-Je ne sais pas si le fait d’être stupide les rend coupables…

   C’était certes dérisoire, mais elle ne souriait pas. Elle en avait quand même marre d’être entourée d’abrutis. Bon, certes, débarquer comme des terroristes et faire tout péter n’était pas la meilleure des entrées lorsqu’il s’agissait de se faire des amis. Cependant, ils auraient pu comprendre qu’il y avait un problème plus rapidement. « A chacun son rythme », comme diraient les plus optimistes…

   Nissa était vraiment fatiguée. Djinshee commençait à se demander si elle devait continuer de se battre. Son regard était… ailleurs. Elle semblait captivée par quelque chose. Elle calcina un zombie, puis suivit ses yeux. Elle ne vit pas tout de suite l’homme, enveloppé d’une grande cape noire. Son visage était à moitié caché par celle-ci. D’où sortait-il ? Qui était-il ? Un habitant du coin ? Elle aurait parié que non. Elle avait du mal à désigner une réponse plausible à ses questions. C’était confus.

   -Tu le connais ?

   Sa camarade le regardait avec un intérêt plus fort qu’elle. C’était qu’il y avait quelque chose. Elle repoussa magiquement les morts-vivants qui lui barraient la route. Elle était lasse de se battre. Elle avait de plus en plus la sensation de perdre son temps ; dès qu’elle en éliminait un, en apparaissait un nouveau, et ainsi de suite… A chaque pas qu’elle faisait en direction de l’inconnu, elle le trouvait un peu plus glauque et étrange. Il avait quelque chose de froid. Non, de glacial. Mais cela ne l’empêchait pas de continuer. Ce n’était pas une aura qui allait la dissuader de s’adresser à lui.

   -Il y a un problème ? Demanda-t-elle, comme s’il n’y avait pas du tout des cadavres qui déambulaient un peu partout autour d’eux.

   Il ne répondit pas. Il préféra l’examiner, s’amusant peut-être de son impatience. Elle soupira.

   -Vous devriez partir. Ou nous aider, peu importe, mais ne restez pas planté là, à nous scruter comme le dernier des psychopathes.

   Il l’ennuyait. Il n’avait encore rien dit.

   Une voix retentit. Djinshee tourna la tête, puis reconnut le tavernier. Il était furax. Et inconscient. Des clients qu’elle venait de sauver tentaient de le raisonner, en vain. Elle ne cacha pas son sourire, en se souvenant des paroles qu’il avait prononcées plus tôt : « Calmez-vous, mademoiselle, ce n’est que de l’alcool. ». Il se dégagea des autres et courut vers elle. Elle allait lui sa phrase, mais l’homme tout en noir fut plus rapide. Il tendit le bras, et le tavernier fut propulsé plusieurs mètres plus loin, avec une force déconcertante. La jeune femme ne broncha pas. Mais elle était bouche bée, intérieurement. Qui était cet homme ? Il ricana un peu.

   -Des problèmes ?

   L’Elémentale lui épargna le « Je viens de vous demander la même chose, si vous n’aviez pas entendu ». Ils n’avaient plus le temps.

   -J’espère que vous êtes la solution…

   -Possible…

   Quelque chose de mou et glacé glissa sur son cou. Elle se sentit tirée en arrière. Elle attrapa par réflexe les bras du mort, qui l’entraînait avec lui. Le Sorcier ne bougea pas d’un centimètre. Et il était la solution ? Son ennemi l’étouffait. Elle prit feu, donna des coups de coude dans le vide, et finit par s’en dégager, haletante.

   -Vous devriez faire attention… Railla l’homme.

   Djinshee lui lança un regard plein de haine, puis se rendit soudain compte qu’elle n’avait plus fait attention à Nissa depuis qu’elle s’était intéressée à lui. Elle balaya l’espace autour d’elle, sans être sûre de l’avoir vue. L’obscurité, la tension à cause de cet homme ? Ou avait-elle simplement bougé ?

   -Qu’est-ce que vous foutez ici ?

   Il l’énervait, il l’énervait ! Quel effet pensait-il faire, en se faisant « mystérieux et sombre » ? Il n’était pas dans un livre de contes !

   -Vous l’avez tué ?

   Quoi ? Elle ne comprenait rien. Et s’il continuait, c’était un bon coup de poing enflammé, qu’il allait recevoir ! Comme le Sorcier débile de…

   -Il s’est fait manger.


   Il ne répondit pas. Il avait l’air de s’en foutre totalement. Ou bien il se disait : « pas étonnant, il était débile ». Il tendit le bras et écarta Djinshee se son chemin. Il s’avança au milieu du champ de zombies. Elle retînt son souffle en le voyant à l’œuvre. En fait, il n’avait fait qu’une action, mais… c’était vraiment étrange. Une sorte de silence s’était installé. Tous les cadavres s’étaient figés, puis tournés vers lui. Tous. Ils ressemblaient à des statues. Ils étaient… sous son contrôle… ? Elle espérait… Enfin… Sauf s’il voulait les tuer…

Djinshee continuait de se battre à ses côtés. Fort heureusement, elles arrivaient à la fin de leur dure nuit. Malgré la lassitude qui les prenait, elles étaient efficaces. Toutes les tentatives qu’elles avaient réalisé depuis le début de la nuit portaient petit à petit leurs fruits. Elles en avaient encore à éliminer, mais la quantité avait diminué. Ce qui était fatiguant c’est qu’elles étaient prises pour cibles, et étaient submergées. Pour autant, elle ne perdait pas espoir : elle ne se laisserait pas anéantir par des êtres stupides et sans cervelles qui étaient guidés uniquement par leur désir de se nourrir, alors que cette pitance ne leur apportait rien de positif. Si l’idée de mourir lui était dure à imaginer, mourir pour une cause inutile lui était insupportable.
Nissa dévisageait l’homme qui se tenait au milieu des cadavres, les fixant lui aussi, sans en tenir compte. Comme si il était un habitué de cet entourage. « Non je ne le connais pas, mais il ne m’inspire rien de bon… » Djinshee se décida à l’interpeller. Elle ne devait pas supporter d’avoir à se battre alors qu’un homme se trouvait dans leur champ d’action, ou bien qu’un potentiel ennemi les tenait dans le sien… Nissa était dans le même cas. L’élémental lui conseilla de partir et presque immédiatement, le tavernier se jeta sur elle. La sirène n’eut pas le temps de réagir tellement l’action se passa rapidement : la seconde d’après, c’était l’homme qui se jetait sur lui et l’envoyait promener. De peur, il ne revint pas à l’attaque. Quel manque de gratitude… La sirène l’aurait poursuivi si elle avait pu.

Il se disait être la solution, mais elle ne pouvait pas le croire. L’aura qu’il dégageait était trop maléfique pour qu’il ne puisse apporter autre chose que du malheur sur les deux infortunées. Son attention focalisée sur l’élémental conversant avec l’homme en noir, elle ne sentit que trop tard qu’un mort vivant approchait d’elle par derrière. C’est le bruit de Land le percutant juste avant qu’il ne la touche qui la sortit de sa réflexion. Il ne fallait pas qu’elle se relâche, pas tout de suite. Son katana à la main, elle trancha la tête de ce dernier pendant que le loup le maintenait au sol de sa puissante mâchoire. Elle se retourna pour voir ce que devenait l’élémental et sentit une main s’accrocher à sa cheville et la serrer jusqu’à ce qu’une douleur s’y diffuse.  La tête était coupée, mais le reste du corps bougeait encore. Elle s’abaissa et mit toutes ses forces dans ses poignets afin de desserrer la poigne de celui-ci. Elle essaya d’en aspirer l’énergie mais cette énergie vitale-là était nauséabonde et elle eut de l’impression de s’empoisonner plus que de se nourrir de cette dernière. L’intervention du loup, une nouvelle fois, la libéra. Dans l’état où elle se trouvait, il était d’un appui vital. Elle se releva et rejoint Djinshee qui fixait le sorcier : il c’était avancé au milieu du cimetière et diffusait une magie noire puissante, rasant les sols et neutralisant tous les zombies. « Tu en as appris plus ? Qui est-il ? Que fait-il ? Désormais, le silence était roi, comme cela devait être dans un cimetière. Elle lui chuchota. Il les a arrêtés ? » Elle se doutait qu’elle n’avait pas les réponses à ses questions étant donné qu’elles assistaient en même temps à la même manifestation mais peut-être qu'elle avait déjà une interprétation à lui exprimer. Elle savait que sa question n'était pas pertinente, mais cette dernière traduisait son anxiété, et l'exprimer à haute voix était une sorte de manière de laisser la vapeur s'échapper avant qu'elle ne monte trop en pression. Il se tourna vers elle, affichant une expression sauvage et de vengeance.
« Mon apprenti a vu au-delà de ses capacités. Son impatience l’a amené à agir avant que j’arrive… Il aurait du m’attendre. Il ne s’est pas fait que mangez, vous l’avez laissé se faire dévorer par ses créations. Vous auriez pu faire preuve d’un minimum de compréhension envers la jeunesse… Vous-même êtes très jeunes et vous allez goûter au même sort que ce que vous l’avez laissé subir. »

Aussitôt sa phrase terminée, les cadavres immobiles se mirent en marche rapidement vers elle. Ils ne pouvaient pas courir, mais ils marchaient très vite. Pour les anéantir tous, elles devaient se concentrer sur le maître sorcier. La nuit n’était pas encore finie.

Mots: 735

Ce silence glaçant était supposé normal, dans un cimetière. L’était-il, une fois que l’on apercevait tous ces cadavres debout et figés au milieu de ces terres pauvres et morbides ? Pas à sa connaissance… En tous les cas, elle, ça la dérangeait. Heureusement, Nissa la rejoint. Elle avait l’air de s’en être sortie, elle et son compagnon. Djinshee se sentit un peu mieux. Cet homme était si étrange… Elle ne lui faisait aucunement confiance.

   Elle ne prit pas la peine de répondre aux questions de sa partenaire. Non, elle n’avait rien appris de plus. D’ailleurs, le fait qu’elle la bombarde ainsi alors qu’en répondant à la première, elle aurait pu effacer toute les autres l’agaçait. Et puis, mince, la dernière ! « Il les a arrêtés ? ». NON, NON, les zombies sont à l’apogée de leur agitation, ils sont actuellement en train de danser ! Evidemment, qu’il les avait arrêtés ! Comment aurait-ce été possible, autrement ? Elle resta muette. Sa réplique aurait été particulièrement désagréable, sans qu’elle eût pu y faire grand-chose. Et quoi de mieux que de se disputer avec ses alliés en plein désastre !

   Le Sorcier se tourna vers elles. Il brisa enfin le silence interminable qu’il avait lui-même installé. Au fur et à mesure de son discours absurde, les mains de l’Elémentale se transformaient en poings serrés. Son visage se crispa en une expression de colère intense. Pas étonnant que l’autre débile fût débile, avec un pareil maître !

   -Vous vous foutez de nous, j’espère ? Cria-t-elle, contenant – oui, contenant – sa voix.

   Les zombies se tournèrent brusquement vers elles. L’adrénaline remonta de plus belle. Elle regarda Nissa.

   -Il se fout de nous ? Demanda-t-elle, toujours sur le même ton. Elle venait probablement d’endommager son audition.

   Elle serrait si fort le manche de son épée qu’elle se faisait mal. Ses cheveux s’enflammèrent. Ignorant les morts-vivants, elle se dirigea à grands pas vers l’homme, dont elles n’avaient toujours pas vu le visage.

   -Je vous propose d’aller vous faire voir. Siffla-t-elle.

   Elle fit jaillir de ses mains un faisceau de flammes. Transperçant un bout de la nuit, elles fondirent sur lui. Il esquiva habilement.

   -Non merci, je suis bien, ici.

   Il rit. Elle poussa un cri de rage et lui sauta dessus, épée brandie, prête à l’embrocher bien comme il se devait. Il tendit la main. Elle se retrouva propulsée à quelques mètres. Elle lâcha son arme et roula par terre. Elle ne savait pas qui de son genou ou de son épaule avait le plus payé. Elle se releva, s’appuyant à une pierre tombale. Les deux devaient avoir payé la même somme. Les faire bouger lui faisait mal. Un liquide chaud coulait sur sa jambe. Elle s’embrasa tout de suite pour faire sécher le sang, puis chercha l’Ondine des yeux. Elle l’avait encore perdue de vue. Elle était déboussolée par le choc. Elle tituba sur quelques mètres. Et elle avait perdu son épée… Elle reprit sa forme humaine. Aussitôt, elle sentit la présence moite et froide des cadavres autour d’elle. Ils approchaient vite. Elle poussa ceux qui se trouvaient sur son passage, accéléra le pas malgré la douleur. Elle comprit qu’elle pourrait retrouver sa camarade en suivant ceux qui ne l’avaient pas repérée. Ce qu’au final, elle n’eut pas besoin de faire, puisque celle-ci n’était qu’à une vingtaine de pas. La chute l’avait vraiment sonnée !

   -Si ton loup fait chien de chasse, je veux bien qu’il retrouve mon épée… C’était indispensable. Elle ne quittait jamais ses armes, quoiqu’il arrive. Elle ne doit pas être très loin, mais… voilà.

   Elle doutait de pouvoir se baisser sans se blesser d’avantage, avec son genou bousillé. Elle prit de nouveau feu. Et quelle perte d’énergie inutile ! Faire cela ne la soignerait que partiellement. Elle fit flamber un ou deux zombies, puis fit un tour d’horizon.

   -Il est où, cet enfoiré ?

   Elle avait beau se concentrer, elle ne le voyait pas.

   -Ne me dit pas qu’il joue à cache-cache…


   En d’autres circonstance, c’aurait pu être drôle. Mais là… Ils avaient atteint le fond. Elle n’en pouvait plus. Sa patience avait depuis longtemps dépassé les limites.

Furtivement, la sirène sentit l’exaspération de sa partenaire envers elle suite aux questions qu’elle lui posait. Il était vrai qu’elle ne l’épargnait pas à ce propos. Soudainement, elle sentit que l’énervement de cette dernière se dirigea vers le sorcier suite à la déclaration morbide et refroidissante qu’il venait de faire. Nissa ravala la bile qui menaçait de monter trop haut, laissant son instinct de survie et l’adrénaline prendre le dessus. Elle n’allait pas se laisser tuer à cause de l’incompétence d’un pseudo apprenti qui n’avait pas été capable de maîtriser ses invocations ainsi que de son piètre instinct de survie : même cela, il n’avait pas réussi à se débrouiller seul, c’était vraiment navrant. Djinshee répétait le comportement qu’elle avait elle-même eu quelques secondes auparavant : elle lui posait une question à laquelle elle savait pertinemment la réponse : non il ne se fichait pas d’elles, il était même très sérieux, et le comportement de la jeune femme semblait irrité ses nerfs. Tant mieux, elles n’allaient pas lui rendre la tâche agréable en plus de cela.  La sirène raffermit sa prise sur son katana, et porta la main à sa ceinture, touchant son couteau de lancer. Elle pouvait l’atteindre à cette distance et l’élémental partait déjà en sa direction pour l’affronter : la parfait diversion , mais malheureuse pour Djinshee. Celle-ci l’attaqua sans résultat et se retrouva propulser dans les airs.

Nissa profita de ce moment là pour envoyer son couteau droit dans le flan du sorcier pendant qu’il s’occupait de la jeune femme. Il s’aperçut de son attaque et se mut, mais pas assez rapidement. Il était toujours entrain d’exercer une poussée pour faire s’écraser Djinshee plus loin et donc le couteau vint se ficher dans le coin derrière le genou. Elle devait aussi améliorer son agilité à viser car ce n’était pas encore cela. Néanmoins il n’était plus aussi concentré qu’avant, ne pouvant pas se concentrer sur leur élémination ainsi que sur le contrôle des morts dans le même temps. L’élémental se releva, sonnée, et s’enflamma plusieurs fois afin de l’atteindre en tuant les quelques morts qui s’approchaient. Son apparition à ses côtés la distraie de l’attention qu’elle portait aux agissements du maître sorcier. Cela tombait mal. « Oui, il peut la retrouver, elle avait un ton un peu plus dur que ce qu’elle n’aurait voulu faire paraître mais elle n’aimait pas que l’on parle de Land en ces termes, il était très loin d’un chien, et si il avait compris ce que cela signifiait, Djinshee n’aurait eu plus qu’à l’implorer pour qu’il daigne l’aider. Elle se tourna vers ce dernier, as-tu entendu ? Nous avons besoin que tu retrouves son arme. » Il planta son regard brillant d’intelligence dans le sien et retourna agilement vers le lieu où l’élémental de feu c’était écrasée quelques minutes auparavant. Il esquivait les morts vivants à une vitesse impressionnante, c’était comme si ces derniers ne le voyaient pas et n’avaient pas le temps de se rendre compte qu’il avait été près d’eux qu’il avait déjà disparu. Pour autant, ils les voyaient, elles.


Nissa scruta les alentours « Il est blessé, il n’a pas du aller loin, Land revenait déjà vers elle, la paume de l’épée de la jeune femme dans la gueule en la traînant sur la distance qu’il avait à parcourir. Elle leva la sienne pour tuer un mort vivant qui venait vers elle, en fit tomber un autre à terre en lui lançant un fouet d’eau et en percutant en ricochet un troisième. Elle cria au loup, il faut qu’on retrouve le sorcier. » Ce dernier avait déjà arraché la jambe d’un zombie qui venait de menacer la vie de Djinshee le temps qu’elle récupère son arme. Pour seule réponse, il grogna dans la direction d'une pierre tombale. Il devait se trouver là. La sirène sortit de nouveau son instrument. Ce serait sa dernière attaque avant qu'elle ne tombe de fatigue: si ça marchait, elle pouvait prendre le contrôle du sorcier, et donc des zombies, pour laisser le temps à son compagnon ainsi qu'à l'élémental d'en venir à bout, mais si ce dernier était trop puissant et qu'elle ne pouvait pas prendre le dessus sur lui, elle ne serait pas capable de courir pour échapper aux morts vivants, ou les attaquer. Elle commença à jouer, infusant dans les sons qu'elle produisait, toute la magie dont elle disposait afin que tout se stoppe autour d'elle à part ses compagnons.

Mots: 740

En très peu de temps, le loup retrouva son arme. Djinshee la récupéra, prenant soin de faire sécher la salive qu’il y avait déposé, puis lui donna une caresse sur la tête. Elle ne craignait pas de se faire mordre, sinon, elle supposait qu’il ne lui aurait jamais rendu service. Nissa lui indiqua que leur ennemi était blessé.

   -Blessé comment ? J’espère qu’il souffre…

   Au genou, à l’épaule ou au bras, c’aurait été parfait. Le compagnon de la Sirène s’occupa d’un zombie qui s’était un peu trop approché. Elle se chargea de l’achever. Puis, supposant que son loup avait retrouvé leur cible, Nissa sortit une nouvelle fois son instrument de musique et se mit à jouer. L’Elémentale n’était pas sûre que ce fût une bonne idée. Elle était épuisée, et en voyant son état déjà avancé tout à l’heure, ça devait lui pomper une énergie fulgurante. Mais bon, elle savait d’office qu’elle ne pourrait pas lui faire changer d’avis. Et si elle le faisait, c’était qu’elle connaissait un minimum ses limites et qu’elle savait l’étendue de ses pouvoirs… Néanmoins, Djinshee ne devait pas lui laisser faire tout le sale boulot. Ce qu’elle tentait de faire était on ne peu plus clair. Arme en main, elle attendait le signal pour foncer : que les morts-vivants se figent. Pour l’instant, elle se contentait d’éliminer les cadavres qui s’approchaient de trop près.

   Les secondes lui paraissaient interminables. Nissa arrivait-elle à aboutir à quelque chose ? Le Sorcier se trouvait-il vraiment derrière cette pierre tombale ? Le doute commençait à s’insinuer en elle et elle détestait ça.

   Soudain, quelque chose changea. Les zombies ne s’étaient pas figés. Mais ils avaient ralenti. Vite, Djinshee fonça vers l’endroit indiqué par le loup. Le bruit d’une respiration forte, un peu couverte par la musique, lui indiqua qu’il ne s’était pas trompé. Elle fit face au Mage Noir. Il était « assis » dos à la pierre. Du sang de répandait sur la terre compacte. Il était vraiment mal en point. Il devait lutter du mieux qu’il pouvait contre la mélodie. Elle brandit son épée. Un air moqueur illuminait son visage. Quand elle sentit l’aura froide d’un mort-vivant derrière elle. Elle se retourna, tenta de lui trancher la tête, mais manqua son coup. Relevant son arme, elle le décapita finalement. Tandis que le corps s’écroulait par terre, une violente douleur paralysa sa jambe. Son visage se déchira en un cri qui ne sortit même pas. Elle se plia en deux, tomba à genou. Elle sentit la lame glisser hors de sa chair. Elle prit aussitôt feu. Les dents serrées, elle se tourna vers le Sorcier, qui ricana. Son couteau se dissimula dans sa manche. Folle de rage, elle voulut le prendre par le cou. Il la poussa avec son pied valide. Elle se retrouva couchée, sa jambe pliée la faisait souffrir malgré les flammes. Flammes qui finirent par mourir, car elles consommaient trop d’énergie. Elle se releva douloureusement, en même temps que lui. Poignard en main, dans un éventuel dernier effort, elle baissa la tête et le chargea. Il bascula en arrière, son dos heurta la pierre tombale. La lame pénétra dans la chair de l’homme. Il la prit par les épaules, tira pour qu’elle chute un peu plus loin. Djinshee s’écrasa par terre. Elle gémit, gronda. Colère, fatigue, impatience, douleur… Beaucoup d’éléments négatifs s’étaient entassés, les uns après les autres sur ses épaules. Elle n’en pouvait plus. Elle regarda, paupières mi-closes le Sorcier, qui tentait de se remettre sur pieds. La tâche avait l’air hors de sa portée… au moins pour l’instant. Il pissait le sang. Il n’allait pas tenir très longtemps. Il ne semblait même plus avoir de contrôle sur les morts-vivants. Enfin… elle ne savait pas. Peut-être avait-il encore suffisamment de forces pour les tenir éloignés de lui… Peu importait, elle s’en foutait ; ces zombies étaient toujours là, et il fallait les butter. Elle vérifia qu’elle avait toujours ses armes, trancha dans un mouvement mou la tête d’un cadavre. Elle fit un tour sur elle-même et repéra Nissa. Elle tituba jusqu’à elle.

   -Je crois que je l’ai eu… Ca va ?

   Quelle question. Evidemment, que ça n’allait pas. Elles étaient à deux doigts d’en finir, mais elle n’était elle-même pas sûre de pouvoir aller jusqu’au bout…

   … Son orgueil en prenait un coup…

La mélodie paralysante continuait de faire son effet, à une moindre importance que si la sirène avait été en possession de toutes ses capacités magiques et de sa magie, mais elle arrivait à ralentir son ennemi, laissant une fenêtre ouverte pour que Djinshee agisse en ayant une chance. Elle comprit immédiatement ce que la jeune femme attendait d’elle et commença un combat acharné contre le sorcier. Malgré la magie paralysante de la sirène, il restait puissant et semblait déterminé à rester en vie, malheureusement pour elles.

Pendant que l’élémental s’occupait du sorcier, Land se chargeait de protéger la sirène qui était immobilisée par le son qu’elle diffusait. Elle n’en était pas au niveau de pouvoir esquiver et de se battre en même temps qu’elle contrôlait les individus l’entourant, elle ne savait même pas si ce niveau de maîtrise était possible à atteindre.  Dès le moment où sa compagne d’arme c’était élancée vers la pierre tombale où le maitre sorcier tentait de se soustraire à leurs attaques, elle l’avait perdue de vue et continuait de jouer sans la conviction que cette dernière soit encore en vie. Néanmoins, le fait que les morts vivants continuent d’être actifs lui confirmait que leur maître, lui, était bel et bien en vie. Au bout d’une minute, les êtres sans vies commencèrent à se comporter encore plus étrangement que lorsqu’ils étaient hors contrôle, et beaucoup moins disciplinairement qu’au moment où le sorcier les avait parfaitement sous sa domination. Djinshee avait-elle réussi à en venir à bout ? Ils auraient du s’effondrer sur le sol. Dès qu’elle la vit apparaitre dans son champ de vision, elle laissa tomber sa main qui tenait l’instrument dans le vide, sans force. Elle avait tenu tout ce temps et la vision de l’élémental, vivante, était le signal qu’elle avait attendu avant de lâcher prise. Elle ne savait même pas par quelle force elle réussissait à se tenir debout dans le cimetière, mais elle le faisait. Si elle arrivait à atteindre un lit, elle ne se relèverait que trois jours après. Elle serra les dents « ça va… Et toi ? Es-tu sûr de l’avoir eu ? Ils sont encore debout… » Elle c’était vraiment attendue à ce qu’ils tombent au sol. Elle ne pouvait supporter un dernier combat. Si elle ne l’avait pas eu, elle l’avait frappé fortement car les zombies bougeaient de plus en plus lentement, à un point qu’elles auraient pu facilement passer à côté d’eux en marchant, et en effectuant simplement des pas sur le côté pour éviter leurs attaques désespérées. 

« Nous n’avons plus qu’à attendre que le sorcier meurt alors en surveillant qu’aucun mort vivant ne sorte d’ici. » La sirène proposait une stratégie simple, et qui traduisait une faible implication d’énergie, seulement d’attention. En fixant le champ de morts vivants se déplaçant au ralenti, elle devait bien admettre que sa vigilance baissait, proportionnellement à la baisse de l’adrénaline ainsi qu’à l’apparition de la fatigue qu’elle avait repoussé tout au long de la nuit. Une faible lumière pointait à l’horizon « Tiens, le jour va bientôt se lever. » C’était à peine si ses paupières ne menaçaient pas de se clore au moment où ces mots sortirent de ses lèvres. Elle sursauta lorsqu’un mort vivant, peut-être un peu plus vif que les autres, peut-être lancé dans la dernière action du désespoir par le sorcier qui mettait dans cette action ses dernières forces, poussa un cri en courant vers les deux jeunes femmes. Nissa ne réagit pas assez vite, ses muscles ne répondant pas aussi vivement qu’ils auraient dû, et subit le choc de plein fouet, ce qui la renversa et lui fit percuter le sol dur du cimetière. Elle plaça sa main devant elle pour repousser l’agresseur mais surtout pour créer un canon d’eau. Elle réussit à peine à le repousser sur côté et roula elle-même à l’opposé afin de s’éloigner le plus de lui. Elle n’avait que son couteau de lancer à disposition et il ne lui servirait pas à grand-chose, peu importe où elle le toucherait. Même si elle détesta ce les mots qui sortirent de sa bouche, elle n’eut pas d’autres choix que d’appeler l’élémental à l’aide. Elle mettait sa fierté de côté pour cette fois ci. 

Mots: 701

Pour rajouter à sa fatigue, Nissa doutait sur ce qu’elle disait. Ca l’énervait, qu’on remette son boulot en cause, surtout maintenant, puisqu’elle avait envie d’en finir le plus rapidement possible. Que le Sorcier fût toujours vivant était tout bonnement impossible. Personne ne pouvait se remettre d’une telle hémorragie. Il s’était déjà bien vidé avant qu’elle ne lui ouvre la panse, même s’il avait eu une potion dans sa poche, ou s’il avait su contrôler ne serait-ce qu’un minimum la magie blanche – ce qui serait quelque peu paradoxal – il aurait, dans tous les cas, expiré avant. Elle était persuadée de ce qu’elle avançait. Elle en avait tellement marre…

   -C’est stupide, pourquoi devraient-ils forcément s’écrouler par terre ? Ils l’ont fait, peut-être, quand ils ont bouffé l’autre abruti qui les a réveillés ?

   Ce n’était pas directement contre l’Ondine, qu’elle s’irritait. Mais bon, ça lui paraissait si évident, maintenant qu’elles y étaient, et qu’elles constataient qu’ils ne crevaient pas…

   Elle lui fit remarquer qu’il n’allait pas tarder à faire jour. C’était fou. Le temps pouvait faire preuve d’une élasticité à toutes épreuves. Interminable et trop court en même temps. Ca battait des records.

   Un zombie s’en prit soudainement à Nissa. Djinshee reprit son épée, puis recula vivement pour éviter l’eau que créait sa partenaire, alors que celle-ci ne la visait pas du tout. Un frisson lui parcourut l’échine. Sa confiance envers elle redescendit d’un coup. Mais elle avait besoin d’aide. D’instinct, elle choisit d’attaquer à distance, par le feu. Tendant le bras, elle projeta une boule incandescente tout droit vers le cadavre, qui se consuma aussitôt. Elle s’approcha, non pas sans hésitation, vers elle.

   -Tu te fatigues, à utiliser ta magie comme ça, ça ne sert à rien… Tu ferais mieux d’éviter de l’utiliser. Je te protège, repose-toi un peu.

   C’était vrai, mais surtout, elle voulait qu’elle cesse de lui faire des frayeurs avec cet élément immonde. Elle découpa les morts les plus proches. Elles allaient peut-être voir le bout, à la fin… Elle inspira profondément. Encore un petit effort… A défaut de tous les défaire, au moins en faucher… les trois quarts… ou les deux tiers… la moitié. Allez, la moitié… Ils étaient combien ? Une centaine ? Peut-être un peu plus… Comment pouvait-elle être motivée, avec tout ça ? Il fallait qu’elle pense à… un feu ! Imaginer qu’elle allait pouvoir dormir dans une cheminée après ! Elle trancha. Encore, et encore… Une cinquantaine, ce n’était pas si difficile, au final.

   Mais étaient-ils réellement une centaine ? Comment se faisait-il qu’il en apparaissaient toujours des nouveaux ? Il fallait chercher, pour marcher autre part que sur des cadavres, et il y en avait encore ? Comment avait-on pu entasser autant de monde, dans ce cimetière ?

   -Si ton ami est toujours d’attaque, je veux bien de son aide…


   Son épée avait l’avantage de lui demander peu de forces, pour venir à bout de ses ennemis. En revanche, il fallait posséder une certaine agilité et une certaine souplesse dans les mouvements. Et cela baissait au fur et à mesure que sa motivation disparaissait. Ses coups devenaient lourds, lents, l’élan se perdait. Quand son rang de tueuse passa au rang de victime, elle rangea son arme. Il était temps d’en finir magiquement. Elle était à bout de souffle. Elle lança un premier jet de feu, puis un second. Elle esquiva l’assaut d’un zombie et vacilla. Il fallait qu’elle tienne… Les tuer avant que les premiers lève-tôt ne les voient, éviter un bordel monstre qu’elles avaient déjà plus ou moins engendré – quoique, tout le monde semblait être parti. Elle eut un rapide regard vers le ciel. Le bleu s’éclaircissait à une vitesse fulgurante. Il était vraiment l’heure d’en finir…

La sirène fut très reconnaissante à Djinshee de s’interposer de cette manière. Restant au sol en reprenant son souffle, elle observait les mouvements fatigués de la jeune femme dos à elle, qui se dressait comme un rampart face aux morts vivants qui les acculaient désormais. Elle avait raison, le sorcier devait être mort ou entrain de se vider de son sang seul dans un coin. Le temps pressait et elles avaient bien éradiqué la plupart des êtres sortis de la terre, mais le jour se levait et les zombies ne tarderaient pas à s’attaquer à la ville.

Bien entendu, elles auraient pu les laisser y aller et laisser les habitants de la cité se débrouiller, ils avaient déjà survécu à la guerre, ils pourraient survivre à cela. Néanmoins, on les prendrait pour les créatrices de ces choses là et la sirène préférait les exterminer plutôt que d’échapper à la fureur vengeresse des habitants. Land se jeta sur un zombie qui se préparait à attaquer Djinshee pendant que celle-ci tranchait une autre de ces choses. Elle se cogna dans son sac suite à un mouvement de recul et le bruit d’un tintement contre du verre retentit. Elle avait oublié qu’elle possédait cette fiole dans son sac : la potion de charisme ratée : un marchand la lui avait donnée dans le but d’améliorer son pouvoir de séduction, mais il l’avait prévenu qu’il c’était trompé dans la formulation et qu’elle se transformerait en bête monstrueuse, résistante à toutes sortes d’attaque, voilà pourquoi il la lui avait offerte gracieusement. Pour se sortir de ce phénomène, elle devrait recevoir un baiser. Djinshee n’allait pas apprécier. Elle sortit la fiole et s’approcha de l’élémental pour lui faire part de son plan, elles étaient vraiment désespérées. « Djinshee, il nous reste très peu de temps… Tu vois cette fiole ? Elle va me transformer en monstre, en bête puissante : je pourrai tous les tuer en un tour de main mais pour redevenir moi-même, j’aurai besoin de toi, j’aurai besoin que tu m’embrasses, seulement une millième de seconde, pour redevenir moi-même. » Elle ouvrit la fiole et en avala quelques gouttes. Elle n’avait pas besoin de plus. Elle sentit ses épaules craquer et s’élargir et son corps entier prendre du volume. Des poils se mirent à pousser tout le long de sa peau et à la recouvrir entièrement. Ses dents s’allongèrent et ses jambes se développèrent en de puissantes pates. Tous ses vêtements se fendirent au niveau des extrémités. L’élémental pouvait choisir de la laisser dans cet état à jamais, c’était le risque, mais à l’heure actuelle, peu lui importait. Elle ne c’était jamais sentie aussi puissante, aussi forte. Elle laissa libre cours à ce pouvoir tout nouveau et éphémère dont elle comptait profiter efficacement. Elle ressemblait beaucoup plus à Land, sous cette forme, qu’à son ancienne apparence féminine. Le loup reconnaissait son odeur mais ne s’approchait pas d’elle et grognait. Elle l’ignora et se jeta sur les morts vivants restants debout. Un à un, elle leur arracha leurs membres aussi facilement que si elle faisait la même chose avec du coton.


Emportée dans l’enchaînement de ses victimes, elle ne pouvait pas dire si quelques minutes venaient de passer ou quelques heures avant de se rendre compte qu’elle avait éliminé tous les zombies. Aucun n’était encore debout. Leur objectif était atteint. Elle observa son pelage tâché par les traces de fluides de morts vivants et s’imagina comme apparaissant comme une vision de cauchemar pour Djinshee et Land qui devaient l’observer. Elle sentit qu’ils avaient peur d’elle, ou de ce que la bête pourrait faire. Vérifiant une dernière fois que tous les monstres avaient été éradiqués, elle se tourna vers l’élémental et s’approcha d’elle lentement. « Nous avons réussi, maintenant je dois redevenir normal et nous pourrons enfin partir d’ici et nous reposer. Sa belle voix cristalline et chantante était devenue rauque, grave, presque masculine, avec en bonus des boules de poils dans la gorge. Si cette dernière partait en courant, la jeune femme n’aurait aucune peine à la rattraper sous sa forme actuelle. Elle arriva à sa hauteur et s’agenouilla devant elle. Bon, ça ne sera agréable pour aucune de nous deux, je te rassure. » Elle se demanda si ses grosses lèvres actuelles arriveraient à trouver les petites de Djinshee en comparaison. Elle mit ses mains sur ses épaules et posa ses lèvres sur les siennes, rapidement, mais elle le fit. L’effet fut immédiat et Nissa sentit que toute sa masse corporelle diminuait, et que petit à petit, ses poils disparaissaient, laissant apparaitre le grain de sa peau. Elle se redressa, toussa pour s’éclaircir la voix et fut rassurée lorsqu’elle entendit le son qui en sortit. « Excuse moi pour tout cela Djinshee, mais c’est terminé ! Nous pouvons partir.» De son sac, elle sortit une longue cape qui masquerait les vêtements ébréchés de tous les côtés et se tourna vers la sortie du cimetière. Sa prochaine étape serait de marcher jusqu'à une auberge dans une autre ville et de s'y reposer au moins une journée complète. Le suite viendrait bien assez tôt. Elle était heureuse d'avoir pu compter sur l'élémental pour sortir de ce pétrin et escomptait la revoir dans le futur. Si il était prévu qu'elles se revoient, leurs chemins seraient amenés à se recroiser. Dans le cas contraire, elle ne doutait pas que la jeune femme ferait quelque chose de volcanique de sa vie.

Mots: 901

Défi réalisé:

Nissa allait se tuer, à sans cesse vouloir revenir sur le front. Lorsqu’elle apparut dans son champ de vision, Djinshee voulut la repousser et la remettre derrière elle. Mais elle comprit qu’elle avait une idée. Idée qu’elle n’était pas sûre de comprendre… Se débarrasser de cette vermine à l’aide d’une potion, d’accord, mais… l’embrasser ? Elle ne put donner son accord qu’elle avalait déjà l’étrange liquide. Dire que l’Ondine se transformait en monstre, c’était le cas de le dire. L’Elémentale s’écarta, oubliant presque les zombies. Nissa devenait difforme. Ses épaules s’élargissaient, elle la dépassait bien de deux têtes, à présent. Sa peau s’assombrit et disparut, couverte de fourrure. Elle se demandait s’il était normal qu’elle ait un air de ressemblance avec son compagnon. Elle se demandait aussi comment elle avait pu devenir aussi moche en ressemblant à son compagnon, car ce dernier ne l’était pas. Et ce dernier, qui se méfiait tout autant d’elle qu’elle.

   Aucun ennemi ne résistait à ses coups de pattes. Elle les envoyait voler plusieurs mètres plus loin, leurs os se brisaient avec une pichenette de sa part. Sa force et son endurance étaient déconcertants. Alors qu’elle était deux minutes plus tôt à ses pieds, complètement vidée de ses forces, la voilà qui broyait ces morts-vivants à une vitesse considérable. Djinshee en venait à douter du plein contrôle mental de sa partenaire. Savait-elle ce qu’elle faisait, ou obéissait-elle à un quelconque instinct bestial ? Elle restait sur ses gardes. Elle le fut d’autant plus lorsqu’elle s’approcha d’elle, après avoir terminé le boulot. Au fait, pourquoi n’avait-elle pas usé de cette fiole plus tôt ? Elles auraient pu aller dormir, le plus tranquillement du monde, sans se mettre qui que ce soit à dos, encore moins toute une taverne, pour vol de – citons-le – « WHISKY ♥ ». Elle ne put cacher son expression bizarre en entendant sa voix. Grave, éraillée, sèche, tout le contraire de Nissa.

   -Attends…

   « On doit vraiment s’embrasser ? » Finit-elle intérieurement. Sa question était normale et débile. Elle n’avait aucune envie de l’embrasser ! Encore moins sous cette forme ! Elle voulut se dégager de son étreinte. L’Ondine l’avait prise par les épaules. Elle posa vite ses lèvres sur les siennes. Djinshee se figea. Quelques secondes plus tard, elle se retrouva face à Nissa – la vraie.

   La fin de ce bordel était… Elle n’avait jamais imaginé qu’une telle fin puisse exister. Elle gardait le silence. Elle ne pouvait pas vraiment en vouloir à Nissa, de devoir l’embrasser. Après tout, elle venait de sauver bon nombre de vies – les leur en premières – en tuant des morts. Mais elle détestait cette fin. C’était ridicule. Heureusement, personne ne semblait avoir vu la scène. Elle ou il se serait autrement bien amusé… Voir deux femmes se démener comme des folles pour réparer les bêtises d’un Sorcier, les voir se démener jusqu’à en ramper par terre pour au final que l’une d’entre elles se transforme en truc et embrasse l’autre. Youpi. La nuit aurait été sacrément divertissante.

   Se convainquant qu’il ne s’était absolument rien passé, elle fit un tour sur elle-même. Les premiers « visiteurs » n’allaient pas trop en revenir… C’était un carnage. Les cadavres découpés ou démembrés gisaient par terre. Elle ne se rendait compte que maintenant que c’était complètement dégueulasse et nauséabond. L’adrénaline se dissipait. On avait plus envie de croire à un champ de bataille abandonné depuis quelques semaines, qu’à un cimetière. Les pierres tombales étaient rendues invisibles par l’abondance de ces sacs de chair et d’os.

   « Chacun sa part du ménage ! » Protesta son esprit, fatigué et agacé.


   Si elle avait un dernier effort à fournir, c’était celui de se déplacer jusqu’à une auberge pour dormir. D’ailleurs, elle commença sa marche. Elle marmonna un juron. Son mal de crâne, qu’elle avait jusqu’ici oublié, revenait doucement à la charge. L’odeur de la mort n’était pas pour améliorer son cas. Elle sortit du cimetière. Enfin. Elle avait fait la moitié du chemin qui menait au lit de feu, dont elle rêvait depuis un moment maintenant…