« Naram? ».

Je souris au majordome, assez amusé qu'il ne cesse de nous confondre. Bien entendu, j'y mettais du mien, rendant mes yeux aussi bleus que ceux de mon jumeau, créant l'illusion parfaite, la sensation adéquate pour qu'il croit réellement que j'étais celui qu'elle avait oublié. Cela dit, je savais pertinemment que le dit Naram avait déjà usé de la même stratégie par le passé pour s'introduire ici en toute légalité. Et puis, même si Seth semblait près à se battre à mort contre moi s'il me croisait, Mitsuko quant à elle ne m'avait jamais interdit l'accès au manoir. Je confirmai donc ce que pensait le majordome qui me laissa aller à mon grès vers la bibliothèque. En réalité, je ne craignais pas Seth, ni le fait que je pourrai réellement croiser mon reflet ici. Non, ce que je craignais par dessus tout c'était de croiser Zéleph. Il n'était pas compliqué de le manipuler en vue des évènements qui s'étaient déroulés à Stenfek il y a peu et j'avais applaudi le Mârid intérieurement pour son coup de maître, qui m'arrangeait d'ailleurs. Cela dit, pour tout avouer, ce qui m'effrayait chez cet homme c'était son impulsivité et sa force surtout. Naram me paraissait un homme de parole, un fin stratège qui agissait avec une raison parfois chaotique mais bien présente. Zéleph lui était plus une sorte d'électron libre incontrôlable. Et que les deux s'allient n'arrangeait pas mes affaires, loin de là, bien que je pense sincèrement que l'un finirait par vouloir se débarrasser de l'autre, simple esprit de logique.

Quoi qu'il en soit, j'étais ici avant tout pour trouver une solution au financement de l'échiquier ainsi qu'à plusieurs petits problèmes. J'étais conscient que Naram me faisait espionner et que, si ce n'était pas lui, d'autres ne se gênaient pas. Bien entendu, j'avais confiance dans les espions de l'échiquier mais ils n'étaient que des hommes et des femmes comme chacun d'entre nous, avec leurs forces mais, et surtout, leurs faiblesses. Non, il me fallait quelque chose de moins humain, quelque chose de plus sûr. Et c'était justement en pensant à cela que je m'étais rappelé d'un livre que j'avais lu en attendant le réveil de Mitsuko après son élévation, m'occupant de ses enfants et d'elle avec une patience que je n'aurai sans doute plus aujourd'hui. Je me demandais ce qui avait changé, ce qui avait fait qu'elle commence à m'ignorer. Ma transformation en sorcier sans doute, mais ne comprenait-elle pas qu'être Rehla ne m'était en aucun cas profitable. J'étais un homme qui aimait agir et non se balader en robe avec un air de sage dans un calme olympien. Je me dirigeai donc vers cette bibliothèque, trouvant le fameux livre que j'emportai sans m'attarder. D'autant plus que je pouvais facilement croiser l'un des fils de la déesse et que j'avais pas vraiment envi de voir leurs têtes.

J'usai de la clef magique pour me téléporter dans le désert, prenant comme point de repère logique la pyramide qui devait figurer sur le plan qui se trouvait dans le livre. Soufflant dessus en commençant à marcher autour de l'édifice d'un air pensif, j'ouvrai le vieil ouvrage pour chercher la bonne page. Il ne s'agissait que d'un livre de contes et légendes sur le désert mais j'avais appris à de nombreuses reprises que les dires qui avaient alimenté la plupart de ces textes étaient en général véridiques. Trouvant la carte, je relevais les yeux pour regarder devant moi, faisant apparaître mes ailes d'un blanc immaculé pour avancer plus vite, reposant mes yeux directement sur le livre qui me guiderait. Après quelques minutes, je faillis entrer dans quelque chose, sursautant légèrement en voyant un homme. Je finis par esquisser un sourire tout en réduisant à néant les quelques centimètres qui me séparaient du sol. « A croire que vous m'espionnez pour être aussi discret. ». J'avais l'air de plaisanter mais l'idée m'avait vaguement traversé l'esprit, quoi que l'espion en question aurait été bien compétent pour pouvoir me devancer si facilement. A ce moment là, j'étais bien loin de me douter que celui que j'avais en face de moi avait été seigneur de la nuit, et loin aussi de deviner qu'il avait pas mal de petites choses en commun avec Mitsuko, un morveux notamment. J'avais envi de me montrer courtois car, après tout, s'il m'espionnait, il savait qui j'étais, et s'il ne s'agissait que d'un simple voyageur alors il n'avait pas de mauvaises intentions à mon égard.

« Je m'appelle Jun et il semblerait que le désert soit bien petit pour que nous nous retrouvions sur la même route. A moins que nous ne cherchions la même chose? ». Cette idée aussi me paraissait plausible, bien que les meilleurs statisticiens l'auraient sans doute réfuté. Peu importe, j'allais sans doute le savoir bien assez vite.

Alec. Hum. Ce nom me plaisait assez en réalité. J'avais sans doute un avis sur tout, avis non pertinent parfois d'ailleurs car, comme tout le monde, j'étais très loin d'être objectif ou d'avoir une connaissance absolue, mais j'aimais bien commenter mentalement l'identité de ceux que je rencontrais. Alec. C'était un prénom qui sonnait plutôt doux au début mais le « c » final rendait la chose plus claquante. Quoi qu'il en soit, celui-ci semblait si étonné que moi de croiser un inconnu. Je me mis à le fixer étrangement, essayant de lire dans son jeu. Je ne savais pas s'il avait réellement peur ou non, et pour quelqu'un comme moi qui avait vécu des années et des années à l'intérieur d'une femme qui ne cessait de mentir, entendant ses pensées aussi clairement que si elle me les avait livré à haute voix, il était clair que chaque personne rencontrée ne m'inspirait pas vraiment confiance. Bon si, je faisais plus confiance aux femmes qu'aux hommes mais, là encore, tout était relatif, Mitsuko en avait berné plus d'un en se montrant comme une faible chose. Et vu son physique, elle n'avait pas beaucoup d'effort à faire. Petite chose. Je soupirai, énervé de penser à elle dans un moment pareil, de penser à elle trop souvent. Enfin, peu importait, j'étais condamné de toute façon alors autant l'assumer et vivre avec. C'était une fatalité, c'est tout. Je continuais donc de regarder mon nouvel « ami » Alec décidant d'attendre qu'il se taise pour parler à mon tour. J'essayais d'étudier tout, ses traits, sa manière de se comporter. Je voulais savoir s'il jouait la comédie, de quelle race il était et si ses prétendues vérités n'étaient pas que des mensonges éhontés. Je détestais les mensonges, je préférai clairement jouer sur les non dits, c'était bien plus amusant de voir ce que l'esprit pouvait déduire et croire seul.

Vêtu entièrement de blanc à cause de la chaleur, je fis apparaître dans la paume de ma main l'un des fragments du cristal maître. Une améthyste miniature qui flottait à quelques centimètres de moi. Je la fixai puis finis par dire tout haut, comme si je parlais à l'objet : « Puisque notre ami a soif, autant lui donner de quoi boire n'est ce pas? ». J'étais sans doute dans un bon jour car, après tout, j'aurai pu le laisser mourir de soif. C'est que, curieusement, je trouvais ça un peu stupide de venir visiter le désert sans eau. Je n'en avais pas non plus mais ma pierre me permettait de créer autant de fruits et de légumes que je le souhaitais et l'eau s'y trouvait forcément. Quelques fruits, des plus juteux qui soit, vinrent donc voleter près de cet individu nommé Alec alors que je faisais disparaître l'un de mes trésors. Ces pierres étaient rares, convoitées par certains, détestées par d'autres et, enfin, ignorées par les idiots.

« Désolé mais non, je ne suis pas un ange. Je l'ai été autrefois c'est vrai, mais ce temps semble bien révolu. ». J'avais faillis devenir élu des cieux même et rien que d'y repenser, ça me faisait rire. Je n'avais aucun intérêt à lui révéler cela, et aucun avantage à en tirer, je me contentais juste de lui en parler, répondant avec franchise à sa question. « J'ai hérité ces ailes d'une femmes qui souhaitait se faire passer pour un ange afin de cacher la noirceur de son cœur. Mais même sans ces ailes, elle y excellait déjà très bien. Enfin, peu importe. ». Mitsuko, il y avait tellement d'objets que je possédais grâce à elle, des dons qu'elle m'avait fait avant de s'élever. C'était risible finalement, bien plus que toute autre chose que de savoir qu'en faisant cela, elle me facilitait la tâche quant à sa mort. Je sortis une boussole du sac blanc que je transportais, la besace magique ne m'avait jamais été d'une aussi grande utilité. Je pouvais même y ranger un cheval si je le désirai et Fang, mon animal ailé y dormait justement. J'avais toujours aimé cette magie, regardant les objets disparaître dans le sac avec de grands yeux d'enfants. Si seulement je pouvais y mettre Naram et Zéleph pour toujours, ou, du moins, assez longtemps pour que j'acquiers la puissance de les tuer tous les deux en même temps, ça m'arrangerait. Mais, en ce qui concernait Naram, j'avais un plan assez plaisant à exécuter, ne serait-ce que pour lui ravir le fragment du cristal maître qu'il possédait déjà. Cela dit, chaque chose en son temps, je devais amadouer la demoiselle de ses pensées d'abord. Fixant alors la boussole, je demandai tranquillement : « la pyramide ». Je savais dans quelle direction elle se trouvait mais puisque ce que j'ignorai c'était ce que cet individu manigançait – s'il manigançait quelque chose – autant lui montrer que j'avais des ressources d'une manière subtile. Je tendis alors le doigts vers la direction de l'édifice :

« La pyramide se trouve donc par là. Il suffit de marcher tout droit. Et non, vous avez raison, nous ne cherchons pas la même chose. ». J'avais soudain dans l'idée que dans le conte du livre, la caverne aux merveilles, si je pouvais l'appeler ainsi, était truffée de piège. Et, mon côté peu sympathique ressortant malgré mes bonnes résolutions d'aider cet homme, je m'imaginai déjà l'utiliser comme cobaye. S'il marchait devant moi, il pourrait se prendre aussi les pièges à ma place. Logique. « En fait, j'ai entendu dire qu'il y avait, en dessous de ce sable, quelque part dans le désert, un endroit souterrain dans lequel se trouverait une fortune colossale. Ce n'est qu'une légende paraît-il mais je suis assez curieux et, surtout, en manque de moyens. ». Ce n'était pas exact, j'avais juste besoin de plus de richesses pour me payer des hommes et rendre l'échiquier encore plus fort face au seigneur des deux rives et son manipulateur le Mârid. Je me demandais vraiment ce que Naram manigançait avec lui. Était-il tellement à cours d'alliés pour faire ami-ami avec l'homme qui lui avait ravi sa bien aimée? Cette idée me donnait juste envie de rire. Jamais, et je dis bien jamais, je ne pourrai me comporter d'une façon aussi hypocrite. Mais peut-être étais-je un peu impulsif aussi, surtout avec ceux qui prenaient ce qui m'appartenait? Enfin, je penchais plus pour une stratégie autre de la part du génie, mais bon, je ne le saurai sans doute pas de suite. « C'est pour cela que je m'y rend. Enfin, ça ne doit pas vous intéresser. Je vous souhaite de continuer votre visite sans vous perdre. Et n'oubliez pas qu'une fois que le soleil se couche, le désert devient glacé. ». Je lui fis un clin d'oeil, rangeant mes ailes dans mon dos pour continuer tranquillement à pied, mes yeux sur le plan. Comme ceci, il pourrait plus facilement me rattraper si la bonne idée lui traversait l'esprit de vouloir être, lui aussi, riche.

J'observai cet homme manger goulument. Déjà, et j'en étais sûr, il n'était pas vampire. Enfin, non, je n'en étais pas certain pour la bonne et simple raison que... je serrai les dents. Je ne pouvais pas être tranquille cinq minutes sans qu'elle ne cesse de hanter mon esprit, cette maudite femme. Quoi qu'il en soit, je ne pouvais pas deviner à quel peuple il appartenait et, à la limite, je ne m'en souciais pas tellement. Après tout, un vampire pouvait bien retrouver le goût ou trouver une solution à son comportement allergique au soleil. Comme elle. Enfin, peu importait, tout ce qui m'importait à présent c'était qu'il accepte de me suivre, pensée que j'essayais d'oublier tant bien que mal. Je me méfiais de la magie de chacun comme la peste. Il suffisait que ce type sache lire dans les pensées pour voir quel sort j'envisageais pour lui, ou, qu'il soit doué d'empathie pour connaître mon état d'esprit. Je n'aimais pas jouer sur les sentiments comme l'avait fait Mitsuko tout ce temps, je préférai de loin me servir des êtres d'une manière bien plus franche, certains sachant parfaitement ce que je faisais et l'acceptant sans s'en plaindre. J'avais en tête que tout le monde n'était pas fait pour atteindre les sommets, certains individus étaient parfaitement à leur place dans le rôle d'esclaves ou de serviteurs. Oui, certains étaient soumis naturellement, d'autres dominants. Je ne disais pas que cela ne pouvait pas changer, non car je m'étais vu trop longtemps soumis à la volonté de cette femme pour avoir une idée arrêtée sur la place de chacun. Je trouvais que placer tous les individus d'une même race sur le même plan était stupide, irréfléchi. Non, ce qui comptait, c'était l'individu en lui-même, son caractère, sa puissance mais, surtout, sa volonté. J'étais partie de rien, d'aucune existence corporelle et il avait fallu que Vlad la morde pour que j'acquiers un corps. J'avais été trop longtemps soumis pour pouvoir vivre autrement au début, mais, à présent, je faisais tout pour être dominant, ce qui marchait plutôt bien, même si j'avais encore des progrès à faire. Mais, comme je le disais, certaines personnes se contentaient d'être soumises, à jamais, sans aucune volonté de domination. Et, heureusement, car, sinon, le monde serait à feu et à sang.

Je souris lorsque je l'entendis parler. Je l'avais regardé s'éloigner avant de lui tourner le dos et de commencer à marcher, espérant qu'il vienne vers moi, qu'il soit appâté par le gain. Alors, dès qu'il avait commencé son petit monologue, j'avais considérablement ralenti, le laissant me rattraper en lui disant simplement : « J'espérai que vous viendrez en réalité. Peut-être est-ce la solitude qui me pèse? ». Oui, il y avait sans doute de cela bien que j'étais plutôt bien entouré. De plus, l'union qu'avait constitué notre mariage, à Masha et moi, m'assurait une seconde chance si jamais je venais à mourir, mon esprit allant directement se réfugier dans son âme. De ce fait, je pouvais aisément prendre quelques risques quant à ma personne, même si je ne voulais en aucun cas perdre mon corps. Cet inconnu n'était peut-être pas ce que je pensais mais finalement, je préférai un être intelligent à un stupide individu. Je le fixai un instant. « Vous savez, il y a un vieil adage qui dit qu'il vaut mieux être intelligent qu'idiot car un être intelligent peut toujours se faire passer pour un idiot alors que l'inverse est impossible. ». Je ne le quittais pas des yeux, comme si je lui indiquais que je savais ce qu'il manigançait. Je me méfiais de tout le monde même si, en réalité, dans son cas, je n'avais aucune preuve, aucun indice permettant de savoir s'il jouait un jeu ou non. Je finis par sourire. « Et je suis sûr que vous êtes très intelligent! Après tout, qui cracherait sur un fabuleux trésor! ». Je souris, me remettant à marcher normalement. « Et puis, l'on peut partager car, si la légende est vraie, il nous faudrait des jours et des jours pour tout emmener. Mais le trésor n'est pas uniquement ce qui m'intéresse. ». Je ne précisai pas, s'il voulait savoir, il n'aurait cas poser la question.

Réfléchissant à sa question, j'hésitai entre deux versions. La première consistant à dire que j'étais Naram, chose qui m'amusait beaucoup ces derniers temps, et la deuxième consistant à dire la vérité. « Sans doute. J'ai beaucoup de responsabilités vous savez et je me rend souvent aux réceptions. Cela dit, j'ai hum... un frère jumeau qui est tout aussi, comment dire? Hum... nous dirons, tout aussi sollicité que moi puisqu'il s'agit du Mârid en personne. Même allure au naturel sauf qu'il possède des yeux d'un bleu profond et moins de muscles que moi. Mais bon, inutile de dire que, puisqu'il gouverne les génies, il sait passer inaperçu lorsqu'il le souhaite et faire parler de lui dès qu'il le désire. ». Je ne montrais aucunement ma haine envers cet homme, rajoutant quand même pour mon petit plaisir personnel. « Enfin, je doute qu'il ait envi de se rendre aux réceptions en ce moment. Il a perdu sa reine au profit du roi des réprouvés. Le pauvre. ». Je souris car, cette fois, c'était plus fort que moi. La situation me plaisait, j'en jouissais presque en imaginant mon reflet en pleine déprime, comme je l'avais été le jour où j'avais compris qu'elle le préférait à moi. Mais les forces commençaient à s'égaliser, tout commençait à basculer parce que, dans notre duel, aucun de nous n'avait prévu l'arrivée d'un troisième homme. Et, puisqu'il était entré dans notre jeu, chacun de nous avait sans doute une envie impérieuse de l'utiliser d'une manière ou d'une autre. Bien sûr, je voulais le tuer et je ne lui cacherai jamais ma haine, mais le manipuler semblait dans mes cordes.

« Alors, dites moi, je suis curieux, dans quelles réceptions vous êtes vous rendus récemment? Après tout, pour déterminer si c'est bien moi que vous avez croisé, comparons nos sorties. ». Cela me permettrait d'en savoir plus sur lui d'une manière détournée. Car, déjà, s'il était invité à ce genre de soirées, c'est qu'il n'était pas n'importe qui, donc, point aussi sot qu'il en avait l'air. Fixant mon plan l'air de rien, je chuchotais : « Encore quelques minutes de marche et l'on devrait être arrivés à l'endroit précis. Après, il faudra trouver comment entrer... et trouver l'entrée aussi dans un premier temps. ». Je m'étonnais moi-même d'être aussi calme, mes idées étant bien plus neutres que maléfiques. C'était ici que j'avais rencontré Naram la première fois, ici qu'il avait confié la pierre du cristal maître qui portait mon nom, la pierre de sécheresse. Je me demandais ce qu'il se passerait quand j'en aurai fini avec lui, quand l'un de nous deux serait mort, lui de préférence. Que ressentirai-je? Petit à petit les choses avançaient, se concrétisaient... j'allais le tuer.

« Que les vents contraires se lèvent et révèlent la caverne aux merveilles. ». J'avais murmuré cette formule à voix basse, n'ayant nullement répondu à ce que venait de débiter cet homme. Bien sûr, j'allais répondre mais puisque mon plan m'indiquait que nous étions au bon endroit, alors il n'y avait pas de temps à perdre. Après tout, comparé aux futilités que nous pouvions échanger, le trésor qui se trouvait sous nos pieds avait une réelle importance, surtout en ce qui concernait les fameuses lampes. Bien entendu, une partie de moi y croyait alors que l'autre s'attendait à n'assister à rien. Seulement, ce livre de légende était en fait bien plus que cela. Les écrits qui se trouvaient dans le manoir Taiji n'y étaient pas par hasard, et plus le temps passait, plus j'en prenais conscience. Un petit silence régna soudain, plus aucun bruit, même pas celui des rapaces cherchant des proies servis sur un plateau d'argent grâce au soleil de plomb. Et, d'un même élan, deux vents contraires s'abattirent sur nous, faisant voleter nos habits et nos cheveux dans des sens différents avant qu'ils ne se rejoignent, tournant en cercle autour d'un point précis, tels une tornade, dégageant le sable. Je fermai les yeux, me protégeant des grains qui venaient nous fouetter le visage. Cela dura quelques longues secondes avant que tout redevienne d'un calme olympien. J'étais plein de sable mais j'oubliai ce petit détail lorsque je vis ce que ces vents avaient déterré. Il nous suffirait de glisser sur le sable pour atteindre le centre d'un creux formé là, creux dont le milieu n'était autre qu'une trappe en argent. Je dis alors : « Il suffit de tenir dans ses mains les bons moyens pour parvenir à ses fins. ». C'était exact, chose que je m'évertuais à obtenir depuis un certain temps. Bientôt, je détrônerai Zélia et je le ferai sans grande difficulté parce que je m'étais donné les moyens d'y parvenir, parce que j'avais monté un jeu infaillible. Il faut dire qu'une reine qui aurait pu arrêter Orion bien avant qu'elle ne le fasse était dans une mauvaise posture dès le début. Je souris mystérieusement avant d'ouvrir mes ailes et de me diriger vers la plaque en question. Il me fallait de la main d’œuvre et vu l'homme qui m'accompagnait, je doutais qu'il soit capable de la soulever. Mais j'avais une idée, quelque chose d'effrayant et c'était justement la reine des sorciers qui m'avait donné cette idée, enfin, le fait d'avoir pensé à elle pour être plus précis. Je lui criai alors :

« Ne vous inquiétez pas, les morts ne risquent pas de revenir hanter les rues. Mais ils restent utiles. ». Je libérai donc lux tenebris doucement, des ombres m'entourant alors. Je n'y étais pas obligé mais c'était pour la forme. Cet homme devait me craindre, un peu, juste ce qui était nécessaire pour forcer le respect. Alors, j'invoquais mes deux compagnons zombies qui se mirent à pousser des râles. Je les fixai avec toute la froideur du monde avant d'ordonner : « Soulevez la plaque! ». Ils étaient doués d'intelligence et d'une obéissance à toute épreuve, ils auraient pu passer deux cent ans à essayer de soulever cette plaque. Néanmoins, et heureusement, celle-ci bougea plutôt rapidement, les zombies la laissant tomber lourdement par terre avant de disparaître, la lumière noire qui m'entourait s'annihilant en même temps. Peut-être que si Naram et moi-même avions une ressemblance, elle résidait sans doute dans le fait que nous aimions soigner nos actions. Oh et puis, nous avions un tout autre point de convergence. Aussi, j'attendis qu'Alec soit près de moi pour lui souffler. « Oh, j'aime beaucoup mon frère, il a juste tendance à s'approprier ce qui m'appartient, comme cette femme par exemple. De ce fait, il semble difficile pour nous de nous entendre. Mais je suis bon joueur et puis, j'ai tourné la page il y a quelque temps déjà. Je suis même marié alors c'est pour dire. Et cet homme aux côtés de qui elle se trouve actuellement a suffit à enterrer la hache de guerre. ». D'accord, là, je mentais. Je détestais perdre, surtout lorsque cette défaite était manifestement non méritée. Je parlais assez à cet homme et si je me permettais de le faire, c'était pour une raison toute simple : la pierre essence de génie. Je n'étais pas fou, ou du moins, pas assez pour entrer dans la caverne avec un individu dont je ne savais rien. Je fis apparaître la petite émeraude dans la paume de ma main, fixant cet homme avec un regard plutôt amusé :

« A présent, fini de jouer. Je souhaite que vous me parliez de vous de façon détaillée, très détaillée, ce qui implique aussi la révélation de vos secrets si vous en avez. ».

J'allais voir à présent si cet homme me prenait pour un idiot depuis le début ou si c'était lui qui était stupide. En réalité, je préférai le premier cas, que je n'ai pas usé mon seul et unique vœu à l'égard de mon interlocuteur pour rien. Les vœux que me permettaient de faire la pierre étaient pratiquement incontournables, aucune exception, aucun vice, contrairement à ceux qu'un maître pouvait formuler à l'intention de son génie. Chaque individu avait ce statut à mon égard, pour une seule et unique demande. J'aurai pu lui demander de se tuer, de danser le tango ou de me confier l'un de ses objets magiques qu'il n'aurait pu refuser. Seulement, vu que je ne le connaissais pas et que je ne comptais pas le revoir après notre petite aventure, je n'avais aucune utilité à préserver l'unique volonté.

« Bien. Mais ne pensez pas un seul instant que si je vous parle de moi c'est par la force. J'aurai très bien pu le faire dès le début voyez vous. Quant à votre statut de génie, je dois avouer qu'il ne m'intéresse pas, pas plus que votre habitacle. Les génies sont perfides et le malus d'un souhait ne saurait être une mauvaise surprise que je pourrai me permettre dans l'état actuel des choses. ». Je souris, simplement, m'asseyant avec un calme olympien sur le tapis qu'il m'avait proposé, croisant les jambes. J'étais quelque peu heureux d'avoir eu raison de lui demander de me parler de lui, bien que, finalement, en vue de ses dires, il avait plus d'un tour dans son sac et plus d'intérêts que je le pensais à m'accompagner dans cette caverne. Et puis, il y avait des choses qui avaient éveillé un intérêt certain chez moi.

« Je m'appelle Jun, bien que, comme vous, mon nom a varié avec le temps. Jun tout court, Akito Jun Soma lorsque j'étais un ange, Jun dans une partie de ma vie de Rehla jusqu'à ce qu' « elle » me donne son nom. A présent, mon nom complet est Jun Taiji. ». Je le fixai, à la recherche d'une quelconque réaction. J'avais bien compris quand il avait parlé d'une déesse psychopathe car les divinités qui créaient des enfants à tour de bras ne couraient malheureusement pas les rues. « Je n'ai pas commencé en tant qu'humain comme vous. Non, j'ai été créé il y a de cela des... hum... je ne saurai le dire, nous dirons donc il y a beaucoup de temps. Ma créatrice, Mitsuko Taiji, première du nom, a donné deux utilités à sa créature : combler le vide laisser par un génie dont elle était amoureuse et, après sa mort, trouver sa digne héritière tout en l'empêchant de s'approcher de son ancien amant. ». Je souris « Les femmes sont possessives, même dans la mort... Bref. De ce fait, elle m'a créé pour que je ressemble à votre roi mon cher. ». Puisqu'il en était ainsi finalement. « Bref, une vie à passer d'âme en âme, dans le corps de chaque Mitsuko, encore et encore, jusqu'à la dernière en date. Aucune existence physique, que psychique, aucune d'elle ne pouvant m'entendre, jusqu'à notre déesse, magicienne à l'époque. Elle était mignonne enfant, jusqu'à ce que je la découvre et que Naram vienne lui donner le journal intime de son ancêtre qui a noirci son âme en même temps que l'esprit de celle-ci fusionnait avec le sien. Le mal s'est imprégné en elle, mais je suis resté bénéfique, un contre balancement parfait à sa cruauté. Quoi qu'il en soit, le jour où elle a été mordu par Vlad Sparrow – que je me suis fait un plaisir de tuer au passage – je me suis réincarné en ange. Un corps à moi, mon corps d'antan, mais plus aucun souvenir d'elle. J'ai passé mon existence d'ange à aider les autres, à me battre dans l'arène pour m'améliorer, pour être quelqu'un de responsable sur qui on pourrait se reposer. Mais j'avais des flashs, je faisais des cauchemars, des rêves, je songeais à elle. Alors je me suis mis en tête de retrouver celle qui fut impératrice de la nuit. Et quand ce fut fait, j'étais un ange puissant et je constatais que ce vampire était toujours à ses côtés. Une nuit, nous nous sommes battus mais ni lui ni moi ne sommes capables de dire ce qu'il s'est produit alors. Quand je me suis réveillée, j'étais un Rehla, dans un corps qui n'était pas le mien et elle était à mes côtés, elle, l'esprit de la mort. ».

Je me rendais compte que si je voulais lui parler de moi, j'étais obligé de parler d'elle. Elle était mon âme sœur, nous ne pouvions pas rester loin de l'un de l'autre trop longtemps et nos existences étaient liées, quoi que nous fassions. Et, justement, sa mort me semblait une bonne solution. Faisant craquer les os de mon cou, je lui lançai : « J'espère que je ne vous endors pas mais lorsque l'on veut savoir, il faut également savoir en gérer les conséquences. N'est ce pas? ».

« A cette époque là, nous étions très proches. J'aimais ma vie à côté d'elle même si j'avais compris qu'elle n'avait sans doute jamais aimé Vlad. En réalité, celui qu'elle aimait était cet homme qui me ressemblait. Je ne sais même pas comment je l'ai su, peut-être me l'a-t-elle dit, mais après. Le problème de cette vie résidait dans le fait que mon statut de Rehla m'empêchait d'agir, je savais mais je ne pouvais empêcher les choses. Et je détestais ça. A vrai dire, j'ai rencontré Isabella par hasard, l'ancienne reine des sorciers, antérieure à Orion et Zélia. C'est elle qui m'a transformé. Et, à partir de là, Mitsuko, nouvellement déesse, m'a ignoré, comme si le simple fait que je puisse agir la dérangeait, comme si elle préférait que je reste bien sagement à m'occuper de ses enfants. J'ai veillé cette femme des jours et des nuits en attendant qu'elle se réveille de sa transformation, j'ai cru en elle pour qu'elle puisse garder une apparence humaine. Alors que lui, Naram, n'était pas là. J'ai même consenti à lui donner mon adn, j'ai aimé mon enfant et il est mort à cause d'un autre fils de cette femme, le fils de Vlad. Comme quoi, le sort est parfois bien ironique. ». Plus ça allait, plus j'étais énervé, mon visage pourtant paisible. Mon fils me manquait, et même si j'étais sorcier, que nos chemins semblaient différents, j'avais été fier de le voir marcher sur mes traces en tant qu'ange, de le voir avoir la volonté d'aider les autres. Je ne racontais pas souvent ma vie mais cet homme ne pourrait, de toute façon, pas l'utiliser contre moi. Mes ennemis savaient tout de moi, toute cette partie du moins.

« J'ai donc décidé de m'éloigner de tout ce qui touchait de près ou de loin aux Taiji, en gardant seulement le nom car je le mérite amplement. J'ai un fils, un enfant que j'ai adopté après l'invasion d'Orion, je me suis mariée à la reine de l'échiquier, Svana, organisation dont je suis le roi. Svana risque très prochainement de monter sur le trône des Alfars, elle en est l'héritière légitime. Quant à moi, il est inutile de faire un dessin je suppose. Quand on se bat contre des rois et contre les dieux, être simplement le capitaine de l'armée de sa reine n'est pas suffisant. Mais je suppose que vous serez informé de ce que je ferai le jour où ça se réalisera, je ne veux pas livrer ma tactique à n'importe qui. Mais, ne vous inquiétez pas, une fois réalisée, elle n'aura plus de secret pour personne, du moins, les êtres férus de politique. ». Je souris, finissant : « Et si je suis ici c'est avant tout pour l'or. Le roi des réprouvés a eu la très mauvaise idée d'abuser de ma femme et de s'allier avec le roi des génies pour créer un traquenard contre l'échiquier. ». Abuser c'était sans doute un peu fort. Disons qu'ils s'étaient consolés mutuellement de notre indifférence commune, celle de Mitsuko à l'égard de Zéleph, et la mienne à l'égard de Svana. Enfin, peu importait. « Donc, l'or et les lampes également. Car, selon la légende, elles renfermeraient des espions pratiquement indécelables. Et il me les faut, justement pour surveiller mes ennemis. ».

Je me levai, un petit sourire s'inscrivant sur mon visage : « A présent, je dois avouer que je suis tenté d'effacer votre mémoire ou de remonter le temps. Mais, on va dire que nous allons entrer dans la caverne tous les deux, en ressortir tous les deux et s'en tenir à notre deal de 50/50. Je n'ai rien contre vous, je n'ai rien contre les génies et, comme je l'ai dit, je n'ai aucune utilité à en posséder un. ».

Un petit sourire se dessina sur mes lèvres. « Les bons mots hein? Excusez moi mais je laisse cela à mon frère. Voyez vous, les mots peuvent bien souvent ne résulter que d'un état d'esprit actuel, résulter de sentiments qui évoluent. Seuls les actes comptent pour moi. Savoir parler en public est une chose mais je peux vous dire en face que je déteste les génies sans pour autant que cela soit vrai. Et pour en revenir à Mitsuko, comment croyez vous qu'elle ait pu en arriver là? Oui, elle a manié les mots, elle a menti sans que ses interlocuteurs ne puissent en déceler le mensonge, mais je préfère qu'on me juge sur mes actes plutôt que sur mes paroles. Je préfère m'entraîner encore et encore pour devenir plus fort afin que jamais plus je n'ai à manipuler les êtres, afin que je puisse être ce que je suis aux yeux du monde, afin de pouvoir affronter de face mes ennemis, être un lion plutôt qu'un serpent. Quant aux génies, mon expérience m'a fait faire une généralité. Certes, certains génies ne cherchent pas à nuire aux individus, la directrice du sanctuaire en est un bon exemple. Néanmoins, je garderai mon idée première. Alors oui, c'est comme si nous disions que les sorciers étaient fourbes, la plupart le sont c'est vrai, mais il y a des exceptions. Idem pour les génies. La plupart cherchent à nuire à leur maître, d'autres cherchent juste à les aider mais en terme de statistiques, ces derniers sont moins nombreux. Je le redis, peu importe mon avis, seuls mes actes compteront et je suis encore libre de penser comme je le veux non? ». Je souris, visiblement amusé par quelque chose qui devait totalement échapper au génie. Mais en réalité, je pensais que quelque soit ma race, j'avais toujours vu les génies de la sorte et vu que j'étais très ancien, moins que Naram, mais beaucoup plus que la plupart des individus que j'avais croisé ces derniers temps, je songeais que si je pensais ainsi, c'était qu'il y avait une raison, des additions de faits qui avaient forgé l'idée.

A vrai dire, la suite de son discours, je ne l'écoutai que d'une oreille peu attentive. Il me prenait pour le dernier des abrutis ou bien? Je pris donc les devant afin d'entrer dans la caverne, commençant à descendre l'escalier en pierres qui se trouvait là. Bien sûr, j'allais répondre, mais je voulais que mon silence parle pour moi quant à ce que je pensais de son petit commentaire. Tout avait toujours une conséquence et moi-même ne pouvait savoir ce qu'il se passerait une fois que j'aurai tué Mitsuko. Avant, le simple fait de la tuer m'aurait tué aussi, protection mise en place par la première du nom, mais, à présent qu'elle était immortelle, je ne savais ce qu'il se passerait. Néanmoins, lorsque ce jour arriverait, le cristal maître serait entre mes mains et, de ce fait, j'aurai le droit de vie ou de mort sur les individus de ce monde, j'aurai des pouvoirs dépassant l'imagination, je pourrai créer un continent, en supprimer un, ramener les personnes à la vie, créer des espèces. Oui, le pouvoir suprême serait entre mes mains et, à ce moment précis, les conséquences ne m'atteindraient que si je le souhaitais. Je tournai alors la tête vers Alec avant de lui dire d'un ton tout à fait neutre et assuré : « Ne vous inquiétez pas pour moi. »

Je reportai alors mon attention sur l'escalier qui semblait s'enfoncer dans le sol bien plus que je ne l'aurai pensé puis je m'arrêtai en plein milieu, m'appuyant contre le mur pour regarder le génie de nouveau : « Vous avez dit qu'elle était agacée par la colère que vous aviez à son égard et que c'est pour cela qu'elle vous a poussé au suicide... ». Oui, là aussi, j'avais compris qu'il s'agissait de Mitsuko vu que l'esprit de la mort qui l'avait précédé était un homme et que celle qui était à présent sur le trône, officiellement bien que disparue, ne pouvait être qualifiée « d'ancien esprit de la mort ». « Pourquoi étiez vous en colère? Parce qu'elle a créé un enfant sans votre consentement? ». Ça me paraissait une raison plausible mais si ce n'était pas ça, alors ça devenait plus intéressant. Après tout, peut-être que cet homme avait une dent contre elle? C'était un peu comme Svana qui s'était mise à haïr Naram dès qu'elle avait su qu'il avait torturé son jeune fils avant de le tuer. Deux êtres ressentant des sentiments négatifs à l'encontre d'une même personne pouvaient toujours s'entendre, forcément. Puis, reprenant ma marche doucement, je lui demandai alors : « Quel âge a votre fils? Je veux dire, en terme d'apparence puisque beaucoup des enfants qu'elle a créé ont pris une apparence adulte. D'ailleurs, mon propre fils devait avoir en apparence la même tranche d'âge que moi, ce qui était assez troublant, je dois l'avouer. ». Je fis une pause. « Vous savez, je vous ai parlé de mon fils adoptif. Il se nomme Eriol et il a dix ans. Très intelligent, tellement qu'il mémorise absolument tout. C'est amusant car, même si je l'aime beaucoup, c'est pas la même chose, il n'a rien de moi, il n'a pas le même sang. C'est différent de la relation que j'avais avec mon fils, même s'il avait été créé par magie. Et puis, j'aimais beaucoup chercher nos ressemblances, parfois dans le physique, dans le caractère ou dans certaines de ses mimiques. Enfin, je suppose que vous comprenez ce que c'est puisque vous êtes père. ». Ce que j'aimais moins, cela dit, c'était de trouver en lui des traces de Mitsuko. Cela m'avait plu au début mais... enfin.

L'escalier se finit et nous débouchâmes sur une pièce immense, remplie d'or, d'argent, de pierres précieuses, de bijoux en tout genre. Je m'arrêtai, cherchant les lampes du regard, posées sur un socle dorée au milieu de la pièce. « Pourquoi j'ai la mauvaise impression que si nous les ôtons d'ici, il se passera quelque chose de dangereux? ». C'est vrai que tout ceci me paraissait un peu facile jusque là, bien que, quelqu'un ne possédant pas le livre qui était mien n'aurait jamais pu trouver la caverne, mais... oui, c'est ça, j'avais un mauvais pressentiment. Je fixai Alec : « Je suppose que vous connaissez les pièges vous? Non? Quant à l'or, je possède un pouvoir très utile qui me permettra de l'envoyer directement où je le souhaite, je peux vous aider à tout transporter. En gros, on se partage le travail en quelque sorte... Si vous en voulez toujours en tant qu'être non dénué d'intelligence ». Je souris, amusé quant au rôle qu'il m'avait joué plus tôt.

Je souris. « Mitsuko a le chic pour se faire des ennemis je crois bien, que les raisons soient fondées ou non. ». Je pensais alors qu'en plus de cela, elle ne donnait que rarement tord à la personne qui la haïssait, chose que je ne précisai pas. J'avais cru un certain temps que le fait d'avoir des opposants était un moteur pour elle, pour avancer, pour devenir plus forte, comme une sorte d'avertissement. J'avais ensuite pensé qu'elle préférait sans doute voir ces individus se tourner vers elle ainsi, ayant un objectif dans la vie, même le mauvais, quitte à ce que celui-ci soit de la tuer. Mais cette dernière théorie était stupide car, finalement, elle n'était pas réellement préoccupée par le sort d'autrui. Et, finalement, j'avais opté pour l'indifférence, la théorie qui disait qu'elle se fichait de ce que les gens pensaient à tord, s'ils étaient trop peu intelligent pour voir la vérité en face, alors tant pis pour eux. Je ne savais pas si j'avais raison mais, une chose était sûre, déesse ou non, à chaque fois que je me trouvais devant elle, je pouvais connaître chacun de ses sentiments. « Il est vrai que se mettre une déesse à dos est une très mauvaise idée. Il faut être fou pour cela! ». Je ris, étrangement de bonne humeur et étrangement amusé par la tournure que prenait la situation. Après tout, ce n'était pas qu'elle que je voulais tuer, mais bien tous ses semblables, tous ces Aetheri qui sauvegardaient l'équilibre tout en intervenant pour leurs fidèles. Je trouvais leur façon de faire légèrement hypocrite, comme si les puissants de ce monde n'avaient pas leur mot à dire, juste lorsqu'un fidèle le leur demandait. Certains étaient si puissants qu'ils pourraient détruire le monde et, je savais que si un jour je me retrouvais à leur place, je n'hésiterai pas un seul instant à me servir de mes pouvoirs. On disait que la connaissance les en empêchait, mais j'étais curieux à ce propos. Lorsque je détiendrais le cristal maître, j'étais sûr que la connaissance ne me barrerait pas la route pour accomplir mes desseins.

« Ils pourraient sans doute s'entendre s'ils se rencontraient. ». Je parlais de nos enfants. « Enfin, Eriol étudie beaucoup chaque jour. Mon épouse veut faire de nos enfants, parce que nous avons adopté une fille également, les héritiers de l'échiquier. Vous savez, je n'ai jamais eu d'enfance, je ne sais même pas ce que ce mot veut dire et, les enfants adultes de Mitsuko ont au moins l'avantage de posséder une mémoire factice. Je suis né adulte, conscient du monde m'entourant, conscient de sa cruauté, cultivé, musclé, mais sans souvenir. C'est un peu comme si on m'avait tout donné de base, comme si je n'avais pas connu le prix de l'effort, je n'ai jamais appris à marcher par exemple, je savais déjà le faire le jour où je suis né. Oh bien sûr, après la mort de la première Mitsuko, j'ai été réduit sous forme d'esprit et quand j'ai repris un corps, j'ai dû apprendre à la maîtriser, le fortifier. Mais oui, je suis assez d'accord, peut-être vaut-il mieux vivre une enfance heureuse, être innocent, naïf et insouciant, plutôt que de basculer trop vite dans le monde des adultes. ». Je parlais sans doute plus en tant que père que sorcier, oui, c'était ça, en tant que père. Seulement, même si je voulais mettre ma famille à l'abri, je savais qu'entre elle et mon projet, le choix était déjà fait. C'était malheureux mais je m'y étais préparé le jour même où j'avais pris une telle décision. Un homme ne pouvait être au maximum de sa puissance en ayant peur pour autrui, en regardant toujours derrière soi pour s'assurer que sa famille allait bien. L'indifférence publique était sans doute la meilleure arme car mes ennemis cherchaient à frapper là où ça faisait mal, et non là où ils savaient que je ne ressentirait que du néant.

J'écoutais mon guide, le contemplant à l’œuvre. En réalité, ce qui me mit la puce à l'oreille était ses paroles concernant ce que contenaient les lampes. Oui, elle pouvait tout aussi bien contenir les espions que le trésor mais jamais je n'aurai deviné seul. Bien sûr, nous parlions depuis tout à l'heure et peut-être que je n'étais pas aussi concentré que si j'étais venu ici seul mais, enfin, je ne pouvais savoir. Il y avait tellement d'hypothèses au futur, ce qu'aurait été cet instant si j'étais venu seul, ce qu'aurait été cet instant si je ne lui avais pas demandé de se révéler à moi. Oui, beaucoup de possibilités. Quoi qu'il en soit, quand il fit disparaître le contenu entier de la pièce je compris que sans lui, je me serai sans doute laissé prendre. Oh je n'aurai pas essayé d'y aller franchement, mais j'aurai juste touché du doigt l'une des pièces pour voir ce qui se serait passé alors. M'avançant alors à la suite d'Alec, je dis légèrement amusé, même si, à vrai dire, j'étais conscient que ma bêtise m'aurait sans doute perdu : « Je comprend mieux pourquoi le livre précisait bien que peu d'individus en étaient ressortis vivants... ». Nous débouchâmes alors sur une pièce plus petite dans laquelle se trouvaient juste deux lampes, posées sur une étagère en bois ne payant pas de mine. « Je vous laisse le privilège de les attraper... ». Après tout, c'était ça l'idée à la base, non? Lui connaissait l'endroit, moi non, et puis, en temps que génie, il s'en sortirait bien mieux que moi s'il devait lui arriver quelque chose. Ce n'était pas vraiment un manque de courage de ma part mais disons que cet endroit n'était pas rassurant à mon sens. Tout ce qui touchait les génies était un peu obscur, il fallait l'avouer et, ce n'était pas pour rien que le Mârid était considérée comme le plus puissant des souverains, avec l'esprit de la mort bien entendu. Mais d'ici peu, avec tout ce qui tournait autour des sorciers, peut-être que l'on se méfierait davantage du roi de cette race... il fallait voir. Je finis par sourire, me trouvant bien social aujourd'hui, peut-être aussi parce que j'avais retrouvé depuis peu une amie qui m'était chère par le passé. « Une fois tout ceci terminé, peut-être que nos chemins se croiseront de nouveau. Et j'espère qu'à ce moment là, nous ne nous trouverons pas sur des rives opposées. ». C'était un moyen comme un autre de lui faire entendre que je l'appréciais légèrement. En même temps, quelqu'un qui semblait en guerre contre la déesse ne pouvait que me plaire.