Encore mieux que le poisson

Marvin Gaye & Tammi Terrell - Ain't No Mountain High Enough

« Eden ? » Je ne répondis pas. Je ne me sentais pas souvent concerné à l'entente de mon nom. Cela dépendait beaucoup du ton employé, de la personne à l'origine de l'appel, de mon humeur, de beaucoup de choses qui, au fond, n'étaient pas de mon ressort. « Eden ? C'est ici que ça se passe. » Ma queue caressait l'air en vagues souples mais mon regard lui, ne se détachait pas de sa cible. Ce mur était vraiment... fascinant. Je ne saurais pas expliquer en quoi, mais il avait un quelque chose qui me retenait de ciller depuis environ quatre minutes désormais. Les pupilles de plus en plus élargies, je me tenais assis au bord de ma chaise et prêtai si peu d'attention au cours dispensé que j'aurais bien été incapable de dire le nom de la matière enseignée. C'était déjà un exploit que je me sois traîné dans cette salle de torture, ils ne s'attendaient pas à ce qu'en plus, je sois attentif ? « Eden ! » Au même moment, quelqu'un dans mon dos jura, excédé, et je sentis soudain une forte pression sur ma queue. Un miaulement outré gravit mes lèvres et je fis volte-face en une seconde, les lèvres retroussées sur mes crocs. Les babines frémissantes, je feulai bruyamment sur l'élève qui avait sèchement tiré sur ma queue, ce qui n'arracha qu'un rire moqueur à mon agresseur. Il n'en fallut pas davantage pour que je me jette sur lui, tous ongles dehors. J'atterris à plat ventre sur la table et attrapai sa gorge entre mes doigts. Nous finîmes par terre et, éventuellement quelques minutes plus tard, éjectés dans le couloir tous les deux. J'avais la rancœur tenace et le professeur dut sortir pour nous séparer une seconde fois alors que je tâchai vainement de planter mes dents dans la cuisse du garçon.

Frappé par la magie du professeur, je redevins aussi calme qu'un chaton repus de lait. L'autre élève affichait la même tête de benêt, ce que je ne manquais pas de lui faire remarquer aimablement. Il se contenta de me sourire et de nous informer qu'il allait se promener pour se changer les idées. Le professeur me regarda. « Tu vas avoir un vilain bleu autour de l'oeil si tu ne vas pas soigner ça tout de suite à l'infirmerie. » m'informa-t-il avant de retourner à sa classe sans vérifier si je suivais ou non son conseil. De fait, je ne le suivais pas car je savais quand même mieux que lui ce qui était le mieux pour moi, et que j'aimais beaucoup contredire tout le monde en faisant exactement l'inverse de ce qu'ils attendaient.

Les cheveux et l'uniforme défaits, je déambulai dans les couloirs en portant un regard à la fois curieux et désintéressé sur mon entourage. Soudain, je pilai et humai l'air. Une odeur intriguant, familière, me fit tourner la tête si vite que mes cervicales craquèrent (stupide corps humain). Je pris un petit trot pour me rapprocher de l'origine de l'odeur et découvris, sortant des toilettes des filles, une blonde. Son profil se révéla à moi, différent de celui qu'elle avait petite, mais reconnaissable malgré tout. Comment aurais-je pu ne pas la reconnaître ? Mais comment était-ce possible ? Comment pouvait-elle être ici ? Je me rendis compte que je me fichais de savoir pourquoi ou comment. Une excitation fébrile s'empara de moi et je couru à toutes jambes jusqu'à elle. Arrivé à son niveau, je jetai mes bras autour de son cou, non sans y avoir au préalable fourré mon visage pour la renifler de toutes mes forces. Je me serrai contre elle, ronronnant aussi fort que le jour où j'avais eu double ration de poisson bien gras. Enfin, j'encadrai son visage entre mes mains et me mit à frotter le mien dessus, un sourire extatique sur les lèvres. Trop heureux pour songer à me retenir, je passai un grand coup de langue râpeuse sur sa joue.

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Encore mieux que le poisson

Mother Mother - Explode!

Mes oreilles se rabattirent en arrière et mon sourire se fana un peu. L'indifférence froide de son accueil me faisait l'effet d'une tape sur la croupe. Tout déconfit, mes yeux se firent énormes et brillants. Et quoi ? Mauvaise haleine ? Blessé dans mon orgueil et dans mon coeur, j'érigeai tant bien que mal une défense et ramasser ce qu'il restait de ma dignité. « Tu ne me reconnais pas ? » fis-je brusquement, ignorant le reste de ses questions, dont je me fichais car tout ce que je comprenais, c'est qu'elle m'observait avec la même distance qu'avec n'importe lequel de ces clampins à Basphel. J'étais Eden ! Ou plutôt, j'avais été... Quel surnom avais-je eu avec elle ? Sous ma forme de chat, je ne répondais pas vraiment à mon nom de toute façon, mais les choses avaient changé quand j'avais découvert être un Eversha. En tout cas, ça changeait quand ça me chantait, car il m'arrivait souvent de ne pas répondre au nom d'Eden, même sous forme humaine. Parfois, la forme n'importait pas, les gens devaient apprendre que je chérissais ma liberté. Leur accorder du temps et de l'attention n'était pas gratuit, ça se méritait. « Avant, ça ne te gênait pas, je te faisais même la toilette au réveil. » dis-je, accusateur. C'était important de ne pas sortir du lit toute barbouillée, j'attendais un minimum d'hygiène de la part de mes humains, et j'aimais bien ce petit rituel avant de commencer la journée. Je le faisais avec tous ceux avec qui je dormais la nuit, car je ne dormais jamais seul.

Les sourcils froncés, ma bouche se pinça en une moue franchement boudeuse. En tout gratuité, je gratifiai alors sa stupide brochure d'une claque qui la fit tomber au sol. Je croisai ensuite les bras sur mon torse et affichai ma plus belle posture de défi, ce qui, sous forme humaine, ne devait pas être très impressionnante mais je faisais avec ce que j'avais. « Tu vas payer pour ça, longtemps. » articulai-je. « Quand j'étais chaton, tu as obtenu mon affection sans beaucoup d'efforts, mais les choses ont changé. Je ne suis plus le même, je suis un Eversha, et j'ai une autre famille, qui m'aime. » Techniquement, je n'avais pas besoin d'elle, mais elle était Claer, et je ne voulais pas qu'elle se détourne de moi. Je voulais qu'elle soit comme avant, aux petits soins avec moi, qu'elle joue avec moi quand j'en avais envie et qu'elle me laisse dormir sur ses genoux quand j'aurais envie de faire la sieste. Comment osait-elle ne pas me reconnaître ? « Je pensais que tu me reconnaîtrais. Moi, je ne t'ai pas oublié. » lâchai-je avant de me détourner à moitié pour lui offrir mon dos, mais en tournant la tête à demi pour la garder dans un coin de mon champ de vision. Je ne jouais pas la comédie. Bon, si, un peu. Mais j'étais réellement blessé, et je ne craignais pas de le montrer quand il s'agissait d'obtenir quelque chose derrière. Car je savais, quelque part, qu'elle allait devoir se démener pour se racheter auprès de moi une fois qu'elle m'aurait reconnu, et alors, à moi toutes les friandises et les câlins ! Sauf si... Je baissais la tête. « Tu ne m'aimes plus ? Est-ce que tu m'as seulement cherché ? »

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