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 [Quête Ouverte] - Tehila

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Kaahl Paiberym
~ Sorcier ~ Niveau VI ~

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Kaahl Paiberym
Sam 08 Mai 2021, 21:50



Tehila


Je croisai les bras. Je m’étais déjà retrouvé dans cette posture lorsque Devaraj et moi-même avions tenté, avec succès, d’entrer dans la zone autour de laquelle rôdaient les Dies Irae. Je ne cessais de me questionner, même si mes interrogations n’étaient que secondaires par rapport à mon ressenti intérieur. « Toi ! » Je sentais la mauvaise humeur maladive de mon frère prendre le dessus. J’étais chez lui et il m’apparut assez rapidement que jamais je n’avais éprouvé tant sa présence qu’actuellement. Ce fardeau me précipitait lentement mais sûrement vers une folie sournoise. Je… Il avait offert des crabes à l’homme qui se trouvait proche de Léto actuellement. C’était pourtant un étranger. Les incohérences de mon frère me frappaient sans que je ne pusse lutter contre. Son racisme me transperçait avec violence. Ses sentiments envers la mariée n’étaient pas plus clairs que ses émotions envers d’autres femmes qui étaient entrées dans sa vie. Il couchait avec elle. S'il n’aimait pas les étrangers, il avait fait une exception pour les Corvus Æris, je le savais, parce qu’ils partageaient avec lui sa passion pour les créatures monstrueuses et autres bêtes. Je sentais ce goût prononcé couler dans mes veines impalpables. Devaraj, comme un poison, tu emplis mon esprit, tu me forces à aimer ce que j'abhorre et à détester ce que j’adore.

Lorsque je fus sûr que le Chaman m’eût entendu, je flottai vers lui. Depuis que les bribes de vie de mon frère étaient miens, je n’éprouvais plus la maladresse d’antan. S’enfoncer dans le sol sous forme spectrale par inadvertance me semblait si pitoyable… « J’aimerais fusionner. » dis-je, en essayant de rester poli. C’était une chose dont le Hǫfðingi disparu ne s’encombrait pas, la politesse. À traiter les autres d’hérétiques, il en oubliait ses propres trahisons. Les Ætheri devaient rire en le fixant, comme ils devaient rire en m’observant. Nous n’étions que des pantins qu’ils manipulaient avec amusement. Rien d’autre. Il n’y avait rien de grand chez les Dieux. En parlant de ça… Je cherchai ma sœur des yeux. Pas là. Tant mieux. Ne pas l’avoir revue depuis la Terre d’Edel me permettait de mettre de la distance entre ses enfants et moi. Elle avait dû accoucher depuis… Je voulais… Non. Non ! Non ! Et non ! Les bébés n’étaient pas les miens. Je devais me retirer cette idée de la tête. C’était à en devenir fou. Le poison se distillait lentement, avec une efficacité mordante. Je devais me rappeler ne pas être Devaraj, m’ôter le désir que je ressentais pour Léto de la tête, supprimer cette possessivité étrange et tordue. J’avais envie de me glisser entre les mariés pour interroger Miles sur les derniers animaux qu’il lui avait été donné de voir. Je voulais qu’il me les décrivît, qu’il me racontât comment se portait les crabes, qu’il m’offrît des monstres et qu'il me confiât des histoires à leur sujet. Je voulais tout savoir. Le Chaman que j’avais apostrophé, en voyant mon sourire fou et mes yeux brillants, décida qu’il valait mieux passer son chemin. Je me mis à rire. Quel pauvre fou ! Il mériterait d’être couvert de brun ! Ou mieux... brûlé !

Je me tournai vers une femme. Je me fichais du corps qui allait me recevoir. Je voulais fumer. Je sentais le manque. Sur Awaku No Hi, les mauvaises habitudes reprenaient le dessus, ressortaient de plus belle. Il s’agissait de comportements que je n’avais jamais eu mais il était évident que l’on n’appelait pas le Fumeur Macabre ainsi pour rien. De l’herbe et de la Demencia. Il me fallait de la Demencia, absolument ! Oui oui oui ! Elle m'apaiserait. Je savais parfaitement où en trouver, si tant est que le palais fût resté le même. Je me demandais ce que Léto avait fait de mes affaires, de mon lit, de mes totems, de tout le bric-à-brac qui se trouvait dans ma chambre. Sa chambre. Pas ma chambre. J’avais besoin de fumer et, pour fumer, il me fallait un corps. « Fusionnons. » Sinon je te scalpe et je te donne à manger à Minou. Il me venait à l’esprit tout un tas de paroles affreuses que j’aurais prononcées avec un ton doucereux. Parfois, elles me venaient par taquinerie. Il me semblait adorer me jouer de mes semblables. D’autres fois, elles me venaient par cruauté. La foule ne rendait pas ma paranoïa moins forte. Soudain, j’eus une nouvelle interrogation. Où étaient les enfants sacrés ? Non. Fumer d’abord.

Une fois la fusion complète, je me jetai comme un fou sur le premier calumet que je trouvais. Il ne faisait aucun doute que la Chamane ne sortirait pas indemne de notre union. Elle abritait actuellement deux fous furieux, avides de drogue et de massacres.

767 mots
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Dim 09 Mai 2021, 17:21


Tehila




« Tante Koko a dit que j’avais grandi de cinq centimètres, d’abord ! répondis-tu, un peu vexée par la qualité de son accueil. Et puis, c’est bien aussi d’être petit : on peut passer partout et on est plus discret. C’est pas important ça pour un chasseur ? »

Tu ne remarquas pas les efforts qu’il déploya pour te protéger du danger ; le garçon joua d’adresse pour t’empêcher de heurter un danseur. Mais tu ne prêtais guère attention à ce qui t’entourait. Tu étais trop occupée à suivre les instructions de Bourgeon. Le Lesovik dictait chacun de tes pas, prenant soin de te faire éviter les passants. Il percevait chacune des brèches dans la foule et t’entraînait toujours plus loin vers ta destination. Cette confiance aveugle que tu avais développée en ton ami te permettait de te déplacer presque normalement. Le langage que vous partagiez était principalement composé d’un ensemble d’interjections, de sons et d’attouchements bien précis. Le temps avait fini de vous convaincre que cette manière de communiquer était beaucoup plus réactive que de longs discours.

Ta main moite serrait celle de Tekoa avec détermination. Malgré ta cécité, tu percevais la chaleur des corps qui t’entouraient : si tu le lâchais, tu avais peur de le perdre dans cette immensité. A cette pensée, tu resserras encore davantage ta prise, comme le Chasseur - qu’il espérait que tu devinsses - agrippe sa proie. L’effort était fatigant. Bien qu’il n’y mit aucune mauvaise volonté, l’adolescent pesait plus du double de ton poids et le traîner à ta suite n’était pas chose aisée. Tu ralentis le pas en gravissant les escaliers qui montaient vers l’autel quand, soudain, le bras du chaman se raidit. Surprise, tu n’eus pas le temps de résister. Tes pieds quittèrent le sol alors que le garçon t’attirait à lui. Le temps sembla se suspendre alors que tu étais projetée vers l’arrière. A en croire le nombre de marches que tu avais escaladées, la distance jusqu’au sol était importante. Tu te préparais à une chute douloureuse - voire mortelle. Tes yeux se fermèrent dans l’attente du choc. Finalement, tu te rattrapas en heurtant le corps de ton ami, quelques marches plus bas. Tu restas silencieuse un court instant, prenant réellement conscience de ce qu’il venait de se passer. Tu te préparais à faire volte-face, irritée par le comportement inconscient du Chasseur, mais ses balbutiements suggérèrent que ce n’était pas le moment de se disputer. Dans le secret de ton âme, la voix de Bourgeon t’indiqua que vous aviez attiré l’attention de la mariée.

« Bonjour à toi, Hǫfðingi. Et à toi aussi, Sungmanitu’Tehila »

Ta petite voix était douce et légère. Tu supposais que le Loup était toujours présent à côté de l’autel mais - à dire vrai - tu ignorais totalement qui se trouvait devant toi. Et c’est sans doute grâce à cela que tu réussis à t’exprimer avec tant de facilité. Ton corps ressentais la puissance émanant d’une aura particulière, une magie qui t’écrasait de tout son poids. Mais la configuration de cette rencontre ne te permettait pas de savoir qu’elle émanait de la dame qui te faisait face. Pour toi, il ne s’agissait que de la puissance que les Aetheri avaient conférée à ce lieu de culte. Et à ce titre, tu ne la craignais pas.

« Je m’appelle A’Hawé, de la tribu de Raya. Je vous présente Bourgeon, précisas-tu en désignant le Lesovik sur ton épaule - qui accepta de faire une brève apparition. Il m’accompagne depuis des années. Et lui, poursuivis-tu en pointant Tekoa du doigt, un sourire radieux aux lèvres, c’est Tekoa, de la tribu de Mior. C’est mon ami. Il est très courageux. Il me protège et m’apprend à me battre. Il est très fort. Un jour, il a vaincu trois démons dans la forêt, vous savez. »

Tu racontais les exploits de Tekoa avec tant de crédulité et d’enthousiasme que nul n’aurait pu douter de ta sincérité et de ton admiration.

« Nous voulions vous voir pour vous féliciter pour votre mariage. J’espère que les Aetheri béniront votre union, et qu’Edel vous offrira beaucoup d’enfants .»

Tu levas tes yeux laiteux vers ce qui devait être la silhouette de ton interlocutrice. Tu songeais que tu lui aurais bien fait un bisou ou un câlin - mais Tekoa risquait de mal vivre la situation. Il n’appréciait pas vraiment ce genre de démonstration affectueuse. Aussi, décidas-tu de ne pas l’embarrasser.

Le vent se leva. Une douce et chaude brise caressa tes cheveux richement ornementés. Ton nez se trémoussa et tes narines se contractèrent. L’air avait chassait les effluves rituelles : les fumées odorifères laissèrent place aux parfums des corps. Tu humais désormais des flagrances de peinture agrémentées de touches boisées et florales.

« Cette odeur… » lâchas-tu, perdue dans une étrange réflexion.

Tu l’avais déjà sentie quelques jours auparavant. Tu en étais convaincue. Le phénomène t’avait alors paru si étrange que tu l’avais consciencieusement noté dans ta mémoire. Tu fouillas la petite besace qui ceignait ta taille. Tu rangeais tes trouvailles de manière méticuleuse, de sorte à toujours être en mesure de ressortir les éléments dont tu avais besoin, au moment opportun, sans requérir d’aide d’aucune sorte. Tes mains s’agitèrent un instant avant de sortir deux petits objets que tu tenais désormais devant toi, à la vue de tous :  une plume d'un blanc éclatant et une griffe acérée.

« J’ai trouvé ça sur le chemin qui menait à Zaowa. Je pense que c’est pour vous. »

Tu ne le ressentais pas, mais une étrange magie irradiait de ces affiquets sans valeur.


Post II - 910 mots

Cadeaux aux mariés:
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Jun Taiji
✞ Æther de la Mort ✞

✞ Æther de la Mort ✞
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Jun Taiji
Lun 17 Mai 2021, 06:31


J'aime trop cette image alors je la mets là <3
Tehila



Awaku No Hi lui paraissait étrangement morbide depuis que son fils n’y était plus. Ici, au sein des Chamans, par sa Royauté passée, il était considéré comme un Dieu-Roi, adulé de la même manière que ses successeurs après lui. Il était le premier à avoir fédéré et, surtout, surtout, il avait découvert l’Au-Delà et les Esprits Parasites. Étonnant ? Pas vraiment, étant donné son implication dans l’ensemble du processus. En tant que Mortel, néanmoins, il n’avait pu savoir, pas plus que celui qui était devenu Oni n’avait pu le prévoir : prévoir l’enfer de sa vie de Mortel à cause du concept de Destin. Une fois devenu Immortel, alors les pièces s’imbriquaient toutes seules. C’était presque comme un jeu de se haïr soi-même pour son propre sadisme. Pourtant, il y avait une raison à cela : se préparer au mieux aux fonctions futures. Car les Ætheri ne sont pas soumis au fatalisme et la Véritable Ligne du Temps ne peut que plier devant eux.

Alors, lorsqu’il était arrivé sur l’Île qui était appelée maudite par le passé par le reste du monde, il avait été immédiatement pris en charge. Ses vêtements lui avaient été retirés et les maquilleurs étaient venus à sa rencontre, dessinant les motifs les plus appropriés pour celui qui avait fait de cet endroit un lieu où beaucoup de Chamans lui étaient affiliés d’une manière ou d’une autre. Il y avait des exceptions, et heureusement, mais pour que la Déesse Ka’Hina décidât de purifier l’endroit, il avait dû procréer à de nombreuses occasions. Certes, il avait, à de multiples reprises, envoyé sa magie profiter des plaisirs de l’existence à sa place. Néanmoins, dès qu’elle reprenait place en lui, les souvenirs de ses ébats s’incorporaient aux siens. Il en ressentait alors la fatigue en moins, ce qui lui permettait de continuer à réfléchir aux mystères liés à la Mort et à la Vie, livres de géographie et de mythes en mains.

La nudité ne lui posait aucun problème mais il ne se sentait jamais aussi habillé en étant nu qu’à Awaku No Hi. Les peintures parcouraient l’intégralité de son corps, si bien qu’il n’y avait que quelques zones de peau vierge, notamment de rares endroits sur son visage. Honnêtement, il était heureux de constater l’ouverture de l’Île Maudite et, en cela, il ne pouvait en vouloir à Ka’Hina. Blanche, en s’emparant de la thématique, permettrait aux Chamans de prospérer. L’extérieur pouvait s’avérer dangereux mais également rempli de richesses. Il désirait que ce peuple-là, en particulier, se développât davantage et s’enrichît. Il était heureux pour Léto, malgré le contexte. Beaucoup avait pleuré le blond. Sa disparition avait ouvert de nombreuses cicatrices. Lui, il pouvait s’en accommoder, oublier, évoluer. Il n’était pas tenu de ressentir quoi que ce fût. Surtout, il pouvait ressentir ce qu’il voulait. Étant à plusieurs endroits à la fois, dans des temporalités et des mondes différents, l’ensemble de ses conditions s’additionnaient. Il préférait cependant se concentrer sur chaque instant présent, séparer du mieux qu’il le pouvait. Il aimait être proche des Mortels et continuer à éprouver comme eux, bien qu’un Dieu en colère fût une chose dangereuse. C’était un choix, parce qu’il ne voulait pas s’éloigner d’eux. Certains Ætheri agissaient pareil à lui. D’autres, en devenant des Divinités, s’élevaient tellement que personne ne les revoyait jamais. Ils ne faisaient que dicter une ligne de conduite à des Mortels choisis par eux, sans apparaître de nouveau.

C’était le second mariage royal que le Nilgoé accueillait. Il espérait que celui-ci serait bien plus faste. Il allait danser en son honneur, le bénir au même titre que Ka’Hina. Ce qu’il s’était passé avec le Fumeur Macabre lui restait encore en travers de la gorge. Le Néant échappait à sa juridiction. C’était insupportable. Comme un maniaque du contrôle, il avait besoin de posséder l’ensemble, il voulait que chaque grain de poussière sur ce Monde lui appartînt, sans que personne d’autre ne pût en disposer d’une manière qui ne lui conviendrait pas. Les autres détruisaient son tableau et il n’aimait pas ça. Mais, pour l’heure, il allait fumer, danser et participer aux orgies. Il aurait d’autres occasions de saluer les mariés, tant il était omniprésent ici, en tant qu’Æther. Il viendrait à Léto lorsqu’elle aurait besoin de lui. Il lui soufflerait des vérités, comme le faisaient ses semblables.

Au rythme des tambours, son corps fut comme incarné par une force supérieure à lui. C’était plaisant, cette forme de transe où se mêlaient l’odeur de la sueur, celle de la fumée et du foutre. Il ne prenait jamais autant de plaisir au sexe qu’ici. Sur Awaku No Hi, tout était différent. L’hygiène, qui était l’une des grandes causes de son existence, lui paraissait une préoccupation lointaine. Il aimait la moiteur de cette existence chronométrée par les volontés divines. Il aimait sentir des fesses rebondir contre son bassin, encore et encore. Il aimait coller son corps à ceux des Chamans dans la fièvre de la danse. C’était comme une libération, comme si toutes les contraintes qu’il avait vécues un jour se délitaient soudain. Il n’était plus un homme « civilisé » lorsqu’il était sur l’Île Maudite. Il laissait sa part animale déferler.

854 mots
Je fais juste coucou a priori mais si vous voulez aller danser avec lui, venez. Faut juste prendre en compte qu'il est nu et pas là pour jouer au scrabble. Je répondrais si jamais vous avez besoin o/
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Latone
~ Orisha ~ Niveau I ~

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Latone
Dim 13 Juin 2021, 01:52



Tehila



Quasiment arrivé au firmament de leur patience, le couple se retrouva confronter à de drôles d'hommages. En grande partie, la singularité de cette situation s'expliquait par le jeune âge des nouveaux protagonistes. Un grand sourire s'étira du côté de Léto, alors qu'elle reconnût le jeune Tekoa, brièvement aperçu lors du dîner illusoire. Au moins ne s'était-il pas pris une fourchette dans la tête là-bas, cela aurait été plutôt malheureux. Bien évidemment, aux yeux d'une Reine, difficile de prendre en considération une si jeune pousse, mais son nouveau statut lui octroyait quelques avantages non-négligeables pour une curieuse de son acabit : à savoir, avoir des yeux et des oreilles partout. Comme pour chaque enfant Chaman, Léto nourrissait de grand espoir pour leur futur, même si elle ignorait une grande partie de leur identité. Pour ce qui était de la plus petite – et surtout la plus audacieuse – son nom leur fut aussitôt révélé, ainsi que celui de son petit compagnon végétal. La Hǫfðingi demeura inerte face aux palabres de A'Hawé, mais elle n'en pensa pas moins que : Edel et Ezechyel me préservent, c'est trop mignon. Elle jeta une courte œillade vers Miles ; lui qui était gaga des enfants, elle était curieuse de sa réaction. D'autant plus que la pauvre fillette souffrait d'un handicap plutôt handicapant – oui, je garde cette formulation – pour les médiateurs des Esprits. Les deux gamins devaient bien s'entendre en tout cas, même si elle avait l'impression que Tekoa se liquéfiât sur place.

" C'est gentil à toi d'être venue nous voir, A'Hawé de la tribu Raya. Elle s'accroupit, même si la petite devait encore se provoquer un torticolis pour la fixer dans les yeux. Ton ami Tekoa est très fort, dis donc ! Trois Démons, vraiment ? Elle lança un sourire à pleine dents en direction du fameux pourfendeur du Mal. Heureusement que tu es là pour protéger notre Île. Énormément de dangers rôdent encore, Mior a du travail. Je te fais confiance pour rendre notre Île plus paisible. Une idée lui trotta dans la tête. Un jour, quand tu deviendras plus fort, je te laisserai choisir l'une de mes armes ; elle sera à toi. La condition était on ne peut plus clair, tant l'arsenal de la Reine s'avérait aussi titanesque que sa carrure. Elle se retourna vers la Raya. J'ai une anecdote pour toi : savais-tu qu'il n'y a pas de couronne officielle chez nous ? Selon de quelle tribu vient le nouveau souverain, la couronne est façonnée différemment. Et bien souvent, il y a même plusieurs modèles qui sont gardés, ou détruits. Avec délicatesse et modération, la Chamane déposa sa main sur le crâne de l'enfant. J'ai plein de couronnes qui trainent dans mes affaires, je suis sûre que la plus jolie de toutes t'ira à la perfection. Même si elle ne pouvait pas voir, A'Hawé devait ressentir toute la positivité que Léto lui transmettait. Dès que tu seras grande et toujours sage, tu pourras briller avec parmi tes camarades. "

Bien que la Souriante fût proche de ses trésors, elle se montrait bien moins avare vis-à-vis des plus jeunes générations. D'autant plus que tous ces présents pour le mariage poussaient sa générosité à son paroxysme. Ces petits touchaient sa sensibilité et il était important qu'ils grandissent vers un futur plus radieux. Ceci était le but primaire de son règne, une promesse qu'elle tiendra le plus longtemps possible.

" Merci à vous deux, vous êtes chou. Elle se redressa après avoir prise la plume et l'avoir mêlée à sa crinière. Amusez-vous bien durant les prochains jours, et au-delà. " Peut-être que ses propres enfants se lieront d'amitié avec ce mignon duo, qui sait ?

Les félicitations se succédèrent, fluides, tandis que la foule des plus empressés commença à s'estomper petit à petit. Léto lança un sourire ravageur en direction de son mari, consciente qu'il devait en avoir marre. Elle pouvait le comprendre, tant l'aphrodisiaque du sang avien mettait sa patience à rude épreuve. Les hommages et vœux continueront de les assaillir durant les prochains jours de toute façon, tous les Chamans ne pouvaient se permettre d'avoir ce privilège d'approcher les élus. Le Nilgoé était diablement vaste et Awaku No Hi davantage. Trouver le couple relevait de la grâce divine.

Libérés de leurs contraintes, la Souriante s'empressa de saisir la main de son Sungmanitu'Tehila pour l'entraîner plus en contrebas, là où les corps et les tambours se firent plus présents. Sans le lâcher du regard, elle l'invita à entrer en transe. Durant leurs premiers instants, la danse fut l'une des activités qui les rapprocha. De bal en bal, Léto s'était retrouvée à apprendre les pas les plus classiques, bien avant de découvrir le déhanché charnel et énigmatique des Chamans. Elle et lui apprirent ensemble et s'étaient mis à danser, à dissiper cette distance qui n'avait plus lieu d'être entre eux. En cette soirée, ils continueront de raffermir cette proximité qui leur faisait pousser des ailes. La Sùlfr se recula un peu plus et initia les premiers pas. Il fut rare qu'elle dansât comme une Chamane en présence de son époux, tant une telle coutume attirait les regards chez les étrangers. Ici, elle était libre d'être elle-même et de se dévoiler à l'homme qui possédait son cœur. Ses pieds frappèrent le sol avec force, son buste et son bassin dessinèrent une chorégraphie sensuelle : ses traits les plus féminins ressortaient et respiraient à plein poumons. Elle se fit femme et prête à entretenir cet amour qui lui comptait tant. D'un signe, la Hǫfðingi laissa une place pour le Köerta, afin qu'il saisît ses hanches et que les percussions firent battre leur cœur. Elle colla son front contre le sien, ferma les yeux et remercia cette bénédiction des Ætheri. Ces derniers, les plus favorables à son couronnement, étaient parmi eux. Ceci était une chance unique, une occasion à chérir et honorer.

Sans rompre la valse, Léto activa enfin sa magie pour les faire apparaître tous les deux dans la chambre royale. Tous les deux, seuls, au sein de ce cocon conjugal. Pas un signe de perturbation, ses iris illuminés s'ancrèrent au sanglant des siens, et ses mouvements se firent plus voluptueux. Elle collait volontiers son bassin contre le sien, elle pressait sa poitrine contre lui et mêlait son souffle au sien. Par moments, ils daignèrent explorer de visu la fameuse chambre, décoré spécialement par les petites mains du harem pour l'occasion. Des pétales rouges disséminées un peu partout, le mobilier et les affaires tout en ordre et bien ranger pour accueillir la passion du nouveau couple. Dans la pièce adjacente, l'eau du bassin était torride et parfumée. Point d'encens, car la cérémonie elle-même suffisait à éveiller leurs sens. L'espace et les couleurs se tordaient au creux de leur vision, alors que l'autre devenait le centre du Tout. Fougueuse, Léto finit par céder et enlaça son amoureux pour l'embrasser. Ils se poussèrent mutuellement vers le lit pour finir par bondir ensemble. A côté d'eux, un totem hautement phallique d'Ezechyel. Décidemment, quelqu'un avait trouvé l'idée de rajouter un participant inanimé plutôt cocasse. Elle le saisit et l'exhiba pour rire, non, ce ne sera qu'eux deux pour cette fois. La Chamane se redressa et tâtonna le corps de l'Orisha. Cette tunique l'embêtait vraiment alors elle l'arracha d'un coup sec pour mieux explorer les muscles de son amour et provoquer un petit électrochoc entre eux ; à force, il devait avoir l'habitude de retrouver ses vêtements en lambeaux. Quant à elle, preste, elle passa la toge au-dessus de sa tête et la jeta dans un coin de la pièce. Nus, la nuit devenait instantanément plus intéressante. Elle était au-dessus de lui et en profita pour l'émoustiller un peu plus avec ce fameux déhanché chamanique, son sourire toujours aussi doux et dégoulinant de désir. Elle voulait qu'il la touchât, qu'il la massât, qu'il la prît, qu'il la fît crier ; et ensuite, ce sera son tour. Ainsi et encore. Cette nuit, ce sera la leur, celle des effrénés.


~~~

Jeriel offrit sa grâce à travers les rideaux écarlates, le solaire des rayons baigna les fourrures d'une doucereuse chaleur. Cette caresse divine réveilla en premier lieu la Hǫfðingi de bon matin. Ce qui lui était notable, c'était cette incroyable flemme qui l'emprisonnait sur le lit, aux côtés de son mari, officiellement lié à elle par toutes les mœurs chamaniques. Elle avait faim, soif, encore un peu sommeil, et elle ne sentait presque plus ses jambes. Son corps suait tant qu'elle avait l'impression de s'être réveillée au milieu d'une orgie autour d'un bûcher cérémoniel.

À ses côtés, Miles reprenait tout autant des forces. Elle était demeurée allongée à ses côtés et l'avait regardé un bref moment dormir. Cette vision la fit sourire et lui donna envie de dégager quelques mèches immaculées de son visage. Ce geste provoqua le réveil plutôt difficile de son amoureux.


" Bon matin… mon mari. " Cela pouvait paraître comme une plaisanterie, du moins dans l'intention, pourtant souffler ces mots lui réchauffèrent le cœur et firent peut-être bien rougir ses joues.

Ce qui était plus ou moins amusant était de débattre ensemble sur le fait que ce genre de matinée devenait si habituel. C'était comme si rien n'avait changé, comme s'ils étaient déjà destinés à se marier depuis longtemps. Après tout, ils avaient une famille, d'adorables enfants, et ce mariage n'aurait dû servir qu'à consolider leur futur commun. Et pourtant, toute la symbolique et le poids de cette union donnaient à ce matin précis une tendresse on ne peut plus chaleureuse. Elle rit les lèvres scellées, en se répétant que c'était fait : elle était mariée. La petite Orisha de l'époque devait tirer une sacrée tête en apprenant la nouvelle. Mielleuse, elle se blottit sur l'épaule du Corvus, son enveloppe charnelle aimantée à l'homme qui l'avait ravie. Plusieurs minutes s'écoulèrent ainsi, certaines dans le silence le plus tendre, d'autres jonchées d'échanges qui ravivaient leur belle flamme. Seulement, un sujet vint ensevelir ses présentes réflexions. De plus en plus limpide, les réminiscences du rêve envahirent son esprit et lui firent comprendre toutes ses implications, ses conséquences les plus belles et les plus chères. Légère, Léto se redressa un peu pour faire face à Miles, sa tête reposant contre une multitude de coussins bien tassés.


" Öm juishi (Mon amour), est-ce que tu as rêvé de moi, cette nuit ? "

Visiblement, son instinct ne manqua pas sa cible. De fil en aiguille, leurs confessions mutuelles finirent par corroborer ce que la Reine pensait : ils s'étaient retrouvés dans le monde onirique. Néanmoins, pas dans un but d'ordinaire trivial : ce rêve précis était spécial. Jun, l'incarnation d'Ezechyel, avait été là, sans le lui dire explicitement, il lui avait donné un instant de conscience suite aux ébats oniriques, juste avant son retour dans les ténèbres du sommeil. Cela faisait déjà quelques jours que Léto s'était entretenue avec la nouvelle Kaori, à propos des rêves et des cauchemars. Durant son ascension au sein de Souw, elle ne s'était jamais rapprochée de Ka'Zedor ou de Ka'Hella, déjà bien impliquée par la découverte et l'interprétation des signes de l'Au-Delà. Maintenant qu'elle comprenait que le monde onirique renfermait bien plus de vérités – et de mensonges – il lui paraissait tout aussi primordial de s'y pencher.

" C'est donc vrai, nous avons partagé le même rêve. Le phénomène s'avérait si rare qu'il fallait en parler, surtout que Miles n'en possédait que des bribes diffuses, moins claires qu'aux yeux de Léto. Haha, ne me fais pas cette tête. Elle se redressa un peu plus, sans pour autant cesser ses petites caresses sur sa joue, son bras, voire ses cheveux, le lobe de son oreille. Ne sois pas déçu, je ne comprends pas trop le phénomène non plus. Ce n'est pas mon domaine d'expertise, mais… Elle balada son regard sur la chambre ; c'était étrange, le lit n'était pas plus surélevé d'habitude ? Pour nous, les rêves sont des visions, des messages que les Ætheri nous transmettent. Ils sont si flous et si difficiles à se remémorer que la plupart des Chamans ne parviennent pas à les interpréter. Mais il existe des rêves plus spéciaux, des rêves qui créent un pont entre deux êtres que le Destin souhaite réunir. Ces rêves reprennent des coutumes, des codes de nos mœurs, comme si nous étions transportés et forcés à satisfaire des conditions. Une pause et elle planta à nouveau son regard sur lui. Si tout se passe comme prévu, alors un lien est établi, pour le meilleur comme pour le pire. Elle le laissa songer aux implications, tandis qu'elle se remémora leur propre rêve. Cela veut probablement dire que ces… "attaches" nous ont liés. Un sourire aimant. Nous n'aurons plus qu'à découvrir les conséquences, un jour ou l'autre. Elle rit. Oui, c'est fou. "

Peu au fait des coutumes Orines, Léto ne fit point le lien avec le fameux Neru. En réalité, le nom lui avait été soufflé dans un songe sans pour autant le définir concrètement. Pour elle – enfin, pour eux deux – le rêve ne fut au final qu'un moment intime où la blonde s'était confiée sur son fantasme le plus refoulé, et l'albinos y avait été favorable tout en révélant son plus profond désir de la restreindre à tout jamais entre ses griffes. Cela ne leur ressemblait tellement pas en réalité qu'il leur paraissait normal qu'un rêve, si on y pensait, ne représentait qu'un amas de fantaisies et de tromperies. La vérité pouvait blesser, dans leur cas elle les perturbait davantage.

" À propos de notre rêve… Il était si peu commun qu'elle se montrait fuyante de visu. Je me mets à nu avec toi, Miles. Tout ce que je t'ai dit cette nuit… ce sont mes mots. Son regard trouva le courage de se braquer sur lui. Je voulais que tu m'attaches et que tu ne me laisses pas partir. Un silence. Et si ton souhait est de m'enfermer, afin que je ne sois qu'à toi et toi seul, alors… Ses prunelles scintillèrent, à l'identique quand son désir prenait de l'ampleur. Alors fais-le. Quelques fois, cela ne leur ferait pas de mal, il se pourrait. Soudain, la malice étira ses lèvres. Mes entraves devront être solides. " Car la Titanide se montrera tout aussi fougueuse et rebelle qu'à l'accoutumée.

Quoi qu'il en soit, il ne servait à rien de débattre éternellement sur les tenants et aboutissants de ce songe incroyable et unique. Cela relevait du Destin qu'il fût semé le soir-même de leur union officielle. Il ne leur restait plus qu'à découvrir ce que le futur leur réservait, ce que leur avenir comptait tisser à leurs poignets. Encore ivre de l'heureux événement, la Chamane se rapprocha de son Orisha pour l'embrasser.


" D'ailleurs, j'ai remarqué que tu étais très séduisante en femme. Son visage trahissait son amusement, bien qu'elle fût très sincère. Si d'aventure tu veux réendosser ce rôle… Elle fit glisser son index le long de son sternum, séductrice. N'hésite même pas, Milesette. Victime des chatouilles de Miles en guise de "vengeance", la Chamane se plongea dans une hilarité qui réchauffa son palpitant. Attends, attends ! Cela ne l'avait pas empêché de la surplomber pour la punir, ce qui ne dérangea pas le moins du monde sa femme, étant donné le regard qu'elle lui lançât. Et moi ? J'étais comment en homme ? " À dire vrai, ce fut une expérience très étrange, tant elle n'était habituée qu'aux limites du travestissement. Il y a autre chose. Commença-t-elle en caressant sa joue. Tu te rappelles notre conversation à Ciel-Ouvert, sur la Fusion ? Le temps que les engrenages s'imbriquassent dans sa caboche, elle fit mûrir son discours. Les Chamans ont une coutume, bien plus primaire que ce que nous avons vécu dans ce rêve. Mais à mon humble avis, c'est sans aucun doute le plus beau lien que deux êtres aimants puissent établir. L'ocre et le rouge le fixèrent alors qu'elle lui expliquât quelques détails de cette fameuse coutume. Nous l'appelons "Yumimeya", ce qui signifie "dans le cercle". Ce rituel honore Edel et Ezechyel, ils nous lient alors autant dans la Vie que dans la Mort. Si la Fusion des Esprits ne se déroulent qu'entre un Chaman et un Esprit, avec Yumimeya un Chaman peut fusionner avec une autre personne. Sourire en coin, elle le laissa cogiter le phénomène, avant de lui chuchoter : Imagine nos essences mêlées l'une à l'autre, pendant qu'on fait l'amour. Tu ressentirais tout ce que j'éprouves et inversement. Nous ne ferions qu'un, nos Corps imbriqués et nos Esprits mélangés. Miles semblait avoir du mal à croire à une telle magie, ce qui l'amusa d'autant plus à l'idée de lui faire découvrir. Si tout se déroule comme prévu, le Lien Fusionnel persistera après le rituel. Ensemble, nous serons plus à même d'affronter les épreuves de la Vie et de protéger notre famille. Ce sera une sensation unique et, finalement, difficile à concevoir, mais Léto avait hâte de pouvoir tenter une telle expérience. Enfin ! Nous verrons en temps et en heure, Yumimeya nécessite une certaine préparation. Qui sait ? Peut-être qu'un autre rêve nous réunira dans le cercle ! "

Toute cette salacité fit gonfler sa libido. Que ce fût dans la réalité ou dans l'onirisme, Léto avait passé un très bon moment. Sûrement celui le plus beau de toute son existence, pour un bon bout de temps ; elle priait pour qu'il le restât. Séduite et amoureuse, la Hǫfðingi agrippa la nuque de son Molosse pour l'embrasser tendrement. Ils avaient encore toute une série de festivités en attente, leur laissant tout le loisir d'entretenir ce lien solide comme le roc. Aux cieux, l'Aurore d'Isahora persistait afin de baigner Awaku No Hi de son affection divine.

" Tu fais de moi une femme heureuse. Ce niveau d'exploit n'avait pas de prix. Je t'aime, et je t'aimerai pour l'éternité. "


3124 mots ~
Fin ♪



By Jil ♪
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Miles Köerta
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Miles Köerta
Jeu 14 Oct 2021, 19:30


Crédit : Inconnu.

La fête continuait de battre son plein, aussi animée et ininterrompue que la ligne des invités qui se plantait devant nous afin de nous souhaiter leurs meilleurs vœux sous le regard averti des Dieux. Pour la plupart d’entre eux, j’essayais de conserver une allure avenante et intègre, répondant poliment à leurs compliments, recevant leurs présents avec un grand sourire et quelques âneries de mon dû lorsqu’un visage familier traçait son chemin jusque devant moi. Cependant, après un certain temps, mes regards en direction de ma femme se faisaient de plus en plus insistants, languissants, ma main quémandant continuellement la chaleur de la sienne pour raffermir sa présence à mes côtés. Je me faisais violence pour ne pas l’enlever afin que nous puissions nous réfugier loin des gens et des festivités, pour que nous ne soyons plus que tous les deux sous cette nuit étoilée, embrassés des rayons célestes de l’Aurore qui valsait au-dessus de nos têtes. Peut-être était-ce pour cette raison que je compensais le tout en me collant à elle dès qu’une occasion se présentait, mon visage se lovant dans le creux de sa nuque pour inspirer son parfum, pour titiller la sensibilité de sa chair à la marque, future, qui l’attendait. L’aphrodisiaque que nous avions ingurgité fracturait ma patience bien rapidement. Mes défenses tombaient, une à une, comme un château de cartes sur lequel une brise s’était permise de souffler.

« Quand serons-nous libres, rien que tous les deux? » Murmurais-je tranquillement à son oreille, la caressant des yeux.

Sans faire exprès, ma voix avait emprunté l’accent des enfants qui attendaient que l’on réponde à leurs caprices puis, délicatement, poussé par une envie fébrile, certainement taquine, je vins frotter le bout de mon nez sur la courbe de ses joues, espérant peut-être la faire flancher et l’amener à céder à mon vœu. Cela faisait déjà plusieurs minutes que nous avions salué mes compagnons de la Confrérie en leur souhaitant une belle et mémorable soirée, avant de passer aux prochains invités. Les cadeaux s’empilaient à nos côtés, sans que l’on puisse les étudier consciencieusement. Quant à eux, les enfants avaient pris leur courage à deux mains pour essayer de se joindre aux groupes de leur génération. Nono les guidait prudemment et Draaskag, qui avait pleinement repris les rênes de son corps à présent, les suivait également. Lorsque je les avais vu partir, j’avais espéré qu’ils s’intègrent sans trop de difficulté. Les Chamans vivaient reclus depuis des années sur cette île reculée. Si je ne doutais pas de l’ouverture d’esprit de plusieurs d’entre eux, je savais aussi que le mépris de l’inconnu n’était en rien une exception dans ces communautés. Après tout, elles avaient été conduites pendant un long moment par la xénophobie de l’ancien Hǫfðingi. Malgré tout cela, la curiosité que la marmaille nourrissait à l’égard de nos enfants finit par laver toutes mes inquiétudes à ce propos, voyant que l’on s’intéressait à eux avec sincérité. Peut-être qu’ils le font également pour être polis, sachant que Toto et Kaine sont les descendants de leur Souveraine. À cette pensée, j’eus un sourire jaune. Depuis quand doutais-je ainsi de l’ingénuité des enfants? Et en parlant du loup. Avec assurance, deux gamins se détachèrent de la foule pour se présenter devant nous. Conjointement à Léto, je leur adressais un large sourire pour les saluer.

« Bonsoir! »

Mon regard voyagea de l’un à l’autre, tandis que la Chamane prenait la situation en main. Les enfants étaient subjugués par sa présence et son charisme, l’une souriant de toutes ses dents, sa cécité l’ayant certainement aidé à approcher sans trop de crainte, tandis que l’autre était aussi rigide qu’une statue de pierre.

« Mior? Au nom de la tribu nomade, mon sourire se raffermit, mes narines humèrent leur odeur respective, et je portais une œillade sur le garçon. Dans ce cas, j’ai bien hâte de pouvoir travailler avec toi dans le futur! »

Glissant dans le creux de ma main le présent de la petite Raya, je me permis de lui ébouriffer chaleureusement les cheveux, passant, par la suite, une main dans la tignasse farouche du garçon qui l’accompagnait.

« Merci infiniment, A’Hawé, Tekoa. On prendra grand soin de vos présents. Profitez bien de la soirée. »

Après quoi, les souhaits de félicité se poursuivirent. J’avais de plus en plus de difficulté à me concentrer sur les paroles que l’on m’adressait, et plus les minutes s’égrainaient, plus mon focus ne cessait de se porter sur le visage de ma femme. Je voulais partir. Je voulais qu’elle me serre dans ses bras. Je voulais me fondre en elle, lui faire l’amour. Et à cette pensée, Léto me tira brusquement loin du piédestal sur lequel nous nous étions tenus depuis le début de la cérémonie. Elle m’attira à elle, elle m’emporta et, toute la nuit, nous fûmes possédés par une danse aussi lascive qu’intime, aussi sauvage que tendre. C’était notre valse, bénie par les grâces d’Isahora.



« Rêvé… »

Le marmonnement s’était naturellement glissé entre mes lèvres, tandis que je me réinstallais tranquillement dans le moelleux de notre couche. Le regard tourné en direction du plafond, je réfléchissais posément. Je n’étais peut-être plus étreint par les brumes du sommeil, mais il me fallut tout de même déployer tous les efforts mis à ma disposition pour remonter à la surface certains bribes de mes songes. Rêver… Rêver… Hum. Cette fois, je refermais complètement mes paupières, tentant vainement de reconstituer les différentes images qui défilaient entre mes deux oreilles. Nous dûmes compter quelques minutes de silence avant que mes yeux s’ouvrent en grand et qu’un éclat ne brille dans le noir de mes pupilles; une révélation.

« O-Oui. Je crois me souvenir de quelque chose, admis-je en me roulant sur le côté afin de lui faire volte-face. Je… t’attachais, je crois? »

Léto opina rapidement d’un signe de tête, complétant les morceaux manquants du casse-tête pour moi lorsque ma mémoire défaillait. Toutefois, si je ne lui en fis aucune mention, l’écoutant avec attention, je reconnus intérieurement que j’étais particulièrement troublé. Surpris et curieux, tout d’abord, par cette réalité de « rêve partagé » que je n’avais jamais vécu par le passé; anxieux, d’une part, en raison de ce qui s’était produit avec celui – ou plutôt celle – que j’avais réincarné; tourmenté, d’une autre part, non pas par le rêve qui nous avait lié, Léto et moi, mais plutôt en raison de cet autre songe dont une poignée d’images se concrétisaient petit à petit à l’intérieur de mon esprit. Latone… Déclarais-je mentalement, levant des cils battant sur le visage de la Chamane.

« … C’est dingue. »

Elle acquiesça, alors que j’essayais de mettre un peu d’ordre dans mes pensées, mais Léto n’en termina pas là, la suite de ses propos me paralysant soudainement.

« Je…! »

Violemment, un embarras sans pareil s’empara de mon faciès, l’une de mes mains camouflant tant bien que mal le rouge qui coloriait l’intérieur de mes joues. La lueur taquine dans ses yeux pétilla plus encore et je finis par enfouir mon visage dans le creux de sa poitrine, fuyant leur éclat. Je ne voulais pas qu’elle croit que je j’aurai voulu la priver de sa liberté. Cependant, ce qui s’était produit au cours de ce songe laissait croire le contraire… Et au plus profond de mon cœur, qu’étaient mes véritables impressions?

« … Ne dis pas ça comme ça, chuchotais-je à la surface de sa peau, relevant finalement les yeux dans sa direction, les pommettes encore en feu. Je pourrais vraiment finir par t’enfermer et ne jamais plus te laisser sortir. »

Gracile, ma main remonta à son visage, avant qu’une fois de plus, je me cache dans le creux de ses bras, raffermissant l’étreinte dont je l’entourais. Toutes ces années à me languir d’elle, tous ces sentiments que j’avais préféré enfouir au plus profond de ma conscience, d’un coup, ressurgirent. Je me demandais ce qui serait survenu si je l’avais retenu, à l’époque, si je n’avais pas courbé l’échine en la laissant suivre son destin. En laissant la douceur de ses doigts guider mon visage jusqu’au sien, je me demandais ce qui serait arrivé si j’avais eu en ma possession des entraves aussi solides que celles que j’avais eu dans ce rêve. L’aurais-je vraiment enfermé pour l’empêcher de retourner sur l’Île Maudite? L’aurais-je forcé à rester auprès de moi et des enfants pour que notre félicité perdure à tout jamais? Nous étions pourtant heureux, je lui aurais tout donné, mais à quel prix? … Non. Non. Plus j’y réfléchissais et plus je me rendais compte de l’erreur. Je ne pourrais jamais lui faire ça, car ce ne serait pas différent de tous les salauds que la Marche Terne enfermait dans le Verillon. Mon bonheur n’était pas assez important pour que je la prive du reste. Par sa voix et ses fantasques, Léto parvint à me détourner un instant des tracas qui enserraient mon esprit, notre petit duel réchauffant mon cœur, plus que de raison, jusqu’à ce que nos regards se recroisent un instant. Elle était sous mon corps et, fermement, je la retenais pour qu’elle ne s’échappe pas.

« En homme? Tu étais… »

Une seconde, je restais muet. C’était tellement étrange de parler de cette façon, et de ma femme, qui plus est.

« T’avais un… un… sacré engin », murmurais-je rapidement d’une voix basse, si basse, qu’elle n’entendit pas.

Je forçais ma langue à se délier, mais à chaque nouvelle initiative, mon ton s’amenuisait pour ne devenir qu’une brise. Ce qui semblait amuser la Chamane. Je le lisais dans ses yeux. Elle se moquait de moi.

« Ton service-trois-pièces était immense, d’accord?! » Finis-je par m’exclamer avant de plonger mon visage dans son cou, cachant le rouge de mon faciès.

Bon sang, mais qu’est-ce qu’elle me faisait aujourd’hui?

« Je ne sais pas du tout comment l’expliquer, mais c’était… bizarre? Non… Spécial? J’en savais fichtrement rien et je finis par m’agacer moi-même. Quoi qu’il en soit, j… j-j’ai vraiment apprécié, ouais… »

Je n’étais pas honteux, seulement, je ne m’étais jamais fait… enfin, vous voyez, mais rien qu’en repensant à cette danse onirique, à cette union de nos chairs dès l’instant où Léto s’était glissé en moi, un frisson incommensurable galopa sur ma colonne, chatouilla ma nuque. J’échappais un soupir, vaincu.

« T’es tout aussi dangereuse en homme qu’en femme, ça, c’est sûr. »

Une accalmie suivit, ma caresse dans son dos se faisant de plus en plus ferme sur sa peau nue et, à nouveau, Léto prit la parole, reportant mon attention sur un sujet complètement distinct.

« Yumimeya… »

La sonorité du mot était d’une telle délicatesse, que je me laissais aisément bercer par les fantaisies que Léto me susurrait à l’oreille. L’avait-elle déjà réalisé pour connaître toutes ces sensations que le rituel éveillait? Je n’osais pas le lui demander, le sourire ravageur et le regard mielleux qu’elle me gratifia me plongeant dans un état de pur délice. La passion de la nuit, la passion de l’amour que je ressentais pour elle, me poussa à répondre violemment au baiser qu’elle imprima sur ma bouche. Mes doigts la touchaient et la serraient avec avidité, mes yeux la contemplaient avec envie, mes lèvres ne désiraient à aucun instant se dérober des siennes.

« Et si nous restons au lit un peu plus longtemps, ma Reine? »

Tendrement, je déposais ma main sur sa cuisse, la glissant jusqu’aux galbes de ses fesses. Puis, sans empressement, ma bouche revint effleurer la douceur de ses lèvres. L’éternité était longue, mais j’avais espoir que notre amour puisse persister tout ce temps.


1 933 mots | Post IV | FIN




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