Embrasse-moi

En sortant du labyrinthe, je remerciai Claer à mon tour et me laissai aborder par une fille. Elle avait de longs cheveux blonds, bouclés, et des yeux marrons.

« Pour la suite, ça se passe dans des petites salles qu’on a aménagées. Ça va, t’as pas trop eu peur ? »

Mes lèvres se rejoignirent au centre de ma bouche une seconde puis je pris un air dramatique.

« Si ! C’était horrible ! »

Je remuai les mains comme si j’avais du mal à me remettre de mes émotions. Il valait mieux qu’ils croient que c’était le cas d’après moi. Sinon, ils seraient déçus ou, pire, feraient bien plus horrible au prochain coup.

« Heureusement, j’étais avec Claer ! Comme elle est passionnée par les animaux en tout genre, elle savait quoi faire. Elle est vraiment impressionnante.
— Claer ? Je crois qu’elle sort avec Faust. Comme c’est un Démon, tu vois…
— Je ne savais pas ! Enfin, si, je savais que Faust était un Démon mais je ne savais pas qu’ils sortaient ensemble. Je la pensais plutôt portée sur les Evershas…
— Après, elle a peut-être plusieurs amoureux. Ce n’est pas interdit. D’ailleurs, viens avec moi, je vais te présenter ta partenaire ! Elle est blonde aussi. Moins excentrique mais elle est un peu bizarre je trouve, surtout quand on la sépare de sa jumelle. »

Intéressé, je la suivis.

**

Une fois dans la salle, je posai les yeux sur celle qu’on m’avait présentée comme étant Iphigénie.

« Tu viens d’arriver ? Je ne t’ai jamais vue avant ? »

Ceci expliquerait cela. Je passais littéralement tout mon temps libre dans ma chambre depuis quelques semaines.

« Je suis Ikar, comme elle l’a dit. »

Je ne disais jamais mon nom de famille. Dans le cas actuel, j’aurais pu me vanter si j’avais voulu. Mon père avait dansé avec Elias Salvatore lors d’un bal. Cela dit, je n’avais aucune idée de sa race et je n’aimais pas parler de lui.

Je me mis à tripoter les peintures et à regarder les modèles de maquillage. Les mouvements de mes mains créèrent de la magie sans que je ne la commande. Je m’étais trop entraîné et elle m’échappait de temps en temps. Parfois, les chouquettes se créaient toutes seules. D’autres fois, ma chevelure mutait. Dans le cas présent, la magie d’Embrasse-moi s’activa.

« Tu veux quoi comme maquillage ? J’aimerais bien être un pirate ! C’est sympa les pirates même si ça cherche à déchiqueter les Sirènes. »

Si c'était des Sirènes comme Susannah, ça m'allait. Bon, non, je ne lui en voulais pas au point de lui souhaiter d'être déchiquetée.

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Embrasse-moi

« Ah ça ? Oui c’est vrai. Enfin… dans les faits oui, dans mon cœur je préférerais être autre chose. »

C’était sans doute plus complexe que ça. Je n’avais pas envie de perdre mon rapport à l’eau. Je n’avais pas non plus envie de perdre mes capacités magiques. C’était plus… culturel. Au fond, comme ma mère m’avait rejeté et que les hommes n’étaient pas considérés chez les Ondins, j’avais décidé de rejeter mon peuple à mon tour. Comme je n’avais pas vécu dans l’océan, c’était bien plus facile. Quelques fois, je me disais que discuter avec d’autres garçons de ma race pourrait être une bonne chose, pour voir. Je n’avais pas encore mis cette idée à exécution.

« En Vampire ? »

Concentré, je tournai les pages des modèles pour trouver ce qu’elle souhaitait. Dans ma tête, ce ne serait pas bien compliqué à faire. Il suffirait de tracer deux triangles sur sa lèvre inférieure, de les peindre en blanc et de rajouter une goutte de sang au bout. Cependant, je me doutais que les représentations des Suceurs de sang devaient être plus complètes que ça.

Alors que j’atteignais mon but, je la vis s’approcher. Intéressé par ce qu’elle allait probablement me dire (à moins qu’elle ne vienne pour m’aider à trouver le modèle ?) je relevai le visage. Comme une scène que personne n’aurait pu arrêter, ses lèvres se posèrent sur les miennes. J’écarquillai les yeux. Au beau milieu de mon imagination, quelque chose s’activa. Au lieu de la voir elle, un instant, je sentis les lèvres de Ludoric sur les miennes. J’eus l’impression d’être transporté ailleurs et mon cœur se mit à battre la chamade. Il fallut qu’elle me tombe dans les bras pour que la sensation cesse. Par réflexe, je l’avais enlacée.

Le bruit du malaise sortit d’entre mes lèvres. Mes joues n’étaient plus que deux tomates saupoudrées de piment niveau quatre sur l’échelle servant à mesurer les aliments les plus piquants. Si ça avait été Ludoric, j’aurais atteint le niveau ultime : le niveau dix. Y penser suffisait d’ailleurs à me chambouler totalement, plus que je l’avais été en lisant les contes. Est-ce que j’aurais cette impression à chaque fois qu’une fille m’embrasserait ?

« C’est que… »

Je m’écartai, fixai un moment la pièce dans laquelle nous étions et attrapai les cheveux à l’arrière de mon crâne.

« Généralement on commence par un rendez-vous… »

Un sourire amusé finit par apparaître sur mes traits, sans pour autant effacer les traces sur mes joues. Perturbé par la situation, le mieux restait d’en rire.

« Tu sais que je ne suis pas mon père hein ? Je ne retourne pas les filles comme des crêpes. »

Ce qu’il m’avait dit sur ma mère après que Susannah m’ait jeté de l’arbre m’était resté en tête. Il était infernal.

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