Claer étudiait consciencieusement le tableau où avait été affiché le programme. Seule la partie chaste y était dévoilée : la partie plus mature et osée avait été distribuée aux enseignants et autres accompagnants, afin que ceux-ci puissent se divertir durant leurs pauses, mais ça ne regardait pas les élèves qui devraient se cantonner à la partie chaste. « Mmh... » fit la blonde, pensive. Qu'allait-elle faire ? Elle souhaitait faire un tour au bar à Toudou mais la balade en traîneau l'intriguait aussi, sans oublier l'atelier pain d'épices. Il y avait beaucoup de choses à faire et il lui semblait qu'il lui manquerait de temps pour tout visiter correctement.

Lorsque la Sirène se joignit à elle, la Lyrienne fronça les sourcils et ignora sa présence du mieux qu'elle pût. Elle ne tint pas longtemps, lâchant un soupire, se tenant obstinément face au panneau sans lui décrocher un regard. Sa remarque l'agaça particulièrement mais Claer garda le silence, mordant sa langue pour contenir son mécontentement. Elles n'étaient pas amies. Elles ne l'avaient jamais été et ne le seraient jamais : la bleue avait enflammé leur inimitié. S'il en fallait beaucoup à Claer pour ne pas apprécier quelqu'un, prendre contrôle de son corps pour la jeter dans un lac était indéniablement un délit qui lui suffisait pour afficher son ressentiment. Néanmoins, la nature fluide de la fille d'Arjov la poussait à ne pas se montrer aussi virulente que la fille de l'obsidienne. Envenimer la situation ne ferait que lui attirer davantage d'ennuis. Aussi lorgna-t-elle avec suspicion sur le bonbon proposé par l'enquiquineuse, avant de se résoudre à le prendre et le fourrer dans sa poche. Elle n'était pas contre une gourmandise mais le manger devant la peste reviendrait à perdre la bataille mentale qu'elle s'imaginait mener.

« D'accord. » souffla la blonde, fort peu intéressée par la provocation de sa camarade. Là où la bleue voyait une idylle entre les deux amis, la maîtresse imaginaire n'éprouvait qu'une amitié platonique. Qu'ils se rendent de l'autre côté du fessetival indifférait la zoomage : s'il y avait quelques spécimens spéciaux, il n'y en aurait aucun qui l'intéressa elle. Si elle n'était pas spécialement pudique, l'exhibitionnisme des autre ne lui plaisait guère non plus. La partie indécente du fessetival n'avait donc aucun attrait pour la blonde. Cette dernière se retourna pour enfin faire face à la Bleue. « Tu peux faire ce que tu veux. Mais n'attire pas Titouan dans des ennuis. » La mit-elle en garde. L'idée que le Lyrienn puisse subir le courroux des processeurs à cause de cette pimbêche lui était fort irritable. L'adolescent était trop gentil, trop doux pour oser tenir tête à sa copine, et Claer craignait qu'il ne sache pas discerner la limite de l'acceptable dans les caprices de l'ondine. « Si vous allez là-bas, débrouille toi pour ne pas te faire attraper. » La fausse mage dessina un sourire forcé sur son visage. « C'est un conseil d'amie. »

Alors c'était ça ? La sirène n'avait tout simplement aucun intérêt envers le bien-être de Titouan. Elle ne souciait pas de son sort, ni même de ses sentiments, tant que la situation tournait à son propre avantage. Claer l'avait toujours su. Elle n'était pas surprise à proprement parler. Mais entre une certitude propre et un aveux fier, il y avait tout de même une différence. La blonde sentit ses joues se rougir de colère. Il y avait peu de choses qui intéressaient la Lyrienne, en dehors de ses amis bestiaux. Aussi, le peu de camarade qu'elle chérissait en dehors de ses créatures lui étaient particulièrement chers. Elle détestait qu'on puisse ainsi se moquer d'eux, qu'on les utilise aussi ostensiblement sans rien craindre. Claer ne tolérait pas ce comportement. Elle devait faire ouvrir les yeux à Titouan. Cette situation était insoutenable. L'adolescent finirait forcément par souffrir, soit des mains de la Bleue, soit en réalisant que son amour n'était que fictif, qu'elle le manipulait et que ses tendresses - si tant est qu'il y en eu de sa part - n'étaient qu'une façade illusoire.

« Ne viens pas trop me chercher les poux. » mit en garde la future zoomage. Certes, elle avait fini dans le lac, la dernière fois. Cependant, à trop semer le désordre, on finit par récolter la tempête. Susannah n'avait pas encore conscience que, sous le calme ambiant du visage antipathique, une tornade prenait forme. Si elle venait à exploser, les dégâts seraient sans doute plus redoutable que ce qu'envisageait la brute. Bien sûre, en tant que membre de l'Obsidienne, elle n'envisageait sans doute les autres que comme de simples victimes à tyranniser. Elle n'avait sans doute pas encore pris conscience que le revers de bâton serait violent, le jour où son règne de terreur prendrait fin.

Claer leva les yeux au ciel. L'idée lui semblait si grotesque, personne ne croirait jamais ça... N'est ce pas ? Un léger doute s'empara de la blonde et, pendant une seconde, son cœur s'emballa désagréablement. Peu importait. Elle se moquait de ce que l'on pensait d'elle. Elle avait déjà entendu bon nombre de rumeurs courir sur son compte. On la trouvait étrange, un peu dérangeante parfois. Cela n'aurait pas du la déranger... Pourtant, qu'on vienne la critiquer sur sa passion avait quelque chose de particulièrement frustrant.

Retournant le regard noir que la peste lui lança, Claer tourna à son tour les talons. Sur le chemin vers la cantine, elle croisa Maelstörm, qui la salua avec un sourire. « Ca va ? » signa-t-il avec ses mains. La Lyrienne s'emporta, commençant à gesticuler furieusement. « ELLE M'EXASPERE ! ELLE ME POMPE LE CHOUX ! JE LA DETESTE ! » disait-elle muettement. Toujours contrariée, elle fonça vers la table où les petits-déjeuners avaient été servis.