Cela faisait maintenant des mois que Nastaé ne voyait plus le visage de Morvan, autre part, que dans ses rêves. Depuis ce jour, sa vie avait été un calvaire, en tout cas bien plus que ce qu’il pouvait imaginer. A un moment, il avait même cru devenir fou, et Tora n’avait même pas pu l’aider. Le jeune homme entendait sa voix l’appeler, son sourire le guider, ses yeux bleus l’observer… Et l’ondin était tombé dans une semi-folie, qui n’était que la traduction d’un manque intense. Il n’avait pas l’habitude de ce genre de perte, et même si Morvan n’était pas mort, seulement partit de son côté, pour Nastaé c’était apocalyptique. Clairement. Il se sentait démuni, sans rien, et n’avait pas de réel but. Alors pendant des jours et des jours, il parcouru le monde, petit à petit, mais plus le temps passé, plus il était obnubilé. Il ne se rendait pas compte de ce qu’il était en train de vivre, ou même ce qu’il s’infligeait, alors il laissa la tristesse et le désespoir le submerger volontiers, sans le combattre. Il se faisait silencieux, et commençait à se fermer. La tigresse essayait de l’approcher, et elle y arrivait, mais c’était bien le seul être vivant qu’il câlinait avec intérêt, du moins pour le moment.

Au bout de deux mois. De deux petits mois qui ne devait surement être rien dans sa vie, où il devait vivre de sacrées aventures, Nastaé finit par se heurter à nouveau à la civilisation. Il pénétra dans une auberge, alors que la nuit était déjà avancée, et commanda à manger. Les jours passaient et Tora commençait elle aussi à prendre le large vis à vis de son maitre, qui était tout seul dans son monde, et qui avait fini par ne plus du tout faire attention à elle. L’ignorant complètement même. Alors quand il ne la fit pas profité de son repas, elle ne s’en étonna pas et fut patiente, ressentant juste un puissant sentiment d’injustice. Bien sur, elle se disait que ça allait passer, que ce n’était que quelque chose de passager, d’une durée vraiment limitée… mais elle ne faisait qu’espérer, car elle ne savait pas vraiment. C’était difficile pour elle de voir son ami comme ça, dans un état de stase, et totalement différent de celui qu’elle avait toujours connu. Emettant un léger feulement, elle reposa sa tête sur ses pattes, attendant que Nastaé se lève pour aller se coucher.

La taverne était bondée malgré l’heure tardive. L’ondin avait un peu maigri et avait fini par se noyer dans l’alcool, comme un pauvre homme qui avait raté sa vie. Pourtant il était dans la fleur de l’âge et Tora se demanda s’il n’était pas préférable qu’elle aille chercher ses parents. Mais elle se ravisa lorsqu’elle sentit quelqu’un d’un peu trop proche. Tournant la tête elle vit un homme.
L’homme près de Nastaé était d’âge mur, du genre quarante ans, et sa peau était brunie, surement par les années passées à être exposé au soleil. Il avait les cheveux poivre et sel mais quand l’ondin leva la tête et le regarda dans les yeux, il s’aperçut qu’ils étaient différents. Il avait des yeux vairons. Ayant déjà vu un être similaire, il chercha dans son esprit embrumé par l’alcool, où exactement, et à qui ça pouvait le faire penser. Mais son cerveau était endormi, libéré de toutes chaînes avec lesquelles la pensée pouvait l’enserrer en temps normal. Il ne comprenait pas pourquoi il avait cette réaction si extrême. Surtout qu’il devait dormir sur ses deux oreilles, lui. Pourquoi prenait-il cela si à cœur ? Comme Tora le lui avait dis quelques jours plus tôt, il n’était pas mort. Alors pourquoi se mettre dans un tel état ? Ca ne servait à rien pourtant. Mais Nastaé ne pu réfléchir à cela plus longtemps, et l’orisha qui se tenait debout devant lui, le toisait d’un regard indifférent, presque dur. Il le vit se pencher pour coller sa bouche, à proximité de son oreille, et lâcher :

-On en voit pas beaucoup des comme toi dans le coin…

Il ne savait pas ce que cela voulait dire, ni même ce que cet homme avait en tête. Mais la main du bronzé, caressant son dos, lui signala très vite ses intentions. Ce n’était pas sa voix. Elle était plus caverneuse, voire gutturale. C’était un inconnu. Faisant d’abord un mouvement de recul, la tigresse se mit à grogner doucement. La tête de l’ondin lui faisait mal, et sa vision se flouta légèrement. S’appuyant sans vraiment le vouloir, contre la hanche de l’homme, il remit ses esprits en place. Son ami, son tendre ami était surement en train de vivre quelque chose de bien mieux que lui, et il n’était pas aussi pitoyable que lui, dans une auberge si miteuse. Alors Nastaé se dit que Morvan devait penser à tout, sauf à sa petite personne, et se redressant il sourit. La tigresse se calma. Que faisait-il ?
Mais le jeune homme se disait : pourquoi pas ? Il était seul et visiblement lui aussi. Rien ne lui en empêchait. Et puis il était vraiment ivre, alors il ne se souviendrait surement de rien. Ignorant totalement son amie féline qui resta sur le pas de la porte lorsqu’il pénétra dans la chambre, à la suite de l’homme, elle passa la nuit à l’entendre gémir, et parfois crier. Mais elle savait que ce n’était pas du plaisir. Elle, elle savait que c’était son cœur qui hurlait de douleur, et ses yeux fendus s’humidifièrent tout à coup intensément, pour répandre un liquide salé dans son pelage, sous son regard animal. C’était son ami, et elle ne pouvait rien faire pour lui.

Les jours qui suivirent, il resta là, se perdant un peu plus dans chaque homme qu’il rencontrait. L’orisha revenait le voir, ayant trouvé un bon partit. Mais un jour Nastaé décida de partir, ailleurs. Il ne savait pas où aller, ni que faire. Il était seul, archi seul. Liquider ses jours dans un endroit pareil ne lui plaisait pas forcément, et sa décision de repartir en vadrouille ne l’enchantait pas plus, mais avait-il seulement le choix ? Le choix d’errer encore et encore ? Il était totalement passif de sa propre vie, dirigeant chacune de ses pensées vers un seul et même être.
En partant, il croisa la route d’une jeune femme, sulfureuse et aguichante, qui avait un charisme fou. La regardant lorsqu’ils se croisèrent, elle lui sourit lui envoyant un baiser de ses lèvres sensuelles, et disparut dans son dos. Qui cela pouvait-il être ? Il ne l’avait jamais vu encore par ici !
Haussant les épaules il reprit les chemins. Une fois la nuit tombée, il voulu monter un petit bivouac rudimentaire, lui permettant de passer la nuit. Mais quelque chose le dérangea. Quand il trouva des arbres bas et adéquats, pouvant l’abriter, il s’en contenta largement. Plusieurs fois, dans cette nuit noire, il vit une ombre passer, repasser, sauter d’arbre en arbre… Voyant clairement dans la nuit, il n’eut pas de mal à identifier la jeune femme. Peut être était-elle une meurtrière ? Se redressant en soupirant, il pensa à son frère aîné décédé. Il ne pouvait pas se permettre de mourir à son tour. Sa mère pleurerait toute sa vie. Sans grande conviction il se mit dans une position défensive et dit :

-Je sais qui vous êtes ! Pourquoi m’avez vous suivis ?

Et alors la jeune femme se pendit à un arbre pour glisser finalement devant lui. Elle tournait autour de lui avec une agilité et une fluidité propre aux elfes vivant dans les bois. Son sourire en aurait fait rêver plus d’un. On aurait même dit parfois qu’elle glissait sur le sol, prête à l’envoûter. Mais l’ondin tournait un peu la tête, et baissa les bras en soupirant. Alors elle prit son visage et son haleine sucrée et fruitée lui parvint aux narines. Elle avait tout pour elle celle là…

-Comme tu as l’air triste… Je peux t’aider à te sentir mieux, tellement mieux…

Sa voix mielleuse et rassurante cachait forcément quelque chose. Mais le jeune homme n’en savait rien. Il était captivé par elle, et buvait toutes ses paroles. Il arriva à articuler :

-Comment ça… ?

-Suis-moi, tu vas voir, c’est merveilleux…

Elle l’enveloppa de ses bras, de son corps, et disparut avec lui. Laissant Tora dans cette lande noire et sans fin. L’animal rugit, et se mit à galoper, voulant les rattraper, mais elle ne savait même pas dans quel sens ils étaient partit. Alors elle couina et se mit à marcher, malheureuse comme une pierre.

Nastaé arriva dans un endroit froid à en mourir mais plus par son ambiance que par sa température. Il se sentit dépossédé de son énergie, et sa propre conscience se fit la malle.

-Je vais te faire visiter mon chou…

Elle lui prit la main et l’emmena dans divers endroits, joliment décorés, mais tellement glauques. Enfin l’ondin ne vit rien de tout cela, il se laissait faire, aimant d’office l’endroit où il était. Toutes les femmes qu’il croisait étaient similaires à sa guide, belles à en mourir, et ombres. Ombre par nature. Il était au royaume des Ombres, là où se tramait bien des choses, et où naissait bien des vices. Plus loin, il vit des gens de toutes races, comme lui, le regard vide, et dépossédé de leur volonté de vivre. Et alors un grand hall se dessina devant lui.

-Quand tu n’auras personne, tu viendras ici. D’accord ? Pas de question. Tu ne parles pas, et surtout, éclate toi…

Là aussi elle fit un mouvement sensuel avec sa bouche, envoûtant encore un peu plus l’ondin, que ce qu’il était déjà et lui montrant sa… Chambre. Tout était différent de ce qu’il pouvait connaître, et l’atmosphère était lourde d’un plaisir non consommé. C’était supportable pour lui, vu qu’il était comme une coquille vide. S’approchant du lit elle attrapa des chiffons et les lui donna :

-Et ça, c’est notre cadeau de bienvenue, mon chou !

Elle était bien joyeuse pour quelqu’un vivant dans cet endroit qui sentait la mort à plein nez. En même temps, les Ombres étaient assimilées à la mort, alors pourquoi en avoir peur ? Peut être viendra-t-elle le prendre une nuit, pour le faire basculer ? Il n’en savait rien et s’en fichait bien mal. Elle avait eu raison, il n’avait pas mal. Il n’avait plus mal. C’était agréable.

-Arrête de t’extasier devant ! Dès que tu es habillé tu descendras !

Elle s’approcha de son oreille et chuchota :

-Si tu as besoin de moi, appelle Lola.

Lola ? D’accord, il le saurait. C’était son mentor ? Mais au fait, où était-il ? Quand elle claqua la porte il regarda la pièce. Elle était d’un rouge bordeaux, rappelant la couleur du sang, et les bougies tamisaient l’ambiance. Les coussins en velours, reposant sur le lit qui avait l’air moelleux, étaient assortis à la parure de draps noirs et bordeaux. Tout ceci lui procura un frisson, un frisson sans pareille, faisant trembler son corps pour la première et dernière fois maintenant. Il allait être bien ici.
Nastaé avait été manipulé, endoctriné. Il était dans un bordel et en était heureux. Personne n’était heureux d’être là dedans, à part les clients. Tout était sale : les clients, les prostitués, l’argent… Absolument tout. Mais lui ne voyait rien. Rien du tout. Lola l’avait hypnotisé et manipulé pour qu’il n’ait pas peur d’elle et qu’il trouve tout merveilleux. Et elle avait réussi.

Quand il fut vêtu de sa « tenue », il descendit dans le hall.
Elle était composée d’un voile blanc, court, enserrant ses hanches, dont le nœud tombait bien bas, laissant voir le début de son bas ventre, et qui descendait jusqu’au dessus de ses genoux. Les plis du tissu laissaient entrevoir sa nudité sous le voile, ainsi que la forme de ses hanches et ses fesses. Le reste de son corps étaient ornés de bijoux. Croyant qu’il allait se vêtir seul, deux femmes qui faisaient partit du personnel entrèrent, et l’habillèrent. Il n’eut rien besoin de faire. Des bracelets en or entouraient ses avants bras à hauteur de sa poitrine, et les mêmes enserraient à ses chevilles. Il était pieds nus. Ses poignets étaient ornés de bracelets fins, colorés, faisant de légers bruits de métal lorsqu’ils s’entrechoquaient. Son cou portait un collier du même style, et ses cheveux étaient coiffés de petits joyaux. C’était une œuvre d’art vivante. Alors quand il descendit l’escalier menant au hall, les clients patientant sur les différents sofas, furent obnubilés. Mais Lola arriva et le prit par la main pour l’emmener devant un certain homme. C’était un type du personnel, reclus dans une petite salle, où elle enseigna à l’ondin les principes de la maison, et comment attirer le gibier. Car c’était ce qu’ils étaient tous, des proies et des gibiers, inversant les rôles au tour à tour.

Au bout de quelques semaines, Nastaé était dans son élément, ne se posant aucune question, ne ressentant aucune douleur. C’était l’extase pour lui. Il consommait un certain plaisir, cherchant un substitut à quelque chose qu’il n’arrivait pas trouver, mais se laissait aller. Il avait tout oublié. Même Tora. Les hommes s’enchaînaient dans sa chambre, ne lui laissant que peu de répit, et créant à nouveau le désir en son sein. Ca lui allait. Il n’était plus personne, et ça lui était égal. Il avait l’impression qu’à chaque fois que quelqu’un le prenait, son corps se déchirait en deux. Ses bijoux étincelèrent et cliquetèrent, à chaque mouvement. Il finit par s’attacher à ce bruit, l’écoutant certain jour, prenant ainsi son mal en patience. Son cœur était vide, froid, et baignait dans un suc de désespoir, noir comme les Abysses de son océan. Il n’était conscient que de la douleur physique, et du plaisir qu’elle finissait par procurer. Des cernes entourèrent petit à petit ses yeux, et son corps perdait sa masse graisseuse au fur et à mesure. Ses faibles muscles ressortaient plus grâce à la fonte de la fine couche de graisse qui les recouvrait, que grâce à leur volume. Mais il s’aperçut que le vice de ceux venant ici pour lui, était bien plus grave que ce qu’il était amené à penser. Les hommes le réclamant aimaient avoir une petite chose faible et à l’apparence fragile, entre leurs mains, exerçant ainsi un certain pouvoir sur elles, de manière à le briser facilement quand le moment se présentait, encore et encore, pour, au final, le laisser choir dans des draps souillés.

L’ondin était seul, plus seul que jamais, ne pouvant penser à rien à cause de l’étau qui serrait sa tête, et sa tigresse, elle, avait pour le moment, perdu le lien qui les reliait.

-Attend... NON !

Nastaé essaya de donner un coup de pieds mais l'homme se trouvant au dessus de lui l'esquiva rapidement. Arquant un sourcil, le vampire lança :

-Si on m'avait dis que tu étais si sexy quand tu te débat...

Et sa bouche se posa sur son cou.
L'ondin allait mal, trop mal. Il avait des nausées, et ne se sentait pas bien depuis l'avant-veille. Etait-ce la drogue ? Le sexe ? Il ne savait pas, personne savait. Il se sentait seul, mais n'arrivait pas à prendre le contrôle de soit. Juste de petits gestes arrivaient à se détacher de son comportement de mort-vivant. Comme ce coup de pied, qui était bien à lui. Mais c'était bref, trop bref, et il n'eut pas la chance d'en donner un second. Le vampire lui, s'en contenta largement, profitant de son dû comme il le fallait, et se délectant de lui, à chaque minute qui passèrent.

Ayant un trop plein depuis quelques temps, il chercha l'ombre. Sachant qu'elle était occupé à ce moment là, il tenta une escapade dans le hall. Etrangement, il y avait un client qui attendait et c'était tout. Pas de fille en train de se dandiner pour attirer la clientèle, ni d'autre à califourchon sur des corps dénudés. Rien. Le calme. Profitant un instant de cela, il commença à se balader dans la grande pièce. Le démon assit à une table avait les yeux fermés, et Nastaé ne prit pas cas de lui, se disant qu'il était surement là pour la belle ombre qu'était Lola -et ce qui était tout à son honneur-. Descendant au niveau -1, il découvrit plusieurs portes en bois rudimentaires, et un couloir bien miteux par rapport au luxe des salons et chambres du haut. Lorsqu'il croisa une fille, il lui demanda ce que c'était, mais cette dernière le lorgna en le repoussant outrageusement, avant de filer dans une autre pièce. Que lui avait-il fait ? Bizarrement, il reprenait un peu ses esprits, et l'étau se desserra légèrement. Il prit conscience de ce qu'il voyait, et où il était mais là aussi, tout était trop limité pour qu'il agisse de son propre chef. Mais au détour du virage que formait le couloir, il tomba nez à nez avec l'ombre.

-Lola !

-Qu'est ce que tu fais ici ?

-Je devais te voir mais, c'est quoi cet endroit ?

-Du balais !

-Attend Lol...

Et elle s'en alla sans mot dire. Un peu abattu il fit demi tour, ne voulant pas plus déranger quand même, bien qu'il soit curieux. Mais là aussi en remontant dans le hall, il le vit aussi vide qu'en arrivant. Et Lola apparut devant lui.

-Oh ! Nastaé, viens voir s'il te plait !

Elle avait l'air heureuse, tout à fait bien, et... Comme si elle ne s'était jamais énervé il y avait cinq minutes. Un peu dubitatif il s'avança vers elle à l'écoute et surprit :

-S'il te plait, ne soit pas violent avec les clients... Bon lui il aimait particulièrement ce genre là de... violences, mais fait gaffe avec les autres.

Elle lui fit un clin d'œil et allait partir, quand il lui prit le bras :

-Attend Lola... Je...

Son esprit s'embrouilla tout à coup, et il tituba un peu mais elle lui dit :

-Alors ?

-Je... Je veux faire une pause...

-Encore ? Ecoute, je t'ai déjà dis non d'accord ? La discutions est close !
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Sourcils froncés elle partit dans sa petite nuisette, ignorant le démon assis sur le sofa. L'ondin soupira et se laissa tomber dans les coussins moelleux, s'appuyant sur l'accoudoir. Mettant une main sur ses yeux, il réfléchit doucement à quelque chose, mais sa conscience lui barra vite la route. L'envoûtement était bien trop présent. Le coussin sur lequel il était était d'une douceur extrême, et sa peau au niveau de son dos, ressentait toute la douceur, comme des plumes. Plumes ? Nastaé ouvrit les yeux et regarda sur le côté. Il écarquilla les yeux en voyant que le démon à côté de lui avait ses grandes ailes dépliées et que le jeune homme s'était assis sur l'une d'elle. Se levant prestement il s'excusa platement, rougissant jusqu'au oreilles, et puis voulu partir. Mais l'homme le retint. Son physique était différent de ceux qu'il connaissait. Il était bien battit, avec une certaine carrure, et des cornes noires sortaient de son crâne. Ses cheveux et ses yeux noirs hypnotisaient Nastaé, et ses ailes noires étaient magnifiques. Il était seulement torse nu, mais malgré son âge physique avancé, dénotant un homme mur d'une trentaine d'années, l'ondin tomba dans ses bras sur le champs lorsqu'il dit -avec un sourire malicieux- :

-J'ai payé un service que l'on ne me rends pas et... Tu es particulièrement sublime.

Sa voix lui vrillait le cerveau, et il commença à paniquer. Comment une homme comme ça, pouvait s'intéresser à un type comme lui ?
Le démon le coucha sur le divan, et seul le voile à moitié transparent qu'il portait à la taille, cachait l'entre jambe de Nastaé. Le reste était recouvert de quelques bijoux et d'une couche de désir. Mais l'homme murmura à son oreille, couché sur lui :

-Je ne t'ai même pas touché que ton corps réponds à mes attentes...

L'ondin se retrouvait dans une mauvaise position pour quiconque entrait dans le bordel, et l'homme était bien trop puissant pour qu'il puisse le repousser.

Nastaé avait cessé de se battre depuis un moment. Les gens qui entraient dans le hall ne faisait pas gaffe à eux, cherchant eux aussi leur plaisir. Alors des filles apparurent, prenant les clients, se laissant peloter sur place, et d'autre attendant les hommes. Le hall était vite plein et Nastaé tourna la tête, cachant son visage et fermant les yeux. Mais le démon, lui, pensait autrement. Prenant son visage fin de sa grande main, il planta ses ongles dans sa peau, arrachant un petit cri de douleur à l'ondin.

-Regarde moi. Je veux te voir souffrir...

Le jeune homme n'eut d'autre choix que d'affronter son regard. Des larmes coulaient sur son visage, et ses mains tentèrent de repousser mainte et mainte fois le grand homme. Mais quand ce dernier finit par le prendre sur le sofa, devant le monde qui entrait, Nastaé ne pu retenir un cri de douleur. Il était contracté, ne voulait, et refusant chaque va et vient du démon. Il commençait à transpirer, voulant et priant pour que tout s'arrête. Mais le calvaire dura un moment et lorsque l'homme partit il dit :

-Je reviendrais...

D'un sourire machiavélique il passa la porte et partit. L'ondin était encore une fois souillé et dépossédé de ses moyens, mais Lola arriva.

-Je vais appeler Mat', il va te ramener.

Quelques minutes plus tard, l'homme à tout faire du bordel, à la carrure imposante, mais au visage peu avenant, prit Nastaé dans ses bras. L'ondin se mit à sangloter, tremblant de tout son être, mais Mat' le ramena seulement à sa chambre.
Une fois qu'il l'eut posé sur le lit, il entendit Lola l'appeler d'une chambre voisine, et du partir. Le jeune homme était désespéré. Il voulait qu'il reste, qu'il le protège, il ne demandait rien, seulement qu'il soit protégé, et qu'il ait du repos... Beaucoup de repos. Les séquelles étaient de plus en plus nombreuses, douloureuses, des plaies se formaient et n'arrivaient pas à cicatriser. Il était au fond du gouffre.

Cherchant dans un tiroir de sa table de chevet, il finit par trouver l'objet de ses désirs. Entendant des cris dans le hall, il se laissa aller à la drogue, faisant ainsi s'évaporer le monde extérieur. Rien ne pouvait le retenir. Il partit alors un moment, planant comme il le voulait et puis finit par s'endormir. La nuit fut longue, mauvaise, et même pire que toutes. Si seulement il y avait une baignoire, ou même... Un lac, il pourrait aller se rafraîchir... Et partir.

Nastaé avait du mal a rester sobre, et garder les yeux ouverts. Son sommeil se passa sans encombre, il était dans un autre monde, cherchant a oublier sa douleur physique et morale, préférant penser à d'autre chose... Bien mieux... Bien plus... Joyeuses ?

Alors qu'il était loin, très loin, a moitié nu sur son lit, il n'entendit pas la porte s'ouvrir. En revanche son nom il l'entendait, mais il était incapable de répondre trop anesthésié par la drogue. Il sentit des mains, plus chaudes que les siennes, bien plus chaudes, le prendre par les épaules, pour le secouer un peu. Bordel, encore un client... Il n'aurait pas du...
Il faudra vraiment qu'il demande a Lola de ralentir l'affluence.

Mais quand il essaya de se relever pour faire ce qu'il avait à faire, il reconnu une tignasse blonde, qu'il chérissait tellement. Passant une main dans ses cheveux, comme s'il découvrait à nouveau l'homme qui se trouvait en face de lui, des bribes de souvenirs lui revinrent à l'esprit. Lorsqu'il prononça son nom, il fut frappé d'une illumination et l'étau enserrant sa tête se desserra assez, pour laisser apparaître toutes les images de lui et Morvan, depuis leur première rencontre. Sans vraiment savoir pourquoi des larmes se mirent à couler de ses yeux verts, et ses mains se posèrent sur ses joues. Là aussi il fut interrompu, parce que Lola entra dans la pièce.

-Lol...

Citation :

Comment as-tu oser t'élever contre ton maître ?!!! J'ignore quelle magie tu as usé pour le martyriser mais sache que ceci ne sera que ta seule chance !

Nastaé ne pu rien dire qu'il vit, avec pas mal de trouble au niveau de la vision, son ami se faire assommer par une gifle. Lui aussi écopa d'une sentence plutôt copieuse. L'homme à tout faire le prit par les cheveux, l'agenouillant devant l'ombre :

-Alors mon chou, t'as voulu te faire la malle avec ton petit copain ?

Sans rien voir venir, il ne pu esquiver le coup de pieds qu'elle lui mit dans le visage. Heureusement, elle n'avait pas énormément de force, alors elle ne lui brisa rien, mais ce fut tout de même très douloureux. Au final, les images de Morvan défilaient encore dans son esprit, et il était incapable de réagir. La drogue avait été bien trop puissante cette fois ci et l'avait rendu totalement amorphe. Ainsi, Mat' mit Nastaé sur une épaule, et Morvan sur l'autre, les sortant de la chambre.

Nastaé ne vit absolument rien. Il était drogué et avait même du mal à ouvrir les yeux. Le coup de pieds de Lola l'avait aussi pas mal assommé et ça avait tendance à ne pas vraiment jouer en sa faveur sur ce coup là. Ainsi lorsque Mat' l'attacha, il se laissa totalement faire.
Au fond de lui, tout au fond de lui, sa raison l'appela. Elle l'appelait encore et encore, essayant de percer ce voila macabre qui l'enveloppait dans un état léthargique. Bon sang, qu'était-il devenu ? C'était un être respectable, raffiné et... Voilà comment il se présentait aux yeux de son ami... Le plus cher à ses yeux en plus.
Et puis pendant quelques minutes il lutta, essayant de remonter à la surface, et non de couler dans les Abîmes. Mais c'était peine perdu. Son corps bougea, encore et encore, et des mains se posèrent dessus, et puis une étreinte tendre se fit sentir. Il était bien, confortable, et aurait voulu y rester longtemps, mais ce n'allait pas être le cas longtemps. Ses membres étaient engourdis et complètement morts, il n'arrivait même pas à envoyer la commande au cerveau, alors les bras et jambes n'étaient pas prêt de bouger... Même s'il ne sentit que des lèvres se poser sur les siennes, sans rendre le baiser, il était dans un état second, reconnaissant entre mille à qui elles appartenaient. C'était lui, et il était venu le chercher. Ses sens le savaient !

Sortant du petit cagibis, il se fit transporter, mais il sentait que son porteur n'était point à l'aise. Essayant malgré tout d'aligner deux pas, il ne pu non plus bouger. Ainsi il voulu aligner deux mots... Le résultat fut pire. Nastaé laissa tomber et se laissa faire, essayant ainsi de lutter contre ce corps qui refusait de lui répondre. Il s'était drogué et il le regrettait amèrement. En même temps, il savait les effets que ça faisait...
Et puis un vent glacial lui gifla le visage. Ouvrant les yeux devant cette semi pénombre, il vit très bien dans le noir, et ne distingua pas le jour de la nuit. Mais cet air lui fit un bien fou, et même si les bruits autour de lui n'étaient que bourdonnements incessants, il sentit sous sa main un pelage qui lui était familier. Ses yeux distinguèrent du roux, du noir... Et bien sur un sourire s'afficha sur son visage. Comment avait-il pu l'oublier elle ? Ce n'était qu'un s*l*ud, rien de plus rien de moins.
Le vacarme qui suivit lui fut insupportable et il fit une grimace, essayant de capter un son en particulier. Mais juste un rugissement lui parvint réellement et se détacha. L'ondin essaya une fois de plus de reprendre le contrôle sur son corps, mais ce fut peine perdue, car il se fit emporter par sa fourrure rousse, loin, loin... Trop loin...
Il avait froid, tellement froid...

Nastaé venait d'ouvrir les yeux avec un sacré mal de tête. Ses bras et jambes lui faisaient mal et il transpirait à grosse gouttes. Un mal de tête atroce le frappa, et il se tint la tête. Mais l'apesanteur était différent. Quand ses esprits furent remit en place, il s'aperçut qu'il était sur l'épaule d'un homme, maintenu fermement. Essayant de bouger, il n'arriva à rien et vit Tora, de son côté, aussi immobilisé. Pris de panique, un coup d'adrénaline le poussa et il bougea plus ardemment. Si jamais ils lui avaient fait du mal... Mais visiblement non, en tout cas pas à première vue.

Citation :

Je...ne...suis pas...votre...esclave !!!

Cette voix... Il l'aurait reconnu entre mille... C'était la sienne. Voulant regarder ce qu'il se passait, il n'eut le temps de rien faire, qu'il fut submergé par une immense vague. Son corps muta directement et Tora se réveilla. Son esprit se clarifia, comme s'il n'avait jamais été drogué, et lui rafraîchissant les idées. Quand la vague se retira, il resta sur la rive, et vit la nature dévastée. Les hommes étaient morts, et Lola à peine en vie. Faisant disparaitre rapidement sa nageoire, il se précipita vers elle.

-Aide... Moi... Chou...

Sa voix était toujours envoûtante, mais elle avait peur et mal. Nastaé ne se laissa pas prendre au piège, la magie n'opérait plus. Sa petite nuisette était défaite, en lambeaux, et elle toussa. Du sang sortit de sa bouche, et quand il regarda baissa la tête il vit un morceau de bois épais et affuté, planté dans son abdomen. Nastaé fut tiraillé entre le fait d'essayer de la sauver, et l'évidence de se dire qu'elle était perdue. Il ne su pas quoi faire, alors il chanta. Un chant doux, mélodieux, triste et funéraire sortit de sa bouche. Pendant peut être quinze secondes, Lola pleurait, regardant les yeux émeraude de l'ondin, et partit rejoindre la mort en un soupir d'agonie. Se taisant il ferma ses yeux voilés, et se releva. La rivière avait rejoint son court, mais quelque chose n'allait pas. Tora était à l'affut.

-m*rde... !

Plongeant rapidement dans les eaux, il fila à toute allure sous l'eau. Au bout de quelques secondes, il vit une silhouette se dessiner plus loin. Morvan était inconscient, et forme humaine. Il ne fallut pas longtemps à l'ondin pour réfléchir. Ainsi il le prit dans ses bras en murmurant :

-Dans mes bras...

Et fila vers la surface. Le mettant sur la rive, il alla à côté de lui, épuisé. Lui aussi en avait un peu donné, pas autant que le blond évidemment, mais assez pour être fatigué. Ne prenant pas la peine de muter, s'inquiétant de la santé de celui qui était venu le chercher, il essaya de le réveiller. Au bout d'un petit temps, il cracha de l'eau et se tourna sur le côté, respirant à grosse goulées. Souriant, Nastaé qui se tenait à côté de lui, se coucha sur le dos, toujours sous sa forme marine, glissant sa main dans celle du blondinet.

La grande nageoire émeraude du jeune homme, était un peu plongée dans l'eau. Assez pour que l'on ne voit plus le bas. Laissant sa main dans celle du blond, il attendit patiemment qu'il reprenne ses esprits. C'était moins une apparement, et l'ondin en fut vraiment soulagé, il ne l'avait pas perdu. Même si l'angoisse serrait toujours son cœur, il savait qu'elle allait partir. Que ce n'était que passager, car le moment le plus stressant était passé. Il essaya un instant d'imaginer sa vie sans lui. Sans sa personne. Sans son être doux coller à lui, lui donnant de l'amour et du plaisir. Avant que les larmes lui montent aux yeux, il effaça ces images de son visage. Non, c'était impossible. Morvan était là, bien vivant, et ne comptait pas le quitter de si tôt ! Alors il préféra laisser ses pensées vaquer à d'autre horizons, se disant justement ce que serait sa vie avec lui, constamment à ses côtés, vivant toutes ses aventures. Le visage de Nastaé s'empourpra, lorsqu'il tourna la tête, voyant le corps dévêtue de son ami, et sa main dans la sienne. Il trouva tout à coup que sa peau était extrêmement douce, et que, comme lui, le fait d'être dans l'eau longtemps n'altérait pas son physique. Le bout de ses doigts n'étaient pas ramollis. En même temps, c'était leur élément à tous les deux... Alors il était normal que leur métabolisme le permette. La tête blonde prêt de lui, malgré les odeurs de terre humide s'émanant du sol, il sentit le parfum des cheveux de Morvan, et ses sens s'emballèrent un peu plus.
C'était lui. Il était venu.

Il glissa ses doigts le long de son bras, effleurant sa peau pâle. Doucement, il continua le long de son échine, santant que les douces caresses timides faisaient frissonner la peau de Morvan. Il l'avait retrouvé. De tous les hommes qui lui étaient passés sur le corps ces dernières semaines, jamais il n'aurait pu oublier celui-ci. Cette voix, cette peau, ce sourire, ce corps... Drogué, souillé, aveugle, peu importait, car entre mille, il l'aurait reconnu.

-Morvan.

Ce n'était qu'un souffle. Plus pour lui que pour appeler l'homme à côté de lui. Mais ce derniers, remit de ses perturbations cérébrales, se remit sur pieds pour basculer sur l'ondin.

Citation :

''Tu m'a sauvé la vie Nastaé...je suis très fier que tu sois mon sauveur !''

Déjà rouge, il vira cramoisie, et détourna timidement les yeux en disant un :

-Ce n'est rien...

Nastaé n'avait pas l'habitude qu'on l'appelle "sauveur". Pour lui, c'était normal. Il pensait que Morvan en aurait fait autant pour lui, si les rôles avaient été inversés dans cette situation. Car après tout, c'était cette tête blonde, au corps si précieux, qui était venu en personne le sortir de là, déclencher une vague si immense, qu'elle en avait retourné la terre, juste pour ses beaux yeux. Alors oui, il avait agit exactement de la même façon.
Quand leurs lèvres se rejoignirent, l'ondin ouvrit sensuellement la bouche, voulant presque mordre celles du blond, ne supportant pas l'idée qu'il ne puisse pas le toucher à cause des multiples blessures. Chacun d'eux était meurtri, et à ce stade, il était difficile de ne pas se faire mal. Mais ça n'empêchait en rien le jeune homme de vouloir manger tout cru son ami. Son cœur s'emballa encore une fois, et en un léger gémissement, il ne pu s'empêcher de lever les bras pour les passer autour du cou de son amant. Ce contact se prolongea, ne voulant en aucun cas se décoller ou partir, mais il le fallait bien. Tous deux se levèrent, Nastaé muta, et ils s'habillèrent. Apparemment le blond avait gardé des vêtements dans son sac magique, et c'était ten mieux pour eux ! Lorsqu'il grimpa sur le serpent, lui expliquant que tout allait bien, et qu'il pouvait le rejoindre, l'ondin hésita puis grimpa. Essayant de ne pas faire mal à son ami, il se mit à cheval de sa monture, et colla son torse contre le dos de Morvan. Il passa ses bras autour de la taille de ce dernier, posant son menton sur son épaule, déposant quelques baisers tendres.

-Merci à toi... Du fond du cœur... Merci à toi d'être venu me chercher...

Comme pour appuyer ses remerciements, il dévora le cou de son ami de baisers passionnés, voulant lui montrer à quel point il tenait à lui. Les mèches de ses cheveux, maintenant un peu long, effleurèrent les épaules de Morvan.
Il fallait à tout prix qu'ils dorment et qu'ils parlent. C'était le plus important.