Rien qu'à deux dans le dortoir

Le trajet jusqu'au Berceau Cristallin était terminé. Enfin. Sæl n'aimait pas se retrouver dans de trop gros rassemblements. Les gens la remarquaient rarement. Elle se faisait continuellement pousser ou marcher sur les pieds. Aussi, dès qu'ils arrivèrent, la jeune femme s'esquiva. Elle n'avait pas envie de découvrir les activités du Fessetival tout de suite, ou même d'entendre les accompagnants donner les instructions à suivre pour le bon déroulement de la journée. Elle voulait simplement respirer loin de tous ces étudiants bruyants et en chaleur. Aussi, la brune avait fermement attrapé son sac de voyage et était partie à l'étage de leur auberge, aussi rapidement qu'elle le put - ce qui n'avait pas été évident, puisqu'il avait fallu jouer des coudes pour se frayer un passage vers l'escalier.

"Pfiou." soupira-t-elle quand elle atteignit le dortoir. Elle laissa tomber son sac directement sur le sol. Elle en avait assez de le porter. Il était assez lourd ; la brune n'avait jamais su se montrer exhaustive dans le choix de ses affaires. Tout en restant dans l'embouchure de la porte et sans poser réellement de coup d'oeil à la pièce, elle s'accroupit devant son sac. Ses mains s'activaient sur son ouverture et, bientôt, l'adolescente fouillait l'intérieur, mettant ses vêtements pliés dans un extraordinaire désordre. Enfin, ses mains rencontrèrent l'objet désiré : une maigre bourse.

Tandis qu'elle la tirait vers elle, tout en se relevant, un garçon, qui empruntait simplement la porte du dortoir, la percuta légèrement. Son équilibre étant fragilisé par sa posture, Sæl vacilla. Elle fit un pas en avant, cherchant à retrouver sa stabilité. Cependant, son pied se prit dans son propre sac. Elle chuta, envoyant valser dans les airs sa pauvre bourse, qui heureusement était bien fermée. Après s'être rapidement rattrapée sur les mains, elle s’assit sur ses mollets. Sa longue robe rouge - couleur qu'elle ne portait presque jamais mais qu'elle avait trouvé à propos pour le Fessetival - lui donnait presque une allure de coquelicot. Ses joues aussi étaient écarlates. "Oh, excuse-moi !" s'empressa-t-elle de dire. "Je n'aurais pas dû me tenir devant la porte." Tout en expliquant, elle se releva prestement. Elle saisit dans le même mouvement son sac, pour dégager le passage.

Même debout, elle devait lever légèrement les yeux pour le regarder. "Tu es le fils du professeur Pendragon, non ?" demanda-t-elle innocemment, pour rendre la situation un peu moins embarrassante. Ceci-dit, elle en oublia de se présenter. Serrant un peu plus la hanse de son sac, elle ajouta dans une tonalité timide : "Je ne pensais pas que tous les élèves dormiraient dans la même pièce." Elle tourna ses yeux noisette vers cette dernière. Elle aimait bien la décoration ; elle lui rappelait Boräur et l'appartement où elle avait grandi. "J'espère que je ne ronfle pas." essaya-t-elle de plaisanter malgré sa gène apparente. Comme les gens la remarquaient rarement, elle n'avait pas l'habitude de parler. Aussi, l'exercice était nouveau.

510 Mots

Rien qu'à deux dans le dortoir

Je plaçai mon sac sur mon dos. Il était fait de tissus blanc et bleu, constitué en damier. Le tout avait été cousu un peu maladroitement par une fille qui m’avait confié l’objet dans l’espoir que je le donne à mon père. J’en avais ma claque de mon père. J’avais donc opiné et avais fini par le garder pour moi. Il me plaisait. Dessus, des instruments de musique avaient été cousus. Ils n’étaient ni beaux ni bien faits mais ça m’allait. Je trouvais l’accessoire plaisant, peut-être parce que la fille en question y avait mis toute son âme en y passant des heures. Je préférais le garder, parce que je savais que mon père n’en aurait rien fait.

Parfois, je me demandais ce que les filles cherchaient. Il était vieux. Surtout, il avait eu tellement de partenaires qu’il était évident que l’amour n’était pas pour lui, malgré les rumeurs qui n’arrêtaient pas de pulser sur sa relation avec Kaahl Paiberym.

Je soupirai, en entrant dans le dortoir. Je m’étais échappé. Je n’avais aucune envie d’entendre les explications et, surtout, qu’on me dise encore que mon père avait organisé le Fessetival. J’avais l’impression d’être coincé. Partout où j’allais, son nom revenait invariablement. Tout le temps.

Alors que je regardais derrière moi, pour être certain qu’une énième fan de mon paternel ne me suivait pas, je sentis un corps étranger me percuter. Enfin… je percutai un corps étranger plutôt. Mon attention se tourna vers quelque chose de rouge. La chose s’excusa et je portai ma main à ma tête, afin de trifouiller mes cheveux, pas aussi gêné qu’elle mais désolé tout de même.

« Je ne regardais pas où j’allais. Je suppose que la faute est partagée. »

Je lui souris, sourire qui disparut lorsqu’elle évoqua mon abruti de père. Je fermai les yeux d’exaspération mais ne m’énervai pas pour autant. J’avais fini par comprendre que j’étais maudit et que rien n’y ferait jamais. Avant de pouvoir être juste moi, il me faudrait soit dépasser mon père, soit fuir sous une autre identité dans un pays où il n’avait jamais niqué personne. Autrement dit, je n’avais plus que la première solution à mon arc.

« Ouais. Ce qui fait qu’on a cinquante pourcents de chance d’être de la même famille d’une manière ou d’une autre. »

Je lui souris. Il valait mieux le prendre avec dérision.

« Si tu ronfles, tu devrais dormir à côté de quelqu’un qui n’est pas de l’Obsidienne. Ils seraient capables de te balancer par la fenêtre. »

J’aimais bien sa robe et ses cheveux. Elle me rappelait là où j’avais grandi. Il y avait beaucoup de femmes qui lui ressemblaient.

« Je suis Ikar au fait. Et toi ? Je ne t’ai jamais vue avant de te rentrer dedans. Tu es de quel département ? Je suis de l’Étain. »

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