Les deux posts se passent respectivement pendant et après Thogii
Zoé
En chemin
Cela faisait plusieurs jours que Zoé avait changé d’état. Odon do Dur l’avait exaltée. L’action de son combat l’avait enivrée d’une force nouvelle et elle s’était sentie, plus que jamais, elle-même. Cependant, après coup des cauchemars l’avaient aussi hantée. Elle ne l’expliquait pas, elle qui avait pourtant pris tout le plaisir du monde à se battre et à voir le sang gicler autour d’elle, sur sa peau, à sentir la transpiration témoigner de son effort et toujours continuer, emportée par une hardiesse qu’elle n’avait jamais soupçonnée. La mort ne lui avait pas fait peur, ce qu’elle avait trouvé parfaitement normal. Elle avait grandi à Sceptelinôst, après tout. Elle avait fréquenté les personnes les moins fréquentables de la ville. Elle n’avait jamais tué, mais elle s’était battue, elle avait vu les désastres de la drogue et de l’alcool, elle avait vu des orgies. Elle avait vu l’homme dans ses heures les moins dignes et avait déjà croisé un ou deux cadavres au coin d’une ruelle sombre. Elle n’avait jamais cauchemardé de tout ça, alors que ça aurait pu lui faire perdre foi en l’humanité. Par conséquent, elle ne comprenait pas pourquoi tuer des monstres la perturbait autant. Ça l’énervait. Ça la faisait se sentir faible, soit exactement ce qu’elle ne voulait pas être.
L’exaltation l’avait donc quittée au bout de quelques jours pour laisser place à l’inquiétude, puis à l’indifférence, puis finalement à une profonde angoisse. Zoé ne savait dire si c’était tout à fait lié aux récents événements. Toujours était-il qu’elle n’avait pas ressenti cela depuis la fois où elle avait vécu à Stenfek. Ses crises de tocs avaient repris de plus belle. Elle s’était sentie devenir la plus grosse merde du monde. Puis elle avait détesté l’univers tout entier, avant de retomber dans la détresse la plus profonde. Pendant des jours, Zoé n’était pas sortie de chez elle. Elle n’avait pas beaucoup mangé non plus, préférant comater toute la journée, s’ennuyer, vivre sa torpeur dans le néant… Parfois, elle vivait un instant dans l’extase ou la colère, mais ça finissait par disparaître, au profit de l’humeur morose.
Zull l’avait peut-être sauvée en l’extirpant dans cette solitude dans laquelle elle s’était plongée. Malgré leurs retrouvailles houleuses, elle avait été contente de le voir. Les nouvelles de l’extérieur lui avaient fait du bien, même si elle s’était persuadée du contraire. Même si cela avait eu pour conséquence de l’emmener vers Stenfek.
-T’as été plus facile à convaincre que ce que je pensais. Déclara Zull une fois qu’il eut terminé de hisser les voiles du Draakul.
-La ferme. J’peux toujours changer d’avis.
Zoé restait concentrée sur l’horizon. Elle gardait une mine sérieuse. Elle ne voulait pas qu’il lise ses émotions sur son visage. L’homme eut un rictus.
-On est un peu loin maintenant, quand-même.
Elle se retourna. En effet, ils étaient loin du rivage, suffisamment pour qu’elle ait la flemme de faire demi-tour. Le simple fait qu’ils aient levé les voiles aurait suffi à le lui confirmer, mais Zoé était un peu abrutie.
-Hm.
Elle avait cédé pour plusieurs raisons. Elle avait ressenti le besoin de prendre le large. La Réprouvée prit une grande inspiration. L’odeur de la mer lui avait manquée, les vagues et le soleil aussi. Son petit équipage, peu importait le nombre de fois qu’elle l’avait insulté ou traité d’incapable, lui redonnait de la motivation. Enfin, en négociant, Zull avait invoqué le Divin pour la convaincre totalement. Zoé le détestait pour ça. La magie, c’était de la triche. C’était pour les peuples tellement faibles qu’ils avaient inventé des mots comme « raffiné » ou « élaboré » pour paraître intéressant. Pourtant, ils ne l’étaient en rien. Ils avaient juste peur de faire des vraies choses avec leurs vraies mains comme les vrais gens. En somme, ce n’était qu’une bande de lâches. Zull avait été un lâche, et les lâches sur son bateau, ça l’énervait. C’était pourtant difficile de garder un air grincheux alors que le vent soufflait sur son visage, que le sel s’écrasait sur sa peau et qu’elle était en train de reprendre vie.
-On aurait pu aller autre part qu’à Stenfek si tu voulais juste faire un tour en bateau.
Merde. Putain. Il avait pas tort. Quelle conne. Gouvernail en main, Zoé changea soudainement de bord. Sur le pont, Tir et Lokar perdirent l’équilibre. Zull la bouscula pour prendre les commandes.
-Nan nan nan nan nan. T’as promis, on y va.
Merde. Putain. Il avait pas tort. Il lui avait fait promettre. Quelle conne.
-J’ai une tête à faire des promesses ? Dit-elle en grimaçant.
-Oui.
-Nan, c’est pas vrai.
-Ah, merde. Il croisa les bras. Bon, d’accord, où est-ce qu’on pourrait aller alors ?
-A quoi tu joues ? Fais pas ton marmouz (singe) avec moi comme ça.
-Tu veux pas aller à Stenfek, alors on n’a qu’à aller autre part. Il fit mine de réfléchir. Hmmm et si on allait à Taelora ?
-HE C’EST MOI L’CAPITAINE ICI D’ABORD !
Elle poussa violemment l’homme pour reprendre la barre. Celui-ci rit.
-On va où alors ?
-A Stenfek.
-Ah bon.
-Ta gueule, tu dégages et tu poses pas d’questions, c’est moi qu’est l’capitaine.
Zull obéit, non pas sans un sourire au coin des lèvres. Le péteux qui avait inventé la psychologie inversée était de loin celui qu’il respectait le plus en cet instant.
~886 mots~
Invité Invité
Mar 21 Juil 2020, 23:52
Zoé
En chemin
-Bon, bah ça a été.
-Comme qu’est-ce que j’avais dit, ça a servi à rien. Déclara Zoé haut et fort.
Dès qu’elles furent hissée, les voiles se gonflèrent et le navire partit en direction de Gona’Halv. Le temps était aussi agréable qu’à l’aller, mais ils avançaient plus vite cette fois-ci. A croire que Draakul lui-même avait du prendre sur lui pour aller jusqu’à la capitale des chochottes et qu’il était aussi soulagé qu’elle de s’en éloigner. -En même temps, si on était restés un peu plus longtemps, on aurait pu profiter des activités… Fit remarquer l’aîné de ses moussaillons, qui ré-enroulait correctement les bouts.
-Zull tu commences à m’les briser à grignouser (chouiner) ! T’as qu’à la fermer des fois, comme Tir et Lokar !
-Si je faisais ça…
-J’T’AI DIT D’FERMER TA GUEULE ! Elle quitta le gouvernail et dégaina son épée en descendant sur le pont. Elle en avait marre qu’il remette sa parole en question. C’était elle la cheffe et il allait trop loin. Tir, tu conduis. Lokar tu… ferme ta gueule ! Il n’avait pas parlé. Puis, à Zull. Viens ici !
Ce dernier ne se fit pas attendre. Il attrapa sa hache et la jaugea. C’était presque toujours Zoé qui chargeait en première. Elle n’avait pas la patience d’attendre pour évaluer son adversaire, comme lui le faisait. Après tout, elle était plus forte que lui. Il fallait bien qu’il trouve d’autres moyens de la battre que par la force brute. Il répondait souvent à ses provocations. Lui aussi il aimait le combat.
Zull para son premier coup. Zoé l’avait attaqué par le haut et lui bloquait la lame avec le manche de son arme. Il la repoussa pour attaquer à son tour. De leur côté, Tir et Lokar observaient le combat en silence. Ils ne parlaient jamais trop de toute manière, laissant les deux aînés faire leurs grands discours. Les batailles sur le navire n’étaient pas chose courante, mais ils ne s’en affolaient pas non-plus. Ils se contentaient de suivre bêtement les ordres, car aucun des deux n’avait envie de se faire laminer par leur capitaine.
Le tintement et le sifflement des armes était devenu la seule chose capable de briser la quiétude de l’océan. Les goëlands avaient fini par se faire rares au large. Cela ne faisait que quelques dizaines de secondes que les deux Réprouvés se battaient. Agacé, Zull donna un coup transversal, qui, comme prévu, fut stoppé par l’épée de son adversaire. En revanche, il y avait mis plus de force. L’épée s’envola et termina sa chute au bord du pont. Zoé ferma les poings et les plaça devant son visage. Elle s’était battue comme ça toute son adolescence. S’il croyait qu’il avait une chance… La brune attendit que Zull revienne à la charge. Elle se pencha en avant tandis que ses mains allaient chercher les poignets de l’homme, le désarmant à son tour. Elle jeta la hache plus loin et lui envoya son poing dans la mâchoire. Zull tomba en arrière. Zoé secoua sa main, car ça faisait vachement mal. Elle posa un genou contre son thorax. Une main vint serrer son cou, l’autre était prête à le frapper au visage.
-C’est bon. Ça va. Gémit-il.
Zoé fronça le nez. Elle lui en aurait bien mis un autre pour être honnête, mais à la place, elle se releva. Elle espérait sincèrement qu’elle lui avait pété une dent.
-Au boulot trou du cul.
Zull avait perdu l’humeur provocatrice et moralisatrice qui le caractérisait normalement. Il n’avait pas perdu une dent, mais il avait mal. Il avait la haine, l’envie d’exterminer Zoé, de lui faire admettre qu’elle réagissait vraiment comme une conne et de devenir plus fort qu’elle. Il voulait être capitaine de ce bateau et qu’elle ne soit plus qu’une esclave à ses ordres, comme ce qu’il était pour elle à cette heure précise. Furieux, il se redressa sans rien dire. Maintenant qu’ils étaient en mer il n’y avait plus de boulot à faire, mais il allait quand-même faire comme si histoire qu’elle lui foute la paix. Il n’avait plus envie de l’entendre, ni même de la voir. Il fallait qu’il pense à autre chose.
De son côté, Zoé reprenait les commandes. Tir et Lokar se décalèrent. Ils ne savaient pas trop quoi faire. La femme soupira, reposant une partie de son poids sur le gouvernail.
-Merci d’être là les mecs.
Au moins, eux, ils l’écoutaient. Péter une gueule lui avait fait le plus grand bien.
