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 [Q] - Pas de quoi en faire tout un plat

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Astriid
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◈ Parchemins usagés : 2367
◈ YinYanisé(e) le : 03/04/2020
◈ Activité : Empoisonneuse
Astriid
Jeu 27 Aoû 2020, 00:22

[Q] - Pas de quoi en faire tout un plat Bu2k
Pas de quoi en faire tout un plat


Intrigue/Objectif : Grendel doit s'occuper d'un nouveau petit garçon alors que le cirque s'installe à Sceptelinôst




Grendel

Nouveau compagnon Fae muahahahaha
«Oooh Hisse! Oooooh Hisse !» Les muscles tendus, les pieds fermement ancrés dans le terreau humide et nauséabond des abords de Sceptelinôst, nous tirons les cordes du chapiteau. Les grognements, les jurons quand l'un d'entre nous lâche la corde, créant une balafre béante sur sa pommette, toutes ces choses qui font notre quotidien à chaque installation. Aussi ardue soit-elle, nous acceptons ces corvées de plein gré. Il n'y a pas de pain sans travail. Il n'y a pas de mérite sans sueur et sang. L'ennui et la fainéantise, c'est pour les faibles nés avec une cuillère d'argent dans le bec. C'est ce que dit toujours Bichon. Derrière les paillettes dans les yeux du public se cachent les coulisses d'une vie rude et éprouvante.
Un crachin vient rafraîchir nos visages rougis par l'effort et une brise malodorante nous parvient du port, pourtant assez loin. Sous les ciel sombre de ce pays, même les nuages roses dessinés sur le van de Bichon paraissent tristes et ternes. En frissonnant, nous nous abritons sous l'abri familier de la grande toile étanche pour partager un repas, maigre après nos errances mais nous sommes affamés et nul ne dit rien sous le regard émacié de Chichi. Tout le monde sait qu'il se prive autant que nous et vit aussi chichement que Perlimpinpin, le petit carlin famélique de Mademoiselle. L'égalité est le maître mot de notre compagnie. Le patron veut limiter les braises des conflits, m'a-t-il dit un jour, et les conflits, c'est pas rentable. Comme si penser à lui attirait son attention, je sens son regard sur moi, ses prunelles noires brillant comme deux brasiers sous son chapeau rayé haut de forme. Il lève un doigt crochu, m'invitant silencieusement à le rejoindre. Avec regret mais sans hésitation, je lâche mon assiette pour me lever. Presque automatiquement, Mildred bondit sur la table pour finir mon repas, ronronnant devant la purée comme si c'était son dû. Un jour je mangerai ce matou. C'était bien peu demander comparé à tout ce qu'elle me volait. J'étais sûr qu'il était aussi lourd que moi.
La voix de Chichi, doucereuse et magnétique, me coupe dans les projets qui dansent dans ma tête. «Petit, je veux te montrer quelque chose.» Je me tord les mains nerveusement en murmurant. «Petit petit, ça sent le rififi ! Mais son nom maintenant c'est Grendel, ça rime avec Mademoiselle.» La dénommée Mademoiselle me souffle un baiser quand elle entend son nom et je rougis aussitôt. Chichi pose une main possessive sur mon épaule pour m'entraîner plus loin mais je me défile comme un serpent. «Pas toucher, non non, toucher c'est voler, voler c'est croquer.» Il renonce et m'enjoint de le suivre pour s'éloigner des grandes tables bruyantes. Le grand chef nous mène à sa propre caravane mais nous n'entrons pas. Personne ne rentre chez Chichi. Sur le marchepied est assis un petit garçon. Avec la pluie qui tombe sur ses cheveux carotte, il me fait de la peine. Il doit avoir le même âge que moi, peut-être plus jeune. Quand il nous entend, il lève un regard effrayé et défensif sur nous avant d'ouvrir la bouche, surpris. J'ai l'habitude de ces réactions, je préfère la surprise au dégoût. Aujourd'hui, je porte l'un de mes masques, mon maquillage ne tiendrait pas avec cette pluie. Le rouge et le noir sont les seules couleurs de mon uniforme. Le vêtement forme des losanges sur mon corps étroit. Une fine collerette transparente tisse une toile d'araignée autour de mon long cou osseux et ma tête est surmontée d'un immense chapeau dont les deux extrémités, l'une carmin, l'autre noire, sont ornées de petits carillons. Le petit garçon semble appeler à l'aide Chichi avec ses grands yeux gris clairs. Je vois bien qu'il est mal à l'aise. Ça me plaît. Le patron rompt le silence malaisant qui s'était installé lors de notre observation mutuelle. «Bien, petit, je veux dire, Grendel, excuse-moi, tu vas t'occuper de euh, eh bien de petit. Tu es tout petit et il est tout petit, vous pouvez bien vous partager ta caravane. T'auras qu'à lui montrer le camp, lui présenter tout le monde et lui donner des trucs à faire. Fais attention qu'il soit pas dans nos pattes sinon tu prendras aussi, compris ?»
Désorientée par tous ces petits qui naissaient comme autant de champignons dans ma tête, je ne réagis pas tout de suite, immobile pendant plusieurs seconde, mon masque fixant le petit roux. Soudain, j'éclate de rire, j'en frappe même mon ventre d'hilarité et le petit esquisse un sourire hésitant et gêné, incertain de l'attitude à adopter face à moi. Mon rire se termine en un hurlement suraigu et il sursaute. Chichi glousse et nous abandonne sous le regard inquiet du roux. Il ne semble pas rassuré de devoir rester seul avec moi. Sans rien dire, je lui tourne le dos et marche vers mon chez-moi. Bientôt, j'entend ses petits pas fouler l'herbe déjà aplatie par nos va-et-vient. Il semble rassembler son courage et me demande. «Tu t'appelles comment ?» Je m'arrête net et il glapit de surprise, rebondissant dans mon dos. Je me retourne et me penche sur lui. Par réflexe, il mime mon mouvement et penche son buste en arrière. «Grendel, je suis une mirabelle, juste pas aussi belle.» Interloqué, il ne répond rien mais comme il voit que je ne bouge pas, il répond : «Ah d'accord et euh moi je suis Rick.» Je le pousse en arrière et il tombe sur ses fesses en poussant un cri. J'avance sur lui en agitant les bras follement comme un moulin. «Non ! Non non non mon con ! Toi tu es le petit ! Chichi a dit ! Hi Hi Hi !» La première émotion qui passe sur son visage est la colère mais rapidement, ses yeux s'emplissent de larmes et je me sens presque coupable de le tourmenter ainsi. Alors que je m'apprête à lui tendre une main pour l'aider à se relever, son visage se ferme, sa bouche prend une moue vexée et il se relève de lui-même. Ses vêtements déjà trempés sont maintenant tout boueux, il va attraper froid s'il ne se sèche pas rapidement. Ça me ferait une belle jambe. Au moins un truc de beau. Je ris à ma propre blague. «Grendel, c'est pas un modèle. Mes pensées sont désolées.» Il secoue la tête, il ne comprend pas.
Enfin, nous entrons dans ma caravane. Il y fait sombre et un rat s'en échappe quand j'ouvre la porte. J'allume une bougie sur ma commode et sur le tabouret qui me sert de table de chevet et j'observe le petit plisser les yeux et afficher un dégoût visible pour mon chez-moi. Mildred, le fourbe, jaillit de sa cachette dans l'ombre et se frotte contre les jambes du roux en ronronnant. Il ne laisse jamais personne le toucher, ronronner encore moins, sauf pour manger. Furieuse, je résiste à l'envie de donner un coup de pied au chat, il m'aurait évitée sans problème et cette pensée seule suffit à m'agacer. Je me mord la langue pour retenir la colère qui monte et j'étend en silence sur le vieux plancher le vieux matelas troué que j'utilisais comme couchette au début quand la vieille occupait le lit. Il était petit, ce serait parfait pour le petit. Je lançais une couverture à la tête du roux et le regardais s'installer. Il marmonna tout bas, mais pas assez pour que je n'entendisse pas : «Tu comptes me fixer comme ça longtemps ?» Je gloussai, mon rire résonnant dans le silence. «Longtemps mais c'est pas moi le temps ! » «N'importe quoi...» Je lui tournai le dos vivement et tapotai ma fesse d'une bonne claque avant de lui donner des vêtements secs. Je ne lui laissai pas le temps de répliquer des remerciements et je soufflai les bougies avant d'aller me blottir dans mon lit avec la lumière de la lune pour seule compagne.
Le lendemain, Mildred me réveilla avant l'aube, malaxant mon estomac et miaulant dans mes oreilles. Je cherchai à le jeter à terre mais la bestiole est plus forte qu'elle n'y paraît et elle planta ses griffes dans mon ventre. Je poussai un cri strident qui fit bondir le petit roux. Je hurlai encore plus fort en le voyant, je l'avais oublié. Il cria à son tour avant de fondre en larmes. La porte claqua brusquement et Bichon apparut. «C'est pas bientôt fini ce bordel ? La ferme les moches ! Si vous êtes réveillés, allez nettoyer les enclos, ça va vous calmer ! Sales morveux de merde !» Et il s'en fut, laissant la porte ouverte. La fourrure hérissée, Mildred consentit enfin à quitter son perchoir et marcha d'un pas royal vers le petit roux, lui offrant son minois le plus adorable. Ils me dégoûtaient et je sentais la jalousie m'embraser en voyant leur complicité. Je voulais profiter aussi de ce lien avec eux mais je ne savais pas comment faire alors je me levai et jetai les deux dehors d'un grand coup de pied. Je ricanai et je pris soin de marcher sur le roux en sortant. Le petit allait découvrir comment on occupait nos journées. Je comptais bien qu'avant midi, il perde le sens de l'odorat après avoir nettoyé toutes les cages.
Toute la journée, le petit me suivit comme mon ombre, exécutant sans broncher les tâches que je lui assignais. Je décidai de le laisser tranquille pour aujourd'hui et je ne le tourmentai pas trop. Il fut sensible à mes efforts et à midi, il m'offrit même son dessert. Il était vraiment adorable, c'était presque à vomir. Pourtant, malgré sa mièvrerie, il ne le vit pas mais son geste m'avait émue aux larmes, je crois qu'il m'entendit renifler derrière mon masque mais, gêné, il ne dit rien.
Nous étions crottés jusqu'aux cheveux à la fin de la journée et Mademoiselle fronça le nez. «Vous empestez, les enfants, dégagez et allez vous laver. C'est répugnant.» Je m'inclinais bien bas devant elle avant de filer vers le ruisseau en entraînant le roux derrière moi. Il fallait marcher plusieurs minutes et sur le chemin, nous fûmes attaqués par une armée de moustiques et autres insectes. Il ne parlait pas, sûrement par peur d'en avaler par mégarde. Je n'avais pas ce problème et je jacassai des propos sans queue ni tête tout le trajet, mes clochettes sautillant joyeusement sous mes petits bonds. J'étais joyeuse aujourd'hui. Chichi avait peut-être raison finalement, c'était bien d'avoir un ami de mon âge. Il était un peu taciturne mais il changerait bientôt. Personne ne restait longtemps aussi sombre en vivant au cirque. Le public n'était pas le seul qui aimât rire.
Pendant que j'enlevais mes chaussures pour aller les laver, je vis le petit plonger une main dans l'eau. Il la retira aussitôt. «C'est glacé ! Vous n'avez pas de baignoire au camp ?» J'eu un glapissement moqueur. J'avais entendu parler des baignoires mais je n'en avais jamais vu la couleur. «C'est glacé et c'est l'idée, c'est glacé et c'est bon pour la santé !» Et je le poussai dans l'eau en poussant un «Han !» d'effort. Il disparut momentanément sous l'eau avant de resurgir, ses cheveux couleur carotte plaqués sur son front. Il n'était pas très beau. «Tu n'es pas très beau coco, mais tu n'es ni assez beau pour faire partie de notre famille, ni assez moche. Alors tu sers à quoi mon beau ?» Furieux, il claquait trop des dents pour répliquer. Il sortit de l'eau en prenant ses distances avec moi. Finalement, il réussit à balbutier. «C'est nul ce que tu fais Grendel. C'est méchant. » Je penchai la tête sur le côté, mimant l'incompréhension. «C'est quoi méchant ? Méchant comme Panpan ? Panpan est blanc donc pas méchant !» Il frappa du pied de colère et je souris derrière mon masque. Il était attachant. Je pris pitié de lui et m'approchai avec une serviette. Il recula et je levai les mains en évidence pour lui montrer que je voulais arrêter le conflit. Encore méfiant, il me laissa approcher en restant sur ses gardes. Je lui frottai les joues aussi fort que je le pouvais avec le tissu rêche, cherchant à déloger la saleté pour retrouver la pâleur de son teint. Il grimaça puis se mit à sourire. Avant que je ne puisse réagir, il me poussa à son tour. L'eau me happa aussitôt, pénétrant mon masque, mon nez, mes oreilles et ma bouche. Paniquée, je hurlais et avalais de l'eau. Je me débattis, j'avais peur, je ne savais pas nager. Enfin, mes fesses heurtèrent le fond et je me propulsai vers la surface avec mes pieds. Je toussai violemment et tremblai de tous mes membres. La peur m'avait réduite au silence et je hoquetais, sentant les larmes monter. Non. Je ne devais pas pleurer. Pleurer c'était pour les faibles. J'étais pas faible. J'entendis alors son rire et je levai les yeux vers le petit. Son visage, transformé par l'hilarité, semblait s'illuminer de l'intérieur. Sans savoir comment ni pourquoi, je me surpris à rire avec lui. Je n'étais pas faible. J'avais un ami.




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Astriid
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Astriid
Jeu 27 Aoû 2020, 20:30

[Q] - Pas de quoi en faire tout un plat Bu2k
Pas de quoi en faire tout un plat





Grendel

Nouveau compagnon Fae muahahahaha
Assis sur la berge, tremblants de froid, nous formions un triste spectacle. Mes vêtements collaient désagréablement à mon corps et mon chapeau pendait misérablement, même les petites clochettes ne faisaient plus entendre leur notes légères. Le petit tentait de se sécher, il s'était dévêtu jusqu'à la taille, son corps mince frissonnant dans l'air du soir tandis qu'il claquait sa chemise contre l'arbre. Il m'interpella : «Tu devrais faire pareil, tu vas attraper froid.» En claquant des dents, je me frottai les bras. «Oui froid, c'est pas la joie mais ça tiens tout droit.» Il secoua la tête et vint s'agenouiller devant moi avec un air de sollicitude sur son visage joufflu. «Tu dois avoir plein de vase sous ton masque, laisse-moi voir, je vais t'aider à te nettoyer.» Ses doigts crochetèrent le bas de mon masque et je me jetai en arrière dès que je sentis son contact, roulant en arrière. «Pas touche , je te coudrai la bouche !» Le roux me regarda effrontément, peu effrayé par ma menace. «Pourquoi tu parles toujours comme ça ?» J'exécutai une danse maladroite, tirant sur mon chapeau pour me former une fausse barbe. «Pourquoi, pourquoi ? Pourquoi, disait la proie ? C'est pour mieux te manger mon enfant !» J'éclatais d'un rire grinçant et je le vis frissonner en regardant autour d'eux. Je crois que je lui faisais peur. Tant mieux. La peur c'est bien. Si je faisais peur, j'étais intouchable. Chichi fait peur à tout le monde et personne n'a jamais rien dit contre lui ou rien tenté contre lui. «T'es trop bizarre !» s'exclama le roux. Je m'arrêtais dans ma ridicule gigue. «C'est celui qui dit qui l'est !» Ma phrase fétiche, elle mettait tout le monde en colère. Les gens accordent trop d'importance aux paroles. Il s'approcha à nouveau de moi en tendant les mains. «Alleeeez ! Je peux quand même voir sous ton masque ? Tu es quoi au juste ? Je te promet que je ne me moquerai pas.» Une promesse ? Si c'était une promesse, alors d'accord. On peut toujours faire confiance aux promesses, c'est Bichon qui me l'a dit. «D'accord, je te montre, mais en échange, tu me donneras tous tes desserts pendant une semaine !» Le petit réfléchit pendant une solide minute, un doigt coincé sous le menton. «Disons deux jours !»«Non six sinon ça glisse comme la pisse !»«Beurk! Bon cinq alors ?» Je fis une cabriole que je ratais et je tombais sur le côté dans un hurlement. Le petit se précipita aussitôt vers moi, un pli inquiet barrant son front au dessus de ses yeux innocents. «Grendel ! Ca va ?» Je souris malicieusement sous mon masque. «Je crois que ça ira mieux si tu me donnes tes desserts pendant six jours...» Il rit, il semblait soulagé que je ne me sois pas réellement fait mal. Où était-ce ce que je voulais voir sur ses traits ? En vérité, je craignais encore de lui montrer mon visage. J'avais été témoin de sa gentillesse dans la journée, il n'avait jamais un mot de travers pour personne, il semblait bien élevé et il était gentil même avec nos trois petits cochons que tout le monde embêtait. Saurait-il être assez gentil pour la Fae affreuse que j'étais ? M'embrasserait-il ? Les questions bourdonnaient dans ma tête comme des abeilles furieuses et je gloussai nerveusement. «Si tu ris, je fais un trou dans ton bide.» C'était ma promesse en échange de la sienne.
Lentement, je fis glisser le masque vers le haut, entraînant le chapeau qui y était accroché. Un frisson me parcourut tout le corps quand le vent frais vint me caresser les joues. Je gardai les yeux fermés. J'avais peur de voir le dégoût dans ses yeux. Serait-il toujours mon ami après avoir vu mon visage ? J'avais terriblement peur. Non ! Avoir peur, c'est être faible ! Moi, j'étais forte comme un bicorne ! J'étais forte comme Chichi quand il nous montrait ses tours de magie ! J'ouvris les yeux et levai le menton en l'air avec défi. Mais aucune émotion ne traversait son visage. Lentement, il leva une main, comme pour approcher un chien sauvage. Hypnotisée par l'importance que ce moment avait pour moi, j'étais à sa merci et je laissai approcher sa main de mon visage. Quand ses doigts effleurèrent ma pommette, je tressaillis, mon corps cherchant malgré moi à se soustraire au contact. Ce visage que je haïssais, que le monde entier haïssait, j'étais la seule à le toucher. Et Mademoiselle. Elle, je la laissai faire car elle avait créé Grendel. Elle avait fait de moi quelqu'un. Et maintenant le petit qui découvrait mon faciès de ses doigts potelés. Il serait gros plus tard.
En voyant que je ne réagissais pas plus, ses lèvres s'étirèrent en un large sourire, dévoilant deux dents proéminentes, des dents appropriées pour ses cheveux carottes. Il prit soudain mes deux joues qu'il pinça entre son pouce et son index et il les ramena vers lui pour former une grimace grotesque. «Mogneugneugneugneu !» Je fronçai les sourcils et je me dégageai d'une torsion du buste avant de le gifler avec toute la force de mes petites mains. Je me levai et criai sur lui, les poings serrés le long de mon corps :«Pas drôle ! Je vais faire cuire tes doigts dans ma casserole !» Il gloussa mais je ne voyais aucune méchanceté dans ses yeux rieurs. Je remis malgré tout mon masque. Imperceptiblement, je soupirai et je sentis les muscles dans mes épaules se détendre aussitôt. «Bon, on rentre ? On séchera en marchant.» Il avait dit ça comme si de rien n'était et je le regardais avec curiosité. Il n'avait pas dit que j'étais un monstre, une erreur de la nature. Contre ma volonté, je sentis l'étincelle de l'espoir s'éveiller en moi. Mon précédent désir qu'il soit mon ami paraissait dérisoire. Je voulais plus. Je voulais qu'il soit mon billet de retour aux Jardins. Grâce à lui, je pourrais-je dire adieu à ce faciès, à ce corps. Il avait juste à m'embrasser.
Dès lors que j'eus ce cheminement de pensée, cette idée prit racine en moi. Elle me rongea tant que je demeurai silencieuse pendant tout le trajet de retour, pensive et détachée. Arrivée à la caravane, j'avais pris ma décision. Il fallait que le petit soit à moi. Il serait ma chose et je serai la sienne. Je lui offrirai le monde s'il daignait m'offrir ma liberté tant désirée, que j'avais étouffée pour ne plus souffrir. Je voulais tant être belle. Si j'étais belle, tout le monde m'aimerait.
Le petit devint mon obsession. Je me mis à l'observer, à épier ses faits et gestes, je buvais ses paroles, je cherchai à lui plaire par tous les moyens. Je me mis à le suivre également les rares fois où il s'éloignait de moi et nul dans le campement ne sut plus qui suivait qui. Nous étions devenus inséparables et à mes yeux, les meilleurs amis du monde. Je lui avais présenté notre troupe, sa nouvelle famille mais, à mon immense plaisir, il choisit de rester avec moi. Je fus son mentor et, il me plaisait de le penser, son modèle. Prenant mon rôle au sérieux, je lui expliquais notre routine, ce qu'on attendait de lui et il écouta tout cela avec de grands yeux surpris, il devrait s'habituer à notre vie de nomade. Et il s'adapta vite, si vite que Chichi le remarqua. Je le sais car un soir, je trouvai deux sucettes dans ma caravane. Elles étaient réservées au public, moyennement quelques pièces et qu'il nous les offre prouvait sa satisfaction car rien n'était plus important que le profit pour le patron. Avec le petit, nous grimpâmes sur le toit de ma caravane pour savourer notre confiserie à la belle étoile. Il avait appris à composer avec ma personnalité et il essayait même parfois de parler comme moi, copiant mes rimes.
Le petit était très influençable et, avec moi à ses côtés, les bêtises étaient inévitables. Un après-midi, des familles visitaient les enclos avant que le spectacle ne commence. C'était l'occasion de voir de plus près notre éventail famélique d'animaux, ce qui ravissait les enfants inconscients de la cruelle vie qu'ils menaient. Avec le petit, nous devions aller nous préparer mais au lieu de cela, nous fîmes un crochet par les enclos, discrets comme des ombres. Un échange de regards malicieux avait suffit. Je pris la droite et le roux prit la direction opposée. Nous ouvrîmes en grand les cages près de la sortie pour piéger les visiteurs. Ce fut un chaos sans nom. Les cris des visiteurs, les cris des animaux, c'était si drôle ! Je n'oublierai jamais la vision de Fernand, le vieux lion qui engagea un combat furieux avec Bertha, l'autruche que nous avions achetée l'an dernier. Encore jeune et vive et surtout teigneuse comme tout. Elle défendit chèrement ses plumes mais le lion sournois eut raison d'elle. Au prix d'innombrables pincements sur son cuir, il réussit à mettre le volatile à terre pour en faire son repas sous les yeux à la fois fascinés et terrorisés des parents et des enfants. Ce jour-là, Chichi nous fouetta durement et nous n’eûmes pas droit à un seul repas pendant trois jours. Il nous menaça même de nous enfermer dans l'ancienne cage de Bertha mais il devait être dans un bon jour car il nous laissa aller nous réfugier dans la caravane à la place. Ô mais quel fou rire nous prit alors, les larmes coulaient et je m'en roulais par terre malgré les striures sanglantes et gonflées dans mon dos. Je passai les meilleurs moments de ma vie.
Une routine s'installa à Sceptelinôst au fur et à mesure que les jours s'étiraient en une semaine, puis deux. Les gestes étaient rôdais et peu de mots étaient nécessaires pour que le travail soit fait. Mon attachement pour le petit grandissait mais je ne crois pas qu'on puisse parler d'amour. Mon envie dévorante pour lui provenait de l'espoir que j'avais de sortir de ma condition. Mon âme d'enfant désespérait d'obtenir l'attention et l'amour de ses pairs et je m'imaginais déjà, belle, plus belle que Mademoiselle, me présenter à nouveau aux Jardins. Je voulais rencontrer ma mère. Elle avait une couleur violette, je crois. Mes souvenirs sont flous. Je m'inquiétais soudain. Je ne me rappelais pas mon nom. Pouvaient-ils me refuser l'entrée pour cette raison ? Et si je m'en inventais un ? Si je mentais ? Le devineraient-ils ? Serais-je punie ? Serais-je bannie à nouveau ? Je ne pourrais pas supporter une telle douleur. Oui, s'ils me refusaient, je ferai appel à toutes les forces sombres du Yin et du Yang pour détruire cette race qui me rejetait. Le sang me monta aux joues et je bondit soudainement sur mes pieds en criant, faisant sursauter le petit, pourtant habitué à mes sautes d'humeur. J'arrachai mon masque que je jetai à terre. Il m'avait dit qu'il me préférait sans - Ca me rend mal à l'aise de parler à un masque, je n'arrive pas à deviner à quoi tu penses - et je partis dans une série de roues autour de lui en faisant des grimaces loufoques. Son rire me réchauffa, j'aimais l'entendre, je voulais qu'il ne s'arrête jamais. «Tu me fais rire Grendel. Je ne riais pas beaucoup dans mon ancienne maison.» J'arrêtais mes pitreries à l'évocation de son passé dont il ne parlait jamais. Il semblait vouloir se confier car ses yeux étaient fixés au loin, perdus dans les fantômes de ses souvenirs. En silence, je m'assis en tailleur en face de lui.
Nous étions de retour au ruisseau car nous voulions observer les étoiles. Nous nous étions promis que si nous voyions la même étoile filante, nous aurions le même vœu : partir ensemble et faire le tour du monde. Des rêves de gosses qui faisaient battre mon coeur plus vite et stimulaient mon imagination. «J'étais... un domestique dans une grande maison. Je n'étais pas seul. J'avais un grand frère... Mais il n'était pas toujours gentil. Il était souvent cruel et je prenais toujours les punitions à sa place. Un jour, c'est allé trop loin et comme toujours, la faute est retombée sur moi. Ils ont voulu me vendre à un marchand d'esclaves pour se débarrasser de moi. Et mon frère riait. Je compris que je n'avais personne d'autre que moi-même et je me suis enfuis.» La gorge nouée, je ne répondis pas. Je m'identifiais à ce qu'il avait dû ressentir. Je comprenais trop bien. Ce garçon avait été posé sur mon chemin. C'était évident, il était mon destin, il était la chance qui me souriait enfin. Je posai une main tremblante d'émotion sur son bras. Mon coeur battait la chamade, il me rendait sourde et lentement, j'approchais mon visage du sien, mes yeux cherchant les siens. Je ne voulais pas l'embrasser. Je voulais l'embrasser. Je ne savais plus. La confusion envahissait mon esprit et détraquait toutes mes défenses. Je n'avais jamais été aussi proche de quelqu'un. Alors que seuls quelques centimètres nous séparaient encore, je vis la surprise, puis la compréhension suivie d'une lueur de dégoût dans ses yeux clairs. Le doute s'empara de moi et je prononçai d'une petite voix des mots que j'aurai voulu retenir. «Tu ne veux pas m'embrasser ?» Interloqué, il grimaça et se moqua. «Quoi ? Mais ! Mais non ! C'est dégueulasse !»




2038 mots
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[Q] - Pas de quoi en faire tout un plat Aoyv
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Grendel

Nouveau compagnon Fae muahahahaha
Ses mots se fichèrent en moi comme des flèches acérées et je fronçai les sourcils. J'avais ramené mon bras et je tordais le tissu de mon vêtement entre mes jointures blanchies de nervosité. «Dégueulasse comme la mélasse ! » Embarrassée au delà de ce que j'aurai cru pouvoir ressentir, ma voix prit un ton plus haut perché que d'habitude. Avec horreur, je sentis des larmes de honte piquer mes yeux et je me relevai brusquement. «Tu pues du cul ! J'ai entendu Mademoiselle le dire l'autre jour ! » Ses joues prirent une teinte cramoisie qui jurait comiquement avec ses cheveux. «C'est même pas vrai d'abord même que ! En plus ! Tout le monde te déteste au camp ! Je reste avec toi car j'ai pitié ! Ils ont peur de toi car tu es trop bizarre ! En plus ! Tu croyais que j'allais embrasser ta sale gueule de monstre ! Beurk ! Ça jamais ! Je voulais juste être gentil avec toi ! En plus ! J'aime pas les garçons ! Jamais j'en embrasserai un ! Je me marierai avec Mademoiselle moi !» Son visage était transformé comme je ne l'avais jamais vu auparavant. Je ne reconnaissais pas le petit que j'avais pris sous mon aile. Je ne savais pas ce qui me faisait le plus mal : mes espérances envolées en fumée ou ses paroles blessantes. Il fallait qu'il se taise. A la mention de Mademoiselle, si précieuse à mon coeur, celle pour qui je donnerai ma vie, la colère prit le pas sur mon embarras et je pâlis soudainement. Mes mains étaient prises de convulsions alors que je sentais monter en moi une rage rouge et ardente. J'aurai voulu le brûler sur place, je voulais qu'il souffre autant qu'il me faisait souffrir. Dans un hurlement je me jetais sur lui, je ne voulais plus l'entendre, je voulais qu'il disparaisse. L'objet de toutes mes obsessions se retrouva sous moi dans notre chute et il hurla à son tour, cherchant à me renverser mais j'étais devenue complètement folle. A demi allongée sur lui, j'agrippai sa tignasse pour le maintenir au sol et je collai mon visage déformé par la rage contre le sien. «Menteur ! Menteur ! Menteur ! Sale menteur ! Je t'arracherai le coeur ! Je suis même pas un garçon non non non ! Je te déteste !» Il ruait sous moi et continuait de m'insulter et il me cracha à la figure. Ma vision se voila de rouge et sans que je sache réellement comment, le couteau que je gardai à ma ceinture fut dans ma main libre. J'avais cessé de réfléchir, je n'étais qu'action et réaction. D'un mouvement rapide et presque frénétique, je l'enfonçai dans son ventre et je tournai la lame, l'agitant dans tous les sens pour élargir sa plaie et lui faire mal. Il criait maintenant de douleur et je lâchais le couteau pour prendre une poignée de terre et de cailloux. Froidement, les larmes coulant sur mes joues sans que je m'en rende compte, j'enfournais la terre dans sa bouche pour étouffer ses abominables beuglements. Il rua de plus belle mais déjà, il perdait ses forces, terrassé par la douleur et affaibli par le sang qu'il perdait en abondance. Je recouvris sa bouche de ma main pour l'empêcher de recracher et il fut agité de soubresauts, ses yeux roulant dans leurs orbites. Je tenais bon sur lui, comme quand je m'amusais à monter sur les bicornes. Mais je ne m'amusais pas, je ne sais pas ce que je ressentais, j'étais comme spectatrice de la scène. Ce n'était pas moi. J'allais me réveiller bientôt et nous irions cacher du fumier dans la caravane de Bichon. Le petit cessa bientôt de s'agiter et je n'entendais plus que les sanglots sonores qui s'échappaient de ma poitrine. L'adrénaline était passée. J'avais froid et j'avais du sang et de la terre partout sur moi. Je reniflai et me laissai tomber sur le côté comme une marionnette à qui on a coupé les fils. Le regard vide, j'attendais que les battements de mon coeur retrouvent leur rythme normal, peinant à retrouver conscience de la réalité.
Après ce qui sembla être une éternité, je me redressai avec lenteur. J'avais les membres lourds, comme si j'évoluais dans du coton. La nuit était silencieuse et seule la lune et les étoiles illuminaient la scène. Mes larmes avaient séché, tout comme le sang sur mes mains. Je me sentais vide. Quelque chose clochait mais je ne savais pas vraiment quoi. Je réajustai mon justaucorps avant de réunir avec soin mes effets. Le masque à nouveau par dessus mon visage, je récupérais mon couteau encore planté dans le corps qui se raidissait du petit. Il l'avait bien cherché. Sale gosse. J'avais eu raison de le faire taire, c'est sûr. Je laissais son corps à l'abandon. J'aurai pu le traîner jusque dans l'eau ou au moins le recouvrir de terre. Je n'en avais pas la force. Ni l'envie. Je voulais juste dormir et me perdre dans l'oubli.
À mon retour au campement, personne ne prêta d'abord attention à moi. Ici, chacun s'occupait de ses propres affaires. Hébétée, je me laissais choir sur le marchepied de ma caravane et m'entourait de mes bras trop courts. J'étais prise de frissons et je ne parvenais pas à aligner des pensées cohérentes. J'avais la tête qui tournait et le coeur au bord des lèvres. «Tiens, le petit dort déjà ?» La tête baissée, je voyais les bottines en cuir rouge sombre de Mademoiselle, son carlin trois fois trop maigre tremblant à ses pieds. Rouge comme... Je gémis. «Pas savoir... Pas croire... il l'a mérité... C'était mon jouet... Tué le jouet, hihi !» Le carlin aboya et je reproduis son aboiement avec autant de hargne. Perlimpinpin alla se cacher derrière les jambes de sa maîtresse. Mademoiselle s'agenouilla pour se mettre à ma hauteur. «Quel jouet, Grendel ? Il t'a volé ton jouet ?» Je secouai la tête frénétiquement, elle ne comprenait pas. «Grendel, où est le petit ?» Je me balançai d'avant en arrière, les clochettes tintant joyeusement. «Petit parti ! Ou pas ! Il partira pas ! Il bougera pas ! Il parlera pas ! Nanana !» Un silence accueilli mes paroles et je l'entendis crier à l'adresse de je ne savais pas qui. «Prenez des torches et allez chercher le petit. Il doit être resté au ruisseau où les gamins vont se laver.» La peur me prit soudain aux tripes et je sautai dans les bras de Mademoiselle, agrippé à ses bras, je la suppliais. Je ne sais pas de quoi, mes paroles n'avaient aucun sens, j'étais en plein délire. Avec une force insoupçonnée pour ses bras fins, elle me porta jusqu'à mon lit. Là, elle enleva mon masque avec précaution et je détournai le regard pour fixer le mur en marmonnant. Elle demeura silencieuse, elle commençait à comprendre. Quand elle prit un linge mouillé pour essuyer le sang qui maculait mon visage, elle lâcha une exclamation. J'étais brûlante de fièvre. «Oh mon pauvre chou, qu'est-ce que tu as fait...»
Quand j'ouvris les yeux le lendemain, ou plusieurs jours plus tard, je ne sais pas, j'avais perdu toute notion du temps, je sentais une énergie nouvelle fourmiller dans mes membres. Assis dignement sur ma poitrine, Mildred me toisait. Ses yeux gris-bleu me jugeaient. Il savait, car les chats savent tout, c'est bien connu. Je lui rendis son regard. «Quoi ? Tu m'en veux car j'ai tué ton pote ? C'était mon pote en premier ! Toi, il voulait te manger, c'était un glouton.» J'avais la bouche pâteuse mais ça ne m'empêchait pas de mentir. Mildred feula quand je tendis le bras vers le verre d'eau installé sur ma table de chevet. «Quoi encore ? Il reviendra pas ! Y a pas de quoi en faire tout un plat ! Arrêtes de m'embêter où je t'arrache les yeux et je les donne à manger à Perlimpinpin.» Le matou me jeta un regard mauvais avant de daigner descendre, prenant soin d'enfoncer ses griffes dans mes flancs avant de sauter lourdement à terre. Comment un chat pouvait-il être aussi gros, ça dépassait l'entendement.
Habillé, maquillé, je clignai des yeux sous le soleil. Bichon passa devant moi et me salua de la main. «Enfin debout petit fainéant ?» J'enlevai aussitôt une chaussure de mon pied pour la lui lancer en pleine tête. «J'suis pas petit ! Je suis Grendel et je fais pas dans la dentelle !» Il me renvoya ma chaussure. «C'est ça, c'est ça. Y a Chichi qui voulait te voir, je crois qu'il est aux enclos.» Je déglutis mais je masquais mon inquiétude en exécutant une révérence qui colla presque mon nez bariolé au sol.
Quand je vis la silhouette haute et maigre au costume jaune poussin criard, mon estomac se transforma en pierre et toutes mes vieilles peurs s'éveillèrent. Allait-il me bannir ? Où pouvais-je aller si le cirque ne voulait plus de moi ? Je ne voulais pas redevenir une mendiante. Plutôt mourir. «Approche, Grendel. Je sais que tu es là. Je ne vais pas te manger. Je préfère ma viande bien cuite.» Il avait dit ça sur un ton si froid que je n'osais pas rire à sa plaisanterie. J'approchai à petits pas et observait avec lui Fernand, le vieux lion qui faisait mine de dormir derrière ses barreaux. Je voyais sa queue se lever et s'abaisser lentement. Je le connaissais bien, il observait chacun de nos mouvements derrière ses paupières mi-closes. Son enclos exhalait une puanteur atroce. Je soupçonnais le lion d'être malade mais nous n'avions pas les moyens de le soigner. Il continuerait le spectacle jusqu'au bout. Il n'y a pas de petit profit. «Je ne suis pas en colère Grendel, tu peux respirer.» Je relâchai le souffle que je retenais sans m'en rendre compte. «C'était une bouche en plus à nourrir. Et je ne voyais pas quoi en faire. Il était insipide, sans talent mais je l'ai gardé car vous vous entendiez si bien.» Une pause et il pouffa. «Bon pas autant que je ne l'aurais cru.» J'eu un mince sourire qui s'effaça rapidement à ses prochaines paroles. «Tu refais quelque chose comme ça encore une fois sans m'en parler auparavant et je te jette à Fernand. Oh, ce ne sera pas rapide. Je vais prendre soin de te couper en petits cubes. Tu comprends, Fernand est vieux et il a du mal avec les gros morceaux. Alors, doigts par doigts, un peu chaque jour, il te goûtera. Je couperai des tranches dans tes bras et tes jambes, je broierai ta chair s'il le faut. Tu comprends ce que je dis n'est-ce pas ? Réponds-moi quand je te parle.» Avec un goût de cendre dans la bouche, je me forçai à acquiescer et à lui confirmer que je comprenais parfaitement. «Bien. Tu peux partir, Grendel. Je n'ai pas besoin de te dire que je ne me répéterai pas, n'est-ce pas ?» D'une petite voix de souris je lui répondis : «Non Chichi, ça ne se reproduira plus.» Je m'éclipsais rapidement et couru vers ma caravane, la peur au ventre. Une fois dans la sécurité de mes quatre murs, je me blottis au pied de mon lit, les genoux ramenés sous mon menton, mordillant ma lèvre jusqu'au sang pour me retenir de hurler. Mildred choisit ce moment pour sortir du tas de linge d'où il se cachait et il vint gratter le matelas du petit. Il miaula et se frotta à la couverture roulée en boule. Je fondis en larmes. Le trop plein d'émotions déborda sur mes joues, ruinant mon maquillage. Les images de la veille me revenaient, vision d'horreur. J'entendais les suppliques du petit alors que ma lame libérait ses entrailles à l'air libre. Son air paniqué alors que je l'étouffais avec la terre. Je ne voulais plus voir, ni entendre, je ne voulais pas me rappeler. Je poussais des plaintes sourdes et je me mis à me pincer la peau de mes bras et à me frapper le visage de mes deux mains. La douleur que je me procurai me soulageait mais c'était temporaire. Des traces mauves se formaient déjà sur mes bras et la peau de mon visage cuisait sous les assauts de mes gifles. Ce n'était pas suffisant. Comment me pardonner ? Il n'y aurait pas de punition à la hauteur pour ce que j'avais fait. Comment avais-je pu perdre le contrôle à ce point ? Non. Le petit le méritait. Il s'était montré cruel envers moi. Je n'avais fait que me défendre. Mademoiselle n'avait pas eu l'air de m'en vouloir, alors ce n'était pas si grave. J'avais confiance en son jugement. Peut-être que tuer faisait partie de la vie ? C'était peut-être mon destin, à cet instant et à cet endroit ? J'avais été sotte de croire que quiconque voudrait m'embrasser. Rien n'était beau ou joli chez moi. Je ne compensais même pas mon apparence en étant gentille. Je n'étais que mensonge, fausses apparences et tourmenter les autres me faisait rire. C'était peut-être pour ça que ce sale matou restait avec moi. J'étais aussi exécrable que lui. Même si je devenais belle, jamais les Faes ne m'accepteraient de nouveau dans leurs Jardins. J'étais condamnée à rester seule et hideuse.




1813 mots
Message III


[Q] - Pas de quoi en faire tout un plat Aoyv
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[Q] - Pas de quoi en faire tout un plat

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