Nouvel ami, prochain ennemi.

Intrigue : Vulpina cherche un homme qui sera susceptible, plus tard, de devenir un allier à Spectre.

The Red Woman - Game of throne

« Vous n'êtes pas avec votre ami ? » demanda Slen en fronçant les sourcils. Vulpina releva la tête du livre qu’elle était en train de lire – un manuel sur les différents dialectes utilisés dans la région : si elle voulait parvenir à s’acclimater à cette nouvelle vie, parler le même langages que ses pairs se révélerait indispensable ; on lui faisait déjà ressentir sa différence à cause de son manque de communication et si les piques étaient déguisées, la sorcière en sentait la désagréable morsure comme si elles avaient été étalées au grand jour. La mage toisa le déchu, un sourire énigmatique sur les lèvres. Son teint avait doré, fonçant sa peau habituellement laiteuse. Ses cheveux quand à eux s’étaient éclaircis.  Ils n’étaient pas arrivés depuis longtemps mais Vulpina l’avait envoyé faire quelques tâches en extérieur – un travail ingrat qui lui convenait cependant car il ne demandait pas sa présence permanente aux côtés de sa maîtresse. « Non. » répondit-elle en fermant l’ouvrage d’un geste sec. Elle posa l’objet sur le rebord de la table puis s’empara d’un fruit. Une orange. Elle porta la sphère à son nez pour en sentir le parfum sucré. « Il est parti en voyage d’affaire. » Le visage de Slen s’assombrit davantage. « Il vous laisse ici, seule ? Sans sa protection, vous êtes vulnérable. » Le regard de la sorcière se fit incisif – son esclave se raidit légèrement, redoutant sa réaction. A sa surprise, elle se contenta de soupirer puis de commencer à éplucher son fruit. « Refuser une mission à cause de moi attirerait au contraire les regards. » expliqua-t-elle. « Et pour ta gouverne, je suis tout à fait capable de me défendre seule. Je ne suis pas arrivée jusqu’ici en n’étant qu’une fillette sans protection. » La blonde goûta un quartier de l’orange. Elle était délicieuse. « Et puis, cette séparation lui permettra de réfléchir à ma proposition. » « Le mariage ? » L’homme serra les poings. « Jaloux ? » demanda la sorcière, moqueuse. « Qu’est ce qui vous fait croire qu’il acceptera ? » « Parce qu’il n’a pas le choix. » répliqua la femme. « S’il ne s’en est pas encore rendu compte, la révélation s’imposera à lui en temps voulu. D’ici là, je n’ai qu’à m’amuser en attendant sa réponse. » « Qu’est ce qui vous rend si confiante ? » insista le déchu. Vulpina soupira. « Si je te le disais, ça gâcherait tout le mystère. » D’un geste de la main, elle fit signe à son interlocuteur de changer de sujet. Un silence pesant s’installa, la mage des ténèbres dégustant son petit déjeuner, l’esclave rivant son regard sur sa silhouette sans oser la regarder dans les yeux. Au bout d’un instant, la femme soupira. « Cesse de te torturer l’esprit avec des histoires qui ne te concernent pas. » « Restez hors de ma tête, je vous prie. » « Tu ne me laisses pas vraiment le choix. A m’observer de la sorte sans parler, tu nous rendrais presque nerveuses… » « Alors ? » « Mmh ? » « Vous savez ce qui me préoccupe. Alors, est-ce possible ? » L’invitée bus une gorgé de café avant de répondre. Le blond s’interrogeait sur les conséquences d’une telle union. Non pas au point de vue stratégique et diplomatique, mais sur le corps et la santé de celle qu’il chérissait. Shiva s’était liée à Nephraïm Lemingway, selon les traditions angéliques. Cela signifiait qu’ils avaient réalisé le rituel du Sorapo. Si la magicienne venait à trahir son âme-sœur, la Malédiction de Dubheasa s’abattrait immédiatement sur elle. Néanmoins, Vulpina n’était pas son hôte. Et elle ne comptait certainement pas sur cet angelot pour lui assurer une descendance viable. « Si la solution n’existe pas encore, je n’aurai qu’à l’inventer. » répondit-elle enfin. Elle avait enfin commencé à se pencher sur la question. Ce qu’elle avait découvert jusqu’à présent n’était pas encourageant mais elle était loin d’avoir fait le tour de la question. Son cas à elle était d’autant plus particulier, sans doute jamais vu auparavant.

« Bien. Assieds-toi et déjeune. » « J’ai déjà mangé, merci. » « Quoi, cette galette infâme que se partagent les domestiques ? Je n’appelle pas ça un repas. Profite de ce qu’il y a sur la table, ce n’est pas tous les jours que tu y auras accès. » Vulpina croisa les mains devant son visage. Pendant une seconde, elle sembla absorbée dans ses pensées. « Nefraïm adore les grenades. » commenta-t-elle. « Mmh… Intéressant. Tu l’apprécies encore moins que moi. » « Ne dites pas de bêtises. Je ne connais même pas l’homme.» « Non. Mais tu en sais assez à son sujet – et sur ce qu’il partage avec ta protégée – pour l’envier et le détester. » Slen détourna la tête, comme un aveu. La Raagus rit puis claqua des doigts. « Prends place. Mange et prends des forces. Aujourd’hui, nous allons découvrir Pabamiel. Et pas seulement ses jolies rues remplies d’artistes amateurs. »

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« Je ne pensais pas à cela lorsque vous me parliez de visiter la capitale. » grogna Slen en plaçant une main dans le dos de celle qu’il escortait. Nerveux, il regardait la foule autour de lui, prêt à intercepter la première personne s’approchant trop près de sa maîtresse. Malgré leurs tenues sobres – si l’on pouvait qualifier de sobre les codes vestimentaires de Spectre – ils attiraient le regard. Comparés à la population de Nobu, ils paraissaient provenir de la noblesse. Le déchu captait les regards envieux, les œillades menaçantes, la haine qui perçait à travers les expressions. Il n’était pas difficile d’imaginer ce qui était à l’origine de cette antipathie. La pauvreté du lieu laissait imaginer la dureté de la vie qui régnait dans cette partie de la capitale ; leur présence narguait les pauvres hères qui luttaient pour leur survie. La présence d’une milice étouffante rendait le climat plus hostile encore. Sans elle néanmoins, on se serait déjà rué sur eux pour leur trancher la gorge, les déposséder de leurs biens et leur infliger tout un tas de tortures que le garde du corps préférait ne pas envisager. « Tu aurais préféré te balader dans Sinadiel ou Jalahaiah ? » s’amusa la sorcière tout en avançant. Elle semblait détendue en apparence mais tenait fermement sa lame dans l’une de ses mains, cachant l’arme à laide de ses longues manches. « Ne t’a-t-on jamais dit que pour véritablement connaître une cité et un peuple, il faut en découvrir les plus bas-fonds ? » « Vous ne m’avez jamais emmené sur les falaises d’Amestris, pourquoi s’amuser à me traîner jusqu’ici ? » « Je connais suffisamment les miens pour savoir de quoi ils sont capables. Quand à toi, tu m’as vu à l’action et te méfie donc instinctivement de ce dont on est capable de faire. En revanche, ici… Tu t’es laissé berné par les sourires et les masques. Tu avais besoin de voir pour comprendre. » Vulpina s’arrêta à un embranchement, cherchant quel chemin suivre. « Et puis, tu semblais si prompt à t’assurer de ma défense, ce matin… As-tu changé d’avis ? » « Je ferais mieux de vous laisser moisir ici. Au moins, je retrouverais ma liberté. C’est tout ce qui m’importe. » « Mmh… Menteur. » murmura-t-elle avant de se remettre en marche. Il avait déjà eu beaucoup d’occasion de la trahir mais ne l’avait jamais fait. Peut-être était-ce dû aux runes qu’elle avait gravé dans sa chaire. Peut-être à cause de sa malédiction. Quoi qu’il en fut, sa loyauté devenait de plus en plus solide.

« C’est ici. » Après plusieurs dizaines de minutes de marche à travers la foule hostile, le duo s’était arrêté devant une maison. Ou plutôt, une bicoque. Certains murs tenaient encore debout par miracle, mais la plupart avait été remplacés par des draps et des panneaux de bois ou de métal. L’Envieux sembla se renfrogner encore plus que précédemment. « Qu’est ce qui est ici, exactement ? » voulut-il savoir. « Un nouvel ami. » dit la blonde simplement en entrant dans ce qui avait sans doute été, autrefois, une jolie demeure. Le mobilier était presque en aussi mauvais état que les fondations de la bâtisse ; une odeur rance et de fumée saturait l’air ; des gens ici et là s’entassaient sur les matelas ou les couvertures à même le sol. Ils contournèrent une femme, à moitié dévêtue, appuyée contre le mur, occupée à parler à une voix mystérieuse provenant de son esprit. « Qu’est-ce qu’ils ont tous ? » demanda le serviteur, alarmé par le comportement suspect des habitants. « As-tu déjà entendu parler des Trois Spectres ? » Le déchu réfléchi un instant. « Oui, vaguement. Mais je n’ai jamais compris à quoi cela faisait référence. » « Il s’agit du petit bijou du clan Verrachia. » « Une drogue ? » « Des drogues. » rectifia l’Ombra. « Une longue et délicieuse descente en Enfer… Même les Démons n’ont pas égalé cette petite merveille. » Vulpina laissa un rire lui échapper. « Non, je n’apprécie guère ces substances. Mais je dois reconnaître qu’elles deviennent diablement efficaces, pour maîtriser quelqu’un. Si je ne suis pas une consommatrice, j’apprécie leur puissance. » répondit-elle à la question muette de son serviteur. « Tu vas vite comprendre où je veux en venir. »

La sorcière ouvrit une porte. Derrière se tenait une chambre, dont l’état était légèrement meilleur que le reste du taudis. Le désordre était cependant omniprésent : les commodes ouvertes recrachaient les vêtements en lambeaux ; les bouteilles d’alcool jonchaient le sol ; les chaises étaient recouvertes de masses informes qu’il était difficile à identifier. Le regard se dirigeait cependant sur un lit à baldaquin, dont les rideaux avaient été arrachés. Sur le matelas bosselé : un homme inconscient. Il semblait délirer, laissant échapper quelques gémissements perdus entre euphorie et détresse, quelques rires puis quelques sanglots. Le duo s’approcha, tout en restant à une distance raisonnable : ils avaient repéré l’arme blanche que tenait entre ses mains osseuses le drogué. « Qui est-ce ? » murmura le blond, comme s’il craignait que parler trop fort puisse réveiller sa cible. « Ilario Castelli. » Le concerné lâcha un grognement avant de se tourner sur le flanc gauche. « Ou tout du moins, ce qu’il en reste. » « Castelli… Comme pour… » « La famille, oui. Il fut une époque où il possédait une certaine influence. Mais il a tout perdu. » « S’il était connu, il est étonnant de le voir encore en vie. » « Mmh… Je suppose qu’il possédait des puissants alliés qui lui auront permis d’être épargné. Ou bien quelqu’un se réserve d’utiliser ce pion lorsqu’il le jugera opportun. » « Un pion. C’est ce qu’il est pour vous. Comment allez-vous l’utiliser ? » « S’il a tout perdu, c’est à cause de Nino. Si quelqu’un a une dent contre lui, c’est bien cet homme. » Slen fronça les sourcils. « En quoi faire du mal à votre seul associé peut vous être utile ? » « Si nous parvenons à faire quelque chose de lui, Ilario redeviendra une menace pour Nino. S’il obtient sa revanche, il me serra reconnaissant. Dans le cas où ses manigances échouent, je serai celle qui aura prévenu sa cible. Dans tous les cas, je serai gagnante. » « Vous aimez jouer à des jeux risqués. » Vulpina esquissa un sourire. « Il s’agit des meilleurs. »

La sorcière mis ses points sur les hanches. « Il nous reste un long chemin avant d’en arriver là. J’espère que ce voyage occupera notre ami le plus longtemps possible. » Slen soupira.