Mon rire résonna dans l’un des couloirs menant aux festivités. Seul, perdu dans mes pensées, j’imaginais le futur partenaire de Muscarine quand il la verrait. J’espérais que son visage se décomposerait et qu’il fuirait sans demander son reste. Cette truie devait arrêter de participer aux événements de l’AAAP. Que cherchait-elle ? À me mettre mal à l’aise ? Elle était ridicule. Personne ne voudrait jamais d’elle. Cette grosse vache illustrait à elle-seule le dégoût personnifié.

Si je n’avais pas voulu aller aux rendez-vous qui s’étaient déroulés quelques semaines plus tôt, j’avais décidé de ne plus me retenir. Elle avait débuté la valse, je la continuais. Nous ne dansions cependant pas ensemble. Elle tanguait dans un univers dans lequel elle avait l’impression de pouvoir me rendre jaloux : un univers inexistant. Ma piste était garnie de quelques filles. La sienne était déserte. En plus, elle n’avait pas besoin de déguisement : elle ressemblait déjà à une grosse vache.

Lorsque j’arrivai, on me tendit mon pyjama. « C’est un cerf ! Tu as de la chance, j’ai vu quelqu’un repartir avec un costume de pigeon… » Je passai une main dans mes cheveux, pour les ramener en arrière, distrait. « Et ma partenaire ? » demandai-je, sans faire de commentaire sur le reste. « C’est… Lana, l’Ondine. » Mon attention lui fut acquise à ce moment précis. « On vous a vus ensemble il n’y a pas longtemps… Apparemment le courant passe bien. » Je ne répondis pas. J’avais tenté de créer des rumeurs selon lesquelles nous étions en couple mais ça n’avait pas pris. L’actualité était chargée de bien plus juteux et je n’avais pas l’intention d’écraser mon poing sur le nez de qui que ce fût pour me faire entendre. Les choses viendraient petit à petit. Un jour, elle n’aurait plus le choix, de toute façon.

Je la regardai. Elle était toujours aussi parfaite. Elle ressemblait toujours autant à une Sorcière. J’avais toujours envie qu’elle fût à moi. « Quoi donc ? » J’avais retiré ma veste et l’avait posé sur mon avant-bras. Ça me donnait un style. Je l’admirai expliquer son problème, le corps frissonnant. Je souris lorsqu’elle me certifia que je n’avais rien d’un babouin et m’arrêtai pour y réfléchir. Elle était belle. Mes yeux attirés par les siens, je m’approchai davantage. « Personne ne t’attend… » répétai-je. Pourquoi me disait-elle ça ? Était-ce un message codé ? Je me mordis la lèvre inférieure. J’avais envie de la toucher. Je n’étais pas sensible à son mal être. J’aimais qu’autrui se sentît mal. Néanmoins, elle était belle et je me sentais disposé à lui donner ce qu’elle voulait. Je lui tendis le pyjama. « J’espère que ce sera pas mal interprété. Il y a des rumeurs qui disent qu’on est ensemble. » amenai-je. « Tu sais que je suis fiancé, hein ? » lui demandai-je, tout en entrant dans le labyrinthe. « Une Sirène et un Sorcier… je me ferais tuer. » Dans la pénombre, je retirai mon haut. Je n’aimais pas l’idée de me déshabiller en public mais la possibilité d’un rapprochement avec la blonde calmait ma pudeur. Je l’imaginais déjà contre moi, elle et ses courbes idéales. Je la voulais et je l'aurais.

530 mots

« Oui. Je ne peux pas me permettre de faire n’importe quoi. » Je ne savais pas si mon père était du style à étouffer quoi que ce fût. Des Sorciers influents le faisaient pour leurs enfants, et ma mère aurait probablement cherché à ne pas ternir sa propre réputation à cause de moi, mais Lhéasse était énigmatique. Je n’avais pas eu l’occasion de le côtoyer énormément. Avant de devenir Archimage, il avait été au service du Roi en tant que garde du corps d’Aliénor Vaughan. Durant cette période, il ne rentrait quasiment jamais. À présent, s’il nous rendait visite de temps en temps, sa présence restait anecdotique. Cela n’était pas plus mal : l’espoir qu’il fût finalement contre mon mariage avec Muscarine me tenait à flot. Je voulais en discuter avec lui, lui décrire le physique ingrat de cette immondice, lui spécifier qu’elle entretenait une passion horrible pour les champignons et qu’il m’était totalement inenvisageable de la toucher un jour. Y penser me donnait envie de vomir. « Elle a une très bonne position dans la hiérarchie nobiliaire sorcière c’est vrai. » dis-je, tout en me laissant distraire par les mouvements de la Sirène et par la vision de son corps à demi gommé par l’obscurité. Je me mordis la lèvre inférieure, mon regard descendant sur le peu que je pouvais deviner. L’envie s’immisça dans mon bas ventre. Je déglutis et détournai les yeux, la gêne prenant le pas sur le reste à mon plus grand damne. Les Sirènes n’avaient aucune pudeur et c’était bien le problème. Je n’avais pas l’habitude de voir autant. Ça ne m’était probablement même jamais arrivé. De dos, j’en profitai pour retirer mon pantalon et me glisser à mon tour dans le kigurumi, faisant fi de l’espèce de sifflement inquiétant qui semblait se rapprocher de nous. Habillé, je me sentis mieux. Le désir de la déshabiller revint lorsque je la regardai de nouveau. Cette fois, pourtant, le pyjama cachait ses formes. « Il vaut mieux les garder pour nous. » lui certifiai-je. J’avais envie qu’elle crût en ma coopération. En réalité, je n’avais pas l’intention d’œuvrer pour un quelconque rapprochement entre nos deux peuples. Je voulais l’avoir, elle.

Je tressaillis lorsqu’elle me donna la main et refermai mes doigts contre les siens. Elle me plaçait dans une situation que je jugeais inconfortable. Ce qu’elle disait… ce qu’elle faisait… tout son être faisait réagir le mien et je me mettais à espérer qu’elle vînt d’elle-même poser ses lèvres sur les miennes. Je devais garder en tête que j’étais le dominant de notre duo et qu’elle finirait par me manger dans la main. Ce ne serait pas l’inverse. J’eus violemment envie de délier mes doigts des siens pour le lui faire comprendre mais en fus incapable. « Si on nous voit, les gens vont se faire encore plus d’idées... » murmurai-je, tout en la laissant me guider. Je la haïssais.

475 mots