme. Il avait les yeux d’un dément, d’un sauvage… Non. C'était autre chose : il ressemblait plutôt à un animal effrayé. À cette réflexion, mes dents se serrèrent férocement entre elles. M’arrêter? Quelle blague… Seulement lorsque Galathiel serait hors d’état de nuire. Sous mon poids, le milicien tentait vainement de se défaire de ma prise, ses poings rencontrant mes côtes avec une brutalité barbare, avec une violence agressive, avec un désespoir animal. J’encaissais sans broncher chacun des chocs qu’il me renvoyait en représailles, la brûlure que je sentais étreindre mes côtes s’étendant progressivement à l’ensemble de mes flancs. Même après tant de temps passé en convalescence, le militaire n’avait pas perdu sa poigne : au contraire, il semblait plutôt avoir égaré tout autre chose, et je ne saurais dire s’il s’agissait de sa lucidité ou bien de sa dignité.

« JE LE SAVAIS! TOI AUSSI, TU M’AS TRAHI! ALORS QUE NOUS AVONS COMBATTU CÔTE À CÔTE SUR LES CHAMPS DE BATAILLE! »

Je ne faisais que le fixer, sans mot, ne laissant filtrer aucune émotion sur mon faciès. Avant d’envoyer une nouvelle vague de Magie pour le paralyser en plaquant brusquement ma main contre son front.

« Détrompes-toi », lui partageais-je simplement, voyant la tête de mon confrère s’écraser par terre.

Ses yeux m’observaient, fixes et rigides, alors que l’intérieur de ses pupilles semblaient trembler de rage et de crainte profonde. Bientôt, ce furent ses bras qui retombèrent également de chaque côté de son corps : de la résistance redoutable dont il avait fait preuve, il n’en restait plus aucune vague. Satisfait mais troublé, je me relevais prudemment, tournant mon visage en direction de la cheffe de l’Unité médicale. Elle était au sol, une main sur sa joue, contemplant d’un œil incertain la silhouette de son patient.



Ce ne fût qu’une question de minutes avant que le dignitaire royal soit mis au courant des événements qui avaient eu lieu dans la zone médicale. En moins de vingt-quatre heures, le Fantassin de la Troupe Xēna, Acram Galathiel, avait agressé deux des membres du détachement. Pris dans on-ne-savait-quelle folie de détresse, il avait d’abord menacé la jeune soignante Héliée Galadhras pour, quelques heures après seulement, s’attaquer à la Docteure Rachel Gaërel. Cette dernière, lorsque l’Olori convoqua l’ensemble des chefs d’Unité pour discuter de la suite des événements, avait encore des marques à sa gorge, rouges et affreuses, conséquences de l’agression du soldat à son endroit.

« Vous allez bien? »

De but en blanc, avant toute autre introduction, Nathanaël Ivanhnoé voulut connaître l’état de sa seconde, qui lui affirma qu'elle se portait bien. Toujours plus de peur que de mal, il semblerait, mais il fallait s'assurer que l’inverse ne se produise jamais.

« Combien de temps cela va durer? »

Le chef de l’Unité de défense, Steiner Hōss, porta son regard, tour à tour, vers l’Archange et la praticienne.

« Si cela continue, lui et d’autres de vos patients pourraient vraiment blesser quelqu’un. »

Il se tut, laissant la pensée s’ancrer dans l’esprit de ses collègues, avant de renchérir sur le même ton grave :

« Voire pir–

- Non… Je ne laisserais pas cela se produire. Laissez-moi plus de temps pour les évaluer, plus de temps pour apporter de nouveaux diagnostics et je les soignerais. Tous. Vous avez ma parole.

- Rachel… Tu sembles sous-estimer la situation. »

L’œil en feu, la docteure toisa la cheffe de l’Unité scientifique, Lucina Bacher, qui glissa, par réflexe, un pied vers l’arrière.

« J’ai parfaitement conscience de la situation, Bacher, s’énerva le médecin sans pour autant hausser la voix. Ils sont malades. Ils ont, plus que jamais, besoin de nous et je ne fermerais l’œil que quand chacun d’eux se portera mieux.

- Le soldat Acram n’est que le premier! Riposta instantanément Lucina en plaquant ses deux mains contre la table qui les séparait, faisant trembler le bois du mobilier. Et d’autres patients – combien encore? Quatre? Cinq? – commencent, eux aussi, à s’agiter, à aligner des non-sens, et à se montrer extrêmement agressifs! »

La Docteure Gaërel ne pouvait le nier : elle était parfaitement au courant de cela. Pourtant, ses convictions l’empêchaient de voir le pire, l’empêchaient de baisser les bras. Elle devait tout faire, tout miser, tout épuiser afin de sauver les vies qui se trouvaient sous sa responsabilité.

« Nous faisons de notre mieux pour assurer la sécurité de nos travailleurs ET de nos patients.

- Pas suffisamment, à en croire ce qui s’est déroulé aujourd’hui.

- Vous… Se mit à gronder la praticienne en se tournant complètement en direction de son homologue, qui se confronta, sans flancher, à la fureur qui brillait dans ses yeux.

- C’est assez. »

La voix de l’Olori surplomba celle des deux femmes, qui se turent après une longue joute visuelle. Tout en soupirant, l’Immaculé enveloppa ses collègues du pouvoir du Sanctuaire d’Ahena, conscient qu’il fallait étouffer rapidement les feux avant qu’ils se propagent, incontrôlables.

« Nous ne pouvons prendre de décisions à la légère. Nous devons nous assurer d’avoir épuiser, comme vous dîtes, tous les moyens à notre disposition, accorda l’Aile Blanche en portant son regard aussi bien du côté de la cheffe de l’Unité médicale que de celle de l’Unité scientifique. Continuez de creuser et de suivre vos patients, mais je veux qu’ils soient surveillés en permanence pour éviter d’autres accidents comme ceux d’aujourd’hui.

- Reçu cinq sur cinq, s’exclama le médecin en hochant de la tête, lorgnant une nouvelle œillade vers Bacher.

- Hōss, je libérerais quelques-uns de mes hommes, qui s'occuperont de la surveillance. Concentrez vos efforts à soutenir la construction de la route et, en cas de nécessité, je vous demanderai un coup de main.

- Entendu.

- Quant à vous, s’adressa l’Olori en portant toute son attention, cette fois-ci, à l’endroit de la scientifique. Maintenant que les sorties se limitent à quelques excursions, pouvez-vous prêtez main-forte au médecin Gaërel?

- … Pas de problème. »

Nathanaël sourit, visiblement enchanté que le brasier se soit finalement éteint, même si quelques étincelles persistaient dans l'air.

« Et s’il s'avère qu’il soit déjà trop tard? Intervint de nouveau le soldat Hōss en s’adressant directement à l’Archange, dont les pommettes s’affaissèrent doucement.

- Nous n’aurons d’autres choix que d’agir en conséquence. »

Il eut un silence soudain et pénible, exacerbé et pesant, à la suite de ses paroles, pourtant, remplies d’une résolution inflexible. Personne, évidemment, souhaitait se tourner vers une telle alternative, mais si nous n’avions plus de choix, s’ils devenaient complètement hors de contrôle… Ils devraient porter une décision. Pour le bien commun.



Les jours se poursuivaient dans une immense tension, une sorte de rupture indéfinissable tant le trouble envahissait le cœur de chaque homme du détachement. L’Unité médicale, conjointement avec l’Unité scientifique, avait redoublé d’effort et d’ardeur pour trouver une solution au problème qui leur incombait. Le mal, de quelque nature qu’elle soit, continuait de progresser malicieusement dans la conscience des malades, atteignant, au dernier décompte, plus de la moitié des patients parmi la douzaine d’infectés : si Acram était considéré comme le patient numéro un, bientôt, sept autres se joignirent à son calvaire, la possibilité que la liste se rallonge inquiétant de plus en plus les responsables du détachement ainsi que les membres de chacune des Unités. Les accidents de Galadhras et de Gaërel avaient été entendus de tous et il était désormais possible de voir deux camps se former : les optimistes et les pragmatiques. Si les premiers étaient confiants quant à la réussite de la praticienne et de son équipe à endiguer le mal qui sévissait, les deuxièmes se faisaient déjà à l’idée que nous serions peut-être obligés de nous tourner vers la dernière initiative.

Après tout, jour après jour, l’état des patients se dégradaient considérablement. Pourtant, l’Unité médicale retenait la majorité des violences et des crises, supportée dans leurs actions par quelques membres de l’Unité de défense et tactique, mais les agressions se faisaient de plus en plus récurrentes, de plus en plus intenses et virulentes. Les patients devenaient enragés, se perdant de plus en plus dans leurs délires, complètement fous, désespérés et terrifiés, avant de s’effondrer en larmes, pris de remords et de culpabilité, comme s’ils revenaient à eux-mêmes, comme s’ils prenaient brusquement conscience des actes et des gestes qu’ils avaient posé à l’égard de ceux qui ne désiraient que les protéger. Et malgré tout, malgré toutes les promesses qu'ils nous braillaient à la figure, le même scénario se répétait, encore et encore, alors que l’inquiétude s’enfonçait toujours plus profondément dans l’esprit des gens, le poignard de l’incertitude et du désespoir les contraignant à songer qu’il n’y aurait peut-être finalement aucun espoir.


1 857 mots | Post IV


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Isiode et Isley
Lun 9 Mar 2020 - 3:08



« Ce n’est vraiment que quand ils dorment qu’ils sont tranquilles et en paix… »

Et je lui avais donné raison, mon regard s’étant détourner du sien pour contempler celui d’Acram, qui sommeillait, semblerait-il, d’un repos extrêmement serein et paisible.


« Acram! Stop! Calme-toi! »

Mais le Fantassin malade n’écoutait rien. Ses mains contre son visage, il déblatérait sans discontinuité un flot de paroles incompréhensibles à notre ouïe, comme s’il communiquait dans un autre patois, un dialecte oublié ou était-ce peut-être cela, la langue des fous. Cependant, notre intérêt ne se portait aucunement sur son parler, alors qu’une roue de lames tournoyaient à la hauteur de sa taille, sa Magie suivant la condition de plus en plus avilissante de son porteur.

« Merci aux anesthésiants pour cela… N’avais-je pu m’empêcher de rétorquer à la réplique de mon coéquipier, qui avait relâché un soupir avant de rejoindre sa propre chaise.

- Combien de temps celui-là fera effet, tu crois?

- Tout ou plus vingt minutes, je l’espère », avais-je répondu.


Et nous étions déjà à la treizième minute sur le chronomètre au moment d’énoncer ces faits. Ce n’était pas beaucoup, mais c’est le mieux que les médecins arrivaient à faire pour le moment, que ce soit par coups de concoction ou de manipulation magique. Vingt minutes. Vingt pauvres, petites minutes. Tout le monde en avait parfaitement conscience. Ce n’était pas suffisant, que ce soit pour réduire leurs crises ou pour apaiser leurs maux, qui paraissaient toujours plus douloureux et intenables au fil des jours : nous étions actuellement témoins de cette douleur lancinante qui les étouffait, et qui se caractérisait par la perte de contrôle du brun, cette dernière l’ayant soudainement fait relâcher ses invocations d’armes.

Une fois de plus, les lèvres d’Hiddleston s’étaient entrouvertes pour expulser un nouveau souffle de résignation. Ses épaules, dans un même mouvement, s’étaient affaissées sous une masse impalpable, comme soudainement écrasées par le poids de la réalité. Pourtant, il s’était forcé à sourire, ne serait-ce qu’un peu, la gravité de la situation nous faisant vivre sous apnée depuis maintenant plusieurs jours d’affilé.

« JE VEUX RENTRER CHEZ MOI! »

Dans ses yeux, nous étions en mesure d’y distinguer les flammes sauvages et destructrices de la Colère et de la haine. Il nous détestait. Il nous méprisait. Et malgré cela, des sillons salés coulaient de ses pupilles pour venir s’effondrer sur le bord de ses lèvres, dans les creux de ses joues, entre les fentes que formaient ses doigts… Il était tétanisé par la peur.

« JE VOUS FAISAIS CONFIANCE! VOUS… tous… Pleurait-il en avalant un sanglot. Je vous considérais comme m-mes amis… Mais vous aussi… Vous aussi… Vous m’abandonnez… »

Le corps du milicien s’était soudainement mis à vibrer, à tressauter au beau milieu de notre conversation. Nous nous étions rapidement redressés de nos assises, ma main venant se placer immédiatement au-dessus de la tête du malade, prêt à le calmer s’il le fallait. Quant à lui, Hiddleston n’avait même pas attendu que je prononce ou fasse quoi que ce soit : il s’était rapidement dirigé vers l’entrée de la chambre. Mais il ne parvint jamais à atteindre la toile qui nous coupait du reste du monde.

Le soldat Locke était affaissé au sol, une épée ayant transpercée sa cuisse. L’arme avait fendu les chairs, pénétrer les muscles, avant que sa pointe ne ressorte de la fraîche plaie dans une éclaboussure de sang, qui tétanisa, paralysa, glaça d’effroi le milicien.

Un hurlement strident avait été rejeté de la gorge du Fantassin. La puissance, la souffrance et la surprise qui venaient de percer ses cordes vocales m’avaient figé instantanément.

Je n’avais rien vu, rien perçu, si ce n’est qu’un mince filet d’air et de vent qui m’avait frôlé les côtes et qui m’avait fait réagir à l’instinct : ce n’est qu’au moment où le cri de mon collègue explosa dans la chambre que je parvins à comprendre ce qui venait de se produire. Tout s’était passé rapidement, en à peine deux secondes. Ma Lame Fantôme avait brusquement fait entrave à la lame d’invocation de Galathiel, cette dernière ricochant, ne perdant que la précision de son lancée… Les premiers pas de course se faisaient déjà entendre alors que mon bras était toujours suspendu au-dessus d’Acram. Mais je m’étais rapidement reculé dans un bond léger, voyant de nouvelles armes apparaître autour du guerrier malade. Il venait de briser ses entraves. Ses mains contre son visage, il déblatérait sans discontinuité un flot de paroles incompréhensibles alors qu'une roue de lames tournoyait à sa taille. Était-ce un autre patois? Certainement celui de ceux qui ont perdu tout esprit et discernement.

« JE NE VEUX PAS MOURIR! »

Le rugissement gronda comme le tonnerre tandis que le corps désarticulé de notre compagnon se soustrayait de ses draps pour se jeter à ma gorge. Il cria comme un dégénéré, m’écrasant de son poids et de ses armes, que je pouvais ressentir tout autour de moi, prêtes à me transpercer au moindre instant.

« JE NE VOUS LE PERMETTRAIS PAS! »

Je retins de mes deux mains les poings d’Acram, qui avaient instinctivement cherché à se fracasser contre mon crâne. Mais, emporté dans une rage insoupçonnée, le soldat Galathiel parvint à s’échapper de ma prise, coinçant mon poignet dans sa paume avant de me tirer le bras, de le tirer, de le tourner sans ménagement, et d’y broyer, sans aucun brin de pitié, les phalanges de son autre poing sur la pointe de mon coude. La douleur fut vive et incandescente; le hurlement fut intense et sauvage.

« SALE TRAÎTRE! SALE CHIEN! Martelait-il tout en continuant de frapper. Tu le mérites! Vous le méritez tous!! Vous êtes des lâches! Des meurtriers! Des…

- TAIS-TOI! » Hurlais-je en laissant éclater une onde violente qui alla repousser le soldat à quelques mètres loin de ma personne, plaquant son dos avec fracas sur le cadre du lit.

Cependant, le militaire reprit rapidement pieds, explosant d’un rire disproportionné, affolé, avant de courir de nouveau vers moi, repoussant les chaises sans y accorder la moindre attention. Je ne m’étais même pas encore relevé. Mon bras me faisait un mal de chien, pendouillant désormais dans un axe mal aligné. Je voyais les épées tournoyer autour d’Acram. Il se rapprochait. Ils se rapprochaient. Et je n’eus qu’une seule pensée. Qui détona dans une éblouissante rayure bleue. Avant de s’enfoncer, profondément, à une vitesse prodigieuse, entre les deux yeux du Fantassin.

Dans un souffle, tout s’effondra : les invocations, les armes, la pression, la nervosité, la détermination, la commotion, la douleur. Tout.

« … N-N…Non… »

Ainsi que le cadavre du militaire qui, au milieu des meubles et des regards ahuris, écrasa, tête première, son visage contre le sol.

Et tout cela, en à peine dix secondes.



Les quatre chefs du détachement s’étaient réunis sous le toit de la tente des opérations. L’Olori Ivanhnoé avait une expression indéchiffrable alors que celle de Gaërel était on ne peut plus explicite, le choc et la misère défigurant les traits de son faciès, qui se tiraient dans une horrible grimace qui mêlait l’épuisement et l’écrasante affliction de l’échec.

« Ça ne peut plus continuer… »

Lucina Bacher fût la première à prendre de la voix, toisant sa collègue d’un regard perçant, qui n’eut même pas la force de le lui retourner, comme elle le faisait si bien d’accoutumer.

« Cela fait des semaines que nous aurions dû nous en occuper. Au lieu de ça, il a fallu…

- Nous ne sommes pas ici pour parler de cela, cheffe Bacher. »

C’était la première fois que nous pouvions entendre une telle intonation dans la voix de l’Archange. Son inflexion mélangeait la tristesse à l'obscurité, un poids sans demi-mesure donnant de la gravité à chacun de ses mots : il ne cherchait aucun coupable, ne donnait la faute à qui que ce soit, mais les événements d’aujourd’hui, additionnés à tous ceux qui s’étaient déroulés antérieurement, ne leur laissait qu’une seule porte de sortie. Il ouvrit la bouche, prêt à annoncer l’inévitable, mais Gaërel se redressa brusquement, tentant une énième approche, une plaidoirie de la dernière chance, mais l’Immaculé secoua la tête, en négation, après lui avoir prêté oreille.

« Non docteure : vous avez eu suffisamment de temps. Les choses commencent à devenir hors de notre contrôle. »

Posant tranquillement la paume de ses mains sur la surface en bois de la table, il adressa une œillade à chacun de ses collègues, et une encore plus avisée du côté de la praticienne, qui se laissa tomber contre le dossier d’un siège, enfouissant son visage à l’intérieur de ses mains.

« Je ne mettrais jamais en doute vos compétences en tant que médecin, docteure, sachez-le. Vous êtes entourés de gens d’exception et de talent. Vous avez tout fait, tout fait, pour les sauver, et seuls les ignorants crieront le contraire. Mais il faut que vous regardiez devant vous et prenez conscience que nous nous trouvons dans une impasse. Il est sûrement déjà trop tard pour eux. »

L’Archange avait repris une voix calme, tandis que les doigts du médecin se crispaient contre son visage couvert. Elle était impuissante. Complètement et affreusement impuissante. Cette constatation lui pilait la poitrine, broyait ses poumons, au point où elle avait l’impression de suffoquer dans ses propres respirations. Quand elle avait commencé dans le domaine, elle s’était fait le serment de ne jamais, jamais, abandonner une vie. Parce que chacune d’entre elle méritait d’être sauvée, surtout pour des gens comme le soldat Galathiel, comme la cartographe Livia Danciel : tout ce dont ils désiraient, c’était aider leur peuple, aider à la renaissance d’une nouvelle ère pour les Anges. Aucun d’eux ne méritait un tel sort de la destinée. Aucun d’eux ne méritait de mourir de la sorte.

« Ils sont malades et terrifiés. Ils se sentent mourir et nous ne pouvons rien faire pour eux! »

La jeune femme tremblait comme une feuille, ébranlée.

« Personne n’a envie de mourir comme cela. Comme un chien. Trahi. Et brisé…

- Vous n’avez trahi personne. Et personne ne les a trahi, lui assura le dignitaire royal en cherchant à capter son regard.

- J’ai trahi leur confiance! S’écria le médecin en relevant la tête, ses yeux mouillés par la défaite, par le contrecoup du stress et de la tristesse. Ils sont effrayés. Ils ne veulent pas mourir. Comme vous, comme moi, comme tout le monde. »

Il eut un silence troublant.

« Ils souffrent, bien plus que nous souffrons actuellement, parce qu’ils savent ce qu’ils font, mais n’ont aucun contrôle sur leurs gestes, sur leurs actions. Croyez-moi. »

Elle émit une courte pause, reprenant aussitôt :

« Lorsqu’ils se mettent à pleurer, il ne s’agit pas de larmes de crocodile : ce sont des larmes de culpabilité, de véritables plaintes de rédemption. Mais c’est plus fort qu’eux. Ils se sentent obligés de se protéger de nous, parce qu'ils ont peur. Toujours et encore plus. L'intégralité de leur être est sur la défensive. »

Et cela lui faisait mal, énormément mal. Son travail était de soigner les gens, de guérir leur corps, leur esprit aussi, et d’apaiser leurs tourments. Alors qu’aujourd’hui, incapable d’accomplir quoi que ce soit, elle se rendait compte, avec plus de force et d’anxiété, des lacunes de son propre savoir. Pourtant, ce n’était pas l’expérience ni les connaissances qui lui manquaient, non : aujourd’hui, c’était sa confiance qui la lâchait. Délicatement, la main de l’Aile Blanche s’accrocha à son épaule, lui insufflant un peu de cette Force qui lui faisait cruellement défaut. Malgré tout, à aucun moment, elle crut bon de relever la tête.

« Cessez cette auto-flagellation. Personne n’a demandé à être infecté au même titre que personne ne veuille les abandonner. Cependant, ils deviennent des menaces pour le reste du détachement. Qu’ils souffrent ou non, qu’ils pleurent ou non, nous avons été témoins du danger qu’ils représentent pour nous tous. Et au plus profond d’eux, si la souffrance, si l’incertitude et la peur les tenaillent et les affligent, la douleur de savoir qu’ils ont agressé un ami les blesse encore plus… S'ils sont conscients de ce qu’ils font, s'ils savent que ce qu’ils font est mal, cela ne les empêche pourtant pas de sévir de nouveau. La peur est plus forte que leurs remords. Elle les pousse à devenir ce qu’ils deviennent, petit à petit. »

Il ne prononça aucune comparaison, mais chacun autour de cette table savait à quoi il faisait référence.

« Ne serait-ce pas mieux de leur offrir une mort rapide et sans souffrance, en toute dignité, plutôt que d’attendre qu’ils se tuent eux-mêmes – et qu’ils en emportent d’autres avec eux? »

Les lèvres de la praticienne se mirent à trembler, momentanément, jusqu’à ce qu’elle les morde férocement.

« Ce n’est pas bien, articula-t-elle, la voix étranglée par l’émotion.

- Nous le savons parfaitement, mais c’est le moindre mal. »

L’Olori se redressa. La jeune femme, suivant son mouvement, releva doucement la tête dans sa direction.

« Je vais de nouveau communiquer avec les responsables magicien, humain et ygdraëen à propos de notre décision. Ils savent ce qui se trame ici depuis des semaines. Ils comprendront notre choix.

- Olori! Avant que vous quittiez… Que faisons-nous du soldat Galathiel? »

L’Archange s’immobilisa un instant, avant d’esquisser un maigre sourire.

« Il n’avait ni femme, ni enfant, ni parents : il a tout perdu au cours du Rimkalàri. Sa famille, c'est simplement la Compagnie… »



Une fois de plus, les quatre chefs du détachement s’étaient réunis. Trois enveloppes se trouvaient au centre de la table. Deux avaient déjà été ouvertes; la troisième missive se trouvait entre les mains du dignitaire royal.

« Sont-ils… »

La voix de Rachel était tremblante.

« Ils sont d’accord, laissa finalement tomber l’Olori en reposant la lettre tout en exhalant un long soupir, comme s’il avait retenu sa respiration pendant tout ce temps. Nous pouvons procéder. »

Et sur ces quelques mots seulement, le destin des onze derniers condamnés fut scellé.


2 312 mots | Post V


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Isiode et Isley
Lun 9 Mar 2020 - 3:25



Vous avez le destin de votre nation dans une paume. Vous avez la vie de votre famille bien-aimée dans la seconde. Si vous sauvez l’une, vous condamnez l’autre. Quel serait votre choix? Lequel des deux poids fera pencher la balance? Pour certains, ils diraient que la nation prime sur tout, et seraient prêts à sacrifier leurs géniteurs et leurs propres enfants pour la vie de millier de gens. Cependant, d’autres n’observeraient pas la situation sous le même angle, voyant en la vie de leur famille un trésor bien plus précieux à préserver que celui de tout un pays. D’autres, tout simplement, choisiraient de ne rien faire. C’est une décision, effectivement, mais ne ferait-elle pas tomber en poussière les deux autres options? Ne serait-ce pas mal calculer les conséquences? Parce que tout ceci ne s’agissait que d’un calcul, j’en ai bien peur, car dans ce genre de situations, n’était-ce pas tout naturel que de penser : « qu’est-ce qui serait le plus dommageable? Lequel de ces options causerait le moins de mal? » Les pragmatiques choisiront le pays; les sensibles choisiront la famille; les indécis choisiront de tout perdre. Cependant, nous ne pouvions mesurer un mal. Peu importe sa figure, sa nature ou bien sa gravité, un mal restait un mal : qu’il soit moindre ou grand n’y changeait rien. Après tout, qui étions-nous pour trancher laquelle de nos vies étaient plus importantes que celles d’autrui? Nous n’étions pas des Juges, encore moins des Dieux, mais nous devions prendre une décision, au risque de tout perdre dans le processus.

Bien sûr, nous étions parfaitement au courant qu’il y aurait des remarques, des regards noirs, des crachats et des menaces. L’Olori Ivanhnoé savait pertinemment qu’il ne serait pas épargné, qu’il serait puissamment écorché sur la place publique, mais il avait fait son choix : c’était eux ou nous tous, c’était ces onze vies malades et délirantes ou les explorations. Il était un pragmatique avant d’être un sentimental et, de ce fait, il s’était tourné vers la nation avant l’homme, le commun avant l’individu, considérant cette dernière initiative comme étant celle du moindre mal. Le moindre mal… Qu’il détestait cette expression! Mais ô combien était-elle appropriée pour cette occasion. Cela étant dit, il savait qu’il faisait le bon choix, et il savait que sa conviction, malgré les actes qui seront portés contre ces gens, était bonne. Parce qu’il n’avait aucune intention de tuer pour tuer, de faire souffrir pour faire souffrir : il était pragmatique, mais il avait quand même un cœur, et ce dernier ne relâchait aucun relent de malice ou de vice jusqu’à son esprit. Celui-ci était clair; clair et translucide. Son intention n’était pas de faire du mal, c’était de sauver des vies – mais à quel prix, serions-nous tentés de nous poser? Toutefois, cela l’importait peu : il était prêt à le verser.

Malgré tout, ce n’était pas tout le monde qui possédait sa résolution. Docteure Gaërel s’était lamentée et avait pleuré tout de suite après la déclaration; Bacher et Hōss, quant à eux, avaient gravement salué l’initiative de l’Archange, malgré le malaise que cela suscitait au plus profond de leur être. En quittant les continents, ils n’avaient certainement pas songé qu’ils auraient à porter un tel jugement sur la vie d’autres gens, sur la vie des leurs, et non pas celle d’adversaires ou d’ennemis… Encore une fois, qui étaient-ils pour s’accorder un pouvoir de vie et de mort sur autrui? À la réponse à cette question, silencieusement, ils ne purent s’empêcher de baisser les yeux.

« Que comptez-vous faire? » Finit par murmurer le médecin après avoir essuyé quelques larmes et reprit contenance, des tremblements secouant, pourtant, l’ensemble de son corps.

Il lui semblait être pris d’un grand froid. C’était désagréable, c’était mordant, c’était violent, tout autant que les houles qui secouaient et s’arrachaient son esprit dans de grands tressaillements bestiaux.

« Leur organisme s’est adapté aux drogues et autres anesthésiants que vous leur avez fourni. Le mieux serait qu’ils dorment, mais je crains que les effets ne soient assez puissants pour que le sommeil les emporte… »

Une fois de plus, il eut un étrange silence qui plana dans la tente. Ce n’était pas normal qu’ils discutent de la sorte, mais c’était nécessaire. Il restait encore une indécision, un trouble étrange qui les étreignait sauvagement : comment feraient-ils pour s’occuper de ces gens?



Le réveil fut brutal, mon corps se repliant sur lui-même, comme pour me prévenir d’un subit haut-le-cœur, alors que la douleur à mon bras incendiait l’intégralité de mes muscles. Ma respiration s’affolait au rythme d’un fol émoi. Les bras encadrant mon estomac, les yeux écarquillés, tremblants, je soulevais doucement l’une de mes mains jusqu’à ma bouche, cherchant à y reconnaître les lignes écorchées et les canines acérées, que j’arborais au cours de ce songe particulier. Cependant, comme escompté, je ne trouvais aucune trace de cette bave ruisselante et de ces crocs découverts, de cette gueule disproportionnée et de cette chair lacérée. Tout était normal. Puisqu’il ne s’agissait que d’un rêve… Un rêve… Rien qu’un rêve… Mon crâne se colla brutalement contre le mur sur lequel était appuyé la tête de lit, tandis que je fermais les yeux, reprenant petit à petit un semblant de contrôle et de raison. Mais à l’instant où mes paupières se sont closes, je revis l’instant où mes crocs s’étaient enfoncés dans la gorge de l’Impératrice Blanche, déboîtant une mâchoire pleine de rasoirs aiguisés que je sentais aisément mordre la peau de ma bouche et de mes joues. J’ouvris immédiatement les yeux, exhalant bruyamment des respirations de nervosité et de malaise lancinant. Ça avait été plus fort que moi, l’attraction de son être, de son sang. Son parfum était enivrant, obsessionnel, une odeur singulière qui en avait repoussée toutes les autres environnantes – je m’en souviens parfaitement – et tout ce dont j’aspirais à ce moment-là était de la dévorer, de la vider complètement de toute son essence vitale, et pouvoir la faire mienne. Elle était ma proie, l’objet de toutes mes convoitises… À moi… Pensais-je une seconde avant de rapidement secouer ma tignasse. Il fallait que ça s’arrête. C’était le deuxième rêve de cette espèce. Ma mâchoire se contracta tandis que, toujours tête contre le mur, je relevais les yeux jusqu’au plafond en toile de ma chambre de convalescence. Je ne disais mot, mais pensais fort.

Tout ceci était insensé. Cela ne pouvait plus continuer. Dans quelle langue faudrait-il que je l’énonce? La Reine Nilsson et moi, c’était impossible. Sa vie, je ne pouvais la lui enlever de la sorte : elle n’appartenait à personne, ni à l’Apakan ni à moi. Cela étant dit, Erwan Galathiel avait l’ascendant, ne serait-ce parce que de nous deux, il était celui pour qui le cœur de la Reine ratait des battements. Tous les deux aspiraient à former un tout : je n’étais personne pour leur retirer ce bonheur, cet amour qui les unissait. J’inspirais profondément, refermant mes paupières. Les images revinrent, encore, inconsistantes et malignes. Mais cette fois, je pouvais les laisser défiler sans en ressentir le moindre malaise, la moindre anxiété, la moindre culpabilité, la moindre émotion. Les Ætheri m’avaient peut-être destiné à l’Ultimage, et vice-versa, mais le fait est qu’elle n’était pas à moi. Son cœur avait déjà été offert à un autre, à l’un de ces hommes qui, assurément, saurait la rendre heureuse.



Je venais de passer mes jambes par-dessus mon lit, apposant la plante de mes pieds sur le sol. Je me permis d’esquisser un premier geste avec mon bras droit, sentant immédiatement une vive brûlure paralyser l’ensemble de mon corps. Tous les muscles de mon visage se contractèrent violemment et, par réflexe, je soutins mon bras à l’aide de ma main libre, retenant un grognement au plus profond de ma gorge alors que la douleur, elle, m’étranglait sans retenue. Cependant, après quelques secondes, je soupirais, sentant ma respiration se hacher sur le bord de mes lèvres.

« Comment va votre bras? »

La surprise faillit me faire cracher mon cœur, mais un simple haussement de sourcils paru sur mon visage. Je relevais ce dernier pour observer l’Olori Ivanhnoé se diriger jusqu’à mon lit.

« Bien. La douleur est encore présente, mais je parviens à le bouger de nouveau désormais, lui révélais-je en portant une brève œillade à mon membre blessé, qui s’était brisé à la hauteur de mon coude en raison de l’agression d’Acram.

- C’est une bonne nouvelle… Nous en manquons cruellement ces derniers temps. »

Le bleu de mes iris s’arrêta de nouveau sur le visage de l’Archange qui perçu mon regard, tournant ses propres pupilles dans ma direction.

« … J’ai entendu dire que la commotion causée par le soldat Galathiel a créée d’autres accidents dans les chambres des malades? »

L’Olori soupira.

« La nouvelle s’est échappée comme une traînée de poudre. Les autres malades ont entendu les cris et les bruits de l’affrontement, bien évidemment, et ils sont encore plus effrayés. Quatre d’entre eux ont voulu attaqué nos défenseurs. Les cinq autres ont été rapidement maîtrisés et remis sous anesthésie. »

Je fis rapidement le compte dans ma tête. Si on soustrayait Acram au décompte de nos malades, il nous restait…

« Qu'en est-il des deux autres? S’agit-il des deux médecins qui ont été contaminés? »

L’Archange acquiesça.

« Étonnamment, ces deux cas se portent bien. Pour l’instant, elles ne présentent aucun signe d’agressivité ou de paranoïa. Elles ont été soignées de leurs problèmes pulmonaires, elles disent se porter comme des charmes, mais… nous restons prudents. »

Sûrement parce qu'elles furent contaminées plus tard, pouvais-je lire dans ses iris, elles n’ont pas encore contracté les symptômes de paranoïa aiguë à l’instar des autres malades.

« Qu’en est-il du soldat Locke?

- Il va bien. Il boitera certainement les prochains jours, mais il s’en remettra. »

Un soupir discret s’extirpa de ma bouche.

« … Et que comptez-vous faire désormais? »

Nathanaël n’aligna pas de phrase avant un moment, ses yeux se perdant dans la vague tandis qu’il – peut-être – cherchait ses mots.

« Ce qu’il nous reste à faire », murmura-t-il d’une voix éteinte mais instante, alors que son regard se braqua dans ma direction.

Je soutins son œillade sans flancher, un frisson désagréable escaladant ma colonne vertébrale.

« Je comprends », parvins-je à articuler doucement.

Je comprenais parfaitement, le visage de Galathiel et son instabilité aux derniers instants de sa vie ne faisaient que renforcer ce discernement à mes yeux. Les malades étaient des bombes à retardement qui, en explosant, ne tuerait pas que leur corps et leur esprit, mais emporterait également la vie de plusieurs innocents. Héliée Galadhras avait pâti, tout comme la Docteure Gaërel, et ça n’a été qu’une question de chance, de timing un peu trop parfait pour le soldat Locke… Et c’était sans compter toutes les autres victimes qui avaient été agressées ou menacées. Mes poings se serrèrent, mes jointures devenaient blanches.

« Leur état ne s’améliore pas et il devient de plus en plus risqué de les garder auprès de nous, renchérit l’Olori sans sourciller. Les accidents se multiplient et je n’attendrais pas le jour où ils tueront quelqu’un pour agir trop tard. »

L’image d’Hiddleston le visage ensanglanté, les pupilles révulsées, injectées de sang, dans un scénario catastrophe où ma Lame Fantôme n’aurait pas dévié au dernier instant la lame d’Acram, s’imposa d’elle-même dans ma rétine. Je clignais discrètement des yeux pour effacer cette illustration de ma vision. Hiddleston était hors de danger. L’important était qu’il soit en vie.

« Ni vous, ni Gaërel, ni moi savons ce qui leur arrive. Ils sont hors de contrôle, dangereux. »

Terrorisés.

« Agressifs. »

Désespérés.

« Et nous avons un choix à faire : il s’agit d’eux ou des explorations. »

D’eux ou nous.

Je restais silencieux un long moment, la main toujours contre mon bras, usant de la Magie Blanche pour apaiser la douleur qui grondait au plus profond de mon corps.

« Pensez-vous qu’il s’agisse de la meilleure solution?

- Non. Pour cela, il aurait fallu trouver un moyen pour les guérir plus tôt. »

Je me tus.

« Mais il s’agit de la solution qui fera le moindre mal. Pour nous, mais aussi pour eux. »

Je me mis à l’observer. Il se permit de soupirer.

« S’ils ne sont plus capables de nous entendre, nous, nous les entendons parfaitement. Même s’il ne s’agit que d’un délire, même s’ils nous attaquent en réponse à une peur démesurée… Nous écoutons leur désespoir. Ils le hurlent, ils le crient comme des possédés. Ils ont soif de vivre, mais ils… »

Mais ils se meurent…

« Comment voulez-vous les éliminer? »

Le terme était fort, mais il était authentique. C’est ce qu’ils avaient décidé de faire, n’est-ce pas?

« Les drogues ne leur font quasiment aucun effet, murmurais-je en détournant les yeux sur le côté, ayant moi-même été témoin du peu d’efficacité qu’elles représentaient à ce stade, semblerait-il, de la maladie. Leur Magie réponde, en plus, à leur agressivité… Ils attaquent tout ce qui représente l’ennemi à leurs yeux : nous de surcroît. »

L’Archange Ivanhnoé hocha de la tête, gravement.

« C’est pour cela que nous devons les arrêter. »

Je baissais légèrement la tête, mon œil s’assombrissant, mon crâne envahi par mille sensations. Pourtant, une seule réflexion résonnait entre mes deux oreilles, sourde et fracassante.

« Sir Ivanhnoé? »

Je pouvais sentir le regard de mon supérieur sur mon visage.

« Permettez-moi de m’en occuper. »

Pendant une seconde, le dignitaire royal s’immobilisa comme s’il venait de se faire frapper par la foudre. Tranquillement, je me relevais de ma couche, me tenant désormais face à face avec l’Aile Blanche. Le dos droit, la tête haute, les yeux implacables, envahis d’une lueur sombre, vide, il était néanmoins possible d’y distinguer un énième éclat énigmatique.

« Soldat Yüerell, vous n’avez pas à…

- Quelqu’un doit le faire. Je le ferai, poursuivais-je.

- Non. Je refuse que vous vous souilliez les mains.

- Alors qui le fera? »

Il eut un silence. Terrible. Poignant.

« Sir…

- Je m’en occuperais. J’ai porté la décision finale. Je l’assumerai jusqu’au bout. »

Je le fixais. Il tremblait.

« Savez-vous, avant que vous deveniez dignitaire royal, j’ai souvent entendu parlé de vous et de vos exploits. Vous êtes intelligent, vif d’esprit, et avez, à maintes reprises, prouvé votre méticulosité lorsqu’il est question d’élaborer nos stratégies militaires. Elles sont audacieuses, se sont toujours démarquées, et elles ont plus d’une fois apporté la victoire ou la préservation des hommes sur le terrain. »

Je pouvais sentir l’opalescence de son regard brûler chaque centimètre carré de mon faciès.

« Pourtant, Sir, je ne peux m’empêcher de penser… »

À mon tour, je m’assurais de faire peser tout le poids de mes paroles dans mon regard.

« Avez-vous déjà porter l’épée jusqu’au cœur d’un homme? »


2 458 mots | Post VI


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Isiode et Isley
Mar 10 Mar 2020 - 16:24



Les cris avaient fait place aux murmures, puis aux babillements incompréhensibles qui lui traversaient l’esprit avant que le silence, lourd, ne tombe sur nos épaules. Pendant que l’anesthésiant faisait plus ou moins effet, je me permis de la fixer longuement afin d’imprimer son visage dans la rétine de mes pupilles.

« Combien de temps? Demandais-je au soignant qui m’accompagnait, la Magie s’estompant progressivement de sa main alors qu’il se redressait.

- Assez pour vous permettre de faire… ce que vous avez à faire », aligna-t-il rapidement tout en s’éloignant, de quelques pas, du lit de la malade.

Elle semblait s’être évanouie dans un sommeil serein, et même si cela ne durait qu’une poignée de minutes à peine, c’était comme l’avait mentionné Hiddleston : ce n’est vraiment que quand ils dormaient qu’ils étaient tranquilles et en paix…

« Turviel Ingvar, c’est bien cela? »

Le soignant confirma d’un hochement de la tête.

« Une famille?

- Fiancée, mais sans enfant. »

Seul le mutisme répondit à cette déclaration et je reportais de nouveau mon attention sur la charmante Ygdraë. Elle avait de longs cheveux bruns, tirant sur le noir, et ses yeux, pour les avoir brièvement contemplés alors que l’on essayait de la calmer, arboraient de magnifiques reflets d’argent dans un regard envahi par le bleu océan. Je m’approchais de sa couche, m’arrêtant à quelques centimètres du lit, distinguant la pointe de ses oreilles, qui se dévoilait à travers sa chevelure affolée. Elle était la seule des deux Ygdraës malades à ne pas être parvenue à se réincarner en arbre. L’autre jeune femme, une certaine Avana Nenvial, au milieu de sa détresse coupable, de ses délires paranoïaques, avait, comme tous les autres malades, certains moments de lucidité durant lesquels elle pleurait sur son sort, sur celui qu’elle réservait, malgré elle, aux autres membres du détachement. Ces derniers instants étaient aléatoires et se raccourcissaient exponentiellement au fil des jours, au point où, si nous étions en mesure de distinguer des fragments de culpabilité à travers leur regard, il ne pouvait n’en rester aucune trace après quelques jours seulement. Cependant, à un moment, toujours aussi bref qu’incertain, dame Nenvial s’était temporairement reconnectée avec la réalité, suffisamment longtemps, semblerait-il, pour que d’autres sylvestres lui rappelle à l’oreille l’échappatoire que leur fournissait leur don en tant qu’Elfe : Natura, un pouvoir extraordinaire, aux propriétés particulières, notamment celle d’outrepasser la véritable Fin en ne faisant plus qu’un avec la Nature. L’effort déployée par l’Ygdraë avait été incommensurable, surtout pour qu’elle ne rechute pas dans les troubles angoissés de sa terreur. Puis, doucement, elle s’était transformée, son corps devenant écorce, ses jambes devenant racines, ses bras devenant branches et sa tête devenant cime. C’est pourquoi, depuis une poignée de jours à présent, un arbre avait transpercé, de son feuillage et de ses branchages, les toiles du chapiteau qui nous servait de clinique médicale.

Cependant, dame Ingvar eu moins de chance, son état n’ayant permis à qui que ce soit de lui souffler la possibilité que lui offrait cette évasion. Les Elfes avaient bien essayé de lui faire entendre raison, mais la jeune femme n’avait rien écouté, feulant comme une bête. Elle était devenue folle, infernale, en réponse à son propre effroi, n’écoutant que ses paroles sans entendre celles d’autrui, alors qu’elle griffait et mordait jusqu’au sang les gens qui avaient l’audace de la toucher; aux autres qui s’approchaient de trop près, elle tentait, en vain, de les étrangler de ses deux mains : elle aussi, en finalité, nous l’avions définitivement perdu…

Mon regard, alors, passa de son visage à son cou. Turviel Ingvar… Je déglutis. Les directives la concernant étaient on ne peut plus claires. Le peuple des forêts désirait rapatrier son corps jusqu’aux bois de Melohorë afin qu’elle puisse rejoindre leur nécropole sacrée. Elle serait, là-bas, enterrée auprès des siens : c’est ce que le gouvernement réclamait et c’est ce qu’il obtiendrait. Aux ordres de Nathanaël, le capitaine Borssa et une partie de son équipage avaient été dépêchés pour reprendre la mer sur l’un de leurs navires afin de ramener le corps à la cité elfique.

« Soldat Yüerell? »

La voix de mon « assistant » me tira de mes pensées.

« Oui, désolé. »

Je n’avais pas de temps à perdre, la période d’action de l’anesthésie étant extrêmement brève. Pourtant, je n’esquissais encore aucun mouvement vers la demoiselle. J’étais hypnotisé par les entrelacs que formait le talisman qu’elle portait à son cou : le soignant l’avait glissé à la gorge de la jeune femme en prévision de ce qui allait se passer.

« Si vous voulez reculer, nous pourrions trouver une autre solution. C’est normal de…

- Non, ne vous inquiétez pas pour moi : je le ferai. Quelqu’un doit s’en occuper », rétorquais-je faiblement avant de pousser délicatement la silhouette de la malade pour qu’elle soit couchée sur le côté, l’arrière de sa tête à découvert.

Les Ygdraës ne voulaient pas que l’on abîme son visage, afin qu’elle puisse être, une dernière fois, observée par ses proches avant de rejoindre la terre.

« P-Pensez-y une dernière fois, s’il-vous-plaît. Vous êtes vraiment prêt à faire ça? Même en sachant que vous serez maudit? »

Je me tournais brièvement vers le soignant, lui adressant un sourire.

« Je préfère que la Colère et le déchaînement de son esprit converge sur ma personne plutôt qu’elle s’étende sur l’ensemble du détachement », lui avouais-je calmement, reposant une œillade sur la nuque de la jeune femme.

Les croyances ygdraënnes pouvaient être terrifiantes quelques fois. Parce qu’il est dit qu’un sylvestre, qui connait la mort par homicide, voudra venger son décès en hantant et poursuivant son meurtrier jusqu’à l’éternité, s’il le faudrait. Seul l’accomplissement de sa vengeance, en emportant la mort au coupable, apporterait apaisement et satisfaction au défunt qui pourrait alors mener son voyage vers le monde céleste de l’Au-Delà, afin d’y reposer éternellement en paix. D’où l’importance de ce charme que la sylvestre arborait à son cou puisque, grâce à ce dernier, l’esprit d’Ingvar n’irait pas se venger sur les autres personnes du contingent : la défunte pourra alors concentrer sa haine sur moi, et rien que sur moi.

C’est ainsi que cela devait se passer et c’est ainsi que cela se passera. J’ouvris ma paume, invoquant une Lame Fantôme qui se laissa doucement porter jusqu’à mes doigts. Désolé… Et dans un coup sec, net, remué par aucun tremblement, je perforais l’arrière de son crâne sans une once d’hésitation. Désolé, réitérais-je en retirant, dans le même mouvement, la lame de l’épée, me questionnant sur la pertinence de tels propos intérieurs. Est-ce que cela avait la moindre importance? Que je sois ou non désolé, ça ne changeait pas les faits, alors que le soignant, tranquillement, cherchait le pouls de la jeune femme.



La puissance et l’intensité des flammes étaient à leur paroxysme. Je pouvais les entendre rugir tout autour de moi, tandis que leurs langues de feu s’étiraient pour venir lécher le ciel, qui en respirait l’effluve et en mimétisait l’auréole de chaleur et de couleurs. Les étincelles et les cendres des brasiers, poussées par le souffle de la nuit, se laissaient emportés par-delà le talus qui séparait la plage du Val du Mistral : dans quelques minutes, si ce n’était pas déjà le cas, le reste du contingent resté au site d’opérations saurait ce qui a été fait. Ils sentiront l’odeur des flammes; ils verront l’orangé s’élever depuis le bas de la plage; ils comprendront que la cérémonie mortuaire des deux Humains était sur sa finalité. Leur toilette avait été exécutée par quelques membres du peuple humain qui nous accompagnait. La femme de l’un des défunts s’était même proposée de participer à cette dernière, habillant distraitement son époux, de vêtements propres et parfumés, à travers le voile humide qui s’effondrait régulièrement de ses yeux. Du second homme, un simple collier en corde avait été retiré de la dépouille afin de l’envoyer aux enfants du voyageur. Tout avait été préparé avec soin, réalisé avec minutie, afin que l’esprit de chacun de ces hommes soient honorés au mieux, si loin de chez eux. Et après avoir recueilli les cendres ainsi que les os calcinés des décédés, dans l’intention de les porter aux familles concernées, les bûchers furent abandonnés, les gens quittant progressivement ce secteur du Rivage pour se déplacer vers l’autre extrémité de la plage, rejoignant ainsi les Magiciens réunis pour saluer, une dernière fois, leurs compatriotes.

En effet, non loin de l’endroit où les bûchers humains avaient été dressés, il était possible de remarquer la mise à l’eau des corps des trois Mages blancs qui allaient, dès ce jour, accomplir leur dernier voyage. Lavés et coiffés de la tête jusqu’aux pieds, les Magiciens avaient été couchés sur des tapis solides de branchages et de feuilles. Au rythme du chant funéraire, les embarcations furent tirées jusqu’aux eaux de la mer, accompagnées par le vol silencieux de quelques Ailés qui suivaient attentivement leur progression. Et à la fin de la litanie, lorsque les dernières notes, doucement, s’évanouissaient des lèvres des chanteurs, des flammes furent créées. Elles dévoraient les corps, les barques, tout, et les cendre, à l’instar des Humains, furent récupérées et entreposées dans des urnes pour chacun d’eux. La femme de l’un de ces Magiciens reçut l’urne mortuaire de son époux, qu’elle enlaça avec tendresse. Les deux autres urnes, celle du jeune fiancé et d’un père, quitteraient bientôt les explorations pour être envoyées en terre magicienne.

Au contraire, des trois Anges qui ont connu la mort à la suite des événements, seulement un fut enterré comme le veut la tradition angélique, la cartographe Livia Danciel. Quant à eux, les soldats Acram Galathiel et Sullivan Rendros avaient plutôt été gardés dans la zone médicale, leur corps servant à l’étude du mal qui les avait frappés si violemment. Pour les quelques jours qui nous restait à camper dans le Val du Mistral, l’Unité médicale désirait plus que tout savoir ce qui était advenu de leurs patients. Qu’est-ce qui avait causé un mal comme celui-ci, au point que les victimes en perdent leur esprit? Pourquoi n’étaient-ils pas parvenus, dès le début, à détecter l’indésirable? À cette dernière question, les soignants avaient leur petite idée, sachant que, depuis le commencement, ils avaient toujours cru que l’intégralité des maux n’avait été causé que par l’action d’un seul et même pathogène. C’est pourquoi, en éliminant la bactérie qui avait été la cause des problèmes pulmonaires des patients, ils avaient également cru qu’ils seraient, désormais, tirés d’affaire. Mais c’était, semblerait-il, sous-estimer la condition dans laquelle se trouvait le corps des malades, qui devait, vraisemblablement, mener bataille non pas contre un virus, mais deux. Cette hypothèse, par ailleurs, se confirmait de jour en jour avec la guérison normale et progressive des deux médecins tardivement contaminés au cours des événements : toujours à ce jour, les deux femmes ne présentaient aucun signe de folie et de paranoïa. Elles étaient, certes, fatiguées, mais c’était surtout en raison de la maladie qui avait affectée leurs poumons. Elles étaient toujours sous observation, mais le pronostic, à l’heure actuelle, ne présageait que du bon pour elles, ce qui était, pour le moins, très rassurant.


1 853 mots | Post VII



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Isiode et Isley
Mar 10 Mar 2020 - 16:56



Ainsi donc, la plage était envahie d’hommes et de femmes venus se recueillir pour adresser leurs derniers vœux aux défunts afin d’espérer qu’ils soient accueillis dans un monde moins douloureux, dans un monde plus lumineux que les dernières semaines qu’ils ont vécu dans la peur, l’angoisse et l’éternelle terreur. Entourés de leurs amis, de leurs collègues, voire de leur femme et fiancé, de tous ceux dont ils ont su se faire apprécier et de tous ceux qui se sont approchés par sympathie, les morts pouvaient, dès à présent, rejoindre l’Erāhael, le Menëhl, l’Au-Delà… C’est tout ce qu’on leur souhaitait : qu’il puisse embrasser une nouvelle vie par-delà la Mort; une vie meilleure.

Les commémorations furent brèves mais intenses, courtes mais poignantes. Nous venions de perdre des collègues, des frères de cœur, des amis, et, de ma position, je pouvais remarquer l’humidité qui perlait dans les iris de plusieurs de mes pairs alors que les chants résonnaient d’un côté de la plage, hauts et forts, à travers l’étendue de sable et de galets, afin de commémorer, pour une dernière fois, les personnes qu’étaient ces hommes et ces femmes que nous avions perdus. Puis, au fil des minutes, les gens quittaient enfin la plage, montaient le talus, pour retourner au campement. Je ne leur prêtais qu’une vague attention, restant cantonné sur ma position, n’arrivant pas à détourner les yeux de la stèle qui avait été dressée à la mémoire des dix disparus. Chacun avait son nom gravé sur la pierre commémorative, suivi par un petit mot :

Livia Danciel
Acram Galathiel
Opalien Hancord
Turviel Ingvar
Avana Nenvial
Cyaran Oursinville
Sullivan Rendros
Alambert Taiji
Orville Vaughan
Jeffrey Vicondir

Vous vous êtes tenus comme des rois
Sans vous plaindre de la douleur
Et sans pleurer sur votre malheur
Maintenant, vous n’aurez plus peur
Puisque vous montez à présent la côte
Ensemble, la tête haute

Paroles prises de la chanson
La Tête haute des Cowboys fringants

Je n’arrivais pas à décoller mes bottes du sable dans lequel j’avais l’impression de m’enfoncer. Comme si l’attraction qu’exerçait la gravité sur tout mon être était bien trop contraignante, bien trop dure, bien trop ferme, écrasante, oppressive, asphyxiante, pour que je lui accorde ne serait-ce qu’un soupçon de ma force. Je me sentais comme prisonnier de chaînes invisibles, comme alourdi par des boulets qui m’enfonçaient, encore et toujours plus, dans le sable blanc et fin de la plage. Malgré tout, par je ne sais quelle force de volonté, je parvins à baisser mon visage, à tendre légèrement mes bras, laissant finalement tomber mon regard sur l’intérieur de mes paumes ouvertes. Elles étaient sales en raison du bois que j’avais transporté pour alimenter les feux; elles étaient abîmées en raison de ces interminables sessions d’entraînement que je m’obligeais à subir, ces derniers temps; elles étaient cramoisies en raison du sang qu’il y avait sur mes mai…

Je fermais le poing, les yeux, prenant quelques respirations discrètes et saccadées pour tout refréner. Puis, en toute délicatesse, je détendis de nouveau mes doigts pour les desserrer. J’attendis quelques secondes, j’attendis encore un peu, jusqu’à ce que je m’assure, d’une vision, que mes mains étaient bien ce qu’elles étaient : simplement sales et abîmées. Mon expression s’altéra doucement sur les lignes de mon faciès à cet instant alors que le vide qui se mit à l’envelopper devenait aussi palpable que celui qui se reflétait dans le bleu inanimé de mes pupilles. Pourtant, un tourbillon d’images et de sensations, de heurts et de désolation se fracassaient sauvagement contre les parois de mon crâne, entraînant ma conscience au beau milieu de cette tempête intenable. Ils étouffaient mon esprit, noyaient ma raison, parasitaient mes véritables réflexions, tandis qu’au plus profond de mon âme, j’essayais d’endiguer l’action agressive et déjantée de tant de vagues incontrôlées. Pour les repousser, pour les calmer, pour les endormir et éviter qu’elles explosent et me déchirent le cerveau.

J’avais envie de crier, de hurler, je ne saurais dire lequel d’entre ces mots pourraient expliquer ce qui se produisait. J’avais envie de hurler, de rugir, de tonner jusqu’à ce que mes cordes vocales, à force de m’égosiller, ne soit plus que lambeau de muscles et de chair.

Était-ce de la tristesse? De la Colère? De l’impuissance? De la culpabilité? De la profonde douleur?

Et en même temps, tout mon corps ne respirait que pour une chose : dormir. Je désirais assommer ma conscience au beau milieu de cette plage afin de ne plus percevoir, de ne plus entendre, sentir, toucher, ce qui avait forme, de près ou de loin, à la réalité. Las et fatigué, tout ce dont j’aspirais était le repos, le relâchement. Ou l’évasion. Je ne saurais trop comment l’expliquer, parce qu’à côté de tous ces poids lourds qui me retenaient au sol, qui me faisaient suffoquer, j’avais l’impression qu’enfin, je pouvais m’envoler.

Était-ce du soulagement? De la quiétude? Du détachement? De la froideur? Ou une véritable insensibilité?

Mon corps trembla, mon corps vibra, tandis que mes doigts, encore plus durement, vinrent se serrer à l’intérieur de mes poings. Je n’arrivais pas à comprendre, voire à saisir ce qui se crapahutait aussi fort au beau milieu de ma poitrine. Doucement, lentement, mais sûrement, je me sentais de plus en plus faiblir, de plus en plus me faire envahir. La vague revenait plus vite et déchaînée, plus vite et immodérée, la fureur et la violence de cette impétuosité n’en étant que plus virulente. Ma mâchoire se contracta, mes ongles entrant dans ma chair, alors que mon regard ne se dérobait pas de la surface de la stèle. La vague criait, hurlait, rugissait, tonnait, s’égosillait. Et c’est pourquoi, dans une énième tentative, je finis par faire taire tout cela. Et il ne resta plus que le silence, le calme après la tempête. Le contrôle.

Tranquillement, mes pieds me dirigèrent à moins de deux mètres de la position de la stèle; mes iris continuaient d’admirer les courbes légèrement éclairées de la pierre; mon corps, quant à lui, avait cessé de trembler. Ainsi, solennellement, je me penchais une dernière fois devant eux, les saluant à la manière de la Compagnie.

« Merci pour tous vos loyaux services, chers amis. »

De longues minutes s’écoulèrent et, pourtant, je gardais la pose, un poing serré sur mon cœur.

« Merci… Chuchotais-je tout doucement. Et désolé », me sentais-je obligé de répéter.



D’un mouvement sec, mes ailes disparurent de mon dos, mes pieds rejoignant doucement le sol. Devant moi, le site des opérations avait lentement repris ses activités. L’ambiance était lourde, noire, mais les gens, malgré tout, travaillaient. La vie devait poursuivre son cours. D’une démarche sans empressement, je m’enfonçais dans le camp, pas à pas.

« Finalement, il l’a vraiment fait… »

Pas à pas. Pas à pas. Pas à pas. Pas à pas.

« Oui… Mais il était véritablement trop tard pour eux. »

Pas à pas. Pas à pas. Pas à pas.

« N’auraient-ils pas pu attendre un peu? Juste… Un tout petit peu… La femme de Jeffrey est complètement dévastée. »

Pas à pas. Pas à pas.

« Je suis certaine que le médecin Gaërel et son équipe auraient pu les sauver, s’ils avaient eu juste quelques… quelques jours de plus… »

Pas à pas.

« Mais le virus avait bien trop progressé. Vous avez vu, tout comme moi, à quel point les pauvres étaient détraqués. Ils perdaient l’esprit, perdaient la raison… N’étaient plus que l’ombre d’eux-mêmes. »

Pas à pas.

« L’Olori Ivanhnoé l’a uniquement fait dans le but de préserver nos vies. Et d’abréger leur propre souffrance. »

Pas à pas.

« Vraiment? Nous aurions dû faire confiance au Docteure Gaërel! Je reste convaincu qu’elle aurait pu les sauver! »

Pas à pas.

« C’est la Docteure qui n’arrivait pas à comprendre la gravité de la situation! Cet échec a blessé son ego! »

Pas à pas.

« Pardon?! Comment pouvez-vous lui donner des intentions aussi cruelles! L’ego n’a rien à voir là-dedans! Elle s’en veut parce qu’elle n’est pas parvenue à sauver ces vies… Elle s’en veut parce qu’elle n’a pas su sauver ces gens qui… »

Pas à pas.

« Plus personne ne pourra aller dans ce bayou avant que l’on comprenne ce qui s’y est passé. »

Pas à pas…

« N’empêche… Il y avait bien deux de ses compagnons dans les victimes… »

Pas à pas…

« Oui… »

Pas à pas… …

« Et pourtant, aucune larme dans ses yeux. Regarde-le marcher : il n’a pas l’air affecté du tout! »

Pas… Pas…

« Mais tu sais, le soldat Yüerell est quelqu’un de… particulier. »



« Très inexpressif. Difficile à aborder. »

… …

« Je sais pas, à toutes les fois qu’il est à côté de moi, j’ressens un malaise… Y’a des dames qui l’adorent, qui le trouve charmant, je dis pas le contraire, mais moi… »

… …

« Ouais, je comprends. Je ressens la même chose quand il est dans les environs. »

… … …

« En plus, tu sais, des soignants le voyaient déambuler d’une chambre à une autre, comme un automate, sans expression, les yeux aussi vides que la mort qu’il faisait abattre. »

… … …

« Il ne faisait que passer de chambre en chambre. Chop! Chop! Chop! Enlevant la vie des malades un par un. »

… … …

« Jamais, il n’a hésité. Jamais, il n’a, semblerait-il, ressenti le moindre chagrin. »

… … …

« Tu exagères. Je te trouve un peu dure, là… »

… … …

« Mais les gens ont peut-être raison sur un certain point… »

…. … … …

« Le rôle pour Yüerell est celui d’un exécuteur, celui d’un Boucher. »

Et dans un souffle hivernal incontrôlable, la glace s’étendit sous la semelle de mes chaussures, s’étendant en pic autour de moi, comme des barricades, des crocs acérés qui s’apprêtaient à les dévorer. Et le silence s’imposa violemment. Aussi violemment que le regard que j’adressais à tous ces détracteurs. Qui ne savaient rien. Qui ne savaient absolument, strictement rien. Je pouvais sentir les regards se poser sur ma nuque, les bouches crispées se tordre sous le malaise et la nervosité et, au loin, je captais le regard de l’Archange Ivanhnoé. Ses yeux me transperçaient depuis sa position et je soutenais son regard sans flancher. Bien sûr que nous savions ce qui nous attendait. Bien sûr que nous savions qu’il y aurait des remarques, des menaces et du mécontentement. Bien sûr que je savais tout cela, mais je savais surtout que nous l’avions fait par humanité. C’était… difficile à exprimer. Tout comme ce qui traversait mon esprit. Pourquoi pleurer? Est-ce que cela allait pouvoir changer le cours des événements? Est-ce que cela allait sauver la vie de ces dix personnes?

Je baissais les yeux, commandant à la glace de s’effriter et de se briser. Puis, d’un pas encore plus lent et lourd, je repoussais la toile de ma tente, m’engouffrant sans un mot dans l’obscurité de mon antre.


1 810 mots | Post VIII | FIN


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