Freyja fixait Léto, interdite. Elle avait l’impression d’effleurer des doigts un coffre de secrets, recouvert d’une fine pellicule de poussière, quelque chose que l’on aurait oublié dans un recoin sombre. Le scintillement des perles dans les cheveux de l’Edmund’Faasnu imprégnait tant sa mémoire qu’il altérait sa vision. Elle le voyait, rayonnant sous un soleil brûlant. L’éclat de son sourire emporté par une bourrasque ensablée, ses mots égarés dans la nuit et ses maladresses qui ricochaient contre sa force brute. Cette maladresse que la situation leur prêtait et qu’elle entendait dans sa voix. Ces mots qui s’amusaient encore à courir entre les étoiles, sans se soucier du fil qui voulait les retenir. Peu importait où ils se rendaient : hypnotisée, l’Ange les suivait. Elle aimait se laisser bercer par la voix de la Sùlfr. Sur l’oreiller ou au coin du feu, elle s’endormait parfois en l’écoutant raconter des histoires. « Je crois, oui. » répondit-elle sans se départir de son sourire. Malgré elle, sa mémoire baignait dans une nostalgie gonflée de tendresse. Les songes exerçaient des pouvoirs sans équivalence et toujours terriblement déstabilisants. Elle n’avait pas besoin de voir le visage de Léto : il était un souvenir qui lui appartenait. Durant un instant fugace, elle se dit qu’ensemble, ils pourraient tout affronter, et qu’elle pourrait le suivre tout autour du monde. Alors, quand il l’entraîna hors de la piste, elle lui emboîta le pas. Sa méfiance bataillait avec les réminiscences du rêve. Elle savait, pourtant, que l’onirisme offrait ses services à la réalité. Il manigançait ce qu’elle ne pouvait pas orchestrer. Elle songea à Adam, et son cœur se serra.
Entre les haies, l’atmosphère était plus intime. La musique résonnait en un chant plus lointain et la pénombre laissait mieux discerner des nuages aux formes fantasques. Les paroles de Léto trouvèrent un écho entre ses pensées similaires. Plus le temps passait, plus elle doutait de l’existence du hasard. Parfois, elle y croyait encore avec la ferveur d’une enfant. D’autres fois, la désillusion l’assaillait et elle ne pouvait que se résoudre à voir la vie comme un enchaînement millimétré d’événements organisés. Elle baissa la tête, avant de la relever dès qu’il formula sa question. Une lueur vive s’agrippa à sa rétine. Coincée dans le désert, elle avait perdu tous ceux à qui elle tenait. Elle se rappelait de cette longue quête pour les retrouver. De cette douleur profonde qui lui entaillait la poitrine à chaque fois qu’elle mesurait sa solitude ; et de cette solitude renouvelée lorsqu’elle avait tout quitté pour partir à leur recherche. Elle avait laissé Léto derrière elle, pour courir derrière des fantômes. Dans le rêve, elle ne les avait jamais retrouvés. Dans la réalité, Priam avait toujours été là, Kaahl vacillait et Adriel s’éloignait. Elle demeura silencieuse quelques instants, puis souffla, peut-être trop bas pour qu’on l’entendît : « Je ne sais pas. »
L’Ailée laissa sa main remonter vers ses lèvres, son regard fasciné par la bichromie du sien. Elle s’y était souvent plongée, de colère, de désespoir et de détresse, mais aussi de joie, d’espérance et d’amitié sincère. « Moi aussi. » affirma-t-elle tandis que ses doigts rejoignaient le tissu de sa jupe. Elle pensait déjà souvent à elle, mais plus comme à une guerrière exemplaire que comme à un ami. En dépit de son trouble, l’idée du rituel l’amusa tant qu’elle lui arracha un sourire. Elle s’imaginait demander à voir Léto et le ou la voir apparaître d’un coup devant elle, un peu à l’image de certains adjuvants dans les contes, dans un nuage d’étincelles ou de fumée. Cela pourrait donner lieu à des situations cocasses. La curiosité la happa et elle voulut questionner son cavalier sur la façon dont il procéderait pour l’entendre et la retrouver mais, déjà, il s’éloignait, avec dans son sillage l’odeur entêtante de l’encens. Elle le suivit des yeux, sans chercher à courir après, une sensation de flottement au creux du ventre. Après quelques secondes blottie dans l’étreinte silencieuse de la nuit, l’Ange retourna vers le cœur des festivités. Elle voulait retrouver Aimé, comme elle le lui avait promis. Elle désirait aussi vérifier s’il était celui qui avait pris sa place entre les bras de l’Empereur Noir, et s’il y avait survécu. Elle ne se doutait pas qu’au lieu de trouver le Magicien, elle tomberait sur un Déchu belliqueux.
Message XII – 720 mots
Laëth termine sa danse avec Léto. Ce post se situe juste avant sa danse avec Adam, qu'on a terminée aussi. Il ne lui reste donc plus que sa danse avec Laen (déjà amorcée dans mon dernier post avec Adam).
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Quand je vois une bêtise plus grosse que moi et que je décide de la faire.
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Merci Kaahlinou
Jämiel Arcesi ~ Alfar ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 760 ◈ YinYanisé(e) le : 01/03/2019◈ Activité : Étudiant à plein temps ; Luthier en parallèle
« Ce que j'en ferais ? ». Èibhlin leva les yeux, pensive. Elle s'imagina sur le trône, Amarante à la place de l'Amarante. Si elle était reine, peut-être commencerait-elle par faire un peu de ménage. Elle ferait taire ceux qui l'avaient toujours considérés comme incapable et dont la réussite ne dépendait que d'un tiers dont le pouvoir égalait la cruauté. Elle s'assurerait du soutien des Tedalen, probablement de la même façon que Jämiel et elle avaient signés leur pacte : par le sang. Elle étendrait la culture de la Majestueuse au-delà de ses frontières et par-delà les mers. Elle moucherait les autres Dames Noires, le personnel du château interdiiiit et le peuple Sorcier dans son ensemble. Elle ne se laisserait plus écraser ni même effrayer par l'Empereur Noir. Le fait étant qu'il résidait un problème de taille. Les Élus d'Hel'dra. Ceux-là étaient destinés à s'accaparer le trône pour obtenir la couronne universelle. En soit, elle pourrait tout à fait leurs mettre des bâtons dans les roues et les empêcher d'atteindre ce but. Avec le pouvoir tout du moins. Un passerait à travers les mailles cependant : Jämiel. Elle n'était pas certaine de ses ambitions, il n'en parlait pas vraiment. Elle savait qu'il voulait quitter Mornhîngardh, ça part contre c'était certain. Ses regards ne trompaient pas. Elle l'imaginait cependant très bien se visualiser à porter la couronne également. Finalement elle se contenta d'offrir un sourire mystérieux à son cavalier, laissant sa curiosité insatisfaite, avant arquer un sourcil et le détailler avec scepticisme lorsqu'il reprit la parole. « Si vous le dites. C'est tout de même dommage de vouloir seulement rester soi-même quand on vous offre la possibilité d'être plus. » rétorqua la Sarethi, déçue de cette réponse bien qu'elle doutât de sa sincérité. Même les plus bénéfiques et moins ambitieux se rêvaient en autre chose de mieux. Aux bras de son aimée ; sauveur ou protecteur de sa patrie ; grand érudit au savoir conséquent. Malgré ce qu'il pouvait dire, il était forcément quelqu'un d'autre.
Il y avait du vrai dans ses mots. Les Sorciers étaient tout à fait capable de faire de ce bal une hécatombe. Prendraient-ils toutefois ce risque avec les Dames Noires mêlées à la foule anonyme ? Ça l'étonnerait ou du moins, elle l'espérait. Elle n'en dit cependant rien, de risque qu'il ne comprenne qu'elle en était. Elle ferma ensuite les yeux, à la recherche d'une réponse à donner à son jeu. « Possiblement aurais-je profité de la première danse pour vous condamner d'un mal de mon propre crû. J'aurais profité de votre faiblesse pour me saisir de Lagherta, puis de votre mort pour étendre mon emprise sur les terres bleues et assujettir votre race. » commença-t-elle en rouvrant les paupières, son regard perçant celui de son cavalier. Elle marqua un court temps avant de reprendre. « Je n'empoisonnerais pas la totalité des convives à ce bal. Uniquement les Mages Blancs ou les personnalités influentes des races pouvant se montrer potentiellement gênantes. Peut-être userais-je même d'un autre moyen que la magie sorcière, ou d'un mal dont les symptômes ne se révélerait que plus tard afin de semer le doute. Après tout, je suis censée être dans une optique d'ouverture au monde, pas d'isoler mon peuple en m'en prenant à plusieurs races, parfois même pas en instance d'alliance. » sourit-elle sans détacher ses iris du carmin de son interlocuteur.
Èibhlin s'amusa de la réaction de celui-ci à sa remarque et de ce qu'il lui répondit. « Pourtant je vous ai parlé en toute sincérité jusqu'à maintenant. » répliqua-t-elle d'une voix lente. Sincère si l'on omettait quelques détails passés sous silence, mais pourquoi en parler puisqu'il n'était pas au courant ? « Est-ce votre cas ? » ajouta-t-elle, sardonique. Et, tandis qu'elle s'apprêtait à reprendre la parole quand il évoqua son anonymat, ce fut plutôt le mutisme qui la saisit lorsque l'inconnu porta sa main à son visage. Un instant le trouble empara son être au contact des lippes sur son épiderme avant qu'il ne fasse place à la surprise alors même que la douceur des lèvres fut remplacée par la rudesse d'une canine trop longue pour la normale. À présent elle haïssait ces masques. Il y avait trop de coïncidence pour que ce soit seulement une ressemblance. Pourtant, le fait de se retrouver à danser et converser avec lui, si loin de leurs terres respectives, avait quelque chose d'extraordinaire. Comment, parmi la masse d'invité, avait-elle réussie à proposer une danse avec lui. « Est-ce que... ». Elle s'arrêta là. Le masque cachant l'identité de son vis-à-vis s'était effacé. Elle eut confirmation de ses pensées. « Non rien. Ce n'est pas important. ». Il ne semblait pas avoir deviné son identité à elle, et tant mieux. Au fond d'elle, elle était totalement bouleversée et ce sentiment lui était insupportable. Pourquoi croisait-elle si souvent sa route ? Ça n'avait aucun sens. Aussi détourna-t-elle les yeux bien qu'il reprit la parole. Assumer son regard et ses paroles à la fois devenait soudain difficile alors même que ce rêve lui revint à l'esprit. « Je t'ai jeté un sort parce que tu m'appartiens... » susurra-t-elle lorsqu'il eut fini avant retrouver les iris du Vampire. « Vous voyez. Vous êtes tout à fait capable de vous imaginer plus que vous-même. » commenta-t-elle dans son silence. « Ne sous-estimez pas la force et l'honneur que peut avoir une femme cependant. Surtout si elle possède le pouvoir et les responsabilités qui vont avec. Rêverait-elle de lui, le désirerait-elle même à n'en plus pouvoir, il faudra plus qu'une obsession pour la mettre à genoux et abandonner la confiance des siens si facilement. » souffla-t-elle ensuite en s'efforçant à soutenir son regard, songeant que ces mots pouvaient en partie s'appliquer à sa propre personne.
Elle ne put retenir un sourire amusé lorsqu'il évoqua leur "jeu". Penserait-il de même s'il savait ? « C'est bien dommage alors que la musique arrive sur sa fin. » rétorqua-t-elle tandis que les musiciens jouaient la fin de la partition. « Jouons une dernière fois alors, avant de se quitter. » ajouta-t-elle avec un air malicieux. « Je vous passe les règles du jeu, il est facile à comprendre de toute façon. ». Puis, après une inspiration, elle se rapprocha de lui jusqu'à frôler sa joue, de sorte que les oreilles indiscrètes de l'entendent pas. Son parfum envahit plus encore ses narines à cette distance. Un parfum qu'elle connaissait et avait déjà humé. « Vous touchez la vérité du bout des doigts avec votre jeu, Dorian Lang. Après tout, j'appartiens déjà à l'Empereur Noir. » murmura-t-elle sur les dernières notes de la chanson avant vivement se détacher de lui et se noyer dans la foule sans un regard supplémentaire sur sa personne pour se retrouver aux bras d'un nouvel inconnu. Un véritable inconnu cet fois. « M'accorderiez-vous cette danse ? ». Èibhlin se retourna en entendant la voix derrière elle. « Navrée, je commence à fatiguer. » répondit-elle en s'apprêtant à s'éloigner. « Contentons-nous de profiter de cette nature alors. ». Cette ? « Vous tenez vraiment à me tenir compagnie. » rétorqua-t-elle, entre amusement et ennui. « Disons que c'est amusant un temps cet anonymat. Mais je commence à m'en ennuyer. C'est légèrement répétitif. » répondit, lassé, le nouveau venu. La Sarethi fronça des sourcils avant de voir la carte que tendait devant elle son vis-à-vis. On la voyait dessus, au milieu du décors où elle se trouvait. Jämiel. « Ça t'amuse ? » gronda-t-elle en se détournant de l'Alfar qui sourit, vraisemblablement amusé oui. « Un peu, je l'avoue. ». Une moue se dessina sur le visage de l'illustratrice. Maudit masque.
La Marquise avait été étonnée de la réaction d'Astriid à sa présence, d'autant plus quant à la gêne visible sur l'ensemble de son visage, peinturluré de rouge. Autant dire qu'elle plissait des yeux d'un air soupçonneux envers le cavalier de cette dernière, consciente qu'Adam Pendragon était un Luxurieux et qu'il ne s'en cachait guère, mais tout de même ... pas au point qu'il n'ennuie une enfant, n'est-ce pas ? Néanmoins, cet embarra avait été rapidement balayé par l'Ygdraë au fur et à mesure où elle retrouvait l'usage de la parole.
— Nous avons fait le déplacement ensemble et, si vous voulez, notre table est là-bas. Si vous avez envie de la voir, n'hésitez pas à le dire à ma Camériste. Elle s'appelle Monika.
Ce serait peut-être un moyen de l'éloigner, même si ça ne devrait pas être aussi fac ... Sans demander son reste, Astriid s'inclinait envers eux et disparu entre les convies, une véritable tempête de boucles rousses. Ah, visiblement, cela avait été très simple ! Tout en reportant ensuite son intention sur son nouvel interlocuteur, sourire aux lèvres.
— Je dois avoir des choses que vous n'avez pas.
Qui résisterait à sa cadette, âgée de quelques mois ? Elle, pour commencer. Sif avait son caractère, autant qu'Emelyn, probablement un trait commun aux roux, mais elle était adorable, sans égaler le calme des Jumeaux. Un instant, elle se demandait si le Déchu avait des enfants. Très probablement. En tout cas, même s'il déployait des efforts de bienséance, elle l'avait vu blêmir. Son Ma'Ahid, certainement. Il était ravageur auprès de ses interlocuteurs, mais au moins, personne n'aurait remis en doute son statut racial, même en découvrant le secret sur sa main. Il lui demandait ensuite de l'attendre, elle acquiesçait, sans doute pour aller boire un verre de vin et se remettre d'aplomb. L'idée la fit glousser intérieurement et elle l'attendit aux abords de la piste, cherchant le Chancelier Windsor du regard, même si de sa position actuelle, l'Humaine ne le distinguait pas. Elle demeurait ainsi, sage, jusqu'au retour d'Adam.
— ... Je craignais que vous ne m'offriez votre chaussure, comme la dernière fois, déclara-t-elle en lui tendant la main, armée de son sourire.
Le Bal d'Encens. Cela ne remontait pas à si loin en ce qui la concerne, en raison de la coupure qu'avait subi sa vie, mais pour lui, cela devait être une éternité. Il l'avait connu si ... Frigide. Oui, c'était cela, même elle l'admettait sans peine. Les choses avaient changées, surtout au contact de Neah et, maintenant, de temps en temps, elle aimait être une rose. Piquante, mais non-dénuée de charme. Cela dit, elle ne piquerait pas d'ennui son cavalier improvisé, du moins l'espérait-elle. Ce serait plus naturel de discuter dans cette configuration. Lui aussi avait ... changé ? Peut-être. C'était curieux comme impression. En y repensant, s'il n'arrivait pas à suivre son rythme, elle devrait s'adapter au sien, puisque seul Neah était en mesure de la faire valser comme personne, oui. Ce n'était pourtant pas une idée qui la fit rougir, elle était fière d'avoir été une si bonne Professeur.
— Ça me va, Adam.
Sur ce point, il avait raison. Il en allait de même en ce qui le concerne, surtout si ces personnes devenaient des amis, avec le temps. Peut-être ne le seraient-ils jamais, mais ils n'étaient pas à l'abri de se revoir dans un cadre plus officiel, autant éviter les déconvenues. De plus, Mancinia n'avait pas été élevée comme une Noble, même si elle devait garder un certain niveau durant certaines occasions, on dirait que c'était leur statut de diplomate qui le voulait, mais en tout cas, ils ne tardèrent pas à entrer dans le vif du sujet.
— Je ne doute pas que vous ayez envie de mettre toutes les belles et puissantes femmes du Continent dans votre lit, nasilla-t-elle, ayant du mal à retenir son rire. Je m'attendais à ce que ce soit vous qui m'aviez fait une plaisanterie pour me voler une danse, devrais-je être déçue de découvrir que non ?
Elle tournait, laissant ses longs cheveux suivre le mouvement.
— Je suis navrée pour vous, mais non. Je présume qu'être avec un Ange est à mourir d'ennui à vos yeux, mais c'est l'homme que j'ai choisi !
Elle n'y pouvait rien si tous les autres ressemblaient à des patates en comparaison de Neah.
— J'ignore de quoi cette personne est convaincue à mon propos, admit-elle. Je détiendrai plusieurs secrets à son encontre, sans m'en souvenir. J'ai pourtant une assez bonne mémoire de mes rencontres, d'où ma perplexité.
C'était surtout des hypothèses que son esprit avaient carburés à concevoir. L'individu avait un ancien époux nommé Priam, duquel il était inquiet de son éventuel remariage. De plus, l'idée que Neah puisse lui en vouloir de son choix de mariage plus que d'un éventuel divorce renseignait sur son statut d'homme et appartenant à une race qui autorisait de rompre ses liens. Un Magicien ? Sans parler du passage où il avait suggérer de voir Adam et Neah ... Faire quelque chose ensemble. Aucune chance ! Même si son Ange s'avérait aimer les hommes, un Déchu, pour lui, jamais de la vie ! Il avait eu de mauvaises expériences avec des Luxurieuses, tout ce que risquait son cavalier, c'était de finir castrer. Et encastrer.
— Il m'a cité quelques autres noms dans sa lettre, mais c'est bien trop vague pour y accorder du crédit.
En dehors d'Adam, auquel elle n'avait pas remis de doute sur l'identité, curieusement, il y avait un certain Priam, ainsi qu'une Esther, qui serait sa soeur. Au moins, cela écartait l'éventualité que ce soit Priam Belegad, la probabilité aurait été amusante ! À moins que Laëth ne change soudainement de nom ? Non, il n'y avait pas de raison.
— J'en viens à me demander s'il existe, ou si ce n'est pas un canular adressé à un cercle restreint ... de là à me demander des Humains pour endormir sa magie. Pourquoi ne pas venir travailler avec moi directement, si nous sommes amis ? Je suis certaine que mon Ma'Ahid à lui seul serait suffisant pour l'apaiser.
On aurait dit que ce dernier en avait après ceux ayant un nom reconnu. Ce qui lui mettait un dernier doute.
— Vous êtes sûr que ce n'est pas vous ? l'embêta-t-elle encore un peu. Si vous êtes convaincus que nous pouvons être amis, je suis sûre que l'on pourrait entamer la création d'une véritable alliance entre les Déchus et les Humains, plus que nos entendes habituelles.
Parce que Mancinia Leenhardt n'avait jamais assez de travail. Et si quelque chose de positif pouvait ressortir de cette mascarade pour son peuple, autant en profiter.
Nostradamus tendit les laisser-passer au garde qui jeta un regard indifférent au duo. « Le plaisir est partagé. » répondit le mage noir face à l’excitation de sa partenaire. Ça n’avait pas été le cas, au début, lorsqu’Asmérah lui avait annoncé qu’il devrait changer ses plans initiaux – accompagner une jeune sorcière, qui avait récemment basculé dans la magie obscure et que l’Apôtre avait espéré pouvoir prendre sous son aile. Maintenant qu’il s’apprêtait à entrer dans les jardins, la démone à son bras, il se trouvait cependant ravi de la compagnie qu’on lui avait désignée. Elle était bien plus intéressante que l’ancienne magicienne, même si elle ne répondait pas à ses plans de la même manière. « Tout est en ordre. » constata le garde en rendant les documents à son propriétaire, qui les récupéra avant de s’avancer tandis que l’on énonçait son titre.
« J’espère bien. » fit le sorcier en esquissant un sourire derrière son masque. « Je ne t'ai pas emmenée à un bal pour te laisser sur le bord de la piste. » ajouta-t-il tout en prenant place au milieu des autres couples de danseurs. La danse des souverains venait de se terminer et après les applaudissements de convenances, les cavaliers étaient progressivement entrés sur la piste. « Ne t’en fais pas… Laisse-moi te guider. » la rassura-t-elle. Il n’était pas un expert mais il connaissait les codes, suffisamment pour ne pas dénoter au milieu du groupe. Il plaça ses mains sur la silhouette de sa partenaire. Dans cette position, leur différence de taille était flagrante. « Une magicienne ? » souligna-t-il, quelque peu surpris. Il avait du mal à imaginer une telle combinaison. L’alliance d’un mage noir et un Vil, quoique improbable suite à l’attaque menée par l’Ultimage, restait malgré tout plus naturelle que celle avec un détenteur de magie bleue. Les nombreux génocides perpétrés par les adorateurs de l’Œil les avaient rendus antipathiques, et les frêles magiciens ne leur témoignaient habituellement rien d’autre que de la méfiance. « J’imagine qu’elle a été une bonne enseignante. » Plus pédagogue et patiente en tout cas que si elle avait dû suivre les enseignements d’une sorcière. « Mmh, je comprends mieux. » souffla-t-il tout en guidant la Saraini pour la faire basculer légèrement en arrière dans le pas de la valse qu’ils dansaient. « Et comment se porte votre entreprise ? As-tu pu commencer à exploiter les enseignements de votre nouvelle amie ? » questionna-t-il, une pointe d’amusement dans la voix. Il trouvait la situation comique. Il s’imaginait la réaction de la pauvre cuisinière, outrée de découvrir l’usage qui avait été fait de ses recettes.
« Quoi, tu prévois déjà te débarrasser de moi ? » plaisanta l’homme en dirigeant sa cavalière. « Ou bien est-ce un nouveau terrain de chasse ? » glissa-t-il tout bas en se penchant pour s’approcher de l’oreille de sa confidente. Une moue déçue se dessina derrière son masque. « Malheureusement, je ne suis pas certain que nos amis trouvent notre partie de jeu à leur goût… » fit-il en désignant des mages postés pour surveiller les convives. L’homme se concentra sur les pas qu’il effectuait. Ils auraient toute la soirée pour explorer les jardins. Il ne fit pas attention au nom que l’on annonçait à l’entrée du bal.
« Oui. » Le Dementiæ grimaça. L’endroit était beau, c’était indéniable. Bien différent de Nementa Corum et de l’atmosphère sordide que l’on connaissait habituellement aux cités sorcières. Peut-être était-ce pour cela qu’autant de monde s’y trouvait agglutiné. Stanislav n’avait jamais été à l’aise lorsqu’il était entouré de trop de monde. L’envie de faire demi-tour l’étreignit mais il se retint, serrant les poings en manifestation physique de son envie de fuir. « Merci. » Il était guindé. Il avait l’impression d’étouffer, dans ce costume trop serré. Le vêtement était de bonne facture – bien meilleure que ce qu’il aurait pu se permettre de trouver seul, et sans l’aide de son père. Le sorcier suspectait son étrange visiteuse d’y avoir mis son grain de sel. « Tu es très… très belle aussi. » ajouta-t-il, se souvenant soudainement qu’il aurait été de mauvais goût de ne pas retourner le compliment. Il le pensait. La robe qu’elle avait revêtit lui plaisait. Il n’avait simplement pas trouvé d’occasion de le lui dire plus tôt et maintenant, il se sentait idiot de le lui avoir avoué de cette manière. « Je... Non. Je ne suis pas doué pour... pour danser. » lâcha-t-il tandis que la démone l'embarquait un peu plus au cœur de la foule. « Peut-être que c'est moi qui vous écraserai les pieds. » confessa-t-il, posant maladroitement les mains sur sa partenaire pour entamer la danse. « Est ce que vous aimez danser... tout le temps ? » Il n'était pas très doué pour faire la conversation.
Quelque chose avait changé. C'était à peine perceptible, tant les masques jouaient leur rôle et la maîtrise des émotions de ma partenaire. Presque. Ses prunelles s'étaient décrochées des miennes mais je ne pouvais attribuer cela à une soudaine timidité due au tracé d'une canine acérée sur son poignet. J'aurai donné cher pour découvrir la nature de ses pensées, de ses conclusions, le visage derrière ce masque. Le doute me dévorait. Lequel voulais-je voir ? Qu'il s'agisse d'une inconnue ou non, il me semblait que dans un cas comme dans l'autre, la révélation me donnerait envie de l'emporter jusqu'aux haies pour la sucer. L'inconnue pour ne pas me donner la satisfaction de voir celle qui hantait mes rêves et Èibhlin simplement par vengeance et pour découvrir si oui ou non le sang de ces démons des bois était aussi empoisonné que leur forêt. Ma main descendit sur ses reins, plus bas que la valse ne le recommandait mais je n'étais pas là pour impressionner quiconque de mes qualités de danseur. «Je vous parle de passion, vous me répondez par la raison. Dites-moi, avez-vous jamais aimé ? N'avez-vous jamais désiré quelqu'un si fort que soudain tout paraît possible, facile ? Non. A votre parfum, je devine que non.» Je souris, avec l'air d'un chat qui vient de découvrir un moineau condamné au sol par une aile blessée. Il n'en serait que plus passionnant de la faire céder et de voir s'écrouler toutes ses petites certitudes. Son menton tremblerait-il alors qu'elle retiendrait ses larmes ? Elle n'était pas prête. Personne ne l'était jamais. Ma voix prit la dureté de l'acier. «Qu'importe que votre sang soit rouge ou bleu, que des milliers dépendent de vous ou que vous viviez ignoré de tous et terré dans une cabane miteuse. Des royaumes tombent pour un coeur battant. Prétendez-vous pouvoir vous placer au dessus de ça ?» Je la fis tourner une dernière fois alors que les notes s'éteignaient autour de nous. «Ce n'est pas moi qui sous-estime qui que ce soit, Mademoiselle.» Je m'écartais et inclinais le buste mais elle n'en avait pas terminé. Je la laissais approcher, curieux de ce secret qu'elle voulait n'offrir qu'à mes oreilles. Je me fourvoyais. Ses mots me transformèrent en statue. Il n'y avait que deux Alfars connaissant mon identité. Et une seule était liée au Grand Chaos. Quand le destin s'entremêlait avec ma paranoïa, il n'y avait plus de filet de sécurité me séparant de la folie. À s'agiter sous mon nez, même le plus endormi des Vampires ouvrirait un oeil intéressé. Je la regardais s'éloigner sans chercher à la rattraper. Mieux aurait-il valu qu'elle joue le jeu jusqu'à la dernière seconde et que nous repartions avec nos incertitudes. Nos jeux étaient désormais ouverts sur la table et je n'avais plus envie de lutter, plus envie de me voiler la face, plus envie de jouer la carte de la prudence. Je la voulais. Qu'elle soit une Future Dame Noire ou qu'elle se cache dans cette forêt impénétrable avec ses congénères hautains, je me jouerais de ces obstacles, d'une façon ou d'une autre et qu'importait le temps que cela prendrait, je ne craignais pas la morsure des années. Le dessert serait-il trop gros pour moi ? Mon sourire s'élargit. Mon appétit était comme un monstre insatiable, rien ne semblait devoir jamais le satisfaire. Si je devais renoncer par crainte de représailles, par crainte de me briser les crocs sur elle, alors je n'étais pas digne de Lubuska. Ce n'est pas par peur que nous nous cachons parmi les ombres, nous préférons les hanter et les rendre désirables. Des doigts fins s'enroulèrent autour de mon bras. Il n'y avait qu'une seule personne pour s'autoriser ça aussi familièrement et son masque de renard ne réussissait pas à me cacher l'identité de ma génitrice. Il fallait plus qu'un enchantement tel que celui-ci pour tromper le lien qui nous unissait. Son haleine sur mon cou sentait le vin. Elle était meilleure actrice que moi, j'avais été presque incapable d'avaler quoi que ce soit et la Soif émit un roucoulement de frustration dans le creux de mon ventre. Elle était déçue mais je l'apaisais en lui promettant un festin prochainement. «Tu t'es bien amusé ?» Je ne me sentais pas obligé de répondre, je savais que tout ce que j'entendais, elle l'entendait aussi, qu'elle voyait tout ce que je voyais, et plus encore. Pourtant, je m'entendis répondre d'un ton absent. «Comme un loup qui vient de trouver la piste pour une chasse prometteuse.» Elle émit un bruit de gorge qui indiquait son amusement. «Ce n'est pas parce que tu n'es plus un Rahzdens que tu peux te permettre des goûts de luxe. Tu es las des gueux et des animaux ?» Je haussais les épaules. «Qu'importe leur apparence. Au final, il ne s'agit que de chair et de sang.» Laysa grimaça. «Heureusement pour nous, c'est un peu plus que cela. Beaucoup plus même. Je suis prête à te l'apprendre, tu le sais. Mais est-ce que toi, tu es prêt ?» Je ne répondis pas et elle poursuivit, d'un ton enjoué. «Au fait, on ne va pas rentrer tout de suite à Merhonëan.»
Message V | 927 mots Dorian termine sa danse avec Eibhlin, c'est son dernier tour au bal.
Kitoe ~ Démon ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 1713 ◈ YinYanisé(e) le : 09/11/2016
Mer 24 Nov 2021, 22:58
Kitoe & Toki
Le Bal des Masques
Dans la mesure où la chorégraphie le permettait, Kitoe serra un peu plus la main de Nostradamus. Elle appréciait vraiment sa compagnie. Maintenant qu'ils dansaient, elle ne pouvait plus se concentrer sur autre chose que lui. Comme elle pensait avoir saisi la cadence de la danse, elle arborait un sourire plus détendu, celui d'une femme déjà pleinement satisfaite de la soirée qui venait pourtant de commencer. Malgré la différence de taille, d'âge et de race, Kitoe était persuadée qu'ils formaient l'un des meilleurs couples, et elle en était très fière.
-Une excellente enseignante. J'aurais presque de la peine de lui faire goûter mes préparations.
Elle plaisantait, évidemment. Si la Vile fondait bien sous ses actes et ses paroles d'une bienveillance rare, elle ne pouvait pas être attendrie au point d'avoir ce genre de scrupules. Au contraire, c'était d'autant plus drôle. La vieille dame ne se doutait d'absolument rien et le seul fait d'imaginer sa réaction si elle le découvrait était jouissif. En revanche, si Kitoe voulait qu'elle le découvre réellement un jour était une autre histoire : ça ne devait pas arriver.
-Tout va bien, rien de bien particulier à vrai dire. La boutique tourne de mieux en mieux, mais rien de très innovant. J'essaie de chasser régulièrement à l'extérieur, et... Oh, si ! Elle tendit légèrement le cou et baissa le ton, afin que lui seul puisse l’entendre. J'ai trouvé de quoi me procurer des Humains. Tout droit sortis du Désert de Näw. Ils n'arrivaient jamais entiers, mais c'était largement mieux que rien. C'est assez particulier, tu y as déjà goûté ?
Ce n'était pas la meilleure viande qu'elle avait mangée, mais rien que pour avoir trouvé le moyen d’en avoir sans y mettre les pieds, elle trouvait que ça en valait la chandelle. Les conditions rudes de cet environnement, et probablement l'Anti-Magie aussi, n'en faisaient pas une viande aussi tendre et savoureuse que ce que l'on pouvait trouver chez les Anges, les Magiciens ou même les Ygdraës. Kitoe ne pensait pas faire de ce trafic l'activité centrale de son exploitation. Néanmoins, elle était la porte ouverte pour le déploiement de tout un réseau qu'elle souhaitait mener jusqu'à d'autres races.
-Qu'en est-il de toi ?
Elle ne savait pas grand-chose du quotidien de son partenaire de danse. C'était un problème. Plusieurs fois déjà, elle s'était surprise à ne pas apprécier l'idée qu'elle ne le connaissait pas tant que ça au final. Ce constat la ramenait à cet autre constat qu'elle ne pouvait objectivement pas lui faire confiance – quelle idée, c'était un Sorcier – et ça la rendait mal. Quand on voulait d'un allier, il était préconisé de pouvoir le cerner. Kitoe rit encore.
-Bien sûr que non. Ça serait du gâchis... Ce qu'elle compléta, en imitant son murmure. Les gens sont peureux et coincés. C'est à nous de les rendre amusants.
De son côté, la Vile avait parfaitement entendu le nom de son Reflet et de son cavalier. Les yeux braqués sur Nostradamus, elle chercha une réaction de sa part, mais n'en obtint aucune. Parfait.
-Oups, pardon.
Elle recula pour éviter de lui écraser le pied à nouveau, dans l'élan de la chorégraphie, perdit le rythme et dût prendre plusieurs temps pour retrouver le mouvement. Les joues de la jeune femme avaient rougi d’embarras. Heureusement, le masque épargnait la partie la plus touchée de son visage.
_
L'entendre de la bouche de son partenaire faisait accroitre son égo. Oui, elle était belle et très fière. Parce que c'était sa soirée à elle aussi ; pas uniquement celle de son modèle. Ça la faisait se sentir un peu plus elle-même, unique, comme si l'ombre de Kitoe avait tout à coup disparu.
-C'est juste une danse, promis. Murmura-t-elle.
Elle ressentait son malaise, évidemment. Elle ressentait qu'ils n'étaient pas du tout sur la même longueur d'onde. Sans ce rêve, Toki ne se serait pas autant intéressée à ce type, si ce n'était parce qu'ils partageaient le même régime alimentaire. Mais à première vue, ce devait être l'unique chose qu'ils avaient en commun. Il n'y avait pas cette même connexion qu'avec Nostradamus. Toki ne comprenait pas pourquoi et trouvait cela assez frustrant. Parce qu’elle voulait quand-même de lui dans son cercle.
-Hm... Non, pas tout le temps. Répondit-elle, déstabilisée par sa manière de formuler ses phrases. Généralement lorsque je danse, j'improvise. J'ai appris la valse et le tango il y a peu, je ne pense pas être plus douée que toi. Mais ça peut être amusant, non ? Et d'ailleurs... Elle passa furtivement un doigt sur son menton. Arrête de me vouvoyer.
Elle pinça ses lèvres en un sourire mignon. Elle voulait le mettre à l'aise, même si commencer par la piste n'était pas le meilleur moyen d'y parvenir.
-Après, on fera ce que tu veux. Rappela-t-elle en contrepartie.
Son emprise sur lui se resserra légèrement, comme une tentative pour le rassurer. Tandis qu'ils tournaient pour suivre la musique, Toki restait concentrée sur les pas qu'ils effectuaient.
-Tu n'aimes pas les grandes foules comme ça, n'est-ce pas ? Pourquoi ?
Ce qu'elle voulait dire, c'était qu'il y avait une différence cruciale entre ne pas être à l'aise en public et... lui. Malgré la folie des Enfers, elle avait rarement vu des individues aussi singuliers – sûrement parce qu'ils ne se montraient pas.
-Après ce n'est pas très grave, voulut-elle le rassurer avec une mine innocente, chacun est comme il est.
Une part d'elle aurait préféré que Stanislav fût plus confiant, mais de l'autre, elle aimait se sentir supérieure à lui, dans cet environnement qu'elle maitrisait davantage. Lui montrer qu'elle lui portait de l'intérêt malgré ses défauts pour qu'il s'attache à elle lui plaisait. Ça la faisait jubiler intérieurement. C’était un pouvoir, une nouvelle forme de pouvoir qui n'était pas vouée à un quelconque abattage.
-Oups, pardon ! S'exclama-t-elle soudain en riant, alors que leur mouvement de danse prenait tout à coup une allure catastrophique. Une étrange histoire de pieds. C'est de ma faute. Tu vois, tu es meilleur danseur que moi.
C'était faux, c'était lui qui avait raté le coche.
Kyra Lemingway ~ Déchu ~ Niveau III ~ ◈ Parchemins usagés : 4747 ◈ YinYanisé(e) le : 22/03/2016◈ Activité : Tenancière d'un Bar à vin (rang I) ; Négociatrice (rang I) ; Brasseur (rang I) ; Reine du monde des contes à mi-temps
Si elle devait faire une comparaison avec ses dernières festivités, ce bal se trouvait être plutôt calme. Ce qui était étonnant d'ailleurs, considérant les invités en présence, la moitié étant composé de Sorciers, l'autre de Magiciens. Terminant sa coupe, Oriane la déposa sur le plateau d'un domestique approchant. « Une autre madame ? » lui proposa-t-il en même temps, son œil se perdant quelques secondes avec un air dédaigneux sur les chaussures que l'Abjecto tenait en main après s'être vivement égarés dans son décolleté. La Luxurieuse n'y prit pas garde et sourit d'un sourire malicieux. « Vous voulez me saouler ? Attention monsieur, une personne bien imbibée peut se montrer trop surprenante pour un gala comme celui-ci. » commenta-t-elle, moqueuse, avant de s'éloigner. Car, après tout, ce n'était sûrement pas le meilleur des endroits pour perdre l'esprit. S'arrêtant devant le parquet aménagé pour l'événement, le regard de la Déchue balaya la foule. Une chanson se terminait. Une nouvelle aurait lieu. Elle avait pris un peu de temps pour se poser, elle et ses pieds. La danse pouvait vite se montrer fatigante, même lorsqu'il s'agissait d'une valse. Enfin elle se pencha pour remettre ses talons avant rejoindre la piste de danse et y trouver un nouveau partenaire. Elle leva le nez vers l'orchestre et la chanteuse en entendant la musique. Un tango. Voilà une danse qu'elle aurait aimé avoir avec Jun à la place d'une valse. Tant pis. Une voix l'interpellant, elle s'arrêta pour dévisager l'homme pas si inconnu et, avant qu'elle n'ait le temps de lui répondre, se fit emporter dans ses bras. « Tout les Anges sont-ils aussi entreprenant que vous ? » lui souffla-t-elle dans l'oreille lorsque leurs corps se rapprochèrent assez pour atteindre les limites de l'intime. Son œil se fit amusé lorsqu'il confia cet "écho" naissant. « On me le dit régulièrement. » confessa-t-elle dans un sourire qui s'élargit un peu plus à sa supposition. « Oh, pas si loin que ça en vérité. » s'amusa-t-elle en se laissant guider par son partenaire. Après tout, ce n'était qu'une histoire de couleur. Ses ancêtres avaient eu les ailes blanches à une époque et le sang des Vertueux coulaient dans ses veines. En quantité largement diluée, certes. Mais subsistait tout de même une goutte de ce qu'ils furent. Détachant la main du cou de l'Ange comme il se trouva allongé — ou presque — sur elle, son regard vint trouver celui du Belegad à sa remarque. « Oh, je me doute que vous savez vous en accommoder ou m'auriez-vous laissé tomber dès l'instant où ma présence vous auriez fait quelques effets. » répliqua-t-elle avec un rictus. « Je vous promets de ne rien faire qui puisse nuire à votre réputation ou votre race tout de même. Ce n'est de toute façon ni l'endroit, ni le moment pour jouer à ça. » fit-elle en se redressant sous l'impulsion du danseur. La vérité étant que lui-même et son essence, si pure, agitait son être. Ce genre de sentiment l'avait déjà atteint à Basphel. Mais pas de cette façon. Pas aussi intensément. Un rire bref échappa à la Déchue. « Voilà qui nous fait un point commun malgré nos différences alors. » remarqua-t-elle sans pour autant évoquer quel était ce point commun, ancrant son regard dans les ambres de son vis-à-vis et son estomac se nouant à ce souvenir malgré l'attitude négligente qu'elle adoptait. « Ainsi vous êtes l'un de ces Anges ayant grandis chez les Réprouvés. Ça a dû être un véritable choc des cultures de se retrouver au sein du peuple angélique. » ajouta-t-elle avant de tourner sur elle-même, se réceptionnant à quelques centimètres du visage du brun, ses mains venant encadrer avec délicatesse le visage de l'Immaculé pour ensuite les faire glisser sensuellement sur ses clavicules. « Les Réprouvés ne sont pas réputés pour leurs Vertus ou leur caractère parfaitement bénéfique. » ria-t-elle doucement. « Vous m'avez rendu curieuse. Qu'est-ce qui vous a décidé à rejoindre un peuple aussi encadré que sont les Anges ? ». Après tout, les Réprouvés, en particulier ceux de Bouton d'Or, n'étaient pas connus pour leur civilité et leur bienséance. Au contraire. Une main caressant la nuque de son partenaire, la seconde trouvant refuge dans la sienne, elle le suivi dans sa marche jusqu'à ce qu'il s'arrête. Alors elle jeta une jambe en l'air avant la faire glisser sur celle de l'Ange. « Peut-être ne supportiez-vous plus leur caractère comme des girouettes. À moins que ce ne soit le lien qu'entretenait leur Reine avec le Dædalus. » ajouta-t-elle, un éclat malicieux dans les iris. Ce mariage avait rapproché leurs deux peuples, incluant de cette façon leurs enfants, qu'ils soient Anges ou Démons.
« J'ai déjà eu l'occasion, oui. » La grimace sur le faciès du cavalier montra que le souvenir de ce repas-là n'avait pas été classé dans ses meilleures découvertes. La chaire des Enfants de Sympan était loin d'être aussi divine que leur titre aurait pu le laisser croire. Ou bien peut-être ne savait-il tout simplement pas la préparer pour la mettre en valeur. Son échec ne lui avait néanmoins pas donné envie de réitéré l'expérience. « Ça reste tout de même un met rare. Je goûterai aux tiens volontiers. Je n'ai aucun doute que tu sauras en faire ressortir les meilleures saveurs. » complimenta-t-il la cuisinière. « Je reste cependant curieux sur la façon dont tu parviens à te procurer ce gibier. Peux-tu m'en dire un peu plus ou s'agit-il d'un secret bien gardé ? »
« Moi ? » Le danseur esquissa un sourire que son masque laissait parfaitement visible. Il ne parlait pas souvent de lui, préférant écouter ce que sa partenaire avait à lui révéler. Ses victimes aimaient se sentir écouter, c'était souvent ce qui les mettait en confiance : la sensation d'avoir un oreille attentive et compatissante. Une mascarade que le sorcier avait appris à maîtriser à la perfection, tellement que s'en était devenue une seconde nature, un réflexe qu'il adoptait sans même s'en apercevoir. « Mes affaires ne sont pas aussi florissantes que les tiennes, j'en ai peur. » C'était même tout l'inverse. D'autres préoccupations le maintenaient loin de ses activités habituelles, bien qu'il ne puisse totalement se soustraire à ses prérogatives. Il était moins impliqué que d'ordinaire et cela se ressentait. « Disons que je travailles sur un projet un peu plus... personnel. Une collection qui me tient particulièrement à cœur. Elle n'est pas encore aboutie alors je ne veux pas en parler plus que nécessaire. Mais lorsqu'elle sera mise en place, je penserai à t'envoyer une invitation. » Le mage noir se demanda ce que Kitoe penserait du travail de la Cartomancienne. Sans doute y serait-elle sensible, comme lui-même avait pu l'être - quoi que son intérêt était désormais motivé par un désir de vengeance brûlant. Il en tremblait même, en cet instant, la pensée de Vulpina le rendant nerveux. Son sourire s'était mué en rictus colérique. S'en apercevant, l'Apôtre obscure inspira profondément pour se relaxer. Il était venu ici pour passer une bonne soirée en agréable compagnie. Il ne servait à rien de s'encombrer l'esprit avec des futilités.
La collectionneur éprouva une tendresse toute particulière envers sa cavalière. Il était grisant de pouvoir discuter en sa compagnie - d'avoir trouvé quelqu'un partageant ses schémas de penser. Leurs esprits semblaient faits pour s'entendre. Pour s'unir. « Qui sait, peut-être pourra-t-on trouver un partenaire de jeu d'ici la fin de la soirée. » L'homme huma les parfums environnant puis laissa échapper un soupir de bien être. « Je suis certain que beaucoup de gens ont besoin de nous pour se laisser un peu aller. »
« Il n'y a pas de mal. » rassura le tenancier. « Le changement de rythme est traître. » fit-il, comme pour trouver une excuse à sa partenaire. La valse avait laissé place à un tango. Nostradamus se sentait donc plus à l'aise, cette danse lui étant davantage coutumière. Il se rapprocha de la brune, comblant le vide qu'elle avait instauré pour se caler sur le rythme. Le mage laissa un silence s'installer entre eux. Cela n'avait rien de gênant. Il profitait simplement de la danse, laissant leurs corps parler pour eux. Il y avait quelque chose d'intriguant et d'hypnotique à laisser les non-dits dévoiler des vérités inaudibles. En cet instant, il découvrait avec joie - et avec évidence - que leurs corps savaient se maintenir en symbiose, en une harmonie presque contre-nature pour les deux Viles. Ses yeux braqués à ceux de la démone, l'homme mena la danse, laissant ses mains glisser dans le dos de la Gourmande, une tension électrisante s'installant progressivement entre eux. Finalement, le tango s'épuisa et glissa de nouveau vers une valse. Le sorcier marqua une légère pause, contrarié que leur danse se termine déjà. « Il faut que vous me présentiez votre professeure. » commença-t-il d'un ton affectueusement moqueur. « Elle vous a bien enseigné. » Il ne se doutait pas que la rencontre aurait lieu plus vite qu'escompté.
« Que diriez-vous de libérer la piste un instant, et d'aller profiter des rafraîchissements ? »
Toki & Stanislav
Juste une danse. Ca ne semblait pas si compliqué, dans la bouche de Kitoe. Et pourtant, son corps s'était raidi. Quelques minutes seulement, qui se transformeraient en une éternité de calvaire pour le mage noir. « D'accord. » avait-il abdiqué. Pour lui faire plaisir. Ou plutôt, pour ne pas la contrarier. Ce n'était pas un geste motivé par la bienveillance, mais plutôt par un égoïsme emprunt d'un besoin de se sentir aimé. Si je fais un effort, elle m'aimera. Et elle se sentira redevable. C'était ainsi que son esprit fonctionnait. Il était bel et bien un sorcier : il ne faisait jamais rien par bonté d'âme, tous ses actes étaient motivés par un besoin ou une raison intrinsèque.
Un léger frisson fit vaciller son corps, lorsque la démone passa son doigt sous son menton. Le Dementiæ ne pu s'empêcher de repenser au rêve qu'ils avaient partagés. Il espéra qu'elle continue à descendre son indexe sur son torse, sous sa chemise, et... Il fronça les sourcils lorsqu'elle le retira, brisant ses fantasmes. « Mmh... » fit-il sans grand entrain lorsqu'elle lui promit de faire ce qu'il désirait ensuite.
« Je ne sais pas. » Le mage haussa les épaules. « J'ai l'impression de ne pas être à ma place, au milieu de tous ces gens. » Ce n'était pas qu'une impression. Il dénotait, dans la foule. Une part de lui, également, tenait à ne pas se mélanger aux autres - une forme d'orgueil héritée de sa famille. Durant toute son enfance et bien après, on lui avait appris à rester avec les siens, à ne pas chercher à aller vers l'extérieur. C'était une tendance tenace qui, même s'il avait toujours cru être attiré par ce qui se trouvait hors de ses limites, s'appliquait également à lui. Lorsque Nostradamus l'avait emmené avec lui, il avait découvert ce monde qui l'avait fasciné, dans son ancienne prison. Il n'y avait pas davantage trouvé sa place que dans l'ancienne demeure familiale.
« Ce n'est pas grave. » Il ne s'était pas rendu compte qu'il s'était décalé sur le rythme. Aussi, il ne remarqua pas l'ironie de la situation, excusant sincèrement sa partenaire - bien qu'une grimace de douleur avait traversé son visage lorsque son pied s'était retrouvé écrasé. « J'imagine qu'en tant que sorcier, je dois avoir ça dans le sang... » C'était loin d'être la vérité.
Stanislav laissa son regard dérivé sur la foule d'inconnus. « Est-elle ici ? » pensa-t-il. « C'est un à un bal que nous nous sommes rencontrés. » se rappela-t-il. « Alors peut-être que... » Une once d'espoir raviva son cœur. Peut-être que l'Ange accepterait de danser avec lui. Cela faisait si longtemps qu'ils ne s'étaient pas revus à deux - lui l'observait régulièrement, bien qu'il eu cessé temporairement de jouer avec le conte du sapin après avoir été témoin de son affection pour un autre... « J'aimerais pouvoir lui parler des livres que j'ai lu récemment. » Le cavalier ne se rendait pas compte de la négligence qu'il imposait à sa partenaire, son esprit occupé par une autre.
-Navrée. J'ai bataillé pour en avoir, alors je ne vais pas te révéler tout cela comme ça. Même si elle en avait très envie. Elle ne pouvait pas lui faire entièrement confiance. C'était comme révéler le secret de toutes ses recettes. Elle ne pouvait pas, pas comme ça. Ça serait trop facile. En revanche, je serais ravie de t'en faire goûter. Je ne pense pas encore maîtriser ce produit, mais j'y travaille. Un avis extérieur ne serait pas de refus. En bon cannibale et en homme un tant soit peu raffiné, elle avait par contre très confiance en la fiabilité de son palais.
Lorsque le Sorcier s'enquit de répondre à la question retournée, Kitoe tendit l'oreille. Elle leva un sourcil. Elle aurait aimé en savoir davantage sur ce qui le tenait éloigné des fructifications de son travail, mais elle supposait que c'était aussi secret que la manière dont elle se procurait des Humains.
-Je viendrai avec plaisir.
Elle accepterait la moindre de ses invitations. Mais maintenant qu'il en avait parlé, elle avait vraiment hâte. Son imagination et ses spéculations silencieuses l'empêchèrent de discerner les états d'esprit de son partenaire. Et puis elle gloussa en promenant son regard sur l'assemblée, à la recherche de celui ou celle qui saurait les divertir tous les deux, un peu plus tard.
Le tango avait été délicieux. Kitoe ne savait pas ce qui lui était arrivé tout à coup. Elle s'était concentrée très fort et en avait résulté une chorégraphie quasi-parfaite. C'avait été difficile, non pas parce que cela avait requis une forme physique particulière, qu'elle pensait déjà posséder de toute façon, mais parce que ça lui avait fait de l'effet. Parce qu'elle avait encore plus aimé être avec Nostradamus. Surtout quand ils étaient proches. Quand il plaçait sa main dans son dos ou sur sa taille et qu'ils continuaient de se regarder, les yeux dans les yeux, un sourire aux lèvres. La Démone s'était mordu l'intérieur de la joue pour ne pas céder à la tension et à la tentation. S'arrêter de danser, ou plutôt bouger selon ses codes. Faire glisser une main jusqu'à ses épaules puis son cou, descendre, se rapprocher encore plus et... De plus en plus, elle se mettait à rêver d'une seule chose.
-Je te la présenterais volontiers. Murmura-t-elle. Malgré la dynamique requise pour le tango, elle l'avait l'impression de se réveiller tout juste. C’était confortable comme sensation. Mais je n'ai aucune idée d'où elle se trouve actuellement. Il y a tellement de monde...
Avec une moue songeuse, elle examinait encore la foule. Une vieille dame dans son genre, peut-être n'était-ce pas si difficile à repérer... Quoique. Elle avait failli oublier que les Mages, majoritaires à l'événement, n'étaient pas éternels.
-Avec plaisir.
Tout comme la nourriture, on ne refusait jamais un verre. Serrant précieusement sa main dans la sienne, ils se dirigèrent vers le buffet. Comme c'était exceptionnel, Kitoe demanda du champagne. Elle n'en consommait jamais parce qu'elle trouvait que cette boisson était surcotée. Mais tenir une flûte remplie d'un liquide doré et pétillant, ça faisait classe et cet événement était classe, alors...
-Si j'avais su, je me serais mise à la danse plus tôt. Déclara-t-elle d'une voix grave. Sûrement à cause de l'alcool, d'ailleurs.
La tension était redescendue. Tant mieux. Parfois, elle se demandait jusqu'à quel point elle était capable de se contenir. Elle but une gorgée.
-On recommencera, hein ?
Chez l'un ou l'autre. Quand il n'y aurait pas de public et qu'elle ne courrait aucun risque à faire des bêtises. Pourquoi avait-elle pris de l'alcool ? Elle ne tenait pas l'alcool.
_
Elle maintenait le contact visuel. Les yeux dans les yeux. Et un sourire tendre et aimant.
-Tu as largement ta place au milieu de tous ces gens.
A un moment de sa vie, elle avait eu la même impression que lui : qu'elle était étrange, folle et qu'elle ne méritait pas de vivre avec les autres, comme les autres. Qu'elle devait s'isoler, ne plus voir personne et que tout ce dont elle était capable était la destruction ou l'auto-destruction. Non, en fait elle avait vécu cela à plusieurs moments de sa vie. D'expérience, elle comprenait que ce n'était pas agréable. Elle se demandait depuis combien de temps exactement Stanislav se trouvait dans cette situation – probablement très longtemps vu son état. Ce devait être affreux. Toki ouvrit la bouche. Elle était sur le point de le rassurer, de lui dire qu'il n'y avait pas de honte à être ce qu'il était et qu'il devait au contraire être fier, mais elle fit finalement machine arrière. Tout compte fait, devait-elle le lui dire ? La jeune femme ne le connaissait pas. Ce serait peut-être maladroit ou pire : si cela lui faisait réaliser les mêmes choses qu'elle avait réalisé si tard et qui avaient changé sa vie, ça pourrait mettre fin au petit jeu qu’elle et Kitoe désiraient mettre en place. Et s'il décidait de s'accepter complètement, quitte à dévoiler sa folie, et qu'il échappait à son contrôle ? Non, elle ne pouvait pas prendre ce risque. Le maintenir docile pour le moment, c'était mieux. Même s'il prétendait le contraire, il s'était suffisamment détendu pour une "première" rencontre.
-Haha, oui, ce doit être un truc de Sorcier... Répondit-elle en forçant un peu le rire.
Et puis elle le perdit. Le Reflet s'efforça de chercher son regard, de sourire, de le rapprocher un peu plus d'elle, de serrer sa main dans la sienne, mais l'homme était happé par autre chose. Ses pensées ? Non. Il cherchait quelqu'un. Ses pupilles parcouraient la foule, tentait de deviner les visages sous les masques. Toki cessa de jouer les partenaires épanouies. Son manque d'intérêt pour elle la blessait.
-Tu cherches quelqu'un ?
Elle sentait la jalousie chatouiller son être. Ça n'était pas censé se passer comme ça. Normalement, il n'y avait qu'elle qui devait l'intéresser. Cet homme, aussi impopulaire qu’il était, avait une fille dévouée dans les bras et il en cherchait déjà une autre ? C’était ahurissant.
-Je ne pense pas que tu parviendras à reconnaitre qui que ce soit avec ces masques.
Mais apparemment, ses paroles n'étaient que des murmures lointains pour lui. Elle devait le rappeler à l'ordre.
-Stanislav.
Et elle devait maintenir son intérêt. Le divertir. Lui faire perdre le cours de ses pensées pour qu'il se recentre sur elle. Juste elle. Rien qu’elle. Toki s’était comme greffée à lui, du mieux que la danse le lui permettait.
-Je me disais que l'on ne se connaissait pas tant que ça. On pourrait se poser des questions chacun notre tour, qu'en dis-tu ? Je commence si tu veux : qu'est-ce que tu préfères faire pour occuper tes journées ? Je veux dire, si tu ne vas pas beaucoup voir les gens, tu dois avoir d'autres loisirs comme... je ne sais pas, lire ?
Elle ne l'imaginait pas lire. Elle disait juste ça au hasard, parce que c’était la seule chose qui lui était venue à l’esprit, dans sa réflexion précipitée. Pour combler le vide et éviter de perdre patience trop rapidement, alors que le manque d’intérêt du Sorcier l’avait plongée dans une sorte de panique dont elle n’avait pas encore conscience.
« Elle doit bien être quelque part dans les parages... » rassura le sorcier, sondant également la foule masquée, comme pour aider son interlocutrice à trouver celle dont ils discutaient. Sa recherche était vaine, étant donné qu'il n'avait jamais rencontré la magicienne et n'avait donc pas la moindre idée de ce à quoi elle pouvait ressembler. Ajoutez à cela l'anonymat des masques enchantés, et le mystère restait insolvable pour le mage noir. Il restait cependant persuadé de la présence de ladite professeure. Les mages bleus raffolaient de ce genres de rassemblements et puisqu'il s'agissait de l'un des bals organisés en l'honneur de leur si prestigieuse galette, il semblait peu probable que la vieille dame ne s'y rende pas. Sans oublier qu'elle avait pris soin d'enseigner les danses et chorégraphies propres aux mages. Elle ne se serait pas donnée cette peine si elle n'avait pas prévu non plus de s'y rendre. « Nous aurons toute la soirée pour la croiser et faire plus ample connaissance. » ajouta le Dementiæ avant de se retourner vers sa cavalière et de lui tendre son bras, tout en l'invitant à libérer la piste de danse.
Une fois près du buffet, l'homme s'empara d'une coupe de champagne qu'il choqua délicatement contre celle de sa partenaire. Nostradamus se fendit d'un sourire, à la remarque de la démone. Il avait noté la modulation dans le timbre de voix de Kitoe, sa tessiture se faisant soudainement plus grave que ce à quoi il était habitué. Ce n'était pas pour lui déplaire. « Je suis ravi de constater que notre danse ne t'a pas laissé indifférente. » fit-il, légèrement taquin, adressant un sourire à la brune. « Le privilège des démons est que vous possédez l'éternité pour profiter de cette activité. Tu pourras rattraper le temps perdu si l'envie t'en prend. » Organiser un bal macabre en son honneur, ou bien forcer ses proies à se plier à ses délires incompréhensibles. Ou bien, l'inviter de nouveau. L'homme n'était pas peu pressé de réitérer l'expérience. Il ne comprenait pas exactement ce qu'il lui était arrivé sur la piste, mais il avait l'étrange impression que leurs âmes avaient résonné en diapason, lors de l'exercice. La sensation l'avait grisé. L'envie de recommencer l'étreignait. « On recommencera. » promit-il sobrement, levant sa coupe vers son interlocutrice avant d'y retremper les lèvres. « Si tu le désires, nous pourrons même nous essayer à d'autres genre. Quelque chose que ni toi ni moi ne connaissons. » Ils seraient alors sur un pied d'égalité.
« Kitoe ! » s'écria une voix enjouée. Nostradamus baissa le regerd vers une silhouette enrobée, faite de dentelle et de froufrous. Malgré le masque, l'âge avancée de celle qui les avait interrompu n'était pas compliqué à discerner. Le mage noir n'eut donc pas de difficulté à en déduire l'identité de l'inconnue. « Comment allez-vous, ma fille ? » s'écria chaleureusement la magicienne. « J'ai vu que vous commenciez la soirée en agréable compagnie... » La vieillarde glissa son regard curieux vers la silhouette imposante du sorcier. Le concerné esquissa un sourire, sitôt suivit d'une courbette de salutation tandis qu'il s'emparait de la main de l'aïeule, qu'il baisa. Kitoe s'occupa de faire les présentations. « Enchanté, madame Ward. Kitoe m'a dit beaucoup de bien de vous. » complimenta-t-il avant de regarder sa complice avec amusement. « Oh, comme c'est adorable, ma fille. » s'amusa-t-elle. « Quant à vous, je ne cache pas être intriguée. Nous pourrons faire plus ample connaissance lorsque vous m'accorderez une danse. » « Avec plaisir. » Bellada esquissa un sourire avant de se retourner vers la femme. « Je vous ai vu sur la piste, Kitoe. Vous vous débrouillez fort bien ! Vous bougez avec une aisance agréable à contempler. On croirait que vous avez fait ça toute votre vie. » complimenta la mage.
« Une connaissance à moi. » confirma Stanislav lorsque Kitoe demanda qui il cherchait en sondant la foule avec autant d'intencité. « Mmh... » Le sorcier fit la moue au constat énoncé par sa cavalière. « Tu as sans doute raison... » Il était incapable de reconnaîter qui que ce soit, à l'exception des souverains. Cela ne voulait pas dire qu'il abandonnait l'idée de retrouver l'Aile d'Acier. Il la connaissait par coeur, jusqu'au moindre détail, jusqu'au plus profond de son être. Ce n'était pas seulement du fait de l'avoir observé des heures durant. Il avait rêvé d'elle de bien des manières - certains de ces rêves avaient créé une connexion intime entre eux deux, une connaissance de l'être qui dépassait l'entendement. Depuis cette fois-là, l'Ange avait bien évolué mais il avait partagé avec elle ses émotions les plus puissantes, tant et si bien qu'il avait l'impression d'avoir évolué en même temps qu'elle - là où l'amour se fânait et éclosait timidement, une jalousie froide et dévorante s'était emparé du coeur flétri. Il voulait revoir Laëth. Il en avait besoin - il sentait son être brûler, se déchirer à l'idée même que leurs chemins puissent se cotôyer sans pour autant se croiser.
« Mmh, quoi ? » fit Stanislav, regagnant finalement ses esprits à l'entente de son prénom. A contre-coeur, il baissa les yeux vers sa cavalière. Il réalisait soudainement la proximité qu'avait instauré la démone entre eux-deux. De nouveau, il sentit son corps s'emballer à ce contact. Elle l'intimidait, au moins un peu, même s'il essayait de le nier. Le Dementiæ déglutit, retenant de peine un soupir à la proposition de la femme. Un jeu pour mieux se connaître. Pourquoi pas. De toute manière, ce serait plus divertissant que de devoir danser sans rien se dire. « J'aime lire, oui. » confirma-t-il, pris par surprise. Kitoe avait-elle lu dans son esprit ? Ou l'avait-elle simplement mieux cerné que ce qu'il avait imaginé ? « En ce moment, je termine un article sur la magie de réincarnation. » confia-t-il, légèrement intrigué. En parrallèle, il lisait égalelent un ouvrage sur les us et coutumes angéliques, comme pour en apprendre toujours plus sur celle qui occupait ses pensées. « Et toi ? » Stanislav fronça les sourcils. « Non. Ce n'est pas ma question. » coupa-t-il finalement avant d'avoir écouté la réponse de sa partenaire. « Quelle est la chose la plus excitante que tu ai fait de ta vie ? »
Dernière édition par Nostradamus le Sam 19 Fév 2022, 12:48, édité 1 fois
Kitoe ~ Démon ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 1713 ◈ YinYanisé(e) le : 09/11/2016
Mar 25 Jan 2022, 21:12
Kitoe & Toki
Le Bal des Masques
Elle s'était perdue dans ses pensées. Le fait que ce fut le soir n'aidait probablement pas, car c'était là que les sentiments mélancoliques ressurgissaient. L'imagination jouait davantage. Et puis il y avait Nostradamus, qui avait confirmé qu’ils recommenceraient. Kitoe se figurait mille et unes scènes les mettant en avant dans des chorégraphies toutes plus fascinantes les unes que les autres. Être avec lui lui procurait un bien fou. Ça l'apaisait tellement que le seul fait d'y songer lui donnait envie de dormir. De se rapprocher de lui, de se blottir contre lui et de dormir. C'était, au final, la chose la plus évidente à faire. Être avec lui. Plus encore : être contre lui. En cet instant, ils avaient beau être côte-à-côte et cela avait beau la rendre heureuse, il y avait cette boule de tristesse dans le creux de son ventre. Comme s'il lui manquait un élément crucial qu’elle ne pouvait récupérer qu’avec leur contact physique.
L'appel la ramena à la réalité comme une main extirpant un poisson hors de l'eau. D’abord désagréable, elle comprit que cela s’était néanmoins produit au bon moment et l’avait empêchée de basculer contre le Sorcier. Les paupières battantes, Kitoe chercha l'origine de la voix.
-Bellada ? Articula-t-elle.
La jeune femme se réveilla en un instant, prise par un doute, malgré sa joie de revoir la Magicienne. Comment cette dernière l'avait-elle retrouvée ? Kitoe baissa une seconde les yeux sur sa tenue. Ah, oui. L'inquiétude retomba aussitôt. Mais ça faisait tout de même bizarre.
-Tout va bien, et vous ?
Elle se décala d'un pas pour mettre en valeur son cavalier. Elle en était très fière, et la bienveillance de la grand-mère l'exaltait encore plus.
-Oui, je vous présente Nostradamus Dementiae ! Elle se retourna. Nostradamus, voici Bellada Ward.
Elle les laissa ensuite faire plus ample connaissance. Si elle n'avait pas eu une coupe à porter, elle se serait tenue comme une écolière exemplaire, avec ses mains jointes dans le dos. Son sourire s'agrandit jusqu'à ses oreilles à l'entente des compliments de la vieille dame. Elle se surprit aussi à rougir.
-Merci ! Mais ça n'aurait pas été possible sans vous et un cavalier aussi compétent.
Elle lança un regard complice à Nostradamus, qui tout à coup devint taquin – le regard, pas Nostradamus.
-Effectivement, vous devriez faire une danse ensemble. Allez-y, la prochaine musique va bientôt commencer ! Je vous attends là.
Elle était curieuse de voir son Sorcier évoluer avec son antagoniste. La Démone plaça sa main dans le dos de l'homme et le poussa vers la vieille dame.
Quand ils furent sur la piste, Kitoe ne les quitta surtout pas des yeux. Sa grande crainte fût qu'ils ne se retrouvent plus après l'échange. Or, la Démone tenait à garder Nostradamus pour elle. Elle s’afférait donc à détailler leurs tenues, qu’elle connaissait déjà par cœur depuis, pour les reconnaitre dans le cas où ils échappaient à son attention. En même temps, elle terminait son verre d'alcool rapidement. Lorsqu'ils revinrent vers elle, elle passa son bras sous celui du Sorcier.
-Alors ? C'était bien ? D'ici, vous formiez un très beau duo.
Elle se tourna vers Bellada.
-Au fait, je suppose que vous êtes venue avec votre famille ?
Par le biais de la grand-mère, Kitoe était supposée revoir la petite Valentine. Elle tenait à ne pas briser ce qu’elle prenait maintenant pour une promesse.
_
-Oh, vraiment ?
Elle était surprise, mais ne trouva rien de plus à y redire. En y réfléchissant un peu, Stanislav pouvait correspondre au profil de rat de bibliothèque, puisqu'il disait ne pas être à l'aise avec les foules. Quoique. Elle n’en savait rien. Kitoe était assez nulle pour cerner les gens.
-Ça a l'air intéressant. Tu souhaiterais te réincarner ? Si tu veux en savoir plus, tu as un très bon exemple face à toi.
Toki sourit de toutes ses dents pour accentuer son ton, plutôt plaisantin. Evidemment, elle pensait à la réincarnation en Vil. Elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'il se passait dans la tête de son partenaire.
-Moi ? S’étonna-t-elle d’une voix aiguë.
Elle se sentit presque nulle de devoir avouer qu'elle ne lisait pas tant que ça. Elle n'en avait franchement plus la patience depuis qu'elle était une Démone. Avant, oui. Elle ne savait pas pourquoi ça avait changé, mais cela ne lui manquait pas. Kitoe savait s'occuper de bien d'autres façon. Sa question suivante lui plut davantage. Le Reflet répondit doucement, de telle manière que seul lui puisse l’entendre.
-Je pense que c'est quand j'ai commencé à tuer. Elle passa sa langue sur ses lèvres. Et à trouver ça délicieux.
Littéralement bien sûr. La période en question avait été compliquée, particulièrement instable et traumatisante. Mais avec du recul, tout cela avait été un mal pour un bien énorme. C’était là qu’elle avait compris sa véritable nature et qu’elle s’était libérée.
-A mon tour ! Hm, voyons voir... Techniquement, elle lui avait déjà posé une question. Quel est ton plus grand rêve ?
En même temps qu’elle l’interrogeait, leur danse se terminait. Toki glissa ses deux mains dans les siennes.
-C'était chouette. Alors, que veux-tu faire maintenant ?
Le corps de la Déchue roulait entre ses mains, empreint de la sensualité propre à son péché. Il l’encadrait de sa naturelle vertu, si peu prompte aux débordements. Le tango invitait les vices, pourtant le ballet qu’ils créaient reposait sur cette tension cristalline entre leurs deux natures, que rien ne semblait capable de briser. « Vous n’imaginez même pas. » abonda-t-il en son sens, tandis que les mains de la femme ruisselaient de ses pommettes à ses épaules. « Le goût d’un Ange pour les choses carrées, droites et justes vous semble-t-il à ce point étrange ? » Un sourire taquin courba ses lèvres. Dans une certaine mesure, elle aurait eu raison. Il s’accommodait assez bien de la société réprouvée. Il aurait sans doute pu y construire sa vie, comme il l’avait toujours souhaité, et y vivre des siècles durant. Le souvenir de Lumnaar’Yuvon lui était précieux. Les yeux bleus d’Aliénor s’invitèrent dans ses pensées. S’il n’était jamais parti, il ne l’aurait jamais rencontrée. Elle avait été l’une des premières personnes qu’il avait connues, en dehors de son village natal. Il se rappelait parfaitement le jour où il l’avait croisée et fait monter sur sa jument, tandis qu’elle dénigrait ses cuisses qu’un vieillard avait critiquées. Aurait-ce été regrettable ? S’il avait ignoré son existence, si l’éclat de son regard n’avait rien provoqué chez lui, il se serait épargné bien des tourments. « Ils étaient mariés longtemps avant que je naisse. » L’alliance commençait à être vieille. « Et je crois que je me faisais sans problème à leur caractère « de girouette », comme vous dites. » Il la lâcha et s’éloigna de quelques pas, pour mieux l’accueillir entre ses bras. « C’est plus complexe que ça, en fait. Leur tempérament comme la raison de mon départ. » L’une de ses mains descendit dans le bas de son dos, tandis que l’autre remontait sur sa gorge. « Si ça n’avait tenu qu’à moi, je crois que je serais resté à Bouton d’Or jusqu’à la fin de mes jours. La vie là-bas n’est pas facile, surtout quand on est un Ange, mais elle me convenait. » Ses lèvres s’approchèrent des siennes, sans les toucher ni même les effleurer.
« C’est ma sœur, qui voulait partir. » Sa mémoire conservait en elle le souvenir de sa détermination farouche. Ils avaient longuement discuté de leur potentiel départ. Laëth avait toujours été claire à ce sujet. Elle l’avait fait savoir et elle était partie. Sur le moment, leurs parents avaient bien pris la nouvelle. C’était une possibilité à laquelle tout Réprouvé qui enfantait un Ange ou un Démon se préparait. « Elle est un peu tête-brûlée sur les bords, alors mon père a insisté pour que je l’accompagne jusqu’aux Jardins. Je l’ai suivie, et puis finalement, je n’ai pas pu rentrer chez moi. » Il contourna l’épisode durant lequel sa mère, abreuvée d’alcool et de rancœur envers sa fille, avait avoué à tous où son fils était parti et pourquoi. Ces quelques mots l’avaient condamné. Son corps contre celui de la Déchue, ses mains jointes aux siennes, son regard plongé dans le sien, il la força à reculer sur plusieurs pas. « J’ai essayé de revenir, mais ma tête a failli finir au bout d’une pique. » ajouta-t-il, en apparence amusé. « Alors je suis resté chez les Anges, parce que je n’avais nulle part où aller, et parce que ma sœur avait besoin de moi. » Ce qui était toujours le cas, parfois. Il la propulsa au bout de sa main et l’y fit tourner du bout des doigts. Il la réceptionna comme si elle avait été sur le point de tomber. « Depuis quelques temps, nos relations avec les Réprouvés se sont apaisées. On pourrait sans doute y retourner définitivement. Mais je sais que Laëth n’en a pas envie, et moi, j’ai construit ma vie chez les Anges. » Il se pencha vers elle et sourit. De son ventre à son cou, sa main remonta. « Cela dit, une vie à Lumnaar’Yuvon vous marque, et ça doit être pour ça que je n’ai pas encore essayé de vous étrangler. » Au rythme des dernières notes, ses doigts s’éparpillèrent sur sa gorge, menace, promesse ou fantasme. L’Ange demeura courbé au-dessus de la Pécheuse. « J’ai trop parlé. » Un sourire qui n’avait rien d’une excuse ourla ses lèvres. Parler avait détourné ses pensées de la spirale noire dans laquelle elles s’engouffraient avec tant d’ardeur. « J’espère que vous aurez le loisir de me dire, une prochaine fois, si c’est à Bouton d’Or, à l’Empereur Noir ou aux deux que vous avez survécu, vous. » Il se redressa. « Même si j’ai ma petite idée. » Ses bras se détachèrent de la femme. Il la salua, puis il s’éloigna et les flots de la danse l’engloutirent à nouveau.
Message VII – 804 mots
Priam termine sa danse avec Oriane
:
Quand je vois une bêtise plus grosse que moi et que je décide de la faire.
:
Merci Kaahlinou
Kaahl Paiberym ~ Sorcier ~ Niveau VI ~ ◈ Parchemins usagés : 4049 ◈ YinYanisé(e) le : 25/06/2015◈ Activité : Professeur
Je fixai l’Empereur Noir. Un sourire à mi-chemin entre l’amusement et l’insolence vint décorer mon visage. « Vous n’avez aucune preuve et, de vous à moi, j’avais plutôt l’impression du contraire. » Le bleu de mes yeux navigua dans l’océan glacé des siens. « Je sais que les Vautours ne se nourrissent que de cadavres mais il y a manger et manger. » Je sentais l’insolence prendre le dessus. Mon comportement était dangereux ou, du moins, il l’aurait été si je n’avais pas été moi et qu’il n’avait pas été lui. Pourtant, nous valsions comme si de rien n’était. Derrière le mur de nos différends, je sentais quelque chose m’attacher à lui. Un instant, j’aurais pu oublier être Magicien. Un instant, j’aurais pu oublier qu’il était un Sorcier. Ma mémoire m’aurait fait défaut s’il n’y avait pas eu l’Ange et ce besoin impérieux de l’extraire de ses griffes. Et puisque mon père me jouait, peut-être qu’inconsciemment, il s’agissait d’un besoin tout aussi pressant de la sauver de mes propres griffes. « Votre femme ? » demandai-je, surpris. Je souris pourtant. « Je crains fort d’être trop excentrique pour vous. La Couronne souffrirait de mon manque d’éducation et on taxerait le Roi d’avoir des goûts douteux en matière d’épouses. » Pourtant, au-delà de ce dialogue de façade, j’étais certain qu’il ne me prenait pas réellement pour une femme. Peut-être même n’aurait-il pas dû accepter de danser avec moi. Alors pourquoi le faisait-il ? Pour sauvegarder l’illusion ? Pour m’en faire vivre une nouvelle ? Nos magies s’embrassaient et, à chaque fois que je le touchais, une impression étrange s’insinuait dans ma poitrine. Je le haïssais mais je ne pouvais nier me sentir bien, à ses côtés. C’était un savoureux mélange d’attraction et de répulsion.
J’ouvris la bouche, sans répondre. Il n’avait pas tardé à m’avouer savoir qui j’étais. « Me sauver la mise ? » Je ne compris pas et il ne me donna pas la possibilité de comprendre. Ses mots prononcés, il s’excusa sans me laisser le temps de protester. Me sauver la mise. Je restai immobile un instant, comme perdu dans mes pensées. Ce fut la fin de la musique et le début d’une autre qui me tira de ma léthargie. Il avait raison, peut-être était-il préférable que je rejoignisse l’orchestre. Je devins invisible et repris une apparence masculine avant de réapparaître vers les canapés. Je picorai dans les assiettes, avec une détermination enfantine. Ma magie choisissait parfois quelques hors d’œuvre à ma place et faisait voleter ces derniers jusqu’à ma bouche qui s’ouvrait afin de les dévorer.
Lorsque le temps fut venu, je remontai sur scène. Le Duc Windsor s’éclaircit la gorge et se mit à faire les cent pas sur l’estrade. « Hum… Je vous remercie d’être venus et d’avoir écouté les musiciens de mon orchestre. » Sa voix n’avait rien d’enjouée. Il répétait des usages qui ne le motivaient pas. Il finit cependant, après la présentation des artistes et quelques autres fioritures, par retrouver le fil d’un semblant d’intérêt. « La dernière musique que l’orchestre jouera ce soir a été composée par mes soins pour une grande amie à moi. » Il s’amusa avec sa baguette. « Si tant est que nous puissions appeler cela de l’amitié. J’aimerais le croire. » Il sourit, ce qui lui donna un air d’épouvantail étrangleur d’enfants. « Je veux parler de la Marquise Mancinia Leenhardt, ici présente… quelque part… » Il se mit sur la pointe des pieds. « Ohé, Marquise Leenhardt ?! » Il rit. « Bien. Bien. La musique est un tango. Je l’ai nommée, en l’honneur de l’une de nos conversations : La Fille du Soleil et le Sombre Chancelier. Histoire d'une amitié incongrue sur fond de pandémie stratégique et tragique, ou comment les Sorciers et les Humains dansèrent ensemble. » Il rit de nouveau, visiblement satisfait. « Promis, il n’y aura pas de morts. Pour l’instant. » Et il donna le signal à l’orchestre. Je souris à mon tour, en attendant ma partie. Je me mis à l’observer, dans son costume parfaitement ajusté à sa silhouette et pourtant particulièrement dérangeant sur lui. Son visage semblait à la fois innocent et terriblement corrosif. Certains l’appelaient l’Épouvantail et ce n’était pas pour rien. Lorsqu’il menait son orchestre jusqu’à provoquer la mort de ses spectateurs, il devait prendre un aspect effrayant. Il me rendait curieux, m’obnubilait presque. Sa musique s’infiltrait en moi, comme s’il jouait avec mes cordes vocales pour produire chacun de ses désirs. Il me faisait peur d’une certaine manière mais le frisson n’en était que plus agréable.
Kyra Lemingway ~ Déchu ~ Niveau III ~ ◈ Parchemins usagés : 4747 ◈ YinYanisé(e) le : 22/03/2016◈ Activité : Tenancière d'un Bar à vin (rang I) ; Négociatrice (rang I) ; Brasseur (rang I) ; Reine du monde des contes à mi-temps
Les choses carrées, à l'image du quotidien répétitif, avaient un côté rassurant que nombre de personne appréciait. Elle comprenait cela, surtout en vivant dans un monde où les Mages Noirs prenaient de plus en plus de place sur la scène politique. Ce pouvait être effrayant. Pourtant elle trouvait cela ennuyant. Les possibilités étaient tellement restreintes et les libertés avec. Ce qu'elle aimait elle, c'était l'adrénaline de quitter les sentiers battus ; l'émerveillement de découvrir des choses nouvelles ; se prendre pour une funambule à s'aventurer sur le mince fil séparant sécurité et péripétie. Peut-être était-ce d'ailleurs pour cela qu'elle s'était plus d'une fois causée bien des tracas. « Étrange ? Pas exactement. Je dirai plutôt lassant. » sourit-elle finalement, le regard ancré dans celui de l'Ange. Elle était étonnement attentive à ses paroles. Elle n'avait jamais vraiment eu l'occasion d'échanger de cette façon avec un Ange enfant de Réprouvés. Était-ce lui ou étaient-ils tous ainsi ? Il y avait une forme de malléabilité saisissante dans l'expression de son esprit et de son corps. Il était loin des stéréotypes angéliques ou même de la rigueur observable chez certains Vertueux. Le simple fait qu'il admette qu'il aurait pu construire sa vie à Lumnaar'Yuvon en était une illustration parfaite. Dans une telle situation, il aurait presque été envisageable que leur danse se montre plus intime et voluptueuse. Peut-être aurait-elle pu poser ses lèvres sur celles de l'Ange en empoignant ses cheveux avec concupiscence et l'envie d'en finir avec ce Tango. Découvrir avec lui une autre forme de danse dans la fusion du péché et de la vertu. Les yeux fermés, elle ne put briser cette mince distance séparant leurs visages où seul leurs souffles s'entremêlaient, se contentant à glisser ses doigts dans ses cheveux avec sensualité. Quel dommage. « Voilà une histoire bien triste. » commenta-t-elle dans un murmure à son oreille avant reculer d'un pas, sans lâcher le Belegad pour autant. « Vivre selon un régime que l'on n'a pas choisi me paraît être une chose terrible. » ajouta-t-elle. Elle le pensait. Après tout, son peuple était peu ou prou touché d'un même problème. Les Anges n'étaient plus Déchus. On les privaient du choix de choisir entre leur peuple d'origine et celui dans lequel ils pourraient potentiellement s'épanouir. Et il en était de même en sens inverse, quoi que les Déchus étaient moins nombreux à vouloir se laver du péché actuellement. Il était rare et peu commun qu'un Déchu de sang veuille rejoindre la population angélique, hors, n'ayant plus qu'eux pour renouveler la population... Oriane détourna vivement son visage de celui de l'Immaculé avant se cambrer en arrière, laissant aux danseurs dans son dos l'opportunité de profiter du décolleté de l'Abjecto. Puis, lentement se redressant, elle retrouva le contact des yeux de son partenaire. Ce ne dura qu'un court instant. Comme s'il commençait à rejeter leurs essences contraire, elle se fit vivement repousser. Un rapide tour sur elle-même, et elle se réceptionna dans les bras de son cavalier. Elle resta un instant sans bouger, ses iris plongées dans celles de Priam, une main à peine posée sur la clavicule de celui-ci et la distance les séparant ne demandant qu'à la réduire ou, au contraire, l'accentuer. Alors elle se laissa chuter en arrière, seulement retenue de la main du Réprouvé que le Belegad aurait pu être et de sa jambe derrière la sienne. Les bras écartés et le visage de profil, les paupières closes, on aurait pu croire qu'elle était tombée inconsciente entre ses bras. Oriane écoutait ses explications dans un silence curieux. « Pourquoi se limiter au choix de vivre soit chez les Anges, soit chez les Réprouvés ? Vous en avez le sang, et rien ne pourra l'en changer. Songer à adopter une vie se partageant entre ces deux peuples n'est-il pas envisageable ? » interrogea-t-elle dans un souffle après un soupir absolument pas retenu suite à sa caresse. Cela dit, elle n'attendait pas vraiment de réponse. Cela sonnait plus comme une suggestion qu'une véritable question. Elle sourit de sa remarque, une lueur malicieuse brillant au fond de ses prunelles. « Et vous m'en voyez ravie. » souffla-t-elle avec langueur, une main agrippant la nuque de son partenaire afin de se redresser juste assez pour approcher son visage du sien. Les danseurs les plus éloignés pourraient pourtant imaginer que les deux concluaient la danse d'un baiser. Une part d'elle en avait l'envie. Elle avait déjà embrassé la sœur et elle était curieuse de comparer avec le frère. Elle se retint. « On ne parle trop que dès l'instant où ce ne sont plus que des choses intéressantes qui sont dites. » rétorqua-t-elle, rieuse. Une expression qui se fana rapidement — trop — à la conclusion du brun. Elle voulu lui demander quelle était cette idée. La question resta bloquée dans sa gorge. Elle craignait la réponse et les potentielles questions qui pourraient suivre. Et, dès lors qu'il eût le dos tourné, sa main vint machinalement à son cou et l'endroit de la morsure.
« Oui, tout va bien ! » avait répondue la dame d'un âge avancé, illuminant son visage d'un sourire éclatant. Elle rayonnait de joie et d'enthousiasme. « La danse des souverains était pour le moins... intéressante. » Une gêne passagère traversa le visage de la magicienne en repensant à la performance de sa sœur... Fort heureusement, Mertle Boffin n'était pas de ces gens remarquables qui marquaient les esprits. L'attention se porterait davantage sur la prestance des souverains, du dynamisme du cavalier noir, de l'élégance de l'Ultimage blanc et de l'aura aussi envoûtante qu'inquiétante de l'Ultimage noir... « Et puis, l'endroit est véritablement magnifique ! Je n'avais jamais eu l'occasion de m'y rendre avant aujourd'hui et je suis tout à fait charmée. » continua Bellada, marquant son appréciation d'un geste de la main pour désigner la faune et la flore alentour, les décorations, l'atmosphère presque faérique du lieu. « Votre peuple a annexé une terre merveilleuse, mon cher. J'imagine que vous devez vous en réjouir. » avait-elle commenté. Nostradamus s'était contenté de répondre d'un sourire poli. En effet, le lieu était bien différent des autres terres sorcières, mais il n'était pas certain de partager l'enthousiasme de la vieille mage. Une part, au fond de lui, ne pouvait s'empêcher de penser que le lieu était trop beau, trop inoffensif et fragile pour résister à la magie sinistre de son peuple. Les arts obscures qu'ils maniaient finirait tôt ou tard par entacher la beauté de l'endroit.
Le sorcier resta en retrait, laissant les deux femmes se retrouver sans imposer sa présence, observant avec curiosité l'interaction entre la Bienfaitrice et la Vile.
« Merci, ma fille. Dans ce cas, je vous l'emprunte ! » taquina la mage bleue avant de tendre son bras pour que Nostradamus l'entraîne sur la piste de danse, ce qu'il fit après avoir déposer sa coupe de champagne et s'être glissé près de la démone. « Nous revenons vite. » avait-il promis, dans un murmure, tout près de son oreille. « Oh, regardez, ici, une place se libère. » Malgré son apparence chétive, la vieille dame possédait une énergie surprenante. C'était elle qui, derrière ses sourires et son air charmant, menait la danse. Sans doute que les années de la matriarche avaient forgé son caractère, elle ne se laissait plus intimider par les inconnus et ne s'embarrassait plus de fausse modestie : elle trouvait toujours le moyen d'exprimer clairement ce qu'elle attendait. « Alors... » commença-t-elle tandis qu'ils prenaient place sur la piste de danse - la valse allait commencer et, à peine le Dementiæ eut-il le temps de poser ses mains sur la taille de sa cavalière que les premières notes de musique retentirent. « Comment avez-vous rencontré Kitoe ? » questionna la curieuse, ne détachant pas son regard perçant du visage de son partenaire. « Nous nous sommes rencontré un peu par hasard... Je ne m'explique toujours pas comment mais nous nous sommes retrouvés dans une cuisine, où nous avons pu préparer et partager un repas. Nous n'étions pas seuls, mais je n'ai pas gardé contact avec celle qui nous accompagnait. » précisa le mage, sur le ton de la conversation, guidant les pas de leur couple. « Kitoe m'a raconté certaines de vos aventures, quelque peu similaires. » « Oh, oui, vous devez parler de cette fois où je l'ai invité à déjeuner... » Ce n'était pas tout à fait comme cela que les choses s'étaient déroulées. Kitoe s'était invité à déjeuner, mais Bellada ne refusant jamais une bonne compagnie, elle l'avait accueilli avec enthousiasme, d'autant plus que la démone s'était révélée être une cuisinière plus que douée. Un rire tendre s'échappa des lèvres de l'aïeule à ce souvenir. « C'est amusant que nos expériences avec elle passent par la cuisine... A croire que la nourriture est capable de rassembler tout le monde. Peut-être est-ce cela, la solution, pour finalement réconcilier nos deux peuples de façon pérenne. Un délicieux repas pour apaiser les esprits. La prochaine fois, je vous inviterai en même temps que notre amie. » proposa chaleureusement la danseuse, effectuant un tour sur elle-même comme le demandait la chorégraphie. « J'ai hâte. » s'amusa le mage noir. Il constatait l'innocence de cet esprit trop pur et comprenait mieux, désormais, l'amusement que pouvait éprouvé sa compagne à torturer à son insu la vieillarde... Lorsqu'elle réaliserait ce que lui avait fait subir la Vile, le choc l'emporterait sans doute, la ravagerait jusqu'à briser sa pureté. Il y avait quelque chose de sublime, à être l'auteur de cette tâche sombre dans le cœur des autres. « Donc... Vous la connaissiez déjà lorsque vous vous êtes présenté à son épreuve... » Nostradamus esquissa un sourire qu'il essaya de dissimuler, avant d'acquiescer lentement. « J'ai entendu dire que vous aviez espéré que l'un de vos petits-enfants remporte l'épreuve de Kitoe. » admit-il. Sans doute était-ce pour cela que la mage blanche abordait le sujet. « Oui, mais ce n'est pas plus mal. Je suis très curieuse- » Le sorcier ne put s'empêcher d'esquisser un second rictus : oui, il avait eu le loisir de constater la curiosité de la commère. « -et c'est l'occasion de rencontrer des amis de Kitoe... Et puis, Friedrick a pu accompagner une camarade de classe. » Sur l'insistance de sa grand-mère.
Les danseurs continuèrent à discuter tout en dansant, se mêlant à la foule des valseurs, jusqu'à ce que la mélodie s'achève et qu'ils se saluent, retournant vers la Démone qui les attendait.
« Je comprends mieux d'où viens ton talent de danseuse. » répondit l'homme à la question de Gourmande, glissant un regard appréciateur vers la magicienne. Celle-ci partit dans un grand rire en entendant le compliment, tandis que le cavalier laissa son regard flirter vers la silhouette de la brune. Ses yeux ne mentaient pas, eux : ils dévoilaient l'envie qu'il éprouvait de pouvoir danser une nouvelle fois avec la démone. Bien que Bellada se soit révélée être une partenaire agréable, ils ne partageraient jamais la même alchimie que le duo qu'il avait formé avec Kitoe. « Oh bien sûr ! Il y a presque tout le monde. » Bellada fit demi-tour, cherchant les visages familiers à travers la foule. Elle sembla repérer ses accompagnateurs car elle s'empara du bras de son amie et commença à marcher d'un pas dynamique. « Valentine va être ra-vie de vous revoir ! » Et elle ne fut pas la seule. Lorsque madame Ward ramena sa camarade auprès de son époux, celui-ci l'accueillit avec un sourire presque aussi rayonnant que sa femme, et les quelques enfants qui l'avaient rencontrés se montrèrent aussi enthousiastes.
Le Dementiæ resta en retrait. Il ne partageait pas l'attrait de la démone pour la bienveillance magicienne, ou du moins, il ne parvenait pas à s'y intégrer aussi naturellement - à part lorsqu'il avait une proie en vue et que le jeu d'acteur s'imposait à lui pour pouvoir l'approcher. Aussi, il ne précipita pas la rencontre avec la famille Ward. Plus précisément, il prit soin de rester éloigner des marmots, un poil trop braillards à son goût.
Lorsqu'enfin - une éternité plus tard - Kitoe prit congé, il passa une main dans son dos, comme pour l'inviter à s'éloigner le plus vite possible. « Tu m'as fait des cachotteries. » plaisanta-t-il, lorsqu'ils ne furent plus à distance audible. « Il n'y a pas que la grand-mère, que tu va tourmenter. » Une famille entière de petits mages à traumatiser. « J'espère que tu ne te montreras pas avares et que tu me proposeras de me joindre à toi. »
« Je n'ai pas l'intention de mourir. » avait rétorqué le sorcier spontanément en toisant la démone. Ce jour là arriverait tôt ou tard, et sans doute suivrait-il le chemin de sa cavalière, mais sa mort lui paraissait trop abstraite, trop lointaine pour qu'il ne commence à s'en préoccuper. « Je m'intéresse simplement à ce procédé. Pour ma culture. » prétendit-il. Dans sa bêtise, et peut-être poussé par un orgueil mal placé, il ne prit pas davantage de temps pour interroger sa partenaire. Pourtant, elle décelait des secrets et des informations qu'il convoitait - elle avait été bien plus proche de Laëth qu'il ne le serait jamais.
La réponse apportée par la cavalière fit sourire le brun. S'il ne s'était pas tenue face à la démone, sans doute que la réponse l'aurait légèrement déstabilisé ; il aurait cherché jusqu'à quel degré prendre cet aveux. Avec la chasseuse, cependant, il n'y avait aucun doute à avoir. Il devinait sans mal qu'elle avait goûté la chaire et qu'elle l'avait littéralement trouvé délicieuse, et qu'il ne s'agissait pas seulement de l'adrénaline apportée par l'acte en lui-même - quoi que le meurtre soit une composante tout aussi essentielle pour pouvoir savourer ses victimes à leur juste valeur. Si la chasse se révélait exaltante, amusante et enivrante, alors le festin qui suivait était souvent à la hauteur de la traque. Stanislav s'humecta les lèvres. Dans son regard, un air dément vacilla - il ne parvenait pas à dissimuler convenablement ses véritables intentions, son aura malsaine le trahissant souvent, bien qu'il ne fut pas intimidant. Cette révélation avait éveillé ce soupçon de bestialité qui sommeillait en lui, aussi ne put-il s'empêcher d'agripper un peu plus fermement sa prise sur la main qu'il tenait, et dans le dos de la Gourmande. S'il en avait eu l'audace, sans doute se serait-il emparé de la chevelure de jais pour tirer la tête en arrière, lui dévoilant un chemin clair jusqu'à la gorge de la Vile. Il désirait reproduire ce rêve qu'ils avaient partagé, goûter à travers elle toutes les victimes qu'elle avait consommé. L'intimidation plus que le sens des convenance l'en empêcha.
La question que la démone lui posa arracha une moue au mage noir. Il prit un instant pour réfléchir. Son rêve ? Il concernait Laëth. Pourtant, en cet instant, un éclair de lucidité lui intima qu'il ne serait pas du meilleur effet de parler de l'Ange. Le problème restait qu'il possédait bien peu d'ambition, dès lors que l'on oubliait l'Aile d'Acier. « J'aimerais devenir médecin. » lâcha-t-il finalement. Ce n'avait rien de bienveillant. Il ne se souciait pas du bien être de ses potentiels patients. Non, il était davantage attiré par le prestige, la mort qui pouvait y rôder, et l'attrait pour les maladies et l'obscure qui couvrait cette discipline complexe. « C'est ce qui se rapproche le plus du rêve, je dirais. » La discussion l'avait de nouveau déconcentré et il s'était désynchronisé, manquant plusieurs fois d'écraser les pieds de sa partenaire. Il ne semblait pas s'en être rendu compte, continuant à bavarder. « Je n'ai pas de véritable rêve. Car rêver, c'est laisser la possibilité à la déception de vous atteindre et de vous abattre. » Il ne savait plus, exactement, où est ce qu'il avait entendu ou lu cela, mais la pensée lui avait semblé tout à fait pertinente. « Rêver n'est pas réaliste. C'est... une perte de temps. Je préfères me concentrer sur des objectifs, plutôt que de m'encombrer de rêveries inutiles. » trancha-t-il.
Finalement, la danse se termina et, à sa propre surprise, il fut déçu de voir la démone l'attirer à l'écart de la piste de danse. La proximité induite par l'activité avait noué une certaine complicité qu'il perdait en n'étant plus accroché à elle. En réalité, il était devenu curieux, et s'était pris au jeu entamé par sa camarade. Il acquiesça à regret lorsqu'elle lui confia avoir apprécié leur danse. « et bien, nous n'avons qu'à aller dans les labyrinthe ? » proposa-t-il en commençant à s'y diriger, dans l'espoir de pouvoir retrouver cette complicité qui s'était éclipsée. Reportant son attention sur la démone, il se mit à réfléchir à la question suivante. « Si tu devais être une personnage de conte, lequel serais-tu ? »
Freyja fixait Léto, interdite. Elle avait l’impression d’effleurer des doigts un coffre de secrets, recouvert d’une fine pellicule de poussière, quelque chose que l’on aurait oublié dans un recoin sombre. Le scintillement des perles dans les cheveux de l’Edmund’Faasnu imprégnait tant sa mémoire qu’il altérait sa vision. Elle le voyait, rayonnant sous un soleil brûlant. L’éclat de son sourire emporté par une bourrasque ensablée, ses mots égarés dans la nuit et ses maladresses qui ricochaient contre sa force brute. Cette maladresse que la situation leur prêtait et qu’elle entendait dans sa voix. Ces mots qui s’amusaient encore à courir entre les étoiles, sans se soucier du fil qui voulait les retenir. Peu importait où ils se rendaient : hypnotisée, l’Ange les suivait. Elle aimait se laisser bercer par la voix de la Sùlfr. Sur l’oreiller ou au coin du feu, elle s’endormait parfois en l’écoutant raconter des histoires. « Je crois, oui. » répondit-elle sans se départir de son sourire. Malgré elle, sa mémoire baignait dans une nostalgie gonflée de tendresse. Les songes exerçaient des pouvoirs sans équivalence et toujours terriblement déstabilisants. Elle n’avait pas besoin de voir le visage de Léto : il était un souvenir qui lui appartenait. Durant un instant fugace, elle se dit qu’ensemble, ils pourraient tout affronter, et qu’elle pourrait le suivre tout autour du monde. Alors, quand il l’entraîna hors de la piste, elle lui emboîta le pas. Sa méfiance bataillait avec les réminiscences du rêve. Elle savait, pourtant, que l’onirisme offrait ses services à la réalité. Il manigançait ce qu’elle ne pouvait pas orchestrer. Elle songea à Adam, et son cœur se serra.
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Le corps de la Déchue roulait entre ses mains, empreint de la sensualité propre à son péché. Il l’encadrait de sa naturelle vertu, si peu prompte aux débordements. Le tango invitait les vices, pourtant le ballet qu’ils créaient reposait sur cette tension cristalline entre leurs deux natures, que rien ne semblait capable de briser. « Vous n’imaginez même pas. » abonda-t-il en son sens, tandis que les mains de la femme ruisselaient de ses pommettes à ses épaules. « Le goût d’un Ange pour les choses carrées, droites et justes vous semble-t-il à ce point étrange ? » Un sourire taquin courba ses lèvres. Dans une certaine mesure, elle aurait eu raison. Il s’accommodait assez bien de la société réprouvée. Il aurait sans doute pu y construire sa vie, comme il l’avait toujours souhaité, et y vivre des siècles durant. Le souvenir de Lumnaar’Yuvon lui était précieux. Les yeux bleus d’Aliénor s’invitèrent dans ses pensées. S’il n’était jamais parti, il ne l’aurait jamais rencontrée. Elle avait été l’une des premières personnes qu’il avait connues, en dehors de son village natal. Il se rappelait parfaitement le jour où il l’avait croisée et fait monter sur sa jument, tandis qu’elle dénigrait ses cuisses qu’un vieillard avait critiquées. Aurait-ce été regrettable ? S’il avait ignoré son existence, si l’éclat de son regard n’avait rien provoqué chez lui, il se serait épargné bien des tourments. « Ils étaient mariés longtemps avant que je naisse. » L’alliance commençait à être vieille. « Et je crois que je me faisais sans problème à leur caractère « de girouette », comme vous dites. » Il la lâcha et s’éloigna de quelques pas, pour mieux l’accueillir entre ses bras. « C’est plus complexe que ça, en fait. Leur tempérament comme la raison de mon départ. » L’une de ses mains descendit dans le bas de son dos, tandis que l’autre remontait sur sa gorge. « Si ça n’avait tenu qu’à moi, je crois que je serais resté à Bouton d’Or jusqu’à la fin de mes jours. La vie là-bas n’est pas facile, surtout quand on est un Ange, mais elle me convenait. » Ses lèvres s’approchèrent des siennes, sans les toucher ni même les effleurer. 
Je fixai l’Empereur Noir. Un sourire à mi-chemin entre l’amusement et l’insolence vint décorer mon visage. « Vous n’avez aucune preuve et, de vous à moi, j’avais plutôt l’impression du contraire. » Le bleu de mes yeux navigua dans l’océan glacé des siens. « Je sais que les Vautours ne se nourrissent que de cadavres mais il y a manger et manger. » Je sentais l’insolence prendre le dessus. Mon comportement était dangereux ou, du moins, il l’aurait été si je n’avais pas été moi et qu’il n’avait pas été lui. Pourtant, nous valsions comme si de rien n’était. Derrière le mur de nos différends, je sentais quelque chose m’attacher à lui. Un instant, j’aurais pu oublier être Magicien. Un instant, j’aurais pu oublier qu’il était un Sorcier. Ma mémoire m’aurait fait défaut s’il n’y avait pas eu l’Ange et ce besoin impérieux de l’extraire de ses griffes. Et puisque mon père me jouait, peut-être qu’inconsciemment, il s’agissait d’un besoin tout aussi pressant de la sauver de mes propres griffes. « Votre femme ? » demandai-je, surpris. Je souris pourtant. « Je crains fort d’être trop excentrique pour vous. La Couronne souffrirait de mon manque d’éducation et on taxerait le Roi d’avoir des goûts douteux en matière d’épouses. » Pourtant, au-delà de ce dialogue de façade, j’étais certain qu’il ne me prenait pas réellement pour une femme. Peut-être même n’aurait-il pas dû accepter de danser avec moi. Alors pourquoi le faisait-il ? Pour sauvegarder l’illusion ? Pour m’en faire vivre une nouvelle ? Nos magies s’embrassaient et, à chaque fois que je le touchais, une impression étrange s’insinuait dans ma poitrine. Je le haïssais mais je ne pouvais nier me sentir bien, à ses côtés. C’était un savoureux mélange d’attraction et de répulsion.