« Je vais essayer ».
Je fixais la lettre de Mitsuko avec une étrange expression sur le visage. C'était tout ce qu'il y avait marqué et je me demandais bien si je devais donner ça au roi ou non. Cela ne semblait pas refléter l'agressivité, mais ne pouvait absolument pas m'éclairer sur la nature de la missive, négative ou positive. Cela dit, si elle voulait essayer, cela ne devait pas tendre au conflit. En réalité, je n'avais pas voulu la lire, même si la déesse n'ait pas scellé le courrier, ce qui prouvait bien que ce n'était pas si confidentiel que ça. Je n'aurai cependant même pas eu la curiosité de l'ouvrir sans le courant d'air qui l'avait emporté au loin quand j'avais voulu changer de vêtements, juste devant la maison de Neros. Je savais qu'essayer de discuter avec lui n'aurait servi à rien, pas dans l'état actuel des choses et, si je regrettais, que je voulais vraiment me faire pardonner, je n'allais pas aller à l'encontre de sa propre décision. Puisqu'il voulait que je parte, j'allais partir, c'était aussi simple que cela. J'avais donc pris mon sac et mon sabre et avait quitté le lieu, m'arrêtant quelques minutes devant sa porte, à l'extérieur, pour me changer. Une femme était d'ailleurs passée pile au moment où je courais toute nue derrière la lettre de Mitsuko. S'en aurait presque été comique mais je n'avais pas du tout envi de rire. Je savais que l'effet du sort que mon moi enfant avait jeté à cet homme serait sans doute court mais ça m'embêtait pour lui. Je m'habillai, hésitant réellement à partir comme ça. Seulement, vu l'état dans lequel il se trouvait, je me voyais mal essayer de le convaincre de m'écouter. De plus, j'avais encore sa chemise avec moi. Que faire? Lui écrire un nouveau mot?
« Raa Violette, tu as de la chance que je ne puisse pas te mettre une fessée! »
Notre relation était plutôt complexe car je savais que la petite voulait vivre aussi, mais si elle faisait des bêtises à chaque fois que je la laissais dominer, celles-ci risquaient bien de compliquer diverses situations. Là, bien entendu, ce n'était pas si grave, mais j'avais conscience du danger. Enfin, au moins, l'expérience présente me prouvait que mon moi de six ans savait parfaitement se défendre. Le quiproquo avait été énorme. Je soupirai, m'asseyant par terre pour lui écrire un nouveau message.
« Je t'ai posé ta chemise derrière la porte. Je te l'ai déjà écrit mais je suis désolée, vraiment. Si un jour tu veux me voir, je serai sans doute dans le désert. Je compte y créer Ailydis, la cité des humains, mais tu seras le bienvenu quand même. Si tu veux discuter ou trouver un travail ou juste venir visiter. Libre à toi de venir.
Violette ».
Je ne pouvais pas mieux faire. Quoi lui dire? Je me doutais qu'il se foutrait royalement de mes projets au sein même de la cité, des lois qu'il y aurait, de l'architecture et tout ceci. Il était stupide finalement. S'il m'avait écouté, je lui aurai dit que ce ne serait pas permanent, je lui aurai expliquer comment gérer la situation, quoi faire ou non. Mais forcément, il avait paniqué, ou quelque chose qui, à mon sens, s'en rapprochait fortement. Je soupirai de nouveau, m'approchant de la porte pour y glisser le bout de parchemin. Maintenant il fallait que je parte, essayer de voir Zéleph pour lui expliquer que son fils était à présent humain pour une durée indéterminée, pour lui donner la lettre de Mitsuko qui me paraissait bien énigmatique et, enfin, pour lui parler d'un sujet qu'il détestait : la politique. Finalement, peut-être qu'un peu de compagnie me ferait du bien. La route était longue jusqu'au Circus Brothel, d'autant plus qu'il faudrait que je prenne le bateau. Enfin, cela me laisserait sans doute le temps de réfléchir à qui contacter pour entamer les travaux dans la citée d'Ailydis. Il fallait aussi que je prévienne ma déesse de ce que mon moi enfant avait fait. Je ne redoutais pas réellement qu'elle se mette en colère, elle était assez stricte au niveau du mérite et elle y verrait sans doute un moyen pour Neros de grandir ou de prouver sa valeur, oui, c'est ce que je pensais. Je me souvenais de ce jour où j'avais souhaité changer de race, par désir de facilité sans doute, un moment d'égarement qui m'avait coûté d'être fusillée du regard. Je ris, oui, pour elle, les humains étaient sans doute les êtres les plus forts de notre monde. Je n'irai sans doute pas jusqu'à penser qu'elle en serait heureuse, mais je croyais sincèrement qu'elle prendrait cette nouvelle avec philosophie.
