Contrairement à ma future femme, la fille qui m’avait invité avait un physique idéal. Dans une robe typiquement sorcière, elle serait mise en valeur à la perfection. Au cours de notre promenade, j’avais plusieurs fois eu l’occasion de me placer derrière elle. J’avais apprécié ses chevilles fines, les courbes de ses jambes qui frôlaient parfois le tissu de sa robe. Sa taille était cintrée, son buste droit et ses bras élancés. Sa poitrine laissait envisager qu’elle pourrait allaiter ses futurs enfants sans difficulté. À côté d’elle, Muscarine ressemblait à un amas de chair putride. Allaiter ? Elle étoufferait son bébé entre les bourrelets de son ventre et de ses seins. Son lait devait sortir écaillé, avarié, puant. Quant à son utérus, il devait être aussi fertile que les paysages d’Amestris. « J’aurais probablement étudié. » Parce que je comptais bien avoir un statut au moins équivalent à celui de mon père. Les Mages Noirs clamaient haut et fort que Basphel ne valait en rien l’éducation d’Amestris. Néanmoins, les faits parlaient d’eux-mêmes. Ceux qui sortaient de l’école des Îles Suspendues devenaient Chancelier des Ténèbres ou Empereur Noir. Certains n’étaient pas issus de l’établissement mais, malgré les critiques, une majorité de puissants y avaient au moins effectué une année ou deux. Là était le chemin que je désirais suivre. « Néanmoins, faire des pauses de temps en temps est une bonne idée. » Si ça avait été une fille moins attirante, j’aurais refusé. J’aurais dû refuser. Elle m’avait simplement pris de court. Rongé par les images du physique de Muscarine, l’apparition de Lana n’en avait été que plus étincelante. J’avais instantanément désiré la posséder. Plus tard, elle serait ma femme. Une parmi d’autres mais un beau joyau dans ma collection. Une qui pourrait porter mes enfants sans les salir de sa sueur graisseuse. Attachée, son visage de poupée à demi caché par sa chevelure, elle devait être encore plus belle.

Je laissai mon regard glisser sur mon cocktail couleur olive. Les deux teintes de nos boissons se mariaient bien. « Je ne suis jamais venu ici non mais je suis déjà allé dans plusieurs régions du monde, notamment avec mon père. Il voyage du fait de ses fonctions. » Je n’allais pas lui avouer qu’il se rendait surtout et avant tout chez les Magiciens depuis qu’il était Archimage. Il valait mieux rester vague et la laisser imaginer ce que son esprit désirait voir. « Pourquoi, tu es déjà venu à Seaghdha ? » Je bus une gorgée de ma boisson. Le kiwi ressortait beaucoup, si bien que l’acidité me mit l’eau à la bouche. « Je viens d’Amestris. Et toi ? » J’ignorais également sa provenance. Qu’elle fût une Sorcière ne m’aurait pas étonné. Elle en avait l’élégance et les manières. Elle portait néanmoins trop de clair à mon goût. En noir, elle aurait été sublime.

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Je prédis une grande désillusion  

Mes yeux se plissèrent au ton de sa voix. Quelque chose n’allait pas. Je le sentis au plus profond de moi. Je repensai à ce que je m’étais dit : qu’elle fût une Sorcière ne m’aurait pas étonné. Je compris qu’elle n’en était pas une. Un mauvais pressentiment glissa le long de ma colonne vertébrale. « Inattendu ? » N’avais-je pas l’air d’un Mage Noir ? Comment le prendre ? Certains l’auraient bien pris, surtout parce que paraître aimable offrait des perspectives, comme celle de manipuler autrui aisément. Néanmoins, je ne faisais pas partie de ces « certains ». J’étais un Sorcier et n’avais pas à m’en cacher. Mon père était un Chancelier des Ténèbres et je n’avais aucunement l’intention de paraître gentil dans l’objectif d’arriver à mes fins. L’élégance était une qualité que je désirais m’approprier pleinement, mais certainement pas d’autres caractéristiques propres aux Mages Blancs et à tous ces étrangers aussi bénéfiques qu’insupportables. « C’est le cas des idiots. » murmurai-je, la voix plus faiblarde qu’auparavant. Je ne vivais plus que pour une chose : la sentence que ses lèvres allaient prononcer. Et elle tomba, rude. Je serrai les dents. Comment avais-je pu comparer une Sirène à une Sorcière ? « Je vois. » réussis-je à prononcer. Pour une Ondine, elle restait belle, magnétique. Une vraie vipère. « Certainement. » Plutôt crever. Jamais de la vie. Tout le monde connaissait l’histoire de Niklaus et de Vanille. L’alliance entre nos deux peuples auraient pu advenir mais la dernière avait trahi le premier. Je n’étais pas sûr de savoir pourquoi. Nous aurions pu régner sur les terres et les océans, ensemble. La finalité avait été tout autre. Que ferait-elle si j’acceptais de me rapprocher d’elle ? Que ferais-je moi-même ? L’utiliser contre Muscarine me passa par la tête. Quelle humiliation plus cuisante pourrais-je lui infliger que celle de la tromper avec une fille des océans ? Aucune. Je me levai à mon tour et, avant qu’elle ne s’en allât, j’attrapai sa main. « Attends. » lui dis-je. La toucher m’électrisa. Elle était bien plus belle que ma future femme. Plus élégante. Je repensai à sa silhouette, coincée dans une robe noire. Je la regardai un instant puis la lâchai. « Non rien. Tu as raison. Il vaut mieux que tu t’en ailles si on t’attend. » Muscarine ressentirait l’outrage mais que dirait-on de moi ? Ce serait probablement pire, sauf si je la bernais et qu'elle finissait dans mon aquarium personnel. « J’ai juste été surpris. Je pensais que tu étais une Sorcière. » lui avouai-je. L’image de mes ongles se plantant dans sa peau s'imposa à moi. « J’imagine que tu ne te doutais pas non plus que j’étais un Sorcier… » Pour quoi m’avait-elle pris ? « C’est dommage. » conclus-je.

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