Dra-gon ! Y a pas de lézard !

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Thésée dut attendre quelques minutes pour se remettre de ses émotions. Il aurait aimé tenir la main de sa partenaire jusqu’au bout mais, sous le coup de la frayeur, elle avait détalé en le laissant en arrière. Lui aussi avait eu peur, mais il n’aurait jamais abandonné quelqu’un ainsi. Les larmes lui montèrent aux yeux mais il réussit à ne pas éclater en sanglots au milieu des autres étudiants. Ça lui rappelait trop les Réprouvés. Un coup oui. Un coup non. Il ne pouvait pas vivre ainsi. Il avait besoin de personnes fiables auxquelles se raccrocher, de véritables amis. Pour lui, les Bipolaires ne pouvaient pas en être. Il en avait déjà trop fait les frais. Les seuls avec qui il avait lié de véritables liens n’étaient autres que les Anges qui vivaient, comme lui, à Stenfek. « Tu es Thésée c’est ça ? » « Oui. » « Ta prochaine partenaire s’appelle Maya. On a d’ailleurs noté que la précédente te devait un gage pour s’être trop éloignée. » « Ah oui… » Il ne savait pas ce qu’il lui donnerait comme défi. Peut-être quelque chose visant à lui apprendre qu’abandonner les autres ne se fait pas ? Il soupira. Ses colocataires semblaient tous plus étranges les uns que les autres. Surtout, certains d’entre eux se connaissaient depuis longtemps, ce qui lui donnait l’impression d’être en trop. Il aimait bien Pieris et Adriæn. Johannês avait un caractère affreux, Ræn l’effrayait tant il semblait psychorigide, Sympan était particulièrement bizarre – le bordel qu’il avait accumulé dans le dortoir tout autant – et Sanje ne lui disait rien qui valût. Le dernier l’horripilait, même. « Par-là ! » lui lança le garçon, en l’accompagnant dans une petite salle à l’écart.

Une fois qu’il fut avec la concernée, il la salua, se présenta puis parla de son expérience dans le labyrinthe. « C’était assez effrayant quand même. Moins qu’un Réprouvé qui passe en phase démoniaque mais pas loin. » Il l'avait dit avec humour. Les Bipolaires étaient mille fois plus effrayants. « Ma partenaire est même partie en courant. Et toi, tu l’as vécu comment ? » la questionna-t-il, tout en consultant les instructions et le carnet de modèles. Il remit les cheveux qui tombaient en frange devant son visage en arrière puis laissa ses longs doigts parcourir les maquillages. « J’aimerais bien celui-là… Il est vert et assorti à mon déguisement. » Il aimait trop le pyjama qu’il portait. Il était doux et confortable. Il n’aurait probablement jamais pu porter ça à Keizaal. Peut-être était-il fait pour vivre à Basphel, loin des Manichéens ?

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Dra-gon ! Y a pas de lézard !

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« Vaudrait mieux que tu ne vois jamais ça. » Plusieurs fois, ses parents l’avaient frappé ou insulté. Quand les Réprouvés passaient en phase démoniaque, la violence courait à l’intérieur de leurs veines et créait des conflits à partir de rien. Lorsqu’ils étaient en couple, le conjoint devenait la victime privilégiée des coups. Lorsqu’ils avaient des enfants, ces derniers en payaient le prix, souvent sans raison. Y penser ravivait les blessures de l’Ange. Sa vie à Stenfek n’avait jamais été stable, sauf sur cette problématique précise : à chaque fois qu’il côtoyait ses parents, la peur l’empêchait d’exister. Il se méfiait, tentait de passer inaperçu, faisait constamment attention aux mots qui sortaient de sa bouche, le tout pour éviter que le rêve présent ne se transformât en cauchemar. S’il avait été tout à fait honnête, il aurait pu avouer ne pas s’être retrouvé tant affecté par la défaite des Bipolaires face aux Sorciers. Une partie de lui les détestait profondément.

Thésée écouta Maya lui raconter son passage dans le labyrinthe. « Oh Zeryel ? C’est un Belegad je crois… » Peut-être devrait-il tenter de devenir ami avec l’Ange ? Il n’en était pas certain. S’il avait été blessé comme lui, ils ne feraient que se rappeler les maux du passé en restant l’un avec l’autre. D’un autre côté, ils pourraient se comprendre. « D’accord ! » Il aimait voir l’enthousiasme sur le visage d’autrui. À cause de ses parents, il doutait constamment des autres. Il préférait que leurs sentiments fussent visibles. Ça le rassurait. Il ferma les yeux. « C’est ça. Je pense que ça doit être le cas aussi pour Zeryel, même s’il ne me semble pas l’avoir déjà croisé là-bas. Stenfek est une grande ville alors c'est pas trop étonnant… » Tout le monde ne se connaissait pas, contrairement à Lumnaar’Yuvon. « En même temps les Démons… » Il préféra ne pas continuer sa phrase. Pas qu’il pensât que ces individus ne fussent pas faits pour étudier mais un peu quand même. C’était souvent des brutes, du moins ceux qu’il avait rencontrés. Comme il les évitait, il n’était pas objectif. « Adriæn Kælaria ? Il est dans mon dortoir mais je ne crois pas. C’est un Ondin en plus… Après peut-être mais je ne pense pas qu’on m’ait déjà parlé d’un ancêtre qui aurait eu des aventures avec une Sirène. » Ce n’était pas la première fois qu’on lui disait qu’il lui ressemblait. Il ne savait pas comment le prendre. Le garçon était bien plus populaire que lui. Peut-être devait-il se sentir flatté ? « Tu le connais ? » demanda-t-il. « Parce que, franchement, dans mon dortoir, il n’y a vraiment qu’à Adriæn et à Pieris que je fais confiance. Les autres sont un peu bizarres voire carrément flippants. Et toi, dans ton dortoir, ça se passe bien ? »

Quand ce fut à lui de la maquiller, il rouvrit les yeux et se mit au travail. « Et toi ? Tu appartiens à quel peuple ? » Il ne sentait pas son Ma’Ahid et n’aurait pu deviner. « Ça fait longtemps que t’es à Basphel ? » Il ne lui semblait pas l’avoir déjà vue auparavant mais il n'était là que depuis peu et était encore tout perdu entre les murs de l'école.

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