« T'as entendu ? » chuchota une fille dans le dos de Marie-Jane. « C'est à cause d'elle que Titouan s'est fait casser la figure. » « Ah oui, c'est vrai... Il parait qu'elle est amoureuse de Kiara... » « A force de détester les hommes, voilà que les sirènes s'aiment entre elles. » commenta la première avant de pouffer de rire, de cette manière qui se voulait discrète et pourtant ostensiblement bruyante. « Mais alors pourquoi elle a embrassé Johannês ? » « Non non, c'est l'inverse ! C'est lui qui l'a embrassée et qui lui a demandé de sortir avec lui. C'est ça qui a pas plu à Titouan. Le pauvre, il avait le cœur brisé. » « Ah ouai... Et du coup... ? » « Bah du coup, Titouan s'est plein du baiser, mais c'est remonté jusqu'aux oreilles de Kiara, et ça a causé des problèmes à Susannah. Celle-là a cru qu'elle se vengeait d'être allée voir ailleurs et elle a menacé de la quitter. Ca ne lui a pas plus du tout, c'est pour ça qu'elle a explosé... » « Ah oui... Il parait qu'elle était vraiment enragée avant d'aller lui régler son compte. Juliette était dans les toilettes quand elle a déréglé toute la tuyauterie. » « Halala. En tout cas, si cette pute avait pas commencé en écartant les cuisses, tout ça serait pas arrivé. Pauvre Titouan. Lui, tout ce qu'il a fait, c'est aimer Johannês. »
Marie-Jane releva les yeux vers l'ondine, la boule au ventre, l'air attristé. Elle aurait voulu se retourner et dire à ces commères que tout ça ne les concernait en rien ! Cette histoire était à régler entre le quatuor, et les yeux comme les oreilles indiscrètes ne faisaient qu'empirer la situation. Elle n'en fit rien et garda son silence habituel, qui la rendait complice bien malgré elle.
La Lyrienne se redressa et, le carnet de chant à la main, elle se dirigea vers sa camarade. Elle l'écouta quelques secondes, ne souhaitant pas interrompre son chant. Le professeur allait bientôt arriver, et certains élèves commençaient déjà à s'échauffer les cordes vocales. « Tu as vraiment une très jolie voix... » complimenta la rose en se plaçant à côté de la blanche. « Est ce que tu penses que tu pourrais m'aider pour ce passage, s'il te plait ? » fit-elle en lui indiquant un passage sur la partition. « Je ne me souviens plus très bien de l'air... » avoua-t-elle d'un air piteux. Lorsque la cible des ragots lui rappela l'air de chant, la fille de la craie la remercia d'un sourire timide. « En... En vérité... Ce n'est pas pour ça que je suis venue te voir... » admit-elle. Elle avait le cœur qui s'affolait, des fourmis dans les jambes. Elle n'avait pas l'habitude de faire le premier pas vers les gens qu'elle ne connaissait pas. « Adriæn m'a dit que tu pourrais peut-être m'aider à monter un projet pour les Enfants des coeurs... »
Dernière édition par Claer le Ven 13 Oct 2023, 20:30, édité 1 fois
Lana Kælaria ~ Sirène ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 260 ◈ YinYanisé(e) le : 20/01/2021◈ Activité : En études
Les chuchotements remontaient en longs frissons le long de son dos. La Rehla faisait de son mieux pour les ignorer. Plus le temps passait, plus les rumeurs gagnaient en absurdité. On ne parlait plus seulement de Lucius et d’elle, d’une nuit sans lendemain qui la transformait en fille de petite vertu ; on mélangeait son histoire à celle de Susannah, Titouan et Johannês, et à bien d’autres encore. Kiara ne savait pas comment réagir. Elle n’était pas armée pour répliquer à ce flot de paroles crépitantes de mensonges. Qu’aurait-elle dû faire ? Dire la vérité ? Que Lucius l’avait séduite ? Qu’elle était follement tombée sous son charme ? Qu’elle avait aimé faire l’amour avec lui ? Qu’elle aurait pu faire pire, en couchant aussi avec Dastan ? Qu’elle n’arrêtait pas de penser au Magicien ? Que son cœur cognait plus fort dès qu’elle entendait son prénom ? Et qu’il trébuchait dès qu’elle apercevait la silhouette d’Adriæn ? Qu’elle attendait désespérément une lettre du Paiberym ? Qu’elle lui avait écrit, parce qu’elle était enceinte ? Elle redoutait que cette information s’ébruitât. Elle la gardait précieusement. Depuis son retour de Seaghdha, elle n’avait donné aucune nouvelle à ses parents. Elle attendait la réponse de Lucius.
La blanche s’éloigna pour se placer devant un pupitre. Elle ouvrit la partition à la page concernée. Elle la parcourut rapidement, avant de s’éclaircir la voix pour débuter ses vocalises. Quand elle se rendit compte d’une présence à ses côtés, elle se tut et pivota vers la jeune fille. C’était Marie-Jane. Timide invétérée, toujours discrète, elle semblait s’être donné pour mission de ne jamais se faire remarquer. En général, elle s’installait directement dans son coin et on ne l’entendait que pour chanter. « Merci. » Elle lui sourit. L’adolescente était aussi connue pour sa gentillesse, si bien que la fausse Ondine ne se méfia pas. « Oui, bien sûr. Ça commence comme ça. » Elle entonna les premières notes et poursuivit jusqu’à ce que la rose fût capable de répéter l’air. « Ah… » Malgré le visage penaud de son interlocutrice, le doute brilla dans ses prunelles. Elle commençait à trop avoir l’habitude des mauvaises farces ou des approches douteuses. « Adriæn ? » fit-elle, alors que son palpitant s’affolait. Son visage détendu par la surprise se crispa. « Quand est-ce que tu l’as vu ? Apparemment, il a dit qu’il ne voulait plus entendre parler de moi. » Ces quelques mots qu’on avait versé à son oreille l’avait fissurée toute entière. Elle les avait entendus de la bouche de plusieurs personnes. Souvent, ils étaient plus violents que ce qu’elle venait de prononcer devant Marie-Jane. Parfois, il y avait le mot « pute », qui courait déjà sur trop de lèvres. Qu’il eût pu dire cela l’avait profondément blessée. Au moins autant que quand elle avait appris, quelques jours plus tôt, qu’il s’intéressait à Hélène. Elle détourna le regard et baissa la tête. « Désolée, c’est juste… » Elle balaya l’air de la main. « Qu’est-ce que c’est, ton projet ? »
Message I – 506 mots
Claer ~ Lyrienn ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 126 ◈ YinYanisé(e) le : 10/02/2023
Marie-Jane écarquilla les yeux sous l'effet de la surprise. « Quoi ? » croassa-t-elle d'une petite voix. « Non, il doit y avoir erreur. » affirma la rose en secouant négativement la tête. « On a discuté hier et il se faisait du souci pour toi. » Il y avait forcément méprise. Le blond lui avait paru si soucieux de son état, cela ne faisait aucun sens qu'il ne veuille plus la voir ou lui parler. En revanche, la réaction de la paria confirmait les craintes de l'Ondin. Kiara avait réellement l'air déprimée. Oui, c'était sûrement ça. Elle devait avoir tellement honte, crouler sous le poids des rumeurs qu'elle se refermait sur elle-même et se coupait de tout le monde, même de ses amis. C'était triste, et ça fendit le cœur de la gentille. Elle aurait voulu l'inviter à prendre un chocolat chaud et discuter de choses joyeuses sous un fort de couvertures et d'oreillers. La Lyrienne n'avait pas souvenir d'avoir fait ce genre de choses mais elle avait lu un roman où une scène similaire était décrite et elle avait depuis l'envie de recréer cette atmosphère apaisante. Elle n'avait jamais osé inviter qui que ce soit, ni se confier sur ce désir. Ca paraissait trop enfantin, désormais. « Oui, il est vraiment inquiet pour toi, tu sais... » Ce n'était pas le seul. La choriste aurait aimé oser demander comment se sentait la blanche, mais elles ne s'entendaient pas suffisamment bien pour que la timide se sentisse légitime à une telle invasion de sa vie privée. A la place, elle se contenta d'esquisser un sourire.
« Oh, oui ! » Se souvenant finalement de la raison de leur échange, Marie-Jane se rasséréna. Elle expliqua en quelques mots le projet de bourse, puis détailla la mission qu'elle avait en tête pour la blanche. « Il faudrait monter un petit spectacle de chant et je me suis dit que tu pourrais m'aider parce que... » Les mots restèrent bloqués da sa bouche quelques secondes, avant qu'elle ose les souffler dans un murmure un peu plus bas. « Parce que tu as une jolie voix. » Aussi parce qu'elle était douée dans ce domaine, et que beaucoup la respectaient pour ça. Du moins, c'était l'opinion que se faisait la rose. La situation avait peut-être changé au vu des noms dont ont l'insurgeait, mais la Walok’Krine restait campée sur sa position. « Est ce que ça t'intéresserait ? » demanda la plus discrète en relevant la tête, qu'elle avait précédemment baissé. « On pourrait se retrouver un peu plus tard pour discuter des chansons qu'on pourrait présenter ? » Chanter apaiserait peut-être le cœur de la blanche.
Lana Kælaria ~ Sirène ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 260 ◈ YinYanisé(e) le : 20/01/2021◈ Activité : En études
Kiara scruta Marie-Jane, étonnée et hésitante. « C’est vrai ? Il t’a vraiment dit ça ? » Pourquoi n’était-il pas venu la voir, dans ce cas ? Pourquoi avait-il instauré tant de distance entre eux ? Il lui avait si souvent semblé qu’il cherchait à l’éviter. Était-ce à cause de Lucius ? La nouvelle de son aventure avec lui l’avait-elle réellement blessé ? Elle pinça les lèvres. Tout ici la poussait à regretter cette nuit. Le silence du Magicien aussi. Sa lettre lui était-elle parvenue ? Avait-elle suivi le cours sinueux d’un colis égaré ? L’avait-il lue ? L’ignorait-il ? Elle prit son index gauche dans sa main droite et le malaxa distraitement, anxieuse. « Il y a plein de gens qui disent le contraire… On ne sait plus qui croire, avec toutes ces histoires. » Elle baissa les yeux sur ses poignets. Et Hélène, dans tout ça ? Éprouvait-il véritablement quelque chose pour elle ? L’AAAP les avait placés ensemble. On racontait aussi qu’à Seaghdha, ils étaient partis tous les deux « aux toilettes » et qu’ils étaient revenus le sourire aux lèvres. Kiara se mordit l’intérieur des joues. Elle aurait aimé que les vacances approchassent plus vite. Elle avait besoin de temps seule, loin d’ici. Son regard remonta sur son ventre. Que dirait Adriæn, s’il apprenait pour la grossesse ? Elle déglutit et releva la tête, prête à écouter Marie-Jane. Sa voix claire lui permit de se changer les idées, au moins quelques instants. « Merci. » Elle sourit, un peu gênée, et jeta un coup d’œil aux autres élèves. Les dernières semaines lui avaient plutôt donné envie de se faire discrète, elle aussi. Parfois, elle désirait tout envoyer balader et rouer de coups ceux dont les langues médisaient sur sa personne, mais elle n’en avait pas la force. « Oui, bien sûr. Vendredi soir, ça t’irait ? »
« Salut ! » Souriante, Lana s’approcha à grands pas des deux filles, ses partitions serrées contre sa poitrine. Elle était si satisfaite d’elle-même que leur proximité ne la gêna pas. Ses efforts pour faire croire qu’Adriæn ne voulait plus adresser un mot à Kiara commençaient à payer. Elle avait agi le plus discrètement possible, sans se mouiller. Il suffisait de peu : une fois lancé, ce genre de maléfice se répercutait en écho contre tous les murs de l’école. Son jumeau se croyait malin, à parader avec son air aimable et à charmer les foules, mais il avait oublié un élément crucial : plus il était populaire, plus sa vulnérabilité aux racontars s’accroissaient. « Ça va ? » demanda-t-elle à son amie, la voix chargée d’empathie. Celle-ci acquiesça doucement. « Le professeur n’est pas encore arrivé ? » Kiara dénégua. « On discutait d’un projet de Marie-Jane pour les Enfants des Cœurs. » - « Ah oui ? » La suite ne lui plut pas, mais elle fit de son mieux pour n’en rien montrer, et proposer gracieusement son aide, sans exiger.
Les chuchotements remontaient en longs frissons le long de son dos. La Rehla faisait de son mieux pour les ignorer. Plus le temps passait, plus les rumeurs gagnaient en absurdité. On ne parlait plus seulement de Lucius et d’elle, d’une nuit sans lendemain qui la transformait en fille de petite vertu ; on mélangeait son histoire à celle de Susannah, Titouan et Johannês, et à bien d’autres encore. Kiara ne savait pas comment réagir. Elle n’était pas armée pour répliquer à ce flot de paroles crépitantes de mensonges. Qu’aurait-elle dû faire ? Dire la vérité ? Que Lucius l’avait séduite ? Qu’elle était follement tombée sous son charme ? Qu’elle avait aimé faire l’amour avec lui ? Qu’elle aurait pu faire pire, en couchant aussi avec Dastan ? Qu’elle n’arrêtait pas de penser au Magicien ? Que son cœur cognait plus fort dès qu’elle entendait son prénom ? Et qu’il trébuchait dès qu’elle apercevait la silhouette d’Adriæn ? Qu’elle attendait désespérément une lettre du Paiberym ? Qu’elle lui avait écrit, parce qu’elle était enceinte ? Elle redoutait que cette information s’ébruitât. Elle la gardait précieusement. Depuis son retour de Seaghdha, elle n’avait donné aucune nouvelle à ses parents. Elle attendait la réponse de Lucius.
