« Dyfan ne ressemble pas du tout à l'archétype du Lyrienn de Métal. Avec ses longs cheveux écarlate qui luisent de mille feux sous les rayons du soleil, sa physionomie s'apparente un peu trop à celle d'un Lyrienn de Feu. Le fait qu'il possède également des yeux aux éclats de rubis accentue d'autant plus les ressemblances, à tel point où elles suscitent de sérieux complexes chez mon pauvre frère. Malheureusement pour lui, la finesse de sa silhouette constitue bien la seule caractéristique physique qui lui permet de se distinguer des brutes de Yangin  – et encore ! Des muscles plus ou moins visibles prennent lentement forme sur la ligne de ses abdominaux, laissant présager que le Destin n'ait pas encore fini de le tourmenter. Sur le plan vestimentaire, Dyfan adore se parer d'habits noirs – ou, à défaut d'être noirs, particulièrement sombres – fabriqués en cuir. Ce style a pour fâcheuse conséquence de lui donner un air de délinquant, mais en dépit de toutes les critiques que je lui ai fait à ce sujet, il insiste quand même à se vêtir de la sorte ! Quelle tête de mule ! Le pire, c'est qu'avec tous les piercings qu'il porte sur le visage et les oreilles, couplés à tous les tatouages qu'il s'est fait graver sur les bras, son personnage semble d'autant moins respectable, voire douteux. Est-ce que j'ai mentionné qu'il s'appliquait régulièrement du vernis noir sur les ongles aussi ? Non ? C'est fait maintenant. La seule chose qui le sauve de cette malencontreuse comparaison avec un criminel est bien le pendentif qu'il porte presque tout le temps au cou. Ce pendentif est, en réalité, un présent qui lui a été offert par notre Père lors de son quinzième anniversaire. Il symbolise son appartenance à la Famille Shiofra, comme le certifie l'emblème qui est gravé dessus. Ce n'est pas grand-chose, je l'avoue, mais au moins, ça a le mérite de prouver son affiliation à la noblesse. Imaginez la catastrophe si on venait, par mégarde, à le confondre avec un membre du peuple ! »

« En quelques mots, Dyfan est sans conteste qualifiable de conformiste. Il possède, trait pour trait, la personnalité typique d'un Lyrienn de Métal – pour le meilleur comme pour le pire. C'est une personne assidue qui travaille sans relâche afin de prouver sa valeur. Sérieux dans tout ce qu'il entreprend, il tient en piètre estime ceux qui rechignent à faire le moindre effort. Il ne supporte pas non plus les gens insouciants, de même que les gens trop bruyants, ignorants, paresseux ou bavards. S'il apparait comme étant froid et distant, c'est parce qu'il est froid et distant. L'humour, il ne l'apprécie guère, quoiqu'il soit plutôt bien versé dans l'art du sarcasme et de l'ironie. Désirez-vous connaître un secret ? Il existe une méthode infaillible pour faire sortir mon frère de ses gonds. Il suffit de tenir des propos stupides ou inappropriés – voire les deux – pour le mettre hors de lui. La vérité, c'est qu'il aime paraître stoïque et impassible, mais en réalité, il est plutôt sensible et susceptible. Les habitants des Îles voisines privilégieraient sans doute le terme « coincé », ce à quoi je leur donnerai entièrement raison. Mettons tout de suite les choses au clair : mon frère n'est pas quelqu'un d'agréable à côtoyer. On dit souvent de ne pas juger un livre par sa couverture. Dans le cas de Dyfan, il n'est pas nécessaire de lui faire part d'une telle considération, puisqu'il ne vous rendra jamais la pareille. Oh, bien sûr, il adore la lecture et passe beaucoup du temps à rêvasser, mais derrière ses airs de penseur se cache un conservateur aux idées arrêtés, comme on en retrouve à foison au sein de l'aristocratie. Néanmoins, je dois lui reconnaître une chose : il n'est pas un indécis. Il sait exactement ce qu'il veut, ce qu'il aime et ce qu'il déteste. Vous en voulez une preuve ? Rien de plus facile. Son but : redorer le blason des Lyrienns afin que notre peuple puisse retrouver sa gloire d'antan après des Ères à souffrir de l'incompétence de nos dirigeants. Ses passions : le dessin, les tatouages et les piercings (il espère secrètement convaincre nos parents de le laisser ouvrir son propre salon de tatouage. Ne me demandez pas comment je détiens cette information : je le sais, c'est tout). Ses aversions : les Sorciers, les Magiciens, les Humains, les Sürgür, les Sülh, les Peyins, les Lyrienns d'Eau, les Lyrienns de Feu et les courgettes (pas nécessairement dans cet ordre). La liste vous parait sans doute longue, mais à force de l'entendre répéter les mêmes discours, j'ai fini par tous les retenir. De manière générale, mon frère déteste tous ceux qui s'opposent à l'ordre établi. Il ne supporte ni les imprévus ni les retards. En revanche, il est un grand amateur de musique et de plein air. Durant ses moments de détente, on peut souvent le surprendre en pleine dégustation de thé. Curieusement, il s'agit des seules occasions où Dyfan accepte de se montrer un tant soit peu avenant auprès d'autrui. Malheureusement, son attitude solitaire, voire égocentrique, n'est guère sur le point de changer si l'on tient compte du fait qu'il n'a même pas encore eu sa Révélation. Pour autant, je reste convaincue que le Métal s'emparera bientôt de son essence, compte tenu de son dévouement patriotique à l'égard des valeurs de Djomir. »

« Depuis que je suis toute petite, on me pose souvent la question suivante : "Yelfir ! Comment se fait-il que tu sois une personne aussi drôle, aussi charmante et aussi sociable, alors que ton frère est si... sérieux ?" Bien que tous ces compliments m'aillent droit au cœur (mais si, je vous le jure), il faut savoir que, dans ma famille, je suis plutôt considérée comme un cas à part, une anomalie. On me qualifierait sans doute de mouton noir si ce n'était pas du succès de ma carrière de sociologue. Malgré tout, contrairement à Dyfan, mon caractère fait plutôt tâche au sein du domaine familial. Là où je suis aimable et enjouée, mon frère est renfermé et austère. Cela n'est pas pour déplaire à nos parents, bien sûr, et c'est sans doute pour cette raison qu'ils placent autant d'espoirs en lui. Ils ne l'admettront jamais ouvertement, mais je sais qu'ils envisagent de le désigner en tant qu'héritier de notre lignée. Ils attendent sûrement qu'il reçoive sa Révélation et fasse ses preuves dans la société avant d'officialiser la succession, mais croyez-moi, Dyfan est garanti de recevoir cet honneur. Est-ce que cela éveille ma jalousie ? Pas du tout. Je suis même fière que mon petit frère ait la confiance inestimable de nos parents. Quant à moi, je suis plutôt soulagée d'échapper à toutes ces responsabilités de noble et que sais-je encore... Ah ! Pardonnez-moi ! Vous souhaitez sans doute en connaître davantage sur les Shiofra, non? Rassurez-vous, c'est normal si notre nom ne vous évoque absolument rien. Après tout, la renommée de ma Famille se concentre surtout à une échelle locale. Bref, pour en revenir au sujet qui nous intéresse : les Shiofra sont une Famille issue de la petite noblesse lyrienne de Djomir. L'une de leurs particularités est de n'être composée que de Lyrienns de Métal. C'est ce que leurs dirigeants – en l'occurrence, mes parents – aiment prétendre tout du moins. Selon eux, le véritable don des Shiofra est d'être parvenu à ne donner naissance qu'à des enfants bénis par Hekur. Mieux encore : nos ancêtres auraient supposément participé à la fondation de l'île Djomir. C'est ce que notre Père affirme, mais en vérité, je n'ai jamais réussi à trouver de documents officiels qui puissent corroborer ce fait. Dans tous les cas, la Famille Shiofra réunit des personnalités aussi sérieuses qu'ennuyeuses. Si vous espérez assister à des fêtes endiablées en leur présence, autant chercher ailleurs. Vous ne trouverez rien à votre goût dans les réceptions qu'ils organisent périodiquement pour se donner de l'importance. Ne vous attendez pas non plus à les voir sourire. Tout le monde le sait, mais un Shiofra, ça ne sourit jamais. Ça ne pleure jamais aussi. Si vous souhaitez reconnaître un Shiofra, cherchez les Lyrienns qui affichent constamment une expression placide sur les traits de leur visage. Ça vous donnera une bonne indication. Encore une fois, j'ai le malheur d'être la seule exception, mais ne vous en faites pas : j'en ai l'habitude. Mon frère est là pour me le rappeler quotidiennement. »