« C’est parce que tu n’es pas né avec … Le Spleen peut être destructeur si tu te complais dans ton malheur, mais si tu raisonnes de façon inverse, c’est une arme capable de faire des ravages à bon nombre d’esprits alentours. Tout le monde pense les Rehlas inoffensifs, mais c’est faux. Nous avons développé des moyens de passer inaperçus certes, mais aussi des capacités innées pour la contre-attaque. Seulement, le Spleen peut aussi être utilisé pour influer sur nos propres émotions, nos propres sentiments, pour rester à l’écart du monde, et c’est en cela que le jeu est tentant, mais aussi dangereux. Imagine que tu vives assez longtemps pour voir ta famille ou tes amis vieillir et mourir, tu donnerais tout pour avoir un contrôle sur les souvenirs qui remontent, ceux-là même qui font si mal. Personnellement, je me sers du Spleen quand j’ai besoin de m’isoler, pour réfléchir aussi, mais je fais attention à ne pas en abuser, je n’ai guère envie de fouler ces terres en tant qu’Ombre ! »

Je ne savais pas comment expliquer le Spleen, c’était quelque chose qui variait pour chacun. Mais j’étais bel et bien conscient que ce n’était pas la tasse de thé de l’Orisha. « T’es sûr que ça va ? » Pas besoin d’être empathique pour voir que quelque chose n’allait pas chez lui. Je l’écoutais de nouveau, et ne pu m’empêcher de sourire à ses dires, l’air désolé. « Depuis toute à l’heure, j’essaie d’ignorer ce que ressentent les autres autour de moi, mais c’est parfaitement insoutenable. En fait, là, tout de suite, maintenant, j’aimerais pouvoir utiliser le Spleen pour me focaliser sur autre chose que les autres. J’avoue que je t’envie, être capable de connaître les autres, mais à petite dose, c’est complètement l’opposé de mon cas qui sait tout sur les autres sans vraiment les connaître ! Mais il ne tient qu’à nous de tenir assez longtemps pour foutre la pâtée à cet esprit, non ? »

La psychologie et moi, cela faisait bien dix-mille, mais ne connaissant que trop bien l’état dans lequel Cocoon était - pour l’avoir subi il y avait encore peu, quand mon esprit avait été ravagé - je ne pouvais décemment pas le laisser dans le besoin. A force de discuter, nous trouvâmes la grotte et nous y engagèrent. J’y voyais étonnamment bien, et même si j’avais déjà une bonne vue dans le noir en temps normal, je voyais ici comme en plein jour et repérais des choses auxquelles je n’aurais pas fait attention en temps normal. C’était fascinant ! Peut être que les Orishas avaient eux aussi leur part d’avantages dans leur capacité, qui sait ? « Eh, fais attention ! » Malheureusement, je ne pu prévenir son geste à temps et je l’entendis réagir au bruit de fracas de l’objet. J’ignorais ce que nous avions brisé, mais une chose était sûre : la réaction de son propriétaire ne se fit pas attendre !

L’onde sonore qui parvint à mes oreilles me cloua sur place, et je me bouchais vainement les oreilles pour éviter d’en subir les dommages. Je commençais même à fléchir quand on me saisit par l’épaule. Enfin … Saisir était un euphémisme, broyer était plus approprié pour le coup ! J’hurlai alors de douleur, mais dans le même temps, quelque chose changea en moi. Une nouvelle douleur traversa mon corps tout entier, mais j’eus aussi l’impression qu’elle avait brisé mon âme en passant. Lorsqu’on me lâcha, je vacillai, complètement retourné, et ne pu que m’écraser contre l’Orisha, désorienté.

Je mis un moment à me remettre, mais remarquais que le silence était de nouveau de mise dans mon Esprit. Bien sûr, celui-ci ne dura guère, mais les voix familières des Etoiles me réchauffèrent le cœur. J’étais de nouveau perché parmi elles, de retour à la maison ! En me relevant, je remarquais que Cocoon n’était pas resté dans les parages après que je me sois affalé contre lui, et j’eus sincèrement peur de l’avoir fait fuir. En même temps, j’avais lâché un cri assez rauque et flippant - même pour moi - il était donc normal que ça l’ait choqué ! Mais cela ne sembla finalement pas être le cas, puisqu’il revint vers moi le plus naturellement du monde.

« Ben, ça fait toujours son petit effet sur le coup, mais ça va passer ! » D’ici deux ou trois semaines, le temps que mon épaule broyée ne se remette du choc … « Merci. » Et j’avalais cul sec le breuvage, put*i* qu’est-ce que j’avais mal !

« Je pense ouais … J’ai pas envie de faire fermer sa gueule à chaque créature qui passe, pas envie de me suicider en te voyant pris dans le cercle vicieux du Spleen, et les Etoiles ont recommencé à me parler, mais vu comment je les ai envoyé chier pour l’instant, je pense avoir le droit à quelques heures de silence et de solitude dans ma tête ! Par contre, j’ai franchement pas envie de m’attarder ici, pas vraiment envie de retomber sur cette saleté d’esprit ! Faut qu’on fête le retour de nos pouvoirs respectifs, mais cette fois c’est moi qui paye la tournée ! » Et les autres potions pour la douleur, parce que celle là ne suffirait sûrement pas !