Les Magiciennes aux prénoms de végétaux
Léonidas & Aubépine

RP précédent :
☛ Laine et noisette font la paire (Basphumi tour I)

♪ Il est celui que je voulais - Les Dix Commandements ♫

Lorsqu’ils arrivèrent enfin à bout du labyrinthe, Aubépine était aussi essoufflée que souriante ; Alcide était sacrément rapide, et ils avaient dû user de leurs cordes vocales un paquet de fois pour dissiper les illusions qui leur avaient fait obstacle avant d’atteindre la sortie. Mais qu’est-ce qu’elle s’était amusée durant ce premier tour ! La Magicienne avait hâte de voir ce que l’AAAP avait en réserve pour la suite.
Après avoir chaudement salué son ami laineux, elle se fit conduire jusqu’à la prochaine salle par une des organisatrices. « J’espère que ça t’a plu ! » Alors qu’Aubépine hochait vigoureusement de la tête, aux anges, sa guide poursuivait : « Pour la prochaine activité, on t’a mis avec Léonidas. Amusez-vous bien ! » D’un geste, elle lui indiqua une porte et disparut.

La jeune fille laissa un moment sa main en suspens sur la poignée, songeuse. Elle ne connaissait personnellement aucun Léonidas mais pourtant le nom lui disait quelque chose. Peut-être que ça lui reviendrait une fois qu’elle le verrait. Elle prit une grande inspiration et entra en trombes.
« Attention, j’arrive ! » tonna-t-elle avec bonne humeur, la voix encore réglée sur le volume des hurlements poussés dans le labyrinthe. Ce n’est que lorsque l’adolescent lui répondit – nettement plus calmement – qu’une ampoule s’alluma au-dessus de sa tête.
Léonidas… c’était l’un des noms qu’elle avait griffonné sur son carnet ! Elle désirait tant les côtoyer qu’elle avait commencé à établir une liste des Sorciers et des Sorcières présents à Basphel ; autant ceux qu’elle avait déjà croisés que ceux évoqués dans les rumeurs de couloirs. C’était lui, son partenaire ? Depuis le temps qu’elle espérait une telle aubaine !

Soudainement rouge pivoine, embarrassée de son entrée fracassante, la jeune fille s’empressa de répondre d’une voix plus basse : « Moi c'est Aubépine, enchantée ! On ne s’est jamais parlé avant, non ? Je ne crois pas. Enchantée ! » Zut. Elle s’était répété, une vilaine manie qui surgissait lorsqu’elle était gênée ou excitée. Présentement, les deux étaient vrais.
Elle attendit que le jeune homme détourne son attention pour essayer de l’étudier de plus près. Manque de bol, sans ses lunettes – écrabouillées et laissées à l’abandon durant l’épreuve précédente – elle ne discernait pas grand-chose d’autre que des formes et des couleurs. Elle n’arrivait même pas à déterminer quel animal était censé représenter son kigurumi. Heureusement, elle parvint à trouver son tabouret sans renverser quoi que ce soit. La pièce n’était pas grande.
« Euh, oui, d’accord. » Aubépine plissa les yeux sur les modèles qui juchaient la petite table. De près, elle y voyait encore moins bien. Son regard remonta vite sur les traits brouillés du Sorcier. Quelle sotte… pour une fois qu’elle avait l’occasion d’être en tête-à-tête avec un Mage Noir… il fallait que ce soit le jour où elle avait oublié de prendre une paire de rechange !
Elle se mordit les lèvres, regrettant profondément de ne pas pouvoir contempler dans ses moindres détails toute la beauté d’un visage sculpté par l’Obscurité Elle-même. Déjà sa sombre aura semblait titiller son cœur ; il battait à tout rompre. La proximité était difficilement soutenable. La petite Magicienne se trémoussait sur son siège, se demandant quelle réponse ferait la meilleure impression. « Tu sais quoi ? J’aimerais que tu dessines… ton pire cauchemar. » L’ombre d’un rictus espiègle joua sur ses lèvres, lui faisant momentanément oublier sa fébrilité. Qu’est-ce qui pouvait bien hanter les nuits d’un Sorcier ? « Il faudra que tu fermes les yeux quand ce sera mon tour. Je ne voudrais pas t’effrayer. »

595 mots

Les Magiciennes aux prénoms de végétaux
Léonidas & Aubépine

♪ Le duel - Roméo & Juliette, Les enfants de Vérone ♫

Les joues d’Aubépine rosirent encore un peu plus à la remarque du Sorcier. On ne complimentait jamais ses yeux. Sans doute à cause des lunettes ? Oui, ça devait être ça. Peut-être aurait-elle intérêt à investir dans des potions corrigeant la vue.
Elle tenta de ne pas trop papillonner des paupières lorsqu’elle vit le visage du jeune homme s’approcher du sien, si près que son souffle caressait sa peau en même temps que la pointe du pinceau. Son imagination allait bon train quand au motif qu’il avait choisi pour le maquillage. Une créature sortie tout droit des Enfers, dotée de grotesques appendices aux allures de tentacules visqueuses et organes atrophiés ? Une Fae a l’air innocent dont le sourire amène abrite en fait plusieurs rangées de dents acérées, trois langues fourchues et un abîme sans fond dans la gorge ? Ou bien serait-ce la représentation abstraite de quelque chose de trop effroyable pour être nommé ? Quelle que fut l’atroce idée qu’il avait en tête, la jeune fille espérait que Léonidas avait du talent en dessin.

En tout cas, il était bon orateur. Tandis qu’il racontait son histoire, le visage de la jeune fille, sous les couches de peinture, avait perdu les couleurs qu’il avait gagné un peu plus tôt. Captivée, pendue aux lèvres de l’adolescent, elle n’eut plus à se reprendre à cligner des yeux ou à gigoter sur le tabouret. Des frissons parcouraient son épiderme pâlissant. Lorsque le pinceau se retira en même temps que le récit en arrivait à sa terrible conclusion, elle reprit son souffle.
« Wouah ! C’était incroyable ! J’espère qu’un jour, moi aussi, je... » ...serai une terrible et dangereuse Sorcière dont le nom serait murmuré sur toutes les lèvres avec crainte et envie, capable de pulvériser ceux qui ne veulent pas ployer sous ma volonté en souriant sereinement ! «… saurai raconter les histoires aussi bien que toi ! » Léonidas l’invitait justement à s’y essayer.
Nerveuse, elle s’essuya les paumes sur son kigurumi et loucha sur les ustensiles et les palettes de couleur. « Bon, je veux bien essayer… ton maquillage sera une surprise, d’accord ? » bredouilla-t-elle en attrapant un pinceau au hasard. Il lui semblait un peu tard pour avouer qu’elle n’y voyait rien sans ses lunettes. Elle allait devoir improviser.
« Les histoires des Magiciens sont un peu barbantes, mais j’en ai une en tête qui pourrait faire l’affaire. » Elle imbiba le pinceau de noir et le hasarda sur le visage du jeune homme.
« Un homme et une femme que tout opposait étaient parvenus à mettre leur différends de côté pour s’aimer. Ça commence bien, non ? Pourtant… leurs familles n’étaient pas du même avis. Car Roméald était un Sorcier et Judette une Magicienne. Ils vécurent leur idylle en secret pendant un moment, jusqu’à ce qu’un jour, la vérité fut dévoilée aux yeux de tous. Les conséquences furent terribles. Les deux familles s’entre-déchirèrent sans jamais parvenir à faire la paix malgré les supplications de nos deux tourtereaux. Des pertes furent déplorées des deux côtés… oh, pardon ! » Elle venait de lui mettre un coup de pinceau dans l’œil, à moins que ce ne fut sa narine ? Aubépine en profita pour changer de couleur, choisissant du rouge, cette fois.
« En fin de compte, Roméald, mu par l’amour qu’il portait à sa dulcinée et à sa volonté de faire la paix entre leurs familles, vit sa magie se teinter de bleu. Lorsqu’il accourut pour porter la nouvelle à Judette, il trouva sa demeure vide et silencieuse, les murs dégoulinant de sang. Il finit par la trouver à l’étage, après avoir enjambé les cadavres qui jonchaient les marches de l’escalier : enveloppée d’une aura sombre et ténébreuse, elle trônait sur une pile d’ossements. Quand elle le vit, elle lui adressa un sourire glaçant et lui dit : « Maintenant, nous pouvons être ensembles. » » Encore une histoire censée dissuader les Magiciens de fleureter avec les mauvaises personnes qui n’avait fait qu’accentuer l’intérêt de l’adolescente pour les Mages Noirs.

Aubépine avait continué de barbouiller le visage de Léonidas, plus concentrée sur son récit que ce qu’elle faisait de ses mains. Ayant terminé, elle recula comme pour admirer son œuvre. Sur un fond noir, des gerbes de couleurs se croisaient et se mélangeaient, principalement des nuances de rouge et de violet. C’était digne d’un nouveau-né apprenant à se servir de ses poings pour la première fois. « Magnifique. Je l’appellerai… « Peur ». » affirma-t-elle avec sérieux malgré la sueur qui coulait dans son dos. « Bon, je suppose qu’on doit nous attendre pour la suite, n’est-ce pas ? Allons-y ! » Elle glissa de son siège et sortit de la pièce aussi vite que sa dignité le lui permettait. Toute à sa hâte de fuir le courroux potentiel du Sorcier, elle n’avait pas pris le temps de regarder ce qu’il avait peint sur son visage.

Message II | 819 mots
Fin !