Les problèmes, chapitre 36

Musique

« Quoi ? Mais j’ai pas envie d’avoir une autre partenaire ! Si c’est pour retomber sur une folle, ça va bien hein ! » « Mais ce sont les règles ! » objecta l’organisatrice. « Tes règles, tu peux te les mettre où je pens… » « T’es avec ta copine ! » le coupa-t-elle. Il en resta sans voix. « Hein ? » « T’es avec Susannah. » « Mais c’est pas ma… » « Allez, à d’autres ! » fit-elle, en lui envoyant un clin d’œil complice. « Titouan vous a vu vous rouler une pelle à Seaghdha. » « Ti… Quoi ? » Elle haussa les épaules. « Tu peux nier si tu veux mais bon, vu comment elle lui a refait le portrait, je pense qu’il a tapé juste. C’est une déclaration d’amour je suppose. » « Quoi ? » « Bah oui, elle est allée lui casser la gueule pour qu’il arrête de raconter des conneries sur toi par jalousie. » « Mais ça va pas bien hein… » « Bah tu la connais mieux que moi mais Susannah n’a pas l’air du genre à avouer qu’elle est amoureuse. L’amour doit plutôt passer par ses actes. » Læn réfléchit aux actes de l’Ondine. C’est vrai qu’elle lui avait rendu son baiser. D’un autre côté, depuis, ils ne s’étaient pas revus. Néanmoins, elle avait eu l’air troublée par rapport à sa non-présence au bal. Il ne la voyait pas timide mais peut-être que c’était ça… elle n’osait peut-être pas venir le voir et attendait qu’il vînt ? Non. Impossible. « Ouais nan je crois pas. » « Et toi ? » « Quoi moi ? » « Tu l’aimes ? » « Hein ? Mais je ne… » « Bon, de toute façon, c’est par là ! Tu viens ou tu retournes te coucher, t’as le choix. » Il ronchonna. « Ouais c’est bon, je viens… »

Quand il fut seul avec Susannah, il ressentit plusieurs sentiments distincts : la volonté de l’embrasser encore malgré le faux sang qui maculait son visage, le désir de partir, une pointe de ridicule à cause de son déguisement de cochon et, aussi, un soupçon d’hilarité à la voir affublée de grandes oreilles. Avait-elle un pompon au niveau des fesses ? En fait, malgré lui, il trouvait ça assez sexy. Dans sa tête, des pensées diverses le tourmentaient. Il y avait son propre mal-être à cause de son pyjama qu’il avait mis à l’arrache par-dessus le reste de ses vêtements. Il y avait ce qu’avait dit cette étudiante qu’il ne connaissait pas. Il y avait tout un tas de trucs. « Ouais euh bon… En fait, avant qu’on fasse ce truc pourri là… » Il parlait du maquillage. « …il faut que je remette bien mon pyjama parce qu’il y avait cette fille dans le labyrinthe et franchement… » Un moment, il l’imagina le lui enlever. Son regard se figea et quand il prit conscience de son envie, il se râcla la gorge. « Bref… Si tu veux bien te tourner… Parce que j’aimerais enlever ce que j’ai en dessous, je meurs de chaud. » Ce n’était peut-être pas qu’à cause du pyjama, même s’il y contribuait férocement. Il se rendait bien compte qu’il évitait les sujets fâcheux. Ses doigts commencèrent à s’activer sur les boutons de la combinaison. « Méduz me manque un peu, même si je crois que Pieris en avait peur… » Il se pinça les lèvres, inspira et releva les yeux. « Tu m’aimes ? » demanda-t-il, avec autant de tact qu'un Réprouvé chargeant un Goled.

581 mots

Et aucune solution à l'horizon
Læn & Susannah

☙ Hercule - Jamais je n'avouerai

« C'est une surprise. » Susannah plissa les yeux. « Je n'aime pas vos surprises. La dernière fois, vous m'avez coincée avec un Démon qui a tout du caractère, et le physique, d'un chihuahua, puis avec Claer, cette - » « Plus de coup fourré, c'est promis. On a mieux fait nos calculs cette fois. Ça s'est bien passé, avec Lazare, non ? » « Humf. » fit la bleue, dubitative. « Humf. » fit-elle encore en constatant auprès de qui on la menait. Ignorant les signaux d'alarme déclenchés dans tout son corps et le début de ce qui ressemblait dangereusement à de la panique, l'Ondine songea que ce moment conviendrait autant qu'un autre pour clarifier ce qu'il s'était passé. Par crainte de devoir justifier un comportement qu'elle-même ne comprenait pas, elle n'avait pas cherché à le recroiser, s'était débrouillée pour éviter la cantine aux heures où il y travaillait, s'était occupée à rappeler à tout le monde que ses égarements étaient de l'histoire ancienne. Johannês représentait l'épreuve finale vers sa rédemption, l'ultime problème à résoudre, et pas le moindre.

Leurs genoux se touchaient presque. De près, son déguisement lui donnait un air encore plus bête. Bête et mignon, un peu, reconnut-elle dans un murmure mental, tout au fond de sa conscience, là où personne ne l'entendrait jamais. Son sourcil se redressa à la mention de la fille dans le labyrinthe et à ce qu'il sous-entendait. Il ne fallait pas lui faire un dessin pour comprendre le lien entre ses vêtements débraillés et cette fille qu'elle détestait déjà. Est-ce qu'elle aussi, il l'embrassait à pleine bouche contre un mur sans lui fournir une seule explication ? Jusqu'où avaient-ils pu aller, dans la pénombre du labyrinthe ? Elle se souvenait avoir entendu au loin un gémissement. Ses yeux se mirent à lancer des éclairs et ses lèvres se pincèrent si fort qu'elles pâlirent. Elle croisa les bras sous sa poitrine. « Pourquoi est-ce que je devrais me retourner ? Sauf erreur, ça ne t'a pas gêné d'être à moitié nu devant moi la dernière fois à Seaghdha. » De toutes les choses confuses s'étant produites là-bas, entre l'alcool et les effets de l'Aliénation, le souvenir de ses mains remontant le long de son torse avant de se nouer sur sa nuque était lui, horriblement limpide. Elle se ressaisit, cillant comme si ses paupières pouvaient à elles seules produire assez de vent pour refroidir le feu que ses pensées avaient fait naître.

Sa question engendrée de nulle part la figea sur place, avant qu'un rire incrédule ne fendille le masque de sa surprise. « Comment ? Je quoi ? » Est-ce qu'il était tombé sur la tête dans le labyrinthe ? Ou est-ce que cette fille lui avait retourné le cerveau en plus de lui retourner ses vêtements ? « Que tu es bête ! Tu penses que je t'aime ? Je crois que tu confonds. » Elle se pencha en avant et ses poings se refermèrent sur les deux pans du kigurumi pour le rapprocher. « Tu la ressens, toi aussi, non ? Cette attirance. Je le vois à ta tête, tu ne le cache pas très bien. Tu peux nier, mais ce ne serait pas très productif. Je sais, depuis Seaghdha. » Et l'autre pendant de ce fait, c'est que lui aussi savait. Son regard descendit sur ses lèvres, s'y arrêta quelques secondes, et remonta. Elle ne pouvait pas être la seule à avoir envie de fourrer ses mains sous cet hideux pyjama. Elle ne pouvait pas être la seule à se ressasser en boucle ce qu'il s'était passé. À penser à lui sans cesse jusqu'à en avoir la cervelle atrophiée, jusqu'à être incapable de se concentrer sur autre chose. « Je vais être honnête avec toi. Je n'étais pas moi-même là-bas, je pense que c'est évident. J'ignore ce qu'il s'est passé exactement et pourquoi j'ai pu agir comme ça, mais il y a une chose qui demeure, c'est que j'ai envie de toi, et ça me rend un peu folle, et ça me donne un peu envie d'aller arracher la tête de cette fille qui t'a tripoté dans le labyrinthe, et la tienne pour l'avoir laissée faire. » Elle en avait trop dit. Ses oreilles tintaient sous le poids de ses mots. Elle s'était laissée parler, emportée par la chaleur qu'il faisait naître dès qu'il était trop proche, comme de l'alcool pur injecté directement dans ses veines. Elle serra les lèvres à nouveau, irritée de ressentir autant quand il ne méritait que son indifférence et son mépris.

Message I | 793 mots

Les problèmes, chapitre 36

Musique

Læn sentit quelque chose de désagréable s’infiltrer en lui. Il détestait quand Susannah lui parlait ainsi. Elle n’était pas pareil qu’à Seaghdha. Elle jouait de nouveau les crâneuses et ça le soulait. Ne pouvait-elle pas lui parler normalement ? Avait-elle besoin de chercher à le déstabiliser ? Elle croyait quoi ? Qu’ils étaient en compétition ? Qu’il était là pour lui piquer son goûter ? Un soupir tenta de s’échapper de son nez mais il fut stoppé par la prise de la bleue. Il ouvrit la bouche sans rien répondre. Mentalement, il se défendit de ne rien chercher à cacher du tout. Bien sûr, il était de mauvaise foi, mais il n’allait pas crier dans les couloirs son désir envers elle. Et puis, de toute façon, si elle ne l’aimait pas ça n’aurait aucun sens. Il déglutit cependant. La proximité créait chez lui des vagues de chaleur qui lui semblaient insurmontables. Il en avait marre de ce foutu kigurumi. Il avait envie de tout enlever, de se barrer et de la laisser en plan, elle et ses mots inappropriés, elle et ses remarques blessantes. Alors qu’il fronçait les sourcils, la suite le laissa sur le cul. « Quoi ? T’as quoi ? » Il avait très bien entendu mais il devait analyser la situation, chose qu’il n’avait pas l’habitude de faire. Dans sa tête, la possibilité de la chopper et de lui faire des trucs sur la table passa. Il sentit sa gorge s’assécher. Il détestait être assis. Il avait l’impression de s’empatter et d’être con. Et s’il restait si proche d’elle, il allait finir par faire une connerie.

Comme un ressort, il se leva et se plaça derrière son propre tabouret qu'il choisit en protection. Il devait enlever ce putain de pyjama et s’y appliqua en se disant que ça lui changerait les idées. En plus, dans son plan parfait, sa pudeur calmerait ses ardeurs. Parler de Nel aussi. D’un ton agacé – parce qu’il était dépassé – il pointa un doigt accusateur sur la Sirène. « Il n’y a rien entre elle et moi. » Il dut le ranger pour retirer les bras de son kigurumi. « Elle est complètement tarée. La première fois qu’on s’est vus, elle m’a touché les parties ! Comme ça ! Juste comme ça ! » Y penser l’énervait pour de vrai. Il se débarrassa de sa peau de cochon. Ne restait plus que le tissu en dessous. « Alors que j’avais les mains attachées ! » Il se figea tout à coup, en déboutonnant la chemise de son vrai pyjama ; la seule chemise que Pieris n’avait pas volée. « Eh mais… » Un éclair de génie venait de le traverser. « Pourquoi t’aurais envie de lui casser la gueule si tu ne m’aimes pas ? » En vérité, ça lui semblait plus ingénieux dans sa tête. Il soupira et retira sa chemise. Ça lui coûtait un peu mais d’un autre côté, il avait envie de savoir si ça la ferait réagir. Il se sentait étrangement tendu. Il voulait plus que des disputes et des mots assassins entre eux. Dans sa tête, il voyait plus. « Et moi aussi j’ai envie de toi, ok ? Et franchement ça m'agace parce que t'es méga chiante ! » dit-il, avec le même ton que s’il faisait entendre des revendications salariales. C’était d’ailleurs la raison pour laquelle il n’avait aucune envie d’enlever son pantalon. Il y avait des choses qui passaient difficilement inaperçues. Enfin, s’il devait être franc, il aurait aimé que ce fût elle qui le lui retirât.  

572 mots

Et aucune solution à l'horizon
Læn & Susannah

☙ Grease - You're The One That I Want

Il se plaignait d'avoir été touché par une fille ? Susannah se mordit l'intérieur des joues pour ne pas rire. Ce que les Magiciens pouvaient être prudes. Avec eux, un effleurement devenait une offense faite à la sainte pudeur. C'était à se demander comment ils arrivaient à se reproduire suffisamment pour perdurer. Son sourire s'effrita aussi vite qu'il était venu. « N'importe quoi. » S'il persistait à la pousser à une confession romantique, il allait au devant d'une grosse déception. Jamais elle n'avouerait, même si c'était vrai, et surtout si c'était vrai. Mais ça ne l'était pas, pas vrai ? N'ayant pas de meilleure répartie à disposition pour se défendre - et il devenait extrêmement difficile de réfléchir en le voyant se déshabiller progressivement - Susannah quitta aussi son tabouret. Même avec ses oreilles de lapin, elle n'arrivait pas à sa taille. Ça ne l'empêcha pas de lever une main pour venir pincer le bout de son nez. Une lueur joueuse éclaircissait le gris de ses iris. « Ils ont bien choisi ton kigurumi. Tu as vraiment un caractère de cochon. Et à quoi tu joues ? Je viens de te dire que je te veux, et toi tu te déshabilles. Tu es stupide ou tu le fais exprès ? Tu pensais que j'allais sagement rester assise à profiter du spectacle ? Je n'ai pas pour habitude de ne toucher qu'avec les yeux. » Quand elle voulait un gâteau, elle le prenait, elle ne se contentait pas de l'admirer dans son emballage. Bien vite, il finissait dans sa bouche. Joignant le geste à la parole, elle déposa ses paumes à plat sur son torse et les fit descendre dans une danse aléatoire. Elle aurait voulu y poser ses lèvres aussi, retracer les courbes de chaque muscle, le goûter tout entier. « Puis tu me parles de cette fille, qui t'attache et qui te touche, comme si ça n'allait pas me donner des idées. » Ses yeux remontèrent se verrouiller sur les siens, peuplés de désirs et de promesses. Il y avait eu des fois où elle avait ressenti un picotement de chaleur quand Titouan s'aventurait à la toucher quand il l'embrassait, mais toujours avec d'excessives précautions. Il n'osait pas assez et sa lenteur éteignait promptement ce qu'il avait pu éveiller. Mais au contact de Johannês, c'était comme s'immerger dans un bain impossiblement brûlant et le niveau de l'eau ne faisait que grimper. La ceinture freina la progression des mains de la bleue. Elle commença à la défaire. « Je pourrais t'attacher moi aussi, avec cette ceinture par exemple. » Sa main se glissa à l'intérieur de son pantalon. « C'est comme ça qu'elle t'a touché ? Mais je ne m'arrêterai pas là. Ensuite... » « Vous avez fini de vous maquiller ? Oh. Ah. Désolé. » Le garçon de l'AAAP s'empressa de refermer la porte qu'il venait d'ouvrir à la volée et Susannah surprit son sourire entendu juste avant qu'il disparaisse. Elle se retourna vers Johannês. Elle retira ses mains mais ses joues conservèrent leur couleur de framboise écrasée. Non sans difficultés, elle tâcha de reprendre la maîtrise de son souffle, court et chaud comme si elle sortait d'un sprint. « C'est si agaçant. » Cette remarque valait pour tout mais elle se surprit à rire, pas véritablement contrariée. Elle ramassa le kigurumi et le plaqua contre lui. « Remets ce pyjama de cochon ou je... Je... Bref. Tu sais quoi. » Elle se frappa les joues pour se reprendre, sans succès. Sa tête tournait comme une toupie. « Qu'est-ce que tu vas faire après ? On n'est pas obligés d'aller à cette soirée. Ce n'est pas ce dont j'ai envie. On pourrait s'éclipser. » Ils ne s'étaient pas maquillés, elle avait son heure de colle après, mais elle se fichait de tout ça. « Et si je suis si chiante, tu n'as qu'à me faire taire, si tu le peux. »

Message II | 674 mots