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 Voyage en bateau | Solo

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Miles Köerta
~ Orisha ~ Niveau III ~

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◈ YinYanisé(e) le : 20/09/2014
◈ Activité : Traqueur [Corvus Æris] | Marcheur
Miles Köerta
Mer 29 Juin 2016, 15:34

Voyage en bateau
« Qui es-tu vraiment? »
❧ Suite de La fin d’une terre

Mes doigts tripotaient nerveusement le bout du parchemin que je tenais en main alors que, sous mes yeux, passait et repassait, comme un cycle sans fin, les phrases du message qui m’était adressé:

« Prime de cent pièces d’or pour la tête de l’Élemental de Feu, Scott Dave Adams, traître aux véritables Dieux.
Lieu du paiement: sous le grand pommier aux frontières du Lac de la Transparence, lorsque la Lune aura complété son premier croissant.

Notre idéal est Bon et Saint. Que les Ætheri vous protègent durant votre périlleuse mission.

Le Mage. »


Un sourire carnassier se dessinait progressivement sur le pan de mes lèvres au fur et à mesure que je m’étais avancé dans ma lecture. Puis, mon visage se tourna vers le plafond du manoir et je ne pus retentir le ricanement que je sentais pondre au fond de ma gorge. Mais quel abruti! Ais-je crié en mon for intérieur, m’abstenant bien de rire à gorge déployée en raison du petit Bélua qui dormait comme une souche non loin de là. Mes talents quant à la supercherie me précéderaient-ils? Comment peut-il croire que je suis au « service » de ces Dieux maudits? Le fait est qu’il me pensait véritablement du bord des Ætheri, sinon pourquoi aurait-il voulu de moi pour un travail aussi « bon et saint », si j’employais ses propres termes. Je suis parvenu à le tromper, mais allez savoir comment! Baissant de nouveau les yeux sur l’écriture quelque peu effacé de l’homme, je me mis à relire frénétiquement les quelques mots qui m’interpellaient plus qu’autre chose. Scott Adams, Scott Adams, Scott Adams… Décidément, ces fanatiques religieux n’en avaient vraiment pas fini avec lui. m*rde…

Mon regard se porta instantanément vers les fenêtres qui laissaient voir le chaos du dehors. Après avoir vêtit Hakiel de ma cape, je nous avais tout de suite éloignés du sanctuaire qui s’était effondré. Où pouvions-nous loger? Où pouvions-nous espérer trouver un minimum de confort le temps que les dommages et les ravages passent? Je ne connaissais que très peu ce continent, à l’exception du Port, mais ce dernier se faisait méchamment balloté par les eaux sauvages de l’Océan. Par conséquent, le seul autre abri qui m’était venu en tête était celui-ci…

Combien de temps avait coulé sous le pont depuis ma première venue dans ce manoir? Trois ans à peu près? Et pourtant, ce lieu n’avait en rien changé malgré ces ans passés: le manoir d’Unys était toujours aussi grand et voluptueux, et peut-être que la seule différence que je pouvais facilement noter entre le manoir d’aujourd’hui et celui d’il y a trois ans, c’était l’absence totale de vie, à part celle d’Hakiel, de l’autre et de moi-même. En effet, le domicile d’Unys avait été déserté ou évacué d’urgence… Enfin, qu’en savais-je vraiment? De toute façon, j’avais été bien content de savoir qu’il n’y avait plus personne dans ce domaine, me voyant mal revenir en ce lieu après trois ans et des poussières, sachant pertinemment la haine féroce que je nourrissais pour le propriétaire. Au moins, nous étions saufs. Du moins, pour l’instant, les vagues et les marées engloutissant de plus en plus les berges, l’eau de l’Océan se répandant même dans les rues de la petite ville portuaire. Il nous fallait sortir de ce continent maudit avant de couler avec lui. L’heure pressait, je le savais, mais après tout ce que nous avions vécu dans ce temple, j’avais opté pour une pause bien méritée, laissant le monde de l’extérieur se débrouiller pour une fois, et pouvoir veiller sur le petit bonhomme que je me devais de protéger, coûte que coûte.

M’éloignant de la fenêtre, je contournais le lit avant de me tirer une chaise et de m’asseoir à côté du Bélua, qui dormait à poing fermé. Je peinais à croire que j’avais failli le perdre il y a quelques heures à peine… Vous vous imaginez? Peut-être qu’à cette heure-ci, je ne serais même pas là présentement, à côté de lui… Sans Hakiel, je ne saurais comment me rattacher à cette vie. Perdre mon père m’avait presque brisé; perdre celui que je considérais comme mon frère ne pourrait être toléré, mon cœur ou bien mon âme ne pouvait encaisser un autre choc aussi brutal. Hakiel était ma famille à présent et j’étais la seule personne sur qu’il pouvait compter. Je me devais de ne pas le décevoir, d’être à la hauteur pour lui et son idéal. Bon sang! À dire que j’avais failli le perdre…

Approchant ma main de son corps recroquevillé, je voulus le secouer un peu, histoire de le réveiller, mais à ma grande surprise, une petite Fae sortit des plis de ma cape, me jetant un regard incendiaire. Ah… Voilà l’autre dont je vous avais parlé.

« Mais qu’est-ce que tu comptais faire? Le réveiller peut-être? Alors là, pas question môsieur!! »

Je soupirais, roulant des yeux. Cette Fae m’agaçait. C’est pour elle qu’Hakiel avait risqué sa vie et failli mourir sous les décombres du sanctuaire; c’est elle qui l’avait appelé par télépathie, se fichant bien de savoir qu’elle mettait ainsi en péril la vie d'un enfant. Depuis, elle n’avait pas lâché Hakiel d’une semelle, voulant même dormir avec lui malgré la nudité du gamin, en dessous de cette cape. J’avais vivement protesté, mais elle n’avait rien voulu entendre, se faufilant sous la cape tout en serrant Hakiel dans ses bras. Perverse…

« Je t’entends, tu sais?!

- J’espère bien! Maintenant, pousses-toi. Nous devons partir.

- Ah non! Ah non! Tu le laisseras dormir, est-ce que c’est clair?! Il est complètement épuisé! Il n’est pas en état de voyager! »

Je serrais les dents, attrapant au vol la petite Fae qui poussa aussitôt un cri d’effroi, gigotant comme une souris apeurée dans les griffes d’un chat. Étrangement, cette situation de force me plaisait, même si j’avais parfaitement conscience que l’écart entre nous deux était ridiculement grand.

« Lâche-moi, sale brute!

- Pas tant que tu ne fermeras pas ce clapet qui te sers de bouche!

- Tu sais ce qu’il te dit, le clapet?

- Par tous les Dieux! Tais-toi! On s’en porterait tous mieux!

- Vous en avez encore pour longtemps? S'écria alors la voix ensommeillée d’Hakiel, qui se permit d’exhaler un bâillement digne d’un Lion. Avec vos voix de crécerelle, vous réveilleriez des morts…

- C’est de sa faute! Il m’a attaqué, ce sauvage! » Pleurnicha la Fae en se libérant de mon emprise pour filer droit vers le cou du petit Bélua, qu’elle serra très fort dans ses bras en pleurant comme une pauvre madeleine.

Je soupirais une seconde fois, me redressant en poussant la chaise derrière moi. J’en avais plus que marre de me battre avec cette c*nne: autant parler directement à Hakiel et ignorer l’inconsciente qui s’accrochait à lui comme un gosse aux jupons de sa mère. Devant la situation, entre la pleurnicharde qui geignait et moi qui me frustrais, le Corbeau relâcha un rire, caressant du bout de ses ongles en serre la tête de la Fae.

« On rentre à la maison? » Me questionna-t-il en tournant son visage dans ma direction alors qu’il s’aperçut que je replaçais Oörushi dans la sangle qui passait dans mon dos.

Je me retournais vers lui, avant de lui offrir un large sourire. Je me rapprochais de sa petite silhouette puis, je me penchais au-dessus de lui pour caresser le bout de ses plumes.

« Oui… À la maison. Le continent du Matin Calme n’est plus si calme que ça présentement… »


Trouver un bateau alors qu’il y avait ce remue-ménage pas possible dehors n’était vraiment pas une partie de plaisir! La population affolée se poussait, s’écrasait les pieds et la règle de laisser passer les femmes et les enfants en priorité ne primait plus sur la peur de se savoir pris en étau dans ce continent qui allait finir englouti sous les eaux. Nous obligeant à nous tenir à l’écart, je tenais la main d’Hakiel entre mes doigts, très fortement, pour ne pas le perdre comme la dernière fois. J’observais tous ces hommes et ces femmes se précipiter sur les navires mis à leur disposition, n’écoutant pas un mot de ce que criaient les capitaines et les matelots, qui ne cherchaient qu’à rétablir un semblant de civilité et d’ordre dans cette anarchie. Seulement, même les plus beaux discours ne pouvaient rien face à la peur effrayante de se savoir si près de la Mort. C’était la survie avant tout; la survie et rien d’autre, c’était tout. Les ordres, la morale et même la conscience n’avait de pouvoir contre ce puissant adversaire qui, dès lors, menait si bien la guerre que même les mots les plus raisonnés ne pouvaient contrôler la foule malade de retrouver la sécurité.

« Comment on va embarquer dans tout ce fouillis? » Posa la Fae qui, pour une fois, n’ouvrait pas la bouche pour n’importe quoi.

Pourtant, je ne dis rien, prêtant à peine attention aux propos de celle-ci alors qu’Hakiel tentait d’aligner quelques hypothèses en faisant travailler ses méninges. De mon côté, je balayais simplement la place de mon regard acéré. Il devait y avoir un moyen d’entrer dans l’un de ces bateaux illégalement, non?

« AH NON! PAS QUESTION! » S’écria le petit être ailé en pivotant brusquement vers moi.

Je soupirais. Eh m*rde… C’est vrai que cette chipie pouvait lire dans nos pensées. Misère.

« Tu veux risquer la vie d’Hakiel avec ton plan foireux? C’est ça que tu veux?! »

Je me tournais lentement en direction du Bélua, le suppliant du regard pour qu’il dise quelque chose histoire de la faire taire avant que je m’énerve sérieusement contre elle, mais le petit garçon nous ignorait complètement, son regard tourné vers un navire qui tentait, du mieux qu’il le pouvait, de combattre la rage des flots, de la mer, de l’Océan tout entier. Les voiles s’étaient, depuis un moment déjà, soulevés dans les airs. Mes yeux s’écarquillèrent et au même moment, la voix d’Hakiel s’éleva tout près:

« Regarder là-bas! Ce bateau est prêt à lever l’ancre! C’est notre chance d’entrer à l’intérieur! »

En entendant les paroles du gamin, la bouche de la Fae s’effondra jusqu’au sol et j’eus un sourire satisfait en la voyant si ébahie. Consciente de mon regard porté sur elle, l’être faerique m’offrit de nouveau l’un de ses regards foudroyants. À ne point en douter, elle désapprouvait fortement nos façons de faire.

« C’est de ta faute s’il va finir comme un voyou, avec toutes les idées que tu lui enseigne! »

J’haussais des épaules à sa remarque, suivant plutôt Hakiel, qui voulait nous guider dans la foule, jusqu’au fameux navire. Consternée, la Fae hésita à nous suivre, mais abdiqua en se posant dans la tignasse de plumes du jeune Bélua. Elle ne me lâchait pas des yeux, accusatrice. Comme si le fait qu’Hakiel soit devenu ainsi tenait uniquement de mon ressort. Non mais, un voyou… Elle en avait des bonnes, celle-là. Hakiel n’avait pas grandi en suivant mes idées ou ma manière de penser: il se construisait par lui-même en suivant ce qu’il lui semblait juste et bon à faire pour son intérêt et pour celui des autres. Et le connaissant plus qu’elle, j’étais persuadé qu’il ne pourrait jamais finir comme moi. J’étais convaincu qu’il embrasserait une destinée beaucoup plus méritée que la mienne. Un sourire ne put s’empêcher d’apparaître sur mes lèvres, alors que le visage de la Fae n’arrêtait pas de s’assombrir sous l’assaut de la colère. Elle devait sûrement croire que je m’en fichais, que je m’en moquais et que la vie d’Hakiel avait autant d’importance que celle de l’homme que j’avais tué sur les décombres du temple, mais elle ne me connaissait pas. Elle avait beau vouloir percer mes pensées, je savais à présent que quelques-unes d’entre elles lui étaient étrangement transmises – à cause d’une tromperie dont je n’évaluais pas encore tout le potentiel – mais qu’une majorité restait coincée entre les mailles de ses filets. Néanmoins, cela ne changeait pas grand-chose à notre situation: le fait était qu’elle ne connaissait rien de moi.

« Pas besoin de te connaître pour savoir de quoi tu es fait, l’ami… » Maugréa-t-elle en boudant et en croisant ses petits bras.

Je souris.

« Alors pourquoi tu n’arrêtes pas de t’immiscer dans mes pensées? Reste en dehors, tu te feras moins chier à écouter ce qu’il y a dans ma tête. »

Elle grogna, ne sachant quoi répondre en répartie et je posais l’un de mes doigts sur le dessus de son crâne, ébouriffant volontairement sa chevelure violacée, ce qui ne semble pas l’avoir particulièrement réjoui, mais de mon côté, je me foutais pas mal de ce qui pouvait bien y avoir dans sa tête à elle.


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Miles Köerta
Mer 29 Juin 2016, 15:50

Voyage en bateau
« Qui es-tu vraiment? »

Hakiel sur mon épaule, la Fae sur le dos d’Hakiel, j’observais le navire prendre la mer, s’éloigner doucement du rivage pour partir vers une autre région du monde. Je mesurais la distance que j’aurais à parcourir dans ce saut tout en calculant mes chances d’atteindre le pont sans problème.

« Bon… On fait comment maintenant? »

Doucement, je portais mon regard par-dessus mon épaule, croisant l’or ambré des yeux du jeune Bélua transformé. Nous nous échangions un regard complice, ce qui eut tôt fait d’énerver la petite Fae, qui serra encore plus son emprise autour du cou d’Hakiel, comme pour l’inciter à la mettre dans la confidence malgré sa condition animale qui l’empêchait de communiquer normalement avec nous. Je me retournais vers le bateau, n’écoutant plus que ma respiration et les appels de mon corps. Bien, si cette chipie voulait connaître le secret, elle allait être servie.

« Accrochez-vous, c’est tout ce que je vous demande. »

Et sans hésiter, je me lançais au pas de course dans la foule, poussant et bousculant les désespérés sur mon chemin. Des cris d’outrance, d’indignation, des noms d’oiseaux que l’on me jetait à la figure avaient beau être poussé dans mon dos, je n’y faisais même pas attention, me concentrant uniquement sur le bateau droit devant moi, qui prenait déjà bâbord pour quitter les restes du Port. Je devais nous mener le plus loin possible dans cet unique saut, assez pour que nous puissions atterrir sur ce pont. Les serres d’Hakiel me rentraient dans la peau, mais là encore, je tentais de faire fi de la douleur, grimaçant, certes, mais ce n’était pas avec mes épaules que je courrais ni avec elles que je réfléchissais. Je voulus prendre plus de vitesse encore, accélérant dans la mêlée avant de me mettre à sauter en effectuant de petits bonds, de petits bonds, qui s’allongeaient, qui devenaient de plus en plus grands…

« Par tous les Dieux! Regardez ça! Perçus-je alors à quelques mètres à peine de moi, alors que je soulevais une dernière fois mon pied du sol, prêt à effectuer le dernier saut qui me mènerait jusqu’au bateau. Il vole ou quoi?! »

La remarque, si elle me fit bien rire, n’en était pas moins presque vraie. Même moi, alors que je me trouvais si loin du sol, si près du ciel, je me disais que cette sensation que je ressentais devait incroyablement se rapprocher de l’action de voler. Ouvrir ses ailes, se laisser souffler par la grâce et la puissance du vent, sentir celui-ci caresser chaque parcelle de nos extrémités: chaque être ayant le don de voler devait ressentir exactement les mêmes sensations qui faisaient vibrer et mon corps et ma tête. Mais moi, au contraire de tous ces ailés, je n’étais qu’un planeur, destiné à chuter malgré tout en direction du sol. Mon corps, soudainement plus léger, ne le restait pas éternellement, l’attraction qu’exerçait la gravité sur ce dernier ne se dérobant pas pour autant par cette capacité que je m’étais forgé à force de m’entraîner et de m’exercer dans les bois près de Ciel-Ouvert. Je souris, sentant déjà la gravité me ramener à la réalité, me tirer vers le sol. Au moins, je suis dans la bonne trajectoire. Tant que le vent continue de souffler dans mon dos, c’est gagné: nous atteindrons le pont sans problème. Oui, j’y parviendrais et je pouvais déjà sentir les serres d’Hakiel se relâcher doucement. Je me tournais brièvement dans sa direction quand il prit brusquement son envol, m’accompagnant dans mon atterrissage avec ses battements d’aile. Je croisais l’un de ses yeux d’or à un moment, et je ne pus m’empêcher de sourire à cette vue. C’était comme s’il effectuait un ballet aérien. Quelques fois, je l’enviais beaucoup pour sa capacité. Voler, planer, n’était-ce pas un autre moyen d’accéder à la Liberté?

Au même instant, mes pieds touchèrent le pont du navire et sous l’action, je dû plier les genoux pour éviter de me blesser. J’avais beau être plus léger dans cette situation, les risques d’accident restaient toujours les mêmes. Soupirant d’aise, bien content de savoir que j’avais réussi à rejoindre le bateau tant désiré, je sentis de nouveau les serres d’Hakiel s’accrocher à mon épaule avec fermeté.

« On dirait presque que tu étais en train de voler… » Murmura la Fae en sortant délicatement sa tête du plumage noirâtre du Corbeau.

Moi aussi, j’avais eu cette impression, mais ce n’était qu’une simple impression finalement, puisque je ne volais pas vraiment. Je n’adressais aucune réponse à l’intention de la Fae, gardant la tête basse, ma main et mon genou posés au sol. Sans que je puisse le contrôler, un nouveau soupir franchit la barrière de mes lèvres. Mais cette fois-ci, il tenait plus de l’exaspération que du soulagement.

« Y’a une belle compagnie ici… Plutôt hostile, mais après tout… Ricanais-je en redressant la tête tout en faisant face à l’épée qui se trouvait juste sous mon nez.

- Bouge ne serait-ce qu’un doigt et je te transperce le corps de part en part. »

À cette menace, je ne pouvais faire qu’une seule chose: attendre patiemment et sourire gentiment.

Un silence s’était installé à l’instant même où ses mots traversèrent sa bouche, se répercutant avec fracas même jusqu’aux voiles qui claquaient sous l'action du vent, qui emportait le bateau vers une terre de meilleure fortune que celle que nous venions tous de quitter.

« Nous ne pouvons pas accepter de passagers clandestins, reprit alors l’homme à l’épée, ses yeux bleus électriques nous jaugeant, la Fae et moi, avec une dureté toute sévère. Nous avons déjà suffisamment de monde comme ça… »

Lentement, je balayais l’ensemble du pont des yeux, apercevant des visages de tous les milieux, de tous les âges, de tous les genres, nous fixer étrangement, une angoisse silencieuse et sournoise glissant le long de leurs traits. Ils s’étaient séparés en petits agrégats, se collant les uns les autres comme pour se réchauffer. Mais tous ceux qui venaient de quitter les terres de ce continent maudit savaient qu’ils se soudaient de la sorte pour une raison qui dépassait de beaucoup un manque de chaleur.

« Je comprends… Mais étant un parfait égoïste, je ne pouvais tout simplement pas vous laissez filer entre mes doigts et risquer, une seconde de plus, ma peau sur ce continent de malheur. »

À cela, j’y ajoutais un petit rictus du coin des lèvres, qui eut tôt fait d’énerver le marin, qui exerça une plus grande pression sur ma joue par l’intermédiaire de sa lame. Je ne me dérobais pas, même si les picotements du métal sur ma peau me dérangeaient énormément.

« Je ne peux tolérer un tel comportement. »

Puis, il se retourna vers l’un des membres de son équipage, qu’il somma d’aller informer le capitaine de notre présence. Finalement, il reporta son attention sur nous et voyant que je m’étais totalement remis sur mes deux jambes, il se positionna défensivement, attendant de voir si j’allais riposter. Pourtant, tout ce que je fis, ce fut de lever les mains dans les airs pour leur indiquer que je n’avais aucunement l’intention de me battre avec eux.

« Ne pensez pas que je suis bagarreur uniquement parce que je suis arrogant… » Glissais-je en esquissant une jolie frimousse.

Le marin ne le comprenait pas comme tel, me jaugeant des pieds à la tête pour être paré à toutes éventualités. Mais pour une fois, j’étais sérieux dans cet échange: je ne désirais pas me battre, surtout que ce bateau représentait notre seule entrée vers un autre continent. Commencer à me bagarrer ne ferait qu’empirer la situation et alors, je pourrais dire « au revoir cher navire voguant sur ces flots hostiles. »

« Alors Pen, c’est lui le passager clandestin? »

La voix était forte, vachement impressionnante même. Je n’avais même pas besoin de me tourner vers l’homme en question pour savoir qu’il était du genre à imposer le respect et à conduire son navire d’une main de fer. Je déglutis, mon sourire tremblant un peu sur le coin de mes lèvres alors que je le sentais se rapprocher de nous, son pas étant la seule chose que nous pouvions percevoir sur le bateau.

« Ils sont deux, capitaine: une Fae se cache derrière le corbeau.

- Ah oui… Je viens de remarquer cette petite chose…

- Non mais quel toupet! Qui c’est que tu traites de « petite chose », enfoi… »

Rapidement, je la plaquais contre le dos du Corbeau, histoire de foutre sa tête dans son plumage et éviter qu’elle en dise davantage.

« HUMPH! HUM! HUM! S'écria-t-elle en voulant se dégager.

- Veuillez l’excuser: elle n’a pas vraiment la langue dans sa poche… »

Je pouvais sentir le regard du capitaine posé sur ma nuque et je pris une grande inspiration pour ne pas laisser de sueurs froides me glacer la peau. Il y avait quelque chose de terrifiant chez cet homme, de… naturellement imposant. Je ne savais pas comment l’expliquer clairement, mais c’était comme si sa présence à elle seule parvenait à m’écraser et à me soumettre à son autorité. Ce n’était pas quelque chose de particulièrement agréable. Non mais, tu es IDIOTE OU QUOI?! Criais-je en mon for intérieur, sachant pertinemment que ma pensée serait lue par la Fae. On ne rigole pas avec cet homme! Apprends à lire l’ambiance, bon sang! Je gardais ma main posée sur la Fae, autant pour ne pas qu’elle réplique un commentaire cinglant que pour me fusiller avec ses deux mires.

« … Connaissez-vous les conséquences qu’entraînent un embarquement clandestin? »

Le talon des bottes du capitaine claquait contre le bois du pont.

« On nous jette à la mer? » Tentais-je maladroitement, ne sachant pas réellement ce qui passait une fois dans une telle situation.

Mais à ma grande surprise, le rire du capitaine s’éleva dans l’air, me faisant sursauter.

« Qui crois-tu que nous sommes? Des pirates?

- Est-ce que vous en êtes?

- Ne sois pas arrogant avec moi, petit… »

Un frisson courut le long de ma colonne alors que le capitaine vint se poser juste à côté de moi. Bon… J’ai peut-être frappé le clou trop fort… Lentement, je parvins enfin à me tourner dans sa direction, mes pupilles croisant le céruléen de son regard. C’était une couleur particulièrement forte, électrisante, qui s’ancra sur mon visage, ne me lâchant plus une fois qu’il avait planté son regard, comme un chien qui aurait ses canines dans sa proie. Je me mis à détailler le capitaine de près, m’attardant plus que nécessaire sur les traits de son visage.

« Je ne peux vous jeter à la mer malgré que vous venez d'enfreindre l'une de nos lois. Moralement parlant, ce ne serait pas correct. Mais puisque vous vous êtes permis d'embarquer sur mon navire sans ma permission, vous devrez gagnez vos billets pour la traversée. Travaillez tous les deux sur mon navire. C'est tout ce que je vous demande.

- Rien que ça? Me surpris-je en battant rapidement des cils, m’étant attendu à quelque chose de plus cruel et de plus terrifiant après avoir entendu son ton si grave et dur.

- Rien que ça », me répondit-il en souriant.

Et là, je compris qu’il y avait anguille sous roche.


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Miles Köerta
Mer 29 Juin 2016, 16:03

Voyage en bateau
« Qui es-tu vraiment? »

C’était une journée de dingue. Cela ne faisait même pas trois jours que nous nous retrouvions sur le bateau du capitaine Weera que nous avions déjà fait, la petite Fae et moi, le nettoyage complet du pont et des étages inférieurs, toute la vaisselle dont disposait le navire, le lavage des vêtements de l’équipage, l’arrachage des moules et autres bestioles aquatiques sur la coque, et j’en passais. C’était un véritable travail d’esclave, mais nous devions nous plier à ces conditions pour la traversée. Crime conséquent, punition conséquente: le capitaine et l’équipage ne nous donnait que ce que nous méritions. Si, de mon côté, je ne m’en plaignais guère, conscient de la faute que nous avions commise, en revanche, la petite Fae trouvait la situation plus que révoltante. Dès que nous étions disposés de nos tâches le soir venu, lorsque la Lune atteignait le sommet du firmament, elle n’en ratait pas une pour se plaindre et geindre comme un enfant. Au milieu des tonneaux qui servaient d’ornements à nos quartiers – en vérité, nos quartiers se résumaient à la cale des boissons – la Fae maugréait, jurait, s’accrochait aux épaules d’Hakiel qui ne disait mot. Le gamin avait de la chance. Puisqu’il était sous sa forme Animale lorsque nous étions montés sur le navire, l’équipage l’avait simplement considéré comme un oiseau banal et il était donc exempt de travaux forcés. Cela dit, il en avait vu de toutes les couleurs lui aussi. Peu emballés d’avoir un animal sur le pont, quelques matelots avaient, plus d’une fois, tentés de l’enfermer dans une cage pour éviter qu’il ne s’échappe et cause quelques incidents. Cependant, Hakiel ne pouvait tenir si longtemps sa transformation sans risquer d’y laisser quelques stigmates à son esprit. C’est pourquoi je m’étais acharné à dire à l’équipage de ne plus le toucher et de le laisser tranquille: cet oiseau était intelligent et on ne devait en aucun cas lui priver de sa Liberté en l’enfermant, me souvins-je leur avoir dit en fulminant de rage et ils avaient fini par abdiquer, non sans ronchonner en m’avertissant bien que si l’oiseau faisait quoi que ce soit, ils devraient le mettre en cage. Je leur avais assuré que le corbeau se tiendrait tranquille, tant que personne ne le dérangeait, et ils étaient partis.

« Est-ce qu’ils t’ont ennuyer aujourd’hui? Demandais-je au petit garçon qui secoua simplement la tête en soupirant.

- Les seules personnes qui sont descendues ici sont uniquement venues pour emporter quelques tonneaux aux étages supérieurs. Ils n’ont même pas perçu ma présence.

- Tant mieux… Désolé de te faire subir ça, gamin. »

Si moi et la Fae devions travailler avec acharnement, Hakiel devait constamment jouer à cache-cache dans la cale pour éviter que quelqu’un le surprenne et comprenne qu’il n’y avait pas que deux passagers embarqués clandestinement sur le navire, mais trois. Et si le capitaine Weera saisissait la supercherie, s’en était fini de nous trois.

« C’est mieux que de risquer nos vies sur le continent du Matin Calme… Répondit-il en tournant son œil doré en direction de la petite Fae qui, appuyée sur son épaule, observait le garçon d’un œil admiratif. En tout cas, merci pour les vêtements. J’en avais plus que marre de me promener simplement avec ta cape, Miles!

- Ne nous remercie pas! En plus, tu as même eu un petit chapeau en prime! » S’extasia la Fae, des étoiles pétillantes dans le fond de ses yeux, alors qu’elle admirait le petit garçon qui lui offrit un sourire.

Aussitôt, les joues de la Fae s’empourprèrent et je faillis m’étouffer avec ma salive. Je me faisais peut-être des idées, mais cette fille, est-ce qu’elle serait amoureuse d’Hakiel?

« D-D-D-D-D-De q-q-q-quoi t-t-tu par-parles?! » S’exclama-t-elle soudainement en se tournant vers moi, complètement confuse, les joues encore plus rouges que des tomates bien mûres.

Curieux, Hakiel redressa la tête dans ma direction.

« Qu’est-ce qu’il y a?

- Ah! Rien! Rien! Absolument rien! Je ne suis pas amoureuse de toi! T-Tu vois?! Ce n’est rien! Hahaha! »

Un sourire moqueur se dessina sur mes lèvres.

« NON! NON! ARRÊTE DE PENSER ÇA!

- Mais je ne pense à rien! Répliquais-je en me couchant sur les couvertures que l’équipage nous avaient donné dans toute leur générosité, histoire d’être plus ou moins confortable pour dormir étant donné que nous n’avions aucune couche avec matelas à notre disposition.

- La ferme! Tu n’arrêtes pas de penser que je suis… que je suis… ALORS QUE CE N’EST MÊME PAS VRAI, D’ABORD! »

Hakiel et moi éclations de rire, ce qui ne fit qu’accentuer le rouge sur les joues de la Fae, qui finit par aller se cacher le visage dans ma cape, qui traînait non loin. J’ébouriffais les cheveux d’Hakiel en lui envoyant un clin d’œil.

« Tu sais t’y prendre avec les femmes avec ta petite gueule d’ange. »

Les joues du gamin se mirent elles aussi à s’empourprer doucement, mais il finit par se remettre à rire de bon cœur, rejoignant la petite Fae gênée pour tenter de la calmer. Je les regardais tous les deux, un sourire sur les lèvres. Malgré ces quelques moments de détente que l’on nous offrait, une fois la nuit tombée, il fallait tout de même penser au travail qui nous attendait le jour suivant. C’est pourquoi, tout doucement, nous finîmes par nous endormir, les vagues de l’Océan berçant le navire et ceux qui dormaient à l’intérieur.


Je n’étais pas le gars le plus intelligent ni le plus brillant, mais au fil des ans, j’avais compris quelque chose par rapport aux songes dans lesquels nous nous plongions une fois les yeux fermés, le sommeil portant notre conscience dans un monde qui, aux premiers abords, paraissait si différent de celui dans lequel nous vivions éveillés. Pourtant, si l’onirique sortait de notre imagination, elle puisait également sa source de la réalité qui nous entourait. Les rêves jouaient avec ces notions, mélangeaient le faux avec le vrai et le vrai avec le faux pour nous tirer dans un univers à l’essence et à la nature complètement contradictoires d’une part et pourtant si semblables d’une autre, car pour exister, il leur fallait bien une base, à ces rêves, qui nous soit familière; il leur fallait une origine par laquelle elle ferait grandir leurs racines et ainsi faire fleurir leurs fantaisies. Cela dit, je ne pouvais encore expliquer pourquoi un rêve devenait un cauchemar et vice-versa. Pourquoi des souvenirs chaleureux faisaient ressortir des images si infâmes dans nos esprits? Pourquoi de véritables cauchemars, au contraire, nous rassuraient et nous réconfortaient à d’autres reprises? Pourquoi ce visage devant moi, aux traits si amicaux et joviaux venaient-ils de s’assombrir et de s’enlaidir? Sa langue claquait et sifflait à la manière des serpents prêts à fondre sur leur proie et la proie, c’était moi. Je le voyais s’approcher, s’avancer et moi, je reculais, pas après pas après pas. Ma bouche avait beau s’ouvrir et se refermer, elle laissait tomber des syllabes silencieuses. Le visage continuait de s’enlaidir, au point que je ne pouvais reconnaître Scott sous ces lignes et ces contours si horribles et cruels. Mon meilleur ami grognait et s’approchait, ses mains griffant son visage qu’il pelait avec ses ongles, laissant échapper un feu incandescent et sauvage, autour de lui, qui brûlait sa peau et sa chair. Je grimaçais, reculant toujours à la même vitesse, ne lâchant cette vision qui se rapprochait d’autant plus rapidement dans ma direction. Pourquoi Scott? Pourquoi ce feu, cette mutilation? Qu’est-ce qu’il se passait?

« A…A… »

Quelque chose, soudainement, se mit à gigoter sous sa peau. Ça bougeait et ça grouillait comme des vers sur un festin. Les grognements, bien vite, laissèrent la place à des gémissements et à des lamentations. Scott inspirait et expirait faiblement, comme si cette chose à l’intérieur de son corps lui bloquait la respiration. Aussitôt, je cessais tout mouvement, observant la silhouette de mon meilleur ami se contorsionner dans des poses tout simplement inhumaines. Ses bras se tordaient, sa tête tournait, comme un pivot, autour de son cou et ses jambes, son corps, se faisaient frapper par cette chose intérieure. Son hurlement perça aussitôt les entrelacs de ma conscience et, sans réfléchir, je me mis à courir vers lui. J’avais beau ouvrir la bouche, fermer la bouche, crier, prendre de l’air et hurler, rien ne sortait: j’étais muet. Muet et incapable de me rapprocher de lui! Je le voyais se tordre comme on tordrait un vieux chiffon; il n’était qu’à cinq mètres de moi et pourtant, je ne parvenais pas à le rejoindre! Bon sang! Qu’est-ce qui se passait ici?! Scott continuait de hurler, du sang et du feu se mélangeant à sa chair qui se mit à virevolter dans toutes les directions. Je le voyais se détruire, il continuait d’arracher son épiderme avec ses ongles et son sang coulait en chute d’eau, et son Feu ne faisait que grossir, s’alimenter, devenir brasier!

« A…A… Ai… »

Et comme s’il venait subitement de remarquer ma présence, le regard de mon ami se porta vers moi. Il tendit sa main, non pas pour m’attaquer ou pour me bouffer, comme je l’avais pensé la première fois, mais pour me demander mon aide. Je courais de plus en plus vite, mais je n’étais toujours pas capable de l’atteindre, comme s’il m’était inaccessible. p*tain de m*rde!

« Aide… »

Mais l’Élemental n’eut pas le temps de finir sa phrase: son corps venait d’imploser, littéralement. Je me figeais instantanément, mon mouvement de course se suspendant brusquement dans les airs alors que mes yeux s’écarquillèrent devant l’explosion de chair et de sang qui pleuvait autour de moi. Le corps déchiré et ensanglanté de Scott pendait devant moi, ses jambes tenant toujours la poitrine, mais le buste n’y était plus, remplacé par un immense vide.

Paralysé, choqué, mon corps, comme s’il défiait la gravité, ne tomba même pas au sol. Je regardais, impuissant, le sang et les tripes gicler du corps de mon meilleur ami, la bouche grande ouverte, sans comprendre ce qu’il se passait. Qu’est-ce que… Qu’est-ce que…

« Il devait mourir… » Chuchota alors une voix dans les ténèbres.

Je voulais regarder autour de moi, voir à qui appartenait cette voix, mais mon corps ne me répondait pas, comme si seules mes pensées étaient encore sous mon contrôle. Je ne pouvais poser mon regard que sur le cadavre de Scott qui chuta au sol, me laissant voir l’intérieur du trou que cette chose intérieure lui avait fait. Et comme si un sort venait d’être relâché, mon corps tomba également par terre, dans un fracas assourdissant pour l’état dans lequel je me trouvais. Ma tête se redressa d’elle-même, et je pus voir l’intérieur du vide, l’intérieur du corps de mon meilleur ami. Deux iris luminescents me dévisageaient. Et ne me lâchaient pas.

« Il devait mourir, car notre idéal est Bon et Saint… »


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Miles Köerta
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Miles Köerta
Mer 29 Juin 2016, 16:15

Voyage en bateau
« Qui es-tu vraiment? »

Qu-Quoi? Ces mots… Ils ne m’étaient pas inconnus. C’est alors que, à l’intérieur du vide, je perçus un mouvement, un mouvement reptilien et gracile. Je voulus reculer, fuir, mais mon corps avait retrouvé son inertie et je ne pouvais bouger de ma propre volonté.

« Notre idéal est Bon et Saint… »

Une main, soudainement, jaillit du cadavre de Scott, raclant le sol pour s’aider à s’extirper des entrailles de l’Élemental.

« Miles… »

La voix étaient caverneuse, mais plus je l’écoutais, plus son timbre me rappelait celui du… Mage.

« Miles… »

La tête du Mage sortie alors du vide, sa seconde main s’agrippant à la chair de Scott pour sortir et jaillir à la manière d’un papillon qui s’extirpe vaillamment de son cocon.

« Il devait mourir… Miles… Miles…

- MILES! RÉVEILLE-TOI! »

Je poussais un cri en ouvrant les yeux, me débattant en sentant une main autour de mon poignet et, croyant qu’il s’agissait de la main de ce Mage maudit, je voulus me défendre, riposter, frapper, mais une voix paniquée, que je reconnus aussitôt, m’en dissuada.

« Mais qu’est-ce que tu fiches, pauvre crétin?! »

Inspirant et expirant irrégulièrement, je regardais autour de moi. Je n’étais plus dans cet univers fait d’ombres, de feu, de sang et de chair; le Mage et le cadavre de Scott n’étaient plus, eux non plus, car devant moi se tenait Hakiel et la petite Fae, que je dévisageais avec des yeux aussi gros et ronds que des soucoupes.

« Tu peux nous dire à quoi tu rêvais pour hurler comme ça?! » S’énerva la jeune fille en virevoltant de manière complètement désordonnée.

Je voulus prononcer quelques mots, aligner ne serait-ce qu’une phrase après avoir compris que je rêvais – et quel rêve, m*rde! – mais Hakiel me devança en criant, complètement affolé:

« Pas le temps pour ça! Miles, il y a de l’eau partout ici! Le navire n’en a plus pour bien longtemps!

- Qu-Quoi?! »

C’est alors que le bateau en entier se mit à vibrer violemment, secoué par les vagues et le vent et l’orage qui grondait férocement à l’extérieur. Hakiel glissa dans l’eau et me tomba dessus, la petite Fae se remettait à crier, complètement hystérique, alors que nous pouvions entendre les hurlements de la tempête à l’extérieur. Aussitôt, il eut un vide dans mon esprit et sans plus attendre, je sautais sur mes deux jambes, tirant Hakiel avec moi pour le remettre sur pied.

« Nous devons sortir d’ici avant que l’on soit enfermé! »

Hakiel acquiesça et la Fae, trop terrorisée pour faire autre chose que gémir et pleurnicher, approuva simplement d’un signe du menton en s’accrochant au chapeau du petit garçon, ce dernier tentant de la réconforter du mieux qu’il le pouvait en lui caressant le haut du crâne. Sans plus attendre, je tirais le petit bonhomme derrière moi jusqu’aux escaliers qui menaient au pont et en transformant mon poing en métal, je fracassais celui-ci sur la porte en bois. Le battant vola en éclat et nous fûmes aussitôt accueillis par les sifflements du vent et de la pluie qui martelaient le navire. Dehors, nous pouvions entendre les cris terrorisés des autres passagers tandis que le capitaine hurlait dans la tempête pour donner ses ordres. Des vagues gigantesques se fracassaient à la coque du navire, l’eau montant si haut par l’énergie et l’affolement de l’Océan qu’elle en aspergeait le pont et quelques voiles. Voyant que les matelots s’affairaient comme ils le pouvaient à tenir les voiles pour ne pas qu’elles se brisent ou qu’elles s’affollent face à la rage de la tempête, je glissais à l’oreille d’Hakiel de rester le plus discret possible et à la Fae de le protéger et de rester avec lui.

« Mais où tu t’en vas, toi?!

- Leur filer un coup de main! »

Je me tournais vers le Corbeau qui me fixait avec ces grands yeux dorés. Je savais qu’il voulait m’aider, je savais que cela le tuait de ne pouvoir rien faire uniquement parce qu’il n’était qu’un enfant et pourtant, il acquiesça gravement.

« Coccie! Nous, nous allons aider les autres passagers à quitter le navire dans les canots de sauvetage! Miles, sois prudent! »

Je souris à sa remarque et il me renvoya la pareille avant de filer sur le pont qui tanguait. Au ton de sa voix, c’était comme s’il m’avait dit de ne pas crever ou sinon, jamais il ne me pardonnerait. Fais gaffe à toi aussi, Hakiel. Rapidement, je courus vers un premier duo de matelots, qui tentaient de toutes leurs forces de retenir la grande voile.


L’eau nous éclaboussait, entravait nos mouvements et déséquilibrait l’ordre établie par le capitaine. Malgré tous ses efforts à vouloir maintenir le navire sur les flots, ce dernier ne pouvait combattre éternellement ces vagues enragés et ce temps orageux. Tout lui tombait dessus et, nous le comprenions petit à petit, le combat toucherait bientôt à sa fin. Plusieurs voiles s’étaient arrachées, les planches de la coque se fissuraient et craquaient de plus en plus, gémissantes. L’eau nous arrivait aux chevilles, annonçant les prémices d’une chute inévitable dans les flots sauvages de l’Océan. Pourtant, cette finalité n’entachait en rien l’ardeur que nous mettions à la tâche pour rester en vie. Au contraire, cela nous motivait à continuer de maintenir les voiles, à sortir les seaux et à rejeter l’eau du pont. Les passagers se tenaient dans les canots de sauvetage, prêts à toute éventualité. Le navire descendait à sa perte, mais nous continuons le combat avec acharnement contre les éléments, ne voulant leur céder la main. Le vaisseau flottant avait beau craquer de partout, gémir, souffrir sous les assauts de l’Océan féroce et indomptable, il survivait malgré tout, persistait.

Essuyant de l’eau qui me tombait sur le visage, je criais au membre de l’équipage avec qui je faisais équipe de ne pas relâcher la corde qui retenait le voile. Celui-ci acquiesça, tira plus fortement et je poussais un soupir, jetant un regard en biais vers les canots de sauvetage. Je pouvais voir Hakiel et la petite Fae courir ici et là apporter leur soutien aux passagers démunis. À plusieurs reprises, je les entendais prononcer le nom de Phoebe et je compris qu’ils demandaient l’aide à la Déesse pour calmer cette tempête maritime.

« Eh le clandestin! Si tu veux te rendre utile, concentre-toi!! » Me gueula le capitaine depuis la barre de navigation.

Je serrais les dents, revenant à ma tâche tout en aidant mon coéquipier à attacher pour la énième fois les cordes du voile.

« Ça ne finira jamais! »

À peine ais-je prononcé ces mots, un grand craquement se fit entendre, précédé par un puissant grondement du tonnerre. Des cris, plus affolés que jamais, retentirent sur le pont, le bateau perdant soudainement l’équilibre sur les eaux.

« Les canots! Envoyez les canots à la mer! » Hurla le capitaine et, à ses commandements, les premiers canots quittèrent le bateau, les passagers à l’intérieur pleurant et frissonnant.

Deux membres de l’équipage se trouvaient dans chaque canot et ces derniers devaient protéger et tout tenter pour la vie de leurs passagers. Le capitaine avait confiance en ses hommes et ceux-ci étaient prêts à mourir pour accomplir leur tâche. Mais en voyant les canots descendre par les poulies, nous comprîmes tous que c’était désormais la fin. Le vaisseau ne pouvait plus combattre, ne pouvait plus pourfendre ainsi les eaux au risque de se briser en mille morceaux. Le capitaine gardait les poings sur la barre de navigation pour éloigner le plus possible le bateau des canots. Il se mit à rire et à crier à Aylidis, la Déesse de l’Océan:

« Si tu emportes ce navire, alors tu m’emporteras également, ma belle! »

Nous le regardions tous, ahuris. Mais c’était là, la digne fin d’un capitaine nous présumions tous: mourir en tenant dans ses mains la barre. Puis, ses yeux se posèrent sur nous, le bleu de son regard nous transperçant de toute part.

« Qu’est-ce que vous attendez tous pour prendre le dernier canot, bande d’avortons?! Le navire ne peut plus être sauvé! »

Comme un cri d’alarme, sa voix nous réveilla et nous filâmes comme un seul homme vers le dernier canot maintenu par les poulies. Derrière nous, le capitaine continuait de provoquer l’Océan en le narguant et en donnant de puissants et de violents coups à la barre pour se stabiliser. Je lui lançais un dernier regard, respirant de manière saccadée, jusqu’à ce que la main d’Hakiel vienne s’insérer dans la mienne.

« On fiche le camp d’ici! »

Le courage dont faisait preuve ce gamin me fascinait.

« Oui! Dépêchons-nous! »

Rapidement, j’aidais Hakiel à embarquer dans le canot et j’aperçus que, sous son chapeau, se terrait la petite Fae qui tremblait comme une feuille de papier.

« Il est complètement fou… Il est complètement fou… » Répétait-elle comme une automate en dévisageant du coin de l’œil le capitaine à la barre.

Pour ma part, ce capitaine ne me semblait pas être fou ou sénile. Il mourrait sûrement comme il l’avait toujours voulu. Pour lui, pour tous les amants de la mer et de ses dangers, se faire prendre sa vie par l’Océan devait être le plus beau de tous les cadeaux. J’embarquais tout de suite dans le canot après le petit bonhomme et je fus suivi du reste de l’équipage, qui ne pouvait s’empêcher de regarder une dernière fois leur capitaine braver ainsi le déchaînement de la tempête. Il riait et criait comme si cette situation l’amusait follement; il riait et criait comme s’il était heureux de mourir aujourd’hui, dans les eaux, dans les flots, là où il avait toujours vécu. Sa place se trouvait sur ces mers, dans ce désert d’eau et d’écumes sauvages.

« Vite, vite, vite! Accomplissons les dernières volontés du capitaine et descendons ce fichu canot! »

Je me retournais vivement, croisant le regard du matelot qui, le premier jour, m’avait menacé de son épée. Nous nous regardâmes durant quelques secondes avant de sourire chacun de notre côté.

« Tu nous as bien roulé, le clandestin, dit-il en glissant une œillade en direction d’Hakiel à mes côtés.

- Ça ne sert plus à grand-chose de mentir maintenant. »

Il acquiesça avant de s’asseoir, alors que notre canot descendait tout doucement vers les vagues de l’Océan. Deux hommes s’occupaient d’actionner les poulies et les cris du capitaine résonnaient toujours aussi fort dans la tempête. Cet homme, on dirait une bête!

« Les rames! Nous devons rejoindre les autres canots! »

Quand soudainement, le tonnerre gronda dans le ciel, plus fort et menaçant qu’il ne l’avait été depuis le début de la tempête, et nos regards se portèrent immédiatement vers le firmament en pleine colère. C’est alors qu’un éclair déchira les cieux et vint percuter le navire qui hurla, cria sa dernière lamentation. Des débris de bois volaient dans toutes les directions, et bien assez vite, le bateau se brisa en deux, gémissant de douleur. Nous poussâmes tous un cri d’horreur en prenant conscience des dommages que venaient de recevoir le vaisseau et du trépas qui allait s’en suivre: nous venions tous de comprendre que nous n’aurions jamais le temps de faire descendre jusqu’au bout le canot.

« TOUT LE MONDE À LA MER! ABANDONNER LE NAVIRE! »

Mais il était déjà trop tard, le bateau se mettant à tanguer dangereusement sur les flots, et avant même que l’on puisse faire mine de se jeter à l’eau, une partie du navire vint s’effondrer sur nous.


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Miles Köerta
Mer 29 Juin 2016, 16:38

Voyage en bateau
« Qui es-tu vraiment? »

Tout ce dont je me souvenais, c’était de l’eau. L’eau était partout, sur tout. Elle envahissait mes vêtements, ma vision: elle m’envahissait tout entier. Elle pénétrait de force dans ma bouche comme pour me noyer, dans mes oreilles pour me boucher, dans mes yeux pour me brûler. J’avais envie de hurler, mais je ne pouvais pas la laisser s’infiltrer encore plus profondément en moi. Par instinct, je fermais ma bouche, tentant de reprendre le contrôle sur mon corps, mais ce dernier ne pouvait combattre ainsi le déchaînement de l’Océan. Le courant était un véritable désordre qui nous entraînait dans une gigue folle. Me débattre et vaincre, me débattre et m’extirper des eaux, voilà ce qu’était mon seul et unique but en ce moment: me sortir de là et vivre. Mais comment? Je n’étais même pas capable de battre le courant et le sel marin n’en avait pas fini de me piquer les yeux! C’était démentiel! J’avais envie de plonger mes doigts dans mes yeux pour que cette brûlure cesse! Argh! Bordel, comment réussir à vaincre de tels éléments enragés?! Autant l’eau que l’air nous malmenaient; autant l’eau que les éclairs nous menaçaient! Si nous n’étions pas tués par l’un, l’autre ne tarderait sûrement pas à nous rattraper et à nous balancer notre sentence en pleine figure.

Une énième vague me porta, mais j’étais aussi impuissant qu’une poupée, mon corps se laissant malmené par la force de la mer. Je me faisais balayer et dompter, comme après avoir reçu un coup de poing qui m’aurait mis hors de combat et tout comme dans une furieuse bataille, je ne me permettais pas de perdre connaissance. Tomber dans les pommes représenterait ma défaite et la fin de cette existence que je m’étais évertué à protéger. C’était un combat physique comme mental. Je ne pouvais pas perdre, mais je ne parvenais pas à combattre non plus. Alors que faire? Comment me sortir de ce merdier? Il fallait que je persiste jusqu’à ce qu’une occasion se présente, qu’un point faible s’expose, mais contre des ouragans et des tempêtes, quand est-ce qu’une telle occasion pourrait se présenter? Oh non… L’air… Des mouches noires se mirent à voler devant mes yeux, alors que je sentais la pression sur mes poumons s’enflammer. De l’air! De l’air! De l’air! De l’air! Il me fallait de l’air! Respirer! Respirer! Sortir de l’eau! Respirer! Je tentais de me concentrer au mieux, tendant mes bras vers l’avant pour me mettre à nager. Cependant, le courant était trop puissant et avant même que je puisse esquisser un geste, je me sentais couler vers le fond. Est-ce que j’allais mourir de cette façon, incapable de me battre contre les éléments? m*rde… f*is ch*er…

Soudainement, il eut une puissante vague qui me souleva. Effrayé, je voulus riposter, en vain. Mais cette fois-ci, l’agitation de l’Océan m’amena jusqu’à la surface. Ma tête eut le temps de s’extirper de l’eau, de prendre une grande bouffée d’air avant même que je prenne conscience de ma situation. Dès cet instant, je me disais qu’il ne fallait plus que je plonge et que je coule. Il fallait que je garde la tête hors de l’eau, loin de l’immersion. Mais entre le dire et le faire, un fossé aussi grand que ces mers les séparait. Je déployais toutes mes forces à me maintenir à la surface, mais autant dans l’eau qu’en dehors, c’était un véritable déchaînement des éléments qui me percutait, m’entraînait, me faiblissait. Les orages, le vent, les vagues et les débris du bateau: la tempête enchaînait à nos pieds la Mort elle-même. Je tentais de garder mon calme, mais mon cœur tambourinait si fort dans ma poitrine que j’avais l’impression que les échos se répercutaient aux quatre coins de mon crâne au point de m’en donner une migraine. Mais reste concentré… Surtout, reste concentré…

« CROUW! CROUAW! »


Vivement, je levais la tête vers le ciel, y apercevant avec plus ou moins de netteté la silhouette d’un oiseau. Sombre et plutôt trapu, le volatile combattait les courants aériens contraires en poussant de grands cris désespérés. Mon sang se glaça. HAKIEL!

« AH! Te voilà, triple buse! On t’avait complètement perdu de vue! »


C’était la voix de la petite Fae qui résonnait, aussi fort que les battements de mon cœur, entre mes deux oreilles.

« Hakiel ne va pas pouvoir tenir plus longtemps! Les vents sont trop forts pour lui! Il faut que tu le rattrape! »

Et à cet instant précis, je vis le Corbeau chuter. Mes yeux s’écarquillèrent et sans hésiter, je me mis à nager vers l’oiseau.

« VIIIIIIIITE!

- TIENS BON HAKIEL! » Criais-je de toutes mes forces en espérant que ma voix ait surpassé les hurlements de la tempête.

Je nageais, je nageais, sans m’arrêter, sans même prêter une quelconque attention aux décombres du navire. Je me fichais de savoir où se trouvait le reste des matelots et les autres canots. Tout ce qui importait en ce moment précis, c’était de nager, de nager, toujours plus vite et toujours plus loin pour rejoindre le Corbeau.

« AAAAAAAAAAAH! Les vagues! »

Encore un peu… Encore un peu… m*rde, m*rde! Il faut que je me dépêche!
Je tendis mes bras en geste désespéré et avant même que je ne m’en rendre compte, le Corbeau tomba dans mes mains. Par réflexe, je le rapprochais de moi, m’appuyant sur une planche de bois  qui flottait sur l’eau. Un soupir de soulagement franchit mes lèvres. À l’exception de quelques plumes, ils s’en étaient sortis en un seul morceau.


Je ne saurais dire combien de jours nous avons dérivés sur l’Océan, sur cette planche de bois, coupés du reste du monde, à tenter de ne pas laisser ces flots monstrueux nous happer comme de la vulgaire poiscaille dans ses crocs. Nos forces nous abandonnaient peu à peu et nos gorges s’asséchaient tout autant: l’eau désaltérait, pour cela, il n’y avait aucun problème, mais l’eau marine était trop salée et nous assoiffait davantage au lieu de nous hydrater. Nous ne pouvions plus dériver de la sorte, la situation était critique. Il nous fallait trouver une terre ferme, une plage n’importe quoi qui ressemblerait à cette p*tain terre des vaches. Gardant Hakiel dans mes bras, j’enfonçais ma tête dans sa tignasse de plumes, cherchant une solution à notre problème. Cependant, c’était beaucoup moins facile de réfléchir lorsque la faim nous tenaillait le ventre et que la soif nous aliénait. Coccie et Hakiel, le premier jour de notre dérive, avaient bien essayé de nous dénicher quelque chose à manger, mais les seules vivres qu’ils étaient parvenus à trouver étaient si maigres qu’elles n’avaient même pas duré deux jours entiers. Il nous fallait faire plus d’exploration, autant pour trouver de la nourriture qu’une terre où se poser, et les deux ailés en éclaireur avaient remué ciel et terre pour y arriver, sans succès, la faim et la soif nous vidant rapidement de nos forces.

À présent, la tempête qui nous avait fait naufragés étant loin, nous dérivions simplement sur la mer, entourés par les eaux hostiles et sauvages de l’Océan, à nous faire griller par le Soleil qui nous tapait sur la tête. Soif… Soif… Faim… Faim… Mon ventre, alors, se mit à grogner et j’ouvris un œil vitreux, cherchant du regard le petit gamin et la Fae à la chevelure violacée. Tous les deux s’accrochaient dans leurs bras et je les entourais du mieux que je le pouvais pour les protéger. Mais ce n’était pas gagné, mon corps étant aussi faible que la plus faible de toutes les fillettes. Il me fallait manger et boire. Manger et boire… Mais c’était presque impossible… Cela dit, comme un appel désespéré, mon regard glissa jusqu’à l’eau cristalline de l’Océan. Cette eau m’appelait, m’envoutait, mais j’avais beau y plonger ma main et l’avaler avec appétit, jamais elle ne me satisferait. J’avais soif, j’avais faim, et je commençais sérieusement à péter un plomb! J’ai faim, p*tain! J’ai tellement faim! Inconsciemment, mes bras entourèrent plus fortement le corps d’Hakiel et percevant aussitôt les prémices d’une crise de nerfs, le Corbeau m’interpella faiblement, ses doigts se serrant de toutes leurs forces à l’une des manches de mon chandail.

« Ne gaspille pas ton énergie pour rien. Nous avons besoin de toi si quelque chose arriverait. Tu es le plus fort d’entre nous ici alors… »

Je fermais les yeux, poussant un soupir. Ça tombait sous le sens. Ces deux-là étaient faibles, mais efficaces. Si un accident venait à arriver, je devrais me débrouiller pour les protéger et combattre le danger. Ils comptaient sur moi et je ne pouvais pas me permettre d’envoyer balader ainsi tous les efforts qu’ils avaient déployé alors que j’avais dû rester là, impuissant et vulnérable, sur cette foutue planche de bois. Je relâchais doucement la pression que j’exerçais sur le gamin avant d’esquisser un sourire et de reposer ma joue sur le haut de son crâne duveteux.

« Ouais… Une chance qu’il y en a un qui a gardé toute sa lucidité.

- J’espère que tu ne me mets pas dans le même panier que toi, crétin d’Orisha. »

Même au bord du gouffre, il y avait des choses qui ne changeraient jamais. Dans un sens, c’était rassurant. Ça nous prouvait que nous étions encore nous-mêmes.

« Quand même, je ne dirais pas non à un bon poulet…

- Moi aussi… Avoua la petite Fae en s’humectant les lèvres avant de coller sa petite silhouette contre la poitrine du Corbeau.

- Les gars…. Vous êtes vraiment stupides de parler de nourriture maintenant… » Marmonna Hakiel en levant les yeux vers le ciel, exaspéré par notre comportement.

Pour une fois, Coccie et moi, nous nous mettions à rire à l’unisson, rivant nos regards sur le visage du petit garçon. Même si la situation ne s’y prêtait pas, ça avait tout de même le don de nous rassurer et de nous positiver. Nous en avions sacrément besoin, il fallait le dire.


La dérive se poursuivit, sans que nous puissions y faire quoi que ce soit. Le jour laissait bientôt place à la nuit et rapidement, le ciel, uniformément azur, se parsemait, ici et là, de plusieurs éclats d’étoile. Le firmament était magnifique, mais sur cette planche de bois, perdus en plein Océan, nous n’avions même pas la force de prêter attention à ce magnifique panorama. La faim, la faim… La soif, la soif… La fatigue, la fatigue… Ces maux nous tenaillaient au point de nous obséder. Nos ventres criaient famine si ce n’était pas nos gorges qui réclamaient d’être désaltérées. Je déglutis, ce qui était devenu affreusement difficile depuis quelques heures. Puis, je redressais la tête pour voir ce qui pouvait se profiler devant nous. Mais je ne vis absolument rien, l’ombre de la nuit s’étendant à plus loin que ma vision pouvait se le permettre et ce, malgré ma vision d’Aigle. Je soupirais, caressant le dos d’Hakiel qui dormait. Faîtes que l’on s’en sorte… Je ne saurais dire à qui j’envoyais ce souhait silencieux, mais j’espérais qu’il soit entendu par une oreille attentive et bienfaitrice. Je n’eus même pas la force de fonctionner mes méninges plus longtemps, tant l’épuisement et le manque de force me pesaient: sans plus penser à rien, je laissais tomber ma tête sur la planche de bois. Mes paupières étaient lourdes: lourdes par la faiblesse et la fatigue de plus en plus marquées. Je me désespérais à tenir le plus fort possible les rênes de nos destins que je tenais aux creux de mes mains, mais peu importe la puissance que je déployais pour les garder auprès de moi, ces rênes me glissaient entre les doigts. Je les sentais glisser à chaque minute qui passait, à chaque heure qui passait… C’était terrorisant de ne pas se savoir maître de nos propres vies, que quelqu’un d’autre quelque part – une entité toujours plus puissante, voire même effrayante – pouvait s’en accaparer sans que l’on ait notre mot à dire. Je combattais avec acharnement contre l’idée de fermer les yeux et de ne plus les ouvrir. Il fallait que l’on s’en sorte, coûte que coûte. Coûte que coûte. Il fa-fallait… Coûte que… coû…


Le lendemain matin…

« En tout cas, ça promet d’être une bonne pêche, fiston!

- J’espère pour toi! Depuis le temps que tu m’en parles! »

Les deux hommes se mirent à rire de bon cœur. L’un comme l’autre étaient à peu près de même taille, leur silhouette haute et forte se découpant dans l’éclat du Soleil levant. Les cheveux bruns, le visage carré, leurs yeux étaient d’une couleur particulièrement bleue, comme des joyaux que l’on aurait polis au préalable avant de les incruster sur leur visage. Si le père ne grisonnaient pas déjà à quelques endroits, ils auraient facilement pu se faire passer pour des frères. Le père et le fils se souriaient, leur canne à pêche fermement coincée dans leur poing alors que le fils traînait de son autre main un gros bocal rempli de verres de terre, récoltés le jour précédent. Rien de mieux que d’aller à la pêche entre père et fils, n’est-ce pas? Puis, les prises attrapées lors de cette chasse seraient sûrement cuisiné par leur très chère mère, qui s’occupait, à l’heure actuelle, de l’auberge en leur absence. Les deux hommes salivaient d’avance en perspective aux plats que la belle femme, malgré son âge plutôt avancé, leur préparerait.

« Un ragoût, ça pourrait être bon, tiens! Je me sens de cette humeur-là aujourd’hui!

- Je lui en glisserais un mot.

- Ah non! Depuis que tu m’as fait ce sale coup la semaine passée, je ne te fais plus confiance pour ça! Riposta bruyamment le paternel en venant claquer la paume de sa main contre le dos du jeune homme, qui éclata de rire en voyant l’air bourru de son père.

- Hahaha! Cette fois-ci, crois-moi! Il n’y aura aucun traque–

- Coûte… Faut… s’en sorte… Coûte… que… coûte… que… coûte… »

Brusquement, les deux hommes se figèrent et leurs yeux se mirent à balayer la plage. Mais presque aussitôt, leur regard se braqua sur des corps.

« m*rde… Est-ce qu’ils sont morts?

- Coûte… que coûte… Marmonnait la plus grande silhouette, qui serrait dans ses bras une forme beaucoup plus petite.

- Ils sont encore en vie! Vite! Aide-moi à les porter jusqu’à l’auberge! »

Sans plus attendre, ils filèrent tous les deux vers les trois naufragés. Ils poussèrent un soupir de soulagement en constatant qu’ils étaient bel et bien tous les trois saufs. Affamés, assoiffés, épuisés, mais saufs. Le paternel monta sur son dos le plus grand des garçons et son fils, quant à lui, transporta le gamin ainsi que la petite Fae. Ils se mirent immédiatement en chemin vers l’auberge qu’ils venaient à peine de quitter, il y a presque une dizaine de minutes, le fils relâchant une seconde expiration:

« Bon… Faudra encore attendre pour notre journée de pêche, j’imagine… »


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