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« Nym, tu veux faire une partie ? » La magicienne tourna la tête pour observer sa cousine, assise auprès du feu, sur l'épais tapis et les coussins. Elle tapotait la place à ses côtés pour inviter la brune. Cette dernière secoua légèrement la tête avec un sourire. « Non merci, pas tout de suite. Je vous rejoindrai peut-être plus tard. » déclina-t-elle. L'autre Vaughan haussa les épaules avant de se retourner et porter son attention vers les cartes qu'on lui avait distribué. « Comme tu veux. » La domestique serra autour de ses épaules la couverture dans laquelle elle s'était emmitouflée puis posa sa tête contre la fenêtre. « Il y a plein de belles choses à voir, là-bas. Vous devriez aller dehors. » conseilla la gouvernante en arrivant soudainement près de la magicienne, tendant un plateau en argent où étaient déposées des tasses remplies de chocolat chaud fumant. « Mais couvrez-vous bien, il fait froid. » enchaîna la dame bien en chaire. Nymeria esquissa un regard en direction du groupe de mages blancs, occupés à jouer aux cartes. « C'est qu'ils sont tous occupés... Je ne veux pas donner l'impression de ne pas vouloir rester avec eux. » La dame les regarda à son tour. « Oh, ma bonne petite, vous savez qu'ils en ont au moins pour plusieurs heures ! Et après cela, ils iront sans doute dans leurs chambres pour discuter entre eux. » La brune se mordit la lèvre. Oui, elle s'était doutée que la journée se terminerait probablement de cette façon. « Votre cousine vient ici tous les ans et elle emmène toujours ses amis... Ils connaissent déjà le village comme leur poche. Vous êtes la seule ici à ne pas connaître le lieux... Vous ferez bien mieux de faire ce dont vous avez envie. Ils comprendront. Allez donc voir ce qu'il se passe à l'extérieur. Vous verrez, vous ne regretterez pas ! » La Vaughan prit quelques secondes pour réfléchir à la question. Si elle avait prit des jours de congés et demandé à sa cousine pour venir dans leur chalet de vacances, sur cette île, c'était pour pouvoir faire des rencontres. Nymeria savait que la plus jeune possédait un vaste réseau d'amis et elle avait espéré pouvoir faire des rencontres intéressantes. Oh bien évidement, tout le monde s'était montré très aimable à son encontre, mais les choses ne s'étaient pas exactement déroulées comme elle l'avait espéré. « Allez ! Ca ne sert à rien de cogiter ! Tenez ça et Hop ! Enfilez votre manteau. »  ordonna la gouvernante en fourrant une tasse dans les mains de sa petite invitée.

Une dizaines de minutes plus tard, la magicienne marchait lentement dans la neige, parcourant les ruelles décorées de Guyrhländ. Parfois, elle s'arrêtait devant une maison particulièrement lumineuse ou prenait le temps de siroter un peu de sa boisson avant de reprendre sa route. Le lieu, bien que dénué de magie, lui semblait tout à fait enchanteur. Un léger sourire flânait sur ses lèvres, sans qu'elle ne puisse s'en défaire. La nuit était tombée mais la lune ainsi que les lampadaires étaient largement suffisant pour que la visiteuse ne se sente pas effrayée. Arrivée près de la place centrale, Nymeria prit quelques secondes pour réfléchir à l'endroit où elle voulait aller. Madame Poomfray lui avait parlé d'une plaine où l'un des habitants élevait des Cerfeuil d'Od, une espèce locale que la petite mage avait hâte de découvrir.

Mais, alors qu'elle marchait pour prendre la direction indiquée par le panneau, elle fut retenue par une main qui la tira légèrement en arrière. Bien que surprise, la brune ne protesta pas. Les gens d'ici semblaient tout particulièrement tactiles. Elle n'appréciait pas réellement ce fait mais elle commençait à s'y faire. Et puis, les habitants étaient si bienveillant qu'elle avait vite compris qu'ils ne pensaient pas à mal lorsqu'ils la tenaient par les épaules ou qu'il lui ébouriffaient affectueusement les cheveux. Pourtant, lorsqu'elle reconnue la chevelure blonde de celui qui l'avait interpellé, elle émit un hoquet de stupeur. « Vous ? » Nymeria recula de quelques pas, plaçant instinctivement ses mains devant des points stratégiques de son anatomie. Réflexe inutile puisqu'elle était, cette fois-ci, vêtue des pieds à la tête. Inquiète, elle tourna la tête autour d'elle pour espérer apercevoir un passant qui pourrait, si la situation devenait trop gênante, intervenir en sa faveur. « Je suis... Est-ce que vous me suivez ? » demanda la magicienne en fronçant les sourcils, suspicieuse. Après tout, elle trouvait très étrange de croiser l'homme à chaque fois qu'elle s'aventurait hors du territoire de son peuple. La demoiselle toisa le bond des yeux. Son cœur s'emballa, sans qu'elle ne sache dire pourquoi. Peut-être était-ce simplement à cause de la gêne qu'elle ressentait en se souvenant de ce qu'il s'était passé lors de leur rencontre, ou bien parce qu'elle n'avait cessé de penser à lui depuis... Nymeria ferma les yeux quelques secondes et soupira. Elle était un peu injuste, de réagir de la sorte. Elle même n'avait pas été dans son état habituel, lors de ce bal. Et puis, elle avait décidé de lui pardonner. « Pardon, je... Je... Bonsoir. »répéta-t-elle en plongeant son nez dans son écharpe, couvrant ainsi ses lèvres et la protégeant d'une attaque surprise de bisou.

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Nymeria sourit légèrement derrière son écharpe en voyant son interlocuteur chasser sa grimace par un rire. Elle était un peu rassurée : il ne semblait pas fâché par sa question. Son regard suivit ensuite les épaisses empruntes dessinées dans le sol enneigé, traçant une ligne de là où ils se tenaient jusqu'à une boutique. Ses sourcils de haussèrent bien malgré elle : l'idée qu'il ait pu sortir du chaud simplement pour venir à sa rencontré lui traversa l'esprit. Ce n'était pas une pensée si désagréable et la petite sentit ses joues rosirent sous l'effet du plaisir. Fort heureusement, entre son écharpe et ses épaisses boucles brunes qui retombaient sur son visage, on ne distinguait d'elle guère plus de son regard et du bout de son nez. Le blond ne put donc pas voir son sourire s'agrandir, à moins de capter dans son regard cette étincelle contenue de bonheur ingénu. Cela aurait été étonnant, elle écouta le reste de ses explications sans oser le regarder directement dans les yeux. À la place, elle fit glisser son regard sur son manteau à lui, puis la tasse qu'elle tenait entre ses mains. Le chocolat était encore fumant, malgré la température externe. Madame Poomfray lui avait expliqué la particularité du lieu : elle était détroussée de sa magie personnelle mais le lieu lui prodiguant tout ce dont elle avait besoin. En ce moment, elle avait besoin de cette boisson bien chaude pour pouvoir se réchauffer. La magicienne releva timidement la tête vers son interlocuteur lorsqu'il laissa un petit silence s'installer. Ses traits se détendirent vivement suite à l'insinuation qu'il fit dès qu'il eut capté son regard. « Tout d'abord, si nous devions être des personnages de contes, vous seriez le chasseur sans remord et je serais... » Elle s'apprêtait à dire "je suis la princesse" mais se ravis à au dernier moment. Elle n'avait rien d'une princesse. « ... une villageoise qui court pour sa vie. » dit-elle rapidement malgré la vague hésitation. « Alors il n'y a pas à avoir de doute. S'il faut chercher un vilain dans l'histoire, ce n'est certainement pas moi. » Non pas que le chasseur soit toujours un méchant de l'histoire. Certaines variantes le dépeignaient comme miséricordieux et doté de sentiments envers la proie qu'il était pourtant forcé de poursuivre. Ce jour là, le blond ne semblait pas animé par des pensées outrageantes. Il se montrait même plutôt calme, quoique taquin. « Je ne vis pas sur les terres du Lac. Je vis à Cael, la capitale. » informa-t-elle. « Et la famille de ma cousine possède un chalet ici, où elle vient chaque année. Je l'accompagne simplement cette fois-ci. » Elle garda sous silence le fait qu'elle avait espéré rencontrer un beau jeune homme qui lui aurait fait tourner la tête au premier regard et dont le coup de foudre aurait été réciproque.

Un froncement de sourcil perturba le visage de la magicienne avant d'être chassé par un sourire attendri lorsque le déchu lui offrit la statuette. Ce garçon était visiblement maladroit, malgré ses manières grivoises. Elle se souvenait de son baiser d'excuse. Et voilà que maintenant, il lui faisait cadeau d'un baiser dont il était censé se débarrasser. Ce n'était pas du meilleur effet, lorsque l'on voulait faire plaisir à la personne. Néanmoins, le geste toucha la brune. Elle remonta son visage vers celui du  blond et le dégagea enfin de son écharpe, laissant un passage clair à sa voix. « Oui, c'est un Cerfeuil d'Od ! Ils ont la réputation de rendre les gens chanceux. » affirma-t-elle, son sourire se faisant de plus en plus franc. « Merci. » A son propre étonnement, Nymeria se sentit heureuse par ce simple geste. Elle se sentait aussi un peu idiote de s'emporter pour si peu. La petite pinça ses lèvres, hésitantes. Elle devrait sans doute se montrer distante et méfiante envers cet homme, et la raison aurait sans doute voulu qu'elle trouve le premier réflexe pour rentrer chez elle. Pourtant, la domestique sentait une part d'elle être étrangement attiré par ce coquin. Si elle était parfaitement honnête, elle était un peu intriguée et intimidée par sa présence. Elle n'avait pas envie de partir, pas tout de suite. « Euh... Vous voulez une gorgée ? » proposa-t-elle en tendant sa tasse de chocolat. « Il ne porte pas chance, mais au moins, il réchauffe. » Il n'y avait pas qu'à lui d'être bienveillant. Et puis, en tant que magicienne, cette attitude était censée lui venir plus naturellement.

Nymeria serra la statuette contre sa poitrine. Elle se mordilla les lèvres quelques secondes avant d'inspirer un grand coup. Elle n'était pas certaine de trouver le courage de faire ce qu'elle voulait si elle réfléchissait trop longtemps, aussi elle se lança sans trop tergiverser. « Est ce que... Est ce que vous voudriez venir avec moi ? » demanda-t-elle, le rouge réchauffant son visage. « Je comptais aller à la ferme où sont élevés les Cerfeuils d'Od et... enfin... Je me disais que... peut-être, si vous n'avez rien à faire, vous pourriez m'accompagner là-bas et... » Une fêlure dans sa voix la fit s'arrêter une seconde et froncer les sourcils. Son semblant de bravoure s'était bien vite fissuré. Elle soupira, excédée par sa propre timidité. « On aurait pu vérifier s'ils rendent vraiment chanceux. » finit-elle par dire d'une toute petite voix tout en retrouvant le couvert protecteur de son écharpe. Elle sentait son cœur battre la chamade. Elle craignait qu'il puisse refuser. La jeune femme n'avait pas envie de rester toute seule... Non. En réalité, elle n'avait pas envie qu'il la laisse toute seule. Peut-être était-elle bien orgueilleuse de penser pouvoir lui demander de son temps ! « Bien sûr, ne vous sentez pas forcé. » précisa-t-elle, se sentant de moins en moins confiante.

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La brune haussa les sourcils, surprise par la réponse que lui donna son interlocuteur. On lui avait souvent fait remarquer que son esprit s'emballait rapidement, qu'elle se faisait des histoires pour rien. Elle était d'un naturel anxieux et pouvait prendre un silence pour un refus, là où il n'y avait qu'une simple réflexion. Cette fois encore, la brune s'était monté la tête, s'attendant déjà à entendre une excuse pour remettre à jamais cette sortie. « Oh, alors, c'est par là. » indiqua-t-elle lorsque le blond lui laissa à nouveau la voie libre. « Mmh... C'est vrai qu'il peut y avoir des gens un peu étranges, dans les parages, mais ils ont tous l'air très gentils. J'ai entendu dire qu'ils vénéraient un Æther incarnant la bienveillance... Avec un tel culte, il ne peut rien m'arriver de mal, n'est ce pas ? » répondit innocemment la magicienne sans comprendre la métaphore. La vie paisible qu'elle avait toujours mené ne l'avait jamais préparé à la possibilité que quelqu'un puisse vraiment lui faire du mal. Bien sûr, à force de se l'entendre répéter, elle avait fini par intégrer que certaines personnes étaient mauvaises : les sorciers étaient méchants car ils semaient le chaos au détriment de la paix que les siens cherchaient à maintenir, les démons rependaient les vices et les vampires étaient dangereux car leur existence dépendait sur la mort des autres... Malgré tout, ces histoires restaient encore vague pour l'ingénue.

« Oh non, pas du tout. » assura la jeune fille en secouant la tête. « C'est simplement que Caroline et ses amis sont déjà venus plusieurs fois ici. Je crois que certains d'entre eux ont même grandi dans le village voisin. Ils n'avaient donc pas vraiment envie de sortir et préféraient rester jouer aux cartes... Mais moi, je n'ai jamais visité les lieux et je vais malheureusement devoir rentrer dans peu de temps. » Elle s'imaginait déjà sans peine sentir sa clé de fonction trembler au fond de sa poche dès lors que son temps de congé serait écoulé. « Je ne voulais pas repartir avant d'avoir pu faire un tour des alentours alors je suis sortie toute seule. » explique-t-elle avec un léger sourire, comme pour rassurer son compagnon. Nymeria resserra la statue contre elle tout en regardant ses pieds s'enfoncer dans la neige. « Et vous ? Vous avez mentionné un ami, tout à l'heure. Est-il ici, avec vous ? » demanda-t-elle. « Est ce qu'il vous attend dans la boutique où vous étiez ? » s'inquiéta-t-elle soudain, son visage prenant une mine horrifiée à l'idée de s'être ainsi imposée à la place de cette personne. Pourtant, sa gêne fut vite balayée par une pointe d'agacement suite à l'allusion du blond. Son expression se renfrogna tandis qu'elle se retournait vers le jeune homme tout en continuant d'avancer. « Vous n'êtes pas vraiment un inconnu. Nous nous sommes déjà rencontrés. » se contenta-t-elle de dire pour se défendre. Ce n'était ceci dit pas l'argument le plus perspicace qu'elle eut donné dans cette conversation. Leur première rencontre aurait dû effectivement la dissuader de rester seule avec lui... Il avait à plusieurs reprises eut des gestes déplacés envers elle, avait joué avec ses nerfs et mis sa patience à rude épreuve. Pourtant, malgré tout le méli-mélo d'émotions qui la submergeait dès qu'elle repensait à tous ces événements, le dernier baiser qu'il lui avait offert lui laissait une impression de douceur qu'elle n'arrivait pas à effacer. Peut être était-elle naïve de s'accrocher à cette mince étincelle, mais elle ne parvenait pas à le chasser de son esprit.

Ceci dit, Nymeria réalisa soudain à quel point elle en savait peu à son sujet. Elle ne connaissait même pas son prénom ! Cela rendait son argument encore plus bancal qu'il ne l'était déjà. Un peu embarrassée, la demoiselle fuit le regard doré de son invité. Elle but une gorgée de son chocolat chaud avant de reprendre la parole. « Au fait je... Je m'appelle Nymeria. Et toi ? » Elle avait décidé d'arrêter de le vouvoyer. Cela donnait l'illusion d'une complicité, comme s'ils se côtoyaient depuis longtemps. Une fois qu'il lui eut décliner son identité, la brune enchaîna avec d'autres questions. Elle avait envie d'en connaître plus sur cet inconnu qui rodaient sans cesse dans un coin de sa tête. « Est-ce que vous avez des frères et sœurs ? Est ce que vous aimez les animaux ? » Est ce que vous aimez quelqu'un ? Non. Pas ça. Surtout pas. Troublée par ses propres pensées, la magicienne tourna la tête et retrouva le couvert de son écharpe tout en écoutant les réponses de son interlocuteur.

« Oh oui bien sûr ! » répondit la magicienne, comme si cela tombait sous l'évidence. C'en était une en réalité, dès que l'on entendait son nom de famille : la famille Vaughan était réputée pour engendrer de longues lignées, fournissant tout autant de sujets au peuple magicien. Nymeria ne connaissait pas les statistiques exactes - elle ne s'y était jamais véritablement intéressé- mais elle ne serait pas étonnée d'entendre que la moitié de leur peuple était constitué de mages portant ce nom bien connu dans leur nation. Elle ne savait pas, ceci dit, si leur renommée dépassait les frontières de leurs territoires. Elle ne prit pas le temps de poser la question. « La petite Hélène vient d'ailleurs de voir le jour il y a quelques semaines seulement. » Un sourire s'épanouit sur les lèvres de la grande sœur en repensant à ces petits pieds et ces petites mains adorables avec lesquels elle avait joué en voyant la petite dernière de leur famille. « Noël a reçu un prix à l'école, pour ses capacités en orthographe. Notre mère était plus fière encore qu'une mère poule... » Un petit rire lui échappa en se remémorant l'air ému de madame Vaughan, sans réaliser qu'elle avait également affiché cette mine en parlant des exploits de son benjamin. « Enfin, nous sommes sept dans la fratrie. Pour le moment en tout cas. » conclut la brunette en réalisant qu'elle s'était un peu éparpillée dans sa réponse. Si on lui en laissait l'occasion, elle se mettait facilement a vanter toutes les qualités de ses cadets. Mais ce n'était pas le moment de parler d'eux...

« Il neige ! » s'exclama la brune en remarquant la poudreuse immaculée tomber du ciel. Un sourire enfantin se dessina au coin de ses lèvres. De la neige, elle en avait vu tomber depuis qu'elle était arrivée sur l'île ! Mais cela ne l'empêchait pas de s'en réjouir a chaque nouvelle averse. Elle ne se fit cependant pas prier lorsque le blond l'invita à rejoindre le couvert d'un abri à fourrage. Là, elle déposa sa tasse presque vide ainsi que le cadeau que lui avait fait Rajiv. Une fois les mains libres, la magicienne s'approcha de la barrière de l'enclos. Quelques bêtes curieuses avaient suivi le chemin de ces visiteurs impromptus. L'un des Cerfeuils d'Od semblait d'ailleurs particulièrement curieux. S'en rendant compte, la jeune femme tendit l'une de ses mains tout en faisant claquer sa langue, mimant un bruit pour attirer l'animal. Il ne fallut pas attendre longtemps avant que le museau humide du cervidé vienne rencontrer la chaleur de la paume de Nymeria. Elle remonta ses doigts le long de l'encolure, procurant quelques caresses appréciées. « Non, je ne le savais pas. » avoua la domestique en penchant légèrement la tête, comme pour évaluer l'appréciation que témoignait la bête qu'elle cajolait. « Mais si c'est la vérité... On peut dire que les habitants ont parfaitement choisi leur animal totem, n'est-ce pas ? » Nymeria se retourna pour faire face au blond. Elle n'osa pas le lui dire mais la pensée que son cadeau à elle avait été de le croiser lui traversa l'esprit. Elle n'avait pas envie de se retrouver toute seule et les créatures d'Ësse'Aellun avaient exhaussé son souhait en mettant le déchu sur sa route. « Si vous faites un vœu, peut-être qu'ils vous l'accorderont aussi. » déclara l'ingénue. « A la ferme, nous avions des poules, des chèvres et des ânes. Un chien, nommé Patoune, et deux chats : Gribouille et Pantoufle. Mais depuis que je vie seule... Je n'ai pas pris d'animal de compagnie, non. Ça demande beaucoup d'attention et je n'aurais pas assez de temps à leur accorder. » expliqua-t-elle. « Mais j'adorerais pouvoir en reprendre un. »

Nymeria prit quelques secondes pour observer le déchu en silence. Elle sentit son cœur battre un peu plus fortement dans sa poitrine. Un phénomène qui se produisait régulièrement lorsqu'il était dans les parages ou qu'elle repensait a lui et à ce qu'il s'était passé entre eux... Durant tout ce temps, elle avait mis cette réaction sur le dos de son don d'empathie. Or, ici, ses pouvoirs et sa magie étaient inexistants : tout ce qu'elle ressentirait ce soir émanerait d'elle et d'elle uniquement. Elle n'aurait plus de prétexte pour expliquer ses drôles de sensations inexplicables. C'était un peu effrayant mais la demoiselle avait envie de comprendre ce qu'elle ressentait. « Est ce que... est ce que vous avez des passes-temps favoris ? Ou alors des capacités... comment dire... particulières ? » Nymeria grimaça. Elle s'agaçait, à être si maladroite, si empotée. Le simple fait de poser ces questions la faisait se sentir toute drôle. « Désolée je... Je parle trop lorsque je suis nerveuse. » admit-elle. « Si mes questions vous importunent vous n'avez pas à y répondre. »

« Je... Je ne sais pas trop. » répondit Nymeria en esquissant un rictus qui ressemblait étrangement à une grimace. Elle mentait. Elle savait parfaitement ce qui la rendait nerveuse : sa présence à lui. Peut-être qu'une part d'elle-même, au fond, ne parvenait pas à faire tomber la méfiance, conséquence de leur rencontre passée. Mais à vrai dire, si cette partie était bien réelle, elle n'était que minime. C'était davantage le reste des émotions qu'il provoquait en elle, et qu'elle ne comprenait pas elle-même qui la mettait dans cet état. Pourquoi ne parvenait-elle pas à se sortir ce blond de la tête ? Et surtout, pourquoi son cœur s'enrobait-il de tendresse illogique ? Elle ne connaissait rien de lui et elle ne savait même pas si elle l'appréciait réellement. Pourtant, impossible de faire taire la frénésie de son cœur dès qu'il était dans les parages de son esprit. « Oui, tu as sans doute raison. C'est... c'est bête de se mettre dans ces états alors que je suis en congés. » La magicienne soupira distraitement. Elle était à la fois soulagée qu'il eut prit sa remarque de cette façon – il ne semblait pas avoir comprit qu'elle faisait allusion à cette situation très spécifiquement – et un peu déçue – peut-être qu'au fond, elle aurait aimé qu'il comprenne et qu'il puisse l'aider à crever l'abcès, à comprendre ce qu'elle même ressentait. « Oui, ils doivent avoir beaucoup de choses en tête, ces gens là. » Elle avait l'habitude de les côtoyer, du moins la reine de son peuple. Pourtant, elle était bien loin d'imaginer tout ce qui se tramait dans ce jeu auquel seuls les Grands de ce monde pouvaient participer. La politique, la diplomatie, tout ça, elle n'en avait qu'une idée vague, principalement alimentée par des romans qu'elle avait lu dans sa jeunesse.

« Pourquoi ? Hum... » La question du blond l'avait prise au dépourvu. Elle ne s'y était pas attendue. « Oh, ce n'est pas... enfin... » balbutia-t-elle alors que l'interrogatoire se retournait finalement contre elle. Ce n'était pas des plus agréable. Elle avait l'impression d'entendre une pointe de reproche dans sa voix, ce qui la fit se sentir mal à l'aise. Telle une enfant se faisant sermonner, elle baissa la tête sur ses souliers, se mordant la lèvre. Ce qui lui était passé par l'esprit ? Bonne question. « Je... Je ne sais pas. Tu... enfin... C'est que... » Elle détourna le regard, ses balbutiements l'agaçant sévèrement. Elle avait l'air fine, à se comporter comme ça ! Lorsque Rajiv lui dit de laisser tomber, elle serra les poings. Non. Il méritait une réponse un minimum honnête. Nymeria ferma les yeux et inspira profondément. Elle ne se sentait pas la force d'affronter le déchu directement, aussi remonta-t-elle sur la barrière pour caresser le Cerfeuil d'Od. « Non, tu as répondu à toutes mes questions. Le moins que je puisse faire, c'est te retourner la pareille, tu ne penses pas ? » Gênée, elle se gratta le bout du nez. « Je ne sais pas pourquoi je t'ai proposé de m'accompagner... J'étais toute seule et... Je n'avais pas vraiment envie de l'être. Je ne suis pas très douée pour me faire des amis, je suppose que c'est un peu pour ça que les personnes avec qui j'ai passé ces vacances ne m'ont pas accompagné. Alors... » La magicienne marqua une courte pause, se mordant la langue avant de continuer. « Alors quand je t'ai vu arriver... Je me suis dit que c'était un peu la magie de Boraür qui t'avait peut-être mis sur mon chemin... » La jeune femme laissa un rire nerveux lui échapper. « Je sais, c'est idiot et ça n'a rien à voir mais... Je suppose que je suis juste un peu fleure bleue. » Idiote ! Stupide ! Il ne fallait pas dire des choses comme ça ! Ces paroles pouvaient porter à confusion. Elle n'était pas amoureuse non plus ! Juste un peu curieuse ! « Enfin... Ça ne veut pas dire que ce que vous avez fait la dernière fois n'est pas grave. C'était inconvenant. Mais... Ce qui est fait est fait. On ne peut plus revenir en arrière et, pour tout vous avouer, je ne suis pas de ces personnes qui savent détester. C'est très éprouvant. Ça demande de l'énergie et puis, ça vous grignote l'esprit jusqu'à vous noircir le cœur ! Je n'ai pas l'intention de devenir une sorcière, moi. » C'était à elle de prendre un ton accusateur, désormais. « Comme dis toujours ma maman : le moyen le plus simple de retrouver un cœur léger, c'est de pardonner. » Certains trouveraient cette maxime un peu idiote et naïve, mais pour avoir appliquer cette conduite toute sa vie, Nymeria savait que ce n'était pas toujours simple. A force de l'exercer, c'était cependant devenue une seconde nature pour la jeune femme. « Alors voilà. Le hasard vous à placer sur ma route alors... Je voulais vous donner une chance de me prouver que je pouvais vous pardonner votre mauvaise conduite de la dernière fois. Et puis, regardez : vous vous êtes plutôt bien tenu jusqu'à maintenant. » Si l'on omettait la proximité à laquelle elle n'était pas habituée. « Donc... Je ne sais pas... Mettez ça sur le conte de ma nature magicienne, ou bien de l'atmosphère ou... peu importe, ce qui vous arrange le plus. » La brune sentit une fêlure dans sa voix. Tournant la tête, elle se renfrogna légèrement. Elle soupira puis haussa les épaules. « Enfin... Si ma compagnie vous déplaît... Comme je vous l'ai dit plus tôt, vous n'avez pas à vous sentir obligé de rester avec moi. Je comprendrais tout à fait si vous aviez mieux à faire ailleurs. » Heureusement qu'elle avait tourné la tête de l'autre côté : ainsi, le déchu ne put pas voir les yeux larmoyants de la brune. La magicienne pesta intérieurement contre elle-même, maudissant sa faiblesse.

« Mmh... Ça n'a pas grand chose à voir avec de la magie, mais ça m'a fait plaisir lorsque tu m'as offert cette statuette, tout à l'heure. » laissa échapper Nymeria d'un ton pensif après que son interlocuteur se soit dévalorisé. Lui repensait aux moments de gênes, l'insistance qui l'avait offensé, l'intrusion qui l'avait plus que troublé. Ces instants qui, effectivement, laissaient des tâches sombres sur la toile, aigrissait le cœur. La brune, elle, se focalisait surtout sur le reste du tableau : le baiser d’adieu, maladroit mais emplit d'une tendresse inattendue ; un cadeau de fortune qui lui avait néanmoins réchauffé le cœur ; le plaisir de sa compagnie sans souffrir de ses gestes déplacés. Toutes ces petits actions coloraient la toile de couleurs douces et chaleureuses, qui attiraient davantage son regard. C'était une façon différente d'appréhender le monde. Voir le verre à moitié vide ou à moitié rempli. Nul besoin de préciser ce que répondait la petite magicienne. « Vous êtes peut-être plus doué que ce que vous pensiez, finalement. » affirma-t-elle, continuant à caresser l'animal. « Enfin... Je dis ça mais ce n'est que "selon les critères magiciens", bien sûr. » ajouta-t-elle avec un petit sourire espiègle sur le visage. Elle jeta un regard à la dérobée au blond, qui était venu s’accouder à la barrière, les rapprochant à nouveau. Le contact fut de courte durée : la mage retourna bien vite aux cajoleries avec le Cerfeuil d'Od. Son sourire se fit plus tendre lorsqu'elle repensa à ce qu'il avait dit. Passer plus de temps avec des gens doués pour rendre heureux ? Est ce que la remarque s'adressait à elle ? Était-ce sa façon de lui dire qu'il acceptait de rester plus longtemps en sa compagnie ? La domestique soupira avant de monter sur la barrière et de s'y asseoir, s'aidant de ses mains pour s'accrocher et ne pas tomber. Elle en avait profité pour réduire, de peu mais tout de même, l'espace entre eux. Elle garda le silence quelques secondes, ses yeux volant sur la grange en face d'eux. « Mmh... J'ai une idée pour débuter ce stage pour devenir plus gentil ! » annonça-t-elle, toute guillerette. La magicienne descendit de la barrière qu'elle venait de monter puis trottina jusqu'à la paille qu'elle attrapa à plein bras. Elle retourna ensuite vers le blond et lui légua son butin. « On va commencer simplement ! » affirma-t-elle. « Moi, je suis sûre qu'avec tout ça, tu vas faire des heureux ! » Son sourire se fit plus intense encore. La jeune femme escalada la barrière puis aida le déchu à en faire de même. Comme s'ils avaient tous attendu cet instant, les Cerfeuils s'approchèrent du duo. L'un d'eux renifla les vêtements de la demoiselle, ce qui la chatouilla malgré l'épaisseur de ses vêtements. Le reste de la meute s'approcha du blond, qui se trouva vite encerclé. Cette vision fit rire l'ingénue. « Tu vois, ils t'aiment déjà ! » constata-t-elle. La brune reporta son attention sur la bête qui s'était approché d'elle. Sa main recommença à le caresser distraitement. Lentement, ses doigts remontèrent jusqu'à ses bois et les étranges excroissances qu'ils portaient. Ça ressemblait à des décorations. De cette façon, il semblait qu'eux aussi soient touchés par la magie de l'île, à l'instar des maisons et des rue.

Le blond servant toujours de garde manger aux animaux, Nymeria en profita pour s'éclipser quelques instants. Elle se cacha derrière les cervidés – prenant garde cependant à s'éloigner suffisamment pour ne pas risquer de se prendre un coup de sabot si l'un d'eux s'emportait – et s'accroupit dans la neige. Avec la dextérité de ceux qui ont souvent fait cela, la brune rassembla un petit tas de neige entre ses mains et commença à la tasser en boules compactes. Une fois l'objet prêt, elle le glissa dans sa poche, puis répéta l'opération trois fois. Elle garda cependant la dernière munition entre ses doigts. Ceux-ci étaient engourdis à cause du froid, devenus tout rouge. Avec des pas lents, elle s'approcha du blond. Une fois arrivée à une distance raisonnable, elle se stoppa. Un sourire mesquin trônait sur son visage. « Rajiv ? » appela-t-elle. Lorsque le garçon se retourna, elle lui tira la boule de neige dessus. Elle eut le plaisir de constater qu'elle savait encore à peu près viser : le projectile atteignit sa cible sur l'épaule. Après un petit rire, la magicienne s'éclipsa à nouveau, cherchant cachette dans le troupeau.

Nymeria, penchée en avant pour se dissimuler derrière un Cerfeuil d'Od, se mordit la lèvre inférieure pour s'empêcher de rire. Si elle essayait de ne produire aucun bruit, son visage affichait un sourire qui remontait presque jusqu'aux oreilles. Une lueur de malice perçait son regard. Le cœur battant, elle ressentait le frisson de l'excitation que procuraient les jeux de cache-cache, lorsque l'on sait que le loup se trouve à seulement quelques mètres de son repère et qu'il risque à tout moment de trouver sa cible. Elle se tenait prête à attaquer ou à détaler, selon la situation. Joueuse, elle risqua un coup d’œil par dessous l'animal qui lui offrait sa protection. Après quelques secondes de recherche, elle finit par repérer les jambes de son partenaire. Elle attendit qu'il se rapproche un peu avant de se relever à son tour et de contourner l'animal, jetant un dernier coup d’œil pour s'assurer qu'elle avait une chance d'atteindre sa cible... Une fois qu'elle eut confirmation, la blonde bondit de derrière sa cachette, indiquant sa position par un rire incontrôlable. Dans le même temps, elle arma son bras, visa puis tira de toutes ses forces - ce qui représentait à peine la force nécessaire pour atteindre le blond. Étonnement, le projectile toucha une fois de plus le déchu, qui para l'attaque à l'aide de ses ailes d'ébènes. Avant de lui laisser le temps de réagir, la magicienne détala en laissant l'écho de son rire traîner derrière elle. « Bah alors, on sait pas jouer à chat ? » provoqua innocemment la domestique. Elle n'était pas grande sportive et le simple fait de courir pour échapper à son poursuivant l'essoufflait. L'air froid s'infiltrait dans sa gorge et ses narines puis semblait lui brûler les poumons avant de ressortir en nuage vaporeux lors de ses expirations. Ses joues aussi semblaient s'enflammer, à cause de l'effort et du contraste de température. Pourtant, elle ne pensait pas à ces détails : Nymeria avait l'âme d'une enfant et lorsqu'un jeu démarrait, elle s'y adonnait totalement. Enfin, tout dépendait du jeu : la dernière partie de chasse auxquels s'étaient prêtés les deux protagonistes avait déplu à la demoiselle et, si elle y avait participé malgré elle, elle n'avait pas du tout apprécié.

A bout de souffle, Nymeria trouva de nouveau couvert derrière le flanc d'un Cerfeuil. Elle prit quelques secondes pour retrouver une respiration plus posée puis tenta un nouveau repérage pour localiser le blond. Lorsqu'elle se rendit compte qu'elle ne le voyait nulle part, ses yeux s'écarquillèrent. Lentement, elle sortit de sa cachette et ce fut à ce moment-là qu'une boule de neige la toucha en pleine poitrine. Avec un temps de retard, elle leva les bras devant elle pour se protéger et lâcha un nouveau rire, à mi-chemin entre l'indignation et l'amusement. Ayant été aidée par la trajectoire du projectile, la brune releva la tête et aperçut enfin Rajiv, qui volait au-dessus d'elle. Elle le regarda quelques secondes, le regard rempli d'envie. Ce devait être drôlement bien de pouvoir voler. Elle ne l'avait jamais fait et rêvait d'essayer. Sans doute aurait-elle pu demander à l'Ailé de lui faire essayer mais jamais elle n'oserait poser la question. Posant les poings sur ses hanches, la mage bleue força sur ses cordes vocales pour bien se faire entendre. « Et comment tu vas faire pour redescendre de là-haut maintenant, hein ? » demanda-t-elle avec un air espiègle. S'il le voulait, il n'aurait aucune difficulté à la semer grâce à quelques battements d'ailes puissants, mais cela ne voudrait pas dire qu'elle ne parviendrait pas à le viser. « Mais tu as de la chance... Je te propose un cessez-le-feu. » Elle n'admettait aucunement une défaite : pour l’instant, c'était toujours elle qui menait le score et elle pensait encore être capable de l'augmenter s'il se montrait téméraire. « Il commence à se faire un peu tard et je ne voudrais pas inquiéter la gouvernante. Ni ma cousine. » En réalité, elle n'était même pas certaine que la magicienne se soit aperçu de son départ.« Est-ce que... est-ce que vous voulez rentrer avec moi jusqu'au village ? » proposa-t-elle.