Avoir une orine. Posséder l'une de ses jeunes femmes... C'était sans concession posséder un lien étroit et particulier avec un autre être, un lien particulier et intime. C'était tout à fait le genre de chose qui généralement répugnait Cyanide. Savoir que quelqu'un d'autre connaîtrait ses ambitions les plus profondes, saisirent l'importance de tous les sentiments qui l'habitaient. C'était une faiblesse énorme pour le génie.... sauf que, dernière ce lien se cachait en réalité une forme d'immortalité. Du moins, c'était de cette façon que notre génie voyait la chose. Maintenant, me direz-vous, pourquoi une femme comme elle courrait après une chose pareille? Elle était déjà vouée à vivre plus qu'il n'en fallait, plus que l'on ne pourrait en rêver... Voyons, les génies n'étaient pas immortels. C'était tout. C'était vraiment tout? Non. Bien sûr que non. Il y avait aussi derrière tout cela une quête de pouvoir, de puissance. Mais il y avait aussi le désir inconscient de renaître, de renaître sous une autre forme, une autre vie, au cas où. Juste une garantie si il lui arrivait quelque chose. Finalement, oui, c'était surtout une question d'éternité. Mais pas à n'importe quel prix.

Car oui, voyez-vous, Cyanide ne se lierait certainement pas à n'importe qui! Elle était une grande femme, impérieuse, royale, majestueuse, brillante... bref... un canon dans son style et dans son genre. Il lui faudrait donc en conséquence une orine qui soit digne de l'importance qu'elle s'accordait et elle avait choisi. Cela faisait déjà plusieurs jours qu'elle tournait autour du célèbre village des orines, Maëlith. Elle scrutait, elle observait en prenant des notes tout ce qu'elle voyait, surtout les orines qui entraient et sortaient. Elle les jaugeait, se faisait une opinion, une idée de chacune d'entre elle. Il fallait dire qu'elle n'était pas spécialement discrète, et elle pourrait aisément passer pour une perverse... mais pas folle la guêpe!! Elle avait pris soin de modifier son apparence pour revêtir celle d'un homme. Ho, rien de bien mondain, au contraire, quelque chose de sobre et de viril. Elle n'avait pas choisi d'être un bel homme pour ne pas trop les attirer, ni trop effrayant pour les faire fuir. Bref, un visage dans la norme de ce que l'on pouvait trouver sur les terres du Yin et du Yang. Enfin la norme... SA norme.

Elle était bien évidemment accompagnée de Petit Renard. Ce dernier était à ses côtés la plupart du temps et avait lui au moins la possibilité d'aller dans le village comme un voleur, sans trop attirer l'attention. Dans le pire des cas, on le chassait comme l'animal qu'il était. Néanmoins, il devenait une source d'information certaines pour sa maîtresse. Grâce à cela, elle put déterminer qu'il existait entre ses murs une grande orine, THE orine même, celle qui les dirigeait toute. Et vous savez quoi? Elle ne possédait aucun maître. Bingo! C'était elle, l'élue! L'unique qui pourrait lui convenir car bien entendu, une Cyanide, ça méritait au moins une orine d'un grade aussi élevé. Le problème était de savoir comment la trouver, commet la faire sortir de son trou et comment la tromper pour en faire son orine. Généralement, elle choisissait des hommes. Il lui faudrait donc conserver son allure masculine... mais comment la pousser à lui faire poser son énigme? Elle trouverait bien en tant voulu, après tout, les génies étaient les rois de la manipulation. Il ne lui restait qu'une chose à faire : guettez sa proie.

Lily-Lune planta ses grandes prunelles noires dans celles de la Muse du Conseil qui avait osé venir s'adresser à elle en cette heure si matinale de la journée. La jeune souveraine avait un regard des plus envoutants, troublant et fascinant à la fois. Mais quand elle le désirait et malgré ses traits plus qu'angélique et la douceur qu'elle dégageait, cette espèce d'aura apaisante et sereine qui l'entourait, ce regard là était à vous glacer le sang. Même les créatures les plus enchanteresses pouvaient se révéler des démons dissimuler sous le masque de la pureté. Calliope se figea sur place, et à peine osait-elle respirer tant elle était nerveuse. Elle se contenta de baisser la tête et d'observer à travers ces cils la réaction de sa reine. Le silence s'installa durant de très longues secondes, pendant lesquels Lily ne bougeait pas, l'air pensive. Puis, du bout des doigts, elle se mit à caresser le papier épais sur lequel elle était en train de griffonner quelques mots, peut-être à l'attention d'un chef de race ou bien de son rehla favori. Elle posa ensuite sa plume près de son encrier et laissa un petit soupire s'échapper de ses lèvres d'un rouge ensanglanté, avant qu'une petite moue s'y dessine. Elle finit par demander de son habituelle voix douce et claire :

« Et depuis combien de temps voyez-vous ce rôdeur tourner autour du village?»

La Muse se détendit immédiatement, soulagée de constater que Lily-Lune devait être irritée sur la question de cet étrange homme et non en colère contre elle, qui l'avait dérangé dans sa propre demeure où les villageoises étaient prier de la laisser en paix autant que faire se peut. Elle répondit précipitamment :

« Nous n'en savons rien, Ma Dame. Des rumeurs circulent depuis plusieurs jours déjà, mais nous n'avons pas pu démêler le faux parmi les dires des plus jeunes qui racontent souvent des histoires entre elles, pour s'effrayer et les...»

«Bien bien, calme toi. Je vois. Maintenant, pars rejoindre les autres. Je m'occupe de cette faire. Pas de protestation ni de conseil. File.»

Calliope ferma la bouche, prise de court par ses paroles mais hésitante. Elle savait pertinemment comment allait réagir Lily, et c'était justement cela qui l'inquiétait. Elle pouvait courir de grands risques, et était tellement importante au sein de la race... Lorsqu'elle croisa une nouvelle fois le regard de sa souveraine, la jeune femme changea d'avis et s'en alla après avoir esquisser une révérence. A l'instant même où la jeune femme referma la porte, Lily-Lune laissa de nouveau un léger soupire s'échapper, à la fois lasse et irritée. Après avoir contempler quelques brèves secondes les gravures du bois de son bureau sans vraiment les voir, elle se releva lentement, avec l'élégance qui la caractérisait, puis abandonna en quelques pas la grande robe de chambre noir sertie de motifs dorés qui glissa lentement de ses épaules pour terminer sa chute par terre. Elle enfila rapidement quelques vêtements qu'elle avait, comme d'habitude, elle-même crée avant de s'occuper en deux ou trois coups de brosse de sa longue chevelure, le visage fermé et le regard à la fois intriguant et inquiétant.

Et c'est ainsi parée que Lily-Lune sortie dans les allées bordées de fleurs de Maëlith. Le village n'avait certainement pas volé sa réputation de capitale des Arts et des Beautés. La douce lueur du matin conférait aux maisons claires et à la verdure environnante une ambiance toute particulièrement, féerique et merveilleuse. Quelques jeunes filles, fillettes et bambins gambadaient déjà dans l'herbe, quelques fleurs à la main, tandis que leur mères discutaient entre elles. L'une d'elle contemplait tout particulièrement son enfant, une demoiselle prénommée Kaédé et qui venait de fêter ses dix-sept printemps. Lily ne put s'empêcher de ralentir son allure et de jeter un regard désemparer à la mère et sa fille, la gorge serrée. Quand les adieux furent dit, la jeune femme invita l'adolescente à la rejoindre d'un geste de la main.

« Te sens tu prête? »

« Pas vraiment... Je...»

Si les mots lui manquaient, l'éclat de ses prunelles en disait long sur son état d'esprit. Comment ne pas songer à ce que son départ signifiait pour sa mère, qu'elle devait tant chérir ? Lily se contenta de poser sa main, tel un oiseau, sur l'épaule de la jeune orine et l'amena en silence aux portes du village. Les terres d'émeraude s'étendait à perte de vue. Kaédé murmura :

« Il est rare que vous accompagnez les plus jeunes jusqu'ici... Un danger guetterait-il Maëlith ?»

« Ne t'inquiète pas, rien d'alarmant, mais je préfère m'assurer que ton départ ne soit pas compromis par un individu... Je m'en occupe.»

Les au revoir furent brefs. La jeune fille pouvait enfin partir à la découverte du monde, et c'est d'un bon pas qu'elle commença sa marche, bien qu'elle avait le cœur lourd en songeant à sa mère qui ne tarderait pas à mourir et rejoindre le champ de fleurs. Lily-Lune suivit des yeux la silhouette de la jeune fille jusqu'à ce qu'elle disparaisse à l'horizon, puis, sans crainte, s'allongea un peu plus loin dans l'herbe, patiente.

Mon dieu qu'il était pénible de devoir poireauter indéfiniment. Non pas que la jeune femme était dénuée de patience, mais tout de même! La faire attendre de la sorte! Heureusement que son désir était assez fort pour la résigner à se tenir sage plus longtemps que prévu. D'ailleurs, elle ne guettait plus seulement la sortie d'une orine, mais également celle de son Petit Renard. En effet, cette dernière l'avait encore envoyé faire un tour de reconnaissance dans le village. Maintenant qu'il avait saisi qui était la grande dame de Maëlith, il pouvait porter ses petits yeux fouineurs sur elle et surveiller ses gestes. Seulement, cela faisait plusieurs minutes que le génie ne l'avait pas vu revenir. Qu'est-ce que cela signifiait? Honteux! Dès qu'il reviendrait, Cyanide comptait bien lui passer un savon. Mais il fallait attendre, attendre encore et encore jusqu'à....

Tiens? Un bruit dans les broussailles? Cyanide - qui rappelons-nous ressemblait présentement à un homme plutôt bourru - se retourna brutalement, en faisait d'énormes gros yeux plutôt terrifiants. Là, le petit museau de son camarade daigna enfin se montrer, mais il sursauta quand il vit sa maîtresse. Décidément, il ne s'y ferait pas à ce physique là. Oh non! Il préférait de loin celui de son apparence la plus douce. S'avançant alors vers elle, un peu penaud, il tenta alors d'expliquer dans son langage ce qu'il savait. Nouvelle note : Cyanide était capable de comprendre le langage des animaux, raison pour laquelle les glapissements incompréhensibles du renard possédaient du sens pour le génie.

" Elle a bougé dis-tu? Baaaa bravo! Qu'elle information! Encore heureux qu'elle se mouvoit! Je ne veux pas d'une orine impotente! Ho! Je vois... Une autre orine? Deux pour le prix d'une dite donc! Mais je n'ai que faire de la plus jeune, moi c'est la grande que je veux... Elles viennent à l'entrée? Pourquoi ne l'as-tu pas dit plus tôt!!! Parfait! "

Tout aussi vite, l'attention du génie se retourna vers l'entrée du village qu'elle scrutait déjà depuis plusieurs heures maintenant. Et enfin la providence fut de son côté. Mon dieu quelle belle apparition! Elle était là! SON orine! Une belle femme digne d'elle! Elle lui donnait au moins l'impression d'avoir de la prestance - bien que sans doute un peu trop maternelle à son goût puisqu'elle chaperonnait les autres filles. Bon, certes, il s'agissait sans nul doute de son devoir de grande maîtresse des lieux mais dans l'immédiat, cela lui empêchait une confrontation directe.... ou pas tout à fait.

Voilà que la gamine s'en allait! Mais qu'elle était lente!! Pourquoi ne marchait-elle pas plus vite!!! L'orine qu'elle voulait - heureusement - semblait toujours là. Elle aussi attendait... mais quoi? Cyanide était persuadée qu'il y avait finalement quelque chose de louche. Normalement, ne serait-elle pas simplement repartie dans ses quartiers? Au lieu de cela, cette dernière préférait prendre ses aises de manière imprudente dans les herbes folles du coin. Bravo la grande maîtresse! Belle exemple pour ses congénères! Toutefois, si quelque part le génie était plutôt enthousiaste à l'idée que cela représentait une occasion formidable pour elle de tenter une approche, elle se doutait aussi qu'elle devrait être sur ses gardes d'une manière ou une autre. Avait-elle peur? Bien sûr que non! Voyons elle était un génie sans scrupules, si elle était effrayée, cela serait particulièrement mauvais pour ses propres affaires.

" Petit Renard! Il est temps de foncer sur notre proie!! "

Se flattant alors les joues comme pour se donner du courage - ce qui était assez cocasse était que ce geste était plutôt féminin et en parfait contraste avec ces gros muscles - elle sortit afin de l'ombre. Mains dans les poches, l'esprit serein, Cyanide opta pour une approche simple et plutôt culottée. Portant alors ses yeux bleus masculins sur la fine silhouette de l'orine, la jeune femme ne passa pas par quatre chemins pour entamer la conversation.

" N'est-il pas imprudent pour une jeune femme se rester à découvert de la sorte? Il existe tellement de prédateur curieux de nos jours. "

Un étrange sourire se dessina sur le visage tanné du jeune homme.

" Mais rassurez-vous, je ne suis pas de cela. Par contre, je plaide coupable pour ma curiosité.... et j'espère ne pas vous déranger, ni de vous paraître trop cavalier dans mon comportement. "

Soyons gentleman! Enfin... tentons de l'être au possible!

Lily-Lune eut à peine le temps dans s'allonger que des bruits de pas parvinrent à ses oreilles. Ses lèvres couleur sang s'étirèrent doucement en un petit sourire satisfait et amusé. Elle se doutait bien qu'il ne pouvait s'agir que de l'étrange rôdeur qui traînait dans les parages depuis quelques temps déjà, elle avait laissé des instructions assez claires aux Orines, le temps qu'elle s'occupe de cette drôle d'affaires, et il aurait été surprenant que l'une tente de braver l'interdiction de sortir. Elles étaient trop froussardes pour ça. Et ce pas ne lui était guère familier, alors qu'à force de vivre avec les mêmes demoiselles, elle savait les reconnaître à leur démarche. C'est pourquoi la jeune femme se releva aussi sec, dans un mouvement élégant et lent, sans même prendre la peine de se retourner pour avoir à qui elle avait à faire. Un vent frais balayait la plaine, et envoyait valser la si longue chevelure noire de l'Orine, qui dansait tout autour d'elle tandis qu'une voix s'éleva dans les airs. La patience ne devait pas être le fort de cet homme, et les raisons de sa présence ici semblaient évidentes. Il n'avait pas attendu une minute de plus pour aller à la rencontre de la Vénus, alors qu'elle venait tout juste de sortir seule. Lily poussa un petit soupire à peine inaudible, exaspérée. L'avidité pouvait être un fléau, et les rumeurs concernant la Chef des Orines allaient de bon train, ces derniers temps. Il était aisé de relier les deux.

Une voix d'homme à n'en pas douter se fit entendre. Lentement, Lily-Lune se retourna pour faire face à l'inconnu, un léger sourire aux lèvres, qui pouvait presque sembler amical. Pourtant, elle poignardait de ses immenses yeux noirs son mystérieux interlocuteur du jour. La jeune femme demeura quelques instants muette, laissant son regard glisser sur le visage usé de l'homme qui avait un côté assez effrayant. Grand et massif, ce n'était guère le genre d'individu qu'on aurait l'idée d'importuner. Enfin, pour les personnes à la psychologie saine et normale. L'Orine dit de sa voix douce et claire d'un ton pourtant assez ironique et cynique :

« Je n'ai rien à craindre, en ces lieux, et au pire des cas, je suis tout à fait à même de me défendre par moi même.»

Certes, ce n'était pas par la force brute qu'elle remportait ces victoires, mais plus avec la tactique, l'intelligence et la magie, dont elle ne manquait pas. Malgré son apparence frêle et charmante, elle pouvait se révéler redoutable. Mais c'était un secret.

« Vous devriez plutôt vous inquiéter pour vous. Les hommes aux mauvaises intentions ne sont guère les bienvenues dans les parages.»

Elle passa distraitement une main dans ses longs cheveux qui volait au vent, pensive.

« Les curieux prédateurs ne sont pas toujours ceux qu'on croit.»

Après tout, puisque la politesse et les convenances semblaient être écartées de cette conversations où primait le direct et le toupet, Lily-Lune aussi décida de ne pas tourner pendant des heures autour du pot et d'entrer rapidement dans le vif du sujet.

« Concrètement, que faites-vous dans les parages ? Jamais personne ne vient à Maëlith sans arrière pensée.»

Fallait-il prévenir que la réponse pouvait être décisive pour son avenir?

Cyanide faisait de son mieux pour adopter une attitude masculine. Est-ce que cela faisait bel illusion? En un sens oui, mais il fallait avouer qu'elle ne se plaisait que rarement dans le jeu du sexe opposé. Cependant, c'était bien mal connaître ses talents de comédienne, sinon elle serait un très mauvais génie et elle se le refusait. Ce fut donc ainsi, en roulant des mécaniques tout en tentant de rester séduisante, que la jeune femme jouait le jeu. Il fallait qu'elle gagne la confiance ou la curiosité de cette orine. Est-ce qu'elle pourrait la duper? Son égo aimerait bien que pareille chose arrive, mais peut-être serait-elle déçue si elle y parvenait facilement. De plus, n'étions-nous pas en train de parler de la grande reine des Orines? Cyanide ne pouvait imaginer qu'il s'agisse d'une écervelée. Elle visait haut et elle espérait ne pas s'être trompée dans son choix et son ambition.

" Que d'assurance dans cette affirmation! Et je ne me permettrais pas de douter de votre force pour vous défendre. En tout cas, si vous dites ne rien craindre ici, c'est que ce lieu doit vous être bien familier. Seriez-vous par hasard une de ces demoiselles que l'on nomme Orine? J'espère ne pas le supposer trop vite, car je crois me trouver devant leur village n'est-ce pas? "

Ce fut alors que le visage un peu bourru de l'étrange personnage se tourna alors en direction de Maëlith. Feignait-elle l'innocence? Sans nul doute pas, seulement autant d'ironie que celle qui se tenait devant elle. Voilà une bien belle camarade de jeu.

Lorsque cette dernière prononça alors un conseil aux allures d'avertissement, Cyanide ne put retenir un sourire qui s'élargit au fur et à mesure qu'elle parlait. Décidément! Ce caractère, cette fougue, cette assurance! C'était indéniable! Cette orine était faite pour elle, surtout qu'elle présentait des qualités bien digne de sa personne illustre.

" Les hommes aux mauvaises intentions sont bien nombreux, je vous le concèderais sans problème. Je pourrais même vous avouer que j'eus fait partie de cela il y a quelques années. Mais avec le temps, nous gagnons en sagesse et je peux me vanter aujourd'hui de ne plus faire partie de ceux qui sont de la trempe des mauvais. Par contre, en espérant que cela ne paraisse pas trop vaniteux de ma part, je peux aussi vous assurer que je suis le genre de gaillard capable de se défendre. Certes modestement, mais assez pour rester en vie en tout cas. "

Les dents de son sourire se cachèrent alors bientôt derrière ses lèvres épaisses. Et même si le personnage n'avait physiquement rien de gracieux, on ne pouvait nier qu'il dégageait une étrange aura. Mais vous me direz, était-ce vraiment l'homme ou le génie qui se cachait derrière? En tout cas, qu'importe l'habile mensonge qu'elle conta pour dorer le blason de son apparat, elle ne comptait pas en faire dans sa prochaine réponse.

Oh! Combien d'individus avaient dû ardemment désirer posséder une orine? Combien voulait une femme à ses côtés? Par amour ou esclavage? Mais Cyanide était bien loin de tout cela, bien loin de ses désirs dérisoires à ses yeux... non, ses desseins étaient d'un tout autre niveau.

" Je n'ai aucune arrière pensée. Je suis ici pour ce que vous savez déjà. Je ne cacherais pas mon désir. Je souhaite donner un coup de pouce au destin plutôt que d'attendre que le hasard emmène une de ces jeunes femmes sur mon chemin. Quoi de mieux que de se rendre directement ici? "

Toujours mains dans les poches, le regard malin, elle pointa ses yeux dans ceux de la jeune femme, presque par défi... mais c'était aussi une manière de bien noter la sincérité des propos qui allaient suivre.

" Je ne suis pas comme tous les impudents qui viennent ici. Mes intentions sont bien différentes. Je suis un original qui ne sait que trop qu'il possède une vie mortelle, courte, et insignifiante. Je ne désire pas céder non plus à la facilité et la malhonnêteté en devenant un être altéré. Je parle par là des vampires et autres races étranges. Mais aussi piteuse soit ma vie, je tiens à la mener jusqu'au bout, mais je ne veux pas de fin définitive. C'est pour cela que j'aimerais gagner une part d'éternité grâce à une orine. J'ai ouï dire que le lien qui unissait ces jeunes femmes à leur maître était-elle qu'à travers elle, ce dernier pouvait renaître à sa mort. Et c'est ce que je recherche. Je ne souhaite pas les asservir, ni les priver de leur liberté. Je souhaite que l'une d'entre elles puisse m'aider à accéder à un autre état, à une seconde chance si je venais à mourir. Bref, qu'elle puisse devenir celle qui me permettrait d'échapper à une fin pathétique. "

Les mots coulaient avec étonnement d'aisance dans la bouche du malotru, prouvant de plus belle qu'il n'était visiblement pas un simple péquenaud. En attendant, il se permit de rajouter un petit détail qui prouvait qu'il ne cherchait pas n'importe qui.

" Je ne souhaite pas non plus trouver n'importe quelle femme. Après tout, en un sens, c'est un peu comme si je cherchais ma prochaine maman, non? Hahaha! "

Un rire grave s'échappa du jeune homme. Au moins, il semblait posséder le sens de l'humour.

Lily-Lune haussa délicatement ses fins sourcils noirs tandis que ses lèvres rouges ensanglantées se peignaient d'une petite moue perplexe et peu convaincue. Elle était face à un réel problème qu'était cet étrange personnage à l'allure décalée qui avait l'arrogance de venir quémander jusqu'aux portes de Maëlith une Orine à son service. Quoiqu'il en soit, il disait plus ou moins vrai, sur certains points du moins. Sa démarche n'était pas si inédite, bien au contraire, il était loin d'être le premier à s'aventurer jusqu'ici pour trouver l'objet de tout ses désirs, mais ce qui l'était déjà plus était de venir seul, et non accompagné par tout un bataillon prêt à raser le village par rage de n'obtenir satisfaction. Pensive, la Vénus laissa quelques longues secondes s'écouler dans le silence léger de la symphonie de la nature, tandis qu'elle contemplait de ses grands yeux noirs l'homme face à elle.

« Je suis navrée, mais vous risquez d'être déçu, car venir jusqu'ici n'est que perte de temps. A Maëlith ne se trouve que les jeunes Orines que je m'emploie à éduquer avec les Muses jusqu'à ce qu'elles aient l'âge d'avoir un maître et les capacités nécessaires pour créer le Lien, et les Anciennes qui reviennent après la mort de leur maître, et qui sont donc enceintes ou mères, et qui ne peuvent recréer le pacte. Ainsi, personne ici ne peut vous proposer une énigme, et sans celle-ci, pas de Lien. Votre voyage est donc voué à l'échec.»

Avec une espèce de compassion teintée d'une pointe d'amusement et de cynisme, elle sourit à cet étranger de toute évidence déterminé. Lily-Lune avait toujours eu ce don, celui de mentir en ne disant que la stricte vérité, souvent en omettant deux ou trois détails, comme en l’occurrence, la banale précision qu'il y avait bien une femme en ces lieux disposée à prononcer la devinette tant attendue, mais que puisqu'il ne s'agissait que de son humble personne, il ne risquait pas de parvenir à ses oreilles la douce mélodie de la victoire.

« Je vous accorde que vous êtes bien renseigné sur les miennes, seulement, vous auriez dû faire des recherches approfondies et ne pas vous cantonner aux bienfaits que nous pouvons apporter, mais aussi des conditions. Vos intentions, quant à elles, ne sont guère différentes des habituelles. Ou tout du moins, des puissants de ce monde, animés par une volonté de survie. Vous restez égoïste et je ne peux vous applaudir, vous n'êtes pas plus louable qu'un autre. » Pervers sadiques écartés, bien entendu. Dans un petit rire clair, elle ajouta :

« Et non, ce n'est pas exactement une future maman que vous voulez, ou du moins, que vous aurez. Le Lien est bien plus fort que cela, plus profond et complexe, et il n'y a rien de maternelle là-dedans. Cela relève d'un amour dévoué, et ce peu importe le maître. C'est une histoire de confidence parfois involontaire, car votre Orine sera capable de percer le moindre de vos secrets pour mieux servir et aider. Elle saura tout de vous, vous ne pourrez rien cacher. Êtes-vous prêt à laisser quelqu'un percer ainsi votre âme ? »

Encore une fois, Lily-Lune ne faisait que lui prédire l'avenir, même si elle tournait les choses avec un certain élan de drame exagéré. Au fond, elle souhaitait l'effrayer pour qu'il fasse demi-tour sans broncher. Malgré qu'il semble assez honnête, il n'en était pas moins une menace et la jeune femme ne voulait guère le laisser entrer dans le village. Et s'il tentait quoique ce soit, elle était prête à réagir avec toute la violence magique qu'elle pouvait. Les hommes étaient imprévisibles, et elle ne ferait courir aucun risque à son peuple.

« L'Orine de vos rêves est très certainement en train de voguer dans une Cité. C'est là-bas que vous devriez aller la chercher. Pas ici. Il n'y a que des novices et celles qui se sentent briser d'avoir perdu l'être aimé.»

Elle s'était soudainement faite plus sérieuse, bien qu'un léger sourire continue à étirer ses lèvres, certainement plus par politesse qu'animé de véritables sentiments.